L'Afrique peut contribuer à se nourrir elle-même - World Bank Group

Supprimer les obstacles au commerce régional des produits alimentaires de ..... sur le commerce des produits de base, b) à une conception appropriée des.
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L’Afrique peut contribuer à se nourrir elle-même Supprimer les obstacles au commerce régional des produits alimentaires de base Octobre 2012 Réduction de la pauvreté et gestion économique Région Afrique

Résumé analytique La demande croissante de denrées alimentaires de l’Afrique est de plus en plus satisfaite par des importations en provenance des marchés internationaux. Dans un contexte de hausse des prix mondiaux, cette situation ne cesse d’alourdir la facture des importations alimentaires. En outre, la croissance démographique et l’évolution des caractéristiques de la demande devraient se traduire par un doublement de cette dernière sur les dix prochaines années. S’agissant de la question des produits alimentaires de base, il est évident que la situation ne peut rester en l’état. Il existe bien une solution – et qui plus est d’origine africaine. Grâce au commerce régional, les agriculteurs d’Afrique pourraient répondre à une bonne partie de cette demande croissante et fournir des produits capables de se substituer aux produits importés des marchés mondiaux à des prix plus élevés. Pourtant, ce potentiel n’a pas encore été exploité, car les agriculteurs africains sont confrontés à des obstacles – au niveau des échanges pour avoir accès aux facteurs de production dont ils ont besoin, et au niveau commercial pour acheminer leurs produits alimentaires jusqu’aux consommateurs des villes africaines –plus importants que ceux qui s’imposent aux fournisseurs du reste du monde. Ainsi, les exploitants agricoles africains ne fournissent actuellement que 5 % des importations de céréales de l’Afrique. Le présent rapport propose quatre messages clés : 1. Le commerce régional des produits de base – qui permettrait d’améliorer la sécurité alimentaire et de promouvoir la croissance – n’est pas exploité. Il est essentiel d’ouvrir le commerce régional, notamment parce que la demande de produits alimentaires de base se concentre de plus en plus dans les villes – lesquelles doivent compter sur la production alimentaire de l’ensemble du continent. Les fluctuations des cycles saisonniers et pluviométriques et la variabilité de la production – qui s’accentueront avec la poursuite du changement climatique – ne se limitent pas aux frontières nationales. Ainsi, un modèle de sécurité alimentaire africain basé sur une autosuffisance nationale ne peut pas fonctionner. Supprimer les obstacles au commerce régional présente des avantages pour les exploitants agricoles, les consommateurs et les États. Les agriculteurs ont tout intérêt à répondre à l’augmentation de la demande régionale de produits alimentaires ; en outre, de nouveaux emplois pourraient être créés dans les différentes activités de la chaîne de valeur des produits de base – par exemple, dans la production et la distribution de semences et d’engrais, dans les services de conseil, dans la collecte et le stockage des céréales, dans le transport et la logistique, dans la

distribution et le commerce de détail, et dans les activités de transformation. Parallèlement, une approche régionale de la sécurité alimentaire offrirait aux États africains la possibilité de mieux garantir à leur population un accès aux denrées alimentaires. Les chaînes de valeur régionales qui permettent de livrer des denrées alimentaires venant de zones où la production d’un pays est excédentaire à des clients d’un autre pays vivant dans des zones souffrant d’un déficit vivrier (les villes par exemple) sont jalonnées de plusieurs étapes. Celles-ci incluent l’approvisionnement en semences et engrais, le travail et le savoir, la commercialisation et la distribution, les obligations liées aux procédures douanières, les impôts et taxes, et les obligations réglementaires du marché à l’exportation, sans oublier les étapes de vente en gros et de vente au détail. Au niveau de chacun de ces éléments, l’ampleur de la concurrence et la nature des politiques publiques peuvent avoir une influence sur le prix payé par le client (et sa variabilité) ainsi que sur le prix reçu par l’exploitant agricole pour le produit. La présente étude expose les informations disponibles sur le fait que les problèmes qui jalonnent la chaîne de valeur régionale empêchent les échanges transfrontaliers d’aliments de base en Afrique – ce qui nous conduit au deuxième message : 2. Les obstacles d’ordre réglementaire au commerce et à la concurrence qui jalonnent la chaîne de valeur doivent être supprimés pour que l’Afrique atteigne son potentiel en matière de commerce régional de denrées alimentaires. Le rapport s’intéresse aux obstacles au commerce et à la concurrence qui affectent cinq éléments de la chaîne de valeur régionale : a.

