Le combat derrière la ligne de front : les femmes de militaires dans la ...

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Institut d’études de sécurité NUMÉRO 5 | JANVIER 2016

Rapport sur l’Afrique centrale Combattre derrière les lignes de front Les épouses de militaires dans l’est de la RDC Maria Eriksson Baaz et Judith Verweijen

Résumé Les épouses de soldats des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) peuvent ne pas être très visibles, mais elles font partie intégrante de l’armée. Elles vivent avec les soldats, et souvent leurs enfants, à l’intérieur et autour des camps militaires et des sites de déploiement, y compris dans les zones les plus dangereuses. L’armée les définit toutefois comme des civils et ne leur fournit pas d’avantages sociaux, ni n’investit beaucoup dans des installations telles que des centres de soins. À cela s’ajoutent les salaires maigres et irréguliers des soldats qui font que les épouses de militaires ont beaucoup de mal à gagner leur vie.

NOUS AVONS BEAUCOUP VOYAGÉ sur ces lignes de front. Énormément. Beaucoup sont morts. Les soldats ont péri ici. Certains au combat, mais beaucoup à cause de la misère et de la faim, tout simplement [pasina nzala]. Et parmi nous, beaucoup de femmes sont mortes aussi, avec leurs enfants... Nous souffrons réellement ici – loin de chez nous dans un pays étranger [mboka ya batu]. Comment sommes-nous censées survivre ici ? Devons-nous commencer à nous promener nues ou à voler ? Nous sommes là mais le gouvernement prétend ne pas nous connaître. Il dit qu’il ne nous connaît pas [bayebibiso te], nous, les épouses de soldats.1 Ce sont les mots de Chantal2, une femme de 60 ans mariée à un lieutenant de l’armée congolaise, en poste dans le territoire d’Uvira, au Sud-Kivu. Elle et son mari sont originaires de l’Équateur, dans la partie occidentale du pays. Depuis 40 ans, Chantal est en déplacement avec son mari et le suit au gré de ses différentes affectations. Au cours de cette période, elle n’a pas pu retourner voir sa famille et n’a plus aucun contact avec elle. Elle explique qu’au temps de Mobutu, lorsque son mari a commencé son service, il n’y avait pas de téléphones portables et qu’elle a perdu le contact. Rentrer pour rendre visite est impossible, car le voyage est très long et la famille n’a pas d’argent. Son mari aurait

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE dû être à la retraite depuis longtemps, mais étant donné qu’il n’y a pas de fonds de retraite garantis et qu’ils ne peuvent pas vivre sans son maigre salaire, il continue de travailler. Dès lors, Chantal, qui décrit son statut comme celui d’une étrangère, est obligée de continuer à vivre en « terres étrangères ». Bien qu’elle insiste sur ses difficultés quotidiennes, Chantal considère tout de même qu’elle a eu de la chance par rapport à beaucoup de ses amis : « Au moins, mon mari est encore en vie, je ne suis donc pas seule ». Bien que l’histoire de Chantal soit inhabituelle compte tenu du temps considérable – quatre décennies – qu’elle a passé à suivre son mari au fil de ses différents déploiements, beaucoup d’épouses de membres des FARDC partagent des expériences et des conditions de vie semblables. En raison des conditions de service difficiles des membres de l’armée et de l’absence de programmes de prestations familiales, de nombreuses épouses sont soit séparées de leurs maris pendant des années ou les suivent lorsqu’ils sont déployés dans des zones dangereuses, souvent avec leurs enfants.

Officiellement, les FARDC adoptent une politique de mouvement sans famille, ce qui implique que les familles ne sont pas autorisées à suivre leurs maris en cas d’affectation dans des zones d’opérations Officiellement, les FARDC adoptent une politique de mouvement sans famille, ce qui implique que les familles ne sont pas autorisées à suivre leurs maris en cas de déploiement dans des zones d’opérations. En réalité, beaucoup le font pourtant, bien que les pratiques varient selon la région et l’unité militaires. Les fréquentes rotations des unités de l’armée font que de nombreuses épouses de militaires mènent une vie nomade, aggravant ainsi des conditions de vie déjà très difficiles. Malgré ces difficultés, les épouses de militaires ne sont en aucun cas des victimes passives. La plupart luttent courageusement pour maintenir un niveau de vie élémentaire pour leurs familles en participant à un éventail d’activités génératrices de revenu. Ce faisant, elles usent de leur statut d’épouses de militaires, en réclamant par exemple des privilèges tels que des exonérations fiscales ou en se livrant à des activités illicites.

Sources Ce rapport traite de la situation des épouses et de veuves de militaires en République démocratique du Congo, notamment, mais pas exclusivement, dans l’est déchiré par la guerre. Il repose sur des données recueillies en octobre 2014 dans le territoire d’Uvira3 où 75 épouses de militaires ont été interviewées individuellement et en groupes. Les données ont également été recueillies auprès de plus de 100 civils, à travers des groupes de discussion, des entretiens avec des informateurs clés et des DE NOMBREUSES ÉPOUSES DE MILITAIRES MÈNENT UNE VIE NOMADE, CE QUI AGGRAVE DES CONDITIONS DE VIE DÉJÀ TRES DIFFICILES

enquêtes semi-structurées d’opérateurs économiques à petite échelle. Cependant, le rapport s’appuie également sur des données et des idées découlant de plusieurs années d’études menées dans le cadre de nombreux autres projets de recherche relatifs aux FARDC et aux interactions civilo-militaires.4 Le rapport est structuré comme suit : le reste de cette section apporte un certain nombre de clarifications conceptuelles. La première partie présente un aperçu des

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Combattre derrière les lignes de front : Les épouses de militaires dans l’est de la RDC

FARDC, ce qui permet de placer les informations dans leur contexte. Nous décrivons ensuite le dilemme principal auquel les épouses de militaires font face, à savoir rester au pays ou suivre leurs maris en mission. S’ensuit une analyse sur les défis particuliers auxquels sont confrontées les épouses qui décident de rester avec leurs maris. Les sections suivantes portent sur les conditions de logement des épouses de militaires, leurs relations avec les civils et les différentes stratégies qu’elles adoptent pour gagner leur vie. Ensuite, nous discutons des difficultés spécifiques rencontrées par les veuves de militaires. Le rapport se termine par une discussion sur les domaines de politique les plus importants sur lesquels devraient porter les efforts pour améliorer la situation des épouses de militaires et de leurs familles.

Quelques clarifications sur les épouses de militaires Lorsque l’on parle d’épouses de militaires, il convient d’apporter quelques clarifications initiales. Premièrement, le fait que ce rapport se concentre sur les épouses ne signifie pas qu’il n’existe pas d’époux de militaires. Cependant, aucun époux n’a été rencontré dans les sites de recherche. Les femmes ne représentent qu’une petite partie des membres des FARDC – à peine plus de 2,5% en 2013.5 En outre, étant donné que de nombreuses femmes soldats sont mariées à d’autres membres de l’armée (et que les unions officielles de même sexe n’existent pas, il n’y a pas beaucoup d’époux civils.

Il existe aussi d’importantes différences dans la nature des relations de ces femmes avec les membres de l’armée. Tandis que certaines femmes sont mariées formellement, c’est à dire que leurs maris ont payé la dot à la famille de l’épouse (l’inscription à l’état civil est rare), d’autres sont plutôt des maîtresses ou des petites amies, ce qui n’exclut pas que le couple ait eu des enfants. Comme pour les membres de l’armée dans de nombreux autres contextes à l’échelle mondiale, il est fréquent que les soldats des FARDC ayant des partenaires restées au pays développent des relations avec des femmes sur les sites de déploiement. Même si la situation diffère d’un cas à l’autre, la relation avec ces femmes est souvent rompue lorsque les soldats sont déployés ailleurs. Ces petites amies locales, qui restent dans leur région d’origine ou à proximité, ont un statut différent des partenaires à long terme des soldats et ne sont souvent pas reconnues comme épouses par l’administration des unités de l’armée. Bien que dans ce rapport nous utilisions simplement le terme « épouses de militaires » pour désigner le groupe dans son ensemble, il convient néanmoins de garder à l’esprit ce large éventail de statuts souvent changeants. Troisièmement, si ce rapport porte effectivement sur la situation des épouses de militaires, il ne donne pas seulement la parole à ces femmes. Afin de présenter une image plus équilibrée et d’aller au-delà des récits purs et simples sur la condition de victime,7 le rapport repose aussi sur des entretiens avec des soldats et des civils. En outre, les épouses de militaires ne doivent pas être considérées comme un groupe strictement distinct dont les

Les épouses de militaires ne doivent pas être considérées comme un groupe à part dont les luttes quotidiennes sont isolées de celles de leurs maris

stratégies lucratives et les luttes quotidiennes sont isolées de celles de leurs maris ou des civils parmi lesquels elles vivent. En démontrant cette interconnexion, le rapport souligne la nécessité d’une approche holistique et relationnelle qui place ces femmes à la fois dans leurs contextes civils et militaires.

La situation difficile de l’armée congolaise Deuxièmement, il est important de souligner que la catégorie des « épouses de militaires » est très diversifiée et qu’elle englobe des épouses de différents milieux socio-économiques et géographiques, ayant différentes professions et différents modes de vie. Les épouses d’officiers supérieurs vivent dans des conditions radicalement différentes de celles des épouses de soldats ordinaires, qui appartiennent aux couches les
plus pauvres de la société congolaise. Il n’y a pas de solidarité naturelle entre ces groupes. Comme l’expliquait l’épouse d’un soldat, « les épouses de soldats sont divisées. Celles d’officiers sont très fières [kiburi], elles se placent toujours au-dessus des autres ».6 Bien que ce rapport prenne en compte les épouses de militaires dans l’ensemble, l’accent est mis sur les épouses des officiers subalternes et des soldats ordinaires.

