La monnaie dans une théorie des actifs financiers - Institut Coppet

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part que « les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage ...
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« LA MONNAIE DANS UNE THÉORIE DES ACTIFS FINANCIERS »

TRADUCTION FRANÇAISE de « Money in a theory of Finance» by JOHN G. GURLEY and EDWARD S. SHAW with a mathematical appendix by Alain C. ENTHOVEN The BROOKINGS INSTITUTION WASHINGTON DC 1960

Traduction effectuée par : A. FAURE, Maître-Assistant (Chapitre II). M. H. GILMAN-ALMARIC, Chargé de Cours (Chapitre VI). J. D. LAFAY, Maître de Conférences (Chapitres I et III). R. MALAFOSSE, Assistant (Chapitre VII). B. PHILIPPE, Assistant (Chapitre IV). F. RAWSTORNE, Lecteur d'anglais. M. RoDRIGUEZ, Assistant (Chapitre V). H. SOLANS, Assistant (Appendice).

John G. GURLEY Edward S. SHAW

Traduction effectuée par le CENTRE DE TRADUCTIONS ÉCONOMIQUES DE PERPIGNAN Sous la direction de Jean Dominique LAFA Y

COLLECTION DU CENTRE UNIVERSITAIRE DE PERPIGNAN - VOLUME 1

ÉDITIONS CUJAS 19, r. Cujas Paris

© Editions Cujas, 1973 La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part que « les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

PRÉFACE DE LA TRADUCTION FRANÇAISE

La parution de cet ouvrage arrive à point nommé, pour montrer comment la conjonction de quelques « vertus» peut triompher une fois n'est pas coutume- des obstacles et inégalités qui obèrent la vie d'un petit établissement d'Enseignement Supérieur. Non pas qu'à prime abord les talents y soient plus rares qu'ailleurs. Ils sont seulement supposés, par une sorte de norme, ne point avoir l'audace d'y exister. Et le plus singulier, c'est que, la plupart du temps, les intéressés ont tellement intériorisé cette règle qu'elle leur parait ressortir au naturel universitaire ! La section de Sciences Economiques du Centre Universitaire avait l'habitude de travailler d'enthousiasme tant pour les étudiants - ce qui devrait être un minimum ! - que pour la recherche aussi bien théorique qu'appliquée. Elle n'avait pas attendu la mode pour sortir de l'Université et rien de ce qui intéressait la Cité ne lui était étranger. Elle gardait seulement le comportement modeste d'une section qui, dépourvue d'enseignant de rang magistral, ne pouvait faire entendre officiellement sa voix. Enfin Lafay nous vint ! Jean-Dominique Lc{/ày, .JeUIU! maitre de conf'érences, spécialiste

des problèmes monétaires, auteur d'une thèse remarquable, « Monnaie, dépenses autonomes et produit national», élaborée sous l'égide du professeur André Chaineau, arriva un jour à Perpignan et devint le chef de file de la section et l'inspirateur d'un certain nombre de travaux. L'ambiance était bonne et, bien que le malheur des temps fit que M. Lafay ne restât pas à Perpignan, le coup d'envoi était donné; c'est pourquoi, fruit d'une camaraderie scientifique assez

Préface de la traduction française

VII

rare pour être signalée, paraît aujourd'hui l'ouvrage pour la préface duquel on nous demande ces quelques mots. C'est donc une grande joie pour nous, les « debs » de l'Enseignement Supérieur, de voir imprimé ce travail d'équipe. C'est seulement cet aspect humain que voulait souligner un Président profane qui n'avait d'autre titre réel pour écrire ici que la grande amitié qu'il porte à la Section de Sciences Economiques. Georges RIERA, Président du centre universitaire de Perpignan.

PRÉSENTATION DE LA TRADUCTION FRANÇAISE

« La monnaie dans une théorie des actifs financiers » est un des plus célèbres traités de théorie et de politique monétaires de l'après-guerre. Une nouvelle lecture de cet ouvrage, plus de dix ans après sa parution, montre clairement que, s'il a connu le succès qu'il méritait, ce n'a pas toujours été pour ce qu'il méritait. Vers la fin des années cinquante J. Gurley etE. S. Shaw avaient été au centre d'une controverse très importante sur l'efficacité de la politique monétaire et sur le rôle des intermédiaires financiers non bancaires (cf. [8], pp. 140 et suiv.). La publication de« Money in a theory of finance» en 1960 est alors apparue à beaucoup comme une simple mise en forme synthétique et définitive des arguments développés antérieurement par G. Gurley etE. S. Shaw. S'il ne s'était agi que de cela, l'ouvrage aurait perdu une grande partie de son intérêt. En effet, depuis 1966, ce n'est plus le développement rapide des Institutions financières non bancaires américaines qui inquiète mais l'inverse, la baisse de leur niveau d'activité, à la suite de l'instauration d'un taux maximum de rémunération des dépôts et de la hausse des autres taux d'intérêt (cf. [10]). En France, c'est surtout le cadre comptable défini par Gurley et Shaw qui a retenu l'attention (cf. [1] et [5], p. 23). Les auteurs français y ont essentiellement vu une justification de l'intérêt porté aux flux financiers par les « tableaux d'opérations financières », tout récents à l'époque. En revanche, les deux principaux critiques de Gurley et Shaw, Don Patinkin [11] et A. Marty r·'l, ont su reconnaître avec précision l'originalité profonde de « Moncy in a theory of finance ».

XII

Présentation de la traduction française

Don Patinkin a centré sa critique sur les deux problèmes importants que sont la neutralité monétaire et la théorie pure du secteur bancaire, tels qu'ils étaient posés dans les chapitres I, Il, III et VII. Le désaccord de Patinkin concernant la neutralité de la monnaie est, comme le remarque E. M. Claassen [4], essentiellement lié à un problème de définition : les « effets de portefeuille» définis par Gurley et Shaw sont-ils compatibles avec l'hypothèse d'effets de distribution neutres ? non pour Patinkin, oui pour Gurley et Shaw. En revanche Patinkin montre à juste titre qu'il n'est pas nécessaire d'introduire des « effets de portefeuille » pour pouvoir déterminer les prix, même dans un modèle contenant uniquement de la monnaie interne (cf. [Il] et [12], p. 297 et suiv.). Comme Patinkin le note ailleurs, ce n'est que dans une économie de crédit pur avec « laissez-faire» dans le secteur bancaire que le système est sous-déterminé (cf. [12], p. 302-303). Patinkin remarque enfin avec raison qu'il est nécessaire de fixer la valeur nominale des réserves et un taux de rémunération (celui des réserves ou celui des dépôts bancaires) pour pouvoir déterminer les prix (cf. Chapitre VII). L'imprécision de Gurley et Shaw, pour qui il suffit de fixer au choix deux des trois variables précédentes (réserves nominales ou taux de rémunération des dépôts ou taux de rémunération des réserves), vient de ce qu'ils n'ont pas tenu compte du caractère homogène de leur modèle par rapport aux prix et aux valeurs nominales : le modèle a certes deux degrés de liberté, mais il y a en plus une contrainte d'homogénéité qui rend obligatoire la fixation des réserves nominales. A. Marty s'est surtout attaché aux problèmes de neutralité monétaire dans une hypothèse de croissance. On notera cependant que les critiques de Marty, pour intéressantes qu'elles soient (elles influenceront toute la théorie de la croissance monétaire cf. [9]), ne sont pas logiquement fondées car elles ne retiennent pas, même si c'est à juste titre, l'hypothèse de stationnarité des anticipations de prix posée par Gurley et Shaw. Les analyses de Gurley et Shaw ont été développées dans plusieurs directions au cours des années 60.rEn ce qui concerne la théorie du développement financier en, longue période, Gurley et Shaw eux-mêmes ont rassemblé et étoffé leurs digressions éparses de « Moncy in a theory of finance » dans un article particulièrement intéressant, « Financial structure and economie development » [6]. Christian et Pagoulatos font le point sur ce sujet en 1973 dans [3]. L'analyse bancaire et financière de Gurley et Shaw a inspiré directement la« New view »(cf. Tobin [16]), qui reprend et déve-

Présentation de la traduction française

XIII

loppe la notion de médiation monétaire et financière dans le cadre de la théorie des choix de portefeuille. On peut dire aussi, paradoxalement et bien que les auteurs concernés s'en défendent (cf. [13], p. 206 note 6), que Gurley et Shaw sont dans une certaine mesure des précurseurs de Pesek et Saving. Pour Gurley et Shaw comme pour Pesek et Saving la banque est une entreprise commerciale, qui cherche à rendre maximum ses profits, qui possède une fonction de production de dépôts (intégrant même indirectement le facteur travail par le taux de salaire réel) et dont la valeur boursière dépend étroitement du taux de rentabilité de son capital propre (cf. Chapitre VII). La distinction entre monnaie interne et monnaie externe a connu une grande vogue chez les théoriciens de la croissance monétaire (cf. Tobin [17]), car elle a des conséquences importantes sur l'effet de richesse : cet effet ne joue que si la création monétaire est de type externe (cf. Saving [14]). Cependant cette distinction tendra à accréditer l'idée dangereuse qu'il existe deux formes différentes de monnaie ; la confusion surprenante de A. Mcltzer qui assimile la monnaie interne aux dépôts à vue et la monnaie externe aux billets (cf. [9]) en est la meilleure illustration. Affirmer qu'il existe deux catégories de contreparties ne signifie pas qu'il existe deux formes de monnaie : prétendre le contraire reviendrait à faire, au niveau des biens, une différence de nature technique entre une automobile achetée au comptant (contrepartie monnaie) et une automobile achetée à crédit (contrepartie actif financier). On trouvera une critique analogue dans [13] pp. 201 et suivantes. De plus, la nature externe de la monnaie créée contre actifs financiers de l'état ou de l'étranger repose sur l'hypothèse d'une assymétrie de comportement entre ces secteurs « externes» et les secteurs «internes». Or, si l'on tient compte de tous les effets sur 1es dépenses et recettes de l'état et de l'étranger d'une créa ti on de monnaie « externe », il n'y a plus de différence avec la création de monnaie interne (cf. [ 13]. p. 223 [9] et [14]). En réalité la distinction entre monnaie interne et monnaie externe est un moyen d'introduire indirectement le marché des titres sans avoir à l'étudier explicitement. Or, il nous semble méthodologiquement préférable d'écrire les équations de ce marché, que ce soit sous une forme simplifiée comme chez Shapiro [15] ou sous une forme plus complète comme chez Brunner et Meltzer [2]. En fin de compte l'importance accordée au marché des crédits par la «nouvelle macroéconomie» [2] consacre l'abandon de la distinction entre monnaie interne et monnaie externe. Mais, si l'on a tendance

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Présentation de la traductionfrançaise

maintenant à utiliser un autre mode d'analyse, n'est-ce pas mieux reconnaître ce qui constitue l'idée centrale de l'ouvrage de Gurley et Shaw, la nécessité de prendre en compte les actifs financiers ? Une partie de l'analyse de Gurley· et Shaw n'a pas, à notre connaissance, fait l'objet de développements suffisants. Il s'agit de la théorie du contrôle monétaire et de la gestion concertée de la dette publique exposée dans les chapitres VI et VII. Depuis une dizaine d'années on a estimé un grand nombre de modèles d'offre de monnaie, mais ces modèles s'attachent souvent à reproduire un cadre institutionnel donné. Le problème de la politique monétaire est certes de savoir comment le secteur bancaire réagit aux mesures effectivement mises en œuvre, mais n'est-il pas aussi de rechercher quels instruments nouveaux sont envisageables et quelle efficacité on peut a priori leur attribuer ? On terminera cette analyse, trop brève et incomplète, par le problème de l'assimilation entre institutions financières bancaires et institutions financières non bancaires, tant reprochée à Gurlcy et Shaw. Institutions financières bancaires ct Institutions financières non bancaires sont semblables par certains côtés, dissemblables par d'autres. Rappeler cette évidence première permet de mieux comprendre l'inutilité de cette fausse querelle. Les deux types d'institutions ont en commun de permettre d'accroître le niveau auquel s'égalisent l'épargne et l'investissement, grâce à l'émission de titres indirects (c'est-à-dire contrebalancés par d'autres titres). Cet effet externe, favorable pour une collectivité qui recherche la croissance, est le phénomène qu'étudient Gurley et Shaw dans une grande partie de leur ouvrage. Il est donc normal que, compte tenu du problème qui les intéresse, Gurley et Shaw ne distinguent pas les deux types d'institution. Mais Gurley et Shaw reconnaissent le caractère particulier et essentiel de moyen de paiement des actifs monétaires. Ils ne prétendent jamais, comme Tobin par exemple [16], que, dans tous les cas, ce caractère est un caractère annexe, ni plus ni moins différent des prestations «annexes» de sécurité apportées par un contrat d'assurance-vie. Depuis sa parution en 1960, l'intérêt porté à 1'ouvrage de Gurley et Shaw ne s'est jamais démenti, comme en témoignent· ses multiples réimpressions en langue anglaise. Il doit d'avoir passé avec succès l'épreuve du temps à sa richesse et à son originalité. Les économistes y trouveront, pendant longtemps encore, un moyen efficace pour approfondir leurs connaissances et une matière première précieuse pour stimuler leurs recherches. Jean-Dominique

LAFA Y.

Présentation de la traduction française

xv

[1] (P.) BIACABE. - «Intermédiaires financiers, comptabilité nationale et théorie monétaire. » Revue de science financière ( 1962). [2] (K.) BRUNNER et (L.) MELTZER. - « Money, Debt and economie activity. » American economie Review ( 1972). [3] (J.) CHRISTIAN et (E.) PAGOULATOS.- « Domestic financial markets in developping economies.» Kyklos (1973). [4] (E.) CLASSEN. - « La Neutralité de la monnaie. Quelques aspects théoriques. » Cahiers du Séminaire d'économétrie rfJ 7 (1964). [5] (J.) DENIZET.- «Monnaie et Financement», }re édition (1967). [6] (J.) GURLEY et (E.) SHAW.-« Financial Structure and economie developpement. » Economie development and cultural change ( 1967). [7] (A.) MARTY.-« Gurley and Shaw on money in a theory of finance.» Journal of Political economy (1961). [8] (Th.) MAYER.-« Monetary policy in the US» (1968). [9] (L.) MELTZER.- « Money intermediation and growth. »Journal of Economie Litterature (1 969). [10] 10.) MuLLINEAUX. - « Interest-Rate Ceilings and the Treasury. Bill Market. » New England economie Review ( 1973). [Il] Don PATINKIN.- « Financial intermediaries and the logical structure of monetary theory. » American economie Review (1961). [12] Don PATINKIN.- « Money lnterest and Priees», 2e édition (1965). [13] (B.) PESEK et (Th.) SAVING.- « Money Wealth and economie theory » (1967). [14] (Th.) SAVING.- « Outside money, inside money and the real balance effect. » Journal of money credit and banking (1970). [15] (R.) SHAPIRO. - « Financial intermediaries, credit availability and aggregate demand. » Journal of finance ( 1966). [16] (J.) TOBIN.-« Commercial banks as creators of Money » in D. Carson : Banking and Monetary Studies (1963). [17] (J.) TOBIN.-« Notes on optimal monetary Growth. » Journal of political economy (1968).

SOMMAIRE

Avant-Propos ............................................. XXV Préface des auteurs ........................................ .XXIX CHAPITRE

I. -Introduction ................................. .

1 . 1 Marchés des Actifs Financiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1. 2 Plan des chapitres ultérieurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 . 3 Méthodes et lacunes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

5 6 10

II.- Analyse financière dans une économie élémentaire..

13

Les secteurs, les marchés et les comptes globaux ...... Types de comportements économiques ...... : ....... Le marché de la monnaie .......................... L'équilibre stationnaire ........................... Croissance réelle avec baisse des prix ................ Croissance réelle avec stabilité des prix .............. La politique monétaire ............................ Les obstacles financiers à la croissance réelle ......... Innovations dans le système financier ............... Résumé ........................................

. . . . . . . . . .

16 26 30 33 35 36 37 43 46 49

III.- Monnaie et titres primaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

53

Secteurs, marchés et structures financières . . . . . . . . . . . . Types de comportement économique. . . . . . . . . . . . . . . . . Le marché de la monnaie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Equilibre stationnaire dans le second modèle . . . . . . . . . . Croissance réelle dans le second modèle . . . . . . . . . . . . . . Politique monétaire dans le second modèle. . . . . . . . . . . .

56 59 65 72 74 76

CHAPITRE

2.1 2.2 2.3

2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9 2.10 CHAPITRE

3. 1 3. 2 3. 3 3 .4 3. 5 3. 6

xx

Sommaire 3. 7 Politique monétaire dans une version modifiée du second modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.8 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

CHAPITRE

4. 1 4. 2 4. 3 4.4 CHAPITRE

77 83

Croissance financière et différenciation des titres . .

85

Titres primaires et titres indirects . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Croissance des titres primaires et des actifs financiers . . . Différenciation des titres primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

88 90 107 118

v. -

121

IV. -

La monnaie dans une structure financière complexe

5. 1 Monnaie et phénomènes financiers : différents types d'analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. 2 Demande de monnaie dans des portefeuilles diversifiés. . 5. 3 Différenciation des titres primaires et demande de monnaie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 .4 Différenciation des actifs et équilibre monétaire. . . . . . . 5. 5 Croissance historique de la demand. de monnaie. . . . . 5. 6 Conséquences de la croissance de la demande de monnaie pour la politique économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. 7 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

124 137 145 157 161 162 169

VI.- Les intermédiaires financiers non nwnétaires . . . . .

173

Les éléments de la médiation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le marché des actifs indirects non monétaires . . . . . . . . . Les dépôts à terme du système monétaire . . . . . . . . . . . . . Les intermédiaires non monétaires ct la demande de monnaie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6. 5 Les activités financières de l'Etat et les marchés financiers 6. 6 La croissance des intermédiaires non monétaires. . . . . . 6. 7 Les intermédiaires non monétaires ct la neutralité de la monnaie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6. 8 La politique monétaire et les intermédiaires non monétaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.9 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

176 184 190

CHAPITRE

6.1 6. 2 6. 3 6. 4

192 202 205 208 213 218

Fondements du contrôle monétaire . . . . . . . . . . . .

221

7. 1 Le, t~ux de rémunération des dépôts dans les modèles precedents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7. 2 « Laissez-faire » et système bancaire .............. .' . . 7. 3 Principes du contrôle monétaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4 Les techniques de contrôle monétaire . . . . . . . . . . . . . . . . 7. 5 Monnaie et dette publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7. 6 Profits et capital bancaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . 7. 7 L'~ntreprise banque ..................... : . . . . . . . . . 7 . 8 Resume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

224 228 231 237· 246 250 259 265

CHAPITRE

VII. -

Sommaire APPENDICE MATHÉMATIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

A.1 A.2 A.3 A.4 A.5 A.6 A.7 A.8

Introduction .................................... . Le modèle ...................................... . Statique comparative de l'état stationnaire .......... . Croissance homothétique ......................... . Stabilité des rapports de proportionnalité entre facteurs La croissance de la dette .......................... . Dynamique comparative ......................... . Conclusions .................................... .

GLOSSAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

X XI 267 269 272

290 302 306 310 315 323 327

AVANT-PROPOS

Cet ouvrage étudie le rôle des institutions et des marchés financiers dans une économie en croissance. Les auteurs y exposent pour la première fois une théorie du secteur financier qui intègre la théorie monétaire. Leur analyse est technique et s'adresse plus au spécialiste qu'au lecteur profane. Leur contribution a pour objectif d'ouvrir la voie à l'introduction de la monnaie dans le cadre plus large des actifs financiers. Comme pour toutes les tentatives nouvelles en matière de recherche économique, on espère que celle-ci donnera lieu à des controverses et qu'elle bénéficiera d'améliorations et d'apports théoriques nouveaux. Cette étude a eu pour point de départ une analyse des tendances de longue période dans le secteur des banques commerciales aux Etats-Unis. Il apparut d'emblée nécessaire d'établir une théorie qui rendrait compte, au moins de façon hypothétique, des relations entre les banques commerciales et les autres institutions financières non bancaires. Elaborer une théorie qui explique les développements du système financier au xxe siècle devint donc l'objectif prioritaire. La première version de cette étude achevée, il nous a semblé que les chapitres théoriques devaient être approfondis et regroupés dans un ouvrage séparé et qu'il fallait réserver pour une publication ultérieure les chapitres appliqués aux données historiques. Cet ouvrage est donc le premier d'une étude plus vaste et il sera suivi d'un second volume consacré aux enseignements empiriques. Au cours de leurs travaux, les auteurs ont publié plusieurs articles préliminaires qui présentaient les premières formulations

XXVI

Avarzt-Propos

de leurs théories, à titre d'information et pour les soumettre à la critique. Il s'agit de « Financial aspects of Economie Development » American economie review september 1955, « Financial Intermediaries and the Saving-lnvestment process » The Journal of Finance May 1956, et «The Growth of Debt and Money in the United states 1800-1950 : A suggested Interpretation» The review of Economies and Statistics-August 1957. L'institution exprime sa profonde reconnaissance aux auteurs qui ont entrepris une tâche difficile et qui ont fait preuve, lors de l'élaboration de ce volume, d'un talent et d'une persévérance exceptionnels. Notre reconnaissance va aussi à Alain C. Enthoven de la Rand Corporation qui a rédigé l'appendice mathématique. Composée de Lester V. Chandler, Evsey D. Domar, George Garvy, Raymond W. Goldsmith et Walter S. Salant et d'autres membres, la Commission Consultative a formulé des critiques et des suggestions précieuses, qui portaient sur le manuscrit initial comme sur le manuscrit actuel. L'institution leur sait particulièrement gré de leur aide. Des membres de la commission font des réserves sur certaines parties de l'étude, mais tous s'accordent pour dire qu'elle doit être publiée. L'institution exprime sa profonde reconnaissance à la Ford Foundation pour sa subvention générale ct à la Merrill Foundation for advaneement of financial Knowledge, !ne. pour sa subvention spéciale, subventions qui ont aidé à financer cette étude. Les thèses exprimées par les auteurs leur sont personnelles; elles ne doivent pas être considérées comme reflétant nécessairement celles des administrateurs, membres officiels et autres membres de la Brookings Institution ou celles de la Ford Foundation ou celles de la Merrill Foundation for advaneement of Finaneial Knowledge, /ne. Robert D. CALKINS. Président Novembre 1959.