Approvisionnements en semences et engrais, et services de vulgarisation Les obstacles au commerce empêchent les exploitants agricoles africains d’avoir accès à des semences offrant un rendement plus élevé et à des engrais de meilleure qualité qui sont disponibles ailleurs dans le monde. Dans certains pays d’Afrique, deux à trois ans peuvent par exemple s’écouler avant que de nouvelles variétés de semences soient distribuées, et ce, même si elles sont utilisées dans d’autres régions du continent. Avec l’introduction de nouvelles variétés à un rythme accéléré, l’Afrique prend de plus en plus de retard dans l’utilisation des semences modernes, d’où sa difficulté à concurrencer les importations en provenance des marchés mondiaux. En Éthiopie, par exemple, l’utilisation d’un maïs hybride amélioré pourrait aider à multiplier la productivité par quatre ; de plus, il suffirait que la moitié seulement des agriculteurs atteignent la productivité associée à ces semences hybrides pour que la production intérieure puisse se substituer aux importations (Alemu 2010). Mais en l’absence de réglementations plus claires, les semences peuvent être bloquées aux frontières pendant de longues périodes, ce qui les rend inutiles. Les engrais offrent un exemple similaire, avec des taux d’application substantiellement plus faibles en Afrique que dans d’autres régions du monde. Les exploitants agricoles africains, en particulier ceux qui vivent dans des pays enclavés, doivent payer leurs engrais plus cher que les agriculteurs d’autres pays en développement. En outre, les marchés de nombreux pays africains sont trop étroits pour réaliser des économies d’échelle liées à la production d’engrais, voire même au mélange d’engrais. L’une des raisons pour lesquelles les marchés régionaux d’engrais ne se sont pas vraiment développés est que, très souvent, chaque pays stipule ses propres spécifications pour le mélange d’engrais et les produits de spécialité. De ce fait, les engrais ne peuvent pas circuler librement d’un pays à l’autre.

Il en résulte que de nombreux pays importent directement des marchés mondiaux mais ne peuvent pas, en raison de leur petite taille, obtenir le même prix que les grands acheteurs. En outre, les entreprises de transport facturent habituellement plus cher pour de petits volumes de livraison. En conséquence, des marchés régionaux d’engrais ayant des spécifications communes pourraient permettre de profiter de prix substantiellement inférieurs lorsque des volumes sont commandés au sein de la région. L’absence de système efficace de normalisation constitue un obstacle majeur pour le commerce transfrontalier et les marchés régionaux d’engrais. Deux problèmes majeurs doivent être traités : a) la mise en place de cadres réglementaires cohérents et stables pour régir le commerce régional d’engrais, et b) l’investissement dans des organismes qui réduisent les coûts de transaction liés aux problèmes de coordination. De nombreux pays ont adopté de nouvelles lois sur les engrais ces dernières années, mais peu d’entre eux ont fourni les ressources nécessaires pour définir et appliquer les réglementations via des normes et des dispositifs de test. Le présent rapport montre qu’un allégement du poids de la réglementation sur les engrais – et leur utilisation accrue qui en résulterait – aurait des effets substantiels sur les rendements agricoles et des impacts sur la pauvreté. b. Coûts de transport élevés en Afrique, en particulier pour les petits exploitants agricoles Les coûts de transport élevés et le manque d’investissements dans des capacités modernes de camionnage et de transport demeurent des facteurs clés limitant la circulation des excédents d’aliments de base vers des zones où la demande est forte. Bien qu’il soit nécessaire d’améliorer les infrastructures de transport – en particulier au niveau des itinéraires transfrontaliers et de la mise en relation des petits exploitants avec les réseaux régionaux – les routes ne sont pas le principal obstacle. Le problème essentiel concerne une réforme de la réglementation qui favoriserait une offre de services de transports plus modernes et compétitifs. Les cartels de transport demeurent courants en Afrique et il y a peu d’incitations à investir dans des camions modernes et des services logistiques. Outre la gêne qu’ils occasionnent, les barrages routiers augmentent considérablement les coûts et le temps de transport, ce qui réduit l’efficacité des activités de transport. Selon certaines estimations, une réforme qui générerait plus de concurrence pourrait entraîner une réduction des coûts de transport des produits de base de 50 % en Afrique occidentale en l’espace de dix ans. Une autre étude révèle qu’une division par deux des coûts de transport accroîtrait le PIB agricole (en termes réels) du Mozambique de 7 % et le PIB agricole du Malawi de 3 %. c. Politiques commerciales opaques et imprévisibles qui augmentent les coûts des échanges et n’incitent pas le secteur privé à investir pour améliorer la productivité. Parmi les facteurs qui affectent les échanges de produits de base en Afrique, il y a des interdictions d’exportation et d’importation, des quotas et des droits de douane à l’importation variables, des règles d’origine restrictives et des contrôles des prix. Ceux-ci sont souvent déterminés sans la moindre transparence et rarement communiqués aux commerçants et aux responsables aux frontières. Cela génère alors des incertitudes à l’égard des conditions de marché, limite le commerce transfrontalier et accroît la volatilité des prix alimentaires. La manière dont les normes sont établies et appliquées a un impact essentiel sur la propension à commercer. Par exemple, les normes proposées dans l’EAC sur le maïs décoloré pourraient avoir pour effet d’exclure toute la production de maïs des petits exploitants.