Les FARDC sont une jeune force militaire. Formées en 2003 de la fusion difficile d’anciennes factions belligérantes, elles ont connu des débuts difficiles. L’afflux constant de soldats rebelles, les conflits entre factions, leur mauvaise gestion et leurs liens étroits avec des réseaux politico-commerciaux extra militaires ont miné son commandement, son contrôle et sa cohésion.8 Ces problèmes de développement ont été aggravés par un héritage regrettable : le Congo n’a jamais disposé de forces armées performantes et bien organisées garantissant la sécurité des citoyens.9 En outre, le déploiement sur des opérations de combat dans l’est actuellement déchiré par la guerre a constamment détourné l’attention et les ressources des efforts de réforme.

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RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE Un certain nombre de progrès ont été réalisés malgré ces difficultés au cours des dernières années, tels que l’adoption d’un nouveau Code de Conduite, la (ré)ouverture de divers centres de formation militaires et des investissements dans la justice militaire. Pourtant, l’efficacité des FARDC reste limitée et son bilan en matière de protection des civils est mitigé, notamment en raison du manque de ressources. Les FARDC disposent d’infrastructures minimales telles que des casernes ou des établissements de soins de santé et les conditions sociales et de service sont mauvaises. Comme les salaires des autres services étatiques du Congo, ceux de l’armée sont très faibles, variant actuellement de 85 à 100 US$ par mois.10 Bien que les salaires aient augmenté au cours des dernières années, la somme actuelle est loin d’être suffisante pour faire vivre ne serait-ce qu’une petite famille. Par ailleurs, les paiements demeurent irréguliers et les militaires ne sont souvent pas rémunérés pendant deux ou trois mois.11 En plus de salaires limités et irréguliers, les prestations sociales, les allocations familiales et les pensions sont inexistantes. En outre, les soldats doivent eux-mêmes payer pour une partie des soins de santé et autres nécessités de base. Les articles de base nécessaires à la vie quotidienne et à l’activité professionnelle,
tels que le savon, les lavabos, les couvertures et les crédits téléphoniques ne sont pas fournis par l’armée. Cumulées à d’autres facteurs, dont des systèmes de comptabilité erratiques, une faible cohésion des utnités et une formation limitée, ces conditions de service médiocres engendrent souvent un mauvais comportement chez les membres des FARDC. Les civils signalent des cas d’extorsion, de taxation illégale, d’arrestations arbitraires et de violences physiques, dont la torture et le viol. La nature et la fréquence de ces abus diffèrent néanmoins en fonction de l’unité militaire et du contexte.12

Pourquoi les femmes s’exposent-elles à de tels dangers et choisissent-elles une existence nomade difficile et instable ? Bien qu’elle représente parfois une source d’insécurité, la présence des FARDC aide à tenir à distance la pléthore de groupes armés présents dans l’est du pays. Ceci a été démontré en 2012-2013, lorsqu’un grand nombre de troupes ont été déployées dans des opérations contre le mouvement rebelle M23 au Nord-Kivu. Après le départ de l’armée, les groupes armés ont rapidement repris l’espace laissé vacant. Dans de nombreuses zones abandonnées par l’armée, les populations ont indiqué souhaiter le retour des FARDC, même si elles craignent leur comportement.13

500 $ LE COÛT D’UN ALLERRETOUR DEPUIS KINSHASA À L’EST. PLUS DE CINQ FOIS LE SALAIRE MENSUEL DE BON NOMBRE DE SOLDATS

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Par conséquent, même si l’armée a été dénoncée pour avoir commis des abus, on reconnaît aussi qu’elle fournit une protection de base. Cela reflète l’ambivalence de l’attitude des civils envers les FARDC. Si les civils considèrent qu’il est difficile de vivre avec, il est souvent plus difficile pour eux de vivre sans. Bien qu’il soit absolument nécessaire de réformer l’armée, jusqu’à présent, ni le gouvernement de la RDC ni les bailleurs de fonds internationaux n’ont poursuivi un programme de réforme cohérent reposant sur une stratégie à long terme et sur une vision intégrée. Au contraire, les politiques militaires ont été ponctuelles, incohérentes et mal coordonnées, en partie parce qu’elles ont souvent été induites ou détournées par des crises militaires.

Combattre derrière les lignes de front : Les épouses de militaires dans l’est de la RDC

Fondamentalement, les efforts de réforme ont rarement été soutenus par un engagement politique et financier. En outre, peu d’attention a été accordée aux réformes structurelles comme la logistique et l’administration. Les bailleurs de fonds et le gouvernement ont plutôt donné la priorité à l’approche classique, « former et équiper ».14 Enfin, la réforme de l’armée a accordé relativement peu d’attention à l’amélioration des conditions de vie des militaires et de leurs familles. Il s’agit d’un oubli important, car l’efficacité des autres réformes dépend en partie des progrès réalisés dans ce domaine : tant que les soldats sont préoccupés par la survie et le sort de leurs familles, les interventions en matière de formation et d’éducation n’auront qu’un impact limité.

Un dilemme difficile : rester ou partir ? Comme nous venons de le voir, la politique officielle de mouvement sans famille des FARC n’est généralement pas respectée, ce qui conduit à une situation où de nombreuses femmes sont présentes à proximité de la ligne de front. Pourquoi les femmes s’exposent-elles à de tels dangers et pourquoi choisissent-elles une vie nomade difficile et instable ? Il n’y a pas de réponses faciles à cette question, car de nombreuses considérations entrent en ligne de compte, dans

dans leur région d’origine pour rendre visite à leurs familles, ce qui conduit à une situation que beaucoup appellent divorce forcé. Certains soldats n’ont pas vu leur famille depuis plus d’une décennie. Par exemple, les soldats de l’unité navale du lac Albert déployés en 2004 depuis Kinshasa ont déclaré ne jamais avoir pu rentrer chez eux, comme l’explique un officier subalterne : Nous sommes arrivés quand nous étions encore trop petits, trop jeunes... et maintenant nous sommes devenus trop grands, mais nous ne voyons pas nos familles, nous avons des enfants et de la famille qui n’ont jamais vu leurs pères ni leurs frères... Beaucoup d’entre nous se sont remariés ici. Nous ne connaissons même plus nos femmes.15 En raison de ces difficultés, de nombreuses épouses de militaires savent que si elles ne suivent pas leurs maris en mission, il est peu probable qu’elles les revoient ou qu’elles reçoivent de l’argent. Pour plusieurs raisons, y compris les bas salaires, les dettes et les priorités concurrentes, les soldats n’envoient de l’argent à la maison que très peu souvent et cessent parfois même totalement d’en envoyer. Transférer de l’argent est problématique, en particulier dans les zones de déploiement les plus reculées, ce qui ne fait qu’aggraver le problème.

des combinaisons souvent variables. Cette question se rapporte à la fois à des facteurs « d’incitation », autrement dit des circonstances qui forcent les épouses de militaires à quitter leur région d’origine, et à des facteurs « d’attraction », qui rendent le fait de suivre leurs maris au fil des déploiements plus attrayant que de rester à la maison.

Les épouses de militaires suivent leurs maris sur leur lieu de déploiement pour diverses raisons d’ordre financier et familial, mais toutes ne finissent pas sur le front

L’un des facteurs d’incitation les plus importants est la difficulté pour les soldats d’obtenir une permission, en particulier pour ceux déployés à l’est. À cause de la guerre et des opérations militaires en cours, les supérieurs sont généralement réticents à laisser partir des membres. Malgré l’existence de lignes

Dans la crainte que les soldats cessent d’envoyer de l’argent à la maison, les membres de la famille et de la belle-famille font souvent pression sur les épouses de militaires pour qu’elles

directrices officielles, le pouvoir discrétionnaire d’accorder une

suivent leurs maris. Parfois, la pression est exarcerbée par la

permission incombe en dernier lieu aux différents commandants.

colère résultant du non-paiement ou du paiement partiel de

Même lorsque les soldats obtiennent une permission, il leur est parfois impossible de visiter leurs familles. Souvent, ceux qui vivent loin ne peuvent pas prendre à leur charge les coûts du voyage ou ne peuvent pas effectuer le voyage dans le temps imparti. Le délabrement de l’infrastructure routière au Congo a rendu impossible de voyager par voie terrestre de l’est à l’ouest du pays et le transport aérien est relativement cher. Un allerretour depuis Kinshasa vers l’est peut coûter plus de 500 US$, ce qui représente plus de cinq fois le salaire mensuel de

la dot. Une autre raison qui pousse les épouses de militaires à partir est la stigmatisation associée au fait d’avoir une fille mariée à un soldat. À l’instar des militaires, les épouses de militaires ont généralement assez mauvaise réputation au Congo, du moins, celles des soldats non gradés, considérées comme fautives et immorales. Pour la même raison, les épouses de militaires éprouvent des difficultés à trouver de nouveaux maris civils après avoir été abandonnées ou après être devenues veuves.

nombreux soldats. En outre, aucune allocation de transport n’est

En plus de ces facteurs « d’incitation », il existe de nombreux

prévue pour les permissions. Les soldats de l’ouest du Congo

facteurs « d’attraction ». De nombreuses femmes interrogées

déployés à l’est sont donc rarement en mesure de retourner

disent qu’elles préfèrent tout simplement être auprès de leur

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RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE mari parce qu’elles les aiment. En outre, elles souhaitent que leurs enfants grandissent avec un père. Ce sont également des raisons importantes pour lesquelles les soldats encouragent leurs épouses à les suivre lors des déploiements. Les membres de l’armée sont souvent fortement résolus à prendre soin de leurs enfants, comme l’a fait remarquer un major : « Mes enfants ont besoin d’un père. S’ils ne voient pas leur père depuis si longtemps, ils deviennent des étrangers. Ils perdent leur affection paternelle ».16 Beaucoup de soldats craignent également que leurs femmes ne commencent à les tromper s’ils les laissent au pays. Les propos d’un caporal de Kinshasa, en poste à Goma avec sa femme, illustrent cette peur : La vie ici est difficile pour nous, en particulier pour ma femme. Sa famille restée au pays lui manque, mais je l’ai prise avec moi. Vous savez, les femmes sont faibles. Nous, les hommes, nous sommes faibles aussi à cet égard, mais je pense que les femmes le sont encore plus. Si vous les laissez trop longtemps, elles finissent par rencontrer d’autres hommes.17 Beaucoup d’épouses de militaires ayant suivi leurs maris ont invoqué des raisons similaires, disant qu’elles l’avaient fait en partie parce qu’elles craignaient que dans le cas contraire, leurs maris rencontrent d’autres femmes et les abandonnent. Comme l’a déclaré une femme de sergent à Uvira :