PRÉFACE DES AUTEURS

La méthode et les conclusions de cet ouvrage ont paru iconoclastes à un membre éminent de notre commission consultative. Il est exact que nous avons eu tendance à dédaigner les icônes rencontrées sur notre chemin. Toutefois, nous avions beaucoup moins pour but d'entrer en conflit avec la théorie monétaire et financière actuelle que de proposer une méthode générale d'analyse des phénomènes financiers, incluant la théorie monétaire comme cas particulier. En dépit de son caractère formel et parfois même austère, le texte évite en général de recourir aux « pyrotechniques» mathématiques. Celles-ci sont réservées à l'appendice mathématique, écrit par Alain C. Enthoven de la Rand Corporation. Le Docteur Enthoven y développe le modèle du chapitre III, en se fondant sur des hypothèses plus réalistes et en lui appliquant des tests de stabilité. Nous lui sommes grandement reconnaissants, non seulement pour cet appendice mathématique mais aussi pour ses avis et son aide lors de l'élaboration des versions successives de ce texte. Lui-même tient à faire mention des précieux conseils de Richard R. Nelson et de Robert M. Solow. Les commentaires et les critiques détaillés des membres de notre commission consultative nous furent également précieux. En tant que membre de notre commission et membre dirigeant de la Brookings Institution, Walter S. Salant a travaillé bien audelà de ce que réclamait le seul devoir pour corriger notre manuscrit de ses erreurs et pour l'enrichir de ses propres analyses. Joseph Attiyeh et Sidney G. Winter, Jr, chercheurs à la Brookings Institution en 1958-1959, ont apporté sans compter leur savoir mathématique à des moments essentiels. Notre profonde reconnaissance va à

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Préface des auteurs

Robert D. Calkins, président de la Brookings Institution, pour sa patience extraordinaire, mise à l'épreuve par nos «fauxdéparts », et pour ses encouragements lorsque nous semblions progresser. C'est non sans peine que Madame Yvette Gurley a obtenu de ne pas être retenue comme co-auteur de cet ouvrage. Elle a joué tout à la fois les rôles de critique, de conseiller, de chercheur et d'auditeur, contribuant ainsi à améliorer l'ouvrage sous de multiples aspects. Cette étude forme un tout, au moins sous son aspect extérieur : il n'y a presque pas de notes de bas de page ou de références bibliographiques. Ceci ne signifie pas que notre ouvrage soit en rupture avec le passé. Les nombreuses références que contient l'appendice sont là pour en témoigner. Nous écrivons ici pour les spécialistes et nous sommes certains que ceux-ci sauront reconnaître notre dette intellectuelle envers les prédécesseurs, sans avoir besoin de références. Ils apprécieront combien nous devons aux théoriciens monétaires, notre dette allant à des auteurs tels que Lord Keynes, Joan Robinson, J. R. Hicks, James Tobin et Don Patinkin. Il faut mentionner tout particulièrement Patinkin puisque c'est lui qui a exposé avec le plus de clarté certains problèmes essentiels de notre étude, en particulier ceux qui sont liés à la détermination du niveau des prix ou à la neutralité de la monnaie. Le présent ouvrage contient peu d'observations empiriques et si l'on évoque quelques mesures de politique économique, c'est seulement en vue de clarifier l'analyse. D'ailleurs, les modèles successifs reposent sur des hypothèses néo-classiques et il serait d'une grande témérité d'en déduire des conclusions de politique économique valables dans un univers réel. Dans un deuxième volume, actuellement en préparation, nous appliquerons notre méthode d'analyse des phénomènes monétaires et financiers au cas américain. Ce n'est que sur la base des éléments empiriques et institutionnels ainsi rassemblés que nous nous aventurerons dans le domaine contesté de la politique économique. Les auteurs appartiennent à des promotions différentes de diplômés de l'Université de Stanford. Ils ont cependant en commun d'avoir suivi l'enseignement des professeurs Elmer D. Fagan et Bernard F. Haley. Ce livre leur est dédié avec respect et reconnaissance. Cette dédicace associe leurs noms à notre travail, mais comme des complices qui, bien qu'impliqués dans le crime, sont innocents de ses conséquences. John G. GURLEY Edward S. SHAW

CHAPITRE 1

INTRODUCTION

Nous présentons ici une étude théorique des problèmes financiers. Nous nous proposons d'étudier comment les dettes, les actifs financiers, les institutions et les politiques financières déterminent et sont déterminés par le niveau général des prix et du produit. Nous introduisons dans l'analyse une grande variété d'actifs financiers et d'institutions financières, même si nous attachons un intérêt particulier à un actif financier - la monnaie- à une institution financière- le système monétaireet à un type de politique financière - le contrôle monétaire. Nous essayons de construire une théorie des actifs financiers englobant la théorie monétaire et une théorie des institutions financières englobant la théorie bancaire. Deux constatations étroitement liées nous ont conduits à entreprendre cette étude. En premier lieu, les séries temporelles de données financières avaient été sensiblement améliorées et étendues (ou devaient l'être), à la suite des études de Raymond W. Goldsmith sur les institutions d'épargne et les intermédiaires financiers, des travaux de Milton Friedman sur la monnaie - au National Bureau of Economie Research - et des projets du Federal Reserve concernant les flux financiers et les statistiques bancaires ( 1). Les économistes ont rarement accès à ( 1) voir Raymond W. GOLDSMITH « ;\ study of Saving in the United States ( 1955) » et « Financial Intcrmediarics in the American Economy since 1900 » (1958) ; «A Flow-of-Funds System of National accounts Annual Estimates 1939-54 » Federal reserve bulletin (octobre 1955), « Summary Flow-of-Funds Accounts 1950-55 » ibid. (avril 1957) et «A Quaterly presentation of Flow of Funds, saving and investment » ibid. (août 1959). Federal Reserve System «AilBank Statistics United States 1896-1955 » (1959) ; et les nombreuses études publiées par le« National Bureau of Economie Research »dans le cadre de son« Financial Research Program ». Plusieurs études concernant la monnaie et le système bancaire sont actuellement effectuées au National Bureau par Milton FRIEDMAN et Anna SCHWARTZ, Phillip CAGAN et Richard T. SELDEN.

4

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

des sources de données statistiques aussi riches et nous n'avons pu résister à la tentation de rechercher tout ce qu'elles pouvaient révéler concernant le développement financier des Etats-Unis. En second lieu, nous savions que les outils analytiques disponibles ne permettaient pas d'exploiter des données statistiques si intéressantes. Nous étions sensibles au travail empirique que supposaient les tableaux de flux financiers du Federal Reserve ou les données détaillées de Goldsmith sur la croissance des dettes, des actifs financiers et des intermédiaires financiers. Mais en même temps, nous regrettions de ne pas voir ce que ces travaux pouvaient signifier pour qui voulait comprendre les processus de croissance et de fluctuations, en s'appuyant sur l'expérience. Les économistes se sont beaucoup préoccupés du produit, de la richesse réelle ct du marché du travail. Ils ont eu tendance à négliger l'analyse des conditions d'offre et de demande sur les marchés financiers, excepté lorsque ceux-ci étaient en relation avec la monnaie, la dette publique ou les échanges extérieurs. On avait coutume d'éliminer les autres actifs financiers, les autres dettes, et en même temps la plupart des institutions financières, en consolidant les bilans des créanciers et des débiteurs. On arguait pour cela que nous nous devions la dette intérieure à nous-même ou que les effets réels de l'accumulation d'actifs financiers par les prêteurs étaient annulés par les effets réels de l'accumulation de dettes par les emprunteurs. Ceci explique pourquoi les ouvrages traitant de la monnaie, du système bancaire et de la théorie monétaire n'ont pas porté une attention suffisante à l'analyse financière, comme leurs titres le confirment. Ils n'essayaient pratiquement pas de traiter systématiquement les actifs financiers, les institutions financières et la politique financière. Parallèlement, l'« analyse» que l'on trouvait dans les ouvrages d'analyse financière avait tendance à développer ses propres méthodes et à devenir une discipline historique et descriptive, en marge du courant principal de la science économique. Cette «analyse» a réservé une large place aux descriptions et les quelques généralisations qu'elle a établies sont difficilement compatibles avec celles de l'analyse économique et ne permettent pas de montrer les liens unissant les marchés des biens et du travail au marché des actifs financiers.

Introduction

1.1

5

MARCHÉS DES ACTIFS FINANCIERS.

Un économiste doit logiquement étudier les problèmes financiers comme des problèmes de marché. Il· doit être capable de mettre en évidence les facteurs qui déterminent la demande et l'offre de tout actif financier. Il doit aussi introduire une proposition définissant l'équilibre de ce marché. En d'autres termes, il doit y avoir une fonction de demande, une fonction d'offre, et une équation d'équilibre du marché permettant de déterminer les points effectifs de demande et d'offre. Chaque ensemble d'équations- demande, offre, équilibre de marché- définit un marché que l'on peut étudier isolément par une analyse d'équilibre partiel. L'ensemble de tous ces marchés d'actifs financiers définit le domaine de l'analyse financière. Dans une société développée, ces marchés sont beaucoup trop nombreux pour que l'on puisse étudier chacun d'eux. Même dans une analyse d'équilibre partiel, on doit les regrouper, les critères de classification variant selon la nature du problème. Nous nous intéresserons ici au problème des interrelations entre les modes de financement des dépenses de biens et services et les niveaux des prix et du produit réel. Les agents non financiers (consommateurs, entreprises non financières et Etat) achètent essentiellement le produit courant à l'aide de leur revenu courant propre. Cependant, une partie de ces dépenses est financée extérieurement par émission de nouveaux titres, que l'on appelle « titres primaires» et qui comprennent les obligations, les actions, les prêts hypothécaires, les crédits à la consommation, etc. Les emprunteurs ultimes peuvent vendre directement les titres primaires aux prêteurs ultimes et ces derniers acquièrent alors les titres primaires. . Les titres primaires peuvent aussi être vendus aux institutions financières. Celles-ci acquièrent alors les titres primaires et émettent des créances sur elles-mêmes, sous forme de dépôts à vue, dépôts d'épargne et dettes similaires. Nous appellerons ces créances « titres indirects ». Dans ce cas, les prêteurs ultimes acquièrent les titres indirects et non les titres primaires eux-mêmes. C'est pourquoi, nous classons les marchés financiers en marché pour titres primaires et en marché pour titres indirects. Ce dernier marché se scinde à son tour en un marché de la monnaie (moyens de paiement) et en un marché des titres indirects non monétaires (dépôts à terme, dépôts d'épargne, parts des Savings and Loan Associations, etc.).

6

La monnaie dans une théorie des

act~fs financiers

Le système économique comprend ces marchés financiers et un ensemble de marchés réels. Les marchés réels sont le marché des biens (à la fois biens de production courante et stock de capital ou richesse réelle) et le marché du travail, défini au sens large. Cette classification sommaire des marchés, à l'intérieur du secteur financier et du secteur réel, n'exclut pas le recours à des classifications plus fines en cours d'analyse. Ainsi, le marché des biens de consommation peut être séparé du marché des biens d'investissement, le marché des obligations de celui des actions et le marché des parts dans les Savings and Loan Associatîons de celui des parts dans les Open End Investment Companies. Pour un économiste, les problèmes financiers sont, rappelons-le, des problèmes de marché. On peut avoir recours à l'analyse d'équilibre partiel, qui élimine par l'hypothèse « ceteris paribus » les «effets directs» (feed-in) des autres marchés du système sur le marché étudié et qui néglige de suivre les « effets en retour » (feed-back) de ce marché sur les autres. On peut aussi étudier en même temps tous les marchés réels et financiers par une analyse d'équilibre général. On utilise alors un modèle statique ou un modèle de croissance. Les solutions d'équilibre sur tous les marchés sont obtenues simultanément et tiennent compte de toutes les interdépendances, effets directs et effets en retour. Cet ouvrage utilise en principe l'analyse d'équilibre général, bien qu'il soit parfois nécessaire et pratique d'effectuer une analyse d'équilibre partiel pour le marché de la monnaie et pour les autres marchés financiers. L'économiste qui traite des problèmes monétaires doit avoir une vue générale de l'économie afin de savoir comment le marché de la monnaie est lié aux autres marchés et comment ces autres marchés sont liés entre eux. En l'absence de vue générale, on court de grands risques à vouloir déterminer le rôle de la monnaie dans le système économique. Ce livre analyse donc aussi le rôle de la monnaie dans le cadre d'une analyse d'équilibre général, à la fois pour un état d'équilibre stationnaire et pour une hypothèse de croissance.

1.2

PLAN DES CHAPITRES ULTÉRIEURS.

On considère d'abord une économie élémentaire comportant un minimum de marchés financiers et d'institutions financières et on procède étape par étape en examinant des structures finan-

Introduction

7

cières de complexité croissante. A chaque étape, on a pour objectif d'étudier comment les marchés réels et financiers interfèrent pour donner les niveaux d'équilibre des prix et du produit réel, l'accent étant toujours mis sur l'offre et la demande de monnaie. Pour faciliter la tâche du lecteur, on donne ci-dessous les caractéristiques des marchés financiers dans chaque chapitre. Caractéristiques financières des différents chapitres Chapitre

Marchés financiers

Institutions financières

II

Marché de la monnaie seul, avec accent mis sur la demande de monnaie.

III

Marchés de la monnaie et d'un titre primaire de type unique. Marché des titres primaires avec accent mis sur la croissance du volume et la diversité des titres primaires. Marchés de la monnaie et de titres primaires différenciés. Marchés de la monnaie, de titres primaires différenciés et d'actifs indirects non monétaires.

Système monétaire public comprenant un Service Politique ct un Service Banque. idem

IV

v VI

VII

Mêmes marchés que ci-dessus, avec accent mis sur l'offre de monnaie.

idem

idem Système monétaire public et intermédiaires financiers non bancaires (privés et publics). Banques centrales, banques commerciales (*), intermédiaires financiers non monétaires

Le chapitre Il part d'une économie comprenant un seul marché financier, le marché de la monnaie, ct une seule institution financière, le système monétaire public. Ce système monétaire est géré par le secteur public et il se compose d'un Service Politique et d'un Service Banque (**). Le premier service fixe la politique monétaire en donnant des instructions au second concernant la quantité de monnaie. Le Service Banque achète des biens de production courante (ou effectue des paiements de transfert) et crée de la monnaie. La monnaie émise par le secteur public est accumulée par les consommateurs et les entreprises non financières. Ce modèle, pour aussi simple qu'il soit, permettra (*) N.d.T. (**) N.d.T.

: lt1emher commercial Banks. :a Polhy Bureau and a Banking Bureau.

8

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

de clarifier certains concepts, de montrer les relations unissant les trois marchés (monnaie, biens et travail) et d'introduire la fonction de demande de monnaie. On a choisi une fonction d'offre de monnaie aussi simple que possible : la quantité de monnaie est exactement au niveau fixé par le Service Politique. On a posé cette hypothèse sur la partie offre du marché de la monnaie pour éliminer, dans une première étape, parmi les déterminants de la quantité de monnaie, les considérations de profit du système bancaire privé, ou les contrôles imposés par une banque centrale aux membres du système bancaire. Ce mode d'analyse permet de porter une attention plus grande à la partie demande du marché de la monnaie. Le chapitre III introduit un second marché financier avec un seul type d'obligations (rentes perpétuelles), émises par les entreprises et acquises par les consommateurs et par le Service Banque. II y a alors quatre marchés dans l'économie : travail, biens, monnaie et titres primaires (obligations des entreprises). Le prix correspondant à ce dernier marché est le taux d'intérêt des obligations. Le secteur public, avec ses Services Politique et Banque, ne participe pas aux transactions sur le marché du travail ou sur le marché des biens, mais seulement aux transactions sur les deux marchés financiers. Le rôle du Service Banque, en réponse aux directives du Service Politique est d'acheter ou de vendre des titres primaires et à cette occasion de créer ou de détruire de la monnaie. Les consommateurs acquièrent de la monnaie ou des titres primaires (ou les deux à la fois). Les entreprises, de leur côté, émettent des dettes primaires et accumulent des encaisses monétaires. Le système monétaire public est toujours la seule institution financière. Le nouveau marché financier introduit dans le chapitre III - celui des titres primaires - est examiné en détail dans le chapitre IV. Là, 1'objectif est double : 1) étudier les facteurs déterminant la croissance des titres primaires, qui, pour un taux d'intérêt donné, est égale à la croissance des actifs financiers détenus par les agents économiques et 2) analyser les effets des changements en qualité par opposition aux changements en quantité des titres primaires. On étudie la croissance des titres primaires et l'accumulation des actifs financiers à l'aide du modèle du chapitre III. La dernière partie du chapitre IV analyse les facteurs de différenciation des titres primaires et les techniques qui permettent de transférer ces titres des emprunteurs aux prêteurs. Ayant introduit plusieurs catégories de titres primaires dans le chapitre IV, nous étudions alors dans le chapitre V comment

Introduction

9

ces titres différenciés et leurs taux d'intérêt influencent la demande de monnaie. Le processus de croissance implique des changements qualitatifs continus dans les émissions de titres primaires. Cette évolution de la différenciation des titres pose aux prêteurs un problème de réorganisation de leur portefeuille s'ils veulent obtenir un maximum de rendement anticipé. La demande de monnaie, en tant que composante du portefeuille, est sensible aux modifications de qualité des autres composantes. Le chapitre VI introduit un troisième marché financier et une seconde institution financière. Le nouveau marché financier est celui des actifs indirects non monétaires, tels que les dépôts d'épargne et les parts des Savings and Loan Associations. La nouvelle institution financière est l'agrégat des intermédiaires financières non monétaires qui achètent des titres primaires et émettent des actifs indirects non monétaires. On conserve un système monétaire public mais celui-ci a maintenant le droit d'émettre des dépôts à terme aussi bien que de la monnaie. Au cours de ce chapitre, nous analysons les facteurs déterminant la demande et l'offre d'actifs indirects non monétaires, l'influence de l'activité des intermédiaires financiers non monétaires (privés et publics) sur la demande de monnaie, les différences et les similitudes entre ces intermédiaires et le système monétaire, et l'impact des intermédiaires non monétaires sur l'efficacité du contrôle monétaire. En dernier lieu, dans le chapitre VII, on remplace le système monétaire public par un système très proche du système américain : une banque centrale impose des contrôles directs aux banques commerciales, par action sur la disponibilité des réserves, en leur payant un taux d'intérêt ou en les réglementant. Dans les chapitres précédents, le Service Banque émettait la quantité de monnaie au niveau fixé par le Service Politique. Ces directives sont maintenant remplacées par un mécanisme de contrôle plus ou moins complexe, instauré par une banque centrale et portant sur des banques commerciales privées ayant pour but de faire des profits. Par conséquent, la quantité maximale de monnaie autorisée par les contrôles peut être différente de la quantité désirée par les banques commerciales dans une optique de profit. La partie offre du marché de la monnaie devient donc nettement plus complexe. Nous considérons d'abord la création de monnaie par les banques commerciales sans contrôle d'une autorité monétaire; nous abordons ensuite les principes et les techniques du contrôle monétaire puis les effets de ce contrôle sur le fonctionnement du système bancaire.

10

1.3

La monnaie dans une théorie des act(fs financiers

MÉTHODES ET LACUNES.

Les économistes mathématiciens et les économètres - qui, nous l'espérons, seront intéressés par certains des problèmes que nous abordons - pourront regretter que nous n'ayons pas construit un modèle dynamique global de croissance, intégrant des variables financières. Ils trouveront, cependant, dans l'appendice écrit par le docteur Alain C. Enthoven, le traitement mathématique d'un grand nombre des éléments contenus dans les chapitres II, III et IV. Nous avons choisi une méthode d'analyse rigoureuse mais non mathématique. Dans ce livre nous avons adopté le schéma d'une économie néo-classique avec ses hypothèses de plein emploi, de flexibilité des prix, d'absence d'illusion monétaire, d'absence d'effets de distribution, etc. Nous avons opéré ce choix non parce que nous croyions que le monde réel est ainsi fait mais parce que c'est dans ce cadre que la monnaie se voit généralement accorder le moins d'importance. Nous avons joué le jeu selon les règles néo-classiques afin de montrer que, même dans ce cas, la monnaie n'est pas un voile et qu'elle peut avoir un rôle important comme déterminant du produit et de sa composition. Le rôle de la monnaie devient toutefois de plus en plus important au fur et à mesure que l'on s'éloigne du néo-classicisme. Ce livre retient implicitement plusieurs fonctions de comportement. Nous ne prétendons pas qu'elles soient réalistes, c'est-àdire qu'elles décrivent avec précision le comportement des consommateurs et des entreprises sur tous les marchés. Nous pensons cependant qu'elles reflètent fidèlement le jeu des facteurs financiers sur les marchés des biens et du travail dans une économie en mouvement. Ces fonctions de comportement peuvent être modifiées dans d'assez larges proportions sans que cela affecte l'essentiel de nos conclusions concernant le secteur financier. Cet ouvrage néglige de nombreux problèmes : nous en sommes conscients et nous le regrettons. Le rôle des facteurs financiers dans les cycles à court terme n'est pratiquement pas abordé. On n'y fait guère avancer la théorie du risque et de l'incertitude, particulièrement utile pour la théorie financière à court terme. On. survole les aspects internationaux des problèmes financiers et l'on n'apporte aucun élément permettant de résoudre les problèmes traditionnels de gestion financière des entreprises. De plus, cet ouvrage contient peu de données statistiques. Celles-ci

Introduction

11

seront publiées ultérieurement même si elles ont constitué pour nous un point de départ. Nous avons passé plusieurs mois à étudier l'histoire financière des Etats-Unis, à la lumière des analyses que nous présentons ici concernant les marchés de la monnaie, des titres primaires et des actifs indirects non monétaires. Les résultats obtenus nous ont encouragés à développer et à présenter la théorie d'abord pour revenir aux données ensuite.

CHAPITRE II

ANALYSE FINANCIÈRE DANS UNE ÉCONOMIE ÉLÉMENTAIRE

Ce chapitre traite des problèmes financiers dans le cadre d'une économie élémentaire. Notre modèle n'a pas de contrepartie historique exacte et ses structures institutionnelles sont en partie irréalistes. Il permet cependant de présenter des concepts et des principes d'analyse financière qui seront très utiles pour des travaux plus réalistes. Commençons par décrire cette économie élémentaire en termes de comptabilité globale : étudions ses bilans, ses comptes de revenu et de flux financiers. Nous étudierons ensuite ses différents marchés en précisant les conditions de l'offre et de la demande dans une situation d'équilibre stationnaire et en période de croissance. Il existe seulement trois marchés : marché du travail, marché des biens et marché de la monnaie. Les deux premiers sont des marchés réels, le troisième est un marché financier. Nous négligerons deux marchés financiers très importants - le marché des titres primaires (tels que les obligations publiques ou privées, les actions et les prêts hypothécaires) et le marché des titres indirects non monétaires (tels que les dépôts d'épargne et les parts dans les Savings and Loan Associations). L'économie élémentaire comprend de la monnaie, un système monétaire (destiné à créer cette monnaie et à gérer le mécanisme des paiements), et une autorité monétaire. Sous certaines hypothèses, la politique de l'autorité monétaire, en ce qui concerne la quantité de monnaie, est banale(*), en ce sens qu'elle peut seulement affecter le niveau des prix sur les marchés des biens et du travail. Sous d'autres hypothèses cependant, la gestion monétaire peut agir effectivement sur les niveaux réels du produit et du revenu. Les possibilités de croissance de cette économie élémentaire sont limitées par son système financier. Sans autre actif financier (*) N.d.T. : Trivial.

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

que la monnaie, il y a des contraintes d'épargne, d'accumulation du capital, d'affectation efficiente de l'épargne à l'investissement qui diminuent le taux de croissance du produit et du revenu. Ce modèle met en évidence certains freins à la croissance réelle qui rappellent les handicaps financiers auxquels s'est heurtée l'économie américaine au moment de la Révolution et auxquels se heurtent aujourd'hui certains pays sous-développés. Dans la dernière section de ce chapitre, nous aborderons quelquesuns des moyens les plus simples permettant de surmonter ces handicaps financiers. 2.1

LES SECTEURS, LES MARCHÉS ET LES COMPTES GLOBAUX.

Chaque système économique correspond à un agrégat d'agents économiques regroupant des consommateurs, des entreprises et des administrations publiques. Dans cette section, nous montrerons comment ces agents économiques se comportent dans une économie élémentaire. Nous rechercherons la nature de leurs actifs et de leurs passifs, celle de leurs revenus et de leurs dépenses et celle de leurs prêts et de leurs emprunts. 2. 1 . 1

Les secteurs et les marchés.

Les agents sont regroupés en trois secteurs : consommateurs, entreprises, Etat. Ce modèle ne comprend pas de secteur extérieur. Il correspond à une économie dépourvue de relations internationales. Il n'existe pas non plus de secteur financier comprenant des institutions comme les banques commerciales et les compagnies d'assurances, qui contractent des dettes sur ellesmêmes afin d'acheter les dettes des autres. Tous les échanges s'effectuent entre ces trois secteurs. Quelles sont les caractéristiques de ces secteurs ? Le secteur des consommateurs effectue des dépenses de consommation en achetant des biens et des services aux entreprises. Il obtient des revenus en vendant ses propres services productifs aux autres secteurs. II ne peut accumuler de richesse matérielle, qu'il s'agisse de terre ou de biens d'équipement (logement compris). Le seul actif qu'il possède est la monnaie et il ne peut s'endetter. Le secteur des entreprises comprend des entreprises non sociétaires. Nous supposons, de façon arbitraire et irréaliste,

Analyse financière dans une économie élémentaire

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que ces entreprises sont des entités économiques non appropriées par des personnes physiques. Le secteur des entreprises détient de la richesse matérielle et il combine les actifs réels qu'il détient avec les-.$ervices productifs achetés au secteur des consommateurs afin d'obtenir la production. Cette production est vendue pour partie aux consommateurs et pour partie à l'Etat sous forme de biens publics. Le reste de la production, correspondant aux biens d'investissements privés, est vendu à l'intérieur même du secteur des entreprises afin d'accroître son propre stock de richesse. Les entreprises n'empruntent pas par émission de nouveaux titres, et elles conservent la totalité du profit brut, amortissement compris. Elles détiennent des encaisses monétaires et c'est là leur seul actif financier. Le secteur public a pour fonction souveraine d'émettre de la monnaie, de gérer le mécanisme des paiements et de compensation et de définir la politique monétaire. La monnaie créée est de caractère fiduciaire et inconvertible. Elle peut prendre la forme de billets ou de dépôts circulant à l'aide de chèques tirés par les consommateurs et les entreprises. Il s'agit de monnaie, au sens littéral de moyen de paiement. Pour conserver au modèle son extrême simplicité, nous supposons que la quantité de monnaie reste constante ou s'accroît. Elle ne peut décroître puisque l'Etat n'est pas autorisé à prélever des impôts ou à émettre des dettes non monétaires. Lorsque l'Etat décide d'augmenter la quantité de monnaie, il peut faire l'acquisition de biens et les payer en créant de la monnaie ou il peut distribuer la monnaie nouvelle par des paiements de transfert. Dans ce modèle, la monnaie est une dette publique. Elle est émise pour financer le volume des dépenses publiques déterminé par la politique monétaire. En anticipant sur des sy\tèmes ultérieurs plus complexes, nous supposons que le système de ce premier modèle est composé d'un Service Politique (une banque centrale embryonnaire) et d'un Service Banque (précurseur des banques commerciales). Le premier service fixe la politique monétaire en donnant des instructions au second en ce qui concerne la quantité de monnaie. Le Service Banque applique ces instructions en créant de la monnaie par des achats de biens et services ou par des paiements de transfert. Cette économie comporte trois marchés : le marché du travail, le marché des biens (biens de consommation, biens publics, biens d'investissements privés) et le marché de la monnaie. Puisqu'il n'y a pas de marché pour les titres non monétaires, tels que les actions ou les obligations, il n'y a pas de «circulation

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

financière» distincte de la «circulation du revenu» et il n'y a pas de taux d'intérêt. Seuls les biens de production courante sont échangés, les actifs physiques préexistants sont exclus des marchés. 2. 1. 2

Bilans sectoriels et bilan global.

