Le dialogue entre la recherche et la pratique en éducation : une clé

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués. Le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport,. Jean-Marc Fournier. Québec, mars ... Marie-Josée Larocque, Bruno Bérubé,. Mélanie Julien ...... et collective de développement professionnel» (Martinet, Raymond et. Gauthier, 2001, p.
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S U P É R I E U R

SUR L’ÉTAT ET LES BESOINS DE L’ÉDUCATION 2004-2005

LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : une clé pour la réussite

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É D U C A T I O N

Vous pouvez consulter ce rapport annuel sur le site Internet du Conseil supérieur de l’éducation : www.cse.gouv.qc.ca ou sur demande au Conseil supérieur de l’éducation : > par téléphone : (418) 643-3851 (boîte vocale) > par télécopieur : (418) 644-2530 > par courrier électronique : [email protected] > par la poste : 1175, avenue Lavigerie, bureau 180 Sainte-Foy (Québec) G1V 5B2

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MONSIEUR MICHEL BISSONNET PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE HÔTEL DU GOUVERNEMENT QUÉBEC

Monsieur le Président,

Conformément à la Loi (L.R.Q., c. C-60, article 9, alinéa c), je vous transmets le rapport annuel du Conseil supérieur de l’éducation sur l’état et les besoins de l’éducation pour l’année 2004-2005.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.

Le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport,

Jean-Marc Fournier Québec, mars 2006

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MONSIEUR JEAN-MARC FOURNIER MINISTRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT HÔTEL DU GOUVERNEMENT QUÉBEC

Monsieur le Ministre,

Conformément à la Loi (L.R.Q., c. C-60, article 9, alinéa c), je vous présente le rapport annuel du Conseil supérieur de l’éducation sur l’état et les besoins de l’éducation pour l’année 2004-2005.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Le président,

Jean-Pierre Proulx Sainte-Foy, décembre 2005

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Créé en 1964, le Conseil supérieur de l’éducation est un organisme gouvernemental autonome, composé de 22 membres issus du monde de l’éducation et d’autres secteurs d’activité de la société québécoise. Il a pour mandat de conseiller le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport sur tout ce qui concerne l’éducation, de la petite enfance à l’âge adulte. Le Conseil compte aussi cinq commissions correspondant à un ordre ou à un secteur d’enseignement : primaire, secondaire, collégial, enseignement et recherche universitaires, éducation des adultes. Il peut solliciter des opinions, recevoir et entendre les requêtes et suggestions du public en matière d’éducation, et faire effectuer les études et recherches nécessaires à la poursuite de ses fins.

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Le Conseil a confié la préparation de ce rapport annuel à un comité composé de : DAVID D’ARRISSO Président du comité Étudiant au doctorat en administration de l’éducation, Université de Montréal Membre du Conseil

FRANCE BILODEAU Directrice Direction du recrutement, Télé-Université Membre de la Commission de l’éducation des adultes

YVON BELLEMARE Directeur à la retraite École institutionnelle St-Jacques et de la Jeune Relève, Commission scolaire de l’Énergie Membre de la Commission de l’enseignement primaire

CLAUDE GIRARD Directeur adjoint, école primaire Commission scolaire des Premières-Seigneuries Membre de la Commission de l’enseignement secondaire

SOPHIE DORAIS (jusqu’en septembre 2004) Conseillère pédagogique Service de la recherche et du développement, Cegep@distance Membre du Conseil

CLAUDE LESSARD Professeur titulaire Faculté des sciences de l’éducation, Université de Montréal Membre du Conseil

THÉRÈSE HAMEL Professeure Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval Membre de la Commission de l’enseignement et de la recherche universitaires

LISE ST-PIERRE Membre du Groupe de recherche-action de PERFORMA (GRA), Membre du Centre d’études et de recherche en enseignement supérieur (CERES), Université de Sherbrooke

MICHEL TOUSSAINT (à partir de septembre 2004) Directeur général à la retraite Cégep de La Pocatière Membre du Conseil

JEAN-FRANÇOIS LEHOUX Coordonnateur du comité

COORDINATION Jean-François Lehoux Coordonnateur du Comité du rapport annuel

RÉDACTION Jean-François Lehoux avec la collaboration d’appoint de Francesco Arena, directeur des études et de la recherche

RESPONSABLE DES CONSULTATIONS Marie-Josée Larocque

RECHERCHE Jean-François Lehoux Marie-Josée Larocque, Bruno Bérubé, Mélanie Julien, Guylaine Doré et Carol Gilbert, agents de recherche ; ainsi que la collaboration de David Harvengt et Johnson & Roy Inc., consultants

SOUTIEN TECHNIQUE Au secrétariat : Myriam Robin À la documentation : Patricia Rehel et Francine Vallée À l’édition : Céline Dubois À la révision linguistique : Isabelle Tremblay

CONCEPTION GRAPHIQUE ET MISE EN PAGE Bleu Outremer Rapport adopté à la 543e réunion du Conseil supérieur de l’éducation le 21 octobre 2005. ISBN : 2-550-46155-X Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec, 2006 Bibliothèque nationale du Canada, 2006 Le générique masculin est utilisé dans le seul but d’alléger le texte. La reproduction est autorisée à condition de mentionner la source.

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TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION

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CHAPITRE 1 DÉVELOPPEMENT ET POINTS DE RENCONTRE DE LA RECHERCHE, DE LA PRATIQUE ET DE L’INNOVATION EN ÉDUCATION

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1.1 La recherche en éducation : développement et ouverture sur la pratique éducative 7 1.1.1 Les années 60 et 70 : essor de la recherche en éducation 9 1.1.2 Les années 80 : diversification de la recherche en éducation 13 1.1.3 Les années 90 : ouverture sur la pratique éducative 14 1.2 Le métier d’enseignant : d’une pratique artisanale à une pratique professionnelle 1.2.1 L’émergence de la profession enseignante 1.2.2 La professionnalisation du métier d’enseignant

17 18 20

1.3 L’innovation en éducation : point de convergence entre la recherche et la pratique 1.3.1 Qu’est-ce que l’innovation ? 1.3.2 La notion d’innovation dans le domaine de l’éducation 1.3.3 Pour une définition de l’innovation en éducation

21 22 23 25

1.4 Le dialogue entre les savoirs d’expérience et les savoirs scientifiques : fonction d’interface

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1.5 Ce qu’il faut retenir

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CHAPITRE 2 LIENS ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : ÉTAT DE LA SITUATION

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2.1 La recherche nourrit-elle la pratique éducative ? 2.1.1 Le point de vue des enseignants du primaire et du secondaire : résultats d’une enquête 2.1.2 Le point de vue des enseignants du collégial

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2.2 Les interfaces entre la recherche et la pratique éducative 2.2.1 Les dispositifs 2.2.2 L’accompagnement des enseignants et la conseillance pédagogique

48 48

2.3 Le soutien de l’État à la recherche et aux pratiques innovantes en éducation : expériences et leçons 2.3.1 La situation québécoise 2.3.2 L’expérience de quatre pays : États-Unis, Royaume-Uni, France et Australie 2.4 Ce qu’il faut retenir

34 45

50 57 57 60 68

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CHAPITRE 3 ORIENTATIONS VISANT À ACCROÎTRE LA SYNERGIE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE ÉDUCATIVE

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ORIENTATION 1 Soutenir la recherche en éducation : un rôle nécessaire de l’État 1.1 Adopter une stratégie d’action globale et systémique 1.2 Accroître le financement de la recherche en éducation

74 75 77

ORIENTATION 2 Soutenir l’innovation en éducation : un chantier à développer et à mener à terme

80

ORIENTATION 3 Préparer les enseignants à la recherche : la formation initiale et la formation continue 3.1 L’enseignement primaire et secondaire 3.2 L’enseignement supérieur

81 81 84

ORIENTATION 4 Assurer l’accompagnement professionnel des praticiens afin de favoriser l’accès à la recherche et d’encourager les pratiques innovantes

85

ORIENTATION 5 Intensifier le transfert de la recherche et la diffusion des savoirs pratiques en éducation 5.1 La vulgarisation 5.2 La veille 5.3 Le réseautage 5.4 Le transfert

87 88 89 90 91

CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 Proportion d’enseignants qui disent avoir facilement accès à des sources d’information ou à des ressources physiques ou financières reliées à l’enseignement

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Tableau 2 Proportion d’enseignants qui accordent de l’importance aux sources d’information et aux moyens favorisant l’accessibilité, la diffusion et l’utilisation de la recherche dans les établissements d’enseignement

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Tableau 3 Sources d’information sur les résultats de la recherche en éducation que les enseignants consultent dans le cadre de leur travail

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Tableau 4 Principales raisons incitant les enseignants à utiliser l’information issue de la recherche universitaire en éducation

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Tableau 5 Proportion d’enseignants ayant assisté ou participé à des activités reliées à la recherche en éducation

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Tableau 6 Subventions et contrats de recherche accordés dans les universités du Québec, selon le domaine de recherche, le nombre de professeurs réguliers et l’effectif étudiant, 2001-2002

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Tableau 7 Ensemble des subventions et des contrats de recherche accordés en sciences de l’éducation et dans l’ensemble des domaines de recherche des universités québécoises pour les années 1992-1993 à 2003-2004

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LISTE DES FIGURES Figure 1 Participation à certaines activités reliées à la recherche selon le plus haut diplôme obtenu

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Figure 2 Sommaire des proportions de répondants selon les types de liens avec les résultats de la recherche en enseignement

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Figure 3 Lien entre le degré de rapprochement à l’égard de la recherche, l’utilisation de la recherche et la mise en place de nouvelles pratiques d’enseignement

44

Figure 4 Répartition des organismes et des dispositifs d’interface recensés

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Figure 5 Évolution des effectifs des conseillères et conseillers pédagogiques au Québec de 1981 à 2004

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GRAPHIQUE Évolution du montant des subventions et des contrats de recherche accordés en sciences de l’éducation de même que dans l’ensemble des domaines de recherche des universités québécoises pour les années 1992-1993 à 2003-2004

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ANNEXE Personnes entendues par le Conseil et le Comité du rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation

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INTRODUCTION

INTRODUCTION Dans le présent rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation, le Conseil supérieur de l’éducation fait le point sur les conditions susceptibles de stimuler l’émergence de lieux d’échange entre la recherche et la pratique en éducation. Il vise ainsi à accroître la synergie entre les savoirs d’expérience et les savoirs savants, afin de favoriser une meilleure utilisation de la recherche et de l’innovation en éducation ainsi que l’amélioration des pratiques éducatives. C’est pourquoi le Conseil a surtout centré sa réflexion sur la zone de convergence entre la recherche en éducation et la pratique éducative. En effet, la recherche en éducation et la pratique éducative sont des domaines distincts qui possèdent chacun leurs codes de référence, leur culture et leur mode de fonctionnement. L’indépendance dont jouissent ces champs d’activité, l’un par rapport à l’autre, contribue à alimenter le sentiment, parmi les acteurs concernés, que la recherche et la pratique seraient deux solitudes qui s’ignorent. Si le Conseil ne partage pas ce sentiment, il croit néanmoins nécessaire de s’interroger sur le type d’échanges qu’entretiennent les acteurs du domaine de la recherche avec ceux du domaine de la pratique. Les défis auxquels le système éducatif doit faire face sont nombreux et considérables : le besoin d’assurer la réussite du plus grand nombre et de diminuer le décrochage scolaire, la qualification de tous, l’intégration des jeunes en difficulté, la survie des écoles en région, etc. Dans un tel contexte, le Conseil est d’avis que la convergence entre la recherche et la pratique est porteuse de succès. Le Conseil estime aussi que pour stimuler l’innovation dans les pratiques, dans les curriculums ou dans les organisations, il est nécessaire d’intensifier les rapports qu’entretiennent les chercheurs et les praticiens. En plus de maintenir et d’améliorer le dialogue entre ces derniers, il faut voir à ce que les préoccupations et les besoins des uns rejoignent encore plus ceux des autres. Dans le présent rapport, le Conseil affirme sa conviction que les zones d’interface 1 ou les lieux d’échange entre la recherche et la pratique en éducation constituent des terreaux fertiles qui méritent d’être approfondis et développés. Le Conseil estime également que le développement et l’enrichissement de ces zones d’interface peuvent contribuer à l’essor et à la dissémination d’innovations durables, à la diffusion des résultats de recherche, à l’appropriation de ces résultats par les praticiens et, en bout de course, à l’amélioration des pratiques éducatives. De plus, la démarche du Conseil s’inscrit dans le mouvement de professionnalisation du métier d’enseignant. De fait, les transformations qui ont accompagné la reconnaissance professionnelle du métier d’enseignant rendent les interfaces plus nécessaires que jamais, tout en rappelant que le rapprochement des univers de la recherche et de la pratique doit se faire dans le respect de leurs compétences respectives et de leurs besoins. Le dialogue entre la recherche et la pratique de même que l’innovation en éducation sont des objets de préoccupation persistants dans la réflexion du Conseil. Il s’y est intéressé dans plusieurs de ses avis et de ses rapports annuels, et ce, au regard des divers ordres d’enseignement. Ainsi, dans son rapport annuel 1994-1995 sur l’état et les besoins de l’éducation, Vers la maîtrise du changement en éducation, le Conseil fait état de ses attentes à l’égard de la recherche en éducation. Il y affirme notamment sa conviction en ce qui concerne « le rôle que peut et doit jouer la recherche dans l’amélioration du système éducatif et le changement inhérent » (CSE, 1995, p. 69).

1 1. Le terme « interface » est surtout utilisé en informatique, où il désigne une jonction qui permet un transfert d’information entre deux ou plusieurs éléments informatiques. Dans le présent rapport, le terme « interface » est plutôt associé au mouvement de synergie et de transfert de connaissance entre les milieux de la recherche et ceux de la pratique.

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

Dans son rapport annuel 2000-2001 sur l’état et les besoins de l’éducation, La gouverne de l’éducation, logique marchande ou processus politique ?, le Conseil précise davantage sa pensée quant au rôle que doit jouer la recherche en éducation. Soucieux de stimuler l’essor d’une culture de recherche et de développement et bien enclin à rehausser l’intérêt pour l’innovation continue dans l’ensemble du réseau de l’éducation, le Conseil voit alors dans la recherche un outil de développement capable de favoriser la mise en place de pratiques mieux adaptées aux besoins éducatifs des élèves et des étudiants. Dans son avis L’organisation du primaire en cycles d’apprentissage : une mise en œuvre à soutenir, le Conseil exprime déjà le souhait que le personnel enseignant participe à la construction des savoirs éducatifs. Pour ce faire, le Conseil propose que les enseignants soient perçus comme des producteurs de connaissances pouvant émerger de leur réflexion sur leurs pratiques pédagogiques et sur leurs expériences (CSE, 2002b, p. 43). S’il est d’avis que le personnel scolaire doit prendre connaissance de la recherche et de ses résultats en vue de les réinvestir dans la pratique, le Conseil estime également que ce mouvement ne doit pas se faire à sens unique. « [L]es équipes doivent être appelées à fournir un apport à la théorisation des savoirs issus d’expériences pédagogiques. Il s’agit ici de transposer les savoirs de sens commun en savoirs savants » (CSE, 2002b, p. 42-43). S’inscrivant dans l’esprit d’un autre avis intitulé L’appropriation locale de la réforme : un défi à la mesure de l’école secondaire, le Conseil invite les enseignantes et les enseignants à participer activement à l’expérimentation et à la recherche associées à la réforme en cours. Selon le Conseil, cette démarche devrait permettre « d’éclairer l’ensemble des acteurs sur la pertinence des moyens proposés et leur efficacité en terme de réussite scolaire » (CSE, 2003a, p. 44). La recherche, la pratique et l’innovation en éducation ne peuvent ni ne doivent se concevoir isolément. Les interfaces ou les échanges entre ces trois dimensions sont utiles et nécessaires. Dans le contexte des mouvements de la réforme de notre système d’éducation, le développement de ces interfaces s’avère encore plus incontournable. Pour être pleinement efficaces, elles doivent être conviviales, reconnues et ouvertes à tous les acteurs des milieux de la recherche et de la pratique. Pour atteindre un tel niveau de convergence, il apparaît souhaitable que les praticiens informent les chercheurs des pratiques innovantes qu’ils ont mises en place ainsi que des nouvelles façons de faire qu’ils ont développées. Dans la même mesure, il est tout aussi souhaitable que les chercheurs offrent aux praticiens le plus large accès possible aux résultats de leurs recherches. Le Conseil a pu constater que l’innovation dans les pratiques d’enseignement constitue souvent l’aboutissement d’une démarche de rapprochement entre la recherche en éducation et la pratique éducative. Qu’il conduise ou non à des innovations pédagogiques, ce rapprochement ne peut qu’améliorer les pratiques. Cependant, pour être pleinement efficaces, les innovations dont la valeur aura été confirmée devront être rendues accessibles à un plus grand nombre de praticiens.

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INTRODUCTION

La réflexion du Conseil s’est articulée autour des questions suivantes : 1. Est-ce que les chercheurs en éducation prennent en compte, comprennent et utilisent les innovations et les savoirs issus de la pratique éducative ? 2. Est-ce que les praticiens connaissent, comprennent et utilisent les résultats de la recherche en éducation ? 3. Est-ce que les chercheurs et les praticiens disposent d’interfaces pour échanger sur l’innovation et établir des liens entre la recherche et la pratique ? Le Conseil a mené sa réflexion en s’appuyant sur une recherche documentaire, des enquêtes et des consultations. À la première question, il a donné une réponse qui repose essentiellement sur une recherche documentaire et un certain nombre d’entrevues avec des chercheurs et des praticiens. La deuxième question a fait l’objet d’une enquête auprès d’un large échantillon d’enseignants du primaire et du secondaire que le Conseil a menée conjointement avec le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE). Cette enquête a été enrichie par les propos recueillis à Québec, à Sherbrooke et à Montréal auprès de 20 directeurs d’écoles primaires et secondaires ainsi que de 31 enseignants du collégial qui ont participé à des groupes de discussion. Enfin, pour répondre à la troisième question, le Conseil a entendu des personnes, des groupes engagés ou des organismes qui ont pour objectif de faciliter les échanges entre la recherche et la pratique en éducation. Ces personnes et ces groupes ont été sélectionnés sur la base d’un recensement de plus de 175 regroupements, lieux, organismes, associations ou instruments de diffusion dont la mission prévoit, suscite ou permet l’existence d’une interface entre la pratique et la recherche en éducation. La dimension de l’accompagnement, qui est liée à celle de l’interface, est pour sa part illustrée par les résultats de trois enquêtes réalisées par des chercheurs des milieux universitaire et collégial auprès de conseillers pédagogiques du primaire, du secondaire et du collégial. Par ailleurs, si le Conseil s’est intéressé au rôle de la recherche et de l’innovation dans les pratiques d’enseignement à l’université, les données qu’il a pu recueillir sur ces dimensions sont trop incomplètes pour lui rendre justice. Les pratiques pédagogiques qui ont cours à l’enseignement universitaire diffèrent largement d’un domaine à l’autre. Pour faire état de la situation, il aurait fallu recueillir des données auprès des enseignants de chacun des domaines de recherche et d’enseignement universitaires, ce qui n’a pu être fait. C’est pourquoi l’enseignement universitaire comme champ de pratiques pédagogiques n’est pas abordé dans ce rapport annuel. Le présent rapport comporte trois chapitres. Le premier retrace tout d’abord l’histoire du développement de la recherche en éducation au Québec depuis les années 60. Il fait ensuite le point sur le mouvement de professionnalisation de l’enseignement. Enfin, il présente l’évolution de la notion d’innovation en éducation. Ce premier chapitre fait surtout ressortir le mouvement de convergence et le dialogue croissant entre ces trois domaines d’activité en éducation et apporte des précisions quant à leurs implications et à leurs incidences pour la pratique éducative.

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

Le deuxième chapitre présente l’état de la situation concernant trois dimensions de la recherche et de la pratique en éducation. La première section porte sur les attitudes et les perceptions des enseignants en ce qui touche l’accès aux produits et aux résultats de la recherche et leur utilisation dans la pratique enseignante. La deuxième section traite de la fonction d’accompagnement des enseignants dans l’appropriation des résultats de la recherche, cette fonction étant illustrée par le rôle particulier des conseillers pédagogiques comme intermédiaires entre le pôle de la recherche et celui de la pratique éducative. Dans la troisième section, on examine le rôle de l’État dans le développement et le soutien de la recherche et de l’innovation en éducation. En plus de faire le point sur l’engagement du gouvernement du Québec dans ce domaine, cette section offre un aperçu de la situation qui a cours dans quatre pays : les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Australie. Cette perspective internationale permet de mieux comprendre les forces et les limites de l’intervention de l’État dans le domaine de l’éducation. Enfin, le troisième chapitre propose cinq grandes orientations visant à accroître la synergie entre la recherche, l’innovation et la pratique en éducation afin de mieux répondre aux besoins du Québec en cette matière. Ces cinq orientations portent sur : 1. la nécessité d’un engagement ferme de l’État comme soutien au développement de la recherche et de l’innovation en éducation ; 2. le besoin de mieux connaître et de favoriser l’innovation en éducation au Québec ; 3. le besoin de formation des enseignants en matière de recherche en éducation ; 4. le besoin de renforcer l’accompagnement des enseignants dans l’appropriation de la recherche et de l’innovation ; 5. la nécessité d’intensifier le transfert de la recherche et la diffusion des savoirs pratiques en éducation.

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CHAPITRE

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DÉVELOPPEMENT ET POINTS DE RENCONTRE DE LA RECHERCHE, DE LA PRATIQUE ET DE L’INNOVATION EN ÉDUCATION Afin de mieux comprendre le contexte dans lequel évoluent actuellement la recherche et la pratique, ce premier chapitre retrace les principaux points tournants du développement de la recherche en éducation et de la pratique enseignante. Ce retour en arrière met en relief non seulement l’évolution de ces deux univers, mais aussi le besoin d’établir entre eux des liens plus intenses et des collaborations plus soutenues. On y montre notamment qu’en plus de la mise en place des programmes de formation des enseignants dans les différentes facultés d’éducation au Québec, c’est l’adoption de méthodes de recherche favorisant un rapprochement entre chercheurs et enseignants qui a permis au milieu de la recherche universitaire de consolider ses acquis et de s’intéresser davantage aux problèmes concrets de l’éducation, prenant ainsi la place qu’on lui connaît dans le giron universitaire. La recherche en éducation s’est également développée à l’extérieur des universités, notamment dans les cégeps naissants. On constate que les chercheurs dans les collèges ont vu la nécessité de développer la recherche en éducation pour implanter les nouveaux programmes d’études et pour améliorer la pédagogie et l’apprentissage. On y montre enfin que le métier d’enseignant a évolué dans le temps, qu’il fait de plus en plus appel à des connaissances et à des savoir-faire avancés qui méritent de s’appuyer sur les résultats de la recherche.

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

La recherche en éducation est un domaine d’activité relativement jeune qui s’est surtout développé et intensifié une fois ses assises posées, dans les années 60 et 70. Il faudra attendre les années 90 pour que le milieu de la recherche en éducation tire un plus grand profit de ses liens avec le monde des praticiens, au moment où leurs parcours respectifs commencent à s’entrecroiser. Cette convergence entre la recherche et la pratique se produit au moment où les sciences de l’éducation prennent leur place dans la communauté universitaire et que l’on offre une reconnaissance professionnelle à l’acte d’enseigner dans toutes ses dimensions, dont celle de la formation initiale. La section 1.1 propose un survol historique du développement de la recherche en éducation. Ce survol distingue trois grandes périodes : les années 60 et 70, qui correspondent à l’implantation et au déploiement de la recherche en éducation ; les années 80, axées sur la consolidation et la diversification, et enfin les années 90, qui relatent son ouverture croissante à la pratique enseignante et aux problèmes d’éducation. La section 1.2 porte, quant à elle, sur l’évolution de l’enseignement au Québec, plus particulièrement de l’enseignement primaire et secondaire. Elle permet de mieux comprendre le processus de « professionnalisation » du métier d’enseignant, ainsi que la nature des liens qui se sont progressivement établis entre les praticiens et les chercheurs en éducation. Cette section permet également de comprendre l’ouverture des praticiens au monde de la recherche, ce qui amène le Conseil, en fin de compte, à se demander si les enseignants connaissent, comprennent et utilisent les résultats de la recherche en éducation, une question qui obtiendra une réponse dans le deuxième chapitre. L’innovation est apparue comme un des points de convergence entre la recherche et la pratique en éducation. C’est pourquoi la section 1.3 définit le processus d’innovation en éducation et montre l’importance de susciter, d’étendre et de partager les innovations. Cette section illustre également ce processus avec deux exemples concrets où l’innovation est parvenue à stimuler les échanges entre la recherche et la pratique. La section 1.4 s’intéresse à la complémentarité et à la synergie des savoirs d’expérience et des savoirs savants. On souhaite souligner avant tout l’importance des interfaces entre la recherche et la pratique, mais aussi l’importance de maintenir les spécificités de ces deux domaines et des tâches complémentaires du chercheur et de l’enseignant. Cette section permet donc de faire état des convergences et des divergences entre les sciences de l’éducation et le caractère professionnel de l’enseignement.

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DÉVELOPPEMENT ET POINTS DE RENCONTRE DE LA RECHERCHE, DE LA PRATIQUE ET DE L’INNOVATION EN ÉDUCATION

1.1 LA RECHERCHE EN ÉDUCATION : DÉVELOPPEMENT ET OUVERTURE SUR LA PRATIQUE ÉDUCATIVE Pour favoriser la clarté du propos, il convient de définir ce qu’on entend par « recherche » et, plus spécifiquement, par « recherche en éducation ». De manière générale, la recherche se définit comme un processus systématique d’avancement des connaissances fondé sur la méthode scientifique. Elle se démarque des autres pratiques d’acquisition des connaissances par sa démarche méthodique qui lui procure l’objectivité nécessaire pour confirmer ou réfuter les hypothèses de travail. Renald Legendre, dans le Dictionnaire actuel de l’éducation, offre une définition de la recherche qui paraît tout à fait appropriée pour ce rapport annuel : Domaine ou ensemble d’activités méthodiques, objectives, rigoureuses et vérifiables dont le but est de découvrir la logique, la dynamique ou la cohérence dans un ensemble apparemment aléatoire ou chaotique de données, en vue d’apporter une réponse inédite et explicite à un problème bien circonscrit ou de contribuer au développement d’un domaine de connaissances (Legendre, 2000, p. 1068). Le Conseil est aussi d’avis que la recherche en éducation constitue un domaine d’activité qui appelle la participation des différents groupes d’acteurs concernés par l’éducation. Le principal critère qui permet de distinguer une démarche de recherche est le respect des règles et des méthodes reconnues par les chercheurs d’un domaine donné. Le lieu de réalisation de la recherche ou le statut de celui qui la conduit paraissent, en ce sens, plutôt secondaires. Si les universités sont les principales productrices de la recherche en éducation, elles ne sont pas seules pour autant. La recherche et les consultations menées par le Conseil lui ont d’ailleurs permis de constater qu’il se fait de la recherche, à différents degrés, à tous les ordres d’enseignement et que cette recherche est effectuée par différents groupes de professionnels au sein de divers organismes. Les enseignants et les professionnels des cégeps réalisent, eux aussi, de la recherche en éducation, plus particulièrement dans le domaine de la pédagogie. Présente depuis le début des cégeps, la recherche n’avait pas été prévue dans la tâche du corps professoral au moment de la création de ces établissements. Il faudra attendre l’année 1972 pour que le Programme d’aide à la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage (PAREA) du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) apporte un soutien structuré à la recherche pédagogique au collégial. Sans qu’elles deviennent une composante de la tâche des enseignants comme elles le sont à l’enseignement universitaire, les activités de recherche sont reconnues comme faisant partie des attributions des collèges depuis 1993 par la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel (L.R.Q., c. C-29, a. 6.0.1). Par ailleurs, sans pour autant bénéficier d’un soutien officiel de la part du gouvernement ou des organismes subventionnaires, certaines commissions scolaires mettent sur pied des unités de recherche. Lorsqu’elles prennent une telle initiative, elles doivent financer ces services de recherche à même leurs budgets. Par exemple, la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin (voir l’encadré) s’est dotée d’une unité qui offre des subventions de recherche au personnel enseignant et au personnel professionnel de ses écoles. Dans ce contexte, les structures mises en place et les budgets alloués par la Commission scolaire favorisent grandement la synergie entre la recherche et la pratique, créant un climat propice à l’émergence d’innovations pédagogiques.

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

En 1999, la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin a mené une large consultation qui a conduit à l’adoption de six orientations parmi lesquelles figure celle de « susciter et soutenir la recherche et le développement dans les différents champs d’activités pédagogiques, administratives et communautaires ». Pour donner corps à cette orientation, la Commission scolaire a réorganisé son service de la recherche et du développement. Dans la mesure où la capacité d’une organisation à s’améliorer repose en grande partie sur sa capacité à innover, le mandat du Service de la recherche et du développement de cette commission scolaire consiste à encourager et à soutenir l’amélioration des pratiques de chacun. Pour y parvenir, ce service contribue à l’essor de nouveau matériel et de nouvelles approches par la participation à des recherches, par la diffusion de résultats de recherche et par l’élaboration d’une réflexion prospective sur l’éducation. En plus des travaux qu’il entreprend en collaboration avec les ressources de la Commission scolaire et en partenariat avec des ressources externes, le Service de la recherche et du développement consacre prioritairement ses efforts à la sélection et au financement des projets soumis par les enseignants et les autres employés de la Commission scolaire. Les projets de recherche doivent habituellement répondre à des besoins exprimés dans les objectifs prioritaires de la Commission scolaire. Un appui humain et financier est prévu pour faciliter la démarche et une personne-ressource est associée au projet. C’est ainsi qu’un conseiller pédagogique, un conseiller d’orientation, un psychologue ou un gestionnaire accompagne le concepteur du projet sur le terrain, en ce qui a trait aux orientations pédagogiques, pour l’appuyer sur le plan de l’intervention ou de la méthodologie. Le Service de la recherche et du développement travaille également à favoriser des liens d’échange et de collaboration avec les autres commissions scolaires, les universités, le Ministère et les partenaires du milieu. Par cette collaboration, on cherche à stimuler les échanges concernant les résultats des recherches en matière de pédagogie, de didactique, d’apprentissage, de psychologie cognitive ou de technologies ou encore dans tout autre domaine de l’éducation. Le Service de la recherche et du développement agit donc comme un intermédiaire qui facilite l’accès à l’information, en répertoriant les données concernant la production d’innovations pédagogiques et les recherches réalisées au cours des dernières années et en agissant à titre d’agent de liaison entre les praticiens de l’enseignement et les chercheurs des universités, des commissions scolaires, du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ou du milieu.

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Avant même que soient mises en place les facultés des sciences de l’éducation dans les universités québécoises, le ministère de l’Éducation était le principal instigateur de la recherche en éducation. Dans les années 70, pendant la phase de développement de ces facultés, le Ministère a créé l’Institut de recherche pédagogique. La recherche gouvernementale, qui a déjà été beaucoup plus poussée qu’aujourd’hui, n’est pas nécessairement laissée pour compte. Ainsi, la plus grande partie de la recherche effectuée par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) est désormais axée sur la production d’indicateurs et de données statistiques sur l’éducation et la recherche universitaire. Le MELS concentre plutôt ses efforts sur le financement de la recherche et de programmes pour soutenir les chercheurs. Dans un avis publié en 2000, le Conseil de la science et de la technologie (CST) recommandait au gouvernement d’accroître la recherche gouvernementale en sciences humaines et sociales. Le CST estimait en effet que ce type de recherche était sous-développé au Québec comparativement à ce qui se fait dans les autres pays de l’OCDE (CST, 2000, 63 p.).

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Mené conjointement par le MELS et le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC), le Programme de recherche sur la persévérance et la réussite scolaires illustre le type de soutien qui est présentement offert à la recherche en éducation. Ce programme de subventions, qui est toujours en vigueur, a permis de soutenir 21 chercheurs, dont 13 qui avaient présenté un projet de recherche novateur. Les projets, qui seront réalisés de 2004-2005 à 2007-2008, auront pu bénéficier d’un soutien financier totalisant 2,6 millions de dollars. Ce programme vise le développement, la réalisation et la diffusion de recherches pertinentes sur la persévérance et la réussite de l’élève à tous les ordres d’enseignement ainsi que sur les facteurs individuels, sociaux, culturels, organisationnels et systémiques qui les influencent. Il a pour objectif d’assurer la disponibilité des données sur le sujet et de privilégier un élargissement des perspectives de recherche. Ce programme qui permet de financer les projets réalisés en partenariat avec le milieu de l’intervention s’inscrit tout à fait dans la logique d’interface soutenue dans ce rapport annuel. Les projets doivent notamment favoriser la création d’un partenariat entre le milieu de la recherche, le réseau de l’éducation, les organismes publics et les organismes communautaires. De plus, les projets doivent faciliter la diffusion, l’appropriation et l’application des résultats de recherche chez le personnel scolaire et les autres intervenants concernés. Ce sont là des exemples de la synergie qui se développe entre les milieux de la pratique et ceux de la recherche en éducation. Pour bénéficier d’un soutien financier, les projets soumis doivent explicitement répondre aux questions suivantes. Comment la demande présente-telle un caractère novateur par rapport à l’état actuel des connaissances ? Dans quelle mesure répond-elle à l’une ou à plusieurs des priorités de recherche ? Comment le caractère interdisciplinaire de l’équipe de recherche se formalise-t-il ? Comment la préoccupation de la diffusion et du transfert des résultats de recherche ou de la valorisation de la programmation, spécialement auprès des acteurs du monde de l’éducation, s’articule-t-elle ? Par ailleurs, le Québec a déjà été reconnu par les autres provinces canadiennes pour son engagement sur le plan de la recherche. Dès les années 70 et 80, il mettait en place différents mécanismes de soutien à la recherche en éducation, surtout par l’entremise de programmes comme le Programme d’aide à la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage (PAREA) et le programme Formation de chercheurs et action concertée (FCAC). L’engagement du Québec à l’égard de la recherche en éducation était, à cette époque, une caractéristique qu’on ne retrouvait nulle part ailleurs au Canada. Il faut cependant apporter un bémol relativement à ces propos puisqu’au cours des dernières années une critique formulée à cet égard était plutôt que la recherche en sciences de l’éducation ne recevait pas sa juste part de financement. Nous y reviendrons d’ailleurs plus en détail au troisième chapitre. Pendant plusieurs années, le Québec a même été la seule province canadienne à avoir de tels mécanismes de financement public de la recherche. Voyons comment la recherche en éducation s’est implantée et développée au Québec depuis les 40 dernières années. 1.1.1

LES ANNÉES 60 ET 70 : ESSOR DE LA RECHERCHE EN ÉDUCATION La recherche en éducation existait bien avant les années 60, mais elle était alors peu développée et peu structurée (Conseil des universités, 1986a, p. 4). Elle était surtout le fruit de chercheurs isolés qui ne disposaient pas de réelles structures ni de mécanismes pour soutenir leurs travaux, lesquels étaient surtout orientés vers l’élaboration de manuels scolaires, de méthodes

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d’enseignement et de tests servant aux évaluations pédagogiques (Ayotte, 1984, p. 7). Pourtant, en dépit des moyens limités dont les chercheurs disposaient, la recherche en éducation et les travaux de recherche disponibles à cette époque ont été pris en compte lors des audiences de la commission Parent. Un tel intérêt pour la recherche en éducation ne devait pas s’avérer passager. Bien au contraire, il constituait l’amorce d’un nouveau souffle, le point de départ du développement de la recherche. La recherche en éducation devient ainsi une priorité à partir de 1964. Le nouveau ministère de l’Éducation lui accorde une place dans sa direction de la planification et crée l’Institut de recherche pédagogique, qui sera le seul organisme de recherche en ce domaine dans les années 60 (Boucher, 1994, p. 564). Il faudra cependant attendre la fin des années 60 pour que le gouvernement consente des efforts et des investissements plus importants afin que la recherche appuie la réforme lancée à la suite de la publication du rapport Parent. Ce dernier insiste explicitement sur le besoin de développer la recherche en éducation. C’est aussi dans la foulée du rapport Parent que les cégeps voient le jour. Dans cette nouvelle structure d’enseignement postsecondaire, le corps enseignant est placé au niveau occupé par l’enseignement supérieur dans le reste du Canada. La recherche, qui n’est pas encore reconnue comme une composante de la mission des cégeps, ne fait pas partie de la tâche des enseignants du collégial comme c’est le cas pour les universités. Malgré cela, la recherche allait tout de même s’y développer, certainement en raison du haut degré de scolarisation des enseignants et du fait de la polyvalence de ces établissements où se côtoient des départements disciplinaires et pluridisciplinaires, mais aussi grâce aux conseillers en recherche et en expérimentation. Cette fonction professionnelle avait pour objectif premier de faire connaître, de diffuser et de soutenir la recherche et l’expérimentation pédagogiques dans les collèges. Cette fonction n’a pas disparu ; elle s’est plutôt transformée pour devenir celle du conseiller pédagogique. Tout en ne bénéficiant pas d’un soutien officiel, la recherche s’est implantée et s’est développée dans les cégeps dès leur fondation car, en l’absence de tradition, il fallait néanmoins se doter de manuels et d’instruments d’évaluation. « La recherche individuelle et collective dut produire tous ces outils pédagogiques, en les justifiant par des fondements théoriques solides et en les évaluant rigoureusement » (Conseil des collèges, 1981, p. 18). C’est également à cette époque que le secteur des sciences de l’éducation dans les universités a connu un intense problème de recrutement et de formation de chercheurs. Devant la quasi-impossibilité de trouver des chercheurs chevronnés, le gouvernement du Québec instituait, en 1961, les bourses de recherche en éducation. En 1967, près de 120 étudiants au doctorat dont la thèse portait sur un aspect ou un autre de l’éducation s’étaient vu attribuer une bourse de 4 000 $. De ce nombre, seule une quinzaine d’individus « tout au plus se [sont consacrés], à temps partiel ou à plein temps, à la recherche pédagogique dans le cadre universitaire » (Tremblay, 1968, p. 108). Il faut souligner que c’était aussi l’époque où la recherche réalisée au sein du ministère de l’Éducation jouissait d’une grande vitalité.

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La seconde moitié des années 60, surtout caractérisée par la disparition des écoles normales et le transfert de la formation des maîtres aux universités, apparaît comme le début du développement de la recherche en éducation. En 1967, les toutes récentes facultés des sciences de l’éducation de l’Université Laval, de l’Université de Montréal et de l’Université de Sherbrooke comptaient 62 professeurs-chercheurs à temps partiel et 6 à temps plein. Lors d’une consultation menée en 1968, les facultés ont toutes affirmé que, pour l’université, la recherche n’était pas considérée comme un élément essentiel du rôle d’une faculté des sciences de l’éducation (Tremblay, 1968, p. 108).