En plus des difficultés du voyage, les épouses de militaires doivent tout recommencer chaque fois qu’elles arrivent dans une nouvelle zone Quitter mon mari ? Jamais. Vous ne savez pas comment sont les hommes. Ils ont le pas trop léger/ils aiment trop les prostituées [kindumba trop], en particulier les soldats. Même lorsque vous vivez ensemble, ils trouvent difficile de résister aux tentations d’autres femmes. Si vous ne les suivez pas, ils trouvent une autre femme et vous oublient, vous et les enfants.18 En somme, les épouses de militaires suivent leurs maris lors des déploiements pour diverses raisons d’ordre financier et familial, mais toutes ne finissent pas sur le front. Les officiers les plus aisés installent souvent leurs familles dans des villes plus grandes et relativement sécurisées, telles que Goma et Bukavu. En outre, certains commandants de région, secteur ou unité essaient d’empêcher les femmes de suivre leurs maris dans les zones les plus dangereuses en les incitant à rester dans les villes à proximité. Cela permet à ces femmes de rendre occasionnellement visite à leurs maris pour passer du temps avec eux, collecter une partie de leur salaire et leur apporter de la nourriture et des produits de la ville. D’autres commandants sont plus tolérants, et permettent aux femmes de vivre dans les zones d’opérations, en général les épouses de soldats ordinaires ayant peu de moyens. LES ÉPOUSES DE MILITAIRES PAIENT SOUVENT LE TRANSPORT EN VENDANT TOUS LEURS ARTICLES MÉNAGERS

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Les difficultés de la rotation continue Qu’elles suivent leurs maris ou qu’elles restent au pays, les épouses de militaires sont confrontées à de nombreux défis. Bien que cette section se concentre sur les femmes qui sont constamment en mouvement, leurs conditions de vie ne sont pas nécessairement plus difficiles que celles des femmes qui restent au pays.

Combattre derrière les lignes de front : Les épouses de militaires dans l’est de la RDC

Au cours de nos recherches, nous avons rencontré beaucoup de femmes se situant dans cette dernière catégorie, luttant pour joindre les deux bouts et n’ayant que très peu de contact, voire aucun, avec leurs maris. Une épouse de militaire à Kinshasa, qui a choisi de rester parce qu’elle et son mari étaient inquiets pour la sécurité de leurs enfants dans l’est instable, dit qu’elle regrette maintenant ce choix. Elle n’a pas vu son mari depuis sept ans et n’a pas reçu d’argent de sa part depuis deux ans. Le pire, c’est qu’elle a entendu dire qu’il avait épousé une autre femme dans l’est. Aucun de ses six enfants n’est allé à l’école et elle est sur le point d’être renvoyée du camp militaire où elle est logée gratuitement.19 Les femmes qui restent au pays ont l’avantage d’être plus proches de leurs familles et du filet de protection sociale potentiel qu’elles fournissent. En outre, elles ne sont pas forcées de voyager aussi souvent que les femmes qui suivent leurs maris. Cela vaut en particulier pour les épouses de soldats d’unités d’infanterie participant à des opérations militaires, qui peuvent être redéployés une fois par an ou tous les deux ans, parfois sur de longues distances. Une femme a déclaré qu’elle a dû parcourir plusieurs centaines de kilomètres, de Mbandaka à Kisangani, puis à Goma, pendant sa grossesse en prenant ses deux jeunes enfants avec elle.20 Les difficultés qu’entraînent ces voyages font partie des problèmes les plus fréquemment cités rencontrés par les épouses de militaires. Généralement, l’armée ne couvre pas les frais de déplacement des personnes à charge et n’aide pas à organiser le voyage. Seules quelques unités ont un système de contributions volontaires de transport collectif. Dans ce cas, le commandant loue un véhicule et déduit les coûts des salaires des soldats dont les femmes souhaitent voyager dans le véhicule.21

appareils ménagers et même les téléphones portables ; tout ce qui peut couvrir les coûts de transport. Nous nous retrouvons sans rien.22 Étant donné qu’elles peuvent partir à tout moment, les femmes ont rarement assez de temps pour négocier le prix des articles qu’elles vendent. En outre, lorsque toute une unité part, cela crée une surabondance d’articles ménagers d’occasion dans une certaine zone, ce qui fait baisser encore plus les prix. Les femmes subissent en conséquence des pertes substantielles. En plus des difficultés du voyage, chaque fois que les épouses de militaires arrivent dans une nouvelle zone, elles doivent tout recommencer : trouver un logement, acheter de nouveaux articles ménagers, trouver de nouvelles possibilités de générer des revenus, se faire de nouveaux amis. Les fréquents déplacements imposent également un lourd tribut aux enfants. Les femmes qui suivent leurs maris en mission sont nombreuses à emmener de jeunes enfants avec elles. Les enfants plus âgés sont souvent laissés à des parentsou à des aînés, dans la région d’origine des parents ou dans une grande ville à proximité de la zone de déploiement du mari. Parce que leurs conditions de vie changent constamment, l’éducation des enfants de militaires est souvent perturbée. En outre, il n’y a souvent pas assez d’argent pour payer les frais de scolarité. Bien que certaines écoles ne permettent pas aux enfants de venir en classe si leurs parents ne peuvent pas payer les frais, d’autres sont plus bienveillantes. De nombreux civils comprennent la situation des familles de militaires et rejettent la faute sur le gouvernement et non sur les familles elles-mêmes. Par conséquent, ils essaient de se montrer arrangeants, comme l’explique un maître d’école de Luberizi : « Lorsqu’il s’agit d’enfants de militaires, nous ne les renvoyons pas immédiatement si leurs parents ne paient pas. Nous tâchons d’être patients [kuvumilia] et attendons jusqu’à ce qu’ils aient

Parce que leurs conditions de vie changent constamment, l’éducation des enfants de militaires est souvent perturbée

trouvé l’argent ».23 Toutefois, de nombreux enfants finissent par abandonner l’école et certains finissent à la rue, après avoir été abandonnés par leurs parents. Une croyance largement répandue affirme que dans les grandes villes, il y a beaucoup d’enfants de soldats au

Dans de nombreux autres cas, les soldats avancent tout simplement avec leur unité pour obéir aux ordres, laissant leurs femmes et leurs enfants derrière eux. Les femmes doivent alors trouver les moyens de payer le transport. Elles y parviennent souvent en vendant tous leurs articles ménagers qu’elles ne seraient de toute façon pas en mesure de prendre avec elles en raison de l’espace limité dans les véhicules, comme en témoigne une femme : Chaque fois que nous voyageons, nous devons improviser et vendre tous nos biens, matelas, casseroles, poêles,

sein des shégués (enfants de la rue), mais il est difficile d’étayer ces allégations. En plus des difficultés liées aux voyages fréquents et aux environnements changeants, les familles qui suivent leurs maris/ pères en mission sont exposées à l’insécurité - les attaques contre les camps des FARDC par les forces ennemies sont fréquentes. En avril 2012, par exemple, huit épouses de militaires et quatre enfants ont été gravement blessés lorsqu’un groupe de combattants Maï Maï a réussi à pénétrer dans le camp OZACAF, situé dans la ville de Beni.24 Tout récemment,

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RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE le 25 septembre 2015, cinq femmes de l’armée ont été tuées et deux autres ont été blessées dans le camp de Rumangabo, à Rutshuru, lors d’un raid mené par un groupe armé.25 Bien que la vie dans les camps militaires puisse être dangereuse, vivre parmi les civils n’est pas nécessairement une meilleure option en raison des inconvénients qu’elle comporte aussi.

Les difficultés de logement Reflet d’une tradition de longue date dans les forces armées congolaises, les épouses de militaires sont autorisées à vivre dans les casernes. Cependant, comme le personnel militaire, beaucoup vivent en fait ailleurs, non seulement à cause de la relative rareté des casernes, mais surtout parce que beaucoup de femmes préfèrent tout simplement ne pas y vivre en raison des mauvaises conditions. Cependant, des différences de conditions de vie importantes existent en fonction des différents sites, selon que l’argent des bailleurs de fonds a été récemment utilisé pour des rénovations.