L'économie élémentaire peut être examinée tout d'abord en termes de bilans sectoriels. Le tableau I donne les bilans établis en fin d'exercice budgétaire. Les actifs physiques - biens d'équipement, constructions, stocks - apparaissent uniquement dans le bilan des entreprises. Le capital propre de chaque secteur est la différence entre son actif et son passif. La monnaie apparaît comme une dette de l'Etat et comme l'actif financier des consommateurs et des entreprises. Ce type de monnaie rappelle qu'autrefois une partie des dépenses publiques était financée par émission d'une forme de dette généralement acceptée comme moyen de paiement (1). Les trois bilans sectoriels peuvent être regroupés en un seul. Ils peuvent aussi être consolidés. Le bilan regroupé du tableau II fait simplement la somme des actifs, des passifs et du capital propre des trois secteurs. Le bilan consolidé, qui apparaît aussi dans le tableau Il, indique que les actifs physiques et le capital Tableau 1. -

Bilans sectoriels

Secteur Entreprises Actif

Monnaie Actifs physiques

50 900

Passif Néant Capital propre : Epargne accumulée 950

Secteur Public Actif

Pass!f

Néant

Monnaie 100 Capital propre : Epargne accumulée - 100

Secteur Consommateurs Actif Passif Monnaie 50 Néant Capital propre : Epargne accumulée 50

( 1) La signification de l'emprunt et du prêt dans ce cadre théorique est donnée dans § 2. 1 .4.

Analyse financière dans une économie élémentaire

19

propre ou valeur nette ont survécu à la consolidation. La monnaie, comme actif financier des secteurs privés, est compensée par la monnaie comme dette publique et disparaît ainsi. La consolidation déchire le voile monétaire. Ceci révèle une vérité toute simple, l'existence de la monnaie, comme celle des autres actifs financiers, résulte de l'autonomie et de la spécialisation des agents économiques en matière de gain et de dépense du revenu dans une collectivité interdépendante. Dans une économie capitaliste, les agents économiques sont regroupés plutôt que consolidés et les différents mécanismes financiers représentent sous de multiples aspects un substitut à la centralisation économique. L'existence des dettes, des actifs financiers et des institutions financières est liée à la spécialisation des agents, les uns dans l'obtention du revenu, les autres dans son emploi. Tableau Il. -

Bilans globaux

Bilan consolidé

Bilan regroupé Actif

Actif

Passif

lOO Actifs phy-

Néant

Passif

Monnaie

lOO

Monnaie

900

Capital propre : Epargne accumulée 900

siques Actifs physiques

900 Capital propre : Epargne accumulée 900

Les tableaux 1 et II ne permettent pas de savoir si une quantité de monnaie de 100 est supérieure, inférieure ou égale à la demande privée d'encaisses monétaires. De plus, on ne peut connaître à ce stade de l'analyse les effets d'une quantité ou d'une demande excédentaire de monnaie sur la croissance de la richesse ou sur l'accumulation de l'épargne dans le capital propre. L'autorité monétaire offre de la monnaie en dépensant et en empruntant, et les secteurs privés doivent trouver une solution aux excédents de demande ou d'encaisses par des transactions ultérieures sur les marchés des biens et de la monnaie. Mais, avant d'étudier ce problème, continuons à décrire notre modèle. 2. 1. 3

Les comptes produit et revenu.

Les bilans recensent les actifs physiques, les actifs financiers, les dettes et le capital propre en fin d'exercice budgétaire. Pour leur part, les comptes produit et revenu enregistrent les dépenses

20

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

servant à acheter le produit et les revenus provenant de la vente du produit au cours d'un exercice budgétaire. Les revenus obtenus par la vente du produit national brut sont toujours égaux aux dépenses effectuées pour se procurer ce produit. Le revenu national brut est toujours égal à la dépense ou au produit national brut. Le tableau III qui résume succinctement les comptes produit et revenu dans notre économie élémentaire met en évidence cette identité de base. Dans la colonne de droite, on a les biens de consommation et les services produits par les entreprises et achetés par les consommateurs. Les entreprises achètent l'investissement brut à l'intérieur même du secteur productif. L'Etat achète des biens et des services aux deux secteurs privés. La somme ( 100) de ces dépenses donne lieu à un montant équivalent de revenu. Dans la colonne de gauche du tableau, on trouve le revenu des consommateurs sous forme de salaires et de traitements. Le revenu des entreprises est constitué par ses profits bruts non distribués ou épargne brute, c'est-à-dire amortissement compris. Il n'y a pas d'impôts et donc pas de revenu pour l'Etat. Une partie des dépenses correspond à des achats de biens de capital. Ces dépenses moins l'amortissement doivent correspondre à une augmentation des actifs physiques dans les bilans globaux. Il doit aussi y avoir une augmentation équivalente du capital propre dans ces bilans. Cette augmentation représente l'épargne nette de l'économie, elle se reflète dans les comptes produit et revenu par l'excédent du Revenu national brut sur la somme de la consommation personnelle, des dépenses de l'Etat et des amortissements. Le revenu qui subsiste après achat des biens de consommation, des biens publics et après amortissement est l'épargne nette de l'économie. Celle-ci est toujours égale aux achats nets de biens d'investissements privés. L'augmentation des actifs physiques dans les bilans globaux est donc nécessairement égale à l'augmentation des épargnes dans le capital propre. Les comptes produit et revenu ne nous renseignent pas en eux-mêmes sur les variations des actifs financiers et des dettes dans les bilans sectoriels et dans le bilan global. Pour déterminer les changements dans les données financières, il faut connaître les secteurs qui effectuent les différentes dépenses et les moyens par lesquels ces dépenses sont financées. Les comptes revenu et produit décrivent de façon complète les changements dans les postes de bilan consolidé de la nation, mais ils décrivent seulement cela. Ces comptes excluent les dettes et les actifs financiers.

Analyse financière dans une économie élémentaire

21

'.'ableau III.- Comptes revenu et produit(!) Revenu

Produit

Revenu des consommateurs

80

Epargne brute des entreprises

20

Recettes fiscales Revenu National brut

0 100

Dépenses de consommation personnelles Dépenses d'investissement privées brutes Achats publics de biens et de services Produit national brut (ou dépense)

75 15 10 100

Les comptes revenu et produit et donc le bilan consolidé ne fournissent directement qu'une seule information financière; le Revenu national brut est toujours et nécessairement suffisant pour financer, acheter et payer la production nationale brute. Sans échange extérieur, ct considérée dans son ensemble, l'économie n'a jamais besoin d'emprunter des fonds parce que son revenu et ses dépenses sont toujours en équilibre. Il n'y a jamais ni emprunt ni prêt. Cette information n'est pas très encourageante pour qui étudie les phénomènes financiers. Par le choix d'un tel niveau d'agrégation, où créances et dettes se compensent, on dissimule le fait que certains agents de l'économie empruntent et que d'autres prêtent. Pour pouvoir parler des activités d'emprunt et de prêt, on doit étudier l'économie comme un ensemble de secteurs interdépendants ct non comme ' n. ensemble de secteurs consolidés. En se préoccupant des comptes produit et revenu qui, en grande partie, ignorent les transactions financières, trop d'économistes ont eu tendance à supprimer en les consolidant les comptes financiers de l'analyse économique. L'analyse financière s'est alors développée seule et parfois de façon vaine. Inconsciemment, les économistes ont eu tendance à négliger l'influence des phénomènes financiers sur l'activité économique parce que tout ou partie de ces phénomènes financiers était généralement agrégé et donc exclu de l'analyse économique.

( 1) L'Etat peut faire des paiements de transfert à chacun des secteurs privés. Ces paiements apparaîtraient deux fois dans les comptes revenu et produit, comme addition au revenu du secteur bénéficiaire et comme élément négatif en déduction du revenu de l'Etat.

22 2. 1. 4

La monnaie dans une théorie des actifs financiers Les comptes de flux financiers.

En principe, on peut facilement développer les comptes produit et revenu sous forme de comptes qui retracent à la fois les dépenses et les revenus de chaque secteur ainsi que les opérations de prêt et d'emprunt entre ces secteurs. Ces comptes - de flux monétaires ou financiers - détaillent chaque changement dans les bilans sectoriels et dans le bilan global. Ils enregistrent non seulement les changements dans les actifs réels et dans le capital propre des bilans mais aussi les changements concernant les actifs financiers et les dettes. Pour établir ces comptes de flux financiers il faut tout d'abord identifier les budgets sectoriels qui enregistrent les recettes et les dépenses du secteur sur le compte produit et revenu. Si un secteur a des dépenses supérieures à son revenu, il a un budget en déficit sur les comptes produit et revenu. Si un secteur a un revenu supérieur à ses dépenses, il a un budget en excédent, et si le revenu et la dépense d'un secteur sont égaux, il a un budget équilibré. Nous pouvons examiner maintenant les budgets de nos trois secteurs sur la base des postes du tableau IV. Le secteur des consommateurs a un excédent budgétaire de 5. C'est l'excédent du revenu des consommateurs (80) sur leurs dépenses (75). C'est aussi l'excédent de l'épargne des consommateurs sur leur investissement en actifs physiques (que nous supposons nul). Le secteur des entreprises présente également un excédent budgétaire de 5. C'est l'excédent des recettes des entreprises (1 00) sur leurs dépenses (95) sur le compte produit et revenu ou compte « non financier». Il s'agit aussi de l'excédent d'épargne des entreprises (20) sur leur investissement en actifs physiques (15). Le secteur public enregistre un déficit budgétaire de 10 parce qu'il a dépensé 10 sur les comptes produit et revenu alors que son revenu est nul. Les trois secteurs pris ensemble ont un budget équilibré avec des recettes égales aux dépenses sur les comptes produit et revenu. Le revenu (80 pour les consommateurs, et 20 pour les entreprises), est égal au produit national (75 de consommation, 15 d'investissement, 10 de bien public), l'épargne est égale à l'investissement. La somme des excédents sectoriels est égale à la somme des déficits sectoriels. L'excédent de 5 pour chacun des secteurs privés est égal au déficit de 10 de l'Etat. Cette identité est nécessairement vérifiée lorsque tous les secteurs sont pris en compte. Puisque les recettes de l'ensemble des secteurs sont égales à ses dépenses sur les comptes produit et revenu, tous les excédents sectoriels

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5 ~

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100

75 10 15 100

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80

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0

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10 10

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10

10

10

Emplois Ressources Emplois

Secteur Entreprises

Secteur Consommateurs

(1) Les «ressources» sont des ressources financières et les «emplois» sont des emplois financiers.

Revenu Epargne Investissement Excédent Déficit

Pour mémoire

Monnaie Total général

Opérations financières

Revenu des consommateurs Dépense des consommateurs Dépenses publiques Dépenses d'investissement Total

Opérations non financières

Nature des opérations

Comptes des flux financiers (1).

Tableau IV. -

10

100 15

10 190

80 75 10 15 180

Ressources

10

15

10 190

80 75 10 15 180

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24

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

sont nécessairement compensés par des déficits dans d'autres secteurs. Puisque l'épargne et l'investissement, mesurés ex-post, sont égaux pour tous les secteurs pris ensemble, un excédent budgétaire représentant l'excédent de l'épargne sur l'investissement dans certains secteurs doit être contrebalancé par des déficits budgétaires représentant l'excédent de l'investissement sur l'épargne dans d'autres secteurs. Le tableau IV regroupe les budgets sectoriels et fait apparaître un déficit pour l'Etat et des excédents pour les deux secteurs privés. Il s'agit seulement d'un des nombreux regroupements possibles dans cette économie élémentaire. On peut obtenir d'autres résultats si l'on change les hypothèses de l'économie en permettant par exemple la perception d'impôts par l'Etat ou la dépense d'investissement par les consommateurs. Le regroupement que nous avons choisi joue uniquement un rôle d'exemple et on pourrait lui substituer tout autre regroupement compatible avec le modèle et avec les règles de la comptabilité globale, c'està-dire, tel que les excédents et les déficits des budgets sectoriels correspondent à la différence entre les recettes et les dépenses sur le compte produit et revenu (ou à la différence entre l'épargne et l'investissement) et tel que le budget de la collectivité soit toujours équilibré, mesuré ex-post. Examinons maintenant les aspects financiers de ces liaisons revenu-dépenses ou de ces regroupements budgétaires. Le secteur public du modèle finance ses dépenses- c'est-à-dire ses déficitsen émettant de la monnaie nouvelle. Les excédents budgétaires des consommateurs et des entreprises impliquent que ces secteurs achètent de la monnaie en quantité équivalente à leurs excédents. Chaque secteur en excédent achète uniquement de la monnaie avec son revenu excédentaire ou son excédent d'épargne sur l'investissement. Il n'y a en effet pas d'autre actif financier et les opérations sur actifs physiques préexistants sont interdites. Un déficit budgétaire dans le secteur de consommateurs ou celui des entreprises ne pourrait être financé que par une réduction des encaisses antérieurement accumulées. Aucun secteur privé n'est autorisé à s'endetter ou à émettre des parts de capital ou à imprimer pour son propre compte de la nouvelle monnaie. Lorsque son budget est équilibré, un secteur n'accumule ni ne déthésaurise de monnaie. L'émission de monnaie nouvelle destinée à financer les déficits de l'Etat est nécessairement égale aux achats de monnaie par les secteurs privés, secteurs en excédent. L'Etat emprunte en émettant un titre ne portant pas intérêt, jouant le rôle de monnaie,

Analyse financière dans une économie élémentaire

25

et les secteurs privés prêtent en acceptant de détenir ce titre comme encaisse monétaire. Si l'Etat enregistre un déficit, ses actifs financiers nets (actifs financiers moins dette) doivent diminuer. Si les secteurs privés enregistrent des excédents, leurs actifs financiers nets doivent augmenter. Puisque la monnaie est la seule forme de dette et d'actif financier dans notre modèle, la solution financière au déséquilibre budgétaire consiste simplement à accroître la quantité de monnaie émise par l'Etat et accumulée dans les encaisses privées. En émettant de la monnaie, l'Etat emprunte en fait un pouvoir de disposition sur le produit. En acceptant d'accroître leurs encaisses monétaires, les secteurs privés prêtent de façon analogue un pouvoir de disposition sur le produit. L'Etat peut dépenser plus qu'il ne gagne sur les comptes produit et revenu parce que les secteurs privés dépensent moins et se défont de leur épargne en échange de cet actif financier qui s'appelle la monnaie. Le revenu et la dépense sont répartis différemment entre les secteurs, et cette différence de répartition est possible uniquement parce qu'il y a au moins une forme de dette et une forme d'actif financier. Dans cette économie élémentaire, les actifs financiers et la dette ont une structure très simple. La monnaie est le seul type de dette qui peut être émis pour permettre un financement externe des déficits ou des excédents de l'investissement sur l'épargne. Cette même monnaie est k seul type d'actif financier qu'un secteur peut acheter en trartsférant son excédent d'épargne sur l'investissement aux agents à besoin de financement. Les augmentations de dette sont égales au déficit et les augmentations d'encaisses monétaires sont égales aux augmentations de dettes. Dans la réalité, les relations entre déficits, dette et monnaie - et entre excédents, actifs financiers et monnaie - sont évidemment beaucoup plus complexes. Ultérieurement, nous introduirons des dettes multiples aussi bien privées que publiques. Nous tiendrons compte de la différence existant entre dette et déficit, entre emprunt total de la période et augmentation de la quantité de monnaie, entre prêts de la période et croissance des encaisses monétaires des épargnants. 2 .1. 5

Grandeurs nominales et grandeurs réelles ; stocks et flux.

La plupart des flux et des stocks étudiés jusqu'ici peuvent être mesurés en termes nominaux ou en termes réels. Une valeur nominale correspond à un montant en dollars, non corrigé par les variations de prix. Il s'agit de la valeur en dollars aux prix

26

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

courants ou actuels. La valeur réelle correspond au montant nominal divisé par un indice du niveau général des prix ou par quelque autre indice de prix approprié. Ainsi la dépense nationale brute nominale correspond à cette dépense aux prix courants, alors que la dépense nationale brute réelle est plus élevée ou plus basse, selon que les prix courants sont plus bas ou plus élevés par rapport à ceux de la période de base. Si les prix se sont élevés, la dépense réelle est inférieure à la dépense nominale ; et inversement si les prix ont baissé. Dans les pages qui suivent, l'expression« demande de monnaie» signifie demande pour une quantité de monnaie. A tout moment, les agents économiques expriment une certaine demande (en termes nominaux ou réels) pour une quantité donnée de monnaie (en termes nominaux ou réels). L'expression «demande additionnelle de monnaie» correspondra à une augmentation de la demande de monnaie des agents économiques au cours d'une période. L'expression « offre de monnaie» correspondra à l'augmentation du stock nominal de monnaie. La demande réelle de monnaie et le stock réel de monnaie correspondent à la demande nominale de monnaie et au stock nominal de monnaie divisé par un indice du niveau général des prix. 2.2

TYPES DE COMPORTEMENTS ÉCONOMIQUES.

La comptabilité globale d'une économie élémentaire enregistre les achats et les ventes, les emprunts et les prêts et les positions financières débitrices ou créditrices. Elle montre comment les agents économiques se sont comportés sur les marchés. Elle n'explique pas les mobiles de ces comportements - elle ne dit pas pourquoi les agents économiques se sont comportés comme ils l'ont fait. C'est ce problème que nous allons étudier maintenant. Les entreprises sont offreurs sur le marché des biens. Leur produit réel en courte période dépend en partie du stock des biens de capital accumulé par investissement réel net dans le passé. Il dépend aussi de la quantité de travail fournie par les consommateurs et des conditions techniques agissant sur l'efficience de la production. Nous supposons que le produit réel peut être augmenté proportionnellement au capital et au travail si, pour des techniques de production données, les deux facteurs augmentent dans la même proportion. Nous supposons aussi que le produit réel augmente moins que proportionnellement au montant de chacun des facteurs pris isolément.

Analyse financière dans une économie élémentaire

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Les consommateurs offrent une quantité constante de travail aux entreprises indépendamment du taux de salaire nominal ou réel par unité de temps. L'offre de travail est donnée. Le travail est pleinement utilisé et le taux de salaire réel est égal à son produit marginal. L'excédent du produit total sur la masse des salaires couvre la dépréciation du capital, et procure une rente réelle aux entreprises, qui sont propriétaires du capital existant. Le taux de rendement du capital, égal à sa productivité marginale, s'exprime en pource__ntage et correspond à un taux d'intérêt naturel. En termes marginaux, le taux de rendement net du capital représente la variation des gains nets des entreprises exprimée en pourcentage de la variation de leur stock de capital. Le produit national net se divise alors entre salaires versés aux consommateurs et rentes réelles appropriées par les entreprises, avec un taux de rémunération pour chaque secteur égal à la productivité marginale du facteur offert par ce secteur. Les entreprises amortissent automatiquement le capital. Leurs gains nets peuvent être affectés à deux emplois. Ils peuvent être investis pour accroître le stock réel de capital, ou ils peuvent être affectés à l'accumulation d'encaisses monétaires réelles. Rappelons que, dans cette économie, les entreprises ne paient pas de dividendes aux consommateurs. Nous supposons que chaque entreprise a pour but de répartir ses actifs totaux entre le capital réel et les encaisses réelles, de manière à égaliser le taux de rendement du capital ct l'avantage marginal réel des encaisses. Chaque entreprise désire un « portefeuille équilibré ». A chaque période, l'affectation désirée par les entreprises entre biens de capital et monnaie de leur gain net (égal au revenu net ou à l'épargne nette) dépend de plusieurs facteuq;) Un taux réel de rendement marginal du capital relativement élevé stimule la demande d'investissement net. Ce taux de rendement· étant donné, l'existence d'un stock de capital relativement important tend à décourager la demande du fait du risque qu'encourent les entreprises au fur et à mesure de l'accroissement de l'échelle de leurs opérations. Pour un taux de rendement et un stock de capital donnés, la demande d'investissement net est d'autant plus forte que les entreprises disposent d'encaisses réelles effectives importantes par rapport aux encaisses désirées. De plus, les demandes d'investissements nouveaux et de monnaie sont d'autant plus fortes que les gains de l'entreprise sont relativement élevés. La demande additionnelle d'encaisses réelles des entreprises

28

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

est limitée par l'excès de leurs gains nets (épargne) sur leur investissement net. Les entreprises désirent consacrer une partie relativement importante de leurs gains à l'accumulation d'encaisses réelles lorsque le capital est important, lorsque le taux de rendement marginal du capital est bas, et lorsque les encaisses effectives sont faibles par rapport aux encaisses désirées. Au début de chaque exercice budgétaire, les entreprises peuvent vouloir équilibrer leur budget pour l'exercice à venir, ou préférer des budgets déséquilibrés en excédent ou en déficit. Dans le premier cas, elles se proposent de conserver les mêmes encaisses monétaires et d'utiliser tous leurs gains pour l'investissement réel. Dans le cas d'un budget en excédent, elles désirent utiliser une partie de leurs gains nets pour l'investissement réel et une partie pour l'accumulation d'encaisses. En cas de budget en déficit, les entreprises prévoient de déthésauriser et d'accroître leur stock de capital au-delà de ce que l'épargne nette seule pourrait financer. La demande additionnelle d'encaisses réelles des entreprises est nulle dans le premier cas, positive dans le second et négative dans le troisième. Dans tous les cas, la demande additionnelle des entreprises reflète leur désir de réaliser une répartition appropriée des actifs totaux entre biens de capital et moyens de paiement. Dans l'économie élémentaire, les ménages offrent du travail en échange de salaires. Ils utilisent leur salaire réel pour consommer ou pour épargner. L'épargne des consommateurs sert uniquement à accroître leurs encaisses réelles puisque les consommateurs n'investissent pas sous forme d'actifs physiques et puisque la monnaie est le seul actif financier de l'économie élémentaire. Les consommateurs peuvent désirer désépargner, et consommer ainsi au prix d'une diminution de leurs encaisses réelles. Le montant des encaisses désirées par les consommateurs tend à augmenter avec leur revenu réel, mais pas nécessairement dans une proportion fixe. A toute période les consommateurs demandent des quantités additionnelles de monnaie lorsque leurs encaisses effectives sont inférieures aux encaisses désirées. Ils dépensent la totalité de leur revenu en consommation quand ils disposent des encaisses qu'ils désirent. Lorsqu'ils ont un excédent de monnaie, ils souhaitent déthésauriser. Il est possible que les consommateurs ne cherchent pas à corriger en une seule période la totalité de l'écart existant entre encaisses effectives et encaisses désirées. Ce que nous avons dit de la demande de monnaie du consom-

Analyse financière dans une économie élémentaire

29

mateur s'applique aussi bien à sa demande de biens. La consommation est une fonction croissante du revenu et des encaisses réelles du consommateur. Elle est fonction décroissante des encaisses désirées. L'effet « d'encaisses réelles » de la monnaie sur la consommation dépend de l'écart entre encaisses réelles effectives et encaisses désirées. En revanche, la demande additionnelle de monnaie est une fonction croissante du revenu et des encaisses désirées du consommateur, et une fonction décroissante des encaisses effectives. Nous avons défini les comportements des entreprises et des consommateurs. Le dernier secteur, l'Etat, a moins de liberté d'action. Il ne reçoit pas de revenu. S'il demande des biens et des services, il doit les payer en émettant de la monnaie. En d'autres termes, s'il demande des biens et des services, il doit offrir de la monnaie pour les encaisses des consommateurs et des entreprises. La quantité effective de monnaie nominale dépend de l'accumulation des déficits de l'Etat dans le passé et la quantité effective de monnaie réelle n'est pas autre chose que la quantité nominale corrigée par le niveau général des prix des biens et des services. L'Etat peut rester inactif ou il peut désépargner, et sa désépargne est financée par une augmentation de la quantité de monnaie nominale. Quand l'Etat intervient dans le flux circulaire du revenu, sa dépense accroît les revenus privés et les encaisses monétaires privées. Si sa dépense remplace une dépense privée, l'effet net sur les revenus privés est nul, mais les encaisses monétaires privées s'accroissent. En général, nous supposerons que l'Etat fait des dépenses de biens et de services, en passant rapidement sur les dépenses sous forme de paiements de transfert aux secteurs privés. Ultérieurement, nous examinerons en détail pourquoi l'Etat choisit de dépenser ou de ne pas dépenser, d'émettre ou de ne pas émettre de monnaie. Pour le moment, nous nous contenterons de dire que la décision de l'Etat est affaire de politique monétaire. Dans cette économie, les entreprises et les consommateurs sont motivés par des avantages réels anticipés et ils déterminent leurs plans en termes réels. La décision est déterminée par le revenu réel, les taux réels de rendement et les valeurs réelles des actifs. Ces variables réelles étant données, les entreprises et les consommateurs sont totalement indifférents aux valeurs nominales. Ils prennent la même décision à tous les niveaux de prix et de salaires en termes d'unité de compte. Pour adopter le langage usuel, nous dirons que les entreprises et les consommateurs

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

sont exempts d'illusion monétaire. De plus, les secteurs privés tiennent pour acquit, malgré un certain degré d'incertitude, que tout niveau actuel des prix des biens et du travail sera maintenu indéfiniment. En d'autres termes, nous faisons l'hypothèse d'anticipation statique des prix. Il s'agit d'un cas spécial d'élasticité unitaire des anticipations de prix (2). De plus, les marchés de biens et de travail de cette économie sont concurrentiels. Tous les prix des biens et du travail sont parfaitement flexibles. Tout excédent de la demande réelle sur l'offre réelle sur le marché des biens provoque immédiatement une augmentation du niveau des prix et des taux des salaires monétaires. Tout excédent d'offre entraîne à la fois une baisse des prix et des taux de salaire monétaires. Sur ce plan et sur d'autres, l'économie élémentaire est très loin des modèles keynésiens. Elle est plutôt dans la tradition néo-classique.