d.

e.

Cela nécessite un débat plus ouvert sur les politiques commerciales avant leur mise en œuvre, avec une évaluation détaillée des coûts et des avantages, ainsi que des processus plus participatifs pour définir des normes afin de garantir leur compatibilité avec les besoins des consommateurs et les capacités des producteurs. Coût élevé et dangerosité du franchissement des frontières Des centaines de milliers d’Africains traversent les frontières chaque jour pour livrer des produits alimentaires de base de zones où ils sont excédentaires sur des marchés où leurs prix sont plus élevés. La plupart de ces commerçants sont des femmes et leur activité constitue une source essentielle de revenus pour de nombreux ménages. Mais la plupart des douaniers sont des hommes, et des études révèlent que les commerçants transfrontaliers sont régulièrement victimes de différentes formes de harcèlement. Par exemple, dans la région des Grands Lacs, les femmes pauvres qui font du commerce transfrontalier doivent habituellement verser des pots-de-vin et un grand nombre d’entre elles font état d’actes de violence, de menaces et de harcèlement sexuel – comportements dont la majeure partie est passée sous silence. L’absence de sécurité économique et physique fragilise les moyens de subsistance de ces commerçantes et aggrave leur manque d’accès aux financements, à l’information et aux connaissances commerciales. Il est essentiel de réduire le nombre d’organismes et de responsables aux frontières, et d’améliorer la transparence et la prévisibilité du régime réglementaire si l’on veut créer un environnement favorable à la prospérité des commerçants et au développement de leurs activités. Services de distribution inefficaces qui entravent le commerce régional des produits alimentaires Les pauvres des bidonvilles de Nairobi paient proportionnellement plus pour les aliments de base que les personnes aisées dans les supermarchés. Cela montre à quel point le secteur de la distribution est important et qu’il ne fait pas, dans de nombreux pays, le lien entre les agriculteurs pauvres et les clients pauvres. Les mesures destinées à soutenir les agriculteurs et les petits commerçants pour qu’ils s’organisent mieux peuvent aider des opérateurs informels à participer à l’évolution des secteurs de la distribution. Des réformes sont aussi nécessaires pour fournir des cadres réglementaires afin de régir les services de distribution modernes. L’absence de système de licences et de règles de fonctionnement pour les entreprises de distribution, le caractère inadéquat des codes de l’investissement, du commerce, du travail et de la fiscalité – ainsi que l’absence de procédures de faillite – créent des incertitudes et pèsent sur les entreprises qui essaient d’exercer leurs activités dans les secteurs de la distribution formelle. Les améliorations apportées aux cadres réglementaires devraient supprimer des conditions d’entrée disproportionnées, telles que des procédures d’enregistrement longues, la détention de licences multiples ou des règlements de zonage inadaptés. En outre, les contrôles des prix dans la région et les cartels qui sévissent dans plusieurs pays africains empêchent la concurrence.

Une suppression des obstacles au commerce d’aliments de base qui jalonnent la chaîne de valeur permettra de réduire les coûts de transaction mais ne garantira pas l’efficacité du marché. Les défaillances de marché – telles que celles liées à une asymétrie d’information (un exploitant agricole en sait moins sur le contenu d’un sac d’engrais que le commerçant qui le lui vend) – requièrent la mise en place d’organismes qui contribuent à améliorer les résultats du marché, notamment ceux qui définissent et appliquent les systèmes de normalisation, d’organismes qui promeuvent les échanges sur les marchés de