De nombreux soldats vivent dans des camps de fortune. Certains vivent dans des tentes et d’autres restent dans des manyatas (huttes) construites de leurs propres mains à partir de tiges de bambou, de boue et de feuilles de bananier Même si le logement dans les casernes militaires est censé être gratuit et l’est souvent, dans certains cas, des frais doivent être payés en raison d’accords informels.26 En outre, certains camps sont surpeuplés, ce qui conduit à une mauvaise hygiène, un manque d’intimité et de tranquillité, et à de fréquents conflits entre les familles des militaires. Une femme témoigne : J’ai séjourné dans un camp. Certains camps sont bien, mais pas d’autres. Il y a juste trop de gens et trop de conflits [makelele eleki]. Je préfère rester là où je suis [et louer une maison civile] même s’il est difficile de payer le loyer.27 Dans de nombreux cas, deux ou trois fois le nombre de personnes prévues vivent dans un appartement/une chambre. En outre, seule une partie des familles, généralement celles des officiers, vivent dans des appartements de maisons en dur, qui peuvent être aussi surpeuplés. La plupart des autres familles se débrouillent avec des tentes, des hangars ou des abris en bois situés dans l’enceinte du camp. Outre les conditions de logement, la quantité et la qualité des équipementsdans les casernes tels que les points d’eau, les centres de soins, les écoles et l’électricité varient énormément.28 Ces variations sont bien documentées dans une étude qui a été menée par l’Association Africaine des Droits de l’Homme (ASADHO) dans les camps militaires à Kinshasa en 2014. L’ASADHO a constaté que tandis que certains camps disposaient de points d’eau DANS LES RÉGIONS DE L’EST OÙ LA GUERRE FAIT RAGE, LA PLUPART DES SOLDATS ET LEURS FAMILLES NE VIVENT PAS DANS DES CASERNES

en quantité suffisante, le camp CETA n’avait qu’un seul robinet qui ne fonctionnait que quelques jours par semaine, de 15h00 à 17h00. Les familles devaient donc aller chercher l’eau à la rivière ou payer 0,32 US$ pour 25 litres. L’étude a également constaté que les écoles dans les camps étaient de mauvaise qualité. En outre, les frais, qui oscillent entre 55 et 165 US$ par an pour les écoles primaires, étaient trop élevés pour certains parents. En conséquence, soit les parents n’envoyaient pas du

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tout leurs enfants à l’école, soit ils les envoyaient dans des écoles à l’extérieur des casernes. Seul un camp militaire est doté d’une école non payante, l’infâme « École du banc », dans le camp Kokolo, à Kinshasa, appelée ainsi en raison de l’absence de bancs pour les élèves. Pareille situation se retrouve en matière de soins de santé. Alors que la plupart des camps disposent d’un hôpital ou d’un centre de soins, même à des tarifs réduits, dans de nombreux cas, les coûts des soins restent prohibitifs. En outre, la qualité est souvent considérée comme mauvaise car de nombreuses structures de soins de santé militaires disposent d’un équipement médical limité et ne sont pas en mesure de fournir des soins spécialisés. Par conséquent, ceux qui peuvent se le permettre cherchent ailleurs des soins de meilleure qualité. Dans la région de l’est dévastée par la guerre où se trouve la plus forte concentration de troupes des FARDC, la plupart des soldats et leurs familles ne vivent pas dans des casernes. Un grand nombre d’entre eux vivent dans des camps de fortune, surtout dans les zones rurales. Certains vivent dans des tentes et d’autres restent dans des manyatas (huttes) construites de leurs propres mains à partir de tiges de bambou, de boue et de feuilles de bananier. Bien souvent, ces constructions fragiles ne résistent pas aux fortes précipitations et ne parviennent pas à fournir assez de chaleur par temps froid. En outre, des bâches sont rarement offertes aux soldats pour rendre leurs huttes plus robustes. Vivre dans de telles conditions peut s’avérer particulièrement difficile pour des familles ayant des bébés et de jeunes enfants qui tombent facilement malades.

Certaines unités ont passé des accords avec des structures de soins locales pour veiller à ce que le personnel militaire et les familles s’acquittent de leurs frais médicaux Certaines familles de militaires vivent dans des maisons de civils, une pratique très répandue parmi les militaires congolais. Même lorsqu’ils n’ont pas leurs familles avec eux, les soldats ont tendance à louer des chambres et des maisons dans les villes et villages, les coûts variant en fonction de l’endroit et du type de maison. Par exemple, dans le territoire d’Uvira, le loyer mensuel varie d’environ 5 US$ pour une chambre simple à 10-15 US$ pour une maison très simple et jusqu’à 35-50 US$ pour des maisons de meilleure qualité. Alors que le loyer pèse souvent sur le budget des ménages, de nombreuses familles préfèrent vivre dans des maisons de civils parce qu’elles y trouvent plus d’intimité et que les conditions sont meilleures pour les enfants.

Les relations avec les communautés d’accueil La présence à grande échelle des militaires et de leurs familles dans les zones résidentielles civiles a des conséquences importantes sur les relations civilo-militaires (famille). Fait important, ce brassage favorise les amitiés et peut contribuer à briser les stéréotypes négatifs. Pourtant, dans de nombreuses régions, en particulier dans les zones rurales où les communautés locales sont relativement fermées, les épouses de militaires sont généralement considérées comme des étrangères. Voici ce qui est ressorti d’un groupe de discussion :

LE coût DES SOINS MÉDICAUX EST SOUVENT PROHIBITIF

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RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE Femme A : Il y a une discrimination [ubaguzi] de la part de la population locale, ils nous appellent watokambali [ceux qui viennent de loin]. Femme B : Les femmes de la communauté locale ne nous aiment pas. Et elles commencent à parler les langues locales pour nous escroquer sur le marché, elles peuvent donc augmenter le prix et parler dans notre dos. Elles n’aiment pas les nouveaux arrivants [bakujakuja].29 Reflet de la mauvaise réputation historique des forces armées évoquée ci-dessus, de nombreux civils pensent aussi que les épouses de militaires ont le même mauvais caractère attribué à leurs maris, c’est à dire qu’elles sont difficiles, têtes brûlées, agressives et qu’elles veulent toujours s’imposer. En outre, on pense qu’elles sont immorales, qu’elles proviennent des couches inférieures de la société et qu’elles sont des bamayalas ou des ndumbas (putes, en swahili et en lingala). Comme l’a déclaré une épouse de militaire : « En général, nous avons mauvaise réputation, nous les épouses de militaires, parce que certaines d’entre nous se livrent à la prostitution, volent et s’adonnent à d’autres mauvaises pratiques [mambo ya mayanga]. »30 De toute évidence, de nombreuses épouses de militaires désapprouvent fortement ces stéréotypes et estiment que le groupe dans son ensemble est entaché par le comportement de certaines. Il semble cependant que les civils soient conscients de l’hétérogénéité du groupe des épouses de militaires – beaucoup ont souligné que chaque personne est différente et qu’il n’est pas bon de généraliser.

Les rations alimentaires ne ne suffisent généralement pas à nourrir la famille pendant plus de quelques jours, si bien que la plupart des femmes doivent travailler L’interaction avec les voisins joue un rôle important dans l’affirmation de ces points de vue plus nuancés. En effet, de nombreuses épouses de militaires ont déclaré avoir de bonnes relations avec leurs voisins. Elles s’occupent souvent des enfants des autres, s’entraident lorsque quelqu’un est malade et se prêtent du sucre et du sel, etc. Certaines ont également déclaré que lorsque les salaires de leurs maris sont en retard et qu’elles n’ont rien à manger, leurs voisins leur donnaient parfois un peu de nourriture. Cependant, le mélange des familles de civils et de militaires entraîne également des problèmes pour les civils, ce qui tendparfois à confirmer ces stéréotypes. De nombreux civils ont déclaré qu’ils craignent d’entrer en conflit avec les femmes et les enfants de militaires, car ceux-ci se tournent souvent vers leurs maris ou leurs pères pour régler l’affaire, parfois de façon violente.

LA PRODUCTION DE CHARBON EST UNE SOURCE DE REVENUS POUR BEAUCOUP DE FAMILLES DE MILITAIRES, MAIS CELA ENGENDRE DES PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX

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D’autres ont mentionné de fréquentes disputes entre des épouses de militaires et d’autres femmes autour des points d’eau, en particulier lorsque ceux-ci sont rares. Les épouses de militaires auraient l’habitude de passer devant les autres pour se servir en premier. En outre, des propriétaires se sont plaints que les militaires paient souvent le loyer en retard à cause de l’irrégularité des salaires des militaires. En de rares occasions, des familles vont même jusqu’à partir sans payer ce qu’elles doivent lorsque le mari est redéployé. Les voisins des familles de militaires ne sont pas seuls à s’exposer à un risque accru de conflits et de dettes impayées. D’autres civils, et notamment les structures de soins civiles, rencontrent des problèmes similaires. Les soldats et leurs familles fréquentent

Combattre derrière les lignes de front : Les épouses de militaires dans l’est de la RDC

couramment les centres de soins et les hôpitaux civils, mais sont incapables de payer leur part des frais médicaux. Certains sont également réticents à payer, car ils estiment que c’est l’armée qui devrait s’en charger. Par conséquent, les soldats et leurs familles partent fréquemment sans payer, ce qui met les structures de soins civiles dans des situations

n’ont généralement pas accès à un terrain qui leur est propre, même si certaines louent des parcelles dans les communautés où elles résident. De plus, leur existence nomade fait qu’il leur est difficile de participer à des activités nécessitant des biens immobiliers, comme les magasins, ou de réaliser des investissements qui procurent des revenus à plus long terme.

financières difficiles31 comme l’atteste le témoignage du personnel de l’hôpital de Sange : Il n’existe pas de véritable système de paiement. Certains échappent au paiement, car ils n’ont pas d’argent. C’est la raison pour laquelle nous essayons de réduire les tarifs pour les épouses des soldats

Lorsque les salaires continuent d’accuser des retards, la seule option est souvent de contracter des prêts à des taux d’intérêt usuraires, s’élevant parfois à 50%

dépourvues de moyens... L’OMED (officier médical) ne garantit jamais le paiement des frais pour une femme de militaire qui est soignée ici, mais parfois la hiérarchie en paie une partie, par exemple, lorsqu’il s’agit de l’épouse du garde du corps d’un commandant.

