le numérique change-t-il la donne

Frédéric Charles, Directeur Stratégie et Gouvernance SI de la Lyonnaise des Eaux et ... Les organisations doivent veiller à avoir les bons leaders leur permettant de ... L'e-leader se révèle compétent1 à la fois dans le management des aspects ...
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Du leadership au e-leadership : le numérique change-t-il la donne ? Compte-rendu de la conférence organisée en partenariat avec le CIGREF et en coordination avec le groupe La Poste le 23 septembre 2013

Intervenants : Nils Fonstad, Directeur associé du Lab de l'INSEAD, pilote du projet européen Vision sur la définition des compétences liées à l’e-leadership Sylvie Joseph, Directrice transformation numérique de La Poste Frédéric Charles, Directeur Stratégie et Gouvernance SI de la Lyonnaise des Eaux et évangélisateur Entreprise 2.0 pour Suez Environnement Pascal Dasseux, COO de Havas Media Alexandre Malsch, DG de Melty précédemment le plus jeune membre du CNN. Matthieu Lamarre, Directeur de la communication du MODEM

Quelles compétences pour l’e-leader ? « Les organisations doivent veiller à avoir les bons leaders leur permettant de créer de la valeur avec les technologies numériques : des e-leaders » Nils Fonstad , Directeur associé du eLab de l'INSEAD

Les technologies numériques, de la communication et de l’information, sont de plus en plus utilisées par les entreprises pour innover et conquérir de nouveaux marchés. Pour cela leurs dirigeants doivent être à l’aise :  

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sur le métier d’entrepreneur (connaissance du produit, maitrise du marché et…), sur la fonction de manager (pour le pilotage de l’entreprise, la gestion des équipes etc…), ayant un charisme et du leadership, mais aussi une bonne maîtrise des outils numériques pour innover et faire avancer l’entreprise dans une économie numérique qui accélère.

Figure 1: e-leadership L’e-leader se trouve à la croisée de toutes ces (source INSEAD eLab 2013) fonctions. Avec une appétence particulière pour son métier, son business, mais aussi pour les « choses » technologiques et numériques, il apparait comme providentiel pour les entreprises qui voient dans le numérique le moyen d’innover et de conquérir de nouveaux marchés mais aussi l’opportunité de transformer leur organisation pour la rendre plus efficace et performante.

L’e-leader se révèle compétent1 à la fois dans le management des aspects essentiels de son secteur d’activité et de l’organisation du travail mais aussi dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ces compétences peuvent se représenter sous la forme d’un T :

Figure 2: T-shaped portfolio of skills (source INSEAD eLab 2013)

 où la barre horizontale représente les compétences nécessaires au développement de l’organisation. Ce sont des compétences essentiellement transverses à l’organisation qui concernent : - le développement des organisations, - la gestion du changement, - l’innovation, - le développement de visions stratégiques, - la mise en œuvre de relations avec l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise, - la mise en œuvre d’expérimentations avec tous les acteurs, etc.  le pied du T représente des compétences verticales, en silos, plus spécifiques à l’usage et la maîtrise des outils numériques et IT, les services qu’ils permettent d’offrir et la relation client à mettre en place sur son secteur.

Un besoin de plus en plus important En dépit de la crise les effectifs des informaticiens n’ont pas diminué, ils ont même globalement augmenté de 3% par an. L’innovation et les technologies numériques se développant de plus en plus dans les entreprises, la demande en e-leaders va devenir très importante en Europe. Elle est évaluée à environ 700.000 personnes2 sur l’ensemble des secteurs d’ici 2015. 70 % des besoins provenant des petites et moyennes entreprises. Il est donc nécessaire de lancer toute une série d’actions pour former les futurs e-leaders et ainsi répondre à une demande qui ne fait que s’accroitre. Ces actions s’inscrivent pour partie dans la « Grande Coalition » lancée en mars 2013 par Manuel Baroso, initiative européenne ayant pour objectif de construire des liens solides entre toutes les parties prenantes du numérique, pour rapprocher la formation et l’entreprise, les gisements de compétences et les besoins du marché, les professionnels de l’IT et l’innovation, pour valoriser l’esprit entrepreneurial dans le domaine du numérique en Europe, l’insuffler dans les écoles et formations et sensibiliser les jeunes à répondre aux nouveaux défis qui s’annoncent. Bref former les e-leaders de demain ! Les scénarios étudiés dans le cadre du projet européen Vision, d’évolution de l’offre et de la demande montrent : 1. Que même si la crise a eu un impact fort sur la demande et l’offre, le redémarrage de la demande a été rapide et véloce. 2. Que si des mesures sont prises pour former les futurs e-leaders l’écart entre la demande et l’offre peut à être comblé et ainsi permettre à l’économie numérique européenne de se développer efficacement et rattraper son retard sur la scène mondiale.

1

Données issues du projet européen Vision sur la définition des compétences liées à l’e-leadership

2

Source Commission Européenne

3. A contrario, sans mesure, l’écart se maintiendra, la demande étant toujours forte mais non comblée, les entreprises seront alors désavantagées dans une économie numérique mondiale.