2.3

LE MARCHÉ DE LA MONNAIE.

Dans la section précédente, nous sommes passés rapidement sur les conditions d'offre et de demande sur les marchés du travail, des biens et de la monnaie. La monnaie est notre principal souci dans l'économie élémentaire. La quantité nominale de monnaie existant à tout moment est égale à l'accumulation des déficits publics antérieurs. La quantité réelle de monnaie - le pouvoir d'achat des encaisses monétaires globales - est la quantité nominale corrigée par l'indice général des prix des biens. Sur le marché de la monnaie, l'émission courante de monnaie nominale correspond à l'offre de monnaie. Cette offre est l'une des causes de variation de la quantité réelle de monnaie. L'autre cause de variation est la hausse des prix des biens et des services qui réduit la quantité réelle de monnaie, ou la baisse des prix des biens et des services qui accroît cette quantité. La demande additionnelle d'encaisses réelles peut être satisfaite par une émission publique de monnaie nominale ou par une baisse du niveau général des prix. Les secteurs privés deman-

(2) En général, les anticipations de prix ont une élasticité unitaire quand les variations des prix courants modifient les prix attendus dans la même direction et dans la même proportion. Donc, si les prix attendus sont égaux aux prix courants, une variation dans les prix courants est considérée comme permanente. Voir J. R. HICKS, Value and Capital (1948), p. 205.

Analyse financière dans une économie

élémentair~

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dent des encaisses monétaires pour leur pouvoir d'achat. Leur demande s'adresse aux encaisses réelles, et non aux encaisses nominales. Elle peut être satisfaite aussi bien par de nouvelles émissions de monnaie que par la baisse des prix. Pourquoi les secteurs privés désirent-ils des encaisses réelles ? Pourquoi sont-ils prêts à épargner afin d'ajuster leurs encaisses effectives aux encaisses désirées .J tette économie ne comporte évidemment pas de préférence keynésienne pour la liquidité due au motif de spéculation, pour la simple raison qu'il n'existe cpas d'autres titres que la monnaie, ni de taux d'intérêt pour ces titres. La monnaie n'est pas désirée pour se prémunir contre le risque de baisse du prix des obligations. Pour quelles raisons, alors, les consommateurs accumulent-ils des encaisses aux dépens de la consommation, et les entreprises accumulent-elles des encaisses aux dépens de l'investissement ? Pour justifier la détention d'encaisses monétaires, nous pensons qu'il est préférable de recourir à la fiction d'un taux IMPLICITE de rendement des dépôts. On doit distinguer ce taux implicite du taux EXPLICITE payé quelquefois par les systèmes monétaires sur les corn ptes de chèques ou sur les dépôts à terme. Dans notre modèle, nous supposons que les consommateurs demandent des encaisses réelles additionnelles jusqu'au moment où le taux marginal implicite de rendement des dépôts est égal à l'utilité marginale de la consommation sacrifiée antérieurement pour accumuler de la monnaie. Les entreprises cessent leur demande de monnaie lorsque le taux marginal de rendement des dépôts est égal au taux marginal réel de rendement des biens de capital. Dans notre économie élémentaire, les prix des biens et du travail sont flexibles. Bien que les agents économiques privés considèrent que les niveaux de prix actuels sont le meilleur instrument de mesure des niveaux de pr~ futurs, ils n'accordent pas une entière confiance à cette anticipation. De leur point de vue, il y a toujours des chances de voir baisser le niveau des prix. A moins que cette éventualité ne soit contrebalancée par la probabilité d'une hausse de prix, le secteur privé s'attend à ce que la baisse des prix des biens et du travail rapportent un gain réel en capital aux encaisses monétaires. Ce gain possible représente une composante du taux implicite de rendement des dépôts. La demande de monnaie, dans notre économie élémentaire, provient aussi de ce qu'aucun agent économique n'est certain de maintenir, en permanence et pour toujours, un budget en équilibre. Chaque agent économique s'attend, avec plus ou moins de certitude, à passer, d'un jour à l'autre, d'un budget

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

en excédent à un budget en déficit. En d'autres termes, il anticipe un budget fluctuant. Les déficits budgétaires qu'anticipent les agents économiques ne peuvent être financés que par de la monnaie déthésaurisée. Si des encaisses monétaires n'ont pas été accumulées antérieurement pour une éventuelle déthésaurisation, on est obligé d'égaliser dépenses et revenu à tout moment et ceci entraîne divers coûts et pertes. Ces coûts et pertes, que la détention de monnaie évite, représentent la seconde composante du taux implicite de rendement des dépôts. Il y a des coûts et des pertes lorsque l'on se passe de monnaie, lorsque l'on synchronise de manière continue recettes et dépenses en monnaie. Pour les entreprises, mais non pour les consommateurs, la monnaie représente une ptilisation de l'épargne alternative à l'achat d'un autre actif, les biens de capital. Nous faisons l'hypothèse que l'investissement réel présente un risque marginal croissant et que les anticipations concernant le taux marginal de rendement du capital ne sont pas absolument certaines. Compte tenu de ce risque, les entreprises de notre économie élémentaire diversifient leurs actifs en affectant leur épargne en partie aux biens de capital et en partie à la monnaie détenue en portefeuille. Les pertes anticipées sur l'investissement réel, que la détention de monnaie évite, sont un autre élément du taux implicite de rendement des dépôts. La monnaie est donc désirée parce que son rendement marginal implicite est égal ou supérieur aux rendements marginaux de la consommation et de l'investissement. Son rendement marginal dépend de la baisse anticipée des prix, de la possibilité d'avoir un budget fluctuant, et des risques de l'investissement réel. L'économie ne répartit pas sa quantité réelle de monnaie entre trois variétés d'encaisses, une pour chacun des trois facteurs qui déterminent le taux de rémunération des dépôts. La monnaie représente un seul actif et non trois et son montant désiré est celui qui égalise le rendement marginal de la monnaie avec le rendement marginal des autres emplois possibles du revenu. Nous avons vu que la demande additionnelle d'encaisses réelles est stimulée par la croissance du revenu réel des consommateurs, par la croissance du revenu réel et du capital réel des entreprises et par une baisse du taux marginal de rendement du capital. Cette demande de monnaie est aussi stimulée par la réduction des encaisses monétaires réelles au-dessous du niveau désiré à la suite, par exemple, d'une hausse de prix. Pour savoir si la croissance des encaisses réelles désirées par les secteurs privés est plus ou moins rapide que la croissance du revenu et des actifs

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réels, il faut connaître les variations relatives de l'utilité marginale de la consommation, du taux marginal de rendement du capital et du taux implicite de rendement des dépôts. La demande de monnaie est confrontée à la quantité de monnaie sur le marché de la monnaie. Ce marché atteint un équilibre quand la demande de monnaie est égale à la quantité existante. Ce marché n'est pas un marché institutionnel. Il s'agit d'une construction logique fondée sur des hypothèses concernant la demande, l'offre, et leur équilibre. Dans ce modèle, compte tenu de notre hypothèse de plein emploi permanent sur le marché du travail, l'équilibre sur le marché de la monnaie est nécessairement atteint lorsqu'il y a équilibre sur le marché des biens. Ceci vient du fait que la demande additionnelle de monnaie est définie comme une affectation désirée du revenu à la thésaurisation (alternative à la consommation et à l'investissement) et que la quantité additionnelle de monnaie est identique à la demande publique de biens.

2.4

L'ÉQUILIBRE STATIONNAIRE.

Nous supposons que nos trois marchés, considérés isolément ou pris ensemble, n'aiment pas le déséquilibre et que leur réponse à des demandes ou à des offres excédentaires les pousse vers l'équilibre. Etudions maintenant l'équilibre partiel sur chacun des marchés et l'équilibre général pour l'économie, sous une hypothèse d'état stationnaire. Nous nous intéresserons particulièrement aux aspects monétaires de cet équilibre stationnaire. L'équilibre stationnaire correspond simplement à l'absence de croissance réelle. Chaque secteur a un budget en équilibre. Le revenu brut des entreprises permet juste d'amortir le capital; le revenu des consommateurs est entièrement dépensé en biens de consommation; la demande publique de biens est nulle. Sur le marché des biens, le produit national net est alors égal au mon~ant des salaires réels du secteur des consommateurs. Ce secteiir dépense tout son revenu en produit de telle sorte que, puisque les entreprises et l'Etat ne f9nt pas de dépenses, le marché des biens est exactement équilibré./ Sur le marché de la monnaie, les entreprises ne désirent pas accroître leur stock d'encaisses réelles paree que le stock réel de richesse, le taux marginal de rendement du capital et le revenu brut des entreprises sont constants et parce que les encaisses monétaires réelles effectives rapportent un taux

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

de rendement implicite égal au taux de rendement marginal des actifs réels. Les consommateurs ne désirent pas accroître leurs encaisses ·réelles parce que leur revenu est constant et parce que le rapport encaisses réelles/revenu est au niveau désiré. Puisque les secteurs privés ne désirent pas accroître leurs encaisses réelles, et puisque l'émission nominale de monnaie est nulle, le marché de la monnaie est exactement équilibré au niveau de prix existant. Cet équilibre stationnaire a pour caractéristique monétaire que la quantité effective d'encaisses réelles est égale à la quantité désirée. Cette quantité appropriée d'encaisses réelles peut correspondre à n'importe quelle quantité nominale positive de la plus petite à la plus grande. Les agents économiques désirent des encaisses réelles, et toute encaisse réelle désirée peut être obtenue par de multiples combinaisons de monnaie nominale et de niveau de prix. Notre économie élémentaire en équilibre stationnaire correspond à un « univers quantitativiste ». La quantité nominale de monnaie est une donnée exogène au modèle ct les agents économiques adaptent cette quantité au niveau désiré en fixant les prix des biens et du travail au niveau approprié. Pour démontrer ce résultat, on peut faire des expériences fictives à l'aide de la quantité nominale de monnaie et du niveau des prix. Supposons qu'un équilibre stationnaire initial soit perturbé par un coup de baguette magique qui double soudainement tous les taux de salaire ct tous les prix. Les encaisses réelles sont diminuées de moitié par rapport aux encaisses désirées. Les entreprises diminuent leur demande de biens d'investissement afin de restaurer l'équilibre optimum entre actifs réels et monnaie. Les consommateurs diminuent leur demande de biens et épargnent afin de rétablir leur position de liquidité d'équilibre par rapport au revenu. Il y a une offre excédentaire sur les marchés des biens et du travail, un excédent ex-ante de l'épargne sur l'investissement parce que des prix plus élevés réduisent la valeur réelle des encaisses, parce que l'effet « d'encaisses réelles» lié à la hausse de prix diminue la demande privée de biens et de travail. Avec des prix et des salaires parfaitement flexibles, l'économie ramène ces niveaux de prix et de salaire à leur point d'équilibre initial. L'acte arbitraire de hausse des prix appauvrit les créanciers de l'économie (les détenteurs de monnaie), qui répondent ·à cet appauvrissement en réduisant leur demande de biens et de travail jusqu'à ce que les niveaux originels de prix et de salaire soient retrouvés. Bien sûr, la hausse de >prix enrichit l'Etat (l'émetteur de monnaie), en réduisant la valeur réelle de sa dette, mais nous supposons que la demande publique de biens et de services n'est pas affectée par la valeur réelle de cette dette.

Analyse financière dans une économie élémentaire

35

Un second type d'expérience donne des résultats comparables au premier. Diminuons les encaisses monétaires de moitié, non en doublant les prix et les salaires, mais en détruisant de la monnaie nominale. Les effets d'encaisses réelles dans les secteurs privés entraînent, à nouveau, une offre excédentaire de biens et de travail, un excédent ex-ante de l'épargne sur l'investissement, un excédent de la demande réelle de monnaie. L'équilibre initial est restauré, non au niveau initial de prix et de salaire, mais à un niveau réduit de moitié, pour tenir compte de la réduction de la quantité de monnaie nominale. Les secteurs privés de l'économie demandent des encaisses monétaires réelles. Ils peuvent fabriquer le volume réel désiré d'encaisses à partir de n'importe quel montant de monnaie nominale, en ajustant le niveau des prix et des salaires nominaux. Les prix et les salaires sont flexibles et leurs variations ne sont pas bloquées par des anticipations perverses et instables, concernant leur évolution, leur valeur ultime et les causes de leur mouvement.

2.5

CROISSANCE RÉELLE AVEC BAISSE DES PRIX.

Dans l'économie élémentaire, on se représente plus facilement la croissance que l'absence de croissance. Supposons que l'offre de travail augmente à un taux constant avec une croissance parallèle du stock de capital, sans changement technologique. Les productivités marginales du travail et du capital ne changent pas, mais l'ensemble des salaires et l'ensemble des gains augmentent. Supposons aussi que chaque secteur maintienne un budget équilibré. Les dépenses publiques et l'émission de monnaie sont nulles. Parmi les variables de l'économie, seule la quantité nominale· de monnaie reste stable. Dans ce processus de croissance, la demande additionnelle d'encaisses réelles est positive. Dans notre économie, la quantité réelle de monnaie désirée est affectée positivement par la croissance du stock de biens de capital et par la croissance des revenus des entreprises et des consommateurs. Si la quantité de monnaie réelle n'augmente pas au même rythme que la quantité désirée, la croissance engendre une demande excédentaire de monnaie. Cette demande excédentaire de monnaie est bien sûr égale à l'offre excédentaire sur les marchés des biens et du travail. Si cette demande additionnelle de monnaie n'est pas satisfaite,

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

il se développe une surabondance générale de ressources physiques et de produit pendant le processus de croissance. Supposons, pour l'instant, que l'Etat ne réponde pas à cette demande additionnelle d'encaisses réelles par de nouvelles émissions. L'excédent endémique de demande de monnaie est satisfait par une baisse continuelle des prix des biens et du travail. L'économie ajuste la quantité de monnaie réelle au niveau qu'elle désire en baissant continuellement les prix et les taux de salaire nominaux. Une main invisible agit sur le marché de la monnaie et sur les marchés des biens et du travail. Dans le processus de croissance équilibrée dont nous venons de parler, on peut supposer que la quantité réelle de monnaie s'accroît dans une proportion constante avec le travail, le capital et le produit. Si la croissance multiplie simplement le nombre des entreprises et des consommateurs sans modifier la riéhesse ni le revenu par tête, la demande de monnaie n'augmente qu'en raison de la croissance de la population. Dans ce cAs, il y a de fortes chances que la vitesse de circulation-revenu de la monnaie reste constante. En revanche, si la croissance augmente le revenu par tête, la vitesse de circulation de la monnaie peut se comporter d'une manière différente. Elle baissera si la monnaie est un bien de luxe, dont la demande a une élasticité-revenu relativement élevée. La croissance nécessitera alors une baisse plus rapide des prix que lorsque la vitesse de circulation demeure constante. Une politique qui conserve la monnaie nominale constante n'a pas d'effet sur le développement économique dans notre modèle. La baisse des prix est tout à fait capable de satisfaire la demande additionnelle d'encaisses réelles. La baisse des prix joue un rôle nécessaire et positif dans ce processus de croissance en éliminant la demande excédentaire de monnaie et en assurant le plein emploi des facteurs de production. Tous les prix sont parfaitement flexibles et le déclin continuel de l'indice général des prix n'entraîne aucune distorsion dans les prix relatifs des biens et du travail, de la consommation et de l'investissement. La politique monétaire est neutre c'est-à-dire sans effet sur l'utilisation des ressources et sur les prix relatifs du produit et des facteurs de production.

2.6

CROISSANCE RÉELLE AVEC STABILITÉ DES PRIX.

Le processus de croissance accroît la quantité réelle de monnaie que désirent les agents économiques, et le maintien de l'équilibre nécessite une augmentation continue de la taille réelle du système

Analyse financière dans une économie élémentaire

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monétaire, c'est-à-dire de la quantité réelle de monnaie existante. Nous avons montré que la demande additionnelle d'encaisses réelles, pendant le processus de croissance, peut être satisfaite dans l'économie élémentaire par la baisse des prix et des taux de salaire nominaux. Elle peut aussi être satisfaite par une croissance de la monnaie nominale avec des prix et des taux de salaire stables. Si les prix et les taux de salaire sont constants au cours du processus de croissance, les secteurs privés de l'économie élémentaire doivent maintenir des budgets en excédent et l'Etat doit avoir un déficit continuel. Les secteurs privés doivent épargner, prêter, et accumuler de la monnaie nominale alors que l'Etat doit désépargner, emprunter et émettre de la monnaie. En supposant que la dépense publique n'affecte pas le produit et les prix relatifs, la demande privée réelle de monnaie peut aussi bien être satisfaite par la croissance de la dette publique réelle avec baisse des prix que par émission de nouvelle dette avec des prix stables. 2. 7

LA POLITIQUE MONÉTAIRE.

Le Service Banque de l'économie élémentaire est l'organisme créateur de monnaie. Quand la quantité nominale de monnaie s'accroît, c'est lui qui achète les biens et les services au secteur privé et règle ses achats en créant de la monnaie portée au crédit des vendeurs. II y a deux autres participants sur le marché de la monnaie. Les secteurs privés détiennent la quantité de monnaie qui est leur seul actif financier et l'emploient comme moyen de paiement. Le troisième participant est le Service Politique dont la fonction est de fixer la règle de croissance de la monnaie nominale, c'est-à-dire de définir la politique monétaire. Qui détermine la quantité nominale de monnaie ? On pourrait être tenté de désigner le Service Banque qui joue le rôle des banques commerciales dans l'économie élémentaire. Il crée de la monnaie nominale et les secteurs privés accepteront n'importe quel montant de son produit à parité constante en échange de biens et de services évalués au prix du marché. Le Service Banque semble avoir l'initiative en ce qui concerne la production de monnaie nominale et personne ne refuse son produit. Cette première réponse est erronée, le rôle du Service Banque est passif. Il représente une sorte de robinet monétaire que l'on ouvre ou que l'on ferme selon les décisions des agents économiques

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

privés et celles du Service Politique. A chaque étape de la croissance de la collectivité, le système monétaire est confronté à une demande additionnelle d'encaisses réelles des secteurs privés. Nous savons que cette demande peut être satisfaite par de multiples combinaisons de prix et de monnaie nominale. Dès que le Service Politique a déterminé le niveau de prix qu'il désire, la quantité nominale de monnaie correspondante est aussitôt fixée. Cette quantité adéquate est alors déterminée par la demande privée d'encaisses réelles et par l'objectif de prix du Service Politique. Le Service Banque n'a d'autre possibilité que de créer la quantité de monnaie nominale correspondante. Les secteurs privés «déterminent» la quantité réelle de monnaie; les secteurs privés et le Service Politique« déterminent» la quantité nominale; le Service Banque rend disponible cette quantité adéquate. 2. 7.1

Les politiques possibles.

Nous avons déjà examiné deux politiques possibles. En premier lieu, l'autorité monétaire peut fixer une quantité nominale de monnaie constante et se fier à la baisse des prix pour satisfaire la demande réelle de monnaie. En second lieu, le Service Politique peut fixer un niveau de prix et de salaire constant et avoir recours à l'émission de monnaie pour satisfaire la demande d'encaisses réelles. De ces deux politiques, laquelle est préférable ? Dans le cas de notre économie élémentaire, il n'y a aucune demande publique de biens dans la politique de baisse des prix. Dans la politique de stabilité des prix, les biens sont achetés par le Service Banque. Si l'on excepte le cas où l'Etat affecte ces biens de la mêm~ façon que les agents économiques les auraient euxmêmes affectés, les deux politiques auront des effets réels différents sur la croissance de l'économie. Le choix d'une politique prendra nécessairement en compte les contributions relatives de la dépense privée et de la dépense publique au bien-être de la collectivité. Supposons cependant que tous les achats publics de biens et de services ne modifient pas la structure de demande du produit. Existe-t-il alors une base rationnelle de choix dans notre économie entre ces deux méthodes de satisfaire la demande réelle de monnaie, baisse des prix ou émission de monnaie ? Apparemment non. Quand la quantité réelle désirée s'élève au-dessus de la quantité effective, la baisse des prix et l'émission de monnaie créent de la monnaie réelle et comblent l'écart avec la même efficacité. Dans ce contexte, la politique monétaire est banale, et la seule fonction

Analysefinancière dans une économie élémentaire

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importante du système monétaire consiste à maintenir un mécanisme des paiements efficient. Dans notre économie, l'Etat peut laisser la baisse de prix maintenir l'équilibre monétaire. S'il choisit la stabilité des prix, il devra combiner ses dépenses ou ses paiements de transfert de telle sorte que le financement public n'affecte ni le modèle, ni son taux de croissance réel. A titre de troisième politique possible, l'Etat peut utiliser la gestion monétaire pour intervenir dans le processus de croissance. Etant donné un objectif de prix et de salaires nominaux stables, l'Etat pourrait satisfaire la demande privét1 de monnaie par de nouvelles émissions en empruntant volontairement l'épargne privée pour financer ses propres achats de biens en déficit. Ces biens pourraient être affectés à un programme d'investissement ou à d'autres objectifs sociaux qui modifieraient le cours du développement réel. En outre, en émettant de la monnaie pour financer des transferts qui seraient distribués différemment des revenus privés issus de la production, l'Etat pourrait imposer des effets de distribution à la collectivité qui modifieraient également le cours du développement réel. La politique monétaire pourrait provoquer une hausse des prix et des salaires plutôt que leur baisse ou leur stabilité. Toute hausse des prix et des salaires nominaux réduit la valeur réelle des encaisses effectives et provoque un écart entre encaisses effectives ct encaisses désirées. Elle implique une perte de richesse réelle pour les secteurs privés en tant que créanciers de l'Etat et un gain correspondant de richesse réelle pour l'Etat en tant que débiteur. Si les secteurs privés décident de restaurer leurs encaisses réelles en épargnant une plus grande partie du revenu, et en consacrant une plus petite partie de l'épargne à l'investissement réel, l'Etat peut absorber cette épargne en émettant de la monnaie et en la consacrant à des projets collectifs. Une politique de stabilité des prix dans l'économie élémentaire incite à l'épargne volontaire privée quand la croissance du capital et du revenu stimule la demande de monnaie, ct l'Etat peut absorber cette épargne en émettant de la monnaie. Une politique de hausse des prix incite à un taux encore plus élevé d'épargne volontaire avec notre hypothèse de rigidité des prix anticipés, et détourne une part encore plus grande du produit national net au profit de l'utilisation publique. La hausse des prix entraîne un taux d'épargne plus élevé parce que les agents économiques demandent de la monnaie non seulement pour répondre à la croissance du capital et du revenu, mais aussi pour compenser les pertes d'encaisses réelles infligées par la hausse des prix.

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2. 7. 2

La monnaie dans une théorie des actifs financiers Politique monétaire et éléments frictionnels.

Dans l'économie élémentaire, toute action de politique monétaire a deux aspects. Le premier est l'aspect émission de monnaie nominale par l'Etat au profit des entreprises et des ménages. Nous avons qualifié cet aspect de la gestion monétaire de banal ou neutre car, compte tenu de ses effets sur les prix et les salaires, il n'affecte pas le taux de croissance du capital, de l'emploi et du produit. Le second aspect de la gestion monétaire concerne l'achat de biens et de services ou les paiements de transfert que l'émission de monnaie permet de financer, c'est-à-dire « l'emploi » des fonds correspondant à la « ressource » émission de monnaie. Nous avons imaginé que l'Etat pouvait, s'il le désirait, éviter de perturber les marchés des biens et du travail par une utilisation adéquate des fonds dont il dispose. Dans ce cas, la politique monétaire est neutre sous ses deux aspects. Nous avons vu aussi que l'Etat pouvait, s'ille désirait, perturber délibérément le marché des biens ct du travail en utilisant l'émission de monnaie pour des projets de développement, ou pour d'autres projets. Il peut provoquer des effets de distribution dans les demandes relatives de consommation et d'investissement, ou entre les différentes sortes d'investissement, qui auraient des effets non neutres sur le taux et sur la structure de la croissance réelle. La monnaie émise doit être dépensée pour quelque chose et le programme de dépense peut donner à l'autorité monétaire une emprise réelle sur l'activité économique. Tout à fait en dehors de ces effets distributifs, la gestion monétaire cesse d'être banale si nous changeons l'une des trois hypothèses concernant l'économie élémentaire. Supposons, premièrement, que les prix et les taux de salaire nominaux ne soient plus flexibles mais rigides. Il ne peut alors y avoir aucune baisse de prix et de salaires nominaux comme substitut efficace à l'émission de monnaie, afin de satisfaire une demande additionnelle d'encaisses réelles. Lorsque le capital et le revenu réels augmentent, la croissance de la demande réelle de monnaie peut uniquement être satisfaite par la croissance de la monnaie nominale. Si la demande additionnelle d'encaisses réelles n'est pas satisfaite, cette demande excédentaire donne lieu à un sous emploi chronique du travail et du capital et à un ralentissement de la croissance. La flexibilité des prix représente la main invisible qui peut maintenir l'équilibre monétaire pour une quantité donnée .de monnaie nominale. La rigidité des prix empêche la main invisible de fonctionner.