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Devant faire face à l’accroissement des effectifs étudiants et à la nécessité de développer de nouveaux programmes d’études, les professeurs des facultés et des départements d’éducation disposent alors de peu de moyens et de peu de temps pour réaliser des recherches. Les attentes à leur égard concernent surtout la construction et la consolidation du réseau universitaire de formation des enseignantes et des enseignants. Les professeurs se consacrent prioritairement à l’organisation des programmes de formation, à la préparation des cours et à leur perfectionnement personnel. Ainsi, davantage centré sur la formation des enseignants, le corps professoral se considère « comme transmetteur des savoirs scientifiques élaborés par les spécialistes des différentes disciplines » (Anadón, 2000, p. 20). Même s’ils sont désormais formés dans les universités, on ne considère pas encore les enseignants comme de véritables professionnels. La priorité des facultés ou des départements d’éducation sera la mise en place des programmes de premier cycle (Ayotte, 1984, p. 10). Il n’existe alors pratiquement pas de programmes de deuxième et de troisième cycles. Issus surtout des écoles normales, les professeurs des universités sont principalement préoccupés par la formation des enseignants (Ayotte, 1984, p. 10). Peu d’entre eux peuvent compter sur une formation qui les prépare à la recherche en éducation 2. Enfin, comme le souligne une étude du Conseil des universités, les infrastructures de recherche des facultés et des départements d’éducation étaient presque inexistantes dans les années 70, ce qui limitait considérablement l’accès au financement de la recherche en éducation. Ce financement provenait presque exclusivement de l’Institut de recherche pédagogique, qui s’imposait dès lors comme le véritable lieu de développement de la recherche (Conseil des universités, 1986a, p. 7). Dans les années 60 et 70, c’est donc le ministère de l’Éducation qui assume le leadership dans le développement et le soutien de la recherche en éducation. Il le fait tout en s’assurant de construire des bases solides sur lesquelles pourra tabler la relève. Mais assez vite, pour accroître le niveau de compétitivité de la recherche universitaire, le ministère de l’Éducation du Québec a créé, en 1969, le programme FCAC 3, qui est devenu au début des années 80 le Fonds pour la formation de chercheurs et l’aide à la recherche (FCAR) et dont la fonction liée aux sciences humaines et sociales (y compris les sciences de l’éducation) est poursuivie aujourd’hui par le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC). Lorsqu’il s’est doté du FCAC, le Québec s’est démarqué des autres provinces canadiennes. Il devenait la seule province à consacrer un fonds au soutien de la recherche, une responsabilité jusque-là assumée par le gouvernement fédéral, surtout par l’entremise du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), qui finance depuis 1977 les chercheurs en éducation partout au Canada. [Le programme FCAC] jouera un rôle primordial dans le développement de la recherche québécoise en éducation. Il complétait le programme de bourses de perfectionnement qui constituait, jusqu’alors, la seule source de financement favorisant la formation de chercheurs en éducation (Ayotte, 1984, p. 10).

2. En 1969, seulement 29 % des professeurs des facultés et des départements d’éducation étaient titulaires d’un doctorat, alors que 26 % en préparaient un (Conseil des universités, 1986a, p. 4-6). Près de 30 ans plus tard, soit en 1997-1998, plus de 8 professeurs sur 10 (83,1 %) étaient titulaires d’un doctorat (Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, 1999, p. 18). 3. Le programme FCAC visait prioritairement l’augmentation du nombre de chercheurs universitaires québécois francophones; l’accroissement de la compétitivité des chercheurs québécois auprès des organismes fédéraux de soutien à la recherche; l’accroissement du nombre d’étudiants diplômés des programmes de deuxième et de troisième cycles de même que l’amélioration de la gestion et de l’organisation de la recherche universitaire.

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Le programme FCAC, qui détenait une enveloppe budgétaire permettant de verser des sommes spécifiques aux chercheurs des universités du Québec, constituait ainsi un mécanisme de financement des plus influents au Québec pour le développement de la recherche en sciences de l’éducation. Cette enveloppe était attribuée au sein du comité 6 du volet « Équipes et séminaires », qui était chargé de la sélection des projets de recherche en éducation 4 (Ayotte, 1984). De 1972 à 1978, le ministère de l’Éducation a mis sur pied plusieurs programmes de subventions à la recherche destinés à tous les ordres d’enseignement : le Programme d’aide à la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage (PAREA) ; le programme de subventions à la recherche-développement dans les collèges (1972) ; le Programme d’aide à la recherche dans l’enseignement élémentaire et secondaire (PARES) (1973) ; le Programme de subventions à l’innovation pédagogique dans les collèges (PROSIP) (1973) ; le programme de subventions à la recherche dans le réseau de l’éducation des adultes (1975) ; le programme de subventions à la recherche-développement dans le cadre du Programme de perfectionnement des maîtres de français (PPMF) (1976) ; le programme de subventions à la recherche-développement dans le cadre du Programme de perfectionnement des maîtres en enseignement professionnel (PPMEP) (1978). Toujours dans le souci de soutenir la recherche en éducation, le gouvernement du Québec a institué, en 1975, le centre INRS-Éducation. Ce centre, disparu en 1986, avait comme objectif de « combler certains besoins qui s’étaient rapidement manifestés après la disparition de l’IRP [Institut de recherche pédagogique] : celui de développer la recherche appliquée et orientée vers la solution de certains problèmes majeurs du système québécois d’éducation » (Ayotte, 1984, p. 11). C’est donc dans l’effervescence que s’inscrit l’essor de la recherche en éducation. En effet, c’est également à cette époque que le ministère de l’Éducation reconnaît l’importance de susciter la recherche et l’innovation pédagogique dans les réseaux de l’éducation. Il désire aussi offrir un soutien professionnel au milieu scolaire pour favoriser la créativité à l’école primaire. Pour y parvenir, le Ministère mise sur la reproduction d’expériences innovatrices, issues pour la plupart des premières transformations des pratiques pédagogiques faites par des enseignants avec leurs élèves (MEQ, 1974). De plus, en 1972, le ministère de l’Éducation offre un soutien financier aux recherches qui ont été entreprises au collégial pour soutenir et améliorer les pratiques et les diverses activités d’appui à la formation. Pendant que les universités mettent en place des structures d’encadrement de la recherche, les cycles supérieurs se développent, autant sur le plan des effectifs qu’en ce qui concerne le nombre de programmes. Si les structures de coordination et d’orientation de la recherche s’organisent dans les universités du Québec, la recherche y demeure pourtant une responsabilité individuelle. C’est surtout pour répondre aux exigences des fonds subventionnaires québécois et canadiens, ou par communauté d’intérêts, qu’une structuration des équipes de recherche commence à voir le jour (Conseil des universités, 1986a, p. 7). Une fois leur phase d’implantation terminée, les facultés et les départements d’éducation valorisent « une logique universitaire orientée vers la recherche et les études des cycles supérieurs, logique qui tente de développer et de

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4. Le Conseil des universités, dans un avis publié en 1986, estime que « le programme [FCAC] aurait échoué dans ses objectifs d’encourager la recherche orientée et un regroupement de chercheurs dans le programme ”équipes et séminaires“ » (Conseil des universités, 1986b, p.6). C’est pour pallier cette lacune que le gouvernement procède à l’ajout, en 1975, de thèmes prioritaires et de crédits supplémentaires dans le programme FCAC.

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faire reconnaître par la communauté scientifique une connaissance pédagogique » (Anadón, 2000, p. 20). Pour asseoir la scientificité de leur travail, les chercheurs en éducation adoptent de plus en plus les méthodes reconnues dans les autres disciplines des sciences humaines et sociales, voire en sciences de la nature. De Landsheere souligne d’ailleurs, dans Introduction à la recherche en éducation, qu’« une attitude scientifique est indispensable et [que] celui qui veut faire de la pédagogie expérimentale doit disposer d’instruments susceptibles de lui apporter des résultats objectifs » (De Landsheere, 1982, p. 9). L’adoption d’une démarche scientifique illustre « la volonté de réagir, parfois avec une certaine intransigeance, contre le discours pédagogique incontrôlé, contre les formules séduisantes, mais vides qui ont fait tant de tort à notre profession et à nos élèves » (De Landsheere, 1982, p. 13). [Ce nouveau contexte de connaissance scientifique en éducation] constitue le cadre, le système logique au sein duquel la mesure prend toute sa signification et sa valeur. Ainsi située, elle trouve non seulement sa justification pratique, aide à résoudre des problèmes qui se posent effectivement, mais contribue en même temps au progrès de la science en confirmant ou en infirmant des hypothèses anciennes ou nouvelles (De Landsheere, 1982, p. 14). Toutefois, l’activité professionnelle des praticiens en éducation est alors considérée comme une façon de résoudre des problèmes pratiques par l’application de résultats scientifiques (Crahay, 2001, 22 p.). On est en présence d’un modèle de recherche linéaire qui favorise très peu l’essor de relations interactives entre la théorie et la pratique, entre la recherche en éducation et ses applications dans le milieu. Seuls les savoirs savants apparaissent à certains comme des solutions valables aux problèmes vécus dans les salles de classe. Les attentes à l’égard des praticiens concernent le plus souvent l’application des prescriptions issues de la recherche. Si cette dernière est sortie de sa phase d’implantation pour s’arrimer au modèle déployé dans le monde universitaire, elle laisse néanmoins peu de place à la collaboration avec les enseignants et les acteurs du milieu. La recherche menée en sciences de l’éducation favorise peu la convergence et les interfaces entre les milieux de la recherche et ceux de la pratique. 1.1.2

LES ANNÉES 80 : DIVERSIFICATION DE LA RECHERCHE EN ÉDUCATION Au cours des années 80, de nouveaux critères de scientificité, fondés sur l’observation et l’interprétation des phénomènes humains, sont élaborés. Le paradigme positiviste semble avoir atteint ses limites et la remise en question de ce modèle atteint son apogée au milieu des années 80. « Les reproches qu’on adresse à cette approche scientifique sont essentiellement de trois ordres : 1) sa tendance au réductionnisme ; 2) sa recherche de régularités à tout prix ; 3) son incapacité à apporter des réponses adaptées aux problèmes rencontrés par les praticiens » (Boucher, 1994, p. 567). Durant cette période, le développement de la recherche entraîne la subdivision du domaine des sciences de l’éducation en plusieurs sous-domaines : l’évaluation, les didactiques disciplinaires, la psychopédagogie, l’adaptation scolaire, l’administration, les fondements, l’andragogie, etc. Cette logique de subdivision ou de spécialisation, qui comporte certes des avantages pour l’avancement de la recherche, conduit en contrepartie au morcellement des savoirs sur les phénomènes éducatifs. Pour plusieurs, une telle subdivision a pour conséquence d’éloigner encore davantage les praticiens du milieu de la recherche et des lieux d’échange avec les chercheurs. « Prise dans cette logique du développement disciplinaire, la recherche en éducation est devenue trop spécialisée, trop difficile à comprendre pour les praticiens, donc non pertinente socialement et professionnellement » (Anadón, 2000, p. 23).

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Par ailleurs, le milieu de la recherche universitaire en éducation, ayant acquis une certaine maturité, commence à se comparer et à entrer en compétition avec la recherche effectuée dans les autres disciplines des sciences humaines et sociales. Dès lors, il emprunte progressivement la logique de la recherche universitaire (recherche et publications savantes évaluées par les pairs), ce qui pousse un nombre appréciable de chercheurs en éducation à faire carrière dans des domaines éloignés des préoccupations et des applications pratiques. Sans doute pour faire contrepoids à ces tendances apparaissent alors des approches méthodologiques plus qualitatives et plus près du terrain qui « mettent en valeur la subjectivité, l’intentionnalité des acteurs et le caractère réflexif de la recherche » (Anadón, 2000, p. 25). D’autres manières de faire la recherche et de produire un discours scientifique apparaissent, donnant une place prépondérante aux actions et aux significations des sujets ; la monographie, les études descriptives et exploratoires, l’étude de cas acquièrent leurs lettres de noblesse en sciences de l’éducation, car elles permettent de tenir compte de la réalité vécue par les acteurs du monde de l’éducation. Les chercheurs peuvent ainsi produire un savoir capable de transformer la pratique éducative (Anadón, 2000, p. 26). Les années 80 sont aussi marquées par une quête de reconnaissance des activités de recherche dans les établissements d’enseignement collégial. Pour le Conseil supérieur de l’éducation, « [l]es besoins des enseignants, des étudiants et du milieu, de ce double point de vue, semblent commander des activités de recherche et d’expérimentation diversifiées » (CSE, 1979, p. 29). Plus loin, il ajoute : « Il paraît donc important, compte tenu de l’ampleur des activités actuelles de la recherche dans les collèges, de réévaluer les composantes de la tâche des enseignants, particulièrement de ceux qui ont déjà de l’expérience, en y ajoutant la recherche et l’expérimentation » (CSE, 1979, p. 31). Dès lors, une ouverture permet de concevoir la recherche pardelà les enceintes universitaires. Dans un rapport présenté au Conseil des collèges en 1981, le Groupe de travail sur la recherche scientifique dans le réseau des collèges du Québec sonne l’alarme, lui aussi. Malgré la présence d’employés jeunes et qualifiés ainsi que de ressources matérielles, la recherche scientifique n’est toujours pas une activité fréquente dans le réseau collégial. « Présentement, la recherche n’y est effectuée que de façon marginale » (Conseil des collèges, 1981, p. 32). Souvent, c’est grâce à leur motivation et à leur ténacité que les chercheurs des collèges peuvent surmonter les barrières et les obstacles inhérents au problème du statut de la recherche. « Il y a un investissement humain et matériel à rentabiliser dans les collèges au moyen de la recherche scientifique et il est urgent de le faire » (Conseil des collèges, 1981, p. 3). C’est ainsi que l’on voit apparaître des centres collégiaux de transfert de technologie et que les chercheurs des collèges commencent à recevoir un financement, bien que modeste, de la part d’organismes subventionnaires comme le Fonds FCAR. 1.1.3

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LES ANNÉES 90 : OUVERTURE SUR LA PRATIQUE ÉDUCATIVE À la fin des années 80, on voit se dessiner deux tendances divergentes en ce qui a trait à la recherche en éducation : l’une portée vers les savoirs savants et l’autre, vers les préoccupations de la pratique. Ainsi, le milieu des sciences de l’éducation suit la tradition universitaire de la formation de professionnels de l’enseignement tout en adoptant, sur une voie parallèle, l’attitude « typiquement universitaire, celle d’un corps de formateurs largement autonomes dans leur fonction de production et de diffusion du savoir général, surplombant une pratique professionnelle dont l’évolution devait être influencée par ce savoir universitaire » (Lessard et Lévesque, 1998, p. 124).

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Malgré cette apparente incompatibilité, le développement des sciences de l’éducation a tôt fait de conduire les chercheurs à une prise de conscience de leur spécificité et de leur rôle, à savoir que la recherche en éducation doit aussi se faire ailleurs que dans des laboratoires et que le savoir devant servir à la formation des futurs enseignants doit être construit avec les praticiens eux-mêmes. Favorisée par le fait que l’enseignement est un métier de relations humaines, la prise de conscience du début des années 90 répond au besoin de concilier la fonction d’avancement des connaissances avec l’obligation des facultés d’éducation de former des professionnels de l’enseignement (Lessard et Lévesque, 1998, p. 125). Cette démarche amène également les facultés des sciences de l’éducation à recentrer leur mission sur la formation des enseignants 5. Par conséquent, dans les années 90, la recherche en éducation prend une nouvelle orientation visant à rapprocher les universitaires des écoles et de ceux et celles qui y travaillent. Ce virage sera souligné par des expressions devenues à la mode : « […] la recherche pour l’éducation et non sur l’éducation, la recherche-action, l’enseignant-chercheur, la recherche collaborative, une approche clinique de la formation, une approche dite de pratique réflexive » (Lessard et Lévesque, 1998, p. 125). Dans un article portant sur la pertinence de la recherche en éducation, Boucher affirme que celle-ci peut avoir des retombées concrètes et utiles sur le milieu scolaire si les praticiens sont amenés à y participer. Ceux-ci sont en mesure d’indiquer au chercheur ce qui convient le mieux de faire ou de ne pas faire et comment le faire […]. La collaboration entre chercheurs et praticiens peut s’avérer bénéfique, voire indispensable, pour que la recherche puisse générer des retombées concrètes et utiles dans le milieu scolaire (Boucher, 1994, p. 572). Pour leur part, Carol Landry et ses collaborateurs estiment que le travail en partenariat avec les praticiens devrait être pratiqué davantage dans les milieux de recherche en éducation. Cette orientation influence autant les pratiques de formation que la recherche. « Les mots collaboration, synergie, maillage, réseaux sont utilisés tour à tour pour donner un sens au travail en partenariat » (Landry, Anadón et Savoie-Zajc, 1996, p. 17). Leurs recherches montrent qu’un nombre important d’universitaires dans les facultés d’éducation qualifient […] leur travail d’exemple de partenariat, car il implique une collaboration particulière avec les gens du milieu. Cette collaboration repose sur un partage de ressources humaines incluant une négociation au sujet des responsabilités, des tâches, des expertises, des rôles et des intérêts de chacun (Landry, Anadón et Savoie-Zajc, 1996, p. 18). Les universitaires interrogés par ces auteurs estiment que la recherche menée en partenariat se distingue par sa plus grande pertinence parce qu’elle répond à des problématiques auxquelles doivent faire face les acteurs des milieux de la pratique professionnelle en éducation. En fin de compte, « [l]’émergence du partenariat dans le champ éducatif est plutôt vue comme une réponse aux ruptures constatées entre l’école et son milieu » (Landry, Anadón et Savoie-Zajc, 1996, p. 24). La récente réforme de la formation des maîtres s’appuie notamment sur de nouveaux partenariats entre les facultés ou départements d’éducation et les milieux scolaires pour réussir la professionnalisation de l’enseignement (Landry, Anadón et Savoie-Zajc, 1996, p. 24). 5. La deuxième moitié des années 1980 et surtout les années 1990 sont donc celles d’une appropriation, certes variable mais néanmoins réelle, par les facultés des sciences de l’éducation de leur mission professionnelle et notamment du recentrage de leur mandat sur la formation initiale des maîtres (Lessard et Lévesque, 1998, p. 126).

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En effet, la formation à l’enseignement repose de plus en plus sur un savoir de niveau élevé qui doit pouvoir s’appuyer sur une recherche à caractère scientifique. Il s’agit là d’un des aspects de la « professionnalisation » du métier d’enseignant. Or, cette convergence entre la recherche et la pratique implique que « les institutions universitaires doivent mettre en place un service de recherche visant à concilier les exigences de rigueur et de fiabilité d’une production scientifique avec une utilité sociale répondant aux problèmes des enseignants dans leur classe » (Zay, 1996, p. 29). Cette question des liens entre recherche et pratique touche à une préoccupation centrale de ce rapport annuel, soit la convergence de la recherche et de la pratique. Alors que la notion de « professionnalisation » de la pratique des enseignantes et des enseignants semble bien enracinée dans la culture des sciences de l’éducation, on constate, en même temps, qu’elle est moins bien intégrée dans les pratiques de la recherche. L’une des explications possibles est que la recherche en éducation, plus particulièrement la recherche collaborative, a longtemps été sous-financée. Dans un avis qu’elle rendait public en 1992, l’Association des doyens, doyennes et directeurs, directrices pour l’étude et la recherche en éducation du Québec (ADEREQ) mentionne que la recherche dans les facultés et départements des sciences de l’éducation « est aussi, de loin, l’activité la plus démunie de ressources parmi les trois composantes de la tâche des professeurs » (ADEREQ, 1992, p. 6). Nous reviendrons sur ce point au troisième chapitre. L’exigence de recherche liée à la tâche professorale continue d’exercer une pression qui oblige les sciences de l’éducation à se mesurer, pour avancer, aux mêmes standards et aux mêmes règles que ceux qui sont imposés aux milieux de recherche des autres disciplines scientifiques avec lesquelles elles sont en compétition. Une autre explication a trait aux critères de sélection des organismes subventionnaires pour le financement des projets de recherche en collaboration avec les praticiens. Dans un rapport publié en 1999 et portant sur les programmes de formation des enseignants offerts dans les universités du Québec, la Commission des universités sur les programmes souligne le caractère prometteur de la recherche collaborative université-école parce qu’elle « favorise la consolidation des liens entre les milieux universitaires et scolaires, de même que l’arrimage de la recherche aux réalités scolaires » (Commission des universités sur les programmes, 1999, p. 128). Mais la Commission signale aussi qu’en contrepartie « l’attitude des organismes subventionnaires face à ce type de recherche semble imprévisible d’année en année, ce qui compromet le financement de projet de moyenne et de longue durée » (Commission des universités sur les programmes, 1999, p. 128).

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Malgré ces obstacles, les années 90 ont vu la mise en place et la consolidation de nouveaux lieux de recherche en sciences de l’éducation. La réforme de la formation initiale des maîtres, introduite dans les années 90, a « donné lieu à l’intensification du partenariat entre les professeurs des facultés des sciences de l’éducation et le personnel des écoles primaires ou secondaires » (CSE, 2002a, p. 15). En s’institutionnalisant dans des réseaux d’écoles associées et de maîtres associés à la formation pratique, ce partenariat a largement contribué à l’essor de nouveaux types de recherche comme en témoignent, entre autres, la recherche-action et la recherche collaborative (CSE, 2002a, p. 15). Aussi les activités de perfectionnement du personnel enseignant au collégial, notamment le programme Perfectionnement et formation des maîtres (PERFORMA), reposent-elles sur des partenariats en ce qui a trait à la diffusion et au transfert de connaissances ainsi qu’à la valorisation de la recherche. C’est également pendant cette période que la recherche au collégial, pratiquée surtout, depuis la création des cégeps, par un nombre très restreint

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de professeurs et de conseillers pédagogiques, prend son essor. Un fait majeur explique ce développement, soit le renouveau qui se produit au collégial à partir de 1993 et la création de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial. De plus, c’est en 1993 que la recherche au collégial reçoit une reconnaissance gouvernementale puisque les activités de recherche sont dès lors incluses dans la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel. Ces nouvelles orientations suscitent des activités intenses d’évaluation et de révision des programmes d’études de même que de révision des façons de faire et des modes d’enseignement, ce qui conduit à des développements importants sur le plan de la recherche disciplinaire, de la recherche pédagogique, de la recherche technologique et de l’innovation dans les collèges. La recherche et l’innovation sont mieux soutenues par le gouvernement et par des programmes ou organismes subventionnaires comme le PAREA, le Programme d’aide à la recherche technologique (PART) et le Fonds FCAR, ce dernier étant relayé aujourd’hui par le FQRSC pour le volet des sciences humaines et sociales. Enfin, soulignons que certaines commissions scolaires ainsi que la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ont aussi mis sur pied, seules ou en partenariat, des secteurs et des unités de recherche qui contribuent à l’avancement des connaissances en éducation. Les points tournants du développement de la recherche en éducation qui sont présentés ici montrent que les parcours des praticiens et ceux des chercheurs ont tendance à converger de plus en plus, bien qu’il existe encore d’importants obstacles entre les deux. Il semble que les approches récemment préconisées par les chercheurs de l’éducation et la « professionnalisation » du métier d’enseignant ont contribué à dissiper la crainte que les chercheurs et les praticiens constituent deux solitudes qui s’ignorent. Si le dialogue entre ces deux groupes semble s’engager sur le plan des recherches collaboratives et de l’ouverture qui caractérise de telles relations, des développements et des transformations sont encore nécessaires, notamment au regard des lieux d’échange et des interfaces entre chercheurs et praticiens. À la fin des années 90, le praticien n’est plus simplement vu comme celui qui résout des problèmes pratiques par l’application de théories scientifiques élaborées par les chercheurs, mais aussi comme un professionnel de plein droit, capable de réfléchir sur sa pratique afin de résoudre ses problèmes. Cette dynamique a certes été possible grâce à la volonté des chercheurs et des facultés des sciences de l’éducation de se rapprocher des enseignants, plus particulièrement des futurs maîtres en formation. Mais elle a aussi été possible grâce au mouvement de professionnalisation du métier d’enseignant. C’est ce dont nous allons traiter dans la section qui suit.

1.2 LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : D’UNE PRATIQUE ARTISANALE À UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE La réforme de l’éducation, à la suite de la parution du rapport Parent, a fait de l’enseignement une activité professionnelle complexe. En effet, avant les années 60, l’enseignement au primaire et au secondaire était surtout assimilé à une vocation, voire à du « maternage ». Il « […] représentait, dans la majorité des pays occidentaux, un métier peu valorisé et peu rémunéré qui exigeait un faible niveau de formation » (Tardif et Lessard, 2004, p. 2). À partir du tournant décisif que constitue la réforme, le métier d’enseignant acquiert du coup une plus grande légitimité sociale, des fondements théoriques arrimés à une formation universitaire, une expertise et une grande autonomie qui le placent sur la voie de la « professionnalisation ». Dans son avis sur la profession enseignante au primaire et au secondaire (CSE, 2004a, 124 p.), le Conseil affirme que le contexte actuel est propice à l’essor

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de cette profession dont le développement s’appuie désormais sur plusieurs acquis, notamment une recherche sur l’enseignement mieux ancrée dans la réalité des milieux scolaires. S’il faut prendre en compte la professionnalisation du métier d’enseignant dans le renouvellement des pratiques et dans l’innovation qui la caractérise parfois, il faut aussi le faire en relation avec le développement de la recherche en éducation. « Le développement rapide de la recherche en éducation, en particulier de celle qui porte sur l’enseignement lui-même, fournit des assises à la professionnalisation de l’enseignement, en permettant la rationalisation des savoirs et des savoir-faire mobilisés dans l’acte d’enseigner et en favorisant le développement d’une expertise enseignante » (CSE, 2004a, p. 31). En plus de permettre une meilleure compréhension de l’influence des enseignants sur l’apprentissage des élèves, les recherches sur l’enseignement conduites depuis une quarantaine d’années ont favorisé le développement d’une base de connaissances en enseignement. Dans son avis sur la profession enseignante, le Conseil constate que la valorisation de cette profession est au cœur des préoccupations d’un nombre important d’acteurs de l’éducation. Cependant, malgré la confiance constante et considérable que la population voue à la profession enseignante, les enseignants eux-mêmes semblent souffrir d’un manque de prestige, d’autorité et de crédibilité. Parmi les recommandations formulées par le Conseil pour pallier cette lacune, il apparaît justifié de signaler celles qui demandent des ajustements au dispositif et au contenu de la formation initiale des enseignants et des enseignantes (CSE, 2004a, p. 43). Cet aspect apparaît primordial puisqu’il est un élément essentiel à la synergie entre la pratique, la recherche et l’innovation en éducation. Dans son avis, le Conseil interpelle les facultés des sciences de l’éducation afin que leurs diplômés soient mieux préparés à l’exercice de la profession d’enseignant. Pour que les enseignants cheminent sur les voies de la professionnalisation, ils doivent «s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » (MRST, 2001, p. 157). Cet engagement implique que les enseignants repèrent, comprennent et utilisent les ressources disponibles en ce qui concerne l’enseignement : documentation de recherche, documentation professionnelle, réseaux pédagogiques, associations professionnelles, banques de données (Martinet, Raymond et Gauthier, 2001, p. 157). L’ouverture à l’égard de la recherche dont témoignent les enseignants du primaire et du secondaire sondés par le Conseil est aussi un indice de ce mouvement vers la professionnalisation. Il est communément observé que les enseignants sont engagés sur la voie d’une professionnalisation accrue. Ce statut professionnel des enseignants nous incite à centrer notre analyse sur les échanges et les interfaces entre la pratique enseignante et la recherche en éducation, afin de brosser un portrait plus juste des lieux de convergence de la pratique et de la recherche, mais aussi des écueils qui freinent cette convergence. Ce portrait devrait nous permettre de cerner, plus justement encore, les besoins de l’éducation en cette matière. Un exposé succinct des principaux jalons qui ont marqué la professionnalisation de l’enseignement au Québec permet de situer l’évolution du métier d’enseignant, parallèlement à celle du milieu de la recherche, et de mieux comprendre le rôle et l’utilité des interfaces entre la recherche et la pratique. 1.2.1

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L’ÉMERGENCE DE LA PROFESSION ENSEIGNANTE 6 Le rapport Parent est à la source du mouvement de professionnalisation de l’enseignement au Québec, car il porte une nouvelle conception de la fonction 6. La section 1.2.1 s’inspire largement de l’avis du Conseil intitulé Un nouveau souffle pour la profession enseignante (CSE, 2004a).

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d’enseigner qui se fonde sur la reconnaissance de l’autonomie pédagogique des enseignants. Dans la foulée de ce rapport, les écoles normales, qui formaient les enseignants depuis 1836, sont abolies et la responsabilité de la formation des enseignants du primaire et du secondaire incombe désormais aux universités, qui accueilleront leurs premières cohortes dès 1970. C’est également pendant cette période que les enseignants, membres depuis 1946 de la Corporation des instituteurs et institutrices catholiques (CIC), consolident leur structure syndicale à travers la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ), qui deviendra la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (Martin, 1995). Les années 70 seront tout aussi marquantes puisqu’elles donneront lieu aux importantes réformes qui ont forgé le système scolaire jusqu’à aujourd’hui. Faisant un bilan de la profession enseignante dans son rapport annuel 1990-1991 sur l’état et les besoins de l’éducation, le Conseil affirme la nécessité de reconnaître le caractère professionnel du métier d’enseignant : « L’angle privilégié ici est donc nettement celui de la reconnaissance du caractère professionnel de l’acte d’enseigner et de tout ce qui l’entoure, de la formation initiale au cheminement de carrière, en passant par l’autonomie et la participation » (CSE, 1991, p. 9). À la suite des propositions du Conseil, le ministère de l’Éducation reconnaît le caractère professionnel de l’acte d’enseigner, « en raison de son caractère de service public, des exigences éthiques qui lui sont propres et de la marge de manœuvre qui le caractérise » (MEQ, 1992, p. 7), et amorce une réforme importante de la formation des enseignants, assortie de mesures favorisant la participation de ces derniers à la gestion de la profession. Dans son avis intitulé Un nouveau souffle pour la profession enseignante, le Conseil résume bien l’effet de cette réforme sur la formation des enseignants : Concrètement, cette réforme allait modifier de façon profonde l’organisation de la formation des enseignants au Québec. D’abord, en formation initiale, le baccalauréat en enseignement passe de 3 à 4 années et doit inclure 700 heures de formation pratique en classe, auprès des élèves. On reconnaît ainsi l’importance de l’aspect pratique dans la formation à l’enseignement, étant entendu que cette formation doit pouvoir bénéficier de l’expertise à la fois du milieu scolaire et du milieu universitaire. De nouveaux profils de formation sont créés, notamment au secondaire, ce qui permettra aux futurs enseignants d’enseigner dans deux disciplines. La formation des enseignants, tant disciplinaire que psychopédagogique, est maintenant sous la responsabilité principale d’un seul maître d’œuvre, soit les facultés des sciences de l’éducation, qui doivent travailler en partenariat avec leurs collègues, les facultés disciplinaires, mises à contribution à cet égard. […] Un nouveau référentiel de compétences pour la formation des enseignants est développé, afin de tenir compte de la reconnaissance du caractère professionnel de l’enseignement (CSE, 2004a, p. 20-21). En formation continue, le besoin de renouveau est également reconnu. Un certain nombre de balises sont établies, notamment celles qui visent à recentrer les activités de formation continue sur leur utilité pratique, à favoriser la participation des enseignants et à tenir compte des besoins de formation liés aux nouvelles réalités psychosociales et psychopédagogiques auxquelles les enseignants doivent faire face (MEQ, 1992, p. 12). Cette convergence entre la formation universitaire des maîtres et les nouvelles exigences dans le milieu scolaire conduit à la mise en place de réseaux d’« écoles associées » qui sont « destinées à favoriser un partenariat entre les milieux universitaires et scolaires, que ce soit pour l’accueil de stagiaires, la collaboration à la recherche et la formation continue » (CSE, 2004a, p. 21). Par ce partenariat, auquel le milieu de l’éducation n’a pas été habitué, on

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tente de jeter des ponts entre les milieux scolaires et les facultés des sciences de l’éducation, répondant ainsi à l’une des critiques majeures formulées pour ce qui est des anciens programmes de formation à l’enseignement, soit leur éloignement des milieux scolaires et le trop peu d’importance qu’ils accordent à la formation pratique. Les écoles associées collaborent toujours avec les facultés des sciences de l’éducation, plus particulièrement en ce qui concerne l’accueil de stagiaires. « La certification des enseignants s’harmonise avec ces nouvelles orientations. Ainsi, dorénavant, les nouveaux enseignants obtiennent, dès la fin de leurs études, un brevet permanent d’enseignement » (CSE, 2004a, p. 21). Le système probatoire n’existe plus pour les étudiants issus des programmes de formation à l’enseignement des universités québécoises. Ce sont désormais les 700 heures de formation pratique qui attestent la compétence des nouveaux enseignants. Cependant, on s’attend à ce que des mesures favorisant leur insertion professionnelle soient mises sur pied par les commissions scolaires. Pour faire face à ces changements, les universités québécoises revoient entièrement leurs façons de faire en ce qui concerne la formation des nouveaux enseignants. Elles misent notamment sur l’établissement de partenariats avec les milieux de pratique. Pour réaliser ces changements, il était d’abord nécessaire de mieux contrôler l’offre et la demande d’enseignants. Les universités et le MEQ y sont parvenus en s’entendant sur le type de contingentement qu’il fallait établir concernant l’admission aux programmes de formation à l’enseignement. Il s’agit d’une mesure importante puisqu’elle aura des effets sur les conditions d’insertion en emploi des nouveaux diplômés (Bousquet et Martel, 2001). « Cette mesure vise également à éviter de submerger de stagiaires les écoles primaires et secondaires, étant donné l’augmentation du nombre d’heures de stage jusqu’à 700 heures sur 4 années pour chaque étudiant » (CSE, 2004a, p. 29). On assistera dès lors à la mise sur pied de nouvelles instances qui auront notamment pour objectif d’accroître la participation du personnel enseignant dans des secteurs comme la gestion de la formation. En plus de consolider les avancées en ce qui concerne la professionnalisation de l’enseignement, ces actions favorisent une plus grande concertation entre les partenaires (enseignants, universitaires, MEQ). 1.2.2

LA PROFESSIONNALISATION DU MÉTIER D’ENSEIGNANT En 1995-1996, le Québec tient les États généraux sur l’éducation. Dans son rapport final, la Commission des États généraux sur l’éducation traite de toutes les dimensions du système éducatif, mais elle mentionne quatre aspects propres au personnel enseignant : préciser les compétences nécessaires à la pratique de l’enseignement ; revoir l’organisation de la carrière afin de faciliter l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants et d’assumer plus sérieusement leur formation continue ; accroître l’autonomie professionnelle des enseignants et des enseignantes et augmenter les responsabilités des établissements en matière pédagogique ; favoriser le développement d’un partenariat entre les écoles et les universités, à la fois pour la formation pratique des étudiants et pour une recherche en éducation qui soit plus près des préoccupations du terrain (Commission des États généraux sur l’éducation, 1996, p. 44 et 47).

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Enfin, en 1999, le MEQ forme un groupe de travail chargé de proposer de nouvelles orientations et compétences pour la formation à l’enseignement. Dans un document rendu public en mai 2001, La formation à l’enseignement : les orientations, les compétences professionnelles, ce groupe de travail précise les orientations qui doivent guider l’élaboration des programmes de formation des enseignants du primaire et du secondaire et les compétences professionnelles que doivent posséder les étudiants au terme de leur

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formation (Martinet, Raymond et Gauthier, 2001, p. 57). Ce document apparaît d’autant plus important qu’il sert de référence obligatoire pour le Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE). Ce guide de référence au regard des compétences s’applique aux enseignants en devenir. On y traite de tous les aspects de la profession enseignante et de la formation universitaire qui y conduit. Une des douze compétences qui y sont exposées touche directement l’objet du présent rapport annuel, soit les liens entre la pratique et les savoirs issus de la recherche. La compétence 11 indique que l’enseignant doit « s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » (Martinet, Raymond et Gauthier, 2001, p. 157). Les attentes quant au niveau de maîtrise de ces compétences supposent que les enseignants prennent acte du caractère professionnel de leur métier et, surtout, qu’ils utilisent les résultats de la recherche et échangent ou collaborent avec les chercheurs pour améliorer leur pratique d’enseignement. Il est à noter que cette compétence est compatible avec les attentes formulées par le Conseil dans son rapport annuel 2000-2001 sur l’état et les besoins de l’éducation, selon lesquelles il faut « accroître le professionnalisme des enseignants et voir les acteurs de l’éducation comme des experts capables de réflexion sur l’action, de démarche systématique de résolution de problèmes et d’amélioration des pratiques éducatives » (CSE, 2001, p. 69). Ces attentes du Conseil ont été réaffirmées dans son récent avis intitulé Un nouveau souffle pour la profession enseignante (CSE, 2004a). Dans le même ordre d’idées, le Conseil a recommandé, dans un avis portant sur l’appropriation locale de la réforme au secondaire, « d’instaurer des mécanismes de suivi et d’évaluation de l’expérimentation et de la recherche et d’en assurer la diffusion la plus large possible auprès de tous les acteurs, principalement auprès des enseignantes et enseignants du secondaire » (CSE, 2003a, p. 57). Le présent rapport annuel se fait l’écho de ces diverses préoccupations relatives à l’importance des interfaces ou des mécanismes d’échange entre la recherche, l’innovation et les pratiques éducatives. Il est aussi important de noter que la professionnalisation du métier d’enseignant est un incitatif important en faveur d’une ouverture réciproque entre pratique et recherche en éducation.

1.3 L’INNOVATION EN ÉDUCATION : POINT DE CONVERGENCE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE L’innovation pédagogique peut surgir de la pratique. C’est notamment le cas lorsqu’un enseignant rompt avec les méthodes pédagogiques traditionnelles, qu’il expérimente de nouvelles façons d’enseigner et qu’il permet à d’autres enseignants d’en bénéficier. Si l’innovation en éducation naît généralement de l’expérience vécue par des praticiens qui doivent faire face à des problèmes concrets et récurrents dans les salles de classe, elle peut également émerger des recherches. C’est ce qui arrive lorsque des enseignants s’inspirent des résultats de la recherche pour modifier leurs pratiques. Le rapprochement des univers de la recherche et de la pratique éducative peut, lui aussi, favoriser l’émergence de meilleures méthodes et, du même coup, stimuler l’innovation en éducation. Cette dimension de l’innovation est primordiale dans le cadre du présent rapport annuel puisqu’on remarque que c’est souvent grâce à une association avec des chercheurs, des professionnels ou d’autres praticiens que les innovations deviennent plus efficaces, plus systématiques et, surtout, généralisables dans d’autres lieux et d’autres situations. Cette convergence facilite la validation des innovations en éducation, lesquelles doivent nécessairement favoriser la réussite des élèves.

