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la rétroaction h. Le clinicien-enseignant est une personne- ressource et un guide pour l'apprentissage. • En situation d'incertitude, recherche l'opinion.
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L A MOTIVATION À L’APPRENTISSAGE EN MILIEU DE STAGE Gilbert Sanche et Suzanne Laurin

Votre stagiaire accomplit la tâche clinique minimale : ce n’est jamais lui qui voit le dernier patient, il intervient peu lors des réunions de discussions de cas et ne vous pose jamais de questions. Son apparent manque de motivation pour le stage commence à vous peser, et vous sentez votre intérêt à lui enseigner fondre rapidement... Que faire ? La formation clinique nécessite un engagement dans un processus actif d’apprentissage de la part du stagiaire. Ce dernier a la responsabilité de saisir toutes les occasions qui lui sont offertes de développer ses compétences1. Dans cette perspective, la motivation prend une importance capitale puisqu’elle devient le moteur principal des apprentissages et, conséquemment, de la réussite des stagiaires. Quels sont les déterminants de la motivation ? Comment susciter la motivation ? Nous allons tenter de répondre à la première question dans cette chronique et aborderons les interventions pédagogiques susceptibles de favoriser la motivation des stagiaires dans un prochain numéro.

LA MOTIVATION : UNE DÉFINITION Vallerand et Thill2 définissent la motivation comme « les forces internes et externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement ». La motivation est donc ce qui pousse quelqu’un à agir. Dans le contexte d’enseignement clinique, il s’agit de la ou des forces qui incitent un stagiaire à entreprendre une activité d’apprentissage (théorique ou clinique) et à persévérer dans sa réalisation. On reconnaît généralement deux types de motivations : intrinsèque (recherche de plaisir ou de satisfaction par l’accomplissement d’une tâche*) et extrinsèque (recherche de récompense, évitement de sanctions ou de désagré­ ments). Deci et Ryan3 ont décrit trois niveaux de motivation extrinsèque auxquels sont associés des degrés d’autonomie d’engagement et de persévérance croissants. Inspiré des travaux de Deci et Ryan, le tableau I 3 illustre les types de motivation et leurs déterminants.

*Dans cet article, on entend par « tâche » une action clinique (procéder à une consultation, appliquer des stratégies de communication efficaces, gérer des résultats d’analyses, etc.) ou d’apprentissage (assister à un cours, lire un article, etc.).

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La motivation intrinsèque est le plus puissant facteur d’au­ tonomie dans l’apprentissage : des études ont montré qu’elle est directement liée au degré d’engagement, de persévé­ rance, d’efficacité et de performance4. D’un point de vue réaliste, il faut convenir que toutes les tâches ne comportent pas le même potentiel de satisfaction et que l’on doit aussi compter sur la motivation extrinsèque, soit les normes et les obligations, comme levier d’apprentis­ sage. L’évaluation est également un facteur de stimulation qui incite le stagiaire à se dépasser et à atteindre des objec­ tifs supérieurs. Le travail du clinicien enseignant consiste donc à créer, le plus souvent possible, les conditions qui permettront de sus­ citer la motivation intrinsèque de son stagiaire dans le cadre d’un programme constitué d’éléments ou de tâches qui ne représentent pas pour lui le même degré d’intérêt.

LES FACTEURS QUI INFLUENT SUR LA MOTIVATION Plusieurs facteurs contribuent soit à faire naître et à entretenir la motivation des stagiaires, soit à lui nuire. Parce qu’ils sont en bonne partie modifiables, ils constituent des cibles d’in­ tervention pédagogique intéressantes pour les enseignants.

LE CONTEXTE PÉDAGOGIQUE Le climat de travail, l’attitude des collègues et des cliniciens enseignants, de même que le sentiment d’être reconnu dans son milieu d’apprentissage clinique sont autant de facteurs qui renforcent la motivation d’un stagiaire. L’in­ différence d’un superviseur qui ne reconnaît pas les efforts

La Dre Suzanne Laurin, médecin de famille, est professeure agrégée de clinique au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence (DMFMU) de l’Université de Montréal. Le Dr Gilbert Sanche, médecin de famille, est aussi professeur agrégé de clinique au DMFMU.

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TABLEAU I

TYPES DE MOTIVATION SELON UN ORDRE CROISSANT D’EFFETS SUR L’AUTONOMIE DANS L’APPRENTISSAGE3

Type de motivation

Déterminant de la motivation

Motivation extrinsèque

Motivation intrinsèque

TABLEAU II

Exemples

Être apprécié

L’individu agit pour obtenir une récompense ou éviter une punition.

Le stagiaire accepte de voir un patient supplémentaire pour être félicité par son superviseur ou par crainte d’obtenir une mauvaise note à l’évaluation de stage.

Répondre aux normes

L’individu agit pour répondre aux attentes dictées par son environnement social ou professionnel.