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Il existe des différences marquées en matière de paiement entre les différentes unités militaires. Certaines unités ont passé des accords avec des structures de soins locales

Tout comme les autres ménages à faible revenu, les familles les plus pauvres ne disposent pas de l’argent pour réaliser de gros paiements initiaux, ce qui les obligent à se livrer à des activités qui nécessitent peu ou pas d’investissement préalable, comme le travail de journalier. Voici les explications de la femme d’un caporal :

pour veiller à ce que le personnel militaire et les familles

J’aide les femmes civiles à arracher les mauvaises herbes

s’acquittent leurs frais médicaux. Ces dispositions stipulent

dans le champ [de manioc] et ensuite je reçois un sac de

que les soldats malades doivent d’abord aller voir l’OMED, qui

10 kilos quand la récolte commence. Lorsque la solde

établit un diagnostic et écrit un bon de référence (document

de mon mari n’arrive pas à temps, j’accompagne aussi

de référence, parfois aussi appelé bon de santé). Seuls les

les femmes civiles dans les champs. J’y travaille pour

soldats et leurs personnes à charge munis d’un document de

2000 francs congolais [(FC), environ 2,2 US$] par jour,

l’OMED sont soignés à l’hôpital. Le numéro de référence est

et parfois je vais concasser de la cassitérite [un minerai

noté sur les factures que l’hôpital envoie au quartier général

d’étain] sur le site minier pour gagner 3000 FC [environ

de l’unité chaque mois, qui en déduit une partie sur la solde

3,3 US$] par jour. Je peux aussi faire la lessive pour les

des soldats. Cependant, ces efforts ne contribuent guère à

familles qui en ont les moyens.34

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alléger le fardeau que les frais médicaux représentent pour des familles déjà appauvries.

En fonction de la quantité de vêtements, la lessive ne semble pas rapporter beaucoup d’argent, seulement environ 1 à

Les stratégies de lutte pour la survie

2 US$ par jour. Les travaux ménagers chez les ménages les

Comme la plupart des autres femmes au Congo, les épouses

peu plus.

de militaires se livrent souvent à des activités rémunératrices variées pour joindre les deux bouts. Même si certaines femmes

plus riches, comme nettoyer la maison, peuvent rapporter un

Certaines de ces activités journalières, en particulier celles liées

ont déclaré que leurs maris reçoivent des rations alimentaires

au travail de la terre et au concassage de minéraux, impliquent

de leur unité, ces rations ne suffisent généralement pas à

un travail physique très dur. Certaines femmes ont déclaré

nourrir la famille pendant plus de quelques jours, si bien que la

travailler chaque jour de 6h à midi dans les champs, souvent

plupart des femmes doivent travailler pour compléter le revenu

avec l’enfant le plus jeune sur le dos. Mais lorsqu’elles rentrent

du ménage. Les activités qu’elles pratiquent sont diverses et

chez elles, fatiguées après une matinée de dur labeur, le travail

dépendent en partie du grade, du statut socio-économique

n’est pas fini. Elles doivent encore aller chercher de l’eau,

et des relations de leur mari, même si les capacités et les

cuisiner, nettoyer la maison, prendre soin des enfants, faire la

préférences individuelles entrent également en jeu.

lessive et aller au marché.

Comme indiqué ci-dessus, les activités économiques

Un autre travail épuisant auquel de nombreuses épouses de

des épouses de militaires qui suivent leur mari lors des

militaires participent consiste à aider leurs maris à produire

déploiements sont limitées par leur statut d’étrangère. Elles

des braises (charbon). Pendant que le mari coupe les arbres,

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 5 • JANVIER 2016

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RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE la femme transporte le charbon de bois pour le vendre au marché. Les maigres recettes que cette activité rapporte constituent des revenus essentiels à la survie des familles les plus pauvres. Toutefois, la déforestation résultant de la production de charbon de bois à grande échelle par les familles des militaires crée des problèmes environnementaux importants et met en évidence les répercussions que les piètres conditions de service de l’armée ont sur toute la société.

Alors que la plupart des épouses de militaires, notamment celles des rangs inférieurs, luttent pour joindre les deux bouts, les veuves sont encore plus durement touchées Une autre forme de création de revenus populaire parmi les épouses de militaires est le petit commerce, une activité qui n’offre généralement que de faibles marges bénéficiaires. Par exemple, une femme dans le commerce de l’huile de palme a déclaré qu’il fallait presque une semaine pour vendre un bidon d’huile de palme de 20 litres et que sa vente ne rapportait qu’un bénéfice de 1,6 US$.35 Les produits que les épouses de militaires vendent sont divers et incluent le maïs et la farine de manioc, les fruits et légumes, les cigarettes, le poisson (frais ou séché), le sucre, l’arachide, le savon et ce que l’on appelle les produits divers (divers petits objets couramment utilisés dans les foyers, tels que les piles, les allumettes, les peignes en plastique et les miroirs). Les modalités de ce commerce diffèrent. Bien que certaines femmes achètent uniquement auprès de fournisseurs locaux puis revendent au niveau local, d’autres se déplacent afin d’obtenir la marchandise auprès d’intermédiaires ou de fournisseurs. Même si cela nécessite un investissement plus élevé, les marges sont aussi plus élevées. Par exemple, les épouses de militaires dans les mines d’or de Misisi (territoire de Fizi) ont déclaré que pour acheter du poisson, elles se rendent à Baraka, tandis que d’autres vont à Kalemie (au Nord-Katanga), les deux villes étant situées sur la rive du lac Tanganyika.36 Les épouses de militaires peuvent également vendre des objets qu’elles ont produits elles-mêmes, surtout des produits alimentaires. Certaines femmes à l’est fabriquent et vendent du chikwange, une sorte de pain de manioc qui est principalement consommé dans les régions occidentales du Congo. D’autres produisent du Tangawizi (une boisson au gingembre), du Kanyanga, (une bière locale faite de résidus de maïs et de manioc), ou des ndazis (beignets). Toutefois, la production de beignets nécessite un investissement préalable substantiel dans des ingrédients tels que le sucre, la farine et l’huile de cuisson, ainsi que la location d’ustensiles de cuisine. Par conséquent, la plupart des femmes mettent leurs ressources en commun afin de se livrer à cette activité. Dès lors, les bénéfices limités (environ 7-9 US$ par semaine) doivent être partagés. En outre, la vente de beignets prend énormément de temps, et les enfants

$ DANS DE NOMBREUX CAS, LES ÉPOUSES DE MILITAIRES PAIENT PEU OU PAS D’IMPÔTS

sont souvent appelés à participer à cette tâche. La plupart des épouses de militaires, qui ne disposent que de très peu d’économies, dépendent principalement des salaires de leurs maris pour entreprendre des activités économiques. En conséquence, les retards réguliers dans les décaissements des salaires des militaires entravent la création continue de revenus. De nombreuses femmes ont déclaré que lorsque leurs maris n’ont pas reçu leur salaire depuis plus de deux mois, elles sont obligées de cesser la vente et ne peuvent

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Combattre derrière les lignes de front : Les épouses de militaires dans l’est de la RDC

qu’occuper des emplois journaliers ou participer à des activités qui ne nécessitent pas d’investissement initial. Ces ralentissements dans les flux d’échanges sont d’autant plus problématiques que la plupart des clients des épouses de militaires ne sont autres que des familles de militaires et des soldats faisant souvent partie de la même unité. Par conséquent, les retards dans le versement des soldes ont tendance à avoir des effets boule de neige, et à accabler l’économie locale dans son ensemble dans et autour des unités militaires. Afin de poursuivre le commerce malgré les arriérés de salaires, de nombreuses femmes demandent aux fournisseurs civils de leur vendre des marchandises à crédit. En général, cela n’est possible que lorsque les épouses de militaires ont établi des relations de longue date avec les fournisseurs. Les hommes d’affaires ont tendance à se méfier des épouses de militaires, car ils savent qu’elles peuvent connaître des irrégularités de revenu qui les obligent à accumuler les dettes. Par conséquent, ils n’acceptent de leur faire crédit que lorsqu’ils ont fait des affaires avec elles depuis un certain temps. Cette méfiance initiale est une autre raison pour laquelle les rotations fréquentes sont difficiles pour les épouses de militaires, car elles les obligent à reconstruire ces relations depuis le début dans chaque nouveau lieu de déploiement.

Étant donné que les soldats ont parfois des partenaires multiples, il n’est pas toujours évident de déterminer qui est la veuve légitime Lorsque les dettes (non seulement aux fournisseurs, mais aussi pour le loyer et les frais de scolarité impayés) s’accumulent après deux ou trois mois de retard dans la réception des salaires et qu’il devient de plus en plus difficile de financer les nécessités de base telles que la nourriture et le charbon de bois, les épouses de militaires commencent souvent par vendre des objets, tels que des vêtements ou des meubles. Cependant, les familles pauvres en particulier ne possèdent pas beaucoup de biens autres que le minimum vital. Par conséquent, lorsque les salaires continuent d’accuser des retards, la seule option est souvent de demander des prêts à des taux d’intérêt usuraires, s’élevant parfois à 50%. Ces prêts peuvent également être octroyés par d es officiers supérieurs ou leurs épouses. Ce que l’on appelle le système Banque Lambert est très répandu au Congo mais a des conséquences dévastatrices, car les gens se retrouveent happés dans la spirale des dettes, comme l’explique l’épouse d’un soldat : Lorsque nous manquons d’argent, nous sommes obligés de contracter un prêt [kuomba deni], nous empruntons par exemple 20 000 FC [environ 22 US$], ensuite nous remboursons 10 000 FC [environ 11 US$). Avec cela, et comme nous avons acheté à crédit et que nous avons des arriérés avec le loyer, lorsque le salaire de mon mari arrive enfin, il rembourse immédiatement le major et toutes les dettes et plus de la moitié disparaît immédiatement. Et puis à la fin du mois, nous recommençons à nous endetter.37

La manipulation du statut militaire Confrontées aux difficultés décrites ci-dessus, les femmes sont plus susceptibles de faire usage de leur statut d’épouses de militaires et de réclamer certains avantages,