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Le rapprochement de la recherche et de la pratique affaiblit la conception voulant qu’il s’agisse de deux solitudes qui s’ignorent. Cette convergence est fondamentale puisqu’il faut, pour engendrer et accueillir l’innovation, un terreau social fertile. Il faut que le groupe s’en empare et se l’approprie (Blocnotes, 2002, p. 4). « Dans notre système individualiste, si quelqu’un invente quelque chose, la probabilité pour que son invention soit reprise est finalement assez faible, et de toute façon son rayonnement ne dépasse guère le cercle de son entourage » (Bloc-notes, 2002, p. 4). Bien que l’on dispose d’assez peu de données sur l’innovation en éducation au Québec, il est apparu essentiel au Conseil de traiter de cette dimension. En effet, d’une part, elle est favorisée par la démarche qui vise à rapprocher la recherche et la pratique. D’autre part, elle résulte de la recherche et conduit le praticien à des avenues de solution au regard des problèmes éducatifs qu’il doit résoudre. Ce rapport annuel présente quelques cas concrets d’innovation en éducation mais il paraît nécessaire que les connaissances sur l’innovation soient approfondies et développées. La section qui suit vise plus spécifiquement à définir le concept d’innovation en éducation. 1.3.1

QU’EST-CE QUE L’INNOVATION ? Le terme « innovation » est généralement associé à la science et à la technologie. Le concept d’innovation, tel qu’on le connaît, s’est développé dans l’univers du progrès technologique. Mais l’innovation revêt aussi une dimension sociale. C’est d’ailleurs autour de cette dimension de l’innovation que s’articule l’interface entre la recherche en éducation et les pratiques éducatives. Pour répondre aux préoccupations exposées dans ce rapport annuel, il paraît opportun d’évoquer d’abord l’évolution de la notion d’innovation pour la rattacher ensuite au monde de l’éducation. L’innovation a souvent été associée à une menace liée au changement, luimême porteur d’instabilité. Rien ne presse plus un État que l’innovation, soutenait Montaigne dans ses essais, car « le changement donne seul forme à l’injustice et à la tyrannie » (Montaigne, livre 3, chapitre 9). Une telle méfiance était en partie motivée par le fait que l’innovation « est la marque d’une société qui met l’homme au-dessus des doctrines et qui instaure un ordre social de l’individualisme et du libéralisme » (Cros, 1999). Dans ce contexte, l’idée d’innovation sous-tend l’affirmation que l’homme, animé par sa prétention à concevoir la nouveauté, tente de s’ériger en créateur et de se substituer aux pouvoirs établis. Par exemple, le Dictionnaire de l’Académie française publié en 1740 n’échappe pas à cette perception plutôt négative de l’innovation. L’innovateur y est dépeint comme « celui qui introduit quelque nouveauté, quelque dogme contraire au sentiment et à la pratique de l’Église. Les novateurs sont dangereux » (Académie française, 1740, p. 198). S’il est vrai que l’innovation était perçue différemment dans les milieux progressistes, il a fallu toutefois attendre les années 30 pour qu’elle se démarque clairement de l’idée de subversion sociale. Une vision plus positive de l’innovation a été affirmée par l’économiste Joseph A. Schumpeter. Dans ses travaux sur les cycles économiques, celui-ci met en évidence le rôle de la technologie et de la science dans l’innovation et dans la création de nouvelles industries, poussant au déclin les industries plus anciennes (Papon, 1995).

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Dans le schéma de Schumpeter, les entreprises sont contraintes, pour se maintenir dans le peloton de tête et survivre à la concurrence, d’innover constamment en mettant sur le marché des produits nouveaux ou en introduisant de nouvelles méthodes de production. Ces nouveaux produits et méthodes ne sont pas toujours le fruit d’une invention récente. Ce qui en fait des innovations, c’est l’idée de leur commercialisation ou de leur diffusion.

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Schumpeter associe l’innovation à ce qu’il appelle le principe de la « destruction créatrice ». Ce principe repose sur l’idée qu’une innovation en pousse une autre et « qu’un produit nouveau devient vite périmé et remplacé par un autre plus récent et qualifié de plus moderne. C’est ainsi la course sans fin pour la survie économique » (Cros, 1999). La conception de Schumpeter est à l’origine de la notion d’innovation telle que nous la connaissons aujourd’hui. Dans un récent rapport, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) soutient que, dans la plupart des secteurs et des industries de l’économie du savoir, l’innovation apparaît comme la source privilégiée d’une compétition efficace, du développement économique et de la transformation de la société (Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement, 2004, p. 7). Désireux de promouvoir la production, la diffusion et l’utilisation des connaissances pour favoriser le développement de la société, le gouvernement du Québec a publié, en 2001, la politique québécoise de la science et de l’innovation : Savoir changer le monde. Cette politique s’inspire, en particulier, d’un rapport sur l’innovation sociale de l’ancien Conseil québécois de la recherche sociale et des travaux sur l’innovation technologique et sociale menés par le Conseil de la science et de la technologie (CST). Elle propose trois axes de développement : 1) la formation des personnes et l’appropriation de la science et de la technologie ; 2) la recherche ; 3) l’innovation (MRST, 2001, 169 p.). L’une des contributions majeures de cette politique aura certainement été d’enrichir la notion d’innovation en reconnaissant l’importance de l’« innovation sociale » dans le développement socioéconomique. L’« innovation sociale » concerne le développement de nouvelles approches ou de pratiques qui touchent les institutions, les organisations humaines et l’ensemble de la communauté, les relations interpersonnelles de même que les façons de faire des personnes (MRST, 2001, p. 11). L’innovation en éducation fait certes partie des innovations sociales dont le gouvernement du Québec fait la promotion, ce qui nous permet de mieux cerner en quoi elle consiste. 1.3.2

LA NOTION D’INNOVATION DANS LE DOMAINE DE L’ÉDUCATION La relation qui existe entre la recherche et l’innovation est une réalité rarement remise en cause. Cependant, on ne peut simplement transposer en éducation ce concept tiré du domaine économique et technologique. En effet, lorsqu’il s’agit de définir ce qu’est l’innovation en éducation, il faut tenir compte du fait que son but premier est la réussite de l’élève et que cette réussite doit prendre en considération l’ensemble du développement de la personne. Autant chez les innovateurs que dans la littérature sur le sujet, différentes expressions sont couramment utilisées pour désigner les innovations qui ont cours dans le domaine de l’éducation. C’est ainsi que les termes « innovation pédagogique », « innovation en éducation », « innovation scolaire » et « innovation en formation » se côtoient sans qu’il y ait nécessairement de grandes distinctions d’établies quant à leur signification. De manière générale, il y a lieu de croire qu’en dépit des termes utilisés, toutes ces notions font référence à un ensemble de réalités qui se recoupent, à tout le moins partiellement. Pourtant, il arrive fréquemment que l’innovation pédagogique soit réduite à la contribution des supports technologiques et à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) en enseignement et en formation. Le Conseil privilégie le terme « innovation en éducation » parce qu’il ne conçoit pas l’innovation comme étant limitée aux actions faites en classe, mais plutôt comme s’étendant à toutes les dimensions de l’éducation. Une fois ces précisions apportées, le Conseil a toutefois noté l’absence d’une définition consensuelle de la notion d’innovation en éducation, et ce, en dépit du nombre

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considérable d’articles et d’ouvrages sur le sujet. Comme le souligne Jean-Pierre Béchard, dont les recherches récentes portaient sur l’innovation à l’enseignement supérieur, la popularité acquise par ce concept au cours des dernières années fait en sorte que « quelque trois cents définitions jonchent les pages des écrits scientifiques qui ont abordé l’innovation » (Béchard, 2001, p. 257). Toutefois, un examen attentif révèle que la plupart des auteurs considèrent généralement l’innovation « comme un produit ; une technologie nouvelle ; un dispositif institutionnel ; une méthode, etc. » (Caumeil, 2002, p. 84). Pour bon nombre de spécialistes qui s’inscrivent dans cette logique, l’innovation doit être comprise comme un produit ou un processus nouveau et sa définition relève du sens commun. L’innovation fait aujourd’hui partie du vocabulaire de l’éducation. C’est autour des années 60 que le terme entre en usage dans le milieu de l’éducation et il sera rapidement repris dans les travaux de l’OCDE. Mis sur pied par l’OCDE, le Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI), dans les années 60, fera de l’innovation en éducation l’un des thèmes centraux du développement des systèmes éducatifs dans les pays industrialisés. Ayant pour mission de promouvoir la recherche et l’innovation dans l’enseignement, le CERI poursuit des objectifs qui recoupent ceux du présent rapport annuel : encourager la coopération en ce qui concerne la recherche, la politique de l’innovation et la pratique en éducation ; enrichir la connaissance sur les tendances de l’éducation dans le monde ; poursuivre activement l’objectif d’un dialogue entre les chercheurs, les praticiens et les gouvernements. Dans l’une de ses dernières parutions intitulée Innovation in the Knowledge Economy: Implications for Education and Learning, le CERI traite longuement des liens entre la pratique et la recherche en éducation dans le contexte de l’économie du savoir (CERI, 2004). Il propose notamment un modèle permettant de mieux comprendre le processus d’innovation dans le secteur de l’éducation. À la base de son argumentation, le CERI soutient que l’innovation n’est pas alimentée par une source unique mais qu’elle dépend plutôt d’une large gamme de facteurs qui contribuent ensemble au développement des connaissances. Le modèle développé par le CERI tient principalement compte de quatre sources qui sont susceptibles d’alimenter l’innovation: > Les connaissances scientifiques qui fournissent une base solide propice au développement d’innovations et qui sont souvent à l’origine de nouvelles façons de faire en éducation. > La collaboration entre praticiens et utilisateurs qui favorise l’émergence de nouvelles idées et de pratiques innovantes qui échappent habituellement aux processus traditionnels d’implantation de nouveautés curriculaire, pédagogique ou organisationnelle. > Des structures souples et modulaires (par exemple l’enseignant, sa classe, son école, la commission scolaire, le ministère) qui permettent à des individus ou à des petits groupes d’innover librement chacun de leur côté tout en leur offrant la possibilité d’utiliser un ensemble de structures et d’interfaces pour assurer la concertation et la cohésion de leurs innovations, de telle sorte qu’elles puissent s’intégrer dans des processus plus systématiques. > Les technologies de l’information et de la communication qui, une fois placées au service de l’innovation, peuvent devenir un puissant levier pour la transformation des activités (CERI, 2004, p. 42-43).

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Le modèle développé par le CERI permet d’éclairer la réflexion sur les relations entre la recherche, l’innovation et les pratiques éducatives. Cependant, le Conseil estime nécessaire de proposer une définition simple et efficace de l’innovation. Pour parvenir à cette définition, nous retournons, dans le présent rapport, aux fondements mêmes de cette notion.

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Parmi les principaux écrits sur la notion d’innovation en éducation qu’il a recensés, le Conseil retient celui d’Huberman, publié en 1973 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Dans cet ouvrage, l’auteur pose les assises d’une réflexion sur la place et le rôle du concept d’innovation en éducation. La définition qui y est présentée a largement inspiré le Conseil dans l’élaboration de sa propre définition. Le Conseil a constaté que les recherches les plus récentes sur l’innovation en éducation reprennent, en tout ou en partie, les principaux éléments de la définition offerte par Huberman : « […] une innovation est une amélioration mesurable, délibérée, durable et peu susceptible de se produire fréquemment » (Huberman, 1973, p. 7). Dans ses récents travaux sur l’innovation pédagogique, Jean-Pierre Béchard construit une définition de l’innovation qui s’inscrit dans la tradition d’Huberman : « [L]’innovation est une activité délibérée qui tend à introduire de la nouveauté dans un contexte donné et elle est pédagogique parce qu’elle cherche à améliorer substantiellement les apprentissages des étudiants en situation d’interaction et d’interactivité » (Béchard, 2001, p. 258). 1.3.3

POUR UNE DÉFINITION DE L’INNOVATION EN ÉDUCATION Pour offrir une définition simple et efficace, le Conseil a retenu trois dimensions permettant de circonscrire la notion d’innovation en éducation : la dimension curriculaire, qui concerne l’innovation à l’échelle des programmes ; la dimension pédagogique, qui a trait à l’innovation à l’échelle des cours et de la classe et qui englobe l’innovation dans le processus d’apprentissage ; la dimension organisationnelle, qui traite de l’innovation dans les structures, les rôles et les fonctions des personnes. Il faut préciser que l’innovation est avant tout un processus qui se distingue de l’invention. En effet, contrairement à l’invention, l’innovation introduit un élément nouveau dans un système existant en vue de l’améliorer et dans la perspective d’une plus large diffusion (Cros, 2000, p. 546). « L’innovant peut donc ne pas être fondamentalement nouveau et avoir déjà existé, mais il est nouveau ici parce qu’il est inconnu (ou pas reconnu) par le système qui l’accueille » (Cros, 2000, p. 546). Contrairement à l’invention et à la découverte, qui peuvent parfois être fortuites ou accidentelles, l’innovation s’inscrit toujours dans un processus qui est contextualisé ou qui vise une fin. Compte tenu de sa nature, l’innovation en éducation résulte rarement d’une démarche d’essais et d’erreurs. Elle s’inscrit plutôt dans un processus continu dont l’objectif ultime est un changement délibéré des façons de faire, des actions ou des gestes. L’innovation doit également apporter une amélioration. Dans la poursuite de ses travaux de recherche sur l’innovation, Françoise Cros maintient cette caractéristique, d’abord posée par Huberman, en considérant l’innovation comme une amélioration : L’innovation scolaire poursuit de manière déclarative une intention d’amélioration, une intention de faire mieux sans changer les objectifs fixés ou de faire mieux et, pour cela, de transformer les objectifs, d’en proposer de manière alternative, de rendre la société meilleure par rapport à des valeurs (Cros, 2004, p. 107). Pour Philippe Perrenoud, l’innovation doit être reçue comme une stratégie volontariste d’acteurs qui souhaitent favoriser et provoquer des changements (Perrenoud, 2003, p. 11). C’est précisément cette volonté de changement, attisée par l’espoir qu’une situation préférable au statu quo en émergera, qui pousse l’innovateur dans une action délibérée de changement pédagogique.

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La Politique québécoise de la science et de l’innovation s’inscrit dans cette logique d’amélioration. Elle soutient notamment que les commissions scolaires, les écoles et les établissements de santé et de services sociaux « doivent innover et s’adapter notamment au changement technologique afin d’accroître leur efficience et d’améliorer les services qu’ils offrent à leur clientèle » (MRST, 2001, p. 11). L’innovation doit aussi être durable. Il ne doit pas s’agir d’une action isolée et éphémère. Elle doit sous-entendre une appropriation et une utilisation qui dépassent l’individu qui l’a créée ou implantée. Bref, l’innovation ne doit pas rester une action localisée. Il faut qu’elle se dresse en processus durable. Enfin, l’innovation doit s’appliquer à d’autres situations et à d’autres lieux que ceux d’où elle émerge. C’est ce qu’on entend par la diffusion ou dissémination. Une innovation peut, en effet, avoir eu un effet durable sur les pratiques d’un enseignant sans avoir jamais quitté la classe de ce dernier. Il faut donc que l’innovation ait des répercussions dans d’autres lieux que ceux où elle fut d’abord expérimentée. Par ailleurs, on doit bien comprendre que le fait qu’une innovation subisse une dissémination, c’est-à-dire qu’on en retrouve des manifestations dans différents lieux, ne veut pas dire qu’elle soit totalement généralisable. En effet, rares sont les innovations qui pourraient être généralisées par l’ensemble des enseignants d’un même ordre d’enseignement ou qui pourraient s’appliquer sans égard au contexte et aux situations particulières. De plus, ce n’est pas la fonction d’une innovation. La volonté d’innover naît souvent d’un défi particulier qu’on souhaite relever par des voies différentes de celles qui sont habituellement proposées. L’innovation en éducation est un processus délibéré de transformation des pratiques par l’introduction d’une nouveauté curriculaire, pédagogique ou organisationnelle qui fait l’objet d’une dissémination et qui vise l’amélioration durable de la réussite éducative 7 des élèves ou des étudiants. Il existe un certain nombre d’innovations qui présentent une ou plusieurs des caractéristiques précédemment énoncées. L’exemple présenté dans l’encadré qui suit correspond parfaitement à la définition de l’innovation telle que la conçoit le Conseil. Les centres de formation en entreprise et récupération (CFER) s’inscrivent dans un processus délibéré de transformation des pratiques pédagogiques et organisationnelles dont l’objectif est la réussite éducative durable d’élèves devant faire face à l’échec et au décrochage scolaires. En se disséminant et en dépassant le stade d’une expérimentation réalisée à Victoriaville, les CFER ont su démontrer qu’ils s’inscrivaient dans un processus d’innovation durable. C’est précisément dans le but de combler une lacune importante du système scolaire qu’en 1990 un groupe d’enseignants a fondé, à Victoriaville, le premier CFER pour les jeunes décrocheurs de 16 à 18 ans. Ce programme offrait une démarche originale adaptée au rythme des jeunes ayant des difficultés d’apprentissage et d’adaptation, constituant ainsi un réel facteur de changement pour ces élèves.

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7. Le Conseil adopte une définition de la réussite qui ne se limite pas aux seules performances scolaires de l’élève ou de l’étudiant. Une telle conception s’inspire largement de ses travaux antérieurs, où la réussite a déjà été définie en ces termes : « […] l’acquisition et l’intégration par l’étudiant ou l’étudiante de connaissances et de compétences en lien avec une formation de haut niveau s’inscrivant dans son projet personnel et contribuant tout à la fois à son développement sur les plans professionnel, artistique, scientifique, culturel, civique et personnel » (CSE, 2000b, p. 32).

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L’expérience CFER de Victoriaville a eu un effet d’entraînement auprès d’autres commissions scolaires. Actuellement, 16 établissements ont adopté la démarche CFER, ce qui constitue à sa manière la preuve de la viabilité et de l’efficacité de la formule 8. Le Réseau québécois des centres de formation en entreprise et récupération (CFER) a été mis sur pied par Normand Maurice, un pédagogue chevronné surnommé « le père de la récupération et du recyclage au Québec ». Ce réseau regroupe seize établissements répartis dans les différentes régions du Québec et offrant le programme CFER. Ses activités sont appuyées par des partenaires de l’entreprise privée et gouvernementale. Le réseau est dirigé par un conseil d’administration qui aide au démarrage et à l’implantation des CFER en leur assurant une aide financière importante. Le conseil d’administration est composé d’élus incluant les partenaires pour la promotion du développement durable. Mis en place par cinq enseignants de la Commission scolaire des Bois-Francs, le CFER constitue un bel exemple d’innovation pédagogique destinée aux jeunes de 16 à 18 ans ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage et n’ayant pas terminé leurs études secondaires. Le programme innovateur des CFER comprend un volet scolaire et un volet de formation à l’emploi dans un contexte d’enseignement selon une tâche globale. Une équipe d’enseignants ayant adopté la tâche globale se voit responsable du développement global d’un groupe de jeunes. Il ne s’agit pas là de la formule « un enseignant / une matière » mais bien de la formule « un groupe d’enseignants/un groupe d’élèves ». Les enseignants qui travaillent en fonction d’une tâche globale ont la possibilité de modifier la grille-horaire selon les besoins du jeune, de lui enseigner et d’aider à l’encadrement de ses apprentissages. Il s’agit d’un mode d’enseignement qui brise l’isolement, qui permet une rétroaction immédiate et qui assure un encadrement qui répond davantage aux multiples besoins du jeune. Le volet scolaire s’articule autour des cinq outils suivants : le journal, le cahier, le fichier orthographique, le dossier de l’élève et les situations de promotion du développement durable. Ces situations de promotion se concrétisent par la participation de l’élève à la caravane de la récupération, à la caravane de l’efficacité énergétique ou à la caravane de l’eau. Ces caravanes sont en réalité des kiosques de présentation qui expliquent les trois concepts à l’aide de textes et de graphiques simples. La caravane est un outil particulier au CFER. L’élève y est amené à jouer son rôle de citoyen engagé. Pour y parvenir, il doit démontrer qu’il maîtrise quelques éléments du développement durable et en faire la démonstration auprès d’un public varié par la présentation de la caravane. Le volet de la formation à l’emploi prend, quant à lui, la forme d’un travail en entreprise qui se fait sous la supervision des enseignants. Il est fondé sur des entreprises contribuant au développement durable. On y trouve, entre autres, des entreprises de récupération du bois, des ordinateurs, des pièces d’Hydro-Québec, du papier, etc. Lorsqu’il a atteint les objectifs de formation, l’élève reçoit un certificat de formation en entreprise et récupération décerné par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. Ce dernier reconnaît la qualité du programme CFER par la délivrance d’un diplôme officiel qui lui est propre. Le jeune en contexte de formation doit respecter les cinq valeurs en application au CFER, soit la rigueur, le respect, l’effort, l’autonomie et l’engagement.

27 8. Extrait d’une communication présentée, le 6 avril 2004, par la Chaire de recherche CFER au Comité du rapport annuel 2004-2005 du Conseil supérieur de l’éducation.

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Un autre type d’innovation peut résulter du développement accéléré des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Par exemple, celles-ci ont grandement influencé le mode d’apprentissage à distance. En effet, ces technologies, qui sont en essor constant, peuvent entraîner une individualisation de la formation à distance qui a des répercussions sur la manière de concevoir la recherche en éducation. Cependant, elles peuvent également conduire à des innovations dynamisantes qui favorisent l’apprentissage en groupe. Le projet L’école éloignée en réseau en est un exemple probant (voir l’encadré). Le projet L’école éloignée en réseau, mené par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport en collaboration avec les commissions scolaires, correspond en tous points à la conception de l’innovation en éducation que soutient le Conseil. Ce projet a non seulement comme visée le maintien, mais également la vitalité des écoles de village. Il ouvre des perspectives nouvelles dans ce contexte, au moyen des réseaux modernes de télécommunication, et peut aider à contrer les inconvénients qu’entraîne la petite taille des écoles de village. Les classes et les écoles qui participent au projet L’école éloignée en réseau ont généralement un champ d’action limité par leur taille et leur éloignement des autres écoles de la commission scolaire. Dans les trois sites où des projets-pilotes ont été menés par le Centre francophone de recherche en informatisation des organisations (CEFRIO), il s’agissait de voir le bien-fondé de la mise en réseau, avec d’autres écoles et les ressources du milieu, de certaines activités de formation offertes dans ces écoles afin de vérifier si cela donnait aux élèves et aux enseignants un plus grand nombre de possibilités et de moyens pour accomplir leurs tâches de formation. L’objectif était la création d’un environnement éducatif plus riche. Voilà pourquoi le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, en collaboration avec le ministère des Affaires municipales et des Régions, a choisi de donner de l’expansion à la mise en œuvre de ce nouveau concept par l’attribution de subventions à treize sites au cours des années 2004 à 2006. De manière concrète, les enseignantes et les enseignants qui font la classe dans une école en réseau travaillent, par exemple, avec un collègue d’une autre école, planifient en détail l’activité et la mettent en œuvre par la suite en réunissant, sur une base régulière, certains élèves ou les deux groupes d’élèves tout en s’occupant de gérer l’usage des technologies. S’inscrivant dans l’esprit de la réforme, ce projet permet aux enseignants d’imaginer divers scénarios pour faire travailler de petits groupes d’élèves dans des classes d’écoles différentes. L’enseignant peut donc intervenir de manière spécifique auprès d’un groupe composé d’élèves de sa propre classe et d’élèves de l’autre classe. Chez tous les acteurs engagés dans le projet, la perception de la collaboration est positive. Cette collaboration s’est souvent traduite par une amélioration de l’environnement éducatif de l’école : moins d’isolement chez les enseignants, plus grand nombre d’interactions pour les élèves et nouvelles formes de socialisation avec des élèves issus d’autres écoles, une organisation du travail qui donne de la flexibilité. Il s’agit là de gains importants pour la dynamisation du contexte de la petite école.

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1.4 LE DIALOGUE ENTRE LES SAVOIRS D’EXPÉRIENCE ET LES SAVOIRS SCIENTIFIQUES : FONCTION D’INTERFACE Le précédent survol historique montre que la recherche en éducation et la pratique éducative ont suivi des parcours de développement distincts. Malgré leur spécificité, elles sont parvenues à évoluer côte à côte et à s’enrichir l’une et l’autre. Cette évolution met au jour deux réalités qui ont marqué les échanges entre la recherche et la pratique : la volonté des praticiens de trouver, dans la recherche et les savoirs savants, des éléments leur permettant d’améliorer leur pratique éducative ; la volonté des chercheurs de puiser, dans les savoirs d’expérience des praticiens, des éléments susceptibles d’alimenter leurs recherches, d’en susciter l’utilisation et d’en accroître les retombées. C’est précisément dans ce contexte d’aller-retour entre les savoirs pratiques et les savoirs dits savants que nous avons cherché à vérifier simultanément, dans l’élaboration de ce rapport annuel, l’influence de la recherche sur l’innovation et la transformation des pratiques en éducation, ainsi que l’influence des pratiques éducatives sur la recherche en éducation. Cet aller-retour entre la recherche et la pratique peut être illustré au moyen du modèle développé par les centres de formation en entreprise et récupération (CFER) et la Chaire de recherche CFER. Grâce à la contribution financière du Réseau québécois des CFER, la Chaire de recherche CFER a pu être mise en place dès 2001. Depuis, elle a réussi à consolider une équipe de chercheurs et d’étudiants de deuxième cycle venant d’horizons disciplinaires variés. La Chaire de recherche CFER comporte deux volets : premièrement, le développement d’activités de recherche fondamentale et in situ dans les CFER et, deuxièmement, la recherche dans les entreprises qui leur est associée. Cette chaire veut soutenir des modèles novateurs de gestion scolaire et de nouvelles pratiques pédagogiques qui valorisent l’engagement social immédiat des élèves en difficulté, l’entrepreneuriat institutionnel et les pratiques qui s’inscrivent dans une optique de développement durable. Elle a pour objectifs : > d’analyser les caractéristiques des CFER sur le plan organisationnel, pédagogique et entrepreneurial ; > de cerner le rôle de ces caractéristiques pour ce qui est d’améliorer la réussite scolaire des jeunes en difficulté, leur insertion sociale et professionnelle, ainsi que la vie économique des collectivités locales et régionales dans l’optique d’un développement durable ; > de transférer la somme des connaissances développées sur le plan scientifique dans les milieux scolaire, social et économique. En dépit des liens et des échanges qui ont caractérisé le développement de la recherche en éducation et de la pratique éducative, il arrive fréquemment que ces deux réalités soient perçues comme deux univers séparés. Si un tel clivage semble présent dans plusieurs disciplines, il peut paraître plus accentué lorsqu’il s’agit d’une profession du domaine des relations humaines, comme c’est le cas pour l’enseignement. Les chercheurs de l’éducation, engagés dans la production et la vérification d’idées nouvelles et convaincus que la science peut et doit enrichir les pratiques pédagogiques, reprochent parfois aux praticiens « […] de préférer les recettes, les certitudes et les solutions rapides et simples, en dépit de la complexité de leur environnement » (Gather Thurler, 1993, p. 27). Quant aux praticiens, aux prises quotidiennement avec les aléas de la classe et contraints de composer avec des programmes complexes, des ressources peu disponibles et des locaux souvent mal adaptés, ils se sentent peu concernés par le travail des chercheurs. Ces derniers « leur semblent parfois peu qualifiés, mal informés, ou simplement naïfs, enfermés dans leur

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jargon, poursuivant des chimères et manifestant peu d’empathie pour les urgences du praticien » (Gather Thurler, 1993, p. 27). Tardif, Lessard et Gauthier attribuent une partie du clivage entre chercheurs et praticiens au modèle linéaire de transfert des connaissances de la recherche vers la pratique, adopté par bon nombre de chercheurs universitaires : […] la formation à l’enseignement a traditionnellement adopté un modèle fondé sur l’épistémologie de la rationalité technique qui « repose sur l’idée qu’une connaissance professionnelle est une connaissance appliquée qui se fonde hiérarchiquement sur des principes généraux au plus haut niveau et la résolution de problèmes concrets au plus bas. […] La formation est [alors] conçue surtout comme un modèle de transmission des connaissances scientifiques, produites par la recherche, aux futurs praticiens, qui vont ensuite les appliquer dans leur pratique » (Tardif, Lessard et Gauthier, 1998, p. 23-24). Yves Lenoir, quant à lui, souligne les lacunes de ce modèle linéaire de transfert des connaissances et ses effets négatifs sur les liens entre chercheurs et praticiens : L’usage d’un tel modèle sous ses différentes formes a entre autres conduit, dans la formation à l’enseignement, à des pratiques peu en rapport avec les nécessités d’une formation professionnelle. D’une part, le modèle a consacré la séparation de la théorie et de la pratique, de l’enseignement dispensé en milieu universitaire et de l’activité enseignante en milieu de pratique, et il a conduit de plus à la dévalorisation et à l’ignorance des pratiques et des savoirs émanant du milieu scolaire. D’autre part, ce modèle a conduit, en contrepartie, à la valorisation des savoirs scientifiques homologués, à une surdétermination du système des disciplines scientifiques comme mode formel et normatif de référence et de structuration de la formation à l’enseignement (Lenoir, 2000). Le Conseil n’a pas jugé pertinent de creuser davantage la logique propre des mondes de la recherche et de la pratique. Il s’est surtout interrogé sur les mécanismes qui peuvent contribuer à accroître la complémentarité des savoirs d’expérience et des savoirs scientifiques. Il s’est concentré aussi sur les facteurs qui favorisent le rapprochement entre la pratique et la recherche ainsi que le développement et le soutien de l’innovation. Les ponts qui relient les univers de la recherche et de la pratique, qui sont ici qualifiés d’interfaces, constituent les éléments les plus susceptibles de faire avancer le débat. De plus, l’interface apparaît comme la voie la plus appropriée pour favoriser la libre circulation des innovations des milieux de pratique aux milieux de recherche. Elle permet d’accroître la complémentarité des savoirs d’expérience et des savoirs scientifiques et, par là, d’améliorer les pratiques éducatives.

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1.5 CE QU’IL FAUT RETENIR La pratique enseignante et la recherche en éducation ont toutes deux évolué en tenant compte de considérations communes, comme l’évolution de la formation initiale et continue des enseignants. Elles se sont aussi développées en fonction d’impératifs propres à chacun de leurs univers. La recherche en éducation a dû répondre à des standards notamment liés à la culture universitaire, au financement de la recherche et à la publication de ses résultats, alors que les enseignants ont dû, entre autres choses, répondre aux exigences des réformes et définir le type de prise en charge qu’ils souhaitaient pour leur profession. Sans être pour autant étrangers l’un à l’autre, les univers de la recherche et de la pratique n’ont pas toujours comme réflexe premier de jeter des ponts entre eux. Un bref aperçu historique a toutefois permis de constater que la recherche en éducation et la pratique éducative se sont développées en s’ajustant constamment à leurs réalités propres, mais aussi en s’ouvrant l’une à l’autre et en tenant compte des besoins des personnes engagées sur l’une de leurs deux voies. C’est donc lorsque la pratique et la recherche se trouvent dans des lieux communs que les conditions les plus susceptibles de faire émerger des échanges et des enrichissements mutuels sont réunies. Les deux courants majeurs qui favorisent leur rapprochement sont l’intérêt des chercheurs pour les préoccupations des praticiens de l’éducation et l’évolution de l’enseignement vers une véritable profession qui s’appuie davantage sur des connaissances scientifiques. La question est toutefois de savoir comment cette évolution de la recherche et de la pratique en éducation se traduit aujourd’hui dans les faits. C’est l’objectif principal du chapitre suivant. En s’appuyant sur une enquête auprès des enseignants, sur des consultations et des études réalisées par des chercheurs et sur des consultations auprès des acteurs du milieu, le deuxième chapitre vise à décrire l’état de la situation en ce qui touche les questions suivantes : 1) Dans quelle mesure les enseignantes et les enseignants s’intéressent-ils aux résultats de la recherche en éducation et les utilisent-ils ? 2) Quels sont les intermédiaires, les lieux d’échange et les interfaces qui existent entre le monde de la recherche et celui de la pratique ? 3) Quels sont les obstacles et les conditions les plus propices à la création d’interfaces et à un enrichissement mutuel entre la recherche et la pratique ?

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CHAPITRE

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LIENS ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : ÉTAT DE LA SITUATION Le présent chapitre dresse un portrait factuel de l’état des liens entre la recherche en éducation et la pratique éducative. Le Conseil y aborde essentiellement deux questions. Comment les praticiens, plus particulièrement les enseignants, utilisent-ils les connaissances ou les résultats issus de la recherche en éducation ? Quelles sont les interfaces entre le milieu de la recherche et celui de l’éducation ? Pour illustrer et mieux comprendre la manière dont la recherche pénètre la pratique éducative et comment elle parvient à s’y tailler une place, le Conseil s’est intéressé à deux groupes de praticiens : les enseignants et les conseillers pédagogiques, les premiers comme utilisateurs des résultats de la recherche et les deuxièmes comme intermédiaires entre la recherche et la pratique éducative 9. Le Conseil s’est aussi intéressé aux lieux et aux mécanismes d’interface entre la recherche et la pratique, de même qu’au rôle de soutien et de catalyseur joué par l’État. Par ailleurs, comme il a été signalé en introduction, il est à noter que le Conseil ne dispose pas de données suffisantes pour décrire l’impact du point de vue des praticiens de l’éducation sur les travaux des chercheurs du domaine.

9. D’autres membres du personnel éducatif jouent aussi un rôle d’accompagnement dans le passage de la recherche à la pratique, soit les spécialistes, les conseillers d’orientation, etc. Mais, pour des raisons pratiques, le Conseil n’a pu dresser un portrait de leur situation. On peut cependant présumer que la description des rôles de relais ou d’accompagnement peut s’appliquer à ce type de personnel scolaire.

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La section 2.1 a pour objet de permettre de mieux comprendre la relation qu’entretiennent les enseignants avec les chercheurs en éducation et leur utilisation des résultats de la recherche en vue d’améliorer leur pratique. À cet effet, elle décrit et illustre le point de vue des enseignants du primaire et du secondaire et celui des enseignants du collégial. La présentation du point de vue des enseignants du primaire et du secondaire repose, pour l’essentiel, sur les résultats d’une large enquête menée conjointement, en mai et en juin 2004, par le Conseil et le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) de l’Université de Montréal. Quant à la description du point de vue des enseignants du collégial, elle repose en particulier sur les propos qu’ils ont tenus lors de groupes de discussion organisés par le Conseil. Ces descriptions ont été enrichies par les résultats d’études menées sur le sujet par des chercheurs du collégial. La section 2.2 traite des échanges et du transfert de connaissances entre les milieux de la recherche en éducation et ceux de la pratique éducative. Le Conseil s’est arrêté à l’une des dimensions de ces échanges, soit la fonction d’accompagnement des enseignants engagés dans un processus d’innovation ou d’intégration à leur pratique de certains résultats de la recherche en éducation. Cet accompagnement est abordé par l’entremise de « passeurs » qui favorisent la circulation des savoirs entre les milieux de la recherche et ceux de la pratique. Pour illustrer ce travail d’accompagnement, le Conseil a retenu la fonction des conseillers pédagogiques du primaire, du secondaire et du collégial, en s’appuyant sur des études réalisées par des chercheurs en éducation. L’état de situation présenté vient définir la notion d’interface et mettre en lumière les enjeux et les défis reliés à la fonction d’accompagnement pour ces différents ordres d’enseignement. La section 2.3, pour sa part, est consacrée au rôle de l’État dans la promotion et le soutien de la recherche et des pratiques innovantes en éducation. Dans un premier temps, on y brosse un portrait de la situation au Québec. Dans un deuxième temps, on y présente des exemples concrets d’interventions étatiques menées dans quatre pays, soit les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Australie, afin d’en tirer des leçons et des pistes de solution novatrices au regard des défis qui attendent le Québec en matière de recherche et de pratique éducative.

2.1 LA RECHERCHE NOURRIT-ELLE LA PRATIQUE ÉDUCATIVE ? 2.1.1

LE POINT DE VUE DES ENSEIGNANTS DU PRIMAIRE ET DU SECONDAIRE : RÉSULTATS D’UNE ENQUÊTE Le Québec compte aujourd’hui un peu plus de 101 000 enseignants qui travaillent dans 3 260 établissements d’enseignement primaire et secondaire. L’enseignement est donc une profession qui regroupe un nombre impressionnant d’intervenants et qui s’exerce dans le cadre d’un service public. L’enseignant doit répondre à plusieurs impératifs, parmi lesquels figurent l’intervention pédagogique et l’évaluation des élèves. L’utilisation de la recherche en éducation, tout comme les innovations, concerne spécifiquement ces deux dimensions de la tâche des enseignants.

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Le Conseil s’est notamment intéressé aux innovations pédagogiques et aux changements dans les pratiques enseignantes qui auraient pu être inspirés par les résultats de la recherche ou, en contrepartie, à l’influence des savoirs pratiques des enseignants sur la recherche. S’il semble aller de soi que les résultats de la recherche en éducation devraient contribuer à l’amélioration de la pratique éducative, la littérature spécialisée est plutôt silencieuse en ce qui a trait à l’accès aux résultats de la recherche et à l’utilisation qu’en font les enseignants du primaire et du secondaire. En dépit de cette lacune, le

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LIENS ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : ÉTAT DE LA SITUATION

Conseil voulait savoir si les enseignants connaissent, comprennent et utilisent les résultats de la recherche en éducation. Dans les milieux de l’éducation et de la recherche, plusieurs acteurs sont d’opinion que les enseignants s’intéressent très peu à la recherche. Mais, comme le Conseil n’a pu relever aucune enquête ni aucune étude empirique récente qui permette d’examiner ou de mesurer l’intérêt des enseignants à l’égard de la recherche en éducation, il a jugé opportun d’aller au-delà des impressions sur le sujet. C’est donc avec le souci de voir ce qu’il en est dans les faits qu’il s’est associé avec le CRIFPE pour sonder les enseignants du primaire et du secondaire sur leurs habitudes et leurs perceptions à l’égard de la recherche en éducation. Cette enquête a été menée en mai et en juin 2004 auprès d’un échantillon représentatif de 548 enseignants travaillant dans 145 établissements scolaires disséminés dans l’ensemble du Québec. Cette enquête a touché plusieurs thèmes dont les résultats sont présentés dans les pages qui suivent 10. Les enseignants ont-ils facilement accès aux résultats de la recherche en éducation ? L’enquête montre que les enseignants ont facilement accès aux sources d’information et aux activités qui présentent les résultats de la recherche en éducation. En effet, comme on peut le voir au tableau 1, plus de la moitié des répondants affirment avoir accès à au moins cinq des sources d’information parmi une liste qui en compte dix. Au surplus, moins de 3,0 % ont déclaré n’avoir aucune possibilité d’accès à l’une de ces sources (Bérubé, 2005, p. 25). Ce sont les articles publiés par des chercheurs universitaires dans des revues professionnelles qui constituent la source accessible au plus grand nombre d’enseignants, soit à 60 % et plus. Deux autres sources d’information se démarquent puisque la moitié des enseignants estiment qu’elles sont facilement accessibles : les textes des chercheurs universitaires qui se trouvent dans des sites Internet et les articles publiés dans des revues universitaires. Pour ce qui est des ressources physiques et financières mises à la disposition des enseignants, les trois quarts des répondants disent avoir accès à des ressources physiques, 53 % bénéficient d’une aide financière pour participer à des colloques et à d’autres activités, tandis que 40 % des répondants affirment bénéficier d’un dégagement ou d’une libération du temps de travail. Les résultats de la recherche sont généralement rendus accessibles aux enseignants par l’entremise des ressources de l’école (87,1 %) ou bien par leurs propres démarches (74,6 %). Pour les directions d’école, il est important que les enseignants aient accès aux résultats de la recherche. Les directeurs d’établissements primaires et secondaires que le Conseil a entendus considèrent à cet égard qu’ils doivent assumer leur part de responsabilité pour favoriser cette accessibilité. Ils doivent, entre autres, demeurer à l’affût de ce qui se fait en recherche de manière à pouvoir retransmettre les nouvelles connaissances aux enseignants. Les directeurs d’établissement se disent par ailleurs dépassés par la quantité des résultats de recherche en éducation qui sont publiés. Ils disposent généralement de peu de temps pour en prendre connaissance et certains ne peuvent compter sur la présence de conseillers pédagogiques pouvant les assister dans cette tâche. Mais même s’ils disposent de l’aide de conseillers pédagogiques, la plupart des directeurs rencontrés par le Conseil estiment qu’ils devraient, en plus, pouvoir compter sur un réseau de diffusion de l’information portant sur la recherche en éducation. Pour d’aucuns, ce réseau pourrait être sous la gouverne du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et consister en une banque de données accessible sur Internet ou en un répertoire publié. 10. Pour une présentation détaillée de la méthodologie et des résultats de cette enquête, voir le rapport de recherche rédigé par Bruno Bérubé (2005).

