La Tanzanie: des progrès notables mais de nombreux

8 févr. 2012 - restent moins élevés que dans les autres pays à développement similaire. 1.2 Une scolarisation en progrès à tous les niveaux. Motif majeur de satisfaction, la Tanzanie est en voie datteindre lobjectif du millénaire pour le développement relatif à la scolarisation primaire universelle. La politique de gratuité a ...
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Les notes du Pôle de Dakar

TANZANIE

Note pays n°8 - Février 2012

La Tanzanie : des progrès notables mais de nombreux défis Depuis dix ans, l!éducation en Tanzanie a enregistré de nombreux progrès. La scolarisation est en hausse à tous les niveaux et l!objectif de scolarisation primaire universelle devrait être atteint d!ici 2015. Toutefois, certains résultats restent fragiles : les inégalités sont prégnantes et le système scolaire souffre de profondes défaillances. Les politiques éducatives doivent renforcer leur efficacité et se préparer à affronter les défis à venir.

1. Des motifs de satisfaction 1.1 Des ressources publiques à la hausse

de gratuité a visiblement porté ses fruits : l!accès au primaire est d!ores et déjà quasi universel et près de 90 % des élèves achèvent ce cycle d!études.

En Tanzanie, le financement de l!éducation est une priorité des autorités nationales. Après service de la dette, 26,5 % des dépenses courantes de l!Etat vont à l!éducation, ce qui représente un niveau élevé et supérieur à celui observé dans les pays de même niveau de développement (21,4 %). Stimulées par une forte croissance économique et une meilleure mobilisation des ressources nationales, les dépenses publiques allouées au secteur de l!éducation sont en constante augmentation depuis dix ans. En pourcentage du PIB, le niveau de dépense est passé de 2,5 % à 4,3 % entre 2000 et 2009. Ce niveau est bien supérieur à la moyenne des pays africains à faible revenu (3,3 %). Dans un contexte de forte pression démographique, les moins de 15 ans représentent près de 45 % de la population, la Tanzanie a su mobiliser d!importantes ressources pour répondre à la demande croissante d!éducation. Les ménages contribuent également au financement de l!éducation. Leur niveau de dépenses équivaut à 32 % des dépenses publiques d!éducation. Bien que ces coûts soient encore un frein à la scolarisation des enfants, ils restent moins élevés que dans les autres pays à développement similaire.

1.2 Une scolarisation en progrès à tous les niveaux Motif majeur de satisfaction, la Tanzanie est en voie d!atteindre l!objectif du millénaire pour le développement relatif à la scolarisation primaire universelle. La politique

Des progrès significatifs sont également observés pour les autres niveaux de scolarisation. L!enseignement préprimaire est relativement bien développé. Le taux brut de scolarisation y atteint près de 37 % en 2009 (une augmentation de 10 points depuis 2004) alors qu!il n!est que de 20 % dans les autres pays de la région. Les niveaux de scolarisation dans le secondaire et l!enseignement supérieur restent, quant à eux, en retrait en comparaison des autres pays africains. Mais d!importants progrès ont été réalisés. Le taux brut de scolarisation dans le premier cycle du secondaire s!est notamment fortement élevé, passant de 10,5 % en 2004 à près de 39 % en 2009. L!enseignement supérieur a également connu une très nette progression : les inscriptions à l!université ont

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augmenté à un rythme annuel moyen de 30 % sur la période 2005-2009. Avec 335 étudiants pour 100 000 habitants, la Tanzanie devrait rapidement rattraper le niveau des pays à développement comparable (381 étudiants en moyenne pour 100 000 habitants). Enfin, l!enseignement technique et la formation professionnelle sont davantage développés en Tanzanie que dans les autres pays à faible revenu (250 étudiants pour 100 000 habitants en 2009 contre 228).

1.3 Des progrès éducatifs ayant un impact sur le développement En Tanzanie, l!éducation a un impact social déterminant. Outre un effet décisif sur l!analphabétisme, la scolarisation permet d!améliorer un grand nombre d!indicateurs de capital humain comme la réduction de l!extrême pauvreté et la mortalité infanto-juvénile. L!éducation primaire est le niveau ayant le plus fort impact sur les aspects sociaux. Il contribue à hauteur de 60 % aux améliorations observées.

L!allocation et l!utilisation des ressources publiques sont particulièrement déséquilibrées. Alors que les budgets de l!enseignement supérieur ont augmenté de 27 % au cours de la dernière décennie, le niveau secondaire reste sous-financé. Depuis 2001, les dépenses publiques par élève du secondaire ont diminué de 50 %. La part du budget allouée à ce secteur est également faible vis-à-vis des autres pays : en Tanzanie, 13,5 % des ressources de l!éducation étaient, en 2009, destinées au secondaire contre 26 % dans les pays africains à développement comparable. Par ailleurs, les enseignants du secondaire sont moins bien rémunérés que les enseignants du primaire. Ce sous-financement est d!autant plus problématique que l!accès à un enseignement postprimaire est très limité. En 2009, 55 % des enfants accédaient au premier cycle du secondaire et seuls 23 % atteignaient la dernière année de ce cycle. L!accès au second cycle du secondaire (5 %) est, quant à lui, particulièrement faible.