Le stagiaire assiste aux cours ou aux réunions parce que c’est obligatoire.

Répondre à un impératif

L’individu agit pour atteindre un objectif, réaliser un projet ou encore satisfaire des valeurs ou des normes personnelles, même si l’intérêt pour ce qu’il accomplit est faible.

Le stagiaire révise l’anatomie de l’épaule parce qu’il devra procéder à une infiltration tendineuse.

Satisfaire un besoin personnel

L’individu agit par plaisir, pour obtenir une satisfaction, hors de toute contrainte extérieure.

Le stagiaire accepte de voir un patient supplémentaire au service de consultation sans rendez-vous parce qu’il aime la clinique.

FACTEURS QUI INFLUENT SUR LA MOTIVATION5

Perception de la tâche

Conditions

Pertinence

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Degré de difficulté

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Faisabilité

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Définition

Le stagiaire perçoit l’utilité de la tâche pour l’apprentissage qu’il en tire ou pour la qualité du service clinique. La tâche conduit à un résultat profitable pour le stagiaire. L’accomplissement de la tâche fait l’objet d’une reconnaissance ou d’une évaluation. La réussite de la tâche est probable si le stagiaire fait des efforts. Le défi est stimulant. Le degré d’autonomie accordé au stagiaire est adapté à son niveau de compétences. Le temps accordé est raisonnable. Les moyens nécessaires à la réalisation de la tâche sont disponibles. Le stagiaire a un certain contrôle sur la tâche.

Le Médecin du Québec, volume 51, numéro 8, août 2016

accomplis, le sentiment de ne pas compter dans l’équipe de soins ou encore une atmosphère de travail négative ont l’effet contraire.

LA PERCEPTION DE LA TÂCHE ET DE LA COMPÉTENCE DU STAGIAIRE À L’ACCOMPLIR La perception qu’a un stagiaire de la tâche qu’on lui demande et de sa capacité à l’accomplir a un effet sur sa motivation. Des facteurs propres à la tâche, mais aussi aux conditions de sa réalisation en ce qui a trait aux moyens et à l’autono­ mie accordés au stagiaire ont un effet sur cette perception (tableau II)5. Des éléments de personnalité et d’estime de soi entrent éga­ lement en jeu dans l’appréciation que le stagiaire fait de sa capacité à accomplir une tâche : un stagiaire peu sûr de lui pourrait perdre sa motivation devant une difficulté, tandis qu’un autre y verra un défi. A contrario, une tâche trop simple pourra démotiver un stagiaire qui possède un degré de compétence élevé. Le superviseur devra alors adapter sa supervision et le soutien apporté à la compétence réelle du stagiaire, mais aussi à la perception que ce dernier a de sa compétence, et mettre en place, dans son milieu, les condi­ tions pédagogiques qui permettront aux stagiaires de voir les tâches cliniques comme valorisantes, utiles et faisables.

LA PERCEPTION DES BUTS DU STAGE Selon Elliot et Dweck6, les apprenants perçoivent deux types de buts à l’école : l’apprentissage et l’évaluation. Dans le pre­

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TABLEAU III

Attitude du stagiaire lors des activités d’apprentissage cliniques et théoriques

Devenir un clinicien compétent

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Obtenir une bonne évaluation ou éviter l’échec

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Manifeste ses besoins d’apprentissage, peu importe ses chances de bien paraître. • Demande au superviseur de corriger son examen du genou parce qu’il le maîtrise mal.

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Est à l’affût des occasions d’apprendre. • Accepte de prendre part à un jeu de rôle.

Est à l’affût des occasions de montrer sa compétence. • Choisit de présenter sur un sujet parce qu’il excelle dans ce domaine.

Accepte de prendre des risques, car faire face à une difficulté ou à une erreur peut l’aider à s’améliorer. • Discute d’une situation clinique qui lui a paru difficile lors d’une réunion de discussion de cas. Le clinicien-enseignant est une personneressource et un guide pour l’apprentissage. • En situation d’incertitude, recherche l’opinion du superviseur sur la décision à prendre.

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La rétroaction est une source d’information pour faire le point sur ce qui est acquis et pour se fixer des objectifs d’apprentissage. • Demande au superviseur ce qu’il a pensé de sa manière de rassurer son patient inquiet.

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Reconnaît ses difficultés. Respecte ses limites. Se sent responsable de ses actions. • Reconnaît ne pas maîtriser les traitements antibiotiques et a prévu un programme de lectures et d’exercices de résolution de problèmes.

mier cas, l’étudiant considère l’école comme un endroit qui lui permettra d’accroître ses connaissances et ses compé­ tences. Dans le second, il voit l’école comme un lieu où il doit manœuvrer pour réussir l’évaluation et, accessoirement, devenir compétent. Ce système de perception existe aussi chez les stagiaires qui adoptent, comme l’ont décrit Giroux et Girard7, une « position d’apprentissage » ou « une position d’évaluation » durant les stages. Cette attitude conditionne non seulement leur motivation à s’engager dans l’exécution d’une tâche, mais aussi leurs objectifs de stage.