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

TABLEAU 1 PROPORTION D’ENSEIGNANTS QUI DISENT AVOIR FACILEMENT ACCÈS À DES SOURCES D’INFORMATION OU À DES RESSOURCES PHYSIQUES OU FINANCIÈRES RELIÉES À L’ENSEIGNEMENT

Nombre de répondants n

%

SOURCES INFORMATIONNELLES Articles écrits par des chercheurs universitaires dans des revues professionnelles (Vie pédagogique, Option, etc.)

483

88,1

Textes écrits par des chercheurs universitaires et se trouvant sur des sites Internet

333

60,8

Articles publiés dans des revues universitaires (Revue des sciences de l’éducation, Apprentissage et socialisation, etc.)

295

53,8

Livres ou chapitres de livres écrits par des chercheurs universitaires

230

42,0

Manuels ou guides écrits par des chercheurs universitaires à l’usage des enseignants

190

34,7

Actes de colloques et comptes rendus de communications et conférences universitaires

122

22,3

Documents abrégés et résumés de recherches universitaires

89

16,2

RESSOURCES PHYSIQUES ET FINANCIÈRES Ressources physiques (laboratoires, salles d’ordinateurs, etc.)

416

75,9

Aide financière (soutien financier pour participer à des colloques, etc.)

292

53,3

Dégagement ou libération du temps de travail

238

43,4

Au tableau 2 est illustrée l’importance relative que les enseignants accordent aux différentes sources d’information et moyens à leur disposition pour avoir accès aux résultats de la recherche. Les répondants devaient inscrire, sur une échelle croissante de 1 (peu importante) à 6 (très importante), le poids de chacun des moyens ou sources présentés dans le questionnaire (Bérubé, 2005, p. 27-28). Il importe de souligner que toutes les sources d’information ont été classées comme étant généralement importantes (cotes 4, 5 ou 6) par au moins 63,9 % des répondants. Nous pouvons donc comprendre que toutes contribuent à l’accès la recherche. Ce tableau montre aussi que certaines d’entre elles se démarquent des autres, notamment les conférences ou présentations données par des professionnels scolaires, ainsi que les revues professionnelles. L’aide financière vient aussi au premier rang comme moyen de soutien pour favoriser l’accès aux sources d’information ou la participation à des activités reliées à la recherche. De fait, seulement 50 % des enseignants semblent bénéficier actuellement d’un soutien financier pour avoir accès aux résultats de la recherche.

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TABLEAU 2 PROPORTION D’ENSEIGNANTS QUI ACCORDENT DE L’IMPORTANCE AUX SOURCES D’INFORMATION ET AUX MOYENS FAVORISANT L’ACCESSIBILITÉ, LA DIFFUSION ET L’UTILISATION DE LA RECHERCHE DANS LES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT Nombre de répondants

Pourcentage de répondants 11

Aide financière (dégagement et inscription pour participer à des colloques, à des congrès, etc.)

540

89,6

Conférences ou présentations données par des professionnels (conseillers pédagogiques, orthopédagogues, etc.)

539

86,9

Revues professionnelles (Revue préscolaire, Vivre le primaire, etc.)

537

77,6

Sites Internet consacrés à la recherche en enseignement

542

75,4

Revues scientifiques sur l’enseignement (Revue des sciences de l’éducation, Savoir, etc.)

540

75,0

Formations et cours offerts par des chercheurs universitaires

539

70,7

Conférences ou communications données par des chercheurs universitaires

540

69,8

Documents gouvernementaux présentant des recherches ou leurs résultats (Conseil supérieur de l’éducation, MELS, etc.)

542

68,4

Bulletins qui présentent des résultats de recherche (associations, syndicats, centres de recherche, etc.)

544

65,5

Journées pédagogiques où sont présentés des résultats de recherche

540

63,9

La consultation des sources d’information sur la recherche par les enseignants Si la grande majorité des enseignants affirment avoir facilement accès aux sources d’information sur les résultats de la recherche en éducation, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils les consultent. En effet, environ un tiers des répondants disent n’avoir jamais consulté de telles sources d’information au cours des deux dernières années. Pour expliquer leur comportement, ils invoquent notamment le manque de temps (23,0 % d’entre eux) ou encore le manque de connaissance des sources d’information ou des recherches (20,0 %). En revanche, les deux tiers des répondants déclarent avoir consulté, à au moins une reprise, une des sources d’information reliées à la recherche en enseignement. De fait, un groupe d’enseignants, soit 30,0 % des répondants, consulte ces sources d’information souvent ou très souvent. Les enseignants peuvent ainsi être répartis en trois groupes: ceux qui ne consultent jamais les sources d’information sur la recherche en éducation, ceux qui les consultent peu souvent et les plus actifs en cette matière, soit ceux qui les consultent souvent ou très souvent. Par ailleurs, l’enquête montre que ce sont les enseignants du primaire qui consultent en plus grand nombre les sources d’information sur les résultats de la recherche en éducation (71,3 %), suivis des enseignants du secondaire (63,5 %) et de ceux de l’éducation des adultes (55,6 %), alors que les enseignants des centres de formation professionnelle sont moins nombreux à les consulter (36,6 %). Ce dernier constat s’expliquerait par le fait que trop peu de recherches pédagogiques concernent le secteur de la formation professionnelle plutôt que par un manque d’intérêt des enseignants.

37 11. Il s’agit ici des répondants ayant indiqué, sur une échelle allant de 1 (peu important) à 6 (très important), une valeur de 4 (assez important), de 5 (important) ou de 6 (très important).

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TABLEAU 3 SOURCES D’INFORMATION SUR LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE EN ÉDUCATION QUE LES ENSEIGNANTS CONSULTENT DANS LE CADRE DE LEUR TRAVAIL Nombre de répondants

Pourcentage de répondants

Des manuels écrits par des chercheurs universitaires pour des enseignants (guides, outils pédagogiques, etc.)

537

63,0

Des résumés (de communications ou de recherches) ou des articles écrits par des chercheurs universitaires et publiés dans diverses revues

533

62,3

Des textes écrits par des conseillers pédagogiques et autres collègues de mon milieu professionnel

531

61,1

Des livres ou des chapitres de livres écrits par des chercheurs universitaires

529

57,7

Des écrits scientifiques se trouvant dans des sites Internet

531

49,2

Des comptes rendus de congrès professionnels

531

47,5

Des comptes rendus ou actes de colloques universitaires

527

43,3

Les directeurs d’établissement, qui estiment avoir une responsabilité à assumer pour que la recherche soit davantage utilisée par les enseignants, jugent qu’ils doivent avant tout aider ces derniers à développer l’habitude de prendre connaissance de la recherche existante. S’ils ne le font pas suffisamment, c’est soit par manque de temps, soit par manque d’intérêt. Si les directeurs disent manquer de temps pour prendre connaissance des recherches en éducation, c’est en partie à cause de la multitude des sources disponibles et de la pertinence des textes qui leur sont soumis. Ces textes leur apparaissent souvent très techniques ou hermétiques. Si l’on restreint l’analyse aux deux tiers d’enseignants qui affirment avoir consulté des sources d’information sur les résultats de recherche, on observe, comme le montre le tableau 3, que les documents les plus souvent consultés sont les manuels écrits par des chercheurs universitaires, les articles publiés dans des revues et les textes écrits par des conseillers pédagogiques. Quant aux autres types de documents, ils sont beaucoup moins souvent consultés par les enseignants (Bérubé, 2005, p. 30). L’enquête révèle également que trois publications figurent comme étant les plus consultées : la revue Vie pédagogique (lue par 58,9 % des répondants), le bulletin Virage (45,4 %) du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, ainsi que la revue syndicale Nouvelles CSQ (42,0 %) (Bérubé, 2005, p. 32). Ces trois revues sont distribuées gratuitement et à large échelle dans les écoles du Québec. Cette popularité est aussi un témoignage de l’intérêt des enseignants pour les sources d’information qui vulgarisent les résultats de la recherche. Par ailleurs, bien qu’ils soient moins populaires que les revues, les livres ou chapitres de livre qui traitent de l’enseignement ont tout de même retenu l’attention de près de la moitié des répondants (Bérubé, 2005, p. 33). Enfin, la grande majorité des enseignants qui ont consulté des sources d’information sur les résultats de la recherche en éducation affirment l’avoir fait avec profit puisque 71,0 % d’entre eux estiment que les articles ou les textes tirés de revues, de livres ou de sites Internet leur permettent d’améliorer leur enseignement, répondent à leurs préoccupations ou à leurs besoins et ne sont pas difficiles à comprendre (Bérubé, 2005, p. 35).

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Le ministère de l’Éducation a créé Vie pédagogique en 1979, dans la foulée de la parution du document L’école québécoise : énoncé de politique et plan d’action. Tirée aujourd’hui à plus de 50 000 exemplaires, la revue Vie pédagogique est prioritairement destinée aux enseignants et enseignantes de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaire. Dès le premier numéro, le comité de rédaction annonçait clairement sa volonté de s’intéresser à la fois à la théorie et à la pratique. La revue est restée fidèle à cette orientation de départ : elle a toujours pour mandat de contribuer à l’innovation de la pensée et de la pratique pédagogiques. En plus de faire la promotion de l’innovation pédagogique, la revue favorise le développement d’un réseau d’échange d’idées et de moyens pour aider le personnel enseignant à faire apprendre aux élèves toujours plus et mieux (Bisailllon, 2003, p. 4). Vie pédagogique favorise la rencontre de pédagogues engagés dans les différents échelons de notre système éducatif. Elle constitue une véritable interface en favorisant « l’établissement de liens de plus en plus étroits entre le terrain de la recherche et celui de la pratique, entre la sphère de la gestion et celle de la pédagogie de même qu’entre les réflexions d’experts et les questions des débutants » (Bisaillon, 2003, p. 4). Son lectorat, d’après un sondage effectué au printemps 2000 12, est composé de 52,9 % d’enseignantes et d’enseignants ; de 13,7 % d’étudiantes et d’étudiants en formation à l’enseignement et de 33,0 % d’administratrices et d’administrateurs scolaires, de conseillères et de conseillers pédagogiques, d’universitaires, de parents, etc. En outre, mentionnons que 40,8 % des lecteurs de Vie pédagogique travaillent au primaire, tandis que 28,1 % travaillent ou s’intéressent davantage au secondaire. Les personnes qui travaillent en éducation depuis moins de 5 ans ou depuis plus de 25 ans constituent les deux groupes de lecteurs les plus importants : elles représentent respectivement 28,1 % et 22,5 % du lectorat. Enfin, 73,9 % des répondants considèrent que la revue est facile (71,4 %) ou très facile (2,5 %) à lire. Quant aux textes de la revue, ce sont les articles pédagogiques qui suscitent le plus l’intérêt des lecteurs. De plus, il est à noter que 80,0 % des lecteurs sont satisfaits du fait que le contenu soit axé à la fois sur la théorie et sur la pratique, tandis que les autres 20,0 % souhaiteraient que le contenu soit exclusivement centré sur la pratique. Enfin, 83,8 % des lecteurs se disent intéressés par les articles traitant de recherche en éducation, 84,4 % les perçoivent comme utiles et 70,4 % les lisent fréquemment. L’utilisation des résultats de la recherche par les enseignants De manière générale, les enseignants interrogés par le Conseil disent avoir facilement accès aux sources d’information sur la recherche en enseignement et les consulter. La presque totalité de ces enseignants estiment même qu’ils ont besoin de la recherche universitaire en éducation dans l’exercice de leur profession (Bérubé, 2005, p. 43). Cependant, qu’en est-il de l’utilisation des résultats de la recherche pour améliorer ou transformer les pratiques éducatives ? Les trois quarts des répondants qui ont consulté des sources d’information sur la recherche disent avoir déjà utilisé dans leur pratique cette information (idées, concepts, principes, modèles, stratégies, résultats, etc.). Le plus souvent, comme le montre le tableau 4, cette information les aide dans leur réflexion sur la pratique enseignante ou bien lorsqu’ils expérimentent de nouvelles techniques, veulent résoudre certains problèmes quotidiens de leur classe ou entreprennent des expériences pédagogiques innovatrices (Bérubé, 2005, p. 41).

39 12. Pour un résumé des résultats de ce sondage, voir Vie pédagogique, no 117, novembre-décembre 2000, p. 55-56.

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TABLEAU 4 PRINCIPALES RAISONS INCITANT LES ENSEIGNANTS À UTILISER L’INFORMATION ISSUE DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE EN ÉDUCATION Nombre de répondants

Thèmes

Pourcentage de répondants

Pour réfléchir sur ma pratique enseignante

282

69,8

Pour expérimenter de nouvelles techniques

260

64,4

Pour m’aider à résoudre certains problèmes quotidiens de la classe

254

62,9

Pour tenter des expériences pédagogiques innovatrices

243

60,1

Pour m’aider à faire face aux problèmes dus à l’implantation de la réforme

233

57,7

Pour élaborer du nouveau matériel pédagogique

222

55,0

Pour répondre à des besoins ou préoccupations du moment

192

47,5

Pour compléter ou poursuivre une formation reçue à l’université

98

24,3

Pour répondre aux exigences d’une formation en cours

94

23,3

Pour résoudre des problèmes liés aux projets éducatifs de l’école

86

21,3

Autres raisons

12

3,0

Les directeurs d’établissements primaires et secondaires ont des points de vue divergents sur l’utilisation de la recherche en éducation. D’aucuns ont souligné qu’ils disposent, dans leur école, de recherches intéressantes qui les éclairent sur des dimensions scolaires ou psychosociales mais qui, par ailleurs, leur paraissent moins utiles en raison de leur caractère plutôt abstrait. D’autres considèrent les recherches disponibles comme fort utiles pour leur permettre de résoudre, par exemple, le problème du faible taux de réussite des garçons ou du redoublement. Cependant, la plupart conviennent que, pour être utilisés par les enseignants et le personnel scolaire, les résultats de la recherche doivent généralement être portés par un conseiller pédagogique et vulgarisés avant d’être diffusés auprès des enseignants. Si les enseignants accordent de l’importance à la recherche en éducation, ils signalent malgré tout plusieurs obstacles à la consultation et à l’utilisation des sources d’information. Ce sont principalement le manque de temps pour chercher et lire des résultats de recherche, qui touche 78,8 % des répondants ; la lourdeur de leur tâche d’enseignement (74,3 %) ; la faible présence des universitaires dans le milieu scolaire (56,7 %) et l’insuffisance du soutien financier pour la participation à des congrès ou à des colloques (56,6 %). Enfin, les enseignants plus scolarisés (titulaires d’un diplôme de deuxième ou de troisième cycle) sont moins nombreux à signaler de telles entraves pour ce qui est de la consultation ou de l’utilisation des résultats de la recherche dans leur pratique (Bérubé, 2005, p. 42). Pour leur part, les directeurs d’établissement croient que les enseignants participent rarement à des congrès ou à des colloques parce que les thèmes ou le contenu de ces événements leur paraissent peu pertinents au regard de leurs besoins. Certains affirment même que les enseignants recherchent surtout des résultats qu’ils peuvent mettre en pratique immédiatement sur le terrain ou dans la classe, des besoins auxquels ne répondent pas de tels événements.

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Par ailleurs, des répondants ont signalé certaines conditions favorables à l’utilisation des résultats de la recherche. Les conditions les plus fréquemment notées sont le caractère très pratique de ces résultats (86,7 %), le fait que les résultats soient présentés ou suggérés par des professionnels du milieu scolaire (47,3 %) et la possibilité de tester concrètement la pertinence de ces résultats au regard de leurs besoins (44,3 %) (Bérubé, 2005, p. 44).

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La participation des enseignants aux activités ou aux événements reliés à la recherche en éducation La participation à des activités ou à des événements reliés à la recherche est une facette importante de l’intérêt des enseignants. Le tableau 5 présente divers types d’activités reliées à la recherche en éducation. Quelque 82,7 % des enseignants interrogés affirment avoir participé à au moins une de ces activités au cours des deux dernières années. Certaines activités suscitent une plus grande participation des enseignants, en particulier celles qui sont organisées par des professionnels du milieu scolaire ou par la commission scolaire. La participation la plus active est le fait d’un sous-groupe d’enseignants, ce qui vient confirmer la présence d’un sous-groupe plus intéressé, que ce soit sur le plan de la consultation ou sur celui de l’utilisation des résultats de recherche. Le tiers des répondants, par exemple, affirment avoir participé à au moins trois activités pendant les deux dernières années. En revanche, une bonne proportion d’enseignants ne participent jamais à de tels événements. TABLEAU 5 PROPORTION D’ENSEIGNANTS AYANT ASSISTÉ OU PARTICIPÉ À DES ACTIVITÉS RELIÉES À LA RECHERCHE EN ÉDUCATION Pourcentage de répondants

Jamais (%)

Rarement (%)

Souvent (%)

Aucune réponse (%)

TOTAL (%)

Assisté ou participé à des activités liées à la recherche organisées par des professionnels de mon milieu (conseillers pédagogiques, orthopédagogues, etc.)

548

34,9

43,1

20,1

2,0

100

Assisté ou participé à des activités liées à la recherche organisées par la commission scolaire

548

53,8

31,6

12,0

2,6

100

Assisté ou participé à des colloques, à des conférences ou à des congrès organisés par des chercheurs universitaires

548

55,7

37,0

5,7

1,6

100

Suivi des formations offertes par des chercheurs universitaires

548

77,9

14,8

4,2

3,1

100

Assisté ou participé à des activités liées à la recherche organisées par le syndicat

548

81,9

14,4

2,0

1,6

100

Donné des conférences ou fait des présentations dans des colloques ou des congrès

548

90,0

5,8

1,8

2,4

100

Participé à la rédaction d’articles, de textes ou d’autres écrits publiés dans des revues spécialisées en éducation

548

95,3

1,8

0,7

2,2

100

Encore plus rares sont les enseignants qui ont donné des conférences, effectué des présentations lors de congrès (7,6 %) ou participé à la rédaction d’articles, de textes ou d’autres écrits publiés dans des revues spécialisées en éducation (2,5 %). Le niveau de scolarité des enseignants influence grandement leur participation à certaines activités de recherche. La figure 1 montre que les enseignants les plus scolarisés (titulaires d’un diplôme de deuxième ou de troisième cycle) sont plus enclins à suivre des formations offertes par des chercheurs universitaires, à donner des conférences, à faire des présentations et à participer à la rédaction d’articles, de textes ou d’autres écrits publiés dans des revues spécialisées en éducation.

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FIGURE 1 PARTICIPATION À CERTAINES ACTIVITÉS RELIÉES À LA RECHERCHE SELON LE PLUS HAUT DIPLÔME OBTENU

Proportion des répondants

35,0 % Baccalauréat ou moins

32,4 %

30,0 %

Supérieur au baccalauréat

25,0 % 20,0 % 15,0 %

16,7 % 13,5 %

10,0 % 5,0 %

6,8 %

1,9 %

6,8 %

0,0 % Formations offertes par des chercheurs universitaires

Conférences ou des présentations dans des colloques ou congrès

Rédaction d’articles, de textes ou d’autres écrits dans des revues spécialisées en éducation

Types d’activités

Sur la base de l’enquête, on observe une relation positive et statistiquement significative entre la scolarité de l’enseignant et son intérêt pour la recherche. En effet, ceux qui sont titulaires d’un diplôme de deuxième ou de troisième cycle montrent un intérêt plus grand pour la recherche. L’enquête montre aussi que seulement 10,8 % des enseignants ont participé à une recherche en tant que chercheurs au cours de leur carrière. Les propos des directeurs d’établissements primaires et secondaires viennent éclairer plusieurs aspects de la recherche universitaire en milieu scolaire et de la participation du personnel scolaire à de telles activités. Le milieu scolaire serait très sollicité par les chercheurs en éducation comme terrain de recherche. Toutefois, les projets de recherche ne répondent pas toujours aux besoins du personnel scolaire. Si les directeurs estiment être très ouverts aux demandes des chercheurs, ils considèrent toutefois que cela peut être lourd puisque leurs écoles sont de plus en plus fréquemment sollicitées. Les directeurs déplorent qu’ils ne profitent pas souvent des retombées des recherches dont leur école est le théâtre. Ces recherches répondent rarement à un besoin particulier de l’école et, lorsqu’elles sont pertinentes, les rapports qui en découlent sont d’un accès plutôt difficile. Malgré tout, certains projets de recherche sont suffisamment proches de la pratique pour répondre aux besoins de l’école d’accueil. Cependant, en dépit des réserves exprimées, les directeurs croient que la recherche pédagogique fait contrepoids aux croyances non vérifiées et qu’elle permet d’asseoir la pratique des enseignants sur des bases plus solides.

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La synthèse des résultats de l’enquête La figure 2 offre un schéma synthèse des résultats de l’enquête en fonction des types de liens ou de rapports qu’entretiennent les enseignants avec le milieu de la recherche en éducation. Les pourcentages font référence aux enseignants qui déclarent avoir eu accès à au moins une source d’information, consulté une telle source ou participé à au moins une activité reliée à la recherche. Toutefois, le schéma ne nous informe pas sur l’intensité de ces liens, c’est-à-dire sur leur fréquence ou leur multiplicité. En effet, un répondant ayant consulté une revue une seule fois est considéré au même titre qu’un enseignant ayant consulté plusieurs revues plus d’une fois.

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LIENS ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : ÉTAT DE LA SITUATION

FIGURE 2 SOMMAIRE DES PROPORTIONS DE RÉPONDANTS SELON LES TYPES DE LIENS AVEC LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE EN ENSEIGNEMENT

ACCÈS À LA RECHERCHE

APPROPRIATION DE LA RECHERCHE

UTILISATION DE LA RECHERCHE

Participation ou assistance à des activités reliées à la recherche au cours des deux dernières années (82,7 %) Consultation de la recherche (66,5 %) Accès à la recherche en enseignement (97,3 %) Revues (64,8 %)

À l’école (87,1 %)

Par leurs propres moyens (74,6 %)

Livres (48,0 %)

Utilisation de la recherche dans la pratique enseignante (73,7 %)

Participation à des activités de perfectionnement ou de formation continue reliées à la recherche (59,5 %)

Pour mieux faire ressortir l’intensité de ces liens, nous avons construit un indice qui varie en fonction de la fréquence et de la multiplicité des contacts des enseignants avec les résultats de la recherche. Cet indice dénote le « degré de rapprochement » entre les enseignants et la recherche en éducation 13. Sur la base de cet indice, nous avons distingué deux groupes de répondants : un premier groupe (32,0 %) dont l’indice est le plus élevé et un second (68 %) dont l’indice est moyen ou faible. Cette distinction permet de faire ressortir les comportements et les facteurs qui sont reliés à l’intensité de l’intérêt pour la recherche chez l’un ou l’autre groupe. Le lien entre le degré de rapprochement à l’égard de la recherche, l’utilisation de la recherche et les nouvelles pratiques d’enseignement L’intérêt des enseignants pour la recherche en éducation apparaît plus éclairant lorsqu’on s’intéresse à leur comportement au regard de l’utilisation de ses résultats. L’intensité de leur intérêt semble jouer un grand rôle dans leur propension à utiliser les résultats de la recherche dans leur pratique éducative. Ainsi, comme le montre la figure 3, quelque 91,3 % des enseignants dont l’indice de rapprochement est le plus élevé ont utilisé les résultats de la recherche dans leur pratique, alors que la proportion est de seulement 67,1 % dans le groupe montrant un indice moyen ou faible. Par ailleurs, ce lien est plus ténu lorsqu’on compare ces deux groupes d’enseignants en ce qui concerne leur propension à expérimenter ou à mettre en place de nouvelles pratiques d’enseignement. Ainsi, 90,8 % des enseignants du groupe très intéressé à la recherche contre 78,8 % du deuxième groupe affirment avoir mis en place de nouvelles pratiques d’enseignement.

13. Un total de 24 questions et sous-questions de l’outil de collecte de données ont été ciblées afin de déterminer le niveau de rapprochement des répondants à l’égard de la recherche. La somme du pointage obtenu à chacune de ces questions et sous-questions représente l’indice du niveau de rapprochement des répondants. Ainsi, plus l’indice est élevé, plus le répondant tend à porter attention à la recherche en éducation. Le détail de la construction de cet indice est présenté dans le rapport préparé par Bérubé (2005).

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FIGURE 3 LIEN ENTRE LE DEGRÉ DE RAPPROCHEMENT À L’ÉGARD DE LA RECHERCHE, L’UTILISATION DE LA RECHERCHE ET LA MISE EN PLACE DE NOUVELLES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT

Proportion des répondants

100,0 % Fort rapprochement avec la recherche

90,0 %

Faible rapprochement avec la recherche

91,3 %

90,8 %

80,0 % 78,8 %

70,0 % 67,1 %

60,0 % 50,0 % 40,0 % 30,0 % 20,0 % 10,0 % 0,0 % Mise en place de nouvelles pratiques d’enseignement

Utilisation de l’information issue de la recherche en enseignement

En somme, il existe un lien positif entre l’indice de rapprochement à l’égard de la recherche et les comportements d’utilisation et d’innovation des enseignants dans leur pratique. Toutefois, l’enquête permet de constater que certains enseignants, tout en montrant un faible intérêt pour la recherche, peuvent également participer à l’expérimentation de nouvelles façons de faire. Il devient donc important de s’intéresser aux éléments pouvant influencer l’intérêt des enseignants pour la recherche. Le lien entre la formation des enseignants et leur degré de rapprochement à l’égard de la recherche L’enquête montre que l’intérêt des enseignants pour la recherche en éducation n’est pas influencé de manière significative par l’ordre ou le secteur d’enseignement où ils travaillent, que ce soit au primaire, au secondaire, à l’éducation des adultes ou au secteur professionnel. En revanche, il existe un lien positif entre le niveau de scolarité des enseignants et leur intérêt à l’égard de la recherche en éducation. Ainsi, près de la moitié (46,0 %) des enseignants titulaires d’un diplôme de cycle supérieur font partie du groupe de répondants présentant l’indice de rapprochement le plus élevé, contre 29,2 % pour les enseignants titulaires d’un diplôme de premier cycle. De même, la moitié des enseignants qui ont été mis en contact avec la recherche lors de leur formation initiale font partie du groupe présentant un indice élevé, tandis que la proportion est du quart pour les répondants classés dans le groupe n’ayant pas bénéficié de cette possibilité. La formation initiale et les occasions de contact avec la recherche offertes aux étudiants sont donc des facteurs importants qui expliquent en grande partie la place que les enseignants accordent à la recherche dans le cadre de l’exercice de leur profession.

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Le lien entre l’accès des enseignants à la recherche et le degré de rapprochement à l’égard de celle-ci L’enquête montre également un lien positif entre l’intensité de l’intérêt des enseignants pour la recherche et l’accès à diverses sources d’information sur les résultats de la recherche. Plus de la moitié des enseignants ayant accès à plus de cinq sources d’information se classent parmi ceux qui entretiennent

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les liens les plus intenses avec la recherche. De surcroît, plus de 80,0 % des enseignants de ce groupe accèdent à la recherche par des démarches personnelles, alors que la proportion est de 66,4 % dans l’autre groupe. Il apparaît donc que les efforts des établissements d’enseignement pour faciliter l’accès aux résultats de la recherche sont importants pour stimuler l’intérêt des enseignants ou pour répondre à leurs besoins en cette matière. Le lien entre le soutien offert par le milieu scolaire et le degré de rapprochement à l’égard de la recherche L’enquête révèle que la présence de personnes qui prennent en charge l’accompagnement des enseignants pour assurer la diffusion, l’appropriation et l’utilisation de la recherche en éducation augmente l’intérêt des enseignants pour celle-ci. En effet, plus de 45,0 % des enseignants du groupe présentant un indice élevé mentionnent que des personnes assumant cette fonction d’accompagnement et de soutien en recherche sont actives dans leur milieu de travail, tandis que cette proportion diminue pour s’établir à moins de 30,0 % dans l’autre groupe d’enseignants. Bref, l’accompagnement en matière de recherche offert par l’école et le personnel scolaire stimule l’intérêt des enseignants. En résumé, la perception voulant que « les enseignants s’intéressent peu à la recherche en éducation » paraît non fondée à la lumière des résultats de l’enquête et des consultations menées par le Conseil. Les directeurs d’établissement, pour leur part, estiment que la contribution de la recherche au préscolaire, au primaire et au secondaire est importante. Ils croient qu’une bonne partie des efforts des chercheurs en éducation devraient porter sur la vulgarisation des résultats de la recherche. Par contre, la plupart des acteurs du primaire et du secondaire consultés ont souligné des lacunes importantes au chapitre de l’accessibilité, de la diffusion et de la pertinence des résultats de la recherche en éducation. Le Conseil a entendu des enseignants qui se disent prêts à porter une plus grande attention à la recherche. L’intérêt des enseignants à l’égard de la recherche prend forme en particulier au cours de leur formation initiale et s’affermit par leur engagement dans un processus de formation continue et de participation. Les efforts des établissements scolaires pour faciliter l’accès des enseignants à la recherche sont très importants pour stimuler leur intérêt. L’accompagnement et le soutien offerts aux enseignants dans leur appropriation de la recherche en éducation sont aussi importants. La présence de personnes qui assument cette fonction favorise l’intérêt des enseignants en ce domaine. 2.1.2

LE POINT DE VUE DES ENSEIGNANTS DU COLLÉGIAL Les consultations menées auprès de plusieurs groupes d’enseignants du collégial ne nous informent pas suffisamment sur leur accès aux recherches en éducation ou sur l’utilisation qu’ils en font dans leur pratique éducative. Leurs propos témoignent surtout des préoccupations des enseignants du collégial relativement aux conditions favorisant la recherche dans les collèges en général ainsi que la recherche pédagogique en particulier. En effet, l’importance de la recherche dans les collèges dépend en grande partie de son financement et des ressources offertes dans les établissements pour soutenir les chercheurs et encourager la diffusion de la recherche. Enfin, si la recherche fait partie intégrante de la tâche des enseignants universitaires, ce n’est pas le cas à l’enseignement collégial. L’importance de la recherche pédagogique à l’enseignement collégial Les enseignants des collèges sont hautement scolarisés : près des deux tiers ont accumulé dix-huit ou dix-neuf années d’études, soit la scolarité nécessaire pour obtenir une maîtrise. Dans les cégeps, la proportion d’enseignants

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titulaires d’un doctorat est très stable depuis les dix dernières années, s’établissant à 5,8 % de l’ensemble des enseignants permanents et non permanents. C’est parmi eux qu’on trouve le plus grand nombre de chercheurs. Pour l’Association pour la recherche au collégial (ARC), un organisme fondé en 1988 par des chercheurs du collégial, la reconnaissance de la recherche dans les collèges est de plus en plus grande et les réponses apportées par les travaux de recherche éclairent la pratique du personnel enseignant, du personnel non enseignant et des administrateurs. Les enseignants du collégial ayant participé aux groupes de discussion organisés par le Conseil se sont surtout exprimés au sujet de leurs compétences en recherche pédagogique, de leur grand intérêt pour la recherche en général et des difficultés qu’ils éprouvent lorsqu’ils veulent faire de la recherche pédagogique. En revanche, ils ont à peine soulevé la question de l’accès aux résultats de la recherche et de leur réinvestissement dans la pratique enseignante, en somme la question de l’interface entre recherche, pratique et innovation. Certaines données et études permettent cependant de documenter les liens entre la recherche en enseignement, l’innovation en éducation et la pratique enseignante au collégial. Ils apportent des éléments de réponse aux deux questions qui nous préoccupent. Est-ce que les praticiens connaissent, comprennent et utilisent les résultats de la recherche en éducation ? Est-ce que les chercheurs en éducation connaissent, comprennent et utilisent les innovations et les savoirs issus de la pratique éducative ? Certains lieux de diffusion des résultats de la recherche sont accessibles au personnel enseignant du collégial. Ainsi, la revue Pédagogie collégiale, qui publie des articles de chercheurs et de praticiens qui expérimentent de nouvelles stratégies pédagogiques, est largement disponible dans les collèges. De plus, la participation aux colloques de l’Association québécoise de pédagogie collégiale est élevée (habituellement entre 800 et 1 100 participants) et la plupart des communications portent sur des travaux d’expérimentation, d’innovation et de recherche en pédagogie collégiale. On compte, parmi les participants à ces colloques, de 50 % à 66 % de professeurs des cégeps, ainsi que des conseillers pédagogiques et des gestionnaires du collégial. Soulignons que le Centre de documentation collégiale (CDC), qui a pris la relève du centre de documentation du Centre d’animation, de développement et de recherche en éducation (CADRE) depuis septembre 1990, est installé dans des locaux attenants à la bibliothèque du Cégep André-Laurendeau. Le CDC permet justement de rendre accessibles et de diffuser les résultats de la recherche au collégial. On y trouve, en plus d’une collection de documents sur l’enseignement collégial et sur l’éducation en général produits dans divers établissements et organismes, plusieurs écrits réalisés par des enseignants et des professionnels des collèges qui y ont été déposés bénévolement. On y a notamment accès, directement en ligne, à plusieurs articles de Pédagogie collégiale en version intégrale. Pour sa part, l’Association pour la recherche au collégial (ARC) offre un lieu de rencontre pour les chercheurs du collégial. Elle propose diverses activités de soutien à la recherche et de diffusion de résultats de recherche (séminaires de recherche, programme de mentorat, colloque annuel). Par exemple, les chercheurs subventionnés dans le cadre du Programme d’aide à la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage (PAREA) sont tenus de transmettre un rapport final. De plus, il arrive souvent qu’ils publient un article de vulgarisation à teneur pédagogique.

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Selon l’ARC, les praticiens semblent peu informés de la disponibilité de ces documents. L’accès aux résultats de recherche augmente lorsqu’un organisme subventionnaire met en ligne les études qu’il a financées ou soutient la mise

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en ligne de ces études. Pour elle, il s’agirait d’une piste intéressante à exploiter pour augmenter l’accessibilité des résultats de recherche. Par ailleurs, aucune formation pédagogique n’est obligatoire pour le personnel enseignant du collégial à l’entrée en fonction. La formation des enseignants concerne le plus souvent la discipline qu’ils enseignent plutôt que la pédagogie. Il nous a néanmoins été permis de constater que bon nombre d’enseignants sont inscrits à des activités de formation continue en enseignement au collégial. Par exemple, depuis 30 ans, le programme PERFORMA a permis de décerner 1 556 certificats de perfectionnement en enseignement collégial, 291 baccalauréats en enseignement professionnel (volet collégial), 757 diplômes de deuxième cycle en enseignement et, enfin, 280 maîtrises en enseignement. De plus, 21 personnes ont terminé le microprogramme de deuxième cycle en insertion professionnelle à l’enseignement collégial 14. D’autres universités offrent aussi de la formation en pédagogie de l’enseignement supérieur, mais nous ne disposons pas de données à cet égard. Ces données indiquent l’intérêt des enseignants pour la pédagogie, ce qui pourrait les prédisposer à s’intéresser à la recherche pédagogique. Les résultats de la recherche en éducation sont-ils utilisés pour améliorer les pratiques pédagogiques ou innover au collégial ? On sait, par exemple, que la recherche pédagogique au collégial porte très souvent sur le développement et la mise en œuvre d’innovations, notamment en raison des orientations stratégiques du PAREA. De 1998-1999 à 2004-2005, ce programme a permis de financer 130 projets de recherche réalisés par 51 membres du personnel des collèges, soit des professeurs et des conseillers pédagogiques (site Internet du PAREA). À la lumière de ces données, il appert que la recherche pédagogique est réalisée par un nombre restreint de chercheurs. On constate cependant que les résultats des recherches sont peu diffusés dans le milieu collégial. Les conditions d’admissibilité à ce programme devraient être revues, de manière à faciliter le développement de la recherche pédagogique et la diffusion de ses résultats. La recherche pédagogique au collégial semble souvent issue de la pratique et reposer sur des méthodes collaboratives qui favorisent l’interrelation entre la recherche et la pratique. Comme les chercheurs sont eux-mêmes des praticiens de l’enseignement, on peut penser qu’ils en connaissent bien le contexte et les pratiques et que leurs travaux présentent une grande pertinence pour les problématiques du milieu. Toutefois, le degré d’utilisation des produits de la recherche dans les pratiques reste une grande inconnue. Les difficultés de la recherche en éducation au collégial L’un des constats généraux ressortant des rencontres avec des enseignants du collégial est que la culture de la recherche pédagogique et la connaissance de ses rouages, notamment en ce qui a trait aux organismes qui la subventionnent, semblent inégalement développées d’un collège à l’autre. Plusieurs ignorent l’existence du Programme pour le dégagement de la tâche d’enseignement des chercheurs de collège, géré conjointement par le MELS et le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation. Les enseignants ont été nombreux à souligner qu’il fallait consolider la culture de la recherche pédagogique au collégial. Ils estiment que la recherche en éducation est une dimension importante et que tous les professeurs devraient avoir la possibilité d’en faire. Ils soulignent surtout l’importance d’utiliser les résultats de la recherche pour se tenir à jour, autant sur le plan 14. Les données recueillies ne permettent pas de distinguer le corps d’emploi de ces personnes, mais le programme PERFORMA permet d’affirmer qu’il s’agit presque en totalité d’enseignantes et d’enseignants, les autres étant pratiquement tous des membres du personnel professionnel.