1.4 Une éducation en lien avec le marché du travail Bien que la main d!œuvre qualifiée reste limitée, le nombre de personnes éduquées sur le marché de l!emploi est en nette amélioration. La proportion d!individus ayant atteint le niveau secondaire continue de progresser et le nombre de personnes possédant un niveau d!enseignement supérieur a doublé depuis 2001. Les rémunérations sont très liées au degré d!éducation. Le salaire moyen des diplômés du second cycle du secondaire est notamment très élevé ; il est plus de cinq fois supérieur à celui des individus diplômés du primaire et plus de huit fois supérieur à celui des non diplômés. Ceci suggère qu!il existe une importante demande de qualification. La formation professionnelle est enfin particulièrement mise en valeur par le marché. Le taux d!emploi des détenteurs d!une formation de ce niveau est de 85 % et leurs chances de décrocher un poste permanent sont très élevées. Ces résultats montrent qu!il existe un lien direct entre la qualification et l!emploi obtenu.

2. Des obstacles persistants 2.1 Des ressources publiques déséquilibrées Aux côtés de ces résultats positifs, la situation de l!éducation en Tanzanie reste critique à bien des égards.

2.2 Des résultats en demi-teinte Le système scolaire est marqué par un âge d!entrée à l!école très tardif. En 2006, seuls 36 % des élèves en voie d!achever un premier cycle d!étude avaient l!âge attendu (7 ans). Bien que le niveau d!efficacité interne soit relativement bon, des problèmes d!abandon sont à signaler. Dans le primaire, ces cas sont à l!origine de la perte de 8 % des ressources. La Tanzanie souffre, enfin, d!une qualité modeste des enseignements. Des progrès ont certes été réalisés, mais le niveau des acquisitions scolaires est toujours faible vis-à-vis des standards internationaux. Les

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performances aux examens nationaux sont particulièrement limitées en mathématiques et en sciences. Elles indiquent que peu d!élèves achèvent un degré d!étude avec le niveau souhaité.

2.3 De fortes disparités sociales et géographiques L!accès à l!enseignement scolaire est extrêmement inégal selon le genre, la zone de résidence et l!origine sociale des enfants. Pour la totalité des niveaux post-primaires, la participation des filles est inférieure à celle des garçons. Le rapport entre filles et garçons chute de 1,04 au primaire (où la parité est bien assurée) à 0,65 dans l!enseignement supérieur.

2.4 Un système administratif déficient En Tanzanie, un manque criant de professeurs subsiste. Le ratio d!élèves par enseignant était dans le primaire de 55 pour 1 en 2009, un niveau bien éloigné de l!objectif national et de la moyenne des pays à développement comparable (45 pour 1). Le pays se caractérise également par une mise à disposition d!enseignants insuffisamment lié au nombre d!élèves par école et d!importantes disparités entre régions. Des ratios d!élèves par enseignant inégaux entre régions

Les inégalités d!accès à l!éducation sont également particulièrement marquées entre zones rurales et urbaines. L!écart entre les taux bruts de scolarisation au niveau du premier cycle du secondaire (57 % en ville contre 22 % en campagne) témoigne de l!entendu de la disparité. Et des écarts significatifs entre régions viennent s!ajouter à ce tableau. Les disparités, en particulier celles liées à la richesse des ménages, augmentent aussi au cours des niveaux successifs d!éducation. Bien que la suppression des frais de scolarité ait eu un effet positif, les ménages les plus pauvres ont de véritables difficultés à faire face aux coûts de scolarisation indirects (uniformes, fournitures, manuels scolaires). Plus problématique encore, l!ensemble de ces disparités se cumulent. Pour 100 garçons issus d!un milieu aisé et urbain achevant le cycle primaire, on ne retrouve que 53 filles issues d!une famille pauvre en milieu rural. Et la chance de ces dernières d!atteindre un niveau supérieur est malheureusement infime. Des disparités qui se cumulent En pourcentage Accès au primaire Primaire achevé Accès au secondaire er 1 cycle er 1 cycle secondaire achevé Accès au secondaire nd 2 cycle nd 2 cycle secondaire achevé

Garçon riche en milieu urbain 98,8 94,2

Fille pauvre en milieu rural 92,5 50,1

55,4

7,1

36,5

1,1

21,3

0

12,8

0

Source : Enquête des ménages (HBS), 2007

Enfin, la répartition des ressources publiques est inéquitable. Près de 50 % du budget bénéficie aux 10 % d!élèves les plus éduqués, alors qu!une majeure partie d!entre eux est socialement privilégiée.