matières premières et d’organismes qui diffusent des informations relatives aux marchés. Sous les régimes précédents – marqués par l’intervention massive de l’État, l’importance de ces organismes était secondaire. Cela nous conduit au troisième message : 3. Établir et réformer les organismes, et investir dans leur capacité à rendre les marchés de produits de base efficaces et stables La production et la distribution de produits agricoles fondées sur un système de marché, en particulier un système de marchés régionaux intégrés, doivent pouvoir s’appuyer sur des organismes qui favorisent les échanges et soutiennent le marché. Ces entités peuvent différer au niveau de leur nature et structure, mais leur objectif devrait être de soutenir les fonctions d’information et de distribution des marchés. Pourtant, le développement de ces organismes est compromis lorsque le régime réglementant le commerce des produits de base est incertain. Pour être efficaces, les régimes de normalisation dépendent de l’implication du secteur privé même si, dans de nombreux pays, des entités publiques jouent un rôle prépondérant dans le processus de définition des normes. Les organismes régissant les marchés de matières premières disposent de vrais moyens pour diminuer les coûts de transaction des exploitants agricoles : ils peuvent par exemple réduire le nombre d’intermédiaires et améliorer les conditions de négociation ; mais ils n’ont cependant pas obtenu de bons résultats en Afrique. L’une des raisons est que ces organismes ne peuvent pas se développer sans des politiques équitables. En outre, intervenir sur des territoires très vastes permet aux marchés d’accumuler des volumes de négociation suffisants pour exploiter des économies d’échelle et être rentables, ce qui leur impose de pouvoir intervenir au niveau international et nécessite des politiques commerciales régionales prévisibles. Les acteurs potentiels sont moins susceptibles d’engager les investissements nécessaires pour obtenir des informations relatives aux marchés – qui sont essentielles pour favoriser de nouvelles opportunités d’exploitation du commerce transfrontalier – lorsque l’environnement réglementaire induit des risques. Enfin, de nombreux organismes peuvent aider à s’attaquer aux inquiétudes relatives à la sécurité alimentaire et donc réduire le risque politique inhérent aux réformes, ce qui permet aux pays de s’engager en faveur d’une intégration des marchés régionaux de produits de base et de leurs facteurs de production. Par exemple, les marchés d’options et de contrats à terme sur denrées alimentaires de base offrent une solution alternative à la détention de stocks physiques d’aliments de base (grâce à des réserves de sécurité alimentaire) et aux échanges commerciaux qui limitent les importations pendant les périodes où il y a des excédents et les exportations lorsque la production est faible. Ces contrats garantissent l’approvisionnement en denrées alimentaires de base. Les systèmes de récépissés d’entrepôt peuvent aussi remettre en cause la nécessité de détenir ou de conserver des stocks d’aliments de base. Ces systèmes permettent aux exploitants agricoles de déposer un certain volume de produits de base dans un entrepôt privé où ceux-ci peuvent être regroupés avec d’autres produits de base de même qualité. L’exploitant reçoit un récépissé attestant du lieu et de la propriété. Le récépissé est un instrument négociable que l’on peut vendre ou utiliser comme garantie pour un prêt. Les assurances indexées sur les conditions météorologiques peuvent atténuer les impacts des chocs climatiques sur les agriculteurs. Ces assurances sont un type d’instrument financier dérivé souscrit pour compenser des écarts par rapport à des indices de température ou pluviométriques moyens établis à partir de données de stations météorologiques. Par exemple, si les chutes de pluie sont inférieures à un seuil fixé, ce qui entraîne des rendements plus faibles, un exploitant