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disciplinaire que sur le plan pédagogique. À cet égard, leur point de vue rejoint celui de Marielle Pratte, qui affirmait, dans un numéro de Pédagogie collégiale consacré à la recherche, que « l’avenir de la recherche au collégial dépend de la reconnaissance effective de la mission de recherche des collèges ainsi que des structures de soutien et de financement des activités de recherche » (Pratte, 2005, p. 3). Les enseignants consultés ont été nombreux à faire état des difficultés et des embûches qui sont liées à la recherche au collégial, notamment de la difficulté d’accès aux programmes d’aide des organismes subventionnaires (particulièrement en raison de critères de sélection qui ne tiennent pas compte de la situation de la recherche au collégial). Cela amène certains d’entre eux à souhaiter des mécanismes d’attribution de fonds de recherche réservés aux chercheurs des collèges 15. Les enseignants ont de plus souligné la difficulté à concilier les activités de recherche et les activités d’enseignement. Cette difficulté est augmentée par le manque de ressources et de soutien à la recherche dans les collèges. Pour aplanir ces obstacles, l’Association pour la recherche au collégial (ARC) propose, depuis 2003, un programme de soutien à la recherche qui comporte deux formules : le mentorat et l’accompagnement. « Par ces mesures, l’ARC propose un soutien au démarrage d’activités de recherche, à l’élaboration d’une question de recherche ou d’une demande de subvention, et ce, en matière de recherche fondamentale comme appliquée » (Lapostolle, 2005, p. 18). La majorité des enseignants consultés s’entendent également pour dire qu’il est difficile de participer à des activités de diffusion de la recherche, à des colloques par exemple, notamment en raison de l’insuffisance du soutien financier et des contraintes de la tâche d’enseignement. Pourtant, la plupart de ces enseignants s’entendent également sur le fait que les colloques constituent souvent le seul moyen dont disposent les chercheurs du collégial pour diffuser et faire connaître les résultats de leurs recherches. Si les enseignants consultés estiment qu’il faut encourager la recherche pédagogique au collégial, ils paraissent ambivalents concernant la place qu’il convient de lui accorder. Si beaucoup d’entre eux souhaitent que cette dernière soit reconnue dans la tâche des enseignants du collégial, aucun ne voudrait qu’elle devienne une composante obligatoire de leur tâche, comme c’est le cas à l’université. La recherche, qu’elle soit pédagogique ou disciplinaire, devrait plutôt répondre davantage aux champs d’intérêt et aux aspirations personnelles des enseignants du collégial.

2.2 LES INTERFACES ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE ÉDUCATIVE 2.2.1

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LES DISPOSITIFS Pour dresser un portrait plus adéquat, le Conseil s’est intéressé aux organisations, aux associations et aux groupements qui ont pour fonction de stimuler et de faciliter le transfert d’information et de connaissances entre l’univers de la recherche en éducation et celui de la pratique éducative. Pour assurer un tel rôle d’interface ou d’échange, ces organismes doivent certes montrer la volonté nécessaire pour susciter les occasions d’échange, mais aussi investir du temps, de l’argent et des efforts pour mettre en place les dispositifs et les instruments permettant d’y parvenir. Ces mécanismes d’échange sont parfois officiels, comme les colloques, les conférences ou les ateliers organisés par les associations professionnelles. Ils peuvent également être informels, comme les cafés pédagogiques mis en place dans certains milieux. Quoi qu’il en soit, 15. Un tel programme a déjà existé au sein du Fonds FCAR, avant son abolition au début des années 90.

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de tels dispositifs nécessitent des ressources humaines et financières qui ne sont pas toujours à la portée des associations et des groupes concernés. Le Conseil a noté que ces interfaces jouent des rôles qui varient grandement en fonction des ressources disponibles, des champs d’intérêt des participants, de la participation de leurs membres et des besoins des clientèles qui leur sont associées. FIGURE 4 RÉPARTITION DES ORGANISMES ET DES DISPOSITIFS D’INTERFACE RECENSÉS Observatoires et sites de veille 4%

Autres 2% Organisations diverses 9%

Bulletins et revues 25 % Centres de transfert ou d’innovation 11 %

Associations professionnelles 15 %

Centres et groupes de recherche 34 %

Le Conseil a ainsi dénombré au moins 175 regroupements, lieux, organismes, associations ou instruments de diffusion dont la mission prévoit, suscite ou permet l’existence d’une interface entre la pratique et la recherche en éducation. Outre les 59 groupes ou centres de recherche du domaine de l’éducation et les 27 associations professionnelles qui assurent, à différents degrés, certaines fonctions d’interface, le Conseil a relevé 44 bulletins et revues susceptibles de favoriser le transfert de connaissances entre la recherche en éducation et la pratique éducative. Cette recension n’a toutefois pas la prétention d’être exhaustive. La figure 4 présente un portrait de ces divers organismes et dispositifs d’interface. Plus de 46 % des 175 organismes et dispositifs recensés sont directement rattachés à l’enseignement supérieur, notamment à l’enseignement universitaire. Beaucoup de ces organismes et dispositifs sont dédiés aux chercheurs et aux étudiants. Cette recension montre la multiplicité des interfaces et l’importance du rôle des groupements et des organismes dans la circulation des connaissances entre les milieux de recherche et les milieux de pratique. Un examen attentif de leur fonctionnement montre aussi certaines de leurs limites. Ainsi, la portée de ces interfaces est souvent restreinte à leurs membres professionnels, à leurs adhérents ou à leurs contributeurs, alors que ce qui est connu du processus de transfert des connaissances et d’innovation « plaide en faveur des regroupements, des collaborations, de la synergie entre acteurs différents et de la mise en réseau de partenaires » (CST, 2000, p. 31). De plus, les fonctions d’échange qu’exercent ces dispositifs d’interface sont très variées. Ils sont redevables à une multitude d’organismes de toutes sortes. Malgré cela, il existe trop peu de véritables lieux où les chercheurs et les praticiens peuvent échanger sur les façons d’améliorer les pratiques éducatives ou, à l’inverse, sur les façons de rendre la recherche plus pertinente grâce à la contribution des praticiens, de mettre au point des innovations éducatives ou de favoriser leur diffusion. On se retrouve alors avec un maigre

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échantillon où figurent notamment le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ), la revue Vie pédagogique et le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec (CPIQ). En plus de ces dispositifs d’interface, des professionnels ont justement pour fonction d’assurer ou de faciliter les échanges entre chercheurs et praticiens ou encore d’accompagner les enseignants dans leurs efforts d’utilisation de la recherche et d’amélioration des pratiques éducatives. Soulignons que plusieurs professionnels du réseau de l’éducation exercent des fonctions en appui aux enseignants : les conseillers pédagogiques, les orthopédagogues, les psychologues, les directeurs d’école, les autres enseignants, etc. 2.2.2

L’ACCOMPAGNEMENT DES ENSEIGNANTS ET LA CONSEILLANCE 16 PÉDAGOGIQUE L’enquête du Conseil auprès des enseignants du primaire et du secondaire montre que la présence de personnes capables de prendre en charge, d’assumer ou de soutenir la diffusion, l’appropriation et l’utilisation de la recherche de même que l’accompagnement des enseignants augmente l’intérêt de ces derniers pour la recherche en éducation. À ce propos, l’enquête révèle trois aspects touchant les acteurs du milieu scolaire tels qu’ils sont perçus par les enseignants : leur attitude à l’égard de la recherche, leur rôle dans la diffusion des résultats et leur fonction d’accompagnement dans l’appropriation de ces résultats (Bérubé, 2005, p. 45-49). Pour ce qui est de l’attitude à l’égard de la recherche, les enseignants estiment que les personnes qui montrent l’attitude la plus favorable sont les conseillers pédagogiques (pour 87,2 % des enseignants), les autres professionnels de l’école (85,4 %), les enseignants qui supervisent les stages d’enseignement (81,4 %), les directeurs d’école (81,1 %) et les membres des associations professionnelles (79,4 %). En ce qui concerne la diffusion des résultats de la recherche, quelque 62,8 % des enseignants signalent qu’aucune personne n’est chargée de l’assurer dans leur établissement, ce qui permet de comprendre les faibles liens qu’entretiennent certains groupes d’enseignants avec la recherche. Par contre, dans les établissements où cette fonction est assurée, les enseignants signalent que les conseillers pédagogiques et les directeurs d’école sont les professionnels les plus actifs. Enfin, pour ce qui touche la fonction d’accompagnement, on observe que les enseignants sont peu nombreux à en bénéficier. Seulement 27,7 % des répondants mentionnent qu’un professionnel joue un tel rôle dans leur établissement. Dans ces cas, on note que de une à trois personnes peuvent exercer ce rôle d’accompagnement et que, le plus souvent, ce sont des conseillers pédagogiques (77,0 %), des directeurs d’école (46,1 %) et des enseignants (39,5 %).

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Ainsi, la fonction d’accompagnement dans les milieux scolaires est surtout exercée par les conseillers pédagogiques. C’est pourquoi le Conseil a voulu illustrer cette fonction essentielle en prenant comme exemple leur contribution en ce domaine. De plus, nous disposons à leur sujet de recherches récentes qui permettent de présenter un portrait intéressant. Pour le primaire et le secondaire, on utilisera l’étude sur l’évolution de cette profession dans le système scolaire québécois réalisée en 1995 pour le compte de la Centrale de l’enseignement du Québec (maintenant la CSQ) (Laliberté, 1995), ainsi que l’étude récente de Lessard et Des Ruisseaux (2004). Pour le collégial, on se référera aux études de Lise St-Pierre sur l’origine et l’évolution de la fonction de 16. « La conseillance se distingue de la consultation du fait qu’elle n’est pas un acte professionnel spécifique comme l’est celui du psychologue scolaire ou du conseiller d’orientation, qui sont des spécialistes » (Legendre, 2000, p. 250).

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conseiller pédagogique au collégial des années 60 jusqu’à nos jours (St-Pierre, 2005). Ces études permettent de mieux cerner le rôle d’accompagnement en recherche joué par les conseillers pédagogiques à l’enseignement primaire, secondaire et collégial. La littérature sur le sujet et l’enquête menée par le Conseil montrent que, par leur fonction, les conseillers pédagogiques sont vus comme jouant un rôle d’interface entre l’univers de la recherche et celui de la pratique. Ce rôle se caractérise notamment par l’accompagnement des enseignants qui souhaitent innover dans leur pratique ou, simplement, par la réponse à des besoins particuliers en mettant à profit les produits de la recherche en éducation. Bien qu’ils soient peu nombreux, ces professionnels sont présents et actifs à tous les ordres d’enseignement. La fonction des conseillers pédagogiques varie non seulement en fonction des ordres d’enseignement, mais aussi d’un établissement scolaire à l’autre au sein d’un même ordre d’enseignement. Dans les commissions scolaires, les conseillers pédagogiques peuvent être responsables d’une matière scolaire comme ils peuvent être presque exclusivement affectés à la mise en œuvre de la réforme en cours. Dans les cégeps, ils se distinguent principalement en fonction du secteur où ils sont affectés : au secteur ordinaire, ils offrent surtout un soutien aux enseignants, alors qu’à la formation continue, leurs fonctions sont davantage en relation avec l’administration des programmes. L’évolution de la fonction des conseillers pédagogiques au primaire et au secondaire Les données disponibles sur les conseillers pédagogiques au primaire et au secondaire montrent que leur nombre est relativement modeste, surtout si on le compare avec celui du tournant des années 90. On note cependant, après une diminution au milieu des années 90, une croissance de leur nombre jusqu’à aujourd’hui (voir la figure 5). FIGURE 5 ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES CONSEILLÈRES ET CONSEILLERS PÉDAGOGIQUES AU QUÉBEC DE 1981 À 2004

2 000 1 717

1 763 1 518

1 500 1 113

1 086

1981

1985

1 317

1 376

1997

2001

(n) 1 000 500 0 1989

1993

2004

Année Source : Ministère de l’Éducation, Direction générale des ressources informationnelles, Personnel des commissions scolaires, population retenue pour le coût global : effectifs, traitement annuel et masse salariale selon le sexe (1981, 1985, 1989, 1993, 1997, 2001, 2004).

La présence des conseillers pédagogiques varie d’une commission scolaire à l’autre. Dans certaines commissions scolaires, seuls les services de deux ou de trois conseillers pédagogiques peuvent être retenus pour tout leur territoire, ce qui explique les résultats de l’enquête concernant leur faible présence dans les établissements scolaires.

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C’est du rapport Parent qu’a émergé l’idée d’une fonction de conseiller pédagogique. Considérant que la fonction d’inspecteur ne répondait plus aux besoins de développement du système d’éducation, les commissaires ont recommandé son abolition : […] remplacer le corps actuel des inspecteurs d’écoles par un service rattaché à la division de l’organisation scolaire [au Ministère] et diversifié selon les nécessités d’un contact suivi du Ministère avec les commissions scolaires, avec les établissements d’enseignement, avec les divers organismes contribuant à l’éducation de la jeunesse (Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, tome II, p. 292). Ils suggéraient de rattacher à ce service les inspecteurs-vérificateurs, les conseillers en organisation scolaire et les conseillers pédagogiques. Mais en dépit de cette suggestion, les conseillers pédagogiques n’ont jamais relevé du ministère de l’Éducation. Celui-ci a préféré recruter dans les commissions scolaires, parmi le personnel enseignant, des personnes pouvant assumer la fonction d’agent de développement pédagogique, d’autant plus que le personnel enseignant avait grand besoin, au tournant des années 60, de formation et de perfectionnement au regard de la pédagogie de l’école active. « Formé de façon traditionnelle, le personnel enseignant ressentit vivement la distance entre la formation reçue dans les écoles normales et la réalité pédagogique qu’il leur était demandé d’aménager dans leurs classes » (Laliberté, 1995, p. 8). L’émergence de la fonction de conseiller pédagogique s’est faite progressivement, au rythme des besoins de formation des enseignants. On voulait former des personnes qui pourraient devenir des agents de changement pédagogique dans leur milieu en leur permettant de se perfectionner. De cette façon, des enseignants ont été préparés à assumer les premières tâches de conseiller pédagogique, qui ont d’abord été celles d’agents de changement pédagogique et de soutien à l’élaboration et à la mise en place des programmes institutionnels. L’arrivée de ces professionnels s’est donc faite au moment où le système d’éducation québécois s’engageait dans la réforme des années 60. C’est en 1972 qu’une politique administrative et salariale est approuvée, que le statut des conseillers pédagogiques est reconnu et que leur intégration professionnelle est réalisée. Dans cette politique, la nature du travail de conseiller pédagogique est désormais définie de la façon suivante : « Le conseiller pédagogique est chargé de l’implantation de programmes, méthodes et autres moyens pédagogiques adaptés aux besoins de la commission et de sa clientèle dans une ou plusieurs disciplines ; il doit également conseiller les personnes concernées par ces questions » (Laliberté, 1995, p. 16). La fonction de conseiller pédagogique se veut très large : « […] il doit aussi voir à l’implantation des innovations et leur évaluation et il doit conseiller toute personne de la commission scolaire intéressée par ces projets. Il joue aussi un rôle d’animateur pédagogique auprès du personnel enseignant en ce qui a trait à la ou aux disciplines qui lui sont affectées » (Laliberté, 1995, p. 16). Depuis cette époque, les fonctions et les responsabilités des conseillers pédagogiques ont peu changé.

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Lors des États généraux sur l’éducation, en 1995, la Fédération des conseillers pédagogiques entrevoyait l’avenir avec confiance : « […] on pourrait voir le rôle des conseillères et des conseillers pédagogiques prendre un nouvel essor et être accru, tout au moins à court terme et, particulièrement, dans les volets harmonisation pédagogique, innovation et développement en lien avec les préoccupations sur la réussite éducative » (Laliberté, 1995, p. 25). En somme, l’évolution et l’importance de la fonction des conseillers pédagogiques sont influencées par la mise en place des réformes en éducation, qui constituent des moments clés où ces professionnels sont fortement sollicités.

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La situation actuelle des conseillers pédagogiques au primaire et au secondaire La situation actuelle des conseillers pédagogiques serait caractérisée par une certaine remise en question de leur fonction. […] la réforme curriculaire actuelle et son insertion dans une nouvelle régulation du système d’éducation forcent les conseillers pédagogiques à se questionner sur la manière dont ils vont dorénavant accomplir leur mission au quotidien. Les CP sont concernés par les changements en cours : ils ne sont pas seulement des facilitateurs de changement chez les autres acteurs – au premier chef les enseignants, puis les directions d’écoles – , ils doivent évoluer dans leurs relations avec les directions et les enseignants. Ils sont moins des formateurs ou des experts que des accompagnateurs et des facilitateurs du processus de changement et d’appropriation du changement par les enseignants. En effet, les maîtres mots actuels sont accompagnement et relation d’aide (Lessard et Des Ruisseaux, 2004, p. 143-144). L’enquête menée en 2004 par Lessard et Des Ruisseaux auprès des conseillers pédagogiques du primaire et du secondaire révèle que ceux-ci sont plus scolarisés que la moyenne des enseignants : 30,8 % sont titulaires d’une maîtrise, 6,6 % ont un diplôme de deuxième cycle et 2,3 %, un doctorat. En comparaison, l’enquête menée par le Conseil auprès des enseignants du primaire et du secondaire montre que seulement 14,0 % des enseignants ont une scolarité supérieure au baccalauréat 17. Enfin, 28,9 % des conseillers pédagogiques poursuivent actuellement une formation en rapport avec leur travail. Pour ce qui est des tâches des conseillers pédagogiques, l’enquête de Lessard et Des Ruisseaux montre que plus de la moitié des répondants prennent part à des activités de recherche et de développement et que 13,5 % d’entre eux participent à la publication d’articles de revues du domaine de l’éducation. La recherche, le développement et l’expérimentation sont jugés comme étant les tâches les plus satisfaisantes par 11,7 % des répondants. Seulement 1,9 % d’entre eux considèrent que l’activité de recherche et de développement est une tâche à éviter. L’enquête réalisée par le Conseil révèle, elle aussi, l’importance de la fonction de conseillance pédagogique pour les enseignants. Ainsi, selon cette enquête, les conseillers pédagogiques semblent avoir à jouer un rôle de « pont humain » entre la recherche et la pratique. « Les enseignants semblent plus enclins à se fier aux individus composant leur entourage et aux expériences vécues sur le terrain qu’aux idées proposées dans divers écrits. À ce sujet, il faut souligner que plus de 60,0 % des répondants ayant mis en place de nouvelles pratiques d’enseignement au cours des 2 dernières années sont attentifs aux idées ou informations obtenues par l’entremise du conseiller pédagogique de l’école (ou de la commission scolaire) » (Bérubé, 2005, p. 40). Les conseillers pédagogiques « sont moins des formateurs ou des experts que des accompagnateurs et des facilitateurs du processus de changement et d’appropriation du changement par les enseignants » (Lessard et Des Ruisseaux, 2004, p. 143-144). Selon les auteurs, il apparaît clairement que le conseiller pédagogique est de plus en plus appelé à jouer un rôle d’interface dans les milieux de pratique, une fonction que Lessard et Des Ruisseaux associent à la mission de « go-between » (Lessard et Des Ruisseaux, 2004, p. 153). Voilà pourquoi il est apparu intéressant d’examiner leur fonction par rapport à celle des autres intervenants de l’école. Ainsi, 50,2 % des conseillers sont d’avis que leur travail devrait servir prioritairement les besoins des enseignants. 17. L’enquête du Conseil révèle que 80 % des enseignants sont titulaires du baccalauréat ; 13 %, de la maîtrise ou d’un diplôme de deuxième cycle et 1 %, du doctorat (Bérubé, 2005).

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Lorsque cette question fait l’objet d’un croisement avec la priorité donnée actuellement à l’accompagnement des enseignants, on constate que 93,7 % des conseillers pédagogiques lui accordent une priorité positive. Enfin, 85,4 % d’entre eux se considèrent surtout comme des agents de changement ; 76,4 %, comme des animateurs ; 69,7 %, comme des experts et 64,9 %, comme des mentors. Bref, si l’on craint parfois que la professionnalisation de l’enseignement, le leadership pédagogique exercé par les directions d’école ou le contexte de décentralisation rendent le travail des conseillers pédagogiques désuet, la réalité est tout autre. Au contraire, comme le montre la récente croissance de leur nombre, leur importance s’est accrue dans le contexte de la réforme, du renouvellement du corps enseignant et du besoin de perfectionnement du personnel enseignant. Si la place des conseillers pédagogiques demeure incertaine, leur fonction, par contre, est là pour rester, pour autant qu’ils montrent « un parti pris du côté des enseignants, une posture de soutien à l’innovation, non pas tant à l’innovation que prescrivent les politiques ministérielles, mais plutôt à celle qui est reliée à des pratiques de terrain émergeantes et qui correspond aux valeurs et à l’expertise du CP en tant que médiateur et compagnon réflexif » (Lessard et Des Ruisseaux, 2004, p. 150). L’évolution de la fonction de conseiller pédagogique au collégial Au collégial, des données non officielles faisaient état de quelque 682 conseillers pédagogiques répartis dans les 48 collèges publics en 2004. Ils sont présents dans tous les cégeps, dans des proportions qui varient d’un établissement à l’autre. Certains cégeps retiennent les services de plus de 30 conseillers, alors que d’autres n’en disposent que de 3 ou 4. Toutefois, la plupart des conseillers pédagogiques travaillent dans le secteur de la formation continue et sont davantage sollicités pour des tâches administratives (démarchage, organisation, suivi de l’organisation) plutôt que pour des tâches de soutien au personnel enseignant. Les conseillers pédagogiques apparaissent comme des personnes clés au cœur des changements et des réformes en éducation. Depuis la naissance de cette fonction dans les cégeps et les collèges, […] on compte sur cette catégorie de personnels scolaires pour soutenir la mise en œuvre d’innovations curriculaires et pédagogiques, en assurer le suivi et l’évaluation, pour stimuler, former et accompagner le personnel enseignant, mais aussi pour conseiller le personnel cadre. Ces tâches exigent maintenant des compétences nouvelles et complexes. […] [O]n en sait peu sur les caractéristiques de ces personnes, sur leur fonction, sur son origine et son évolution. Les chercheurs commencent à peine à se pencher sur cette fonction (St-Pierre, 2005, p. 95). À l’instar du primaire et du secondaire, le rôle des conseillers pédagogiques au collégial a suivi l’évolution des structures éducatives :

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La fonction de conseiller pédagogique au collégial a émergé des premiers travaux d’édification de l’ordre collégial au Québec dans la foulée des recommandations du rapport Parent. Il s’agissait de construire un nouvel ordre d’enseignement et une pédagogie qui lui soit propre, fondée par les résultats de la recherche en éducation. Au cours des premières années de vie du réseau collégial, ce besoin de connaître, de diffuser et de supporter la recherche et l’expérimentation pédagogiques dans les collèges a fait naître une nouvelle fonction de conseiller en recherche et en expérimentation. La fonction s’est rapidement transformée en celle de conseiller pédagogique, car le besoin d’animation, de consultation et de perfectionnement pédagogiques a vite pris une grande ampleur, d’autant plus que peu d’enseignantes et d’enseignants du collégial avaient reçu une formation initiale en pédagogie (St-Pierre, 2005, p. 95).

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Alors que le soutien à la recherche et à l’expérimentation pédagogique a servi de moteur à l’animation pédagogique au cours des huit premières années d’existence du collégial, ce sont l’animation et le perfectionnement pédagogiques qui ont joué ce rôle pendant les deux décennies suivantes, soit jusqu’au début des années 90. Depuis lors, l’accompagnement d’équipes d’enseignants a désormais pour objectif de mettre en forme, d’implanter et d’assurer le suivi des innovations rendues nécessaires par ce renouveau amorcé au collégial en 1993. L’équilibre des mandats habituels et des tâches des conseillers pédagogiques s’est modifié et l’accompagnement accapare désormais une part importante de leur travail au collégial. Les conseillers pédagogiques du collégial sont perçus comme des « consultants internes » rattachés à un établissement, des spécialistes de la pédagogie générale et des processus de soutien au développement pédagogique. Ils jouent un rôle plus actif auprès des départements, des unités de programme et des collèges. De ce fait, ils sont moins disponibles pour répondre aux besoins pédagogiques individuels par l’entremise de consultations. La situation actuelle des conseillers pédagogiques au collégial Quelles représentations les conseillers pédagogiques, les cadres scolaires et les professeurs se font-ils de cette fonction ? Quels sont les rôles, les responsabilités et les tâches attribués aux conseillers pédagogiques ? Quelles sont les compétences requises pour bien exercer cette fonction ? Afin de répondre à ces questions, la Délégation collégiale PERFORMA a encouragé la tenue d’une enquête visant à définir la fonction de conseiller pédagogique dans les collèges en vue de l’élaboration d’activités de formation et de perfectionnement. Cette enquête a été effectuée auprès de 82 conseillers pédagogiques du secteur ordinaire, de cadres et d’enseignants 18. Plus des deux tiers des conseillers pédagogiques consultés ont un statut d’emploi permanent. Pour ce qui est du niveau de scolarité, on note que 28,4 % sont titulaires d’un baccalauréat, 61,7 %, d’une maîtrise et 8,6 %, d’un doctorat. Les conseillers pédagogiques déclarent qu’ils sont souvent appelés à travailler en équipe, notamment avec des enseignants. Ils reconnaissent positivement leur fonction. Les enseignants du collégial consultés affirment qu’ils apprécient le soutien, l’appui et toute forme d’aide à l’enseignement qu’ils reçoivent de la part des conseillers pédagogiques. Être informés des nouveautés en pédagogie, disposer d’une information ciblée et pertinente au regard de leurs besoins, s’appuyer sur des outils facilitant l’appropriation de politiques ou d’orientations et pouvoir compter sur une assistance immédiate pour des questions pédagogiques sont des éléments fort appréciés des enseignants. Plusieurs des cadres consultés précisent que la fonction de conseiller pédagogique devrait être une fonction d’expert-conseil en pédagogie au service des enseignants et des différentes instances. « Les cadres souhaitent que les conseillers pédagogiques développent davantage le réseau collégial et de l’éducation, qu’ils établissent des ponts avec l’ordre secondaire, qu’ils participent à des activités à l’extérieur du collège ou de recherche » (Pratte et Houle, 2004, p. 26). L’enquête révèle également que la grande majorité des répondants portent le titre officiel de conseiller pédagogique dans leur établissement, mais que ce titre recouvre néanmoins plusieurs facettes. En fait, on remarque qu’ils sont rarement affectés à un seul dossier. Les deux principaux rôles joués par les conseillers pédagogiques sont ceux d’expert-conseil en pédagogie et d’expert en intervention. En ce qui a trait plus particulièrement à la recherche et à l’innovation en éducation, 80 % des conseillers déclarent développer régulièrement ou occasionnellement, une expertise en pédagogie, soit en assurant une veille, en répertoriant de l’information sur des dossiers thématiques, des 18. Les résultats de cette enquête sont préliminaires puisqu’ils n’ont pas encore été publiés.

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outils ou des références, en constituant un cadre de référence, etc. Plus de 90 % des gestionnaires et des enseignants reconnaissent d’ailleurs que cela fait partie de la fonction des conseillers pédagogiques. Cependant, en ce qui a trait plus spécifiquement à la contribution des conseillers pédagogiques au développement de la pédagogie, même s’ils présentent des communications et qu’ils participent à des groupes de travail, rares sont ceux qui consacrent du temps à la recherche. En effet, à peine 30 % disent soutenir des activités de recherche et seulement 13 % d’entre eux réussissent à en mener eux-mêmes. Néanmoins, plus de 70 % des enseignants et 60 % des cadres seraient favorables à ce que les conseillers pédagogiques soutiennent davantage la recherche. En somme, les premiers résultats de l’enquête de Pratte et Houle permettent d’apprécier l’étendue de la fonction des conseillers pédagogiques. On y remarque que les gestionnaires et les enseignants ont de grandes attentes à l’égard des conseillers pédagogiques, notamment en ce qui concerne leur expertise en pédagogie et en consultation, la prise en charge de la formation des nouveaux enseignants, le développement des programmes, du réseau collégial et de l’éducation dans son ensemble. L’un des constats intéressants qui ressortent est que les enseignants sont favorables aux activités de recherche des conseillers. Les gestionnaires, quant à eux, ont des attentes élevées concernant la réalisation de projets ou d’événements qui seraient l’initiative du conseiller pédagogique. Ils conçoivent aussi que le conseiller joue un rôle de vigie. Quoique préliminaires, ces résultats semblent montrer que les conseillers pédagogiques du collégial ont un rôle relativement important à jouer dans la relation entre la recherche, l’innovation et la pratique en éducation. La conseillance pédagogique : une fonction à exercer en collaboration Plusieurs enseignants, gestionnaires ou directeurs d’école considèrent les conseillers pédagogiques comme étant bien placés pour assurer l’interface entre la recherche, l’innovation et la pratique en éducation. Quant aux conseillers pédagogiques eux-mêmes, ils manifestent un réel intérêt pour la fonction tout en détenant l’expertise nécessaire à son accomplissement. Toutefois, cette fonction d’interface ne peut être fructueuse sans une réelle collaboration entre tous les acteurs scolaires. En 1999, à l’occasion d’une réflexion sur le rôle des directions d’école, le Conseil a suggéré l’idée de miser davantage sur des acteurs locaux responsables pour que ces derniers aient une prise réelle sur l’action éducative (CSE, 1999). Le Conseil a alors signalé que de tels changements avaient été parfois difficiles à intégrer : plusieurs directions ont déploré le manque d’appui dans leur milieu, notamment de la part des conseillers pédagogiques. On s’est même posé la question à savoir si la revalorisation de la fonction pédagogique des directions et la professionnalisation des enseignants n’avaient pas réduit l’utilité des conseillers pédagogiques. De fait, la réforme a conduit à une réorientation du statut et du rôle de ces conseillers. La fonction n’est plus seulement axée sur la spécialisation dans une matière scolaire, mais aussi sur une meilleure insertion du personnel dans l’établissement, une redéfinition de la tâche de façon qu’elle soit plus orientée vers le processus d’apprentissage et vers l’accompagnement.

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Le Conseil a déjà émis des suggestions à l’égard des conseillers pédagogiques du collégial qui font face à des changements structuraux (CSE, 2000a). Il a souligné que la décentralisation des responsabilités avait signifié, pour les acteurs des collèges, l’ajout de nouvelles activités professionnelles, tout particulièrement dans la conception et l’évaluation des programmes. Tous sont dorénavant conviés à adopter une perspective collective et à contribuer aux activités institutionnelles de leur milieu. Les conseillers pédagogiques, dans ce contexte, doivent assumer de nouvelles tâches, alors même que les ressources

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diminuent, qu’ils sont moins disponibles pour le soutien pédagogique du personnel enseignant. Le Conseil a d’ailleurs fortement suggéré de mettre à contribution l’expertise des conseillers pédagogiques dans la formation des enseignants du collégial et dans l’analyse de leurs besoins de perfectionnement. Les savoirs des conseillers pédagogiques sont de nature à révéler cette culture pédagogique propre au collégial. « Y recourir permettrait aussi de mettre en valeur des personnes qui possèdent une grande expertise, mais dont le rayonnement demeure trop restreint au sein des collèges. L’enracinement dans le milieu rappelle, en outre, l’articulation nécessaire entre la théorie et la pratique » (CSE, 2000a, p. 57). Plus récemment, en 2004, le Conseil a constaté que le rôle d’accompagnement des conseillers pédagogiques du collégial, notamment en matière d’innovation, demeure trop peu valorisé, car ils sont souvent affectés à des tâches connexes (CSE, 2004b). Aux yeux d’une partie du personnel enseignant, le rôle des conseillers pédagogiques paraît fondamental, mais ceux-ci ne sont pas assez disponibles, ni suffisamment stables, ni en mesure de l’accompagner adéquatement en raison du manque de temps. Bref, on remarquera que la fonction de conseiller pédagogique, que ce soit au primaire, au secondaire ou au collégial, est une dimension essentielle qui favorise la mise en œuvre des réformes et l’adoption de pratiques plus innovatrices. Cependant, comme l’application des réformes représente l’essentiel des efforts des conseillers pédagogiques, il leur est difficile d’assumer pleinement leur fonction d’accompagnement ou d’interface entre recherche, innovation et pratique en éducation. Or, la mise en œuvre d’une réforme devrait susciter une attitude propice à l’innovation. Elle devrait normalement inciter les conseillers pédagogiques à jouer un rôle plus actif sur le plan de l’accompagnement auprès des enseignants.

2.3 LE SOUTIEN DE L’ÉTAT À LA RECHERCHE ET AUX PRATIQUES INNOVANTES EN ÉDUCATION : EXPÉRIENCES ET LEÇONS Sur le terrain, la fonction d’interface est assumée par les professionnels et les établissements. Mais sur le plan du système d’éducation, elle est souvent soutenue par les interventions de l’État. Celui-ci joue un rôle de premier plan dans le développement de la recherche, le transfert des connaissances et l’innovation en éducation. C’est pourquoi nous dresserons un portrait succinct de la situation qui a cours au Québec et dans quatre pays actifs dans le domaine. Toutefois, s’il est possible de distinguer, sur le plan conceptuel, ce qui appartient à la recherche, au transfert des connaissances, à l’innovation ou aux pratiques éducatives, il n’en va pas de même dans les politiques gouvernementales. Souvent, ces politiques tracent des orientations générales et soutiennent des secteurs d’intervention qui touchent à la fois la recherche, l’innovation et la pratique. C’est le cas de l’approche québécoise et c’est aussi le cas des politiques de plusieurs pays en ce domaine. 2.3.1

LA SITUATION QUÉBÉCOISE Dans la rétrospective historique présentée au premier chapitre, on a vu que le gouvernement du Québec soutient depuis longtemps le développement et le financement de la recherche en sciences de l’éducation. L’éducation est d’ailleurs un secteur où la croissance du financement a été constante au cours des années les plus récentes. Le Conseil de la science et de la technologie relevait que le financement de la recherche en éducation a plus que doublé entre 1987-1988 et 1997-1998, passant de près de 5 millions à plus de 10 millions de dollars. Mais ce soutien paraît modeste en regard des besoins et de l’importance de l’éducation dans la société. Il faudra attendre les années

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2000 et la Politique québécoise de la science et de l’innovation pour que le Québec s’engage à consacrer des efforts supplémentaires à l’innovation sociale, y compris l’innovation en éducation. Pour soutenir et favoriser la circulation des savoirs, le transfert des connaissances, la diffusion des résultats et leur appropriation par les praticiens, il faut pouvoir compter sur des incitatifs forts et un soutien constant : On ne saurait se contenter de communiquer ses résultats à d’autres chercheurs dans des revues spécialisées. On ne saurait tenir pour acquis non plus que les bénéficiaires potentiels des connaissances produites vont se mettre activement en quête de ces résultats. En sciences humaines et sociales comme en sciences naturelles et en génie, il faut des ponts, des mécanismes de liaison et un dialogue permanent entre producteurs et utilisateurs des connaissances (CST, 2000, p. 37). Pour que les résultats de recherche en éducation soient utilisés par les praticiens, certaines conditions de réussite au regard du transfert doivent être respectées. Le Conseil de la science et de la technologie en énumère trois parmi les plus fondamentales : « […] la prise en compte des contextes particuliers aux usagers visés dans la formulation des projets ; la présence de mécanismes de liaison entre chercheurs et utilisateurs potentiels avant, pendant et après les projets ; la dissémination ciblée, mais systématique, des résultats auprès des milieux potentiellement utilisateurs » (CST, 2000, p. 37). Si la responsabilité du premier besoin incombe principalement aux chercheurs, les recommandations formulées par le Conseil de la science et de la technologie montrent clairement que la réalisation des deux autres conditions repose en bonne partie sur les épaules de l’État (CST, 2000, p. 43-48). Le Conseil, qui souscrit aux propos du Conseil de la science et de la technologie, se demande quelles sont les mesures concrètes que le Québec a adoptées pour assurer le dialogue entre producteurs et utilisateurs de la recherche et pour accroître la circulation des savoirs en éducation. Le Conseil de la science et de la technologie a constaté que les politiques antérieures en matière de science, de technologie et d’innovation au Québec ont relativement peu porté attention au rôle stratégique de la recherche en sciences humaines et sociales. Ces politiques visaient surtout le développement des sciences de la nature et du génie, ainsi que celui de l’innovation technologique. Dans le secteur de l’éducation proprement dit, il n’existe pas encore de politique visant à stimuler l’innovation et à favoriser les échanges entre les milieux de la recherche et de la pratique. Il existe cependant quelques programmes sectoriels. Ainsi, la stratégie d’intervention Agir autrement (SIAA), lancée en 2002 par le ministre de l’Éducation, vise à améliorer la réussite des élèves en milieu défavorisé et à développer la capacité d’agir des écoles. Cette stratégie est suivie par une équipe de recherche qui en évalue la mise en œuvre et les effets, de manière à fournir une rétroaction au Ministère et aux organismes scolaires en diffusant les données recueillies. La SIAA s’appuie, dans chaque région administrative du Québec, sur des responsables régionaux qui servent d’intermédiaires entre le MELS, d’un côté, et les commissions scolaires et les écoles visées, de l’autre. Un site Internet où sont présentés des rapports de recherche, des rapports d’expériences prometteuses, des outils d’animation et d’évaluation, etc., a également été mis à la disposition des 200 écoles qui participent à la SIAA. Bref, l’organisation de la SIAA exerce aussi un rôle d’interface.

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Le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) est un autre lieu qui répond à ce besoin d’interface. Ce centre a vu le jour grâce au concours de Valorisation recherche Québec (VRQ), un organisme voué à la promotion des applications de la recherche universitaire et du développement de l’innovation. Le CTREQ a pour mission d’accroître la réussite éducative.