SOUVENT LES VEUVES NE PEUVENT PAS OU NE VEULENT PAS RETOURNER DANS LEUR RÉGION D’ORIGINE

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 5 • JANVIER 2016

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RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE tels que des exonérations d’impôt, ou de violer certaines règles et parfois même de se livrer à des activités illégales. Les autorités civiles sont généralement réticentes à réprimander de tels comportements, car elles ne souhaitent pas avoir d’ennuis avec les militaires. Lorsqu’une épouse de militaire considère qu’elle a été traitée de manière inappropriée, elle peut se tourner vers son mari et ses contacts au sein de l’armée, qui feront pression sur les civils impliqués. Bien que la situation diffère dans chaque région, dans de nombreux cas, les épouses de militaires payent peu ou pas d’impôts. Par exemple, elles refusent généralement de payer la taxe d’étalage de 0,6 US$ au marché. Selon les autorités du marché à Uvira : « Elles ne paient à aucun des marchés d’Uvira [territoire]. Elles disent qu’elles sont les épouses des militaires, que leurs maris ne sont pas payés et qu’elles n’ont donc pas à payer ».38 Dans la région minière aurifère de Misisi, où de nombreuses épouses de militaires tiennent des ngandas (bars) et autres lieux où les gens boivent (buvettes), on rapporte qu’elles n’ont pas les autorisations nécessaires, dont une licence de 100 US$, pour vendre de l’alcool.39

En raison de l’incertitude concernant les pensions qui ont fait l’objet jusqu’à présent d’une réglementation erratique, de nombreux soldats âgés préfèrent rester chez les FARDC En plus de ne pas payer d’impôts et de se soustraire à d’autres règlements, les épouses de militaires se livrent parfois à des activités illégales. Chaque fois que les autorités civiles tentent de mettre un terme à ces activités ou de demander des comptes à celles qui y participent, l’armée a recours au fameux trafic d’influence, qui consiste à exercer une pression sur les autorités en question pour abandonner l’affaire. Cependant, nombreuses sont les autorités qui sont prêtes à fermer les yeux en échange de paiement. Par exemple, dans la ville d’Uvira, les épouses de militaires exploitent des débits de boisson illégaux où les gens fument le bangi ou nganja (cannabis), ou boivent des alcools illégaux comme le Sapilo ou le 500. D’autres, en particulier les femmes d’officiers, vendent du cannabis. Elles l’achètent, par exemple, dans les zones de culture de Fizi, puis le vendent à Uvira, Bukavu et parfois Bujumbura, où une bouteille (le mot bouteille équivaut à la mesure) de cannabis se vend l’équivalent de trois fois le prix congolais. Certaines épouses de militaires sont également soupçonnées de faciliter les vols commis par leurs maris, notamment en vendant les biens volés. Par exemple, lors des opérations Amani Leo en 2010, on a assisté à un vol à grande échelle de petit bétail dans le sud de Lubero. Dans le même temps, les bouchers dans la ville de Kirumba ont rapporté que des épouses de militaires vendaient de la viande en dessous du prix normal, ce qui a suscité de forts soupçons que la viande provenait du bétail volé.40

60 000 NOMBRE DE MEMBRES DES FARC ÂGÉS QUI DEVRAIENT ÊTRE A LA RETRAITE

Les épouses de militaires sont également soupçonnées d’être elles-mêmes impliquées dans des vols, essentiellement dans le pillage de récoltes dans des champs de civils pour leur propre consommation. Certaines ont même admis l’avoir fait. Une femme a déclaré : « Parfois, nous allons la nuit dans des champs de civils pour couper les feuilles [kukata Majani], pour avoir quelque chose à manger avec le manioc ».41 Selon les civils, les épouses de militaires coupent souvent le matembele (les feuilles des plants de patates douces) ou le sombe (les feuilles du plant de manioc)

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Combattre derrière les lignes de front : Les épouses de militaires dans l’est de la RDC

dans leurs champs. De toute évidence, lorsque cela se produit,

particulier celles qui viennent de loin, ont perdu le contact avec

les relations avec la population se détériorent rapidement et

leurs familles qui vivent souvent à des centaines de kilomètres.

l’image négative que les civils ont communément des épouses

D’autres n’ont pas les moyens d’effectuer le voyage retour

de militaires est confirmée.

jusqu’à leurs familles. En outre, certaines sont orphelines ou se

Le sort des veuves de militaires

sont enfuies de chez elles parce que leur famille n’approuvait pas leur choix d’épouser un soldat. C’est pourquoi les veuves

Alors que la plupart des épouses de militaires, en particulier

ne peuvent pas ou ne veulent souvent pas retourner dans leur

celles des rangs inférieurs, luttent pour joindre les deux bouts,

région d’origine. Elles restent donc avec l’unité de l’armée ou

les veuves sont encore plus durement touchées. Bien qu’il

dans la région militaire dans laquelle le mari a servi en dernier et

n’existe pas de statistiques fiables, les veuves de militaires

finissent parfois par épouser un autre soldat.

semblent très nombreuses, notamment dans l’est du pays. Le nombre de victimes au sein des FARDC est élevé, notamment en raison du déploiement actuel dans des opérations de combat et des structures de soins d’urgence et de transport peu développées.42 En outre, de nombreux soldats meurent de maladies suite à une mauvaise alimentation, à des problèmes de santé et à un accès limité à des soins de santé de qualité. Bien que les veuves des FARDC aient officiellement droit aux salaires de leurs maris, la mise en œuvre de cette politique est difficile. Les FARDC ne reconnaissent généralement qu’une seule femme comme ayant droit du mari décédé. Toutefois, étant donné que les soldats ont parfois plusieurs partenaires, il n’est pas toujours simple de déterminer qui est la veuve légitime. Un soldat peut, par exemple, avoir une première épouse dans une partie du pays et une seconde épouse ailleurs, avec laquelle il a eu des enfants. Cette seconde épouse peut également être celle inscrite sur les listes tenues par le S5 (officier d’état-major au Bureau 5, en charge des dimensions sociales de la vie de

Dans de nombreux cas, le nom de la conjointe est finalement transféré administrativement des listes de paie de l’unité à la région militaire, ce qui implique que la veuve sera désormais payée par la région. Cela vaut également pour les femmes dont les maris sont décédés avant l’introduction de l’identification biométrique en 2007, après qu’un projet parrainé par la Mission de conseil et d’assistance de l’Union européenne en matière de réforme du secteur de la sécurité en RDC (EUSEC RD Congo) a été lancé pour identifier les soldats grâce à leurs empreintes digitales afin de créer une base de données centrale du personnel militaire. Ces femmes ont reçu une carte d’identité avec une photo qui leur donne le droit à l’équivalent du salaire de leurs maris. En outre, il existe un groupe non négligeable de veuves des forces prédécesseurs des FARDC, dont le nombre est estimé à 60 000 à l’échelle nationale, qui ne relève pas du ministère de la Défense, mais du ministère des Affaires sociales. Ces veuves ont officiellement droit à 11 US$ par mois.43

l’armée, et notamment des épouses de militaires). Quand un soldat meurt, la première épouse et sa famille essaient souvent de réclamer le salaire, laissant ainsi l’autre épouse sans rien. Il arrive aussi parfois que la famille du défunt tente de s’approprier le salaire en s’emparant de la carte d’identité biométrique du soldat. Par exemple, à Luvungi, nous

À la fin 2012, le gouvernement a lancé une initiative visant à payer les salaires directement sur les comptes bancaires particuliers

avons rencontré une veuve dont les enfants avaient été retirés par son beau-frère à Kinshasa, qui avait également pris la carte d’identité de son mari. D’autres difficultés rencontrées par les veuves sont liées à leur position au sein des FARDC. Certaines restent avec l’unité de leur défunt mari, à la fois parce que leur mari figure sur la liste de paie de l’unité spécifique et parce que l’unité constitue leur principal réseau social. Toutefois, les commandants de certaines unités essaient d’abuser de la position vulnérable des veuves, en leur donnant par exemple seulement un tiers du salaire, ou en exigeant des faveurs sexuelles en échange. En raison de la mauvaise réputation des épouses de militaires, il est généralement difficile pour les veuves de trouver un nouveau mari civil. En outre, un grand nombre d’entre elles, en

Beaucoup de veuves inscrites dans les régions militaires rencontrent des problèmes pour accéder à leur rémunération mensuelle. Les efforts pour compter ce groupe n’ont pas été systématiques et ont parfois visé à en réduire le nombre. Par exemple, en 2011, la 8e Région Militaire (Nord-Kivu) a tenté de réduire le nombre de veuves en introduisant un processus de sélection très strict. Par conséquent, de nombreuses femmes affirment aujourd’hui avoir été injustement mises à l’écart, ce qui a poussé ce qui est maintenant devenu la 34e Région Militaire à lancer un nouveau recensement. Même les nombreuses femmes qui ont reçu des cartes d’identité ou dont les maris sont inscrits sur la liste de paie ne reçoivent toujours pas leur dû. Comme plusieurs d’entre elles

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 5 • JANVIER 2016

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RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE nous l’ont dit au cours de la recherche, il est largement admis qu’une partie de l’argent est détournée à différents stades de la chaîne de paiement.44 Cependant, le lancement du recensement biométrique des veuves de l’armée, qui devrait être achevé avant la fin 2016, laisse entrevoir des perspectives d’amélioration. Cependant, comme les expériences précédentes avec les FARDC le montrent, ni l’identification biométrique ni les paiements sur des comptes bancaires (un système appelé bancarisation) ne sont une garantie de paiement (rapide) des salaires. Les tentatives visant à introduire ces systèmes ont rencontré des succès variables, en raison à la fois d’obstacles politiques et techniques, ce qui fait qu’il existe encore aujourd’hui des retards dans le versement des salaires.

Avec ou sans aide extérieure, les épouses de militaires de nombreuses unités se sont organisées en associations Vers une gestion humaine des ressources humaines Compte tenu des difficultés décrites ci-dessus, il est important que la situation des familles de militaires soit améliorée. Ces améliorations exigent des initiatives dans les domaines des conditions sociales et de service des membres de l’armée, y compris leurs salaires, et la possibilité pour les épouses de militaires de créer des revenus et de s’organiser en associations. Quel est l’état d’avancement de ces domaines politiques ? Quels sont les efforts réalisés par le gouvernement congolais et les bailleurs de fonds jusqu’à présent et que pourrait-on faire d’autre ?