Analyse.financière dans une économie élémentaire

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Si les prix sont rigides à la baisse, l'aspect émission de monnaie de la politique monétaire est vital pour réaliser une croissance au plein emploi. Si les prix sont rigides à la hausse, par suite d'un contrôle des prix ou pour d'autres raisons, l'émission de monnaie devient un instrument beaucoup plus puissant pour détourner le produit réel vers des programmes de dépense publique. La monnaie est imposée aux ménages et aux entreprises à un niveau de prix constant et cette épargne privée forcée peut être utilisée pour financer l'investissement ou la désépargne publics. La rigidité des prix fait porter la responsabilité de satisfaire la demande réelle de monnaie à l'émission de monnaie nominale. La hausse ou la baisse autoritaires des niveaux de prix et de salaires peuvent être considérées comme des cas spéciaux de rigidité puisque prix et salaires échappent alors à l'influence d'une demande ou d'une offre excédentaires sur le marché de la monnaie. Dans notre économie, un décret décidant d'augmenter les prix et les salaires réduirait les encaisses monétaires au-dessous du niveau désiré, créerait une demande excédentaire d'encaisses réelles et nécessiterait un taux plus rapide de croissance de la monnaie nominale, par de nouvelles émissions, afin d'éviter un excédent d'offre sur les marchés des biens et du travail. Nous pouvons introduire un deuxième élément frictionnel dans notre modèle, en faisant l'hypothèse que les anticipations de prix n'ont pas une élasticité unitaire. Avec quelque incertitude, les agents économiques supposaient, jusqu'à présent, que tout niveau de prix d'équilibre correspondait au niveau de prix permanent. Ils avaient des anticipations de prix statiques (cas particulier d'élasticité unitaire des anticipations). Si les agents économiques abandonnent cette hypothèse simple, la baisse des prix peut à nouveau ne pas représenter un substitut efficace à l'émission de monnaie, afin de satisfaire la demande additionnelle de monnaie résultant de la croissance du capital et du revenu réels. Supposons que l'élasticité des anticipations de prix soit supérieure à 1. Un changement dans les prix courants entraînera, alors, un changement des prix anticipés dans la même direction et dans une proportion plus grande. Par conséquent, pour un montant donné d~ monnaie nominale, et puisque la demande réelle de monnaie augmente pendant la croissance, le processus de baisse des prix sert seulement à accroître encore plus cette demande et entraîne une nouvelle baisse des prix. Si le système monétaire n'offre pas de monnaie nominale, il peut alors en résulter un sous emploi ou, dans le cas extrême, une chute sans

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

fin des prix nominaux. Inversement, une augmentation des prix courants détermine des anticipations de prix à la hausse plus que proportionnelles et réduit ainsi la demande réelle de monnaie. Le processus atteint son apogée avec l'hyperinflation. En général, quand les mouvements de prix élargissent le fossé entre encaisses réelles effectives et encaisses désirées, la politique de l'émission monétaire cesse d'être banale. La baisse des prix ne se substitue pas parfaitement à l'émission de monnaie. La conclusion selon laquelle la politique monétaire n'est pas banale apparaît également quand les anticipations de prix ont une élasticité inférieure à 1. Un changement dans les prix courants entraîne des changements dans les prix futurs anticipés dans la même direction (si l'élasticité est positive), mais dans une proportion plus faible. Dans ce cas, la baisse des prix au cours de la croissance du produit réduit la demande additionnelle d'encaisses réelles au-dessous du niveau qu'elle aurait atteint avec une élasticité unitaire. Inversement, la hausse des prix accroît la demande additionnelle d'encaisses réelles au-dessus du niveau qu'elle aurait atteint autrement. Il en résulte que le choix politique entre des variations de la monnaie nominale et des variations de prix devient un fait important. Un troisième élément frictionnel peut être introduit dans le modèle sous forme d'illusion monétaire. Les agents économiques définissent leurs objectifs et tracent leurs plans en termes nominaux plutôt qu'en termes réels. Il en résulte que le choix entre les variations de la monnaie nominale et les variations du niveau des prix comme réponses possibles à la demande additionnelle de monnaie cesse d'être banal et la politique monétaire n'est pas neutre dans ses effets réels. La baisse des prix ne peut satisfaire la demande additionnelle de monnaie parce que les agents économiques fixent leur choix plutôt sur les encaisses nominales que sur les encaisses réelles. La hausse des prix ne peut pas annuler une offre excédentaire de monnaie parce que les encaisses excédentaires sont mesurées en valeur nominale. Dans ce cas, la gestion monétaire devient un acte délicat et important qui consiste à créer juste le montant requis d'encaisses. C'est le seul moyen que détient la coilectivité pour maintenir l'équilibre monétaire, puisque le processus de croissance modifie continuellement la demande de monnaie. Nous concluons que la politique monétaire peut être banale dans une économie élémentaire. Elle est banale s'il n'y a pas d'effets de distribution qui proviennent des dépenses publiques, si les prix sont flexibles, si les anticipations de prix ont une élas-

Analyse financière dans une économie élémentaire

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ticité unitaire et si l'illusion monétaire est absente. Quand la politique monétaire est banale, l'émission de monnaie joue un rôle neutre dans la croissance réelle et le taux de croissance nominal du système monétaire est sans rapport avec le bien-être de la collectivité.

2.8

LES OBSTACLES FINANCIERS A LA CROISSANCE RÉELLE.

Il est difficile d'obtenir un taux de croissance satisfaisant pour le produit réel. Les raisons en sont nombreuses. Les unes sont sociales, les autres psychologiques, d'autres politiques ou économiques. Ce qui nous importe ici, c'est que l'économie élémentaire oppose de sévères obstacles financiers à la croissance du produit réel. Un système financier qui manque de maturité est par lui-même un obstacle au progrès économique. Dans cette section, nous allons voir comment les restrictions de prêt et d'emprunt entravent la croissance réelle de l'économie élémentaire. Le produit qu'une économie est capable de fournir dépend de «l'input» en travail et de 1'importance du stock de capital pour des techniques de production données. Si l'on met de côté les services du travail, la capacité de production s'accroît dans la mesure où le stock de capital s'accroît, c'est-à-dire dans la mesure où il y a épargne et investissement. Cependant, la capacité de production nette dépend .seulement en partie du niveau de l'investissement. Elle dépend aussi de l'affectation efficiente de l'investissement parmi les projets possibles. La forme et le fonctionnement du système financier peut encourager l'emploi efficient de l'épargne et de l'investissement, ou il peut entraver l'épargne et l'orienter vers des emplois inefficients. Le système financier de notre économie élémentaire ne franchit pas avec succès ces épreuves. En particulier, dans un régime d'entreprise privée, il ne convient pas à une croissance rapide du produit réel. 2. 8. 1

Contrainte sur le niveau d'investissement.

Dans l'économie élémentaire, l'accumulation du capital doit être financée par 'l'épargne puisqu'aucun emprunt ne peut être effectué à l'extérieur. L'épargne nationale doit venir du secteur

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La monnaie dans une théorie des act(fs.financiers

pnve puisque l'Etat n'a pas de revenu. A l'intérieur du secteur privé, l'épargne des ménages est destinée uniquement à l'accumulation d'encaisses monétaires réelles, et, même dans ce cas, cette épargne n'existe que si la demande d'encaisses réelles des ménages est satisfaite par émission de monnaie nominale plutôt que par baisse des prix. L'épargne des ménages ct l'épargne des cntre-;prises destinée à accroître les encaisses réelles se mettent néces-· sairement au service du secteur public. L'épargne des entreprises non affectée aux encaisses réelles est la seule disponible pour l'investissement privé. Si l'Etat s'endettait en faisant des paiements de transfert aux entreprises plutôt qu'en achetant des biens et des services, toute l'épargne pourrait se diriger vers la formation de capital privé. Si le modèle était modifié légèrement, de telle sorte que les entreprises puissent déthésauriser leurs encaisses afin de satisfaire la demande de monnaie des consommateurs, l'épargne des ménages irait directement vers les entreprises. Dans ce cas, cependant, il est vraisemblable que le taux de rendement implicite des dépôts rejoindrait rapidement le taux de rendement du capital, et ceci arrêterait les transferts avant que la diminution d'encaisses des entreprises n'ait été très grande. Le système financier de l'économie élémentaire offre aux agents économiques privés un seul type d'actif financier, la monnaie, pour les inciter à épargner. Les entreprises n'ont aucun instrument tJnancier spécifique pour attirer l'épargne des consommateurs et l'Etat n'a pas le droit d'émettre de la dette non monétaire. Le système financier n'essaie pas de stimuler l'épargne privée soit en offrant différentes sortes d'actifs financiers, soit en payant un taux de rémunération explicite sur les actifs financiers. Par conséquent, il est vraisemblable que la propension à épargner et le taux de croissance du capital seront relativement bas pour une répartition donnée du revenu entre les consommateurs et les entreprises. 2. 8. 2

Contrainte sur le flux d'épargne destiné à l'investissement.

Le système financier de l'économie élémentaire offre deux voies à l'épargne destinée à s'investir en biens de capital. 1) Les entreprises dirigent leur propre épargne vers des projets d'investissement dans la mesure où cette épargne excède leur demande additionnelle de monnaie. 2) Toute l'épargne destinée à s'accumuler sous forme d'encaisses réelles - celle des consommateurs

Analyse financière dans une économie élémentaire

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comme celle des entreprises - se dirige vers le secteur public. Si la demande additionnelle de monnaie est satisfaite par baisse des prix, l'épargne se dirige vers l'investissement en actifs réels uniquement en empruntant la première voie. Si les prix et les taux de salaire nominaux baissent moins que ce qui est nécessaire pour satisfaire la demande additionnelle de monnaie, l'Etat émet de la monnaie nominale et ceci draîne l'épargne à travers la seconde voie dans des proportions définies par la politique publique. Plusieurs options s'offrent à l'Etat pour effectuer ses dépenses. Il peut investir l'épargne privée en équipements collectifs, il peut financer l'investissement privé grâce à des transferts, ou il peut faire des dépenses qui n'augmentent pas le stock de biens de capital. Ce système financier donne à l'Etat une lourde responsabilité dans le choix de l'investissement. Premièrement, le taux d'épargne privé dépend de la politique monétaire et de son objectif de prix. Deuxièmement, l'affectation de l'épargne privée à l'accumulation monétaire est plus ou moins efficiente selon le choix public des projets d'investissement. En matière d'affectation de l'épargne à l'investissement, le secteur privé a un rôle minime dans l'économie élémentaire. Les consommateurs peuvent diriger leur épargne uniquement vers le secteur public. Chaque entreprise, mis à part les transferts publics, utilise seulement sa propre épargne. Si l'Etat permettait que la demande additionnelle de monnaie soit satisfaite uniquement par baisse des prix, il n'y aurait aucune spécialisation entre agents qui épargnent et agents qui investissent. II n'y aurait aucun marché où les entreprises pourraient sc concurrencer en matière d'épargne privée, où les occasions d'investir se classeraient en fonction de leur efficacité marginale, et où les prix, sous forme de taux d'intérêt des obligations, pourraient écarter les projets les moins efficaces. Il n'y aurait aucun mécanisme privé permettant de rassembler les revenus épargnés par un grand nombre d'agents économiques afin de financer l'investissement sur une large échelle. Les émissions de titres privés et les marchés qui permettent aux épargnants d'en disposer sont indispensables au secteur privé dans le processus d'accumulation et d'affectation du capital. 2. 8. 3

Epargne, investissement et monnaie.

Le système financier de l'économie élémentaire est inefficient car il ne comprend ni actif financier pour encourager l'épargne, ni marché financier pour affecter l'épargne d'une manière compé-

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

titive à l'investissement. Cependant, ce système est nettement meilleur que l'absence de tout système financier parce qu'il offre un actif financier, la monnaie. L'existence de la monnaie comme actif financier donne à chaque agent économique la possibilité de dépenser plus ou moins que son revenu. La monnaie prépare l'introduction de l'emprunt et du prêt. Puisque l'agent en excédent n'est pas nécessairement celui qui a le plus envie de dépenser, la monnaie permet, en prêtant pour les épargnants et en empruntant pour les investisseurs, une meilleure affectation du produit à l'intérieur de notre économie que celle qui serait vraisemblablement possible dans une économie encore plus primitive. · N'importe quel actif financier permet la réaffectation du revenu parmi les agents économiques, et permet à des demandeurs potentiels de comparer leurs options de dépense à d'autres options. L'inconvénient de l'économie élémentaire tient à ce qu'elle n'offre qu'un seul actif financier. Elle n'exploite pas pleinement les incitations à épargner, ni les moyens financiers permettant une répartition efficiente de l'épargne entre les occasions d'investissement. 2.9

INNOVATIONS DANS LE SYSTÈME FINANCIER.

Un système financier limite la croissance s'il lie la répartition de la dépense d'une manière trop rigide à celle du revenu et s'il ne prend pas de dispositions institutionnelles pour harmoniser, de manière sélective, les budgets en excédent de certains secteurs avec les budgets en déficit d'autres secteurs. Il est vraisemblable que les agents économiques chercheront les moyens de desserrer ces contraintes. En vérité, dans toute économie, la structure financière est continuellement remodelée par les efforts des agents économiques pour échapper aux contraintes financières existantes. Pour terminer ce chapitre, nous allons voir rapidement quelques uns des moyens financiers les plus simples qui ont été utilisés dans les économies relativement sous-développées pour accélérer le processus d'épargne des agents économiques. On peut intégrer n'importe lequel de ces moyens dans notre économie élémentaire afin d'augmenter son taux de croissance réel. 2. 9. 1

Les moyens financiers élémentaires.

Le début de l'histoire économique des Etats-Unis offre des exemples intéressants de desserrement des contraintes finan-

Analyse financière dans une économie élémentaire

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cières sur la croissance réelle. La formation de sociétés de personnes fut un moyen classique pour mobiliser l'épargne dans les colonies américaines avant la naissance des sociétés de capitaux et des bourses de valeurs. Les fusions des budgets d'entreprises par des associations ont élargi l'éventail des occasions d'investissement pour tout dollar donné d'épargne. La mise en commun de l'épargne par les ménages dans des sociétés' mutuelles a supprimé aussi les obstacles à l'orientation des flux financiers vers des emplois relativement urgents. La loterie est aussi une autre technique populaire qui a permis d'accroître les fonds dans les temps coloniaux. Elle a servi traditionnellement dans le monde de substitut à l'émission de titres privés. Si la valeur des lots est bien au-dessous de la valeur des billets de loterie vendus, le jeu fonctionne évidemment à l'avantage de son organisateur. L'organisateur du jeu peut alors dépenser ses gains en investissement. Les gouvernements coloniaux ont utilisé les loteries non seulement pour gagner des fonds à leur intention mais aussi pour dispenser des dons aux entreprises et aux agents privés. Les colonies - et aussi plus tard les Etats ont permis aussi aux individus de diriger des loteries pour financer des investissements spécifiques. Le billet de loterie peut ne pas être un parfait substitut à l'obligation ou à l'action, mais, dans bien des pays, il a représenté un des premiers pas faits sur le chemin du développement financier. L'Etat a drainé l'épargne privée par l'émission de monnaie, par des loteries, par l'impôt, par la vente de biens produits sous les auspices de l'Etat, par l'appropriation directe de produits privés et par la vente de concessions de monopole ou de privilèges religieux. Il a affecté l'épargne qu'il collectait à ses propres projets d'investissement, ou il s'est déchargé de la direction des ressources épargnées sur les entreprises privées par de nombreuses techniques de transfert. Dans nos propres colonies, on doit inclure parmi ces techniques de transfert les primes pour encourager l'investissement dans les secteurs prioritaires, les récompenses pour un produit d'une exceptionnelle qualité et les subventions en faveur d'activités considérées comme bénéfiques mais lentes à prendre leur élan. Tous les Etats, dans les sociétés élémentaires comme dans les sociétés avancées, ont utilisé la demande réelle privée de monnaie comme le fait l'Etat dans notre modèle. Ils ont inventé des moyens, trop nombreux pour les citer tous ici, permettant d'encourager la demande réelle de monnaie pouf des niveaux donnés de production et de revenu de la collectivité. Très tôt, dans ce pays et

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La monnaie dans une théorie des

act~fs financiers

ailleurs, la monnaie était acceptée en paiement des impôts et chacun devait, en général, l'accepter du fait de son pouvoir légal d'extinction des dettes, des sanctions étant prévues pour les créanciers qui préféraient d'autres moyens de règlement. En choisissant avec soin la substance et la dénomination de l'unité de compte, en instaurant des réserves de convertibilité et par d'autres moyens, les Etats s'efforçaient d'accroître la demande réelle de monnaie. On ne doit pas oublier, parmi les moyens permettant d'accroître le rendement réel de l'émission de monnaie de l'Etat, les contrôles et les blocages de prix dans les économies primitives. Les moyens financiers qui nous restent à étudier sont principalement de deux types. Le premier type fait intervenir des actifs réels, et nous en parlons ci-dessous. Le second type fait intervenir différentes sortes de titres primaires élémentaires, à la fois privés et publics. Dans les économies d'entreprise privée, les émissions de titres primaires sont devenues le principal moyen de solliciter l'épargne et de retirer un avantage efficient d'une division des fonctions entre les agents qui épargnent ct les agents qui investissent. Le chapitre qui suit introduit les émissions de titres primaires dans notre modèle. 2. 9. 2

Système financier et actifs réels

préexista~ts.

Dans notre économie élémentaire, aucun actif réel préexistant n'intervient dans les échanges. Cependant, la contrainte financière a souvent été contournée, spécialement dans les pays sousdéveloppés, par des transferts de terres et des transferts d'autres actifs réels. Les actifs réels peuvent jouer le même rôle que les encaisses monétaires dans l'économie élémentaire. En effet, ils peuvent transférer les budgets en excédent de certains agents vers d'autres agents économiques en déficit. Tout actif préexistant qu'un secteur accepte d'acquérir en échange de biens de production courante libère des ressources pour d'autres emplois, y compris pour un nouvel investissement. Une dotation naturelle en terre d'une collectivité est peut être l'illustration la moins ambiguë de l'actif préexistant que la collectivité évalue comme très peu ou rien en terme d'effort productif courant, et qui peut être offert aux épargnants comme moyen de détourner leurs droits su~ le produit courant vers la formation de capital. Mais tout autre actif préexistant- les objets d'art par exemple, ou les antiquités - peut être utilisé de la même façon.

Analysefinancière dans une économie élémentaire

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Les terres du domaine public furent admirablement utilisées aux Etats-Unis, à l'époque coloniale et plus tard, pour obtenir des fonds en vue de la croissance. Les terres concédées aux compagnies de canaux et aux compagnies de chemin de fer par l'Etat et par les gouvernements fédéraux en sont les exemples les plus célèbres. La plupart des terres concédées aux compagnies de chemin de fer étaient destinées à être vendues pour accroître les fonds de la construction du chemin de fer. Dans la mesure où les compagnies vendaient la terre, leurs besoins d'autres modes de financement externe, y compris les ventes de titres, étaient réduits. Tout ceci n'a pas été de faible importance, puisque la terre concédée aux chemins de fer représente presque 10 pour cent de la superficie totale des Etats-Unis. Les transactions sur la terre remplaçaient les transactions sur les titres en un temps où les marchés de titres étaient sous-développés, et où l'activité d'une administration des terres était possible. Bien des épargnants préféraient certainement accumuler de la terre plutôt que des titres au cours de cette période, et l'épargne qu'ils libéraient pouvait, bien sûr, être affectée à l'investissement.

2.10

RÉSUMÉ.

Le modèle de notre économie élémentaire comprend trois secteurs et trois marchés. Les trois secteurs regroupent des agents non financiers : les consommateurs, les entreprises et l'Etat. Les trois marchés sont ceux du travail, des biens, de la monnaie. La monnaie est le seul actif financier de l'économie et elle est émise par le système monétaire public, la seule institution financière. Ce système monétaire est composé d'un Service Politique et d'un Service Banque. Le premier est une banque centrale embryonnaire qui charge le second d'acheter le produit et d'effectuer des paiements de transfert afin d'émettre de la monnaie, acquise par les consommateurs et par les entreprises. Les agents privés demandent des encaisses réelles parce que la monnaie possède un taux marginal de rendement implicite qui est supérieur aux rendements marginaux de la consommation et de l'investissement. Le taux marginal de rendement de la monnaie augmente quand les agents anticipent des baisses de prix, quand leurs déficits budgétaires augmentent, et lorsque l'investissement réel présente un risque marginal croissant. La demande d'encaisses réelles est stimulée par ces facteurs (les

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

deux derniers étant liés à la croissance du revenu réel et du capital réel) et par une baisse du taux de rendement marginal des biens de capital. La quantité nominale appropriée de monnaie est déterminée par la demande privée réelle de monnaie et par la décision du Service Politique concernant le niveau des prix. Les secteurs privés déterminent la quantité réelle de monnaie, les secteurs privés et le Service Politique déterminent la quantité nominale appropriée et le Service Banque fournit cette quantité appropriée. Les entreprises et les consommateurs sont motivés par les avantages réels anticipés et effectuent leurs plans en termes réels. Ils ne sont pas victimes d'illusion monétaire. On s'attend à ce que le niveau des prix courants, avec quelque incertitude, ne change pas. Les marchés des biens et du travail sont concurrentiels. Les prix sont flexibles, il s'agit d'un monde néo-classique. Dans ce modèle, un seul niveau de prix est associé à toute quantité de monnaie nominale donnée. Le niveau des prix est déterminé. Si l'Etat, en achetant des biens et des services, ne modifie pas la fonction de demande du produit, le choix entre les deux moyens de satisfaire la demande excédentaire de monnaie - la baisse des prix et les émissions de monnaie - n'a pas de base rationnelle dans ce monde néo-classique. La politique monétaire dans ce contexte est neutre dans le sens où elle ne peut pas affecter les variables réelles de l'économie, en particulier le taux de rendement du capital, le produit et la richesse. Les variations de la monnaie nominale transforment simplement les prix et les taux de salaire nominaux et elles ne font que cela. Toutefois, la politique monétaire n'est pas neutre si l'Etat, en achetant des biens et des services (et donc en émettant de la monnaie nominale), modifie les demandes relatives de consommation et d'investissement ou les demandes pour les divers types d'investissement. La politique monétaire cesse aussi d'être neutre si les prix et les taux de salaire nominaux ne sont pas parfaitement flexibles, si les anticipations de prix n'ont pas une élasticité unitaire, ou s'il y a illusion monétaire. Dans chacun de ces cas, le choix entre émission de monnaie et modifications de prix n'est pas indifférent. Ce choix est important en ce qui concerne les variables réelles de l'économie. Le système financier de l'économie élémentaire n'est pas propice à une croissance rapide du produit réel parce qu'il n'offre pas un éventail d'actifs financiers qui stimulerait l'épargne, un éventail de marchés financiers qui affecterait l'épargne à l'investissement selon les règles de la concurrence. Pour pallier ces

Analyse financière dans une économie élémentaire

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inconvénients, on a utilisé des techniques financières simples dans les pays sous-développés. Ces techniques comprennent la formation de sociétés de personnes et de sociétés mutuelles, l'emploi de loteries, des paiements de transfert par l'Etat aux secteurs privés, divers procédés permettant d'accroître la demande de monnaie, des transferts de terre et des transferts d'autres actifs réels préexistants.