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L’un de ses principaux objectifs consiste à valoriser la recherche en assurant le transfert des connaissances par la production et la diffusion d’instruments d’intervention adaptés aux utilisateurs, ainsi que par la prestation de services tels que la consultation et la veille. Parmi ses réalisations, on compte des trousses éducatives visant à pallier des problèmes comme le décrochage scolaire et les troubles d’apprentissage ainsi que des sites Web consacrés à la motivation et à la réussite scolaires. En somme, le trait distinctif du CTREQ est de rendre accessibles des produits et services issus de recherches universitaires en éducation au plus grand nombre possible de praticiens, d’intervenants et d’élèves. Le CTREQ joue donc un rôle essentiel d’interface. Par ailleurs, certains objectifs du mandat du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) concernent la circulation des savoirs. Un de ses programmes apporte une aide financière aux revues axées sur la recherche et le transfert des connaissances, parmi lesquelles on compte des revues publiées dans le secteur des sciences de l’éducation. Ce programme a pour principal objectif de soutenir les meilleures revues québécoises en langue française consacrées à la recherche originale et au transfert des connaissances. Par ailleurs, son programme Actions concertées vise à soutenir en partenariat des recherches ayant un potentiel d’application et prévoit aussi une étape qui incite les chercheurs à diffuser les résultats de leurs recherches dans les milieux concernés. C’est dans ce cadre qu’ont été réalisés, de concert avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, le Programme de recherche sur la réussite scolaire ainsi que celui qui porte sur les applications des nouvelles technologies de l’information en éducation. Enfin, il existe aussi des initiatives locales et régionales qui soutiennent la circulation des savoirs et l’innovation en éducation. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, par exemple, des responsables locaux ont mis sur pied un consortium régional de recherche en enseignement qui permet le regroupement de partenaires engagés dans l’éducation ou la formation à tous les ordres d’enseignement. En plus de soutenir le développement et la consolidation de la recherche en éducation, ce consortium poursuit comme objectif le développement d’une culture de la recherche dans la région. Le Québec dispose toutefois de peu de mesures systémiques en matière de soutien à la circulation des savoirs en éducation, comme celles que l’on trouve dans d’autres États. Cette situation s’explique partiellement du fait que le Québec n’a pas développé de politique destinée spécifiquement au secteur de l’éducation et qu’il n’offre pas de soutien aux échanges entre les chercheurs et les praticiens en éducation. D’autres secteurs sont dans la même situation, ce qui a conduit le Conseil de la science et de la technologie à recommander que, dans le cadre de sa politique de la science, de la technologie et de l’innovation, le gouvernement du Québec adopte un volet de valorisation de la recherche en sciences humaines et sociales. Une telle disposition devrait contribuer à un « accroissement des retombées sociales et économiques de la recherche par des mécanismes renforcés de liaison et de transfert entre demandeurs et producteurs de connaissances » (CST, 2000, p. 45). Plus récemment, le Conseil de la science et de la technologie voyait l’usage qui est fait des résultats de recherche en éducation et les mécanismes de transfert dont dispose le Québec comme l’un des chantiers qui doivent être entrepris pour relever le défi de la formation, qui constitue l’un des sept grands défis socioéconomiques du Québec. En raison des difficultés que pose l’intégration des nouvelles connaissances dans les pratiques en éducation, un second volet du chantier traitera de l’usage des résultats de la recherche au regard de ces pratiques. Il comportera donc un examen des mécanismes de transfert existants et des formes de collaboration possibles entre chercheurs et utilisateurs décrivant leur fonctionnement et leurs retombées (CST, 2005, p. 34-35).

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2.3.2

L’EXPÉRIENCE DE QUATRE PAYS : ÉTATS-UNIS, ROYAUME-UNI, FRANCE ET AUSTRALIE Il est intéressant de porter attention aux pratiques mises en place par différents États en matière de recherche et d’innovation en éducation, afin d’en tirer des leçons utiles. En effet, les années 90 et le début des années 2000 ont été des périodes de remises en question dans ces domaines, tant aux États-Unis qu’au Royaume-Uni, en France ou en Australie. Ces remises en question ont donné lieu à des mesures visant à encourager la recherche et l’innovation et parfois à des réformes. La volonté d’améliorer ces deux pôles répond au désir de hausser la qualité de l’enseignement. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, c’est surtout le besoin de rehausser les standards scolaires qui a motivé les mesures prises en éducation. En France et en Australie, les raisons sont plus diffuses, mais le rehaussement des standards scolaires demeure l’une des préoccupations majeures des décideurs politiques. Chacun de ces pays perçoit, à travers les pôles de la recherche et de l’innovation, une façon d’enrichir la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. Des rapports sur la recherche et l’innovation ont été réalisés afin de définir des orientations et de prendre les mesures appropriées. Ces rapports, largement diffusés, arrivent à des constats analogues. Le premier constat est la distance considérable qui sépare les chercheurs en éducation et les praticiens. La recherche en éducation se fait dans une très large mesure dans les universités (environ 90 % en Angleterre et en Australie, par exemple). Le deuxième constat est que la recherche en éducation n’est pas homogène. Elle serait au contraire fragmentée et peu coordonnée. En ce qui a trait à l’innovation pédagogique, la situation n’est guère plus reluisante : elle est souvent isolée, résultant d’initiatives individuelles, soit de professeurs ou encore d’administrateurs. Il existe peu d’incitatifs en faveur de l’innovation. Enfin, l’innovation pédagogique, à l’instar de la recherche, est souvent mal coordonnée. Les États-Unis : le pragmatisme Depuis les années 80, les États-Unis ont donné à l’éducation une ligne de conduite pragmatique axée sur les apprentissages. Pour reprendre les termes mêmes du gouvernement fédéral américain, disons qu’on s’intéresse à ce qui fonctionne (What Works). En 2002, le No Child Left Behind Act était adopté. Deux mots clés résument cette décision qui influence tous les secteurs de l’éducation : la souplesse (flexibility), qui accorde une plus grande liberté aux États, aux districts scolaires, aux écoles et aux parents, notamment dans le choix de l’école ; l’imputabilité (accountability). Cette dernière a une influence notable sur la recherche en éducation et l’innovation pédagogique. Elle implique, pour les écoles, l’obligation de performance qui sera évaluée selon l’apprentissage des élèves qui les fréquentent. En fait, chaque État établit ses propres standards et les élèves sont évalués annuellement à partir de ces critères. Cependant, cet apprentissage est aussi sous la responsabilité des enseignants. C’est pourquoi la qualité de la formation de ces derniers (highly qualified teachers) est essentielle aux yeux du gouvernement et s’évalue selon trois critères : être titulaire du diplôme requis, être titulaire d’un certificat d’enseignement et surtout avoir les connaissances adéquates (selon des tests administrés par les États). On comprendra que cette qualification implique un diplôme universitaire ou collégial qui ne soit pas nécessairement décerné pour la réussite d’un programme en enseignement (Department of Education, 2004, p. 15).

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La pratique de l’enseignement, un élément essentiel dans le No Child Left Behind Act, doit désormais s’appuyer sur des méthodes qui ont fait leur preuve scientifiquement (proven methods) 19. C’est au What Works Clearinghouse (WWC) qu’appartient la tâche d’évaluer les interventions, les programmes, les produits, les pratiques ou les politiques qui fonctionnent en éducation et, surtout, de les faire connaître à partir de standards déterminés tels que la pertinence de l’intervention, la pertinence des résultats, la justesse de la comparaison, la généralisation possible des résultats et la pertinence de l’échantillon de population (Chatterji, 2004, p. 11). À ce jour, seules des interventions en mathématiques ont été évaluées par le WWC et les rares qui ont rempli toutes les conditions sont des logiciels informatiques d’aide à l’apprentissage. Toutefois, l’objectivité des standards du WWC est au cœur de quelques critiques. Ainsi, selon Chatterji, ils accordent une quasi-exclusivité à la méthode expérimentale en oubliant complètement certaines réalités sociales, organisationnelles et politiques en éducation (Chatterji, 2004, p. 3). Le What Works Clearinghouse est en fait sous la tutelle de l’Institute of Education Sciences (IES), établi en 2002 en remplacement de l’Office of Educational Research and Improvement (OERI). Il représente le bras de recherche du ministère de l’Éducation. Il se subdivise en trois centres qui encouragent la recherche et sa diffusion : National Center of Education Statistics, National Center for Education Evaluation and Regional Assistance, National Center for Education Research. Ce dernier administre les programmes de subventions de recherche dans certains domaines clés comme la lecture, les mathématiques, la science et la recherche sur la qualité des enseignants 20. Par ailleurs, l’Institute of Education Sciences soutient un minimum de huit centres de recherche et développement (R-D) qui doivent s’intéresser à au moins un des onze sujets prioritaires de recherche établis par le Ministère 21. L’IES soutient également les Regional Educational Laboratories (REL) 22. Créés il y a une trentaine d’années environ, ces laboratoires sont ce qui s’apparente le plus à une interface entre la recherche en éducation et la pratique éducative. Mais les REL sont plus que cela ; ils constituent aussi un pont entre le palier fédéral et le palier régional. Ils se situent donc au croisement de plusieurs voies en éducation. Il existe dix laboratoires couvrant l’ensemble des États-Unis. Leur mandat est multiple : recherche et diffusion, mise sur pied de pratiques éducatives (best practices), relation avec la communauté de chercheurs, conférences et ateliers pour la communauté éducative et, finalement, publications (bulletins ou magazines). Les REL, qui disposent d’importants moyens financiers et humains, occupent une position stratégique sur l’échiquier de l’éducation en constituant des lieux concrets où se rejoignent pratique et recherche. Quant à l’innovation pédagogique, c’est l’Office of Innovation and Improvement (OII) qui en assure la coordination au sein du gouvernement. Son rôle consiste à stimuler l’innovation, entre autres, par des subventions couvrant certaines matières d’enseignement comme les arts, la lecture et l’histoire ou par des innovations à plus grande échelle comme les Charter Schools. Mais l’OII assume également son rôle en finançant certains événements, tels que des conférences ou des rencontres, qui encouragent l’innovation. Enfin, par 19. Dans la loi, des termes tels que « evidence-based decisions » ou « scientifically-based research » apparaissent plus d’une centaine de fois (Wilde, 2004, p. 1). 20. Il semble néanmoins que les sources de financement pour la recherche aux États-Unis soient diversifiées. 21. Ces sujets sont l’alphabétisation des adultes ; les recherches relatives à l’estimation, aux standards en éducation, au développement et à l’éducation des jeunes enfants ; l’apprentissage de l’anglais ; l’amélioration des écoles contre-performantes ; l’innovation dans les réformes scolaires ; les politiques locales et les politiques des États ; la formation et l’éducation postsecondaires ; l’éducation en milieu rural ; la qualité des enseignants et, finalement, la lecture et l’alphabétisation. 22. Les REL ne sont pas financés uniquement par le gouvernement fédéral mais également par d’autres instances, gouvernementales ou non.

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l’entremise de son bulletin en ligne, Education Innovator, il rend compte de certaines formes d’innovations, soit à grande échelle (Edison Schools), soit à plus petite échelle (dans une école, par exemple). Néanmoins, il s’agit essentiellement d’innovations qui s’étendent à plusieurs écoles, car l’importance des innovations individuelles est très réduite dans ce cadre. Si l’Institute of Education Sciences et l’Office of Innovation and Improvement sont deux instances distinctes, la recherche en éducation et l’innovation pédagogique se rejoignent dans les grandes lignes de l’orientation pragmatique des États-Unis en matière d’éducation, la première permettant à la seconde de prouver son efficience. Par exemple, dans la logique du WWC, de nombreuses interventions évaluées peuvent être considérées comme des innovations pédagogiques passées au crible de la recherche scientifique telle qu’elle est entendue par les responsables du WWC. L’orientation pragmatique du gouvernement américain a donc des conséquences sur l’ensemble de la recherche et de l’innovation en éducation puisque les recherches qui fonctionnent, aux yeux de l’administration gouvernementale, auront une diffusion sans pareille, tandis que les autres tomberont aux oubliettes. Le Royaume-Uni : le rehaussement des standards Le Royaume-Uni apparaît comme l’un des pays qui a fourni les efforts les plus significatifs en matière de recherche et de développement en éducation ces dernières années (OCDE, 2003a). L’arrivée au pouvoir de Tony Blair, à la fin des années 90, a radicalement transformé la situation. La recherche en éducation avait été laissée de côté par les gouvernements des années 80 et 90, alors qu’elle n’était que peu, sinon pas du tout, encouragée (Lawn, 2001, p. 109). La volonté du gouvernement consiste actuellement à faire de l’éducation britannique un système de haut niveau international. Cela implique deux obligations pour le système éducatif et indirectement pour la recherche pédagogique : « centrer son intérêt sur l’enseignement et l’apprentissage à partir de meilleures pratiques [et] préparer délibérément l’avenir en favorisant les expérimentations contrôlées et bien ciblées » (Lawn, 2001, p. 109). Pour atteindre ses objectifs, le gouvernement britannique s’est largement inspiré du rapport Hargreaves, paru en 1996. Ce dernier critiquait la recherche en éducation en se fondant notamment sur la faiblesse des liens entre recherche, pratique et politique, sur le caractère peu cumulatif de la recherche, sur le peu de possibilités qu’ont les politiciens et les praticiens d’utiliser les résultats de la recherche (OCDE, 2003a, p. 29). Le gouvernement s’est alors engagé à mettre de grands efforts dans tous les secteurs concernés par la R-D : la coordination de la recherche ; l’incitation à la recherche, autant auprès des chercheurs que des enseignants ; le soutien et la diffusion de la recherche.

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Le rapport Hargreaves recommandait, entre autres, la création d’une instance de coordination de la recherche. Cette recommandation a été suivie à la lettre puisque le National Educational Research Forum (NERF) a vu le jour en 1999. Ses buts premiers consistent à donner une orientation stratégique à la recherche en éducation et à en augmenter la qualité et l’impact. Le mot d’ordre est l’efficacité : les priorités de la recherche, sous l’égide du NERF, sont son application possible (useable evidence) et son accessibilité pour les praticiens, ce qui rejoint ce qui se fait aux États-Unis. Les responsables du Forum ont mis sur pied un bulletin d’information (NERF Bulletin) dont l’objectif est de rejoindre les enseignants et de les informer sur les découvertes « utiles » de la recherche (research evidence). Le Forum se veut bien plus qu’un simple lieu de coordination. Il est aussi un lieu d’échange. Par ailleurs, le NERF, en collaboration avec le Evidence for Policy and Practice Information and Co-ordinating Centre (EPPI-Centre), a développé le Current Educational Research in the UK (CERUK), une base de données qui vise à couvrir l’ensemble des recherches menées en éducation dans le Royaume-Uni. Cependant, l’information sur ces recherches est fournie directement par les chercheurs sans que l’organisme évalue réellement la qualité des projets soumis.

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Le Department for Education and Skills (DfES) occupe, lui aussi, une position stratégique par le rôle actif qu’il joue au regard des recherches commandées et par le soutien qu’il offre à certains organismes (dont le NERF). Toutefois, son rôle a surtout un impact sur la diffusion des résultats de la recherche et de l’innovation et sur l’accès à ces résultats. Ce ministère assume sa responsabilité principalement au moyen de deux sites Internet rassembleurs. Le premier (TeacherNet) est un portail où les enseignants peuvent trouver de nombreux renseignements et ressources (recensions de recherches, articles, information sur les recherches entreprises par le DfES, etc.). Le second (The Standards Site) a pour objectif de donner de l’information sur les nouveaux standards de l’éducation britannique et surtout sur la façon de les atteindre. Ce dernier site offre également toute l’information nécessaire en ce qui concerne l’Innovation Unit et son programme Power to Innovate, qui permet aux écoles, pour une période déterminée, de réaliser un projet-pilote en innovation pédagogique. L’Innovation Unit s’efforce d’exposer des exemples concrets d’innovation (des études de cas, selon ses termes). Il reste difficile de connaître l’impact réel d’un tel site Internet. Ce dernier apparaît néanmoins comme une interface valable entre la recherche en éducation, l’innovation pédagogique et la pratique éducative. Il est, en ce sens, une des rares interfaces qui allie à la fois recherche et innovation. Les efforts déployés pour stimuler la recherche menée par des enseignants sont sans conteste une des forces du Royaume-Uni. Plusieurs organismes offrent de modestes subventions. Parmi eux, le Teacher Training Agency (TTA) est certainement le plus actif. Cet organisme gouvernemental s’occupe de la formation et de l’embauche des professeurs. Ainsi, une vingtaine de professeurs bénéficient annuellement d’une subvention de l’organisme par l’entremise de son programme Teacher Research Grant. L’accent est mis sur les besoins de l’éducateur et sur de nouvelles façons de travailler, autrement dit sur des aspects pratiques et applicables de la recherche. Pour Martin Lawn, professeur d’éducation à l’Université de Birmingham, la recherche-action est fortement encouragée de même que les innovations. Toujours selon ce chercheur, l’approche du TTA a tendance à rejeter ou à ignorer les recherches qui n’entrent pas dans ses vues (Lawn , 2001, p. 111). Le TTA se targue d’ailleurs d’encourager la recherche que ne font pas les universités mais, en même temps, l’auteur pense que l’organisme a une attitude fermée (Lawn, 2001, p. 111). Ce modèle britannique, qui attire les éloges des observateurs de l’OCDE (OCDE, 2003b), reçoit aussi quelques critiques dont celles de Martin Lawn. Selon lui, ce modèle est dirigiste : le Ministère établit ses priorités de recherche en éducation, la communauté de chercheurs y répond et les résultats de la recherche sont ensuite retournés vers les décideurs politiques (Lawn, 2001, p. 111). Pour ce professeur, cette approche entraîne deux conséquences négatives : une diminution de la cohérence de l’ensemble du domaine de la recherche et surtout la perte d’une influence intellectuelle (Lawn, 2001, p. 112). Il n’en reste pas moins que le modèle instauré par le gouvernement Blair, qui repose sur la collaboration entre les divers intervenants impliqués dans la recherche en éducation et l’innovation pédagogique, est certainement le plus cohérent de ceux des quatre pays étudiés. La France : l’entre-deux Contrairement à la situation observée au Royaume-Uni et aux États-Unis, la recherche en éducation et l’innovation pédagogique semblent suivre, en France, deux voies parallèles. Néanmoins, le début des années 2000 a été marqué par quelques faits importants pour l’éducation. Tout d’abord, selon les propos de la directrice du Conseil national de l’innovation pour la réussite scolaire (CNIRS), le ministre de l’Éducation nationale a voulu « placer l’innovation au cœur du système éducatif et assurer ainsi la réussite des élèves » (CNIRS, 2002b).

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Pourtant, le cas du CNIRS montre clairement un problème de continuité au regard des changements de gouvernement. Cet organisme a été créé en 2000 pour soutenir et inventorier les innovations pédagogiques. Mais à peine deux ans plus tard, il était mis sous la tutelle de la Direction de l’enseignement scolaire (DESCO) et son mandat était revu pour l’orienter vers trois secteurs uniquement : la maîtrise des compétences de base, le décrochage scolaire et la violence à l’école. Les innovations pédagogiques sont dès lors sous la responsabilité des académies qui regroupent l’ensemble des institutions éducatives (primaire, secondaire, universitaire, etc.) pour une région donnée. Sous l’égide d’un coordonnateur, chaque académie doit guider les innovations au sein des instances qu’elle regroupe. Malgré tout, en 2004, le rapport Porchet, qui portait sur les innovations pédagogiques à l’université, montrait que celles-ci demeurent dépendantes des initiatives individuelles ou d’équipes pédagogiques. Toutefois, le modèle développé en France n’a jamais été véritablement éprouvé et son efficacité n’a pas encore été mesurée. En 2001, le rapport Prost, qui traitait de la situation de la recherche en éducation, arrivait à des conclusions sensiblement similaires à celles constatées dans d’autres pays : une recherche mal coordonnée, dispersée, peu cumulative et sous-utilisée par les décideurs et les éducateurs. Après une évaluation de différents acteurs de la recherche, ce rapport proposait la création d’une instance de coordination et l’établissement d’un plan stratégique sur quinze ans. Ainsi, en 2002, le gouvernement français mettait sur pied le Programme incitatif de recherche sur l’éducation et la formation (PIREF) mais avec un mandat de quatre ans. Le PIREF a deux missions fondamentales. Il doit d’abord établir des thèmes et des priorités pour la recherche en éducation. Ces priorités s’articulent autour de deux questions : la première concerne les objectifs de la formation (quoi, où, quand et comment apprendre), alors que la seconde a trait à l’efficacité et à l’équité des apprentissages et de la socialisation scolaire (PIREF, 2002). Il doit ensuite répondre à un devoir de coordination des recherches publiques. Cette nouvelle structure vient s’ajouter à un organisme déjà existant, l’Institut national de recherche pédagogique (INRP). Celui-ci a été, durant de longues années, le seul organisme de recherche relevant du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Dans le rapport Prost, il est d’ailleurs spécifié que l’INRP a une mission essentielle : L’activité de centre de ressources et d’interface entre la recherche et le système éducatif. Cette fonction présente plusieurs facettes : un rôle de vigie, de veille scientifique, pour signaler les nouveaux domaines de recherche qui s’ouvrent ; un rôle de transfert, qui ne se limite pas à rendre accessibles aux acteurs les résultats de la recherche ; un rôle de ressource et de capitalisation (Prost, 2001, p. 49). L’INRP apparaît donc comme la seule instance gouvernementale à s’être vu confier ces différents rôles. Le NERF au Royaume-Uni, par exemple, en est proche, mais l’observatoire scientifique n’a apparemment pas encore vu le jour, alors qu’il faisait partie des stratégies à venir. Par ailleurs, l’INRP s’est créé un large réseau de collaborateurs issus autant des universités et des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) que de l’enseignement primaire et secondaire. Il est donc un partenaire incontournable dans le rapport entre recherche et pratique et tient lieu d’interface.

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Depuis le début des années 90, un nouvel acteur a pris place dans le décor de l’éducation française : les IUFM. Ces instituts ont été créés en 1989 pour remplacer, entre autres, les écoles normales. Les instituts universitaires de formation des maîtres sont donc des établissements d’enseignement supérieur qui ont aussi une mission de recherche en éducation et d’innovation pédagogique. En jumelant la formation des enseignants à la formation universitaire

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par l’entremise des IUFM, l’un des objectifs poursuivis était de professionnaliser davantage le métier d’enseignant, jugé trop technique jusque-là. Toutefois, depuis leur création, les IUFM sont l’objet de maintes critiques. Le principal reproche formulé à leur égard est que leur formation est trop théorique, coupée de la réalité de l’enseignement. Au-delà de ce débat, la place des IUFM dans l’espace de la recherche en éducation est malgré tout intéressante. En effet, puisqu’il s’agit d’instituts universitaires, les professeurs des IUFM sont amenés à faire de la recherche en collaboration avec des universitaires ou avec l’INRP, par exemple. Dans les faits, ces instituts représentent une belle occasion d’amener la recherche dans le cadre de la formation et de sensibiliser les nouvelles générations d’enseignants à la recherche en éducation. Mais la recherche des professeurs rejoint-elle effectivement leurs étudiants ? La question se pose comme dans la plupart des domaines universitaires. Depuis le 24 mars 2005, le statut des IUFM a été considérablement modifié. En effet, le Parlement français adoptait, le 23 avril 2005, la Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École, aussi connue comme la « loi Fillion sur les écoles ». L’une des dispositions de cette loi modifie le statut des IUFM, qui seront désormais assimilés à des écoles faisant partie des universités. Cette nouvelle orientation, que plusieurs voient comme une mise en tutelle des IUFM, est notamment justifiée, dans un rapport soumis au ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lors de la préparation de la Loi, de la manière suivante : L’adossement de la formation en IUFM aux masters proposés par les universités ainsi que l’inscription des IUFM dans le tissu universitaire favoriseront le développement d’une recherche universitaire de qualité. Les IUFM en lien avec les universités auront vocation à proposer des programmes de recherche ciblés sur l’enseignement des disciplines à l’école (France, 2005, Rapport annexé, p. 20) Ce bref survol de la situation française montre que le gouvernement français travaille à améliorer la coordination de la recherche en éducation (avec la création du PIREF) et à promouvoir l’innovation, dans une moindre mesure. Cependant, contrairement aux États-Unis ou au Royaume-Uni, l’amélioration du système éducatif et de l’apprentissage des élèves n’est pas clairement exposée en France, bien qu’elle soit sous-jacente dans le discours. L’Australie : au service du développement du pays En Australie, l’éducation s’inscrit explicitement dans une vision globale du développement du pays. Ce qui semble implicite dans les autres pays est clairement affirmé en Australie : l’avenir de l’Australie passe par le savoir, la compréhension, les habiletés et les valeurs que doit posséder chaque citoyen pour mener une vie productive et épanouie dans une société instruite, équitable et ouverte. Une formation scolaire de haute qualité est au cœur de cette vision (Department of Education, Science and Training, 2003). Ainsi, à la fin de l’année 2002, le gouvernement australien a défini quatre priorités de recherche : l’environnement, la santé, les technologies (pour les industries australiennes) et la protection du pays. Ces priorités ont été revues en 2003 pour prendre davantage en considération l’apport des sciences sociales et humaines. L’éducation est comprise comme un soutien à ces priorités : une éducation de qualité amènerait plus facilement les jeunes vers l’enseignement supérieur et la recherche. En plus de la recherche, l’Australie met l’accent sur la formation professionnelle, dont témoigne la grande place prise par la Vocational Education and Training (VET). Il s’agit d’une formation qui allie formation secondaire et pratique en milieu de travail, voire même collaboration sous une forme d’apprentissage (apprenti professionnel). C’est dans ce contexte que se situent la recherche en éducation et l’innovation pédagogique.

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L’innovation, prise dans une acception large, est centrale dans les orientations du gouvernement australien. L’innovation pédagogique est néanmoins très présente dans les débats en matière d’éducation ; elle est perçue comme une voie rendant l’enseignement et l’apprentissage plus efficaces. Les États australiens assument une grande part dans le soutien de l’innovation pédagogique. Ainsi, la Victorian Schools Innovation Commission a pour principaux objectifs de conseiller le ministre, de répertorier les innovations et de trouver des fonds pour l’innovation. Au palier national, les projets incitatifs en matière d’innovation sont associés à l’idée de la place importante que tiennent les professeurs dans l’apprentissage des élèves (Cuttance, 2001, p. xiii). Ainsi, au début des années 2000, The Innovation and Best Practice Project (IBPP), auquel ont participé 107 écoles, a cherché à comprendre l’influence de l’innovation dans l’apprentissage des élèves. Dans chacune de ces écoles, une expérience d’innovation a été menée en littérature, en mathématiques, etc. Le projet a confirmé l’influence que peut avoir l’innovation pédagogique sur la qualité de l’enseignement. Sur le plan de la recherche en éducation, le ministère de l’Éducation s’est doté d’un plan triennal de recherche 2003-2006 dont les missions principales ressemblent à ce qui a déjà été vu ailleurs : donner une plus grande cohérence à la recherche, soutenir davantage les efforts à cet égard et améliorer la diffusion des ressources et des résultats (Department of Education, Science and Training, 2003, p. 7). Le ministère de l’Éducation a fixé des priorités pour la recherche : bâtir une société de l’apprentissage ; améliorer l’accessibilité et la participation ; faire avancer la science, la technologie et la recherche ; améliorer les systèmes et la performance ; viser l’excellence dans l’enseignement et l’apprentissage et investir sur le plan international (Department of Education, Science and Training, 2003, p. 15). Chacun de ces points comporte des objectifs spécifiques faisant l’objet d’un développement dans le plan triennal. Pour arriver à ses fins, le Ministère collabore avec plusieurs organismes dont l’Australian Council for Educational Research (ACER) et l’Australian Research Council (ARC). Les efforts de l’ARC visent l’implantation de priorités nationales dans le paysage de la recherche australienne. La recherche en éducation y occupe une place au même titre que d’autres domaines. À l’inverse, l’ACER s’emploie à faire avancer la recherche en éducation. Il s’appuie sur une longue tradition. Créé en 1930, il a pour mission de réaliser et de diffuser la recherche ainsi que de créer des outils pour améliorer l’apprentissage. De nombreux projets sont donc entrepris dans plusieurs domaines (processus d’apprentissage, enseignement et apprentissage, évaluation de l’école et du système éducatif, etc.), souvent en collaboration avec d’autres organismes (ministère fédéral, États, ARC, etc.). Une des particularités de l’ACER est d’offrir des ateliers, des conférences, des tutorats et des publications basés sur les résultats de recherches qu’il a réalisées. Il constitue donc une interface entre recherche en éducation et pratique éducative. Son originalité tient aussi au fait que le Conseil utilise lui-même son expertise de recherche pour développer des activités et des produits concrets (publications, ateliers, etc.), notamment pour les éducateurs ou les parents. En Australie, la recherche et l’innovation sont donc clairement utilisées pour l’amélioration de l’apprentissage dans une vision de l’éducation comme outil de progrès du pays. Les incitatifs en faveur de la recherche ou de l’innovation en éducation se trouvent toutefois quelque peu dilués dans cette conception globale.

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En résumé… En somme, les mesures prises dans ces quatre pays pour encourager la recherche et l’innovation en éducation montrent l’implication de l’État pour assurer l’accessibilité des recherches ; la diffusion et la dissémination de leurs résultats ; la centralisation des informations touchant la recherche et l’innovation en éducation. Ces pays ne disposent malheureusement pas, à l’heure

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actuelle, de suffisamment de données pour permettre d’évaluer l’efficacité de ces mesures. Cependant, qu’il s’agisse de la mise sur pied d’une instance de coordination ou de l’amélioration de l’accessibilité aux résultats de recherche, toutes ces mesures ont plusieurs objectifs en commun. En effet, les systèmes éducatifs de ces pays se rejoignent à bien des égards, surtout lorsque la recherche et l’innovation en éducation sont mises à profit afin d’accroître l’efficacité des pratiques enseignantes et, du même coup, de favoriser la réussite d’un plus grand nombre d’élèves. Trois des quatre mesures relevées dans ces pays ont plusieurs points en commun. En effet, le Conseil constate que les Regional Educational Laboratories (États-Unis), l’Australian Council for Educational Research (Australie) et l’Institut national de recherche pédagogique (France) offrent tous un exemple concret d’interface entre la recherche, l’innovation et la pratique éducative : réalisation et recension de recherches, création de produits axés sur la pratique et collaboration avec des partenaires de divers milieux de l’éducation. Quant au Standards Site (Royaume-Uni), il présente plutôt un type d’interface « informationnel » qui fournit une multitude de renseignements sur la recherche et l’innovation. Ces exemples montrent certainement que l’intervention de l’État peut stimuler le rapprochement de la recherche et de la pratique de différentes manières. Cependant, ces expériences nous éclairent aussi sur certains impacts ou risques que peuvent avoir de tels appuis pour la recherche en éducation : > L’orientation adoptée par le Royaume-Uni vise, entre autres, la poursuite de certaines priorités de recherche en éducation établies par le gouvernement. Ce modèle, que d’aucuns qualifient de dirigiste, a certes l’avantage de concilier les priorités de recherche en éducation avec les priorités gouvernementales. L’État coordonne la recherche en fonction de ses priorités, il en fait la promotion autant auprès des chercheurs que des enseignants et, enfin, il soutient son développement et sa diffusion. Malgré l’intérêt marqué de l’État pour la recherche en éducation, ce modèle comporte certains risques, notamment en ce qui a trait à l’influence des chercheurs et des intellectuels sur les objets de recherche en éducation. En effet, l’expertise de ces derniers semble être mise de côté au profit d’une vision systémique et plus instrumentale de la recherche en éducation. > La France, qui a placé l’innovation au cœur des transformations apportées au système éducatif, n’a pourtant pas jugé opportun de mettre en place une politique de concertation de la recherche et de l’innovation en éducation. Bien qu’on sente, dans son discours politique, une ferme volonté d’améliorer la coordination de la recherche en éducation de manière qu’elle soit davantage disséminée dans la pratique, les actions concrètes qui sont posées semblent plutôt diffuses, par exemple l’ajout de mandats à des organismes déjà existants. On constate aussi que les différents éléments du système éducatif jouissent d’une large autonomie qui ne semble pas être subordonnée à une vision globale et plus systémique formulée par l’État. Si ce modèle a l’avantage de laisser une plus grande latitude aux chercheurs, on voit plus difficilement comment les préoccupations de ces derniers rejoignent celles des praticiens. Malgré un réel soutien apporté par l’État à la recherche et à l’innovation, il semble exister peu de lieux de convergence pour rapprocher les chercheurs et les praticiens. > La vision australienne est tout autre. L’éducation y est considérée comme l’un des ferments d’une société juste et ouverte. C’est dans ce contexte que le gouvernement fixe lui-même les priorités nationales en recherche tout en exprimant clairement le souhait que l’innovation puisse contribuer à l’amélioration des pratiques enseignantes. La vision de l’Australie, beaucoup plus systémique que celle des autres pays étudiés, considère la

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recherche en éducation et l’innovation de façon plus instrumentale. La recherche, l’innovation et la pratique doivent concourir au progrès du pays et à l’avènement d’une société plus juste. En somme, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Australie ont réalisé des efforts importants ces dernières années pour améliorer ces deux pôles considérés comme des voies d’avenir pour l’amélioration de l’éducation. Cependant, nous ne disposons pas du recul nécessaire pour évaluer l’efficacité et l’impact de la plupart de ces mesures. Nous verrons plus loin, principalement dans les orientations 1 et 2 du chapitre 3, en quoi ces expériences peuvent guider les efforts du Québec pour mieux soutenir la recherche et l’innovation en éducation.

2.4 CE QU’IL FAUT RETENIR Les chercheurs et les praticiens disposent-ils d’interfaces pour échanger et établir des liens entre eux ? C’est pour répondre à cette interrogation qu’ont été consultés des enseignants, des conseillers pédagogiques et plusieurs acteurs qui se consacrent à l’établissement de liens entre le monde de la recherche et celui de la pratique. Cependant, les différents éléments de réponse recueillis par le Conseil ne lui permettent pas de trancher nettement la question. En revanche, ils offrent un éclairage nouveau sur les échanges entre la recherche et la pratique en éducation. Nous avons vu que ces échanges sont également tributaires des efforts plus systématiques déployés par l’État, soit pour valoriser l’innovation en éducation, soit pour rapprocher la recherche en éducation des besoins des praticiens, soit pour mieux faire connaître la recherche et les innovations dans le milieu de l’éducation. L’état de situation brossé dans le présent chapitre a permis de constater que les milieux de la pratique montrent une ouverture aux résultats de la recherche en éducation. L’enquête du Conseil révèle que les enseignants du primaire et du secondaire font preuve d’une grande ouverture à cet égard. On voit clairement que cette ouverture touche une proportion considérable des enseignants et qu’un tiers d’entre eux sont même assez actifs en ce domaine. Ils constituent de ce fait des acteurs importants sur lesquels peut s’appuyer toute entreprise de collaboration entre recherche et pratique. Toutefois, on note qu’ils sont moins portés à utiliser les résultats de la recherche pour enrichir leur pratique. S’ils ont mentionné que le manque de temps constituait une importante limite à la consultation et à l’appropriation de la recherche en enseignement, ils ont également affirmé que le travail des conseillers pédagogiques, des directeurs d’école et de leurs collègues leur permettait de progresser en ce domaine. Il reste que seulement un tiers des enseignants affirment qu’ils reçoivent ce soutien dans leur école.

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Les enseignants des collèges vivent, quant à eux, une problématique qui diffère de celle des enseignants du primaire et du secondaire. Au collégial, la recherche en éducation prend une autre dimension. Même s’ils sont peu nombreux à s’y adonner, la recherche pédagogique a été soulignée, par l’ensemble des acteurs consultés, comme étant essentielle au développement de la pratique enseignante. À cet égard, les conseillers pédagogiques du collégial contribuent à l’avancement de la recherche pédagogique et au soutien de l’innovation, à l’instar de leurs collègues du primaire et du secondaire. Ils participent activement, de diverses manières, à la mise en application des résultats de la recherche, soit en offrant un soutien pédagogique aux enseignants, soit en participant eux-mêmes comme chercheurs ou collaborateurs. Ils contribuent au changement et à l’innovation par leur engagement dans la mise en œuvre des réformes et dans l’amélioration des pratiques éducatives. À cet égard, le Conseil a constaté que la fonction d’accompagnement, quel que soit l’ordre d’enseignement où elle s’inscrit, semble jouer un rôle essentiel à une meilleure intégration des pratiques, des recherches et de l’innovation en

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LIENS ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : ÉTAT DE LA SITUATION

éducation. Les conseillers pédagogiques, les directeurs d’école et certains enseignants particulièrement actifs sont apparus comme jouant un rôle d’interface assez important. Cependant, compte tenu des responsabilités qui incombent aux directions d’école, les conseillers pédagogiques sont souvent les premières ressources auxquelles on s’adresse. Ainsi, ceux-ci, quel que soit l’ordre d’enseignement où ils sont engagés professionnellement, occupent une fonction qui les amène, d’une part, à prendre connaissance de la recherche et, d’autre part, à soutenir et à accompagner les enseignants dans l’appropriation de cette recherche et dans l’amélioration de leur pratique éducative. Cette fonction d’accompagnement et d’interface est importante tant dans les établissements primaires et secondaires que dans les collèges. Cela étant dit, force est de constater que les tâches dévolues à cette fonction varient grandement d’une commission scolaire à l’autre et que le nombre de conseillers pédagogiques est inégalement réparti dans les écoles. Au collégial, les conseillers pédagogiques occupent des positions différenciées selon l’établissement où ils travaillent, mais surtout en fonction du secteur auquel ils sont rattachés : la formation continue ou l’enseignement ordinaire. Un autre constat important est qu’il n’y a pas suffisamment d’interfaces entre la recherche en éducation et la pratique éducative. La recherche et la pratique n’ont pas atteint un degré d’interdépendance comparable à celui qu’on trouve en sciences pures ou appliquées. Cela fait en sorte que la circulation des savoirs pratiques et des savoirs savants n’est pas très fluide. Si les enseignants sont ouverts à la recherche en enseignement, à ses applications et à ses produits, des efforts supplémentaires doivent pourtant être consentis pour rendre les résultats de la recherche plus accessibles aux praticiens de l’enseignement primaire et secondaire et pour faciliter la conduite de recherches pédagogiques par les enseignants du collégial. La recherche et la pratique en éducation sont complémentaires et tout à fait compatibles. Leur articulation est importante, mais elle pose problème. L’une des difficultés majeures tient au fait que, malgré des progrès certains, la recherche et la pratique en éducation ne se nourrissent pas suffisamment l’une de l’autre. En éducation, les liens ne sont ni très fréquents ni systématiques. Les sources de distanciation sont encore nombreuses et tenaces. En ce qui a trait à l’innovation en éducation, l’information qu’a pu recueillir le Conseil au cours de ses consultations paraît indiquer qu’elle ne repose que de manière ténue sur la recherche en éducation. L’une des explications possibles serait que les enseignants du primaire et du secondaire ont surtout déployé des efforts dans le changement de leurs pratiques pour s’adapter aux différentes réformes qui ont modifié le système éducatif au fil des ans. Ils n’ont donc pas pu ou pas su comment se tourner vers la recherche pour améliorer la pratique. De plus, le développement de la recherche est souvent axé sur des préoccupations assez éloignées des besoins immédiats de la pratique éducative. Au collégial, même si la recherche pédagogique donne lieu à l’expérimentation d’innovations, celle-ci paraît encore insuffisante et peu diffusée. Le Conseil a toutefois relevé plusieurs exemples d’amélioration des pratiques et d’innovation en éducation. Dans bien des cas, ces exemples semblent davantage avoir été produits par le monde de la pratique que par celui de la recherche. Mais certains d’entre eux, en raison de leur succès, ont suscité l’intérêt du milieu de la recherche, qui en a fait des objets d’étude. Un des exemples les plus connus est celui des centres de formation en entreprise et récupération (CFER). Ces centres offrent même aujourd’hui un soutien financier à la chaire de recherche qui étudie et analyse ce modèle de formation.