La bonne nouvelle est qu’il y a déjà des initiatives3 qui ont été lancées et desquelles on a tiré des recommandations. Les facteurs clé de succès identifiés sont :    

Faire prendre conscience aux entreprises de la valeur stratégique des compétences numériques Suivre de manière précise la demande et l'offre en compétences numériques et proposer des actions en conséquence Développer les compétences numériques des nouveaux entrants dans l’entreprise et des travailleurs existants Mettre en œuvre les e-compétences dans l’entreprise pour tout travail

Quel exercice de l’e-leadership par les dirigeants ? Si à l’époque du « real time data », il n’est pas pensable qu’un dirigeant ne soit pas dans le numérique, peu de dirigeants du CAC 40 sont encore aujourd’hui sur Twitter et les réseaux sociaux. Or la technologie numérique est de plus en plus présente dans l’écosystème des entreprises. Il faut savoir la maitriser pour comprendre ce que font les concurrents, la valeur des pépites du web, les nouvelles PME etc. et pouvoir, au final, conclure des alliances stratégiques créatrices de business. « L’e-leader est un entrepreneur « IT savvy » qui maîtrise la technologie » Pascal Dasseux, COO de Havas Media

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Microsoft IT Academy; SAP University Alliance; IBM Service Science; Oracle Academy ; Malta eSkills Alliance and MITA; IT-vest & Aarhus School of Business (Danemark); CEFRIEL at the Fondazione Politecnico di Milano (Italie); Innovation Value Institute at NUI Maynooth (Irlande); Learning factories at Aalto University (Finlande); Petroleum Learning Center (Russie); Foundation Degrees (UK) ; Apps for Good (UK); Junior Achievement Young Enterprise Europe

Un dirigeant doit regarder sa concurrence et son environnement par le prisme des outils numériques. Le développement de ses compétences en e-leadership est donc nécessaire pour pouvoir expliquer et insuffler une vision, définir une stratégie business et accompagner la transformation numérique de son entreprise. Essentiellement utilisés en entreprise pour un usage business, comme le mail en son temps, les outils numériques bousculent les hiérarchies et poussent à la mise en place d’organisations où l’échange d’idées peut se faire de manière transversale à l’entreprise : des communautés où tout le monde est autorisé à avoir des idées ! Pour le dirigeant e-leader, culturellement, partager est donc très important, mais de manière professionnelle, ouverte et honnête. Le management traditionnel reposait sur le légal et l’humain, le numérique y ajoute la dimension technologique en créant un nouveau levier d’action et de suivi pour l’entreprise. Un management « numérique » dans lequel l’e-leadership prend toute sa place est l’un des points clés de la transformation numérique des entreprises. « Les outils sociaux permettent de rencontrer des gens qui ont les mêmes besoins et de démultiplier la capacité d’apprentissage. Ils fonctionnent sur le principe du « Je donne donc je reçois ». L’interaction est donc essentielle » Frédéric Charles Directeur Stratégie et Gouvernance SI de la Lyonnaise des Eaux et évangélisateur Entreprise 2.0 pour Suez Environnement

« Il n’y a pas de différence dans la nature du leader et de l’e-leader. Dans les deux cas, il s’agit de façonner une image, d’entraîner, de faire adhérer et de développer ses collaborateurs. Dans ce cadre, les médias sociaux n’ont rien changé. Le rôle du leader n’a pas changé. En revanche, les outils permettent l’ubiquité et de toucher beaucoup plus de monde » Sylvie Joseph, Directrice transformation numérique de La Poste

Ces outils sont en transformation perpétuelle et nécessitent un suivi et une adaptation permanente. Bien qu’à la base ce soient des outils informatiques, ils s’adressent avant tout à tous, permettent de relier les gens et d’atteindre de nouveaux espaces jusque-là inaccessibles. Dans leur usage, ils fonctionnent sur le principe du « Je donne donc je reçois » et utilisent la confiance comme vecteur de développement.

Et les dirigeants politiques ? Du côté des hommes politiques, la révolution est aussi en marche. Il est vrai que le terrain est favorable car les hommes politiques avaient déjà un rapport particulier au public et au citoyen. Certes, les hommes politiques n’ont peut-être pas d’avance dans la pratique, mais ils sont pleinement conscients qu’il faut y aller, et vite. Et pour cela, il faut pratiquer et « mouiller la chemise », agir dans la durée et adopter les codes de chaque réseau social. Twitter par exemple change le mode de dialogue : il est difficile de faire de la langue de bois en 140 signes. « Le soutien numérique au politique n’est pas évident, « liker » sur Facebook est trop visible auprès des amis et de son écosystème personnel. En France on hésite donc à l’utiliser pour ne pas trop se dévoiler. »

En 2007, c’était les bloggeurs qui assuraient le lien entre le public et l’homme politique. En 2013, le lien devient direct grâce aux réseaux sociaux entre le candidat et les citoyens et entre les équipes de campagne et les citoyens.

Matthieu Lamarre Directeur de la communication numérique du MODEM

Si de nombreux hommes politiques animent leurs propres réseaux, seuls ou avec une équipe, en revanche, les partis

politiques semblent en retard pour utiliser les médias sociaux en matière de communication. Il est important de distinguer la parole de l’homme politique de celle de son équipe. Le respect d’une charte expliquant qui fait quoi est un élément important de la confiance qui lie le politique au citoyen dans une société numérique.

« Twitter c’est comme une grande rivière, tu mets la main dedans et tu récupères des gouttes d’info » DG de Melty, précédemment le plus jeune membre du CNN

Aujourd’hui, le tissu économique et politique est en train d’adopter les outils numériques et les dirigeants doivent être sur les médias sociaux au risque de perdre leur leadership. L’e-leader se distingue des leaders et managers traditionnels par un usage des outils numériques qui rend indispensable son implication personnelle dans le partage et la relation aux autres, avec les clients, les partenaires, les collaborateurs, les citoyens. Son positionnement et son savoir-faire changent et évoluent et il doit maîtriser cet équilibre entre une identité numérique de marque (entreprise, politique) et son identité numérique personnelle.

Frédéric LAU Octobre 2013