CHAPITRE III

MONNAIE ET TITRES PRIMAIRES

L'activité économique et son taux d'expansion sont freinés par des structures financières rudimentaires qui limitent les achats de chaque agent au montant de son revenu. Si la demande de produits est fixée par le revenu - si seuls ceux qui épargnent peuvent acheter des biens d'investissement - la spécialisation économique est restreinte et les ressources économiques peuvent ne pas être affectées à leurs utilisations les plus efficientes. II est vrai que la spécialisation économique et le système financier particulièrement développé qui l'accompagne impliquent divers coûts sociaux, mais on peut penser que les gains sociaux qui en résultent sont plus importants. Dans l'économie élémentaire du chapitre II, les structures financières décourageaient l'investissement privé réel. EIIes enserraient le développement économique privé dans un carcan. Cependant là où il existe des possibilités d'investissement attrayantes et là où les entraves non financières à l'exploitation de ces possibilités ont été levées, on peut être sûr que les investisseurs échapperont à ce carcan par les moyens étudiés précédemment. Eventuellement, on instaurera des marchés pour les titres primaires privés, afin de déserrer encore plus efficacement la restriction de l'équilibre budgétaire pour les dépenses privées. Le modèle que nous introduisons maintenant comprend des titres privés et un marché pour les échanger, si bien que certains agents peuvent investir plus qu'ils n'épargnent et que d'autres agents peuvent prêter leur épargne et accumuler soit des titres portant intérêt, soit de la monnaie. Cette économie engendre deux types de dettes et d'actifs financiers, une obligation de type unique et de la monnaie. Elle possède deux marchés finan-

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La monnaie dans une théorie des act(fs financiers

ciers, l'un pour les obligations, l'autre pour la monnaie. Les demandes et les offres y sont égalisées pour un taux d'intérêt des obligations et pour un niveau de prix d'équilibre. Une brève description de ce second modèle est d'abord nécessaire; nous exposerons ensuite les conditions de l'offre et de la demande sur les quatre marchés de l'économie - travail, biens, titres primaires (obligations) et monnaie. Dans une troisième étape, nous effectuerons une analyse séparée du marché de la monnaie, en particulier de la demande de monnaie en tant que composante des portefeuilles financiers. La fin du chapitre est consacrée à une analyse d'équilibre général et au rôle de la monnaie dans la détermination du niveau des prix, du taux d'intérêt, du niveau et de la composition du produit.

3.1

SECTEURS, MARCHÉS ET STRUCTURES FINANCIÈRES.

Dans cette section, nous décrivons notre seconde économie en distinguant ses secteurs, ses marchés et sa structure financière. 3. 1. 1 Secteurs, budgets et marchés. On retrouve toujaurs les trois secteurs des consommateurs, des entreprises non financières et de l'Etat. A l'équilibre, les consommateurs ont des budgets soit en équilibre, soit en excédent. L'état ne reçoit pas de revenu et ne dépense pas sur ses comptes produit et revenu; il représente le système monétaire, ses attributions étant restreintes au marché des obligations et au marché de la monnaie. Il n'y a toujours pas de secteur étranger. Le secteur entreprises possède tout le capital réel et combine celui-ci avec les services du travail (offerts par les consommateurs) pour obtenir le produit national. La dépréciation des biens de capital est compensée automatiquement par des investissements de remplacement, et le produit national net restant est divisé entre salaires et intérêts, versés au consommateur, et rente des entreprises. Les entreprises ont une existence autonome : elles n'émettent aucune action. Elles émettent cependant des obligations, que l'on suppose parfaitement sûres, afin de compléter leur épargne et d'accumuler du capital réel et des encaisses monétaires. Il n'y a pas de dividendes, si bien que le revenu commercial net et l'épargne nette coïncident.

Monnaie et titres primaires

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Le titre que les entreprisc:s émettent est de type unique et parfaitement sûr; il a la forme d'une rente perpétuelle rapportant 1 $ par an. Les conditions de vente peuvent être exprimées soit par un taux d'intérêt du marché, soit par un cours de titre, c'està-dire un nombre absolu de dollars égal à la valeur présente des revenus futurs du titre au taux du marché. On pourra mesurer les obligations de trois façons différentes; en nombre, en valeur nominale actuelle, en valeur réelle actuelle. Le secteur des consommateurs vend des services du travail aux entreprises en échange de salaires. Ce secteur détient des titres des entreprises qui lui rapportent des intérêts. Les intérêts dus sur les titres des entreprises détenus par le système monétaire sont redistribués aux consommateurs, mais ils ne doivent pas être considérés comme une rémunération de la détention de monnaie ou d'obligations. En conséquence, tous les paiements d'intérêt par les entreprises vont aux consommateurs. Le consommateur répartit son revenu entre dépenses de consommation et épargne, et l'épargne est affectée à l'accumulation d'encaisses monétaires et d'obligations. Les consommateurs ne détiennent aucune richesse matérielle. L'Etat possède à nouveau un Service Politique et un Service Banque, le premier étant responsable de la politique économique et le second de l'émission de monnaie et de la gestion du mécanisme des paiements. Ici, cependant, le Service Banque n'achète pas de biens et services et n'effectue pas de paiements de transfert. Son émission de monnaie se fait sous la forme de paiements d'obligations achetées aux entreprises par des opérations d'open market. Le budget de l'Etat est équilibré à un niveau zéro sur les comptes produit et revenu. Il s'ensuit que le budget agrégé des secteurs privés est lui aussi équilibré ex-post. Tout excédent budgétaire dans le secteur des consommateurs correspond à un déficit budgétaire de même montant dans le secteur des entreprises. Les actifs financiers, où sont placés les excédents budgétaires des consommateurs, doivent être égaux aux dettes des entreprises nettes de leurs encaisses monétaires. Si l'excédent budgétaire d'un secteur privé est égal au déficit de l'autre, les prêts de l'un sont égaux aux dettes de l'autre. Les obligations des entreprises achetées· par l'Etat correspondent à une offre nominale de monnaie pour les portefeuilles privés d'actifs financiers. Les trois secteurs d'agents économiques effectuent leurs transactions sur les quatre marchés : travail, biens, obligations et monnaie. Les deux secteurs privés participent à tous les marchés alors que l'état limite son activité au marché des obligations et

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

au marché de la monnaie. L'ensemble des marchés détermine le revenu national réel, la répartition des revenus entre entreprises et consommateurs, l'affectation du revenu entre consommation et investissement, tous les prix relatifs (taux d'intérêt inclus) et lés niveaux absolus des prix des biens et du travail. Il détermine aussi les quantités réelles d'obligations et de monnaie, c'est-à-dire les quantités nominales divisées par le niveau général des prix. 3 . 1. 2

Titres primaires et titres indirects.

Les obligations non risquées des entreprises dans ce modèle sont une forme de titres primair~s. Les titres primaires, au sens large, incluent tous les engagements et toutes les actions des agents non financiers, c'est-à-dire des agents dont la fonction principale est de produire et d'acheter des biens et non d'acheter un type de titre en en émettant un autre. Les titres primaires s'opposent aux titres indirects qui, par définition, sont émis par les institutions financières. Dans cette économie, la seule institution financière est le système monétaire public et la monnaie est la seule forme de titre indirect. La structure financière de ce modèle est la suivante : les entreprises émettent la seule forme de titres primaires et accumulent de la monnaie ; l'Etat achète des titres primaires et émet de la monnaie, seule forme de dette indirecte ; les consommateurs acquièrent soit des titres primaires soit de la monnaie (ou les deux à la fois). 3. 1. 3

Financement direct et financement indirect.

Dans cette économie, les transactions financières viennent surtout compléter les transactions réelles. Dans la plu part des cas, revenus et dépenses sur les comptes produit et revenu ne sont pas identiquement distribués entre les agents économiques. Les consommateurs épargnent, volontairement ou non, renonçant à leur pouvoir de disposition sur le produit CQ_l!rant en échange d'actifs financiers, obligations ou monnai~._/Les entreprises contractent des dettes dont le montant, évalué au prix d'émission, est égal à l'accroissement des actifs financiers des consommateurs, et c'est de cette façon qu'elles absorbent l'épargne des consommateurs. Les consommateurs épargnent, prêtent leur épargne et accroissent leur portefeuille d'actifs financiers; les entreprises investissent au-delà de leur propre épargne, empruntent les épargnes des consommateurs et accroissent leurs dettes. L'émission de titres primaires et les acquisitions d'actifs financiers

Monnaie et titres primaires

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reflètent la division intersectorielle des fonctions entre épargner et investir, entre recevoir et dépenser le revenu. Il y a des transactions purement financières qui ne sont pas directement liées à la transmission intersectorielle de l'épargne à l'investissement. Les entreprises peuvent contracter des dettes primaires et offrir ainsi des actifs financiers aux consommateurs, non seulement pour financer leurs déficits, mais aussi pour constituer leurs propres encaisses monétaires. Les consommateurs peuvent ajuster leur portefeuille par des substitutions monnaieobligations. Le Service Banque peut acheter, à l'aide de monnaie nouvellement créée, des titres primaires émis dans la période considérée ou antérieurement. Dans ce cas, les consommateurs, qui représentent le secteur en excédent, ajoutent de la monnaie, et non des titres primaires, à leurs portefeuilles. D'autre part, le Service Banque peut ne pas acheter d'obligations ou même réduire son portefeuille, si bien que tout le financement intersectoriel du produit dans la période est effectué par un flux direct de titres primaires allant des entreprises aux consommateurs. Le Service Banque, sur les directives du Service Politique, peut jouer le rôle d'intermédiaire pour une partie du flux financier (et pas seulement pour zéro ou cent pour cent de ce flux), en achetant une partie des émissions primaires : les consommateurs reçoivent alors un supplément d'actifs financiers, composé en partie d'obligations et en partie de monnaie. Cette médiation (*) du système monétaire permet un financement indirect de l'investissement des entreprises par l'épargne des consommateurs. Le financement direct alimente en titres primaires les portefeuilles des consommateurs tandis que le financement indirect substitue de la monnaie à des titres primaires dans ces portefeuilles..

3.2

TYPES DE COMPORTEMENT ÉCONOMIQUE.

Etudions maintenant les déterminants de la demande et de l'offre sur les quatre marchés et les quantités de services du travail, de produit courant, de titres primaires et de monnaie offertes et demandées à l'équilibre. Si l'on avait voulu que cette section soit plus formelle, on aurait utilisé un système de fonctions de demande, fonctions d'offre et d'équations d'équilibre (une de chaque par marché). (*) N.d.T. : lntermediation.

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3. 2. 1

La monnaie dans une théorie des

actif~· .financiers

Produit et revenu réels.

Comme dans l'économie élémentaire initiale, l'offre de travail est donnée indépendamment du taux de salaire. Le capital réel correspond à la somme des investissements nets effectués grâce à l'épargne nette privée et sa dépréciation est automatiquement compensée par des prélèvements sur le produit brut courant. Le revenu (ou le produit) réel est le produit combiné des services du travail et des biens de capital. Nous ne tenons pas compte, dans 'l'économie élémentaire, des lois qui s'appliquent à la détermination du produit et à sa répartition entre salaires réels et rentes réelles. La rente brute du capital des entreprises est divisée entre amortissement, intérêts payés pour la dette et revenu net (ou épargne nette). On suppose que le marché du travail et le marché des biens sont de concurrence, avec prix flexibles. 3. 2. 2

Le secteur des entreprises.

Les fonds des entreprises proviennent de deux sources : revenu net et emprunt. Ces sources financent l'utilisation de fonds sur le marché des biens pour l'investissement net, sur le marché de la monnaie pour l'accroissement des encaisses monétaires et sur le marché des obligations pour le rachat de la dette. Pour les entreprises, l'objectif de gestion est d'atteindre une position optimale, ou position d'équilibre actifs-dettes, supérieure à toute autre combinaison des biens de capital, des encaisses monétaires réelles et de la dette réelle, compte tenu du risque et des possibilités de profit net. A l'optimum, il y a égalité, après provision pour risques, entre le taux de rendement marginal du capital, le taux de rendement marginal implicite des encaisses monétaires et le taux d'intérêt du marché des obligations privées (1). Les entrepreneurs tiennent compte des mêmes variables lorsqu'ils décident d'investir, d'acquérir de la monnaie et d'ajuster leur endettement en empruntant ou en remboursant. Sur tous les marchés, les demàndes des entreprises sont des demandes-flux pour des accroissements de leurs stocks de capital, de monnaie et d'obligations. Les entreprises ont pour objectif une répartition équilibrée de leurs actifs et de leurs dettes. Notre modèle ne précise pas à quelle vitesse les entreprises ajustent un écart entre stocks effectifs et stocks désirés~ Il est vraisemblable que de tels écarts

(1) Le taux de rendement du capital est égal à la somme des profits nets des entreprises et des intérêts payés, exprimée en pourcentage du stock de capital.

Monnaie et titres primaires

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existent toujours en croissance. C'est seulement en équilibre stationnaire que cet écart est nul pour le secteur entreprises. En croissance il peut y avoir équilibre des stocks, non par rapport aux niveaux correspondant aux objectifs ultimes d'accumulation, mais par rapport aux niveaux correspondant à un cheminement ou à une trajectoire d'accumulation prévus. Une hausse du taux de rendement marginal du capital accroît le taux d'investissement net, le désir d'emprunt des entreprises et diminue la demande additionnelle d'encaisses réelles. Ceci encourage le financement de l'accumulation de capital par emprunt et par déthésaurisation. Un accroissement du taux d'intérêt des obligations diminue l'investissement net désiré, le montant des emprunts et la demande additionnelle d'encaisses monétaires. Des diminutions du taux de rendement marginal du capital et du taux d'intérêt ont des effets opposés sur les choix des entreprises entre capital, monnaie et obligations. Les entreprises sont influencées dans leurs décisions non seulement par les prix relatifs mais aussi par le revenu réel, net de l'amortissement et des intérêts de la dette. Un accroissement du revenu net stimule leur demande d'investissement net et d'encaisses réelles et les incite à emprunter. Une baisse du revenu net donne des résultats opposés. On suppose que les entrepreneurs tiennent aussi compte dans leur choix du rapport entre la dette réelle et le stock réel de capital. Le poids de la dette commerciale est mesuré comme le rapport entre la valeur réelle du nominal des obligations émises et le capital réel, et on le considère comme un indicateur des risques liés au financement externe. Toute augmentation de ce poids a un «effet d'endettement », qui décourage l'investissement net et la demande additionnelle d'encaisses réelles et qui encourage le rachat de la dette. Si le poids de la dette diminue, les entreprises tendent à emprunter davantage afin d'accroître leur stock de capital et leurs encaisses monétaires. Enfin, la direction de l'entreprise tient compte, avant toute affectation de fonds, des stocks effectifs d'encaisses réelles. Un accroissement des encaisses réelles réduit la demande additionelle de monnaie puisqu'il réduit toute insuffisance des encaisses effectives par rapport aux encaisses désirées. Un accroissement des encaisses réelles détourne une partie de la demande additionnelle de monnaie vers les autres utilisations des fonds, investissement et rachat de la dette. Les effets sont opposés en cas de baisse des encaisses réelles.

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Tableau V.- Comportement des entreprises sur les marchés

Réponse (en termes réels)

Stimulus

Demande d'investissement Taux de rendement marginal réel du capital Taux d'intérêt des obligations Revenu réel net Poids de la dette Encaisses monétaires réelles

Demande de monnaie additionnelle

+ +

Offre d'obligations

+ +

+

+

En résumé, avant tout ajustement portant sur les biens de capital, la monnaie et la dette primaire, les entreprises prennent en compte cinq facteurs : le taux de rendement marginal réel du capital, le taux d'intérêt des obligations, le revenu réel net, le poids de la dette et les encaisses monétaires réelles. Ce sont ces facteurs qui déterminent les demandes et les offres sur les marchés des biens, des obligations et de la monnaie. Le tableau V montre les relations existant entre ces cinq facteurs et les transactions des entreprises sur les trois marchés. Le signe « plus » indique que la réponse des entreprises (en colonne) est dans le même sens que le stimulus (en ligne); le signe« moins» indique que cette réponse est en sens inverse. 3. 2. 3

Le sect~ur des consommateurs.

Le revenu réel des coQsommateurs comprend les salaires réels et tous les intérêts réels de la dette des entreprises. Ce flux de fonds est affecté à trois usages : à la consommation, aux accroissements des encaisses monétaires réelles et aux accroissements en valeur réelle des portefeuilles d'obligations. En d'autres termes, les consommateurs choisissent entre dépenses de consommation courante et épargne; l'épargne vient accroître les portefeuilles d'actifs financiers des consommateurs; ces actifs peuvent se répartir entre obligations et monnaie. Les demandes réelles de biens, obligations et monnaie des consommateurs sont déterminées par un même ensemble de variables : revenu réel des consommateurs, stocks réels effectifs d'obligations et de monnaie et taux d'intérêt. Un accroissement du revenu réel des consommateurs augmente leur demande

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Monnaie et titres primaires

additionnelle réelle d'obligations, diminue leur demande additionnelle d'encaisses réelles et ralentit leur consommation (1). Les consommateurs accumulent des actifs conformément à un plan à long terme; ceci vaut à la fois pour la monnaie et pour les obligations. Pour toute période suffisamment courte, les consommateurs désirent ne faire qu'une partie du chemin qui sépare leur situation actuelle de cet objectif ultime. Comme les entreprises, les consommateurs ont une trajectoire désirée d'accumulation. Un accroissement des portefeuilles actuels d'obligations réelles rapproche l'objectif d'épargne de sa réalisation, et réduit la demande additionnelle d'obligations réelles (2). Les consommateurs assignent des objectifs de court terme et de long terme à leurs actifs financiers totaux et essaient de réaliser une structure optimale de leur portefeuille, c'est-à-dire une répartition satisfaisante entre obligations et encaisses monétaires. Par conséquent, un accroissement du portefeuille d'obligations réelles déplace la demande additionnelle d'obligations à la fois vers la consommation et vers la monnaie, un accroissement des encaisses monétaires réelles déplace la demande additionnelle de monnaie à la fois vers la consommation et vers les obligations. Les consommateurs ont un comportement tel que l'utilisation des fonds qui leur échoient est optimale lorsque utilité marginale de la consommation, taux d'intérêt et taux de rendement implicite des encaisses sont égaux. Tableau VI. -

Comportement des consommateurs sur les marchés

Stimulus

Réponse (en termes réels) Demande de consommation

Demande additionnelle de monnaie

Demande additionnelle d'obligations

--------~--------------~···--~--

Taux d'intérêt des obligations Revenu réel des consommateurs Portefeuille d'obligations réelles Encaisses monétaires réelles

+ + +

+ +

+ + +

( l) Un accroissement du taux d'intérêt augmente la demande additionnelle d'obligations, diminue la demande additionnelle de monnaie et freine la consommation. (2) De même un accroissement des encaisses réelles effectives diminue la demande additionnelle pour ces encaisses.

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Le tableau VI est construit sur le modèle du précédent (qui concernait le comportement des entreprises sur les marchés). Les signes indiquent si la réponse du consommateur sur les marchés (des biens, des obligations et de la monnaie) est positivement ou négativement reliée aux stimuli suivants : taux d'intérêt, revenu réel des consommateurs, portefeuille d'obligations réelles et encaisses monétaires réelles:' 3. 2. 4

Le secteur public.

Le secteur public est limité à des interventions d'open-market qui affectertt simultanément le marché des obligations et celui de la monnaie. Le Service Banque détient un portefeuille d'obligations privées -celles qui ne sont pas détenues par les consommateurs- et il est endetté du montant de la quantité de monnaie. Ce service peut acheter et vendre des obligations, en les payant par émission de monnaie ou en se faisant payer par destruction de monnaie. Dans la version initiale du modèlc,la totalité de la quantité de monnaie a pour contrepartie des obligations privées internes, dans le portefeuille du Service Banque. Dans une version modifiée, introduite par la suite, une partie seulement de la quantité de monnaie a pour contrepartie des obligations privées internes; l'autre partie est émise en échange d'actifs externes tels que obligations d'Etat, obligations de l'étranger ou or. Toute transaction de l'Etat en liaison avec la politique monétaire a un double effet. L'Etat émet de la monnaie en achetant des obligations et détruit de la monnaie en vendant des obligations. Il a pour objectif principal d'agir sur le marché de la monnaie, mais ceci a des effets secondaires sur le marché des obligations. Puisque les obligations sont de type unique ct que le marché des obligations est de concurrence, une « politique du crédit », parallèle à la politique monétaire, est sans objet dans ce modèle. 3. 2. 5

Autres hypothèses du modèle.

Comme dans l'économie élémentaire du chapitre II, les agents économiques sont exempts d'illusion monétaire. Leurs décisions sont fondées sur des variables réelles et ne sont pas affectées par des changements des prix ou des valeurs nominales qui laissent inchangés les valeurs réelles des stocks et des flux ou les prix relatifs. Les anticipations de prix sont statiques, en ce sens que les prix actuels sont considérés comme permanents.

Monnaie et titres primaires

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Cependant, le futur est incertain et ceci conduit les entreprises et les consommateurs prudents à se protéger contre la possibilité de mouvements défavorables des prix. Les anticipations statiques représentent un cas particulier d'anticipations de prix à élasticité unitaire. De plus, tous les marchés sont de concurrence et les prix sont flexibles. Le comportement global des agents n'est pas sensible à d'éventuels effets de distribution augmentant la richesse ou le revenu d'un secteur privé aux dépens de l'autre. En bref, le modèle est construit conformément aux règles néoclassiques; c'est seulement à la fin de la discussion que l'on se place dans un cadre plus familier à l'analyse économique moderne. Nous montrons que le sécond modèle a une solution d'équilibre, c'est-à-dire qu'il est capable d'atteindre une position d'équilibre général où les demandes excédentaires sont nulles pour tous les marchés, et qu'il tend à revenir à cette position d'équilibre en cas de perturbation. Les types de comportements introduits dans le modèle donnent à penser que celui-ci est intrinsèquement stable.

3.3

LE MARCHÉ DE LA MONNAIE.

Dans les pages précédentes, nous avons énuméré les conditions d'offre et de demande sur tous les marchés du second modèle, bien que notre centre d'intérêt soit le secteur financier et la monnaie. L'analyse partielle de la seule monnaie, ou de la monnaie et des obligations, risquait de nous égarer car les marchés réels ct les marchés financiers sont interdépendants. Les quantités effectives de monnaie et d'obligations, comparées aux quantités désirées, influencent les demandes de biens et de travail, alors que le stock de capital, le produit national et les autres variables réelles sont des déterminants de l'offre et de la demande sur les marchés financiers. On ne perçoit la pleine signification des phénomènes financiers que dans le cadre d'une analyse d'équilibre général. Cependant, avant d'aborder l'équilibre général, nous consacrons quelques lignes à étudier l'offre et la demande sur le seul marché de la monnaie. 3. 3.1

L'aspect offre du marché.

La quantité de monnaie est constituée par une dette de l'Etat qui ne donne pas lieu à paiement d'intérêt (il n'existe aucun taux de rémunération explicite des dépôts) et qui est généralement

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

acceptée comme moyen de paiement par la collectivité. Cette quantité peut être mesurée en termes nominaux (représentant l'agrégat des encaisses monétaires en dollars) ou en termes réels (agrégat du pouvoir d'achat de ces encaisses). La quantité nominale de monnaie ne peut être modifiée que par la décision du Service Politique et par des opérations sur le marché du Service Banque. La quantité réelle de monnaie peut être modifiée, soit par de nouvelles émissions de monnaie nominale, soit par la hausse ou la baisse de 1'indice des prix sur le marché des biens. L'offre de monnaie n'est pas le stock de monnaie mais plutôt les nouvelles émissions de monnaie. En termes réels, c'est la valeur réelle des accroissements de la quantité nominale de monnaie. Elle est confrontée à la demande additionnelle d'encaisses réelles. Cette demande peut être satisfaite soit par de nouvelles émissions à un niveau de prix donné, soit, pour un total nominal de monnaie donné, par un ajustement du niveau des prix. La demande additionnelle de monnaie réelle mesure la différence entre encaisses réelles effectives et encaisses désirées par les consommateurs et par les entreprises. C'est une mesure de l'insuffisance d'encaisses réelles dans les secteurs privés. 3. 3. 2

L'aspect demande du marché.

Les consommateurs épargnent pour accumuler un portefeuille d'encaisses réelles et d'obligations réelles. Pour ajuster la composante encaisses monétaires de leur portefeuille, les consommateurs peuvent modifier soit leur niveau de consommation, soit le montant des obligations qu'ils détiennent. Les entreprises ont une position financière mixte ; elles possèdent de la monnaie et elles ont des dettes. Leurs engagements en obligations excèdent toujours leurs actifs monétaires et la différence est égale à leurs investissements nets cumulés, moins leur richesse nette (ou épargnes accumulées). Quels sont les motifs de la détention de monnaie dans cette économie ? De nouveau, nous avons recours à la fiction d'un taux marginal implicite de rendement des dépôts comme mesure des motifs de la détention monétaire. Comme dans le chapitre II, le total des encaisses monétaires désirées n'est pas scindé en, disons pour simplifier, encaisses détenues pour motifs de transac.tions, de précaution et de spéculation. La monnaie est un actif et non trois à la fois. Les encaisses sont classées en encaisses désirées et encaisses effectives, et la différence représente la demande additionnelle de monnaie.