69

CHAPITRE

3

ORIENTATIONS VISANT À ACCROÎTRE LA SYNERGIE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE ÉDUCATIVE Dans les chapitres précédents, le Conseil supérieur de l’éducation a fait le point sur les grandes étapes du développement de la recherche en éducation et sur le parcours emprunté par la professionnalisation du métier d’enseignant. Il a également fait état des pratiques actuelles et rappelé les conditions favorisant l’accès à la recherche en éducation ainsi que ses répercussions sur la pratique enseignante. Cette démarche a permis au Conseil de réaliser que l’accroissement de la synergie entre la recherche en éducation et la pratique enseignante s’impose comme le plus grand défi à relever. Celui-ci est d’autant plus important que l’acquisition de meilleures pratiques éducatives est déterminante pour la réussite du plus grand nombre d’élèves. C’est pourquoi le Conseil a centré sa réflexion sur les liens qui existent entre le pôle de la recherche et celui de la pratique. Cette approche a le mérite de mettre l’accent sur la contribution réciproque des savoirs savants et des savoirs d’expérience à l’amélioration des pratiques éducatives.

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

Dans un rapport paru en 2005, le Conseil de la science et de la technologie (CST) désignait la formation comme l’un des sept grands défis socioéconomiques du Québec dont la mise en œuvre requiert des programmes de recherche d’envergure. Tout comme le Conseil supérieur de l’éducation, le CST s’est notamment interrogé sur les difficultés que pose l’intégration des nouvelles connaissances dans le domaine de l’éducation. Ces difficultés lui sont apparues suffisamment importantes pour qu’un volet du chantier consacré à la recherche en éducation traite spécifiquement de l’usage des résultats de la recherche par rapport aux pratiques d’enseignement. [Ce volet] comportera donc un examen des mécanismes de transfert existants et des formes de collaboration possibles entre chercheurs et utilisateurs décrivant leur fonctionnement et leurs retombées. Il considérera les liens institutionnels comme les expériences de collaboration menées en milieu communautaire. L’analyse des conditions de réussite de ces divers dispositifs mènera à identifier, outre des pistes de recherche pour l’avenir, des interfaces capables de faciliter l’intégration des nouveaux savoirs dans les pratiques (CST, 2005, p. 34-35). Le Conseil supérieur de l’éducation abonde dans le même sens puisque l’une des voies de solution visant à accroître l’usage des résultats de recherche dans les pratiques enseignantes réside dans le rapprochement des univers de la recherche et de la pratique, plus spécifiquement dans la synergie qui devrait s’en dégager. La revue de la littérature sur le sujet a notamment montré que les enseignants ne sont plus perçus par les chercheurs uniquement comme des objets d’étude, mais de plus en plus comme des partenaires, des collaborateurs et même, mais plus rarement, comme des cochercheurs. Tout en respectant une démarche rigoureuse soumise au jugement de leurs pairs, des chercheurs du domaine de l’éducation commencent à intégrer les praticiens dans leurs activités de recherche. Si ces chercheurs se prêtent à un tel exercice de collaboration, c’est en bonne partie pour tenir compte de l’évolution de l’éducation, marquée par plusieurs réformes et surtout par le mouvement de professionnalisation de l’enseignement. Ce rapprochement entre la recherche en éducation et la pratique éducative occupe donc une place de premier plan dans ce rapport. De plus, l’enquête du Conseil auprès des enseignants du primaire et du secondaire confirme cette tendance générale au rapprochement. Cette enquête montre l’intérêt qu’un nombre significatif d’enseignants manifestent à l’égard de la recherche, leur attitude positive envers les chercheurs et l’utilisation qu’ils font des connaissances produites par la recherche, dans la mesure où celles-ci prennent une forme qui leur est accessible. Cette tendance a également pu être confirmée lors des consultations et des rencontres que le Conseil a tenues avec les différents acteurs de la recherche en éducation.

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Plusieurs éléments favorables à l’accroissement de la synergie entre la recherche et la pratique sont donc en place. Cependant, le rapprochement souhaité présente aussi des difficultés qu’on ne saurait ignorer et qu’il faudrait lever avec des moyens appropriés. Le Conseil a ainsi noté plusieurs lacunes en ce qui a trait aux interfaces qui permettent l’échange entre chercheurs et praticiens. Ainsi, l’inventaire qu’il a pu dresser de ces interfaces révèle qu’elles sont certes nombreuses et diverses, mais qu’elles bénéficient généralement à des groupes restreints et ciblés. Elles sont souvent rattachées aux établissements d’enseignement supérieur ou à des associations de professionnels et la plupart d’entre elles sont presque exclusivement réservées à l’usage de leurs membres. Très peu sont consacrées à l’échange entre chercheurs et praticiens. Par ailleurs, le Conseil s’est intéressé au rôle d’accompagnement des praticiens pour ce qui est de faciliter les échanges entre la recherche et la pratique. Ce rôle, qui est généralement joué par des professionnels et des praticiens auprès

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ORIENTATIONS VISANT À ACCROÎTRE LA SYNERGIE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE ÉDUCATIVE

des enseignants, est plus particulièrement associé à la fonction de conseillance pédagogique. Présente à des degrés variables à tous les ordres d’enseignement, cette fonction paraît répondre aux besoins d’accompagnement des enseignants en ce qui a trait à la pédagogie, à la recherche et à l’innovation. Par contre, les conseillers pédagogiques qui l’exercent ne sont pas présents dans tous les établissements. Souvent, ces professionnels assument bien d’autres responsabilités que celle liée à l’interface entre recherche et pratique. Il appert donc que cette fonction d’accompagnement est, dans plusieurs établissements scolaires, réalisée de façon partielle et inégale. Un état de situation ayant été dressé dans les chapitres précédents, le Conseil propose, dans le présent chapitre, des orientations susceptibles d’aider à relever le principal défi qui se pose à la recherche et à la pratique dans le domaine de l’éducation, soit l’accroissement de la synergie entre ces deux univers. Le rapprochement souhaité devrait également stimuler l’émergence d’innovations en éducation. Ces orientations répondent à des besoins avérés et importants au regard de la recherche, de la pratique et de l’innovation en éducation. Elles s’appuient sur les principaux constats que le Conseil a dégagés de l’analyse de la situation. Ces constats sont les suivants : > Le soutien à la recherche en éducation, à la circulation des savoirs et à l’innovation relève de la mission de l’État. Celui-ci doit mettre en place des moyens suffisants pour assurer l’accès à une éducation de qualité et permettre la réussite éducative de tous les élèves. > Les politiques des quatre pays analysées par le Conseil montrent la nécessité de l’engagement de l’État, bien que sous des formes diverses, pour assurer le développement de la recherche en éducation, de l’innovation et de la circulation des savoirs entre chercheurs et praticiens. > Dans le secteur de l’éducation, il n’existe pas encore de politique visant à stimuler explicitement l’innovation et à favoriser les échanges entre les milieux de la recherche et de la pratique. > Les conditions les plus susceptibles de favoriser des échanges et des enrichissements mutuels entre la recherche et la pratique découlent des considérations communes qui ont guidé l’évolution de ces deux milieux, soit l’ouverture de la recherche aux préoccupations des praticiens de l’éducation et l’évolution de l’enseignement vers une profession qui s’appuie davantage sur des connaissances scientifiques. > Une proportion importante de praticiens de l’éducation témoigne d’une grande ouverture à l’égard de la recherche en éducation et à ses résultats. > L’initiation des enseignants à la recherche, lors de leur formation initiale ou d’une formation continue, est l’un des facteurs qui déterminent l’importance qu’ils lui accorderont dans leur pratique. > La fonction d’accompagnement, quel que soit l’ordre d’enseignement où elle s’inscrit, joue un rôle majeur pour favoriser une meilleure intégration des pratiques, des recherches et de l’innovation en éducation. > La recherche en éducation doit répondre aux standards universitaires, tant en ce qui a trait à son financement qu’en ce qui concerne la publication de ses résultats, alors que l’enseignement doit répondre aux standards de la profession, aux exigences des réformes et aux besoins des élèves. > Les praticiens et les chercheurs ne bénéficient pas suffisamment de lieux de dialogue ou d’interfaces.

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

Considérant l’ensemble de son analyse et les principaux constats qui viennent d’être énoncés, le Conseil soumet à la réflexion du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, aux milieux de l’éducation et à l’ensemble de la population les cinq orientations suivantes : 1. Soutenir la recherche en éducation : un rôle nécessaire de l’État. La recherche doit être appuyée par l’État au moyen de mesures globales et durables, et ce, dans une perspective systémique. 2. Soutenir l’innovation en éducation : un chantier à développer et à mener à terme. Cette volonté doit être appuyée par une politique gouvernementale audacieuse qui offre, à tous les acteurs engagés dans le système éducatif, les moyens d’expérimenter l’innovation dans leur milieu. Il faut, en même temps, assurer la diffusion de cette innovation afin qu’elle contribue à la réussite des élèves. 3. Préparer les enseignants à la recherche : la formation initiale et la formation continue. La formation doit permettre aux enseignants de mieux utiliser les résultats de la recherche en éducation, d’introduire de nouvelles pratiques d’enseignement et d’innover sur le plan pédagogique. 4. Assurer l’accompagnement professionnel des praticiens afin de favoriser l’accès à la recherche et d’encourager les pratiques innovantes. Des mesures doivent être prises pour que cette fonction d’accompagnement soit exercée plus adéquatement par les praticiens, en particulier par les conseillers pédagogiques et les directeurs d’établissement. De telles dispositions devraient leur permettre d’accéder plus aisément à la recherche et aux pratiques innovantes, de les reprendre à leur compte et de porter sur elles un regard critique. 5. Intensifier le transfert de la recherche et la diffusion des savoirs pratiques en éducation. Une meilleure diffusion des résultats de la recherche et des pratiques innovantes devrait permettre à tous les acteurs de l’éducation de mieux connaître ce qui se fait en cette matière et ainsi de réunir les conditions de réussite de l’innovation en éducation.

ORIENTATION 1 SOUTENIR LA RECHERCHE EN ÉDUCATION : UN RÔLE NÉCESSAIRE DE L’ÉTAT La recherche en éducation et la pratique éducative ont évolué considérablement au cours des 40 dernières années. Les ajustements apportés tant à la façon de conduire la recherche ou de former les enseignants qu’à la manière de concevoir ce métier ont contribué à façonner une culture de la recherche en éducation qui tient de plus en plus compte des besoins des différents acteurs engagés dans l’aventure pédagogique. La manière dont on conçoit désormais la recherche et la pratique dans les milieux éducatifs témoigne ainsi de l’évolution qui s’est amorcée dans les années 60, avec le dépôt du rapport Parent.

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Les progrès observés sont dus en grande partie aux personnes impliquées dans la recherche en éducation et la pratique éducative, qu’il s’agisse des enseignants, des professionnels qui les soutiennent ou qui viennent en aide aux élèves, des chercheurs, des universitaires, du personnel d’encadrement, etc. Cependant, l’État doit demeurer un acteur de premier plan en raison du devoir qu’il a de favoriser la réussite éducative de tous. À cet égard, la recherche fait partie des moyens dont il dispose. Le rôle fondamental qu’il peut exercer concerne donc le système éducatif dans son ensemble, ses grands axes de développement, sa mission, ses objectifs ainsi que l’encadrement et le soutien dont il doit bénéficier. L’État peut également assumer une responsabilité particulière à l’égard de la synergie qui doit s’opérer entre la recherche en éducation et la pratique éducative.

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ORIENTATIONS VISANT À ACCROÎTRE LA SYNERGIE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE ÉDUCATIVE

Comme nous l’avons vu précédemment, cette synergie constitue un moteur, tant pour l’innovation dans les pratiques que pour la recherche dans les différents milieux d’éducation. Parmi les responsabilités qui incombent à l’État pour stimuler cette synergie, le Conseil retient deux pistes : celle qui consiste à déterminer les grands axes de développement du système d’éducation et, en conséquence, la place que doit y prendre la recherche et celle qui vise à en assurer le financement 25. 1.1

ADOPTER UNE STRATÉGIE D’ACTION GLOBALE ET SYSTÉMIQUE Le Québec doit parvenir à une plus grande concertation de ses efforts pour faire de la recherche en éducation une priorité d’action. Cette concertation sera stimulée si elle est appuyée par un énoncé de politique audacieux. Pour le Conseil, un tel engagement est essentiel au développement de la recherche, de l’innovation et de la pratique éducative. Cette initiative de l’État devrait être prise dans le but de réunir les conditions les plus favorables à l’émergence d’innovations durables en éducation. Une telle demande a d’ailleurs été formulée lors des États généraux sur l’éducation. Le Conseil croit utile de la rappeler ici : […] depuis la disparition de l’INRS-Éducation en 1986, il n’existe aucun organisme consacré exclusivement à la recherche en éducation. Le ministère de l’Éducation et certains organismes du monde de l’éducation ont développé leur service de recherche. Certains centres de recherche sur l’apprentissage ou la réussite scolaire existent dans les universités. Dans les collèges, quelques centaines d’enseignants bénéficient de subventions pour mener des recherches dont les résultats sont le plus souvent réinvestis dans l’activité pédagogique. Les résultats de la recherche pédagogique ne sont pas largement diffusés, malgré des efforts tentés en ce sens, comme en témoigne l’espace qui y est réservé dans les bulletins des associations pédagogiques, des associations syndicales ou du Ministère. Plusieurs se demandent si l’absence d’un lieu de coordination ne compromet pas la possibilité d’utiliser plus largement les résultats des recherches pour inspirer les politiques d’éducation et renouveler l’action pédagogique. Nous partageons ce questionnement. La recherche en éducation va dans plusieurs directions. En l’absence d’une politique claire et d’orientations définies, elle se moule aux intérêts et aux désirs des individus et des organismes qui y sont engagés. Nous croyons également que les enseignants du primaire et du secondaire pourraient être associés plus étroitement aux recherches qui se mènent. Près de la moitié des enseignants du secondaire ont dix-huit ans ou plus de scolarité et aspirent à diversifier leurs tâches. N’y a-t-il pas là une avenue intéressante pour certains ? Certaines expériences de recherche « collaborative » ont été menées mais elles sont encore trop peu nombreuses (Commission des États généraux sur l’éducation, 1996). Avant même que soient tenus les États généraux, le Conseil avait signalé « […] l’urgence de déterminer des cibles d’action pour que la recherche puisse effectivement et efficacement contribuer à l’évolution et à l’amélioration du système éducatif québécois » (CSE, 1995, p. 74). Le Conseil maintient cette position voulant que l’État assume pleinement son rôle stratégique dans le développement de la recherche en éducation. Pour y parvenir, l’État doit se doter d’une volonté politique ferme en matière de soutien et de développement de la recherche, des pratiques innovantes et des innovations en éducation. 25. Ces deux dimensions ont d’ailleurs fait l’objet d’un développement approfondi de la part du Conseil dans son rapport annuel 1994-1995 sur l’état et les besoins de l’éducation, Vers la maîtrise du changement en éducation (CSE, 1995).

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

Cette volonté peut notamment s’affirmer par l’inclusion du soutien à la recherche en éducation dans la Politique québécoise de la science et de l’innovation. Par ailleurs, l’expérience des autres pays nous informe à la fois sur l’importance du soutien de l’État et sur les limites rencontrées en matière d’encadrement de la recherche : > Il faut éviter l’adoption d’un modèle dirigiste qui pourrait imposer une vision trop instrumentale de la recherche en éducation, au détriment de la liberté des chercheurs et des intellectuels. Une telle attitude pourrait notamment inciter les chercheurs en sciences de l’éducation à négliger les recherches fondamentales, lesquelles trouvent plus difficilement des applications concrètes et immédiates. > L’État doit plutôt viser le renforcement de la recherche et de l’innovation afin d’assurer leur rapprochement avec la pratique en éducation. Une telle implication de l’État peut améliorer et rendre plus efficaces à plus long terme l’enseignement et l’apprentissage. De 2003 à 2005, le CST a mené une réflexion sur les contributions possibles de la recherche au regard de sept grands défis socioéconomiques du Québec (CST, 2005). Le quatrième de ces défis porte précisément sur la formation. Il se décline en sept chantiers qui constituent des propositions particulièrement intéressantes en vue de l’adoption, par l’État, d’une stratégie d’action. Le premier de ces chantiers de recherche consisterait à « dresser l’état de la recherche et du transfert en éducation », alors que le sixième porterait sur « les environnements changeants et l’obligation d’innover ». Il s’agit là d’une préoccupation centrale qui fait d’ailleurs l’objet de notre deuxième orientation dans le présent rapport. Cette proposition ne doit pas amener l’État à baliser la manière dont doivent être conduites les recherches en éducation, pas plus qu’elle ne doit dicter aux praticiens les comportements à adopter à l’égard des différents résultats de recherche. Néanmoins, il revient à l’État d’indiquer de façon claire, mais souple, les orientations générales qu’il convient de prendre pour répondre aux besoins du système éducatif. En somme, il s’agit d’offrir un encadrement stratégique à l’intérieur duquel la recherche en éducation pourra développer son plein potentiel tout en s’assurant que ces résultats pourront contribuer, le plus largement possible, à l’amélioration des pratiques éducatives et, du même coup, à la réussite du plus grand nombre d’élèves. Si cette orientation apparaît au début de ce chapitre, c’est principalement en raison du fait que son action structurante et systémique doit être vue comme un préalable à la réalisation des autres orientations, dans une perspective de développement soutenu du système éducatif. Le Conseil estime que l’État doit soutenir la recherche en éducation par l’adoption, le plus rapidement possible, d’une stratégie d’action globale et systémique à cet égard. Pour ce faire, l’État doit poser des gestes concrets, comme affirmer explicitement dans la Politique québécoise de la science et de l’innovation la nécessité de soutenir le développement de la recherche en éducation, en déterminant ses grands axes et les cibles qui devraient être atteintes.

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1.2

ORIENTATIONS VISANT À ACCROÎTRE LA SYNERGIE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE ÉDUCATIVE

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ACCROÎTRE LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE EN ÉDUCATION Compte tenu de son importance stratégique pour la réussite en éducation, il est nécessaire que la recherche bénéficie d’un soutien financier qui corresponde davantage au poids de cette discipline par rapport aux autres domaines de recherche. Le graphique, qui compare l’évolution du financement de la recherche en sciences de l’éducation avec celui de l’ensemble des domaines de recherche en calculant l’indice 100 à partir de l’année de référence 1992-1993, permet de constater que les sciences de l’éducation ont bénéficié d’un soutien qui s’est accru au fil des ans. Cependant, ce financement n’est jamais parvenu à rendre justice à la place qu’occupent les sciences de l’éducation parmi l’ensemble des disciplines universitaires. En effet, selon des données de l’année 2001-2002 reproduites au tableau 6, les sciences de l’éducation n’ont obtenu que 1,8 % du total des subventions et des contrats octroyés pour l’ensemble des universités québécoises. Pourtant, pendant cette même année de référence, les facultés et les départements des sciences de l’éducation regroupaient près de 10 % des effectifs étudiants et 8,7 % des professeurs réguliers des universités québécoises y étaient rattachés. On y observe également qu’en 2001-2002, chaque professeur régulier en sciences de l’éducation recevait en moyenne 25 968 $ en contrats et subventions. Cette performance les place loin derrière l’ensemble du secteur des sciences humaines, où chaque professeur a reçu, en moyenne, 43 750 $ en contrats et subventions pendant la même période. GRAPHIQUE ÉVOLUTION DU MONTANT DES SUBVENTIONS ET DES CONTRATS DE RECHERCHE ACCORDÉS EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION DE MÊME QUE DANS L’ENSEMBLE DES DOMAINES DE RECHERCHE DES UNIVERSITÉS QUÉBÉCOISES POUR LES ANNÉES 1992-1993 À 2003-2004 (1992-1993 = INDICE 100)

350 Éducation

300

Total

250 200 150 100 50 0 1992 – 1993

1993 – 1994

1994 – 1995

1995 – 1996

1996 – 1997

1997 – 1998

1998 – 1999

1999 – 2000

2000 – 2001

2001 – 2002

2002 – 2003

2003 – 2004

Source : Système d’information sur la recherche universitaire (SIRU), ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

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LE DIALOGUE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE EN ÉDUCATION : UNE CLÉ POUR LA RÉUSSITE

TABLEAU 6 SUBVENTIONS ET CONTRATS DE RECHERCHE ACCORDÉS DANS LES UNIVERSITÉS DU QUÉBEC, SELON LE DOMAINE DE RECHERCHE, LE NOMBRE DE PROFESSEURS RÉGULIERS ET L’EFFECTIF ÉTUDIANT, 2001-2002

Montant total des subventions et des contrats octroyés 1

Nombre de professeurs réguliers 2

A Domaine de recherche

$

B %

n

%

Montants des subventions et des contrats octroyés par professeur

C $

Effectif étudiant 3

D n

%

Sciences de la santé

367 384 589

36,1

1 553

18,9

236 564

17 007

7,2

Sciences pures

261 656 536

25,7

1 224

14,9

213 772

11 288

4,8

Sciences appliquées

155 138 047

15,2

1 220

14,8

127 162

34 988

14,8

Sciences humaines

71 925 675

7,1

1 644

20,0

43 750

41 106

17,4

Lettres

11 271 999

1,1

467

5,7

24 137

12 034

5,1

4 744 575

0,5

189

2,3

25 104

5 108

2,2

Sciences de l’éducation

18 697 076

1,8

720

8,7

25 968

23 532

9,9

Sciences de l’administration

27 292 488

2,7

855

10,4

31 921

52 881

22,3

Arts

3 279 123

0,3

359

4,4

9 134

8 879

3,8

Études plurisectorielles

5 768 091

0,6

S. O.

S. O.

S. O.

4 812

2,0

90 588 448

8,9

S. O.

S. O.

S. O.

S. O.

S. O.

S. O.

S. O.

S. O.

S. O.

S. O.

25 086

10,6

1 017 746 647

100,0

8 231

100,0

81 946

Droit

Domaine non réparti Sans objet Ensemble des domaines

236 721 100,0

Sources : 1. Système d’information sur la recherche universitaire (SIRU), ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. 2. Conseil supérieur de l’éducation, Renouveler le corps professoral à l’université : des défis importants à mieux cerner, Rapport annuel 2002-2003 sur l’état et les besoins de l’éducation, t. B.1. 3. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Statistiques de l’éducation, édition 2003, t. 2.4.16. Notes :

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C = A / B ; S. O. = Sans objet.

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ORIENTATIONS VISANT À ACCROÎTRE LA SYNERGIE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE ÉDUCATIVE

TABLEAU 7 ENSEMBLE DES SUBVENTIONS ET DES CONTRATS DE RECHERCHE ACCORDÉS EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION ET DANS L’ENSEMBLE DES DOMAINES DE RECHERCHE DES UNIVERSITÉS QUÉBÉCOISES POUR LES ANNÉES 1992-1993 À 2003-2004 Subventions et contrats de recherche accordés dans les universités du Québec (en milliers de dollars) Sciences de l’éducation

Ensemble des domaines

Proportion obtenue par les sciences de l’éducation (%)

1992-1993

9 080

654 966

1,4

1993-1994

7 984

632 507

1,3

1994-1995

9 213

585 651

1,6

1995-1996

8 936

587 556

1,5

1996-1997

11 220

606 825

1,8

1997-1998

9 882

604 490

1,6

1998-1999

9 729

660 886

1,5

1999-2000

12 150

720 520

1,7

2000-2001

14 559

872 257

1,7

2001-2002

18 697

1 017 669

1,8

2002-2003

19 084

1 086 828

1,8

2003-2004

23 149

1 379 115

1,7

Source : Système d’information sur la recherche universitaire (SIRU), ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

Le tableau indique que le soutien financier accordé aux sciences de l’éducation au cours des six dernières années a constamment progressé. Toutefois, ce soutien n’a jamais correspondu au poids des sciences de l’éducation dans l’ensemble des domaines universitaires. Par ailleurs, les données rendues disponibles par le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) confirment cette tendance au sous-financement de la recherche en sciences de l’éducation. En effet, pour l’ensemble des trois dernières années (2003-2004, 2004-2005 et 2005-2006), le FQRSC a reçu un total de 1 480 demandes de subvention admissibles réparties dans 13 domaines de recherche. Pour cette même période de trois ans, le domaine Éducation, savoirs et compétences, qui regroupe la plus grande partie des demandes soumises en sciences de l’éducation 26, a fait l’objet du plus grand nombre de demandes, soit 260. Pourtant, les données du FQRSC révèlent également que le taux moyen de recommandation d’un financement pour les demandes du domaine Éducation, savoirs et compétences est de 64 %, alors qu’il atteint 70 % pour l’ensemble des domaines de ce fonds. Les sciences de l’éducation font ainsi partie des domaines les moins bien financés, avec les arts, le droit et les lettres. C’est ce qui fait dire à plusieurs que les sciences de l’éducation sont, depuis longtemps, l’enfant pauvre de la

26. La demande de subventions dans ce domaine doit cependant être mise en contexte, compte tenu des sommes que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport alloue au programme d’action concertée Persévérance et réussite scolaires, administré conjointement avec le FQRSC, de même que d’une fraction de la demande en sciences de l’éducation s’inscrivant dans le domaine Développement et fonctionnement des personnes et des communautés, et vie sociale.

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recherche universitaire. Pourtant, l’éducation constitue une priorité clairement affirmée par l’État québécois (Gouvernement du Québec, 2004). Le Conseil partage pleinement cette vision. Aussi est-il d’avis que la recherche en éducation devrait en être le reflet et qu’à ce titre, elle devrait bénéficier d’un financement suffisant, notamment en regard de la place qu’elle occupe dans les universités du Québec et de l’importance de l’éducation dans la société. L’État doit donc continuer de soutenir financièrement la recherche en éducation, que ce soit par l’entremise du PAREA, du FQRSC, d’initiatives comme la stratégie d’intervention Agir autrement, le Programme de recherche sur la persévérance et la réussite scolaires et le Programme de soutien à la recherche et au développement en adaptation scolaire. Mais il doit faire plus. Pour rendre pleinement justice au domaine de l’éducation, il faut s’assurer que son financement sera au moins comparable à celui des autres domaines et disciplines. Le Conseil estime qu’il faut accroître le financement de la recherche en éducation pour qu’il soit à la hauteur de l’importance de cette discipline dans la mission de l’État et du poids des sciences de l’éducation dans les universités québécoises. Le soutien de l’État, quelle que soit la forme empruntée, doit par ailleurs être stable et durable. La continuité des efforts devrait se manifester dans la récurrence de l’aide et des budgets qui l’accompagnent.

ORIENTATION 2 SOUTENIR L’INNOVATION EN ÉDUCATION : UN CHANTIER À DÉVELOPPER ET À MENER À TERME On s’est beaucoup intéressé à l’innovation en éducation dans les années 70, une époque où son développement était intimement lié à ceux de l’informatique et des technologies de la communication. Mais depuis, cet intérêt paraît s’être estompé. Force est d’admettre que l’innovation en éducation ne figure pas au sommet des priorités de notre système éducatif. Quelques chantiers, forts pertinents du reste, sont ouverts. Mais, le Conseil n’est pas parvenu à trouver un bilan des innovations québécoises en éducation. Pourtant, le Québec vit actuellement, à l’égard de l’innovation, une situation particulière puisqu’il met en œuvre une importante réforme qui demande des efforts de renouveau. Certes, on ne saurait assimiler sans plus réforme et innovation. Il n’empêche que, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme de l’éducation, un grand nombre d’enseignants ont effectivement modifié ou seront appelés à modifier leurs pratiques et, potentiellement, à mettre en œuvre des pratiques innovantes. Cela est aussi vrai pour les établissements. On ne saurait ignorer ces pratiques. Les innovations dont l’efficacité a été prouvée méritent d’être connues afin d’être reprises. Selon le lieu et les circonstances, cela peut s’avérer fécond. Il faut donc assurer le partage de l’information. Le Conseil y revient d’ailleurs dans la dernière des orientations du présent document.

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En même temps, dans la littérature en éducation, on constate que l’innovation est une clé importante pour la réussite et que, par elle, peuvent surgir des solutions à des problèmes éducatifs non résolus. En effet, l’école est elle-même dans un monde qui change. Au surplus, l’une des certitudes est que l’innovation en éducation peut autant surgir des pratiques que de la recherche, ce qui justifie d’autant plus la nécessité de pouvoir compter sur des lieux d’échanges (interfaces) conviviaux, ouverts et organisés où chercheurs, professionnels et praticiens pourront discuter de leurs pratiques, leurs recherches et leurs innovations. Au-delà des expériences en cours, il faut donc pousser plus loin l’innovation en éducation. En même temps, l’État doit y contribuer davantage, à la fois

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pour encourager les innovateurs et surtout pour proposer et soutenir une stratégie d’ensemble. À cet égard, le Conseil est d’avis que la Politique québécoise de la science et de l’innovation constitue le premier acte marquant de l’État en ce domaine. Cependant, le Conseil est également d’avis que cette politique doit être plus explicite en ce qui concerne l’innovation en éducation. En situant l’innovation en éducation dans une politique plus large, l’État assumera pleinement son rôle de soutien et de catalyseur dans le développement de ce chantier. Le Conseil est d’avis que l’innovation en éducation constitue une clé pour la réussite éducative et qu’elle mérite, à ce titre, d’être encouragée. L’État doit favoriser le développement de l’innovation en éducation en la rendant explicite dans la Politique québécoise de la science et de l’innovation. Un important travail doit aussi être fait afin de rendre accessibles et de mettre en œuvre dans les pratiques, dans les curriculums ou dans les organisations scolaires les innovations qui émergent de la recherche ou de la pratique en éducation.

ORIENTATION 3 PRÉPARER LES ENSEIGNANTS À LA RECHERCHE : LA FORMATION INITIALE ET LA FORMATION CONTINUE La recherche a significativement contribué à l’avancement des connaissances en éducation, à l’amélioration des programmes de formation des enseignants, au perfectionnement des pratiques éducatives et au développement des innovations dans ce domaine. Ce constat s’appuie sur une large consultation menée auprès des principaux acteurs de la recherche, de la pratique et de l’innovation dans le milieu de l’éducation, engagés à tous les ordres d’enseignement. La formation initiale offerte aux enseignants du primaire et du secondaire devrait les préparer et les initier à la recherche et à ses méthodes, comme à l’utilisation des résultats de la recherche dans leur pratique. Elle devrait également leur permettre de se sensibiliser aux conditions d’émergence et de réussite de l’innovation. La formation continue devrait au surplus poursuivre les deux mêmes objectifs. 3.1

L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE Les consultations menées par le Conseil ont révélé que l’utilisation de la recherche s’accroît significativement lorsque les enseignants bénéficient d’une initiation à la recherche notamment par un cours de méthodologie ou d’initiation à la recherche offert dans le cadre de leur formation initiale ou d’une formation continue. Parmi les répondants, les enseignants qui ont un baccalauréat comme plus haut diplôme obtenu sont ceux qui ont le moins été en contact avec la recherche en éducation pendant leur formation initiale. Ils sont donc moins susceptibles de l’utiliser dans leur pratique. Par contre, les enseignants qui possèdent un diplôme supérieur au baccalauréat manifestent le plus d’intérêt pour la recherche et sont les plus enclins à l’utiliser dans leur pratique. L’enquête montre également que plus un enseignant aura été initié à la recherche au cours de sa formation initiale, plus il aura tendance à s’engager par la suite dans un processus de formation continue aux cycles supérieurs. L’enquête révèle cependant que les enseignants sont peu nombreux à avoir suivi des cours de méthodologie de la recherche ou d’introduction à la recherche et à participer à des activités ainsi qu’à la réalisation de projets de recherche. En effet, seulement la moitié des enseignants ont déjà suivi un cours d’initiation à la recherche dans le cadre de leur formation initiale, le tiers d’entre eux ont déjà participé à la réalisation d’un projet de recherche

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et moins d’un cinquième disent avoir participé à des activités de recherche universitaire au cours de leur formation initiale. On constate que les cours d’initiation à la recherche sont peu présents dans les programmes de formation des enseignants dispensés dans les universités québécoises. En effet, l’examen des exigences établies et des cours offerts dans ces programmes a révélé que l’obligation de suivre un cours d’introduction à la recherche en sciences de l’éducation est présente dans un peu plus de la moitié des programmes de formation à l’enseignement primaire : seulement six des onze universités qui offrent ce programme incluent au moins un cours d’initiation ou d’introduction à la recherche en éducation comme exigence dans le programme conduisant à l’obtention d’un permis d’enseignement au primaire. Au surplus, la réussite de ce cours n’est pas obligatoire dans plus de la moitié des universités. Les cours d’initiation à la recherche occupent donc une place restreinte dans les programmes de formation des universités québécoises. Les chercheurs et les praticiens que le Conseil a entendus estiment qu’il faut accroître les connaissances et les capacités des futurs enseignants en matière de recherche. Le développement de la compétence à utiliser les ressources que sont les résultats de recherche, à collaborer à des recherches et à former la pensée critique ne vise pas pour autant à faire des enseignants des chercheurs. Ils sont et ils doivent demeurer des professionnels de l’enseignement. Cette conviction est souvent invoquée par ceux qui croient que l’initiation à la recherche n’a pas sa place dans un programme universitaire de formation en enseignement. C’est précisément pour une raison professionnelle que l’initiation à la recherche est pertinente, sinon qu’elle s’impose. Ces constats amènent donc le Conseil à affirmer qu’il faut porter une attention toute particulière à la formation initiale des enseignants tout comme d’ailleurs à la formation continue. Comme peu d’enseignants ont eu une initiation à la recherche et que moins de 14 % d’entre eux sont titulaires d’un diplôme supérieur au baccalauréat, il est essentiel que ceux-ci s’investissent davantage dans un processus de formation continue. Pour ce faire, il faudrait un plus grand nombre d’incitatifs en faveur de l’inscription dans une telle démarche. L’attrait des enseignants pour la formation continue est peut-être moins marqué qu’auparavant. En effet, l’actuelle convention collective des enseignants ne prévoit désormais qu’une échelle salariale unique, laquelle permet à un enseignant qui possède la scolarité de base exigée à l’entrée dans la profession d’atteindre le même salaire que le titulaire d’une maîtrise, et ce, après seulement quelques années de pratique. L’un des incitatifs en faveur de la poursuite d’études supérieures, soit une meilleure rémunération, n’existe donc plus. Par conséquent, des efforts supplémentaires devraient être déployés par les employeurs, les syndicats et les associations professionnelles pour inciter les enseignants à s’engager dans une démarche de formation continue et les soutenir lorsqu’ils le font.

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Le Conseil estime toutefois qu’une plus grande responsabilisation des enseignants à l’égard de leur profession pourrait accroître leur engagement dans une démarche de formation continue. Il réaffirme à cet égard ce qu’il écrivait en 2004 dans son avis sur la profession enseignante, soit l’importance de « soutenir le développement continu des compétences professionnelles du personnel enseignant et [de] reconnaître officiellement l’expertise développée » (CSE, 2004a, p. 50). Le Conseil affirmait également qu’il fallait « poursuivre le mouvement de professionnalisation de l’enseignement dans le cadre de l’exercice de la profession et de sa gestion » (CSE, 2004a, p. 65).

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Une telle démarche s’inscrit dans la continuité du référentiel de compétences de la formation initiale des enseignants, lequel exige d’eux qu’ils soient capables, au terme de leurs études, de « s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » (Martinet, Raymond et Gauthier, 2001, p. 157). Le mouvement de professionnalisation de l’enseignement milite donc en faveur d’une meilleure appropriation de la recherche en éducation par les enseignants que ce soit en formation initiale ou en formation continue. En effet, ces derniers sont de plus en plus appelés à jouer un rôle actif au sein des équipes de recherche en éducation, notamment par l’entremise des recherches-actions et des recherches collaboratives. Le Conseil croit que les enseignants retireront un plus grand bénéfice de ces collaborations et que les résultats de leur participation seront mieux réinvestis dans leur pratique s’ils possèdent une meilleure base de connaissance en ce qui a trait à la recherche en éducation. En effet, une meilleure formation à la recherche des enseignants devrait les amener à s’interroger sur leur pratique et à introduire des façons de faire pour l’améliorer. La mise en relation des pratiques enseignantes et des résultats de recherche devrait favoriser le développement du sens critique des enseignants ainsi qu’une plus grande aptitude dans la résolution de problèmes, autant que le souci de se doter d’un répertoire d’outils et de moyens pour améliorer l’apprentissage. Il convient enfin de revenir brièvement sur la nécessité d’aider les futurs enseignants comme ceux qui sont en exercice à développer leur sens critique et leur compétence au regard de leur pratique professionnelle. Pour le Conseil, cet enrichissement de la formation des enseignants pourrait passer en effet par une meilleure initiation à la recherche en éducation lors de la formation initiale et par une offre enrichie de formation continue destinée aux enseignants inscrits à l’enseignement supérieur. Le défi pour les facultés des sciences de l’éducation n’est pas mince : il consiste à satisfaire aux exigences actuelles de leurs programmes tout en amenant les enseignants à une attitude plus critique ou réfléchie à l’égard de leur profession. Ces facultés pourraient également contribuer à l’élargissement de l’offre de cours en formation continue destinés aux enseignants de l’enseignement collégial et de l’enseignement universitaire. Il ne s’agit pas d’exiger des facultés des sciences de l’éducation qu’elles forment des chercheurs plutôt que des praticiens, loin de là. L’objectif est plutôt de mieux préparer les futurs enseignants, notamment en raison du fait qu’ils seront appelés, dans l’exercice de leur profession, à participer à des projets de recherche, à consulter les résultats et les produits de la recherche en éducation, à développer leur pratique, à prendre en compte diverses réformes, à innover constamment en fonction de la conjoncture et à exercer un jugement critique sur les propositions pédagogiques qui leur sont faites. Philippe Perrenoud écrivait en ce sens : Ce que les enseignants ont le plus à apprendre, au contact de la recherche en éducation, relève du regard, des questions qu’elle pose plutôt que des méthodes ou des techniques. Le propre de la recherche est de subvertir la perception, de dévoiler le caché, de suspecter l’inavouable, d’établir des connexions qui ne sautent pas aux yeux, de reconstituer les cohérences systémiques sous le désordre apparent. L’apport principal de la recherche en éducation à la pratique, c’est sa théorie ou plus modestement, l’ensemble des paradigmes interprétatifs que proposent les sciences humaines à propos des faits didactiques et éducatifs (Perrenoud, 1993, p. 126).