agricole assuré percevra une indemnité pour compenser une production réduite de denrées alimentaires de base. Bien que ces organismes puissent jouer un rôle important pour soutenir une expansion du commerce régional, ils ne se développeront que si l’on change la manière dont les politiques régissant le commerce des denrées alimentaires sont définies et mises en œuvre. Ce qui nous amène au quatrième message en vertu duquel : 4. Les problèmes d’économie politique qui font obstacle à l’ouverture du commerce régional doivent être résolus. Malgré les engagements pris en faveur d’une ouverture du commerce régional des produits alimentaires, peu de choses ont été mises en œuvre ; les États continuent d’imposer des restrictions au commerce et de maintenir les obstacles et les obligations décrits précédemment. Un programme de réforme du commerce régional ne peut être crédible que si les pouvoirs publics s’engagent vis-à-vis de celui-ci et s’en approprient le processus. L’ampleur des travaux engagés par les États pour établir des groupes constitutifs nationaux pour préparer les réformes est l’un des signes de cet engagement et de cette appropriation essentiels. Les pouvoirs publics doivent expliquer la nécessité de changer les politiques et les impacts de ces changements, et parvenir à établir un consensus politique en faveur de marchés agricoles régionaux intégrés. La plupart des pays d’Afrique ont échoué dans ce domaine et peu de discussions ont été engagées sur l’impact des positions politiques actuelles et des avantages d’une approche régionale de la sécurité alimentaire. Certains acteurs gagneront et d’autres perdront à l’ouverture du commerce régional des produits alimentaires de base. Par exemple, lorsque la réforme réduit l’écart entre les prix à la production et les prix à la consommation, cela profitera aux agriculteurs et aux consommateurs pauvres ; les intermédiaires (organismes publics ou entités privées jouissant d’un bon réseau de relations) qui tirent des rentes du système actuel seront les grands perdants. Sans consensus politique et social autour de la réforme agricole, il est difficile de mettre en œuvre et de pérenniser un changement des politiques. Cela est particulièrement vrai si l’absence de consensus empêche la création de nouveaux dispositifs institutionnels qui atténuent l’impact des chocs futurs et de l’instabilité des marchés de produits agricoles. Dans de nombreux pays, l’absence d’environnement réglementaire stable et prévisible aux niveaux national et régional a provoqué de la méfiance entre l’État et le secteur privé. Cela pèse alors sur les investissements du secteur privé dans le domaine alimentaire et limite de ce fait la capacité des entreprises privées à développer la production et le commerce, tout en encourageant les pouvoirs publics à se prémunir contre une incapacité du secteur privé à fournir des produits alimentaires en cas de pénurie. On constate fréquemment une situation dans laquelle des entreprises du secteur privé sont davantage mues par la peur de perdre de l’argent que par la possibilité d’en gagner. Le défi majeur est de savoir comment créer un environnement compétitif dans lequel les pouvoirs publics prennent des engagements crédibles qui incitent le secteur privé à investir et réagissent pour atténuer les fluctuations de prix et garantir la sécurité alimentaire. Deux facteurs liés pourraient aider les États à créer des groupes constitutifs pour élaborer une réforme et aménager un environnement réglementaire stable et prévisible :

i.

ii.

Un dialogue participatif sur la réforme du commerce des denrées alimentaires éclairé par des données précises et d’actualité sur les marchés mondiaux, régionaux et nationaux. Dans beaucoup de pays d’Afrique, les décisions relatives aux politiques régissant le commerce des produits alimentaires sont principalement prises aux plus hauts niveaux de l’État et trop souvent sans analyse critique et sans envisager différentes options. Ces politiques font rarement l’objet de discussions ouvertes et les intérêts et opinions du large groupe de parties prenantes au commerce de produits alimentaires de base sont rarement représentés. De plus, lorsqu’il y a effectivement une discussion ouverte au sujet de la réforme du commerce, les décideurs s’appuient principalement sur les contributions de ceux qui ont une influence politique – c’est-à-dire des organismes publics dont la taille et l’influence sont fonction des dispositifs institutionnels en place, et des intérêts du secteur privé, notamment de ceux qui tirent des rentes en tant qu’intermédiaires. Une stratégie de réforme qui prévoit clairement un passage progressif vers des marchés régionaux intégrés plutôt qu’un passage brutal – bien que politiquement irréalisable – vers des marchés concurrentiels. La série d’obstacles au commerce qui jalonnent la chaîne de valeur montre, de même que la nécessité d’investir dans des organismes destinés à soutenir le marché, que la mise en place de marchés régionaux intégrés de produits alimentaires requiert plus qu’un engagement exceptionnel et que les réformes ne peuvent pas être appliquées d’un simple trait de plume. Ainsi, bon nombre de décideurs ne réussiront pas à instaurer des marchés régionaux compétitifs et ouverts pendant la durée de leurs mandats électoraux. La stratégie de réforme devra se dérouler par étapes progressives qui encourageront l’investissement en réduisant les incertitudes inhérentes aux politiques applicables au secteur privé et offriront des avantages réels et visibles. Parallèlement, cela permettra aux décideurs d’évoluer à un rythme compatible avec leurs évaluations du risque politique et leur capacité à répondre aux inquiétudes de ceux qui ont quelque chose à perdre du processus de réforme.