Monnaie et titres primaires

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Les consommateurs désirent un stock-tampon d'actifs financiers, afin que les flux à venir de dépenses ne dépendent pas totalement des flux correspondant de recettes. La synchronisation des flux de fonds est coûteuse et peu pratique, et l'on peut éviter ce coût en conservant une masse ou un stock-tampon de fonds sous forme d'actifs financiers. Les consommateurs peuvent aussi désirer un stock-tampon d'actifs financiers pour des motifs de spéculation; cette spéculation est fondée sur l'espoir que la baisse du prix des biens apportera des gains réels en capital dans les portefeuilles d'actifs financiers et monétaires. Même si l'anticipation moyenne joue en faveur de la stabilité des prix, certe anticipation n'est pas certaine et elle n'est pas incomptabile avec la présence d'une protection financière contre la baisse des prix. Les consommateurs trouvent avantageux de diversifier leur stock d'actifs financiers entre monnaie et obligations car la valeur de l'un de ces actifs en termes de l'autre varie. Si ce stock doit être utilisé dans un avenir proche, on préférera détenir de la monnaie car le revenu en intérêts risquerait d'être inférieur aux coûts de conversion résultant des achats et ventes d'obligations et des pertes en capital de courte période sur ces obligations. Les encaisses monétaires désirées s'accroissent par rapport aux encaisses effectives (et ceci donne naissance à une demande additionnelle de monnaie) quand une augmentation du revenu et de la dépense des consommateurs risque d'accroître les prélèvements à court terme sur le stock d'actif financier. Une partie de cette augmentation du revenu est destinée à l'épargne et une partie de cette épargne est dirigée vers les encaisses monétaires, car un stock diversifié d'actifs financiers fournit un rendement plus élevé qu'un stock composé uniquement d'obligations. Monnaie et obligations sont l'un et l'autre des instruments de spéculation sur le niveau des prix du produit. Elles s'apprécient également quand le niveau des prix baisse. Mais la monnaie est aussi un instrument de spéculation sur le prix des obligations et sur le taux d'intérêt. Bien que l'on anticipe en moyenne une constance du taux d'intérêt, cette anticipation n'est pas certaine. Parce que tout taux d'intérêt peut être suivi d'un taux plus élevé, les encaisses monétaires désirées des consommateurs augmentent par rapport aux encaisses effectives pO\l~ tout accroissement · du portefeuille d'actifs financiers, à revenu et taux d'intérêt donnés. Le taux de rendement implicite des dépôts prend en compte les pertes possibles en capital qu'évite la substitution de monnaie aux obligations.

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Le revenu des consommateurs et leur stock total d'actifs financiers étant donnés, les encaisses monétaires désirées varient en sens inverse du taux des obligations. Quand le taux des obligations baisse, les obligations deviennent plus coûteuses et risquent davantage de se déprécier sur le marché.· Chaque dollar de monnaie substitué aux obligations permet d'éviter des pertes potentielles supérieures sur les actifs financiers; l'augmentation du taux de rendement implicite des dépôts, accompagnée par la baisse du rendement des obligations, donne lieu à une demande· additionnelle de monnaie (qui devient une composante meilleur marché et plus sure du portefeuille). Alors que les consommateurs sont conduits à demander une plus grande quantité à la fois de monnaie et d'obligations lors de tout accroissement du total des actifs financiers, ils ont tendance à intensifier leur demande de monnaie par rapport à leur demande d'obligations pour tout accroissement de leur revenu et pour toute baisse du taux d'intérêt. La politique d'accumulation de stocks en ce qui concerne les actifs financiers implique la diversification. Les entreprises sont des agents à déficit systématique. Ce sont des débiteurs chroniques dont les actifs réels excèdent la richesse nette. Cet excédent mesure leur endettement net, c'est-à-dire la différence entre leurs dettes brutes effectives et leurs encaisses monétaires. La dette brute peut excéder la dette nette car les entreprises jugent avantageux de détenir aussi bien de la monnaie que du capital réel, et de respecter une certaine répartition entre monnaie et obligations. Les mêmes arguments qui justifient les préférences des consommateurs en matière de diversification des actifs financiers, justifient les préférences des entreprises pour une détention simultanée de monnaie et de biens de capital, au prix d'un montant plus élevé de dette brute. Les entreprises, pour la même raison que les consommateurs, accroissent leur demande réelle additionnelle de monnaie quand l'augmentation de leur revenu net et de leur dépense risque d'accroître leurs besoins à court terme de liquidités. /Les entreprises accroissent aussi leur demande traditionnelle de monnaie quand le taux de rendement marginal du capital baisse et quand leurs encaisses réelles effectives sont réduites par rapport à leurs encaisses désirées. Etant donné que les entreprises ont à faire face à un avenir incertain, elles évitent d'accroître le rapport de leurs dettes à leurs biens de capital. Elles redoutent les risques excessifs qu'un poids croissant de la dette fait courir à leurs opérations en capital. Compte tenu de ces risques, un accroissement du poids de leur

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dette réduira leur demande d'actifs (monnaie incluse) et réduira leur offre d'obligations. Cependant, de tels risques peuvent les inciter à se prémunir contre des décalages de court terme entre investissement et épargne par un rapport plus élevé entre encaisses monétaires et dettes. L'incertitude concernant le niveau des prix et le taux d'intérêt peut incit~r les entreprises à réduire leur position d'endettement net et à détenir des encaisses monétaires. Quelles que soient les perspectives de baisse du niveau des prix, une baisse du rendement des .:;:obligations décidera les entreprises à accroître leur demande additionnelle de monnaie et leur offre d'obligations. La demande additionnelle globale d'encaisses réelles des consommateurs et des entreprises augmente quand augmentent : le Revenu national réel, le stock de capital réel et la valeur réelle des obligations détenues dans les portefeuilles d'actifs financiers. En revanche, cette demande varie en sens inverse du taux de rendement marginal du capital, du taux d'intérêt, des encaisses réelles et du montant de la dette primaire. 3. 3. 3

Monnaie « interne » et monnaie « externe ».

Dans l'économie élémentaire du chapitre II, la monnaie représentait la dette de l'Etat émise en contrepartie d'achats publics de biens et services ou de paiements de transfert. Il s'agissait d'une créance sur l'Etat, détenue par les consommateurs et les entreprises. Du point de vue des secteurs privés, la monnaie était une créance nette externe. Le montant nominal de cette monnaie extdrne étant donné, sa valeur réelle variait en sens inverse du niveau des prix. Chaque modification de cette valeur réelle s'accompagnait d'un transfert de richesse entre les secteurs privés et l'Etat. Ce transfert de richesse affectait les demandes privées de monnaie, biens et travail, mais on supposait qu'il ne modifiait pas la demande de l'Etat. Ainsi, le transfert de richesse, dû à une variation du niveau des prix, avait un effet net sur les demandes globales de monnaie, de biens et de travail. On en déduisait qu'un seul niveau des prix correspondait à l'équilibre général, pour tout système donné de valeurs réelles et de prix relatifs; tout autre niveau des prix produisait un déséquilibre sur tous les marchés. En d'autres termes, le niveau des prix était déterminé dans l'économie élémentaire. Dans le second modèle, la monnaie est toujours une dette de l'Etat, mais elle est émise en contrepartie des paiements d'achats publics de titres privés. La monnaie est une créance des consom-

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

mateurs et des entreprises sur un agent extérieur aux secteurs privés, mais elle est contrebalancée par une dette privée envers cet agent extérieur (l'Etat dans ce modèle). Elle est fondée sur une dette interne et pour cette raison nous parlerons de« monnaie interne ». Le montant nominal de monnaie interne étant donné, sa valeur réelle varie en sens inverse du niveau des prix. Le système monétaire public ne perd ni ne gagne en termes réels lorsque sa dette réelle varie de cette façon car il y a un changement égal dans la valeur réelle de ses créances sur les entreprises. Les deux secteurs privés pris ensemble ne perdent pas de richesse réelle au profit de l'Etat quand le niveau des prix augmente, et ne gagne pas de richesse réelle quand ce niveau baisse. En d'autres termes, quand la monnaie est de type interne, un changement du niveau des prix ne provoque pas de transfert de richesse entre l'économie privée et l'Etat. Il en résulte simplement un transfert de richesse entre les consommateurs et les entreprises. Dans notre deuxième modèle, quand le niveau des prix baisse, les premiers gagnent et les seconds perdent. Ce transfert est un effet de distribution dû à l'instabilité du niveau des prix; du fait des règles néo-classiques d'analyse statique, nous sommes conduits soit à le considérer comme un phénomène de courte période, soit à le négliger. Quand la monnaie est de type interne, un changement de prix n'affecte donc pas le comportement de l'Etat et n'a pas d'effet net sur la richesse totale du secteur privé. Dans ce cas, on peut se demander si le niveau des prix est déterminé dans le second modèle. Un seul niveau de prix correspond-il à l'équilibre pour un ensemble donné de valeurs réelles et de prix relatifs, ou n'importe quel niveau de prix convient-il ? On a coutume de répondre que le niveau des prix n'est pas déterminé et que tout niveau de prix est compatible avec l'équilibre général. Dans cette optique, le second modèle est une économie de troc, sans monnaie et régie par la loi de Say. Notre conclusion personnelle, sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre V, est que les changements de prix ont en réalité des effets nets autres que des effets de distribution : un seul niveau de prix permet d'assurer l'équilibre général pour un ensemble donné de variables réelles et de monnaie nominale. On peut démontrer de façon intuitive que notre second modèle, lorsqu'il comporte uniquement de la monnaie interne, est réellement une économie monétaire et pas simplement une économie de troc. Bien que l'économie privée puisse émettre des obligations et adapter ainsi le stock nominal de titres à tout niveau de prix pour maintenir un certain stock réel d'obligations, elle n'a pas

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de contrôle sur la quantité nominale de monnaie. Elle ne peut donc pas adapter la quantité nominale de monnaie à tout niveau de prix pour maintenir la quantité désirée d'encaisses réelles. La quantité nominale de monnaie étant donnée, il y a un seul niveau des prix qui réalise la répartition désirée par les consommateurs entre leurs obligations réelles et leurs encaisses réelles et qui réalise le rapport désiré par les entreprises entre leurs encaisses réelles et leur dette réelle. Il est exact qu'un changement du niveau des prix à partir d'une position d'équilibre n'a pas d'effets nets sur la richesse privée globale; il agit cependant sur la composition de cette richesse, et ceci tendra à ramener le niveau des prix à sa position de départ. La hausse ou la baisse des prix n'a pas d'effet net sur la richesse globale; certes, nous devons négliger les effets de distribution entre débiteurs et créanciers privés, mais ceci n'exclut pas un effet de structure de portefeuille (ou effet de diversification) qui permet de déterminer le niveau des prix. Pour illustrer ce raisonnement, supposons un équilibre initial correspondant à un niveau des prix de 100, à un montant réel et nominal d'obligations dans les portefeuilles des consommateurs de 90 $ et à des encaisses monétaires réelles et nominales de 10 $. Le total réel et nominal des obligations est de 100 $, dont 90 $ sont détenues par les consommateurs et 10$ par le système monétaire. Dans les secteurs privés, le rapport obligationsmonnaie de 9-1 est adapté au taux d'intérêt des obligations à l'équilibre. Supposons maintenant que le niveau des prix passe à 200 et que les entreprises doublent aussi le montant nominal de leurs obligations (à 200 $); cette dernière hypothèse a pour but d'éviter les effets de distribution. Etant donné que le montant nominal des obligations détenues par le système monétaire ~est de 10 $(correspondant à une quantité nominale égale de monnaie), le montant nominal des obligations détenues dans les portefeuilles des consommateurs passe à 190 $. A ce niveau de prix accru, l'endettement réel des entreprises est toujours de 100 $ mais les consommateurs détiennent 95 $ d'obligations réelles et leurs encaisses réelles sont seulement de 5 $. Le rapport obligationsmonnaie s'est accru en termes réels de 9-1 au niveau de prix 100 à 19-1 au niveau de prix 200. Le dernier rapport n'est pas adapté aux valeurs initiales du taux d'intérêt, du revenu réel et de la richesse réelle. Dans ce cas, il y aura, pour le nouveau niveau des prix, une demande excédentaire d'encaisses réelles, une offre excédentaire d'obligations réelles et de biens, de telle sorte que le système devra retrouver par tâtonnement le niveau initial des prix et le stock nominal initial d'obligations.

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3.4

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

ÉQUILIBRE STATIONNAIRE DANS LE SECOND MODÈLE.

Nous avons examiné la structure institutionnelle du second modèle et ses types de comportement. Etudions maintenant le modèle dans une situation d'équilibre général stationnaire et, plus particulièrement, ses aspects financiers. L'équilibre stationnaire est caractérisé par l'absence de croissance. Il n'y a ni épargne nette, ni investissement, ni emprunt, ni prêt, ni achat, ni vente d'obligations par le système monétaire. Le taux d'intérêt, le taux de rendement marginal du capital et les autres prix relatifs sont adaptés aux stocks et aux flux existant sur tous les marchés. Au niveau de prix atteint, les valeurs réelles des obligations et des encaisses monétaires correspondent aux préférences de portefeuille des consommateurs et des entreprises. Le second modèle est conforme aux hypothèses de la théorie quantitative. Soit deux équilibres stationnaires : les quantités nominales de monnaie et d'obligations et les niveaux des prix des biens et du travail dans l'un sont le double des quantités et niveaux de prix dans l'autre. La valeur réelle des obligations dues et détenues et celle des encaisses monétaires sont les mêmes dans les deux positions d'équilibre et présentent la même relation avec le revenu réel et le stock de capital. Les états alternatifs d'équilibre donnent les mêmes flux réels, les mêmes stocks réels et les mêmes prix relatifs. Un doublement de la quantité de monnaie est neutre dans ses effets sur l'équilibre réel, car les différences dans la quantité nominale de monnaie sont associées à des différences équiproportionnelles dans les prix ct dans le montant nominal des obligations. Les consommateurs et les entreprises ne sont pas affectés dans leur comportement par le facteur d'échelle appliqué à la quantité nominale de monnaie, au stock d'obligations nominales et au prix des biens et du travail. Un changement dans la quantité nominale de monnaie n'a en conséquence aucun effet sur les variables réelles de l'économie. Pour illustrer ceci, supposons que, dans la première situation d'équilibre, le niveau des prix soit 100, la valeur nominale des obligations 100 $, dont 90 $ dans les portefeuilles privés et 10 $ dans le système monétaire (les secteurs privés détiennent donc 10 $ d'encaisses monétaires nominales). Dans la seconde situation d'équilibre, le niveau des prix est de 200, la valeur nominale des obligations 200 $, dont 180 $ dans les portefeuilles privés et 20 $ dans le système monétaire. Dans les deux situations

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d'équilibre, la valeur réelle des obligations dans les portefeuilles privés est de 90 $ et les encaisses monétaires réelles sont de 10 $ : le rapport obligations-monnaie demeure au niveau 9-1. Un doublement de la quantité de monnaie, avec des ajustements équiproportionnels dans la valeur nominale des obligations et dans les prix, ne donne lieu à aucun changement dans les prix relatifs ou dans les stocks et flux réels désirés par les agents économiques. Voyons maintenant comment s'effectue le passage d'une situation d'équilibre à l'autre. Supposons que l'équilibre initial soit perturbé par une opération d'open-market dans laquelle le Service Banque achète des obligations aux consommateurs pour accroître la quantité nominale de monnaie. Les portefeuilles des consommateurs présentent alors un excédent d'encaisses réelles et une insuffisance d'obligations réelles, pour le taux d'intérêt des obligations et pour le niveau des prix (taux de salaire nominal inclus) initiaux. En réponse à leur liquidité excédentaire, les consommateurs augmentent leurs demandes à la fois de biens de consommation et d'obligations : les prix des biens et les taux des salaires nominaux montent et le taux d'intérêt baisse. La hausse de prix réduit la valeur réelle de la dette primaire des entreprises, le poids de leur dette, et leurs encaisses monétaires réelles ; la baisse du taux des obligations incite les entreprises à effectuer des dépenses déficitaires. Les entreprises offrent alors de nouvelles émissions d'obligations nominales pour financer leur investissement et accroître leurs encaisses monétaires nominales. Les nouvelles émissions d'obligations nominales sont vendues directement aux consommateurs et elles font remonter le taux d'intérêt· à son niveau initial. Le résultat de ce processus de hausse, issu d'une injection initiale de monnaie nominale, est un accroissement éq uiproportionnel des quantités nominales de monnaie et d'obligations, des prix des biens et des taux de salaire nominaux. Toutefois, les stocks réels, les flux réels et les prix relatifs (y compris le taux d'intérêt) restent inchangés. En conséquence, l'introduction de titres primaires internes privés, ayant leur propre marché, ne modifie pas nos conclusions du chapitre II sur le rôle de la monnaie. Tout montant nominal de monnaie est compatible avec un équilibre stationnaire réel donné, car les agents économiques peuvent fixer la quantité réelle de monnaie au niveau désiré par des ajustements adéquats du niveau des prix et de la dette primaire nominale. La monnaie est neutre pour ce qui est de ses effets réels. Quand le processus

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

de hausse est achevé et quand le taux d'intérêt est revenu à son niveau initial, l'accroissement d'investissement associé à la baisse temporaire du taux d'intérêt des obligations a été éliminé.

3.5

CROISSANCE RÉELLE DANS LE SECOND MODÈLE.

Quel est le rôle de la monnaie dans une hypothèse de croissance ? Cette section traite de l'accumulation nécessaire de monnaie et de dette primaire lorsque la capacité de production et le produit du second modèle sont soumis à un processus de croissance homothétique (*). La quantité de travail s'accroît à un taux constant, le stock de capital s'accroît au même taux et la technologie est inchangée. Les productivités marginales du capital et du travail sont constantes, de telle sorte que le revenu réel suit le même rythme de croissance que les facteur~ de production. Nous supposons ici (mais nous nous réservons la possibilité de revenir sur ce point dans le chapitre IV) que la dette primaire s'accroît au même taux que le revenu réel.

3. 5. 1

Croissance réelle avec baisse de prix.

Comme dans l'économie élémentaire, la croissance réelle dans le second modèle provoque une demande réelle de monnaie. Il y a un accroissement du revenu global dans les deux secteurs des consommateurs et des entreprises qui rend la détention de monnaie plus attrayante. La croissance du capital et celle des actifs financiers accroissent aussi la demande de monnaie. Si l'équilibre général doit être préservé dans le processus de croissance, les stocks réels de monnaie et de titres doivent s'accroître, et leur croissance doit s'effectuer dans les proportions désirées par les entreprises et les consommateurs, à un taux de rendement marginal du capital et à un taux d'intérêt stables. Nous allons montrer maintenant que la croissance désirée de la dette et des actifs financiers peut être assurée par une baisse du prix des biens et une baisse des taux de salaire nominaux, sans accroissement de la quantité nominale de monnaie (et donc sans achat de titres des entreprises par le Service Banque). L'ensemble des (*) N.d.T. : balanced growth.

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consommateurs et des entreprises est capable d'adapter la croissance de la dette réelle et des actifs financiers réels à la croissance de la riche·sse matérielle et du produit, en maintenant l'équilibre désiré par les entreprises entre endettement brut et endettement net et l'équilibre désiré par les consommateurs entre monnaie et obligations. Ce processus de croissance financière par baisse des prix est plus complexe que le processus utilisé dans l'économie élémentaire mais le résultat est le même. Puisque l'on suppose constantes les encaisses monétaires nominales, la valeur nominale des obligations doit être également constante pour maintenir stable le rapport entre encaisses monétaires réelles et obligations réelles impliqué par la croissance homothétique. Cependant, comme nous tenons compte des nouvelles obligations nominales émises par les entreprises engagées dans le processus de croissance, le total nominal des obligations ne restera constant que si un montant égal d'obligations préexistantes est retiré. Toute friction ou retard dans cet ajustement de la dette primaire donne lieu à des effets de distribution entre entreprises et consommateurs qui seront dissipés par des interruptions de courte période dans le processus de croissance. Cependant, compte tenu du caractère néo-classique de notre modèle, l'adaptation de la dette ancienne au nouveau niveau de prix n'agit pas sur la tendance générale de la croissance. Pour illustrer ce processus, supposons qu'à un moment donné de la croissance, l'équilibre général soit associé à un revenu réel de 100 $ et à une dette primaire réelle de 100 $, dont 90 $ détenus dans les portefeuilles des consommateurs et 10 $ dans le système monétaire. Les secteurs privés détiennent alors 10 $ d'encaisses réelles ; le niveau des prix est 100. Puis, pendant la croissance, doublons toutes les demandes réelles de monnaie, de titres primaires et de dette primaire, pour un montant nominal de monnaie donné. Alors, dans le nouvel équilibre, le niveau des prix est divisé par deux : ceci double la valeur réelle des stocks de monnaie et d'obligations, bien que le montant nominal de chaque stock soit le même. Pendant la période de transition, les émissions d'obligations nominales ont été compensées par des retraits, afin d'éviter les effets de distribution de la baisse des prix. 3. 5. 2

Croissance réelle à prix stables.

Du fait de la croissance de la quantité de travail, du stock de capital et du produit dans le second modèle, il y a croissance de la demande réelle de monnaie à la fois de la part des consom-

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

mateurs et des entreprises, et l'équilibre monétaire est maintenu par une croissance parallèle de la taille du système monétaire. Le système monétaire peut croître en taille réelle sans expansion de la quantité nominale de monnaie et ceci exclusivement par une baisse des prix et des taux de salaire nominaux. Il peut croître en taille réelle même avec une contraction de la quantité nominale de monnaie, si les prix et les salaires baissent plus fortement. La croissance nécessaire des encaisses réelles peut être obtenue par une infinité de combinaisons entre les variations de la monnaie nominale et celles des prix et des salaires. Bien sûr, une expansion de la quantité nominale de monnaie parallèle à l'expansion de la demande réelle de monnaie, les prix et les salaires nominaux restant constants, est une solution possible. La stabilité des prix dans l'économie élémentaire impliquait une dépense déficitaire de l'Etat et un certain détournement du produit réel du secteur privé vers le secteur public. Pour assurer la stabilité des prix dans le second modèle, il n'est pas nécessaire de modifier la distribution intersectorielle du revenu et de la dépense, de l'épargne et de l'investissement. Il suffit d'un accroissement équiproportionnel du revenu réel, de la quantité nominale de monnaie émise par l'Etat et des émissions nettes d'obligations nominales des entreprises. La différence entre la baisse et la stabilité des prix est uniquement une différence d'accroissement des quantités nominales de monnaie et d'obligations, accroissements faibles des deux en cas de baisse, accroissements plus forts en cas de stabilité.

3.6

POLITIQUE MONÉTAIRE DANS LE SECOND MODÈLE.

Dans le second modèle, la « main invisible» des néo-classiques est un manipulateur habile. Dotée d'un certain montant nominal de monnaie par le service banque, elle harmonise le niveau absolu des prix avec le produit réel de plein emploi et avec les demandes relatives de travail, de biens, d'obligations et de monnaie. La monnaie joue un rôle dans cette économie, même s'il s'agit uniquement de monnaie «interne» fondée sur le portefeuille d'obligations internes du système monétaire. Elle joue un rôle en ce sens qu'il doit y avoir nécessairement un certain montant nominal de monnaie à partir duquel, en déterminant le niveau des prix, la main invisible peut fabriquer la quantité réelle de monnaie demandée par les entreprises et les consommateurs.

Monnaie et titres primaires

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Cependant, la main invisible ajuste si efficacement le niveau des prix et la quantité nominale d'obligations que le système monétaire n'a plus rien d'important à faire, une fois fixé un montant positif quelconque de monnaie nominale, sinon diriger efficacement le mécanisme des paiements. La politique monétaire est banale en ce sens qu'elle peut seulement agir sur le niveau des prix et des salaires nominaux. Elle ne peut agir sur aucune variable réelle, ni sur la quantité réelle de monnaie ni sur un stock réel, ni sur un flux réel, ni sur un prix relatif. Si les Services Politiques et Banque, pour tromper leur ennui, font des expériences avec la quantité de monnaie, la main invisible suit les règles de la théorie quantitative pour neutraliser les «méfaits» de leur gestion monétaire. La politique monétaire n'a tout simplement aucun objectif rationnel. Le second modèle peut continuer à fonctionner sans recourir à la médiation du système monétaire entre épargnants et investisseurs. Tout financement de l'investissement net des entreprises par l'épargne des consommateurs peut être direct, et nullement indirect, car une baisse de prix et des ajustements dans les obligations nominales peuvent préserver l'équilibre des portefeuilles. Si, au taux d'intérêt existant, l'équilibre des portefeuilles est menacé par une insuffisance de monnaie (par exemple), la médiation du système monétaire n'est pas nécessaire, car les secteurs privés peuvent retirer le surplus d'obligations nominales et créer, par baisse de prix, des encaisses réelles additionnelles. L'économie a son propre substitut automatique à la médiation des Services Politique et Banque. 3. 7

POLITIQUE MONÉTAIRE DANS UNE VERSION MODIFIÉE DU SECOND MODÈLE.

Le second modèle est un modèle d'économie monétaire. Il comprend un stock de monnaie et un niveau de prix déterminés. La monnaie est un« bien» dans le modèle et, à chaque état d'équilibre général, correspond une seule valeur des encaisses réelles. Cependant, le modèle permet de montrer que la monnaie est neutre, en ce sens que les modifications de la quantité nominale de monnaie n'ont pas d'effets réels. La politique monétaire n'a aucune influence sur la croissance réelle. Pour chaque état d'équilibre général, n'importe quelle quantité nominale de monnaie convient, et les autorités monétaires ne doivent pas perdre leur temps à rechercher un montant «correct» unique. Cependant,

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

l'une quelconque des diverses modifications du modèle peut accorder un rôle plus important à la quantité nominale de monnaie et à la politique agissant sur cette quantité. Cette section étudie quelques-unes de ces modifications; on en étudiera d'autres dans le chapitre V. 3. 7. 1

Combinaison de monnaie interne et de monnaie externe.