Les conditions sociales et de service Sur le papier, les conditions sociales et de service du personnel militaire et des familles sont bien organisées, du moins pour les officiers. En janvier 2013, le parlement a adopté un texte législatif clé pour la réforme de l’armée, la loi 13/005 portant statut du militaire des FARDC. Cette loi, dont l’élaboration a été encouragée par l’EUSEC, contient de nombreuses améliorations des conditions sociales et de service, même si la plupart ne s’appliquent qu’aux officiers et sous-officiers, laissant ainsi de côté les soldats ordinaires. Par exemple, l’article 124 précise que les officiers et sous-officiers ont droit à : • des allocations familiales ; • un complément familial ; • un logement ou des allocations de logement ; • une consommation d’eau et d’électricité gratuite dans les casernes ; • des soins de santé ; • des allocations pour frais funéraires ; • des indemnités d’installation ; DES ÉPOUSES A LUBERIZI ONT ESSAYÉ DE DÉVELOPPER DES ACTIVITÉS AGRICOLES

• des frais de transport en cas d’absence de moyens de transport mis à disposition par l’État. La loi stipule également que « le congé est un droit inaliénable d’un soldat » (Art. 98) et reconnaît les pensions des soldats âgés qui ont servi pendant plus de 22 ans. Il y

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Combattre derrière les lignes de front : Les épouses de militaires dans l’est de la RDC

a à l’heure actuelle près de 60 000 militaires âgés au sein des FARDC, tels que le mari de Chantal, mentionnée au début de ce rapport, qui devraient être à la retraite. Toutefois, en raison de l’incertitude concernant les pensions qui ont fait l’objet jusqu’à présent d’une réglementation erratique, de nombreux soldats âgés préfèrent rester chez les FARDC, par peur de ne plus recevoir de salaire après leur départ.45

spirale de dettes. Le paiement des salaires a fait l’objet

Il est évident qu’à l’heure actuelle, seules quelques clauses de la Loi sur le Statut des membres des FARDC ont été mises en œuvre. Une des raisons tient au fait que pour que la loi entre en vigueur, une myriade de décrets doit être adoptée. Cependant, aucun décret n’a été adopté depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2013.

la chaîne de paiement des salaires. Au départ, les paiements

Une autre raison pour laquelle la mise en œuvre est à la traîne est que celle-ci exigerait l’attribution d’un vaste montant de financement (encore inconnu et non budgétisé), qui fait

à payer les salaires directement sur les comptes bancaires

largement défaut dans le budget national. Les bailleurs de fonds internationaux exercent souvent des pressions sur les pays à faible revenu pour maintenir les dépenses en matière de défense en dessous de 2% du produit intérieur brut (PIB). Étant donné que les dépenses de défense s’élevaient déjà à peu près à 2,3% du PIB en 2013,46 l’amélioration des conditions sociales sans réduction des effectifs de l’armée, comprenant à l’heure actuelle environ 145 000 soldats, entraînerait un dépassement de ce seuil.

initiée par le premier ministre Matata Ponyo, qui consistait à

d’une attention particulière de longue date dans les efforts internationaux en matière de réforme de l’armée, en particulier ceux de la mission EUSEC. Depuis 2007, l’EUSEC oeuvre à la création de listes de paiement liées à une base de données biométriques, ce qui permet la séparation entre la chaîne de commandement et étaient effectués par des fonctionnaires chargés du paiement appelé Chefs de Bureau Comptable (CBC). Ce système a relativement bien fonctionné, même s’il a été miné par l’afflux constant de soldats rebelles et par la réorganisation. À la fin 2012, le gouvernement a lancé une initiative visant particuliers. Cette décision faisait partie d’une politique plus vaste du gouvernement formé après les élections de 2011, payer tous les agents de l’État par virement bancaire. La mise en œuvre de cette mesure a commencé avec le paiement des officiers à Kinshasa puis a progressivement été étendue à d’autres parties du pays, bien qu’elle ne soit pas encore en place partout. En outre, un projet pilote a été organisé dans les zones dépourvues d’infrastructures bancaires pour payer les membres de l’armée par téléphone portable. Cependant, ce système s’est heurté à un certain nombre de difficultés techniques et pratiques et n’a donc pas

Partout dans le monde, les familles de militaires déployés dans des zones de guerre vivent une situation particulière et sont confrontées à des angoisses interminables

été appliqué à grande échelle. Il ne peut pas non plus être mis en œuvre dans les vastes régions qui n’ont pas de couverture de réseau mobile.47 Tandis que la bancarisation semble être un pas en avant, il reste de sérieux obstacles d’ordre technique et infrastructurel à sa mise en œuvre, notamment la présence limitée de banques dans les zones rurales, ce qui entraîne des retards dans les paiements. Par conséquent, les salaires restent un

Malgré le fait qu’elle n’ait pas été mise en œuvre, la Loi sur le statut des membres des FARDC est un point de départ non négligeable pour améliorer les conditions sociales des membres de l’armée et pourrait servir de point focal de pression pour les intervenants nationaux et internationaux.

sujet de préoccupation.

Dans le même temps, il faut reconnaître qu’elle ne propose aucun répit pour ceux qui sont actuellement dans la pauvreté extrême : les soldats ordinaires et leurs personnes à charge.

projets visant à améliorer les conditions socio-économiques

Le paiement des salaires Comme illustré dans le présent rapport, l’irrégularité du paiement des salaires a des conséquences dévastatrices sur les budgets des familles de militaires en entravant les activités créatrices de revenus et en entraînant les familles dans une

Associations d’épouses de militaires et création de revenus Les bailleurs de fonds ont lancé un certain nombre de des épouses de militaires, notamment en transformant leur organisation en associations et en dynamisant leurs activités créatrices de revenus. L’EUSEC a été particulièrement active dans ce domaine, en soutenant par exemple la création d’associations pour les épouses de militaires. Ceci repose sur une longue tradition au Congo, où des associations d’entraide fleurissent pour compenser la prestation limitée de services publics.

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 5 • JANVIER 2016

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RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE Avec ou sans aide extérieure, les épouses de militaires de

Malgré ces limites, il semblerait que les associations d’épouses

nombreuses unités se sont organisées en associations. Les

de militaires puissent contribuer à de meilleures conditions de

modes d’organisation et le niveau d’activité de ces structures

vie, au moins lorsqu’elles remédient aux conditions structurelles

diffèrent considérablement. Par exemple, des membres des

qui désavantagent les épouses de militaires. Cela vaut également

anciennes Brigades Intégrées (qui ont été formées au début

pour les projets socio-économiques. Toutefois, seuls quelques

du processus d’intégration de l’armée de 2004 à 2008) avaient

bailleurs de fonds ont investi dans de tels projets jusqu’à présent.

des associations relativement dynamiques qui participaient activement à la vie de la communauté, en notamment aux activités religieuses et non gouvernementales.

agricole. Par exemple, en 2010, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture a fourni des semences et des outils aux épouses

Les bases militaires peuvent également abriter des

des soldats des FARDC de la 12ème Brigade Intégrée et les a

associations actives d’épouses de militaires, comme c’est le

formées dans le but de promouvoir la culture de légumes comme

cas à Luberizi, au Sud-Kivu. De 2010 à 2012, des épouses ont

le chou, les oignons et le lenga lenga.51

essayé de développer des activités agricoles communes, en particulier des programmes de sélection pour le petit bétail et de culture à grande échelle avec des tracteurs.48 Cependant, la situation à Luberizi était exceptionnelle étant donné que le noyau du comité était constitué des épouses des membres permanents, tels que les instructeurs, qui ne sont pas redéployées aussi souvent que les épouses des soldats servant dans les unités opérationnelles.

Bien que ces projets agricoles aient été appréciés, de nombreuses associations d’épouses de militaires ont exprimé le souhait de recevoir également une formation professionnelle et de l’équipement dans d’autres secteurs économiques. Par exemple, certaines ont déclaré qu’elles préféreraient des machines à coudre et du matériel pour la fabrication de savon, tandis que d’autres aspirent à accéder au microcrédit. Cependant, rien ne garantit que la fourniture de ces articles et

Même si les associations peuvent faire avancer les intérêts des

la formation se traduisent par des améliorations durables des

épouses de militaires, elles ne sont pas exemptes des relations

conditions de vie des épouses de militaires, surtout si d’autres

de pouvoir qui imprègnent l’armée dans son ensemble. En

dimensions de leur vie socio-économique restent inchangées.

effet, c’est souvent l’épouse du commandant de l’unité ou du camp qui dirige l’association, ce qui permet au commandement

Conclusion

d’exercer un certain niveau de contrôle. Pour la même raison,

Partout dans le monde, les familles de militaires déployés dans

les commandants ont tenté de bloquer les efforts visant à

des zones de guerre vivent une situation particulière et sont

organiser des élections pour élire la présidente de l’association

confrontées à des angoisses interminables concernant le sort de

d’épouses de militaires, comme il avait été proposé par

leurs proches. Au Congo, ces inquiétudes sont exacerbées par

l’EUSEC au Nord-Kivu.49

de grandes difficultés socio-économiques, qui sont en partie le

Les associations d’épouses de militaires peuvent également

résultat de mauvaises conditions de service.