Source : Annuaire Statistique (BEST), 2009.

La proportion d!enseignants qualifiés reste un problème de taille. Bien qu!elle se soit améliorée dans le primaire (pour atteindre 90 %), elle a lourdement chuté dans le secondaire (de 90% à 76 % entre 2004 et 2009). Et la formation des enseignants ne permet pas de répondre à la demande croissante de scolarisation. Les manuels scolaires font, par ailleurs, défaut dans la plupart des écoles publiques. Il y a, en moyenne, un livre pour trois élèves dans le primaire et ce taux peut tomber jusqu!à un livre pour neuf dans le secondaire. Enfin, les écoles disposant de plus de ressources ne semblent pas produire de meilleurs résultats. Et l!allocation des subventions aux écoles pose problème. Les montants décaissés sont bien souvent inférieurs à ceux programmés, les délais d!obtention des fonds sont longs et les subventions, basées sur le nombre d!inscriptions, ne prennent pas en compte l!ensemble des besoins d!une école. Tous ces éléments soulignent d!importantes lacunes dans la gestion administrative et pédagogique du système éducatif.

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3. Des marges de progrès 3.1 Améliorer l!efficacité du système éducatif Poursuivre la politique d!amélioration de l!accès et de la rétention au secondaire est une priorité. Des gains d!efficacité dans l!ensemble du système devraient permettre de réallouer des financements pour ce secteur jusqu!à présent sous-financé. Les défaillances observées dans la gestion du système pédagogique montrent des voies d!optimisation des ressources nationales. Le processus de décentralisation devrait être poursuivi afin de renforcer les mécanismes de surveillance et de redevabilité au niveau local. Des économies d!échelles pourraient également être atteintes en réduisant la part des dépenses administratives dans l!enseignement supérieur. Enfin, il conviendrait de s!assurer que les enfants entrent à l!école à l!âge officiel. Le ministère de l!éducation pourrait à cet effet mener des campagnes de sensibilisation auprès des parents. Le développement du préscolaire pourrait également s!avérer une bonne solution.

3.2 Réduire les inégalités

transfert, d!avancements de carrière ou de meilleures conditions de travail. Un système de planification et de suivi efficace des allocations devrait également être mis en place.

3.3 Préparer l!avenir La hausse de la scolarisation primaire et secondaire devrait prochainement exercer une pression accrue sur les niveaux techniques et supérieurs. Il convient de se préparer dès maintenant à cette évolution. Bien que le secteur de l! « enseignement technique et formation professionnelle » bénéficie, en Tanzanie, de ressources supérieures à celles de nombreux pays africains, le financement de ses sous-secteurs est déséquilibré. L!enseignement technique non supérieur absorbe près de 60 % des dépenses du secteur contre 37 % pour la formation professionnelle. Il conviendrait de réduire cet écart afin de mieux préparer les élèves à l!entrée dans la vie active. En 2025, la Tanzanie devrait compter près de 600 mille étudiants dans l!enseignement supérieur. Pour garantir leur succès dans le monde du travail, il sera nécessaire de diversifier les offres de formation et d!accroître la professionnalisation des enseignements.

Se doter de politiques éducatives en faveur des populations les plus pauvres est une priorité pour lutter contre les inégalités. Retenir les élèves issus de ménages défavorisés au niveau du primaire et assurer leur transition vers les niveaux supérieurs est, à ce titre, un enjeu majeur. Des subventions ciblées sur ces familles ainsi qu!une plus juste répartition des allocations pourraient rendre l!école plus accessible aux pauvres. Des programmes d!alphabétisation, associés à des campagnes de sensibilisation des adultes, pourraient également réduire certaines réticences culturelles à l!accès à l!école. L!absence d!infrastructures scolaires dans un rayon proche est aussi un obstacle de taille pour l!accès à l!enseignement. De nouvelles écoles pourraient être construites dans les zones non desservies en compensant éventuellement les surcoûts, souvent engendrés par les petits établissements, par un enseignement multigrade. Le développement de l!enseignement à distance pourrait également réduire la fracture entre urbains et ruraux. Afin de réduire la disparité géographique de l!offre éducative, il conviendrait également de mener une politique d!incitation à destination des professeurs. Celleci pourrait prendre la forme de primes, d!indemnités de

Cette note est une présentation synthétique du Rapport d!analyse sectorielle en Tanzanie, paru en 2011. Co-auteurs du rapport pour le Pôle de Dakar : Borel Foko et Diane Coury. Rédacteur de la note : Jonathan Jourde.

www.poledakar.org

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