La première phase fixera des règles claires pour régir les interventions du secteur public sur les marchés de produits de base afin de réduire au maximum les incertitudes susceptibles de résulter d’interventions discrétionnaires. La difficulté est d’apporter de la rigueur aux mesures prises à court terme pour répondre à l’insécurité alimentaire immédiate – lesquelles peuvent avoir des conséquences préjudiciables à long terme sur le développement des marchés, la croissance de la productivité et la sécurité alimentaire. Pour promouvoir la transparence et la participation du secteur privé, les pouvoirs publics pourraient s’engager en faveur de procédures de notification précises, aux niveaux national et régional, avant que des restrictions aux exportations soient appliquées. Les États accepteraient de renoncer à interdire les exportations et d’appliquer un quota d’exportations défini annuellement, lequel pourrait être augmenté – mais pas réduit – pendant la campagne concernée. Les pays s’engageraient à limiter les stocks régulateurs publics à un niveau couvrant trois mois de besoins en cas d’urgence. Les pouvoirs publics conserveraient la capacité d’intervenir en période de crises alimentaires à court terme, mais garantiraient au secteur privé qu’ils ne procèderaient à aucun prélèvement sur les stocks et ne distribueraient pas arbitrairement des produits stockés, au risque d’induire des impacts sur les prix et la rentabilité. Des discussions plus éclairées et ouvertes sur les politiques régissant le commerce des produits alimentaires permettraient de promouvoir plus de confiance et de compréhension entre le secteur privé et l’État au sujet de la sécurité alimentaire. Le processus pourrait s’appuyer sur les mesures suivantes :







Améliorer l’accès des parties prenantes à des informations précises et d’actualité concernant les produits alimentaires de base. L’absence d’informations fiables et actualisées sur les récoltes, la demande, les stocks et les disponibilités à l’exportation a conduit à des mesures prises à la hâte, mal définies et non coordonnées pour faire face aux crises qui, à leur tour, ont entraîné une volatilité encore plus importante. Bien que les communautés régionales d’Afrique aient quelque peu progressé dans le développement de systèmes d’information, la communauté internationale pourrait aider à consolider les capacités et à renforcer ces organismes afin qu’ils puissent fournir des informations à jour et des prévisions valables sur les évolutions des marchés agricoles en Afrique et dans le monde. Installer des plates-formes de connaissances dans l’Union africaine (UA). Celles-ci collecteraient, analyseraient et diffuseraient des données et les meilleures pratiques en matière de réforme des politiques régissant le commerce des produits agricoles tout le long de la chaîne de valeur afin de promouvoir un accroissement des échanges intra-régionaux en Afrique. Les plates-formes réuniraient les parties prenantes, les législateurs et les organismes de contrôle, ainsi que des spécialistes de l’agriculture et du commerce. Elles garantiraient que les pays ont accès a) aux meilleures informations sur les règles et réglementations qui ont une incidence sur le commerce des produits de base, b) à une conception appropriée des réformes du commerce et des réglementations, et à des capacités pour une mise en œuvre efficace, c) aux résultats probables de réformes spécifiques, y compris les avantages globaux ainsi que l’identification de ceux qui sont susceptibles de souffrir des réformes, et d) à des solutions pour traiter d’éventuelles incidences préjudiciables au niveau de la distribution. Les plates-formes regrouperaient tous les acteurs pour discuter de la création de marchés régionaux intégrés pour les produits alimentaires de base. Les plates-formes basées dans l’UA diffuseraient aussi les expériences et les meilleures pratiques vers et en provenance des régions d’Afrique. Cela limiterait des duplications coûteuses des analyses, des conseils et de l’assistance technique entre les différents groupements régionaux d’Afrique. Nous proposons des plates-formes distinctes : une pour soutenir la réforme des réglementations régissant le commerce des produits alimentaires de base et le commerce des semences et des engrais, et une pour soutenir les initiatives facilitant les échanges et la logistique pour une circulation transfrontalière des produits de base. Le rapport souligne la série d’obstacles au commerce des produits alimentaires en Afrique qui jalonnent la chaîne de valeur. Les problèmes concernent de nombreux ministères et organismes publics : commerce, agriculture, santé et sécurité, transports et finances. Cela impose en conséquence une approche « pangouvernementale » pour libérer le commerce des denrées alimentaires, ce qui nécessitera un leadership puissant et efficace pour expliquer le bien-fondé des réformes et soutenir leur dynamique. Les dirigeants devront aussi faire des choix difficiles susceptibles de survenir dans la gestion des questions d’économie politique – obstacles qui ont jusqu’à présent bloqué la capacité de l’Afrique à exploiter le potentiel considérable dont elle dispose pour nourrir les Africains.