être immergées dans la politique des partis. Par exemple, en

Ces difficultés sont également l’une des raisons pour lesquelles

2009, lors d’une visite du président Joseph Kabila à la Plaine de

beaucoup de femmes suivent leurs maris lors des déploiements,

Ruzizi, les membres de l’association d’épouses de militaires de

même dans des zones dangereuses. Tandis que les épouses de

la 8ème Brigade Intégrée à Sange ont mis leurs pagnes

militaires se sont bien intégrées au sein des FARDC, l’armée ne

(vêtements portés par les femmes) sur la route pour l’accueillir.

dispose que de peu de politiques pour y faire face ou pour

Cette manifestation a été orchestrée par l’épouse du

dissuader leur présence dans les zones d’opérations. En

commandant de brigade qui dirigeait l’association, mais elle a

conséquence, les femmes sont largement renvoyées à leur

été critiquée par celles qui étaient moins satisfaites des

propre persévérance et à leur solidarité mutuelle, en s’appuyant

politiques militaires du gouvernement Kabila.50

sur des relations fragiles, tant au sein de l’armée qu’au sein des

Un autre problème est que certaines associations d’épouses

18

La plupart de ces interventions ont été réalisées dans le domaine

contextes civils en constante évolution.

de militaires sont organisées sur une base ethnique, à

Jusqu’à présent, l’attention portée par les bailleurs de fonds pour

l’instar des mutuelles (organisations d’entraide) qui se sont

améliorer les conditions sociales des membres de l’armée et de

développées à l’époque du Zaïre. En entravant l’action

leurs familles a été limitée et incohérente. La nature même des

collective transethnique, ces organisations pourraient saper les

interventions dans les réformes de l’armée, axée sur des projets

transformations des relations de pouvoir qui sont à la base de

et des résultats, et généralement orientée vers des résultats

conditions sociales défavorables.

visibles et directs, tend à miner leur efficacité et leur durabilité.

Combattre derrière les lignes de front : Les épouses de militaires dans l’est de la RDC

Fait important, beaucoup de projets font peu pour changer les conditions structurelles qui sont à l’origine de la situation des familles de militaires, telles que la dépendance des femmes au paiement irrégulier des salaires de leurs maris pour poursuivre leurs activités économiques. En outre, comme pour tout effort de réforme de l’armée en général, les interventions font souvent peu de cas de l’interdépendance des contextes militaires et civils.

17 Entretien, Goma, mars 2008.

Bien qu’il n’existe pas de solution simple à la tâche extrêmement complexe qui consiste à réformer les FARDC, utiliser les réalités quotidiennes des soldats ordinaires et de leurs familles comme point de départ pourrait être une voie à suivre.

24 Radio Okapi, ‘Attaque du camp Ozacaf : la population de Beni

Remarques 1

Entretien, Luberizi, octobre 2014.

2

Chantal n’est pas son vrai nom.

3

Cette recherche, financée par l’Agence Suédoise de Développement International (Sida) a été menée par les deux auteurs en collaboration avec le Centre Indépendant de Recherches et d’Études Stratégiques au Kivu (CIRESKI), basé à Uvira.

4

Maria Eriksson Baaz mène des recherches sur les FARDC avec Maria Stern depuis 2006 axées sur les questions de genre et la violence contre les civils. Judith Verweijen mène des recherches sur les interactions civilomilitaires entre les unités des FARDC et les populations civiles sur des sites de déploiement depuis 2010.

18 Entretien, Lemera, octobre 2014. 19 Entretien, Kinshasa, décembre 2013. 20 Entretien, Bukavu, mai 2015. 21 Ceci a par exemple été observé dans le 809e régiment au Nord-Kivu en 2012.

22 Entretien, Luvungi, octobre 2014. 23 Groupe de discussion avec des civils, Luberizi, octobre 2014. appelée à collaborer avec l’armée’, 24 avril 2012, http://radiookapi. net/actualite/2012/04/24/beni-les-femmes-de-militaires-accusent-lesgroupes-armes-de-les-prendre-pour-cible/

25 Reuters, ‘At least eight dead in suspected rebel raid on Congo army camp’, 25 septembre 2015, www.reuters.com/article/2015/09/25/uscongodemocratic-attacks-idUSKCN0RP1 N220150925

26 En particulier à Kinshasa, nous avons rencontré des soldats des FARDC qui paient un faible loyer pour loger dans des casernes militaires.

27 Entretien, Sange, octobre 2014. 28 ASADHO, Rapport sur les conditions de vie des femmes et enfants des militaires et policiers à Kinshasa, mars 2014.

29 Groupe de discussion à la base militaire de Luberizi, novembre 2011. Cité dans Verweijen. ‘The Ambiguity of Militarization’, p.123.

30 Entretien, Luvungi, octobre 2014. 31 Ceci est décrit plus en détail dans Verweijen, ‘The Ambiguity of Militarization’ p.146-148.

32 Entretien, personnel de l’hôpital, Sange, octobre 2014.

5

Entretien, expert en ressources humaines EUSEC, Kinshasa, novembre 2013.

33 De tels systèmes ont par exemple été constatés en 2011 dans le territoire

6

Entretien, Luvungi, octobre 2014.

34 Entretien, Lemera, octobre 2011.

7

Voir aussi M Eriksson Baaz et M Stern, Sexual Violence as a Weapon of War?: Perceptions, Prescriptions, Problems in the Congo and Beyond. Londres : Zed Books, 2013.

35 Entretien, Misisi, décembre 2011.

8

9

Pour une discussion sur les années de création des FARDC, voir J Verweijen, ‘Half-brewed: The Lukewarm Results of Creating an Integrated Congolese military’, dans R Licklider (ed), New Armies from Old: Merging Competing Military Forces after Civil Wars. Washington, DC : Georgetown University Press, 2014, p. 137-162. J Ebenga et T N’Landu, ‘The Congolese National Army: In Search of an Identity’, dans M. Rupiya (ed), Evolutions & Revolutions: A Contemporary History of Militaries in Southern Africa. Pretoria : Institut d’études de sécurité, 2005, 63-83.

10 Chiffres obtenus auprès de l’EUSEC. 11 Durant le travail de terrain réalisé en octobre 2014 dans le territoire d’Uvira, de nombreuses femmes ont déclaré que leurs maris n’avaient pas été payés depuis trois mois.

12 M Eriksson Baaz et M Stern, The Complexity of Violence: A Critical Analysis of Sexual Violence in the Democratic Republic of Congo (DRC). Stockholm : Sida, 2010 ; J Verweijen, The Ambiguity of Militarization: The Complex Interaction Between the Congolese Armed Forces and Civilians in the Kivu Provinces, Eastern DR Congo, Thèse de doctorat, Université d’Utrecht, 2015.

13 Oxfam International, Commodities of War: Communities Speak Out on the True Cost of Conflict in Eastern DRC, Rapport n°164, novembre 2012.

14 J Stearns, J Verweijen et M Eriksson Baaz, The National Army and Armed Groups in the Eastern Congo: Untangling the Gordian knot of Insecurity. Londres : Rift Valley Institute, 2013; E Kets et H de Vries, Limits to Supporting Security Sector Interventions in the DRC. Pretoria : Institut d’études de sécurité, 2014.

15 Entretiens, Tchomia, novembre 2013. 16 Entretien, Fizi centre, décembre 2011.

d’Uvira et en 2013 dans le territoire de Lubero.

36 Entretiens, Misisi, décembre 2011. 37 Entretien, Lemera, octobre 2014. 38 Entretien avec les autorités du marché, Uvira, mars 2011. Cité dans verweijen, ‘The Ambiguity of Militarization’, p.165.

39 Entretiens avec les autorités civiles, Misisi, mars 2011. 40 Entretiens avec des bouchers, Kirumba, mai 2010. 41 Entretien, Luberizi, octobre 2014. 42 Bien que les FARDC disposent d’une Unité médicale d’intervention rapide, cette unité n’a qu’une couverture géographique très limitée.

43 Entretien, EUSEC staff, Goma, avril 2014. 44 Entretiens, Uvira, octobre 2014 et Bukavu, mai 2015. 45 Entretiens, personnel de l’EUSEC, Kinshasa, novembre 2013. 46 SIPRI, Base de données sur les dépenses militaires, http://milexdata.sipri. org/files/?file=SIPRI+milex+data+1988-20 11.xls

47 Radio Okapi, ‘Nord-Kivu : des militaires impayés accusent Vodacom et Rawbank de bloquer leurs soldes’, 31 mai 2013, http://radiookapi. net/actualite/2013/05/31/nord-kivu-des-militaires-impayes- accusentvodacom-rawbank-de-bloquer-leurs-soldes/

48 Entretiens, Luberizi, novembre 2011. 49 Correspondance personnelle, ancien conseiller de l’EUSEC sur la question du genre, mars 2012.

50 Entretien avec des observateurs des droits de l’homme déployés à Sange, Uvira, octobre 2014.

51 Radio Okapi, « Journée mondiale de l’alimentation : les femmes de militaires des FARDC engagées dans la production agricole a Baraka », 16 octobre 2010, http://radiookapi.net/actualite/2010/10/16/ journeemondiale-de-lalimentation-les-epouses-des-militaires-des-fardcengagees-dans-la- production-agricole-a-baraka/

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 5 • JANVIER 2016

19

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE

À propos des auteurs Maria Eriksson Baaz est Professeure agrégée de Recherche sur la paix et le développement à l’École d’études mondiales de l’Université de Göteborg et Chercheuse principale à l’Institut nordique pour l’Afrique en Suède. Ses domaines de recherche sont la réforme de la défense, les relations civilomilitaires, la question du genre et la militarisation, les violences sexuelles liées aux conflits et la théorie postcoloniale. Judith Verweijen est Chercheuse à l’Institut nordique pour l’Afrique en Suède et au Groupe de recherche sur les conflits à l’Université de Gand en Belgique. Elle se spécialise dans l’étude des forces armées étatiques et non étatiques dans les provinces du Kivu (est de la République Démocratique du Congo).

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À propos de l’ISS L’Institut d’Études de Sécurité est une organisation africaine qui vise à améliorer la sécurité humaine sur le continent. Il mène des travaux de recherche indépendants et pertinents, propose des analyses et conseils stratégiques d’expert, des formations pratiques ainsi qu’une assistance technique.

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ISS Nairobi

Remerciements

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Ce rapport a été rendu possible grâce au financement des gouvernements de l’Australie et des Pays-Bas. L’ISS est également reconnaissante pour le soutien apporté par les autres membres du Forum de partenariat avec l’ISS : les gouvernements du Canada, du Danemark, de la Finlande, du Japon, de la Norvège, de la Suède et des États-Unis.

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Rapport sur l’Afrique Centrale Numéro 5