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Module sa participation selon ses chances d’être bien perçu. • Demande de remplacer les consultations en santé des femmes par de la pédiatrie parce qu’il est plus à l’aise avec les enfants.

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Reconnaissance des difficultés

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Position d’évaluation

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Perception qu’a le stagiaire des enseignants et de la rétroaction

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COMPORTEMENTS ET ATTITUDES DES STAGIAIRES SELON QU’ILS ADOPTENT UNE POSITION D’APPRENTISSAGE OU D’ÉVALUATION8 Position d’apprentissage

Objectif principal du stagiaire

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Évite de prendre des risques par crainte de l’erreur ou de la mauvaise performance. • Ne pose pas de question par crainte de donner l’impression de manquer de connaissances.

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Le clinicien-enseignant est un juge et un évaluateur à satisfaire ou à convaincre. • En situation d’incertitude, argumente pour convaincre le superviseur que la décision qu’il a prise était la meilleure.

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La rétroaction est menaçante et n’est souhaitée que dans la mesure où elle sera favorable. • Recherche la rétroaction du superviseur le plus « gentil ».

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Tait ou camoufle ses difficultés. Surestime ses capacités. h Attribue ses mauvaises actions à des facteurs externes. • Se justifie en attribuant ses problèmes de gestion de temps à la difficulté qu’ont les patients à bien circonscrire leurs problèmes. h h

Le tableau III 8 liste les comportements qu’auront les sta­ giaires selon qu’ils adoptent une position d’apprentissage ou d’évaluation. L’adoption d’une position d’apprentissage ou d’évaluation n’est pas le seul fait de la personnalité du stagiaire. Les cli­ni­ ciens enseignants peuvent créer un environnement fa­vo­rable à l’adoption d’une position d’apprentissage, notamment en s’assurant que le stagiaire est considéré par tous les membres de l’équipe clinique comme un apprenant qui peut faire des

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erreurs et en formulant la rétroaction de manière respec­ tueuse et constructive.

D’AUTRES FACTEURS Des problèmes personnels, de santé physique ou mentale, ou encore d’autres problèmes déjà abordés dans une pré­ cédente chronique8 peuvent affecter la motivation d’un stagiaire. Nous ne saurions trop conseiller aux cliniciens enseignants qui perçoivent de telles difficultés de discuter avec leur stagiaire et de lui recommander d’aller chercher de l’aide professionnelle.

CONCLUSION Dans une perspective d’approche par compétence, la mo­ti­ vation constitue le moteur de l’apprentissage de nos stagiaires et un facteur clé de réussite. Le clinicien enseignant a un rôle à jouer pour stimuler cette motivation en agissant sur les facteurs qui peuvent l’influencer favorablement et susciter l’adoption d’une position d’apprentissage chez son stagiaire.

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MILLE ET UNE QUESTIONS EN PÉDIATRIE Nous vous proposerons, dans une prochaine chronique, une approche et des mesures à mettre en œuvre dans les milieux de stage pour soutenir la motivation des stagiaires. //

BIBLIOGRAPHIE 1. Laurin S, Audétat M-C, Sanche G. L’approche par compétences : lubie pédagogique ou réel progrès ? Le Médecin du Québec 2013 ; 48 (3) : 87-90. 2. Vallerand RJ, Thill EE. Introduction au concept de motivation. Dans : Vallerand RJ, Thill EE, rédacteur. Introduction à la psychologie de la motivation. Laval : Éditions Études vivantes ; 1993. p. 3-39. 3. Deci EL, Ryan RM. Intrinsic Motivation and Self-Determination in Human Behavior. New York : Editions Plenum Press ; 1985. 372 p. 4. Pelaccia T, Delplancq H, Tribby E et coll. La motivation en formation : une dimension réhabilitée dans un environnement d’apprentissage en mutation. Pédagogie Médicale 2008 ; 9 (2) : 103-21. 5. Tardif J. Pour un enseignement stratégique. L’apport de la psychologie cognitive. Montréal : Éditions Logiques ; 1997. 474 p. 6. Elliot AJ, Harackiewicz J. Approach and avoidance achievement goals and intrinsic motivation: A mediational analysis. Personality and Social Psychology 1996 ; 70 : 461-75. 7. Giroux M, Girard G. Favoriser la position d’apprentissage grâce à l’interaction superviseur-supervisé. Pédagogie Médicale 2009 ; 10 (3) : 193-210. 8. Laurin S, Sanche G, Audétat MC. Comment le clinicien enseignant peut-il agir sur le professionnalisme de ses stagiaires ? Le Médecin du Québec 2015 ; 50 (7) : 65-7.

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