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Un élément plus important encore est qu’une formation initiant les futurs enseignants à la recherche en éducation paraît « un détour utile pour une formation théorique, vivante, active, personnalisée » (Perrenoud, 1993, p. 126). Sans suppléer à la pratique réfléchie des enseignants, les théories et les résultats issus de la recherche en sciences de l’éducation peuvent outiller, instrumenter, encourager et féconder la pratique réflexive des enseignants. Pour mieux préparer les enseignants du primaire et du secondaire à la recherche en éducation, le Conseil estime qu’il faut, d’une part, réserver plus de place à l’initiation à la recherche dans la formation initiale et, d’autre part, inciter les enseignants à s’engager dans une démarche de formation continue en matière de recherche et les soutenir en ce sens. L’initiation à la recherche des enseignants doit contribuer non seulement au développement de leur sens critique à l’égard de la recherche et de leur propre pratique professionnelle, mais aussi à une plus grande utilisation de la recherche dans l’amélioration de la pratique éducative, tout en stimulant leur capacité à innover. 3.2

L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR Bien que plusieurs des constats précédents à l’égard de la formation des enseignants du primaire et du secondaire s’appliquent également aux enseignants du collégial, la problématique les concernant doit faire l’objet d’un traitement distinct puisqu’ils n’ont généralement pas reçu de formation initiale en pédagogie, mais bien, le plus souvent, une formation disciplinaire. Plusieurs ont reçu leur formation aux cycles supérieurs, où ils ont été directement préparés à la recherche. Ainsi, en 2004, parmi les 17 783 enseignants permanents et non permanents en emploi dans les cégeps (MEQ, 2004, p. 218), 6 500 (37 %) étaient titulaires d’une maîtrise et 900 (5 %) avaient obtenu un doctorat (Geslain et Lapostolle, 2005, p. 6). Les besoins exprimés à l’enseignement collégial sont donc différents de ceux du primaire et du secondaire. Des programmes de formation continue formelle proposent actuellement aux enseignants du collégial un accompagnement par des professeurschercheurs expérimentés. Une telle démarche est offerte par l’Université de Sherbrooke aux professeurs et aux chargés de cours des universités et des cégeps de même qu’aux conseillers pédagogiques des cégeps dans le cadre d’un programme menant à un diplôme de troisième cycle en pédagogie de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un programme de 30 crédits dans lequel les participants réalisent un travail de conception et de développement d’une innovation curriculaire ou pédagogique. Ce type de formation continue devrait pouvoir contribuer au développement, à l’expérimentation, à la validation et à la diffusion des diverses innovations pédagogiques ainsi qu’au rayonnement de la recherche pédagogique effectuée par les enseignants et les professionnels du collégial. Les enseignants inscrits à ce type de formation doivent concevoir une innovation dans une perspective de recherche. Ils doivent par la suite l’expérimenter, la valider et la présenter devant des pairs.

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Pour mieux préparer les enseignants du collégial à la recherche en éducation, le Conseil estime que les besoins de formation en ce qui concerne la recherche pédagogique devraient être satisfaits en intensifiant le rapprochement de la recherche et de la pratique, comme il le préconise pour le primaire et le secondaire. La formation des enseignants devrait les encourager, d’une part, à utiliser la recherche pédagogique et ses résultats dans leur pratique et, d’autre part, à s’engager davantage dans des projets de recherche pédagogique.

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ORIENTATION 4 ASSURER L’ACCOMPAGNEMENT PROFESSIONNEL DES PRATICIENS AFIN DE FAVORISER L’ACCÈS À LA RECHERCHE ET D’ENCOURAGER LES PRATIQUES INNOVANTES Le Conseil s’est intéressé aux mesures d’appui offertes aux enseignants désireux d’utiliser les résultats de la recherche. Les enseignants et les autres professionnels entendus lors des consultations ont confirmé l’importance et l’utilité d’une telle forme d’accompagnement. L’appui dont peuvent bénéficier les enseignants est parfois d’ordre matériel et financier. Mais la plupart du temps, il s’agit d’un accompagnement assuré par l’un ou l’autre des professionnels suivants : un membre de la direction de l’établissement scolaire, le conseiller pédagogique, un enseignant-ressource, le psychologue scolaire ou un chercheur universitaire engagé dans une recherche-action. Soulignons, à cet égard, que 60 % des enseignants du primaire et du secondaire qui ont mis en place de nouvelles pratiques d’enseignement au cours des deux dernières années disent avoir été attentifs aux idées ou aux informations obtenues du conseiller pédagogique de leur école (ou de leur commission scolaire). Les conseillers pédagogiques et les membres des directions d’école sont d’ailleurs ceux qui sont perçus par les enseignants comme ayant l’attitude la plus positive à l’égard de la recherche et comme étant les plus susceptibles de leur offrir un soutien en ce domaine. Les directeurs d’établissements primaires et secondaires entendus par le Conseil ont également souligné le rôle prépondérant joué par les conseillers pédagogiques dans le rapprochement des univers de la recherche en éducation et de la pratique éducative. Considérés comme de véritables « passeurs », les conseillers pédagogiques sont des collaborateurs très précieux pour les directions d’école et pour les enseignants. De même, les conseillers pédagogiques, par la nature même de leur fonction, jouent souvent le rôle d’interface entre l’univers de la recherche et celui de la pratique. Cela consiste notamment à rendre disponibles pour les enseignants les connaissances et les résultats de la recherche en éducation ainsi que certaines pratiques éducatives éprouvées qui peuvent les aider dans la préparation de leur classe, dans l’appropriation des réformes et dans leur pratique éducative. Nous avons vu au chapitre précédent que les conseillers pédagogiques sont perçus comme étant ceux qui montrent l’attitude la plus favorable à l’égard de la recherche par 87,2 % des enseignants consultés. Ces derniers reconnaissent l’importance du rôle d’accompagnement que jouent les conseillers pédagogiques, ainsi que celui des autres professionnels de l’école, notamment les enseignants responsables des stages et les membres des directions d’école. Toutefois, l’enquête du Conseil a révélé que seulement un tiers des répondants bénéficient d’un accompagnement dans leur appropriation des résultats de recherche. Lorsqu’on fait référence à la « conseillance », on pense intuitivement aux conseillers pédagogiques. Cependant, cette fonction peut, dans bien des cas, être assumée par des enseignants dégagés de leur tâche ou par d’autres professionnels qui y sont temporairement affectés. Il arrive aussi que les membres des directions d’école assument cette responsabilité d’interface. Cependant, ils doivent le faire parmi toutes les autres responsabilités liées à la gestion de leur établissement, ce qui, la plupart du temps, limite grandement la portée de leur action. Il existe donc une fonction générale d’accompagnement des enseignants qui n’implique pas seulement les conseillers pédagogiques. La plupart des professionnels que l’on trouve dans un établissement d’enseignement primaire, un établissement d’enseignement secondaire ou un collège

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offrent surtout des services aux élèves, comme le font les psychologues et les conseillers d’orientation par exemple. Toutefois, le conseiller pédagogique se démarque par les services qu’il offre aux enseignants et au personnel de direction. De plus, tout en travaillant dans un champ d’intervention distinct par rapport aux enseignants, il agit toujours en complémentarité de ces derniers. Cette observation est partagée par la grande majorité des intervenants que le Conseil a entendus. Il faut souligner en outre que, dans les collèges, les conseillers pédagogiques occupent des fonctions tout à fait différentes selon qu’ils sont du secteur de l’enseignement régulier ou de celui de la formation continue. Dans ce dernier cas, ils agissent surtout à titre de responsables des programmes et de la formation. Quant aux conseillers pédagogiques du secteur ordinaire, ils jouent surtout un rôle de conseiller auprès du personnel enseignant de toutes les disciplines et des cadres scolaires. Malgré les affirmations qui précèdent, une réflexion devra se tenir sur la place et l’importance que l’on accorde à cette fonction dans le système scolaire québécois. Bien que cette remarque s’adresse ici à l’enseignement primaire et secondaire, le Conseil estime qu’elle est également valable pour l’enseignement collégial. En effet, si le Conseil croit que les professionnels qui exercent une fonction de conseillance pédagogique sont déjà en mesure de répondre à plusieurs besoins d’accompagnement exprimés par les enseignants, il estime tout de même qu’une redéfinition de leur tâche permettrait d’y répondre encore mieux. Car malgré tous les appuis dont ils disposent, tant de la part des enseignants que du personnel cadre, les professionnels qui offrent un soutien pédagogique ne semblent pas être en nombre suffisant pour répondre aux besoins des enseignants, des directions d’école, des commissions scolaires, des collèges et des universités. Cela leur est d’autant plus difficile que leurs fonctions sont multiples, diversifiées et souvent mal définies. La fonction d’accompagnement ou de conseillance pédagogique est plutôt fragile dans le système scolaire et les personnes qui l’exercent disposent de peu de réseaux d’échanges. De plus, elles doivent assumer des tâches difficilement conciliables. D’une part, elles sont appelées à élaborer, à soutenir et à faciliter l’application de la réforme, ainsi qu’à accomplir diverses tâches liées au perfectionnement et à la formation continue du personnel enseignant. D’autre part, elles doivent accompagner les enseignants dans leurs projets, pour documenter leur pratique, les informer des développements les plus récents en éducation et les guider dans leur démarche d’innovation. La fonction d’accompagnement occupe en fait une position stratégique dans nos établissements. L’aide professionnelle que constitue la conseillance pédagogique est généralement bien reçue par les enseignants de tous les ordres d’enseignement. Ces derniers apprécient qu’elle soit offerte par des praticiens et des acteurs de terrain. L’appréciation des enseignants tient également compte du fait que ces professionnels de l’accompagnement jouissent de la considération des gestionnaires et des administrateurs, qui les perçoivent comme des professionnels engagés dans la mise en œuvre des réformes et dans le suivi des changements que l’on souhaite insuffler au système.

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Le Conseil estime, pour sa part, que les enseignants doivent pouvoir compter sur des mesures de soutien et d’accompagnement, afin qu’ils aient accès aisément aux résultats de la recherche en éducation, qu’ils parviennent plus facilement à les utiliser dans leur enseignement et qu’ils innovent dans leur pratique éducative. Compte tenu de la nature même du métier d’enseignant, résolument fondé sur les relations humaines, il apparaît tout à fait raisonnable qu’un rôle d’accompagnement soit assumé par des professionnels du milieu scolaire plutôt qu’au moyen d’une restructuration administrative, d’outils ou d’applications informatiques.

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L’importance d’innover en éducation implique la nécessité de répondre aux besoins qui s’y rattachent. Pour que les enseignants innovent dans leurs méthodes pédagogiques et qu’ils mettent davantage à profit les résultats de recherche dans leur pratique, ils doivent pouvoir compter sur des fonctions d’accompagnement qui soient stables, continues et durables. Le Conseil estime que ces mesures doivent être soutenues par des professionnels disponibles, dégagés des charges trop lourdes nuisibles à la fonction d’accompagnement et engagés dans cette fonction spécifique. Pour l’heure, le Conseil constate que les enseignants peuvent difficilement s’appuyer sur de telles ressources au regard de l’accompagnement et du suivi de projets ou d’innovations pédagogiques. Pourtant, la distance à parcourir pour y parvenir est plutôt courte. En effet, des conseillers pédagogiques sont déjà en poste dans de nombreux milieux, plusieurs enseignants sont dégagés de leur tâche d’enseignement pour assumer cette fonction et d’autres professionnels du système éducatif s’y intéressent. Grâce à l’appui que ces personnes sont déjà en mesure d’offrir, un tel accompagnement est à portée de main pour les enseignants. Pour favoriser l’accès à la recherche et encourager les pratiques innovantes, le Conseil estime nécessaire d’assurer un accompagnement professionnel adéquat à tous les enseignants désireux d’utiliser les résultats de la recherche et d’innover dans leurs pratiques pédagogiques.

ORIENTATION 5 INTENSIFIER LE TRANSFERT DE LA RECHERCHE ET LA DIFFUSION DES SAVOIRS PRATIQUES EN ÉDUCATION Pour favoriser la circulation des savoirs, le transfert des connaissances, la diffusion des résultats de recherche et des innovations ainsi que leur appropriation par les différents acteurs de l’éducation, il faut poser des actions concrètes et durables. La présente orientation traite donc du rôle que peut jouer l’État dans une perspective systémique et, plus particulièrement, de celui qui revient au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) ainsi qu’aux différents organismes publics qui participent directement à la mission éducative. Le Conseil note que les résultats de la recherche en éducation sont mieux intégrés qu’auparavant dans les pratiques des enseignants et que ces derniers sont davantage en mesure de s’inspirer des innovations qui ont réussi dans d’autres milieux, lorsqu’ils sont adéquatement informés des développements de la recherche et des pratiques innovantes qui ont cours. Aussi le besoin d’information en matière de recherche et d’innovation en éducation a-t-il été unanimement exprimé par l’ensemble des personnes que le Conseil a entendues. Quant aux besoins liés à la diffusion de l’information, ils ont été exprimés de différentes manières, notamment en fonction de l’ordre d’enseignement auquel se rattachent ces personnes. Les besoins relatifs à la diffusion des connaissances se manifestent à l’égard de la vulgarisation, de la veille, du réseautage et du transfert. Pour que les mécanismes appropriés puissent s’implanter avec succès dans les milieux de recherche en éducation et dans les pratiques éducatives, l’État doit veiller à la mise en place de mesures systémiques et systématiques. Ces mesures doivent témoigner du rôle catalyseur de l’État, qui doit s’appuyer sur une volonté réelle de poser des gestes concrets et durables afin que la réponse aux besoins précités s’intègre de manière cohérente aux structures actuelles de la recherche et de la pratique éducative.

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Néanmoins, si l’État et, plus spécifiquement, le MELS remplissent des fonctions essentielles pour le soutien financier au transfert des résultats de recherche et à la diffusion des innovations en éducation, de telles responsabilités incombent également aux différents acteurs engagés à tous les paliers de la recherche, de la pratique et de l’innovation. 5.1

LA VULGARISATION La vulgarisation apparaît comme l’un des besoins essentiels au développement et au déploiement de la recherche en éducation. En effet, mises à part des revues comme Vie pédagogique pour le primaire et le secondaire ou Pédagogie collégiale pour le collégial, très peu de médias présentent les résultats des différentes recherches menées en éducation qui, sans être simplistes, sont accessibles aux enseignants et utiles pour leur pratique. Soulignons que plusieurs des enseignants rencontrés ainsi que des conseillers pédagogiques et d’autres professionnels scolaires ont affirmé effectuer ce travail de vulgarisation en plusieurs occasions. Ils le font cependant localement et non dans une perspective systémique de diffusion des connaissances qui serait profitable à divers groupes d’enseignants. Par ailleurs, le principal problème de la vulgarisation ne concerne pas l’aspect que peut prendre la présentation des résultats. Le défi consiste à amener un nombre croissant de chercheurs à livrer les résultats de leurs travaux dans une forme accessible et profitable au plus grand nombre de praticiens de l’éducation. Le Conseil tient aussi à souligner les efforts fournis par les associations et les regroupements de professionnels pour vulgariser et diffuser l’information relative à la recherche et à l’innovation. Ils le font par l’organisation de colloques ou de conférences et par différents outils de communication, tels que des bulletins et d’autres publications. Cependant, comme nous l’avons précédemment signalé, de telles actions de diffusion s’adressent prioritairement aux membres de ces associations et regroupements. Il existe donc un réel besoin de dispositifs qui rassemblent l’information afin de la rendre plus accessible à d’autres intervenants. Le défi de la vulgarisation apparaît quelquefois difficile à relever. Cette difficulté tient en partie au fait que la vulgarisation scientifique n’est pas toujours encouragée dans les milieux de recherche, notamment en éducation. La fonction de service à la collectivité, comprise dans la tâche des professeurs d’université, reconnaît que ceux-ci doivent consacrer une partie de leurs activités à rendre accessibles, à un large public, les nouvelles connaissances de leur domaine. Encore faut-il que soit valorisé le fait de rendre leurs recherches accessibles. Dans ce contexte, il apparaît souhaitable que les articles de vulgarisation scientifique soient considérés par les universités comme faisant partie de la fonction de service à la collectivité des professeurs et pris en compte comme un facteur de progression dans la carrière universitaire. Pour le Conseil, le défi est de faire en sorte que la relation entre les chercheurs et les praticiens devienne une occasion d’accroître la diffusion, le rayonnement et l’utilité des recherches sur l’enseignement, de manière que chacun puisse y trouver son compte. Cependant, il ne faut pas exclure certains risques. La vulgarisation des résultats de recherche peut soit confiner le chercheur dans une position de consultant auprès des acteurs de terrain, soit mettre le praticien dans une position de « client » en attente de solutions « clé en main » par rapport aux différents problèmes qu’il éprouve.

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ORIENTATIONS VISANT À ACCROÎTRE LA SYNERGIE ENTRE LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE ÉDUCATIVE

Pour intensifier le transfert de la recherche et la diffusion des savoirs pratiques en éducation, le Conseil estime que l’accessibilité aux résultats de recherche en éducation devrait être davantage favorisée sur le plan de leur compréhension, en vue de leur appropriation et de leur utilisation par les praticiens de l’éducation. Des mesures devraient être prises pour encourager la vulgarisation des résultats de recherche et accroître leur diffusion. Certaines de ces mesures devraient encourager les chercheurs à rendre leurs travaux plus accessibles. 5.2

LA VEILLE La vulgarisation des résultats de recherche ne règle que partiellement le problème d’accessibilité à la recherche, à ses résultats et à ses produits. Les consultations menées ont montré que les praticiens utilisent les résultats et les produits de la recherche en éducation selon la connaissance qu’ils en ont et selon l’accessibilité de ces résultats et de ces produits. Même si l’enquête du Conseil établit qu’un nombre significatif d’enseignants s’intéressent aux résultats de la recherche, elle montre aussi que beaucoup d’enseignants n’ont pas une bonne connaissance de la recherche en éducation et que la majorité d’entre eux se sentent isolés faute d’accompagnement en cette matière. Le Conseil est d’avis que la mise en place d’une fonction publique de veille et de vigie en éducation faciliterait grandement le rapprochement de la recherche et de la pratique de même que l’essor d’innovations dans ce domaine. Le Conseil a d’ailleurs déjà signalé ce besoin dans son rapport annuel 2000-2001 sur l’état et les besoins de l’éducation : Pour le bénéfice du système d’éducation dans son ensemble et de ses composantes et pour la qualité du processus de décision politique en matière d’éducation, une fonction publique de vigie et de veille, à l’égard de l’évolution des pratiques éducatives dans le monde et aussi des changements de tous ordres susceptibles de les améliorer, doit être mise en place. Cette fonction doit être publique, c’est-à-dire (1) arrimée aux composantes du système d’éducation et sensible à leurs préoccupations ; (2) articulée au processus de décision politique en matière d’éducation et (3) transparente et accessible dans ses recherches et ses conclusions (CSE, 2001, p. 71). Cette proposition a été reprise par le Conseil dans son rapport annuel 2001-2002 sur l’état et les besoins de l’éducation, dans lequel elle constituait un axe d’intervention destiné à l’ensemble du système éducatif. En plus de la veille, la proposition était alors enrichie d’une dimension touchant la diffusion de l’information : Des activités de veille en éducation sont réalisées, tant au ministère de l’Éducation que dans les universités québécoises ou au Conseil lui-même, sans qu’il n’y ait de véritable articulation entre celles-ci. Par ailleurs, des actions novatrices sont menées sur tout le territoire québécois et à l’étranger. En conséquence, le Conseil considère qu’il faut consolider et coordonner les actions en matière de veille et de diffusion de l’innovation en éducation pour soutenir l’État dans l’exercice de ses différentes fonctions (CSE, 2002c, p. 94). Le Conseil voyait l’institution d’une fonction publique de veille et de vigie comme un mécanisme susceptible de renforcer le cadre d’adaptation et de renouvellement des pratiques éducatives (CSE, 2001, p. 71). Il estimait alors qu’il incombe à l’État d’assurer l’existence de cette fonction de veille et de vigie en lui assurant les moyens appropriés pour sa mise en œuvre et son maintien. Pour mettre en place une telle fonction publique, le Conseil

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affirmait alors qu’il y avait lieu d’exploiter « par une coordination et une synergie accrues les ressources déjà disponibles par exemple, chez les chercheurs du milieu universitaire et du milieu gouvernemental » (CSE, 2001, p. 72). Cependant, le Conseil estime que cette fonction de veille et de vigie doit s’inscrire dans une perspective plus large. À ce titre, la conception qu’en offrait le ministère de l’Éducation nationale de France en 2001 constitue un exemple intéressant de cet élargissement des visées en ce qui a trait à la veille : La veille éducative est une démarche de prévention. C’est une forme nouvelle de travail collégial qui repose sur le croisement des logiques institutionnelles et professionnelles. Elle s’appuie sur les compétences des différents partenaires de l’action éducative : parents, enseignants, mais aussi associations et élus en les mettant en réseau, sans confusion des responsabilités et des rôles de chacun. Elle anticipe, au niveau local, sur les conséquences des situations d’échec et instaure une continuité éducative, même et surtout quand le parcours scolaire est interrompu. Les établissements scolaires ont bien évidemment un rôle primordial à jouer. Il s’agit de tout entreprendre pour la réinsertion scolaire, et, lorsque cela n’est pas possible, de construire pour chaque jeune un parcours individuel organisé autour d’un emploi du temps structurant, d’un lieu d’accueil et d’un projet (Lang, 2001). Il s’agit en d’autres mots de rendre le mécanisme de vigie et de veille encore plus dynamique de manière à accroître la synergie entre les différents acteurs de l’éducation, notamment les praticiens et les chercheurs. Cette conception de la veille et de la vigie en éducation s’inscrit dans la logique d’interface discutée dans les chapitres précédents du présent rapport annuel. Pour intensifier le transfert de la recherche et la diffusion des savoirs pratiques en éducation, le Conseil estime nécessaire d’instituer une fonction publique de veille et de vigie dans un cadre organisationnel qui favorisera la diffusion des résultats de recherche et des nouvelles pratiques éducatives auprès de tous les acteurs concernés. Cette fonction de veille et de vigie devra stimuler les échanges, la coopération et la collaboration des chercheurs et des praticiens de l’éducation. 5.3

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LE RÉSEAUTAGE La mise en réseau des divers partenaires de la recherche et de la pratique en éducation est une dimension qui mérite d’être consolidée. En effet, le Conseil a déjà souligné que les groupes de recherche, les organismes et les associations professionnelles sont le plus souvent centrés sur leurs propres membres, même si plusieurs de leurs activités reliées à la recherche sont parfois très similaires et souvent complémentaires. Il apparaît évident au Conseil que le système scolaire gagnerait à ce que ces différents groupes soient mis au courant des démarches entreprises par les autres. Le Conseil est également conscient du fait que les commissions scolaires, les collèges, les universités et les groupes de recherche ne disposent pas des moyens matériels et financiers nécessaires pour soutenir un mécanisme de réseautage qui transcende tous les ordres d’enseignement. Il apparaît donc tout à fait approprié que ce mécanisme soit soutenu par le MELS. Cette mesure d’appui au réseautage devrait être simple et efficace. Il s’agit de mettre en place un outil convivial qui vise essentiellement à informer les différents acteurs de l’éducation des recherches et des projets novateurs qui ont cours aux différents ordres d’enseignement du système scolaire québécois. Un tel outil s’apparente plutôt à un lieu de rencontre où les individus qui conçoivent, portent ou réalisent des projets novateurs ont l’avantage, s’ils le souhaitent, d’entrer en communication avec ceux et celles qui sont engagés dans des projets dont les objectifs sont similaires ou complémentaires aux leurs.

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En favorisant l’émergence et la croissance de tels réseaux d’entraide et de partenariat, on encouragerait du même coup ce qu’il est convenu d’appeler une culture de l’innovation. Une telle démarche s’inscrit tout à fait dans la perspective qui vise à stimuler l’utilisation des résultats de la recherche en éducation afin d’accroître l’innovation dans les pratiques et d’encourager l’apport de la pratique dans le développement de la recherche. Pour intensifier le transfert de la recherche et la diffusion des savoirs pratiques en éducation, le Conseil croit qu’en plus d’une fonction de veille et de vigie, l’État devrait encourager la mise en place d’un mécanisme convivial, simple et efficace de réseautage et en assurer la pérennité.

5.4

LE TRANSFERT Ce rapport annuel a notamment montré que les enseignants du primaire et du secondaire ont accès à plusieurs produits de la recherche en éducation, qu’ils consultent souvent ces produits et qu’ils les utilisent parfois pour améliorer leur pratique. Ces résultats sont certes des plus positifs. Cependant, le Conseil a également noté une certaine distance entre les chercheurs et les praticiens du domaine de l’éducation. Les praticiens consultent et utilisent les résultats et les produits de la recherche qui leur sont accessibles. Mais le réel défi qui se pose consiste à assurer le transfert de ces résultats et leur utilisation par les praticiens. Pour y parvenir, il faudrait compter sur des mesures de transfert des connaissances efficaces, structurées et permanentes. À l’heure actuelle, ce rôle est presque exclusivement exercé par quelques organismes comme le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ), dont la survie dépend principalement du renouvellement du soutien public. La notion d’interface implique la volonté de réduire la distance entre les praticiens et les chercheurs par la systématisation du transfert des connaissances en matière de recherche. Par ailleurs, le mouvement de professionnalisation de l’enseignement devrait aussi augmenter le recours à la recherche pour innover sur le plan de la pratique. Il y a donc un besoin d’encourager les initiatives qui peuvent jeter des ponts entre la pratique et la recherche. Les chercheurs seraient ainsi plus enclins à se mettre « au service de l’enseignant en acceptant d’entrer dans la problématique du ”Comment faire“ » (Cros, 2004, p. 117). Les gains possibles liés à l’amélioration du transfert des connaissances sont certainement de l’ordre d’une plus grande synergie et d’une meilleure adéquation entre les résultats et les produits de la recherche et le développement de pratiques innovantes. Pour l’instant, l’une des difficultés majeures qui limitent le transfert des connaissances est qu’il existe peu de lieux où les chercheurs et les praticiens peuvent collaborer pour trouver des solutions éducatives à partir de leurs expertises respectives. Il y aurait peut-être avantage à mettre en place un portail de l’éducation qui réunirait en un seul endroit l’ensemble des ressources liées à la recherche, à l’innovation, à la formation et aux pratiques éducatives. Il faut, pour cela, un soutien adéquat de la part de l’État et des partenaires de l’éducation. Le Conseil estime qu’une fonction publique de veille et qu’un réseautage bien ciblé devraient rapprocher les milieux de la pratique et de la recherche, favorisant du même coup les chances de succès d’un mécanisme de transfert des connaissances efficace, structuré et permanent. Pour intensifier le transfert de la recherche et la diffusion des savoirs pratiques en éducation, le Conseil estime que l’État doit mettre en place des mesures systématiques qui favorisent le développement et le maintien de mécanismes et de dispositifs de transfert. Le rôle de soutien et de catalyseur de l’État doit s’appuyer sur une volonté ferme, cohérente et durable d’assurer l’harmonie et l’intégration des diverses facettes de ce transfert.

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CONCLUSION

CONCLUSION Le Conseil supérieur de l’éducation propose, dans ce rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation, une vision du développement de l’éducation qui s’appuie sur une synergie croissante entre l’univers de la recherche et celui de la pratique. Dans une telle culture de l’éducation, la recherche et la pratique pourront s’éclairer et s’enrichir mutuellement, à l’exemple de ce qui se fait dans le secteur de la santé. Il s’agit là d’un des défis à relever pour faire évoluer le système d’éducation et améliorer les pratiques éducatives et, ainsi, assurer la réussite et la qualification du plus grand nombre de personnes. On ne saurait en effet améliorer les pratiques éducatives ou en introduire de nouvelles sans les appuyer sur les connaissances acquises par la recherche. On ne saurait non plus faire avancer la recherche sans tirer les enseignements des expériences et des innovations qui ont passé l’épreuve du terrain. Il faut donc intensifier le dialogue et multiplier les collaborations entre les chercheurs et les praticiens. Telle est la perspective dans laquelle s’inscrivent les cinq orientations proposées par le Conseil. L’intensification de ce dialogue peut s’appuyer sur trois atouts majeurs. Tout d’abord, l’évolution du métier vers la professionnalisation incite les enseignants non seulement à réfléchir sur leurs pratiques, mais aussi à systématiser leurs interventions pédagogiques et à les appuyer sur les connaissances et les résultats de la recherche. Le Conseil a constaté que déjà un nombre significatif d’enseignants manifestent un intérêt certain pour la recherche en éducation. Cet intérêt est plus intense et soutenu lorsque ces enseignants ont été initiés à la recherche en éducation durant leur formation initiale ou leur formation continue. On note également que la recherche en éducation s’est développée à un rythme soutenu au Québec au cours des quarante dernières années. Un nombre important de chercheurs ont cumulé une quantité appréciable de connaissances qui sont largement tirées d’expériences sur le terrain. De plus, une proportion croissante de ces chercheurs collaborent avec des praticiens et participent à la solution des problèmes concrets qui affectent le monde de l’éducation. On constate aussi que le nombre de médias et d’outils de transmission des connaissances augmente, bien que les dispositifs de transfert des connaissances et les lieux d’échange entre praticiens et chercheurs demeurent trop peu nombreux. Enfin, les enseignants et les autres praticiens peuvent compter sur l’accompagnement de professionnels et de collègues qui soutiennent leurs efforts d’appropriation et d’utilisation des connaissances issues de la recherche. Le Conseil constate que, malheureusement, les moyens demeurent insuffisants et que trop d’établissements et d’enseignants ne peuvent encore bénéficier de l’accompagnement dont ils ont besoin. Le processus de rapprochement entre le monde de la pratique et celui de la recherche doit continuer de se fonder sur les acquis relevés par le Conseil. Mais pour donner une impulsion décisive à ce développement, il faut faire davantage. Au premier chef, il faut que l’État s’engage résolument dans une telle entreprise, car son appui et sa contribution sont essentiels à sa réussite. Il est donc nécessaire qu’il affirme clairement et fermement sa volonté en ce sens. Il doit reconnaître explicitement l’importance primordiale de la recherche et de l’innovation en éducation dans la Politique québécoise de la science et de l’innovation, et l’accompagner de moyens suffisants. La participation de l’État, dans son rôle de soutien et de catalyseur, doit être empreinte à la fois d’audace et de souplesse.

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La recherche, l’innovation et le transfert des connaissances requièrent le soutien continu et croissant de l’État. La recherche mérite un effort accru qui soit à la hauteur de l’importance prioritaire de l’éducation pour l’État. L’innovation, qu’elle soit issue de la recherche ou de la pratique éducative, est l’un des champs à développer en priorité. Finalement, il faut intensifier le transfert des connaissances et multiplier, en particulier, les lieux et les occasions d’échange entre les chercheurs et les praticiens en éducation. Le Conseil est d’avis que les chercheurs en éducation doivent s’ouvrir davantage au monde de la pratique, contribuer plus résolument à la solution des problèmes en éducation, transmettre plus largement les connaissances acquises, notamment par la vulgarisation scientifique, et associer plus étroitement les praticiens à leurs activités de recherche. Il y a là tout un changement culturel à favoriser. Quant aux praticiens, ils doivent développer une culture de la recherche en éducation et intégrer cette dimension à leurs interventions. Le Conseil constate que l’un des meilleurs moyens pour y parvenir est d’assurer aux enseignants une meilleure formation à la recherche, que ce soit au cours de la formation initiale ou de la formation continue. Finalement, il faut soutenir le rassemblement et la diffusion des savoirs pratiques tout comme ceux qui sont issus de la recherche. Enfin, pour que tous ces efforts portent fruit, il faut que les enseignants puissent compter sur un accompagnement et un soutien adéquats et constants de la part des établissements d’enseignement, des professionnels de l’éducation et de leurs collègues. Le Conseil estime que les besoins sont pressants chez une large majorité d’enseignants, que ce soit sur le plan de l’accès à la recherche, de son appropriation ou de son utilisation en vue de l’introduction de nouvelles pratiques éducatives. Dans ce rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation, le Conseil interpelle tous les acteurs intéressés, afin de développer ensemble une culture de la recherche et de l’innovation à la hauteur de l’importance que revêt l’éducation dans notre société fondée sur le savoir.

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ANNEXE

ANNEXE PERSONNES ENTENDUES PAR LE CONSEIL ET LE COMITÉ DU RAPPORT ANNUEL SUR L’ÉTAT ET LES BESOINS DE L’ÉDUCATION CONFÉRENCIERS ET CONFÉRENCIÈRES INVITÉS À L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE EN MAI 2004 : > Louise Dandurand, présidente-directrice générale, Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) > Gilles-A. Bonneau, directeur du Consortium régional de recherche en éducation au Saguenay–Lac-Saint-Jean > Monique Boucher, directrice de Vie pédagogique > Paul Bélanger, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) PERSONNES INVITÉES PAR LE COMITÉ DU RAPPORT ANNUEL : > Daniel Côté, professeur, Faculté de médecine, Université de Sherbrooke > Bruno Geslain et Lynn Lapostolle, Association pour la recherche au collégial (ARC) > Marielle Pratte, Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC) > Louise Langevin, professeure régulière, Département d’éducation et de pédagogie, UQAM et directrice du Centre d’études, de formation et de recherche en enseignement supérieur (CEFRES) > Normand Maurice, Fondateur du réseau des Centres de formation en entreprise et récupération (CFER) > Nadia Rousseau, professeure régulière, Département des sciences de l’éducation, Université du Québec à Trois-Rivières, titulaire de la Chaire Normand Maurice > Michel Gauquelin, directeur général, Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) > Carole Couture, Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) > Anne Julien, Service de la recherche et du développement, Commission scolaire Beauce-Etchemin > Ginette Beauséjour, Association d’éducation préscolaire du Québec (AEPQ) > Marie Jacques, professeure agrégée, Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval

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CONSULTATIONS RÉALISÉES AUPRÈS DES PERSONNES SUIVANTES : > Gilbert Drouin, président-directeur général, Valorisation Recherche Québec (VRQ) > Antoine Baby, professeur à la retraite, Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval > Jean-Pierre Béchard, professeur agrégé, HEC Montréal > Camille Marchand, directrice de la revue Vie pédagogique > Ann Beer, professeur, Faculté des sciences de l’éducation, Université McGill et rédactrice en chef du McGill Journal of Education > Maurice Tardif, professeur titulaire, Département d’administration et de fondements de l’éducation, Université de Montréal et directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) > Lucie DeBlois, directrice adjointe du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) > Serge Desgagné, professeur titulaire, Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage, Université Laval > Marie-Françoise Legendre et Philippe Jonnaert, Centre interdisciplinaire de recherche sur l’apprentissage et le développement en éducation (CIRADE)

ONT GRACIEUSEMENT PERMIS AU CONSEIL D’UTILISER LES RÉSULTATS DE LEURS RECHERCHES : > Hélène Houle, Cégep Ste-Foy et Marielle Pratte, Cégep Garneau > Claude Lessard et Mylène Des Ruisseaux, Université de Montréal > Lise St-Pierre, Université de Sherbrooke > Maurice Tardif et Ahmed Zourhlal, Université de Montréal – CRIFPE Enfin, 87 personnes ont participé aux groupes de discussion organisés par le Conseil, soit : 20 directeurs d’écoles primaires et secondaires ; 31 enseignants du collégial ; 23 enseignants universitaires et 13 conseillers pédagogiques universitaires. Le Conseil remercie toutes les personnes qui ont collaboré à la réalisation de ce rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation.

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BIBLIOGRAPHIE

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MEMBRES DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION

MEMBRES DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION Jean-Pierre PROULX Président Rachida AZDOUZ Vice-doyenne Faculté de l’éducation permanente Université de Montréal

Francine BOILY Chargée de cours Éducation préscolaire et intervention préscolaire Enseignante à la maternelle à la retraite Université Laval Édith CÔTÉ Professeure titulaire Faculté des sciences infirmières Université Laval

Marthe COUTURE Directrice adjointe à la retraite Centre de formation pour adultes Pearson Commission scolaire Lester-B.-Pearson

David D’ARRISSO Étudiant au doctorat en administration de l’éducation Faculté des sciences de l’éducation Université de Montréal

Fernand De GUISE Consultant en éducation Educaf

Louise Elaine FORTIER Directrice adjointe par intérim École secondaire Samuel-de-Champlain Commission scolaire des Premières-Seigneuries

Amir IBRAHIM Directeur des services administratifs et responsable de la sanction des études Commission scolaire Lester-B.-Pearson

Lucie LALANDE Directrice de regroupement Commission scolaire de Montréal

Claude LESSARD Professeur titulaire Faculté des sciences de l’éducation Université de Montréal

Denis MÉNARD Conseiller en développement organisationnel, éducatif et technologique

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Bernard ROBAIRE Professeur Département de pharmacologie et de thérapeutique Faculté de médecine Université McGill

Marie-Josée ROY Enseignante au secondaire École secondaire de l’Aubier Commission scolaire des Navigateurs

Ginette SIROIS Directrice générale Cégep de Chicoutimi

Marc ST-PIERRE Directeur général adjoint Commission scolaire de la Rivière-du-Nord

Édouard STACO Coordonnateur Service des ressources technologiques Cégep Saint-Laurent

Michel TOUSSAINT Directeur général à la retraite Cégep de La Pocatière

MEMBRE ADJOINTE D’OFFICE Marie-France GERMAIN Sous-ministre adjointe Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

SECRÉTAIRES CONJOINTES Louise DE LA SABLONNIÈRE Josée TURCOTTE

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MEMBRES DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION

ONT ÉGALEMENT PARTICIPÉ À LA PRÉPARATION DU RAPPORT ANNUEL ALORS QU’ILS ÉTAIENT MEMBRES DU CONSEIL EN 2004-2005 : Robert CÉRÉ Directeur à la retraite École secondaire Marie-Anne Commission scolaire de Montréal

Sophie DORAIS Conseillère pédagogique Service de la recherche et du développement Cégep à distance

Pierre HARRISSON Directeur des études Cégep du Vieux-Montréal

Linda JUANÉDA Directrice École Terre-Soleil Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles

Aline LÉTOURNEAU Directrice à la retraite Centre d’éducation des adultes de Bellechasse Commission scolaire de la Côte-du-Sud

Eustathia MANIATIS Directrice des services éducatifs Commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier

Raymond MÉNARD Conseiller Municipalité de Plaisance Membre du conseil d’administration Régie régionale de la Santé et des Services Sociaux de l’Outaouais

Pâquerette SERGERIE Présidente Commission scolaire des Chic-Chocs

Brigitte TANGUAY Consultante en services éducatifs

SECRÉTAIRE CONJOINTE Claire PRÉVOST-FOURNIER

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Édité par le Conseil supérieur de l’éducation 1175, avenue Lavigerie, bureau 180, Sainte-Foy (Québec) G1V 5B2 Tél. : (418) 643-3850 www.cse.gouv.qc.ca

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