Nous supposons maintenant que la quantité nominale de monnaie ne représente plus seulement de la monnaie interne, comme dans la version initiale du second modèle (où elle était créée exclusivement en contrepartie d'obligations intérieures privées détenues par le système monétaire), ou seulement de la monnaie externe, comme dans notre économie élémentaire (où il s'agissait d'une créance nette des secteurs privés sur l'Etat). La quantité nominale de monnaie représente maintenant une combinaison de monnaie interne et de monnaie externe, cette dernière étant créée, par exemple, en contrepartie d'or détenu par le système monétaire. Cette nouvelle hypothèse ne rend pas seulement le second modèle plus réaliste, elle fait beaucoup plus. Elle a pour conséquence que la politique monétaire cesse d'être banale ou neutre et qu'une seule quantité nominale de monnaie convient pour chaque état d'équilibre général. Supposons que l'on soit dans un état d'équilibre stationnaire. Les entreprises· ont atteint les relations souhaitées entre dette nette et actifs physiques et entre dette nette et dette brute. Les consommateurs sont également satisfaits : leurs actifs financiers sont dans la relation souhaitée avec le revenu et sont correctement diversifiés entre monnaie et obligations. Dans ce contexte stationnaire, le Service Banque accroît la quantité nominale de monnaie, sous forme de monnaie interne, par une opération d'achat à l'open-market. Cette politique de facilité monétaire a-t-elle des effets réels ? La réponse est évidemment positive. La monnaie externe, fondée sur de l'or, ne correspond pas à un montant égal d'obligations privées dans le portefeuille du Service Banque. Si, par exemple, l'opération d'open-market accroît le total monétaire nominal de 10 pour cent, elle accroît le montant des obligations détenues par le Service Banque de plus de 10 pour cent, en supposant que le montant d'or reste constant. Ceci signifie que l'opération d'open-market accroît la proportion des encaisses monétaires par rapport aux obligations détenues par les consommateurs et par rapport à la dette nette des entreprises, car le

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Service Banque a augmenté la part qu'il détient dans le total des obligations privées. Au niveau initial des prix, l'opération d'openmarket provoque un transfert d'obligations réelles des secteurs privés vers le système monétaire, modifiant la composition du portefeuille des agents économiques privés. Pour des prix et des obligations nominales accrus dans la même proportion que la quantité nominale de monnaie, les portefeuilles privés en valeur réelle comprennent plus de monnaie qu'avant l'intervention du système monétaire. L'impact de l'opération d'open-market sur les équilibres de portefeuille ne peut être annulé par un accroissement proportionnel du niveau des prix, du taux de salaire nominal et des obligations privées nominales. L'accroissement de la monnaie par rapport aux obligations dans les portefeuilles privés n'est accepté qu'au prix d'une baisse du taux d'intérêt. L'équilibre final impliquera aussi, comme résultat de l'expansion monétaire, un stock de capital réel plus important, un niveau de revenu réel plus élevé et un niveau des prix plus élevé (mais le taux d'accroissement est inférieur à celui de la quantité nominale de monnaie). La monnaie n'est plus neutre et la politique monétaire cesse d'être banale dans le second modèle. Les achats à l'open-market par le système monétaire sont à l'origine d'une croissance de la richesse réelle et du revenu, au prix d'une certaine inflation. Les ventes à l'open-market par le système monétaire font diminuer la richesse réelle et le revenu, parallèlement à une certaine déflation. Ce sont là les conclusions correspondant au cas de l'équilibre stationnaire. Ce processus peut être illustré comme suit : soit une position d'équilibre initial à un niveau de prix de 100, une quantité réelle et nominale de monnaie de 20 $, composée de 10 $ de monnaie interne, émise en contrepartie d'obligatiOns détenues par le Service Banque, et de 10 $de monnaie externe fondée sur de l'or. La dette privée totale est de 100 $ dont 10 $ sont détenus par le Service Banque et 90 $ par les consommateurs. L'équilibre est maintenant perturbé par une opération d'achat à l'open-market de 20 $ d'obligations, ce qui double la quantité nominale de monnaie. L'équilibre ne peut pas être rétabli selon les normes de la théorie quantitative par un doublement des obligations nominales et du niveau des prix, étant donné que la répartition initiale du portefeuille entre obligations et monnaie pour les agents économiques privés, qui était de 90-20 $, est réduite en termes réels à 85-20 $. Avec des quantités nominales de monnaie et d'obligations et

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La monnaie dans une théorie des act(fs financiers

un niveau de prix doublés, le service banque a accru la valeur réelle des obligations qu'il détient de 10$ à 15 $. Dans le secteur privé, le montant réel des obligations a diminué par rapport aux encaisses monétaires réelles, si bien que le nouvel équilibre sera caractérisé par un taux d'intérêt réduit. Cette réduction, à son tour, accroîtra les valeurs d'équilibre du stock réel de capital et du revenu réel. Avec une hypothèse de croissance, on obtient des conclusions semblables sur la neutralité de la monnaie. Soit une croissance homothétique à un taux donné n pour toutes les valeurs réelles et nominales des stocks et des flux, les prix relatifs et le niveau absolu des prix restant constants. La quantité de monnaie a une composante interne et une composante externe, chacune s'accroissant au taux n. Si le système monétaire double le taux de croissance de la quantité nominale de monnaie et celui de ces deux composantes, cela ne fait que doubler les autres variables nominales (niveau des prix compris). Mais si le système monétaire double le taux de croissance de la quantité nominale de monnaie en accélérant uniquement ses achats d'obligations, on a des effets réels. Le système monétaire absorbe en effet une plus grande part en valeur réelle des obligations émises ct laisse une part plus faible aux investisseurs privés. Le rééquilibre des portefeuilles privés nécessite une baisse du taux d'intérêt, une augmentation du taux de croissance du capital ct du revenu, et un accroissement du niveau de prix (mais proportionnellement inférieur à l'augmentation du taux de croissance de la quantité de monnaie). Inversement, si le système monétaire achète une proportion plus faible d'obligations réelles, accroissant ainsi la monnaie externe plutôt que la monnaie interne, les effets réels prennent la forme d'un accroissement du taux d'intérêt et d'un ralentissement de la croissance réelle. La croissance implique une augmentation des actifs financiers; notre modèle en retient deux types : des obligations de type unique et de la monnaie. C'est la valeur réelle des actifs financiers qui influence le comportement des consommateurs et des entreprises sur tous les marchés. Tout élément (tel qu'une quantité de monnaie ayant à la fois des composantes interne et externe) qui permet d'agir sur la proportion encaisses monétaires réelles/ obligations réelles autorise le système monétaire du second modèle à influencer, dans certaines limites, la valeur réelle et la composition réelle des portefeuilles privés. Le système monétaire peut alors jouer le rôle d'intermédiaire financier en termes réels et il peut faire varier sa participation aux risques de la croissance.

Monnaie et titres primaires

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En augmentant son rôle d'intermédiaire, il décharge les agents privés d'une partie des risques liés à la détention d'obligations. En restreignant son rôle, il intensifie les risques pris par le secteur privé. Il en résulte une réduction du taux d'intérêt dans le premier cas et un accroissement de ce taux dans l'autre. Le changement de ce prix relatif particulier modifie tout le contexte de la croissance réelle. 3. 7. 2

Politique monétaire et règles néo-classiques.

Nous sommes tout d'abord parvenus à la conclusion que notre modèle est celui d'une économie monétaire, où la quantité de monnaie, les obligations nominales et le niveau des prix interviennent pour maintenir l'équilibre sur les marchés des biens et du travail, et pour égaliser l'investissement désiré par les entreprises, agents en déficit, et l'épargne que les consommateurs désirent confier à ces entreprises. Notre seconde conclusion a été que, dans la première formulation du modèle, la politique monétaire est banale et la monnaie neutre : la demande d'encaisses réelles peut être aussi bien satisfaite par une baisse de prix que par une augmentation de la quantité nominale de monnaie; les secteurs privés peuvent ainsi transférer de l'épargne réelle ct maintenir l'équilibre de leur portefeuille avec ou sans intervention du système monétaire. La troisième conclusion a été que la politique monétaire peut être significative et la monnaie non neutre, si la quantité de monnaie n'est pas exclusivement composée de monnaie interne ou de monnaie externe. Ces conclusions sont exactes dans le cadre des hypothèses néo-classiques de notre second modèle - absence d'illusion monétaire, absence d'effets de distribution liés aux variations de prix et de taux d'intérêt, stabilité des anticipations concernant ces dernières variables, flexibilité des prix et concurrence parfaite sur les marchés du travail, des biens et des obligations (si l'on excepte dans ce cas les interventions du système monétaire). Ces conclusions sont exactes pour l'analyse du modèle en termes de statique comparative, en cas d'état stationnaire ou de croissance homothétique. En d'autres termes, ces conclusions sont exactes pour des situations où la monnaie a le moins de chance d'être importante et le plus de chance d'être un simple voile recouvrant les aspects réels des comportements économiques. Ces situations sont celles où les secteurs privés peuvent le mieux agir sur la valeur réelle de leurs obligations et de leurs encaisses monétaires par des ajustements du niveau des prix et des obligations nominales. La monnaie joue donc un rôle plus important dans les compor-

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

tements réels si notre modèle est retiré de son contexte néoclassique ou de son cadre d'analyse d'équilibre stationnaire. Chaque élément qui réduit l'efficacité des changements de prix, en réponse à un changement de la quantité nominale de monnaie et comme moyen d'adapter la quantité de monnaie à son niveau désiré, renforce l'efficacité réelle de la politique monétaire. Tout obstacle à l'adaptation de la dette primaire nominale aux changements de prix rend plus nécessaire l'intervention continue du système monétaire sur les marchés des obligations et de la monnaie. La baisse des prix ne peut pas créer des encaisses réelles pour satisfaire un accroissement de demande de ces encaisses, si les prix et les taux de salaire nominaux sont inflexibles. La baisse de prix ne peut pas satisfaire la demande de monnaie si, du fait de l'illusion monétaire, les agents désirent des encaisses nominales plutôt que des encaisses réelles. Enfin, la baisse des prix, qui entraîne des anticipations de baisse future et intensifie de ce fait la demande de monnaie, est un substitut médiocre à l'augmentation de la quantité nominale de monnaie. Dans le second modèle, les effets de distribution provoqués par l'instabilité des prix proviennent, à court terme, du partage des agents du secteur privé entre débiteurs et créanciers. Si la croissance réelle donne lieu à une demande permanente de monnaie additionnelle, la tendance persistante à la baisse des prix tendra à transférer constamment de la richesse des entreprisesdébitrices vers les consommateurs-créanciers. L'effet réel de ce transfert est de déprimer l'épargne et l'investissement, de retarder la croissance du capital réel et d'entraver la croissance du produit. On évite de tels effets de distribution si la demande permanente de monnaie additionnelle est satisfaite à un niveau de prix stable par une augmentation de la quantité nominale de monnaie. L'analyse néo-classique statique évite les effets de distribution des changements de prix en supposant un remboursement parfaitement flexible des obligations nominales. Le nombre effectif d'obligations est corrigé pour tout mouvement de prix et instantanément. Dès que l'on abandonne ce monde a-frictionnel, l'instabilité des prix aura toute chance de présenter des coûts réels sous forme d'écart entre épargne et investissement et d'écarts au niveau de l'affectation de l'épargne entre les possibilités d'investissement. Il est facile d'imaginer un monde sans effet de distribution mais un tel/monde est très éloigné du nôtre. Les secteurs privés doivent s'appuyer nécessairement sur la médiation continuelle du système monétaire pour diriger l'épargne réelle vers l'investissement et pour maintenir l'équilibre de leur portefeuille.

Monnaie et titres primaires 3.8

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RÉSUMÉ.

L'économie élémentaire comprenait trois marchés : travail, biens et monnaie. Notre seconde économie se caractérise par l'addition d'un quatrième marché, celui des titres primaires. Ces titres sont des rentes perpétuelles (obligations) de type unique et parfaitement sûres, émises par les entreprises. Il y a toujours trois secteurs : les consommateurs, les entreprises et l'Etat. Cependant l'Etat n'a pas de revenu et n'effectue pas de dépenses sur les comptes produit et revenu ; il représente le système monétaire, composé comme précédemment d'un Service Politique et d'un Service Banque. Les deux secteurs privés effectuent des transactions sur tous les marchés, alors que l'Etat intervient seulement sur les deux marchés financiers. Le Service Banque, sur les indications du Service Politique, achète ou vend des titres primaires et crée ou détruit de la monnaie. L'aspect financier de l'économie est le suivant : les entreprises émettent la seule forme de titres primaires et acquièrent de la monnaie, seule forme de titres indirects; l'Etat achète des titres primaires et émet de la monnaie ; les consommateurs acquièrent soit des titres primaires, soit de la monnaie, soit les deux à la fois. Les entreprises peuvent vendre leurs titres primaires directement aux consommateurs ou les vendre au Service Banque. Dans le premier cas on parlera de financement direct, dans le second de financement indirect (au cours duquel consommateurs et entreprises acquièrent des encaisses monétaires). La demande réelle d'encaisses monétaires émane des consommateurs et des entreprises. Les deux secteurs augmentent leur demande réelle de monnaie quand leur revenu réel augmente. Cette demande s'accroît aussi lorsque les consommateurs acquièrent des montants additionnels d'actifs financiers réels (obligations ou monnaie) ou lorsque les entreprises acquièrent du capital réel par rapport à leur endettement réel. Un taux d'intérêt plus faible stimule la demande d'encaisses réelles des secteurs privés et un taux de rendement marginal du capital plus faible stimule la demande d'encaisses des entreprises. La quantité nominale de monnaie est toujours déterminée par le Service Politique compte tenu de ses objectifs de politique économique et de la demande d'encaisses réelles des secteurs privés. Le Service Banque fournit cette quantité sans hésitation et sans protêt. La quantité nominale de monnaie dans l'économie élémentaire était entièrement de nature «externe» ; en d'autres termes, il s'agissait d'une créance nette des secteurs privés sur un secteur

84

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

« externe » - l'Etat. Dans notre seconde économie, la quantité nominale de monnaie est entièrement du type «interne», c'està-dire qu'elle a pour contrepartie une dette interne du secteur privé et qu'elle est entièrement contrebalancée par une dette primaire des entreprises. En conséquence, et à la différence de ce qui avait lieu dans l'économie élémentaire, tout changement de prix correspond maintenant à des transferts de richesse uniquement entre les deux secteurs privés, l'un gagnant ce que l'autre perd et ce en qualités égales. Les règles néo-classiques ignorent l'effet de tels transferts de richesse sur les demandes agrégées de travail, de biens et de monnaie. Pour cette raison, il semblerait que tout niveau de prix soit compatible avec des demandes agrégées réelles données. Néanmoins, le niveau des prix est déterminé dans cette seconde économie comme il l'était dans la première. La raison en est que les secteurs privés désirent un portefeuille financier diversifié. La quantité nominale de monnaie étant donnée, un seul niveau de prix permet d'atteindre la répartition désirée entre titres primaires réels et encaisses réelles. Dans le cadre néo-classique, lorsque toute la monnaie est de type interne, la politique monétaire a des effets neutres sur les variables réelles de l'économie - il en allait de même dans l'économie élémentaire, lorsque toute la monnaie était de type externe. Un changement de la quantité nominale de monnaie a pour seul effet de changer proportionnellement les prix et les salaires nominaux. En outre, la politique monétaire cesse d'être neutre s'il y a rigidité, si les anticipations de prix ne sont pas d'élasticité unitaire, s'il y a illusion monétaire, ou si l'on admet la présence d'effets de distribution liés aux transferts de richesse. Cependant, même dans un cadre strictement néo-classique, la politique monétaire peut ne pas être neutre pour les variables réelles quand sont combinées monnaie externe et monnaie interne, c'est-à-dire quand le Service Banque détient à la fois des obligations commerciales et des titres «extérieurs» ou de l'or, en contrepartie de ses engagements monétaires. Alors, une augmentation des encaisses monétaires nominales, par achats publics d'obligations, accroît les obligations réelles que le Service Banque détient dans une proportion plus large que ses engagements monétaires réels. Ceci signifie que la valeur réelle des obligations détenues par les secteurs privés est réduite par rapport à leurs encaisses monétaires réelles. En conséquence, le taux d'intérêt d'équilibre est plus bas et les autres variables réelles de l'économie s'ajusteront. Une combinaison de monnaie interne et de monnaie externe permet alors aux autorités monétaires d'agir sur la richesse et sur le revenu réels.

CHAPITRE IV

CROISSANCE FINANCIÈRE ET DIFFÉRENCIATION DES TITRES

INTRODUCTION Dans ce chapitre, nous nous proposons d'étendre dans deux directions notre analyse de la croissance financière. Nous examinerons d'abord les facteurs qui déterminent l'accroissement de la masse des actifs financiers possédés par les agents économiques. Nous effectuerons cette analyse en utilisant, comme cadre de référence, le modèle du chapitre précédent; nous abandonnerons d'ailleurs quelques-unes des hypothèses très restrictives que contenait ce modèle. Nous examinerons ensuite les conséquences d'un changement non plus quantitatif, mais qualitatif des titres primaires. Le marché des fonds prétables est en effet composé d'une multitude de marchés. Les fonds s'y échangent contre des titres qui se différenc'ient les uns des autres et l'on a un très grand nombre de taux d'intérêt de marché. Ce marché offre aux détenteurs d'actifs des possibilités de choix beaucoup plus étendues que la simple alternative monnaie obligations de notre deuxième modèle. Il est donc normal qu'il y ait, durant le processus de croissance, des modifications dans le choix des actifs financiers. Si, dans cet ouvrage, nous n'accordons pas au problème de la différenciation des titres la place qu'il mérite, nous ne pouvons, néanmoins, l'ignorer puisque la demande de monnaie n'est pas la même lorsque le choix est réduit aux seules obligations parfaitement sûres et lorsqu'il porte sur un grand nombre d'actifs. Avant de traiter ces questions, il est nécessaire de procéder à une première comparaison entre titres primaires et titres indirects.

88

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

4.1

TITRES PRIMAIRES ET TITRES INDIRECTS

Dans le second modèle, les actifs financiers comprenaient des obligations de type unique émises par les entreprises, et de la monnaie émise par un système monétaire public. La distinction entre titres primaires et titres indirects était donc claire. Mais la distinction deviendra moins nette lorsque, comme dans ce chapitre, les agents non financiers pourront émettre plusieurs types de titres et lorsque, comme plus loin, les intermédiaires financiers en auront aussi la possibilité. Nous la maintiendrons cependant. Cette section se propose d'expliquer pourquoi. L'ensemble de toutes les dettes et de toutes les actions émises par les agents non financiers constitue les titres primaires. Nous rappelons que toutes les unités économiques, qui ont pour fonction principale la formation et l'achat du produit et non l'acquisition d'un type de titres par émission d'un autre, sont des agents non financiers. Les titres primaires incluent les actions, les obligations, les effets recouvrables, le crédit bancaire à court terme, le crédit à la consommation, le crédit hypothécaire, les emprunts des collectivités locales, des états et du gouvernement fédéral, les titres étrangers et toutes les variétés issues de ces principaux titres. L'or, traité comme un actif réel, n'est pas considéré comme un titre primaire. Les crédits non consolidés par les comptes excédentaires leur correspondant ne sont pas non plus considérés comme des titres primaires. Ils représentent un financement interne, c'est-à-dire une alternative aux émissions de titres primaires. Les titres primaires forment l'une des deux composantes des avoirs financiers des agents non financiers. Les titres indirects, c'est-à-dire la dette émise par les intermédiaires financiers, système monétaire compris, forment l'autre. Dans certains cas, il est intéressant de ventiler les titres indirects en titres émis par le système monétaire et titres émis par les autres intermédiaires financiers. Il est aussi intéressant, suivant le problème traité, de distinguer, dans la dette monétaire indirecte, les moyens de paiement, tels qu'espèces et dépôts à vue, des dépôts à terme. Les intermédiaires financiers, en s'Interposant entre emprunteur ultime et prêteur, peuvent acquérir les titres primaires et alimenter, en titres différents, les portefeuilles des prêteurs. Les intérêts sur titres primaires constituent l'essentiel de leur revenu, les intérêts sur titres indirects et les dépenses de gestion des titres, l'essentiel de leur coût. Ces caractéristiques permettent, en général, de

Cr('is,:mcefinancièrc et d(fférenciatiun des titres

89

différencier intermédiaire financier et agent non financier, titres primaires et titres indirects. Toutefois, il arrive que dans quelques cas notre classification soit ambiguë. Mais, à tout moment, le volume des titres dont la classification est difficile est vraisemblablement très faible. Les émissions des sociétés « holdings », qui ont pour principal objectif le contrôle d'agents affiliés, peuvent par exemple être ou non considérées comme des titres primaires. Il est aussi possible de considérer que quelques intermédiaires émettent à la fois des titres primaires et des titres indirects. Les dépôts bancaires peuvent par exemple être considérés comme de la dette indirecte mais les émissions de titres par les banques, dans la mesure où elles reflètent l'aspect commercial des opérations de banque, peuvent être considérées comme primaires. Toute émission Je monnaie gagée sur l'or peut être considérée comme dette indirecte, même si l'on considère l'or plutôt comme une marchandise que comme un titre primaire. Il serait de plus, à l'heure actuelle, nécessaire de créer une catégorie pour des intermédiaires secondaires tels que Ics « sociétés de financement des ventes à crédit» (*) qui s'interposent fréquemment entre emprunteurs ultimes ct intermédiaires proprement dits. Néanmoins, la distinction entre titres primaires ct titres indirects semble être une distinction bien adaptée aux problèmes traités Jans cet ouvrage. Elle constitue un instrument commode pour analyser les liens unissant la croissance réelle et la croissance financière, pour isoler, dans certaines études particulières, la fonction de médiation et pour observer, dans le processus de _croissance, les rôles respectifs des intermédiaires monétaires et non monétaires. On doit bien remarquer que le terme croissance peut s'interpréter de deux manières différentes. II évoque d'abord la croissance des titres primaires qui est égale à celle des actifs financiers des agents, en tenant compte des gains et pertes en capital, que ces actifs soient des titres primaires ou des titres indirects. Il évoque ensuite la croissance des titres primaires plus celle de~ titres indirects. La valeur absolue de cette croissance est identique à la première si tous les titres primaires émis sont vendus aux agents non financiers de telle sorte qu'il n'y ait aucune croissance des titres indirects. Elle est le double de la première si tous les titres primaires sont vendus à des intermédiaires financiers de telle sorte que la croissance de titres indirects est égale à celle des titres primaires. (*) N.d.T. : Sales finance

COIIIJHlllics.

90

4.2

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

CROISSANCE .DES TITRES PRIMAIRES ET DES ACTIFS FINANCIERS.

Encaisses monétaires et titres primaires, sous forme d'obligations de type unique émises par les entreprises, constituaient les actifs financiers de notre deuxième modèle. Les obligations étaient achetées soit par le système monétaire public qui les payaient en créant de la monnaie, soit par les consommateurs qui pouvaient acquérir des obligations ou de la monnaie. Les entreprises, elles aussi, accumulaient de~ encaisses monétaires. Le gouvernement ne percevait aucune fraction du Revenu national et n'effectuait aucune dépense pour acheter le produit national. En équilibre stationnaire, à tout niveau de Revenu national réel, correspondait une demande d'actifs financiers réels émanant du secteur privé. Les consommateurs demandaient de la monnaie réelle et des obligations, les entreprises de la monnaie réelle. Dans un cadre néo-classique, une quantité positive quelconque d'actifs financiers nominaux détenus par le secteur privé permettait de satisfaire cette demande. On pouvait ainsi associer, à une valeur donnée du Revenu national réel, une valeur quelconque du portefeuille nominal. Dans le second modèle, la croissance réelle provoquait une émission de dettes primaires et une demande additionnelle d'actifs financiers réels. Nous nous proposerons maintenant d'analyser ce processus avec un peu plus de précision que dans le chapitre précédent. Dans la plupart des développements qui suivront, nous supposerons que la croissance réelle s'effectue à prix constant. Nous supposerons, de plus, que la croissance réelle est homothétique. Les flux sur chaque marché, les stocks de travail, de biens de capital, d'obligations, de monnaie croissent à un taux uniforme. Nous supposons aussi d'abord, pour simplifier, que les entreprises n'accumulent pas d'encaisses monétaires. A l'exception de ceux acquis par le système monétaire,. tous les actifs financiers sont acquis par les consommateurs. Dans ce cadre, nous étudierons d'abord l'émission de titres primaires, puis l'évolution du stock accumulé de titres primaires. Après cela, nous examinerons la croissance financière lorsque le processus de croissance réel débute avec un stock de titres primaires nul ou très faible. Enfin, nous caractériserons les aspects de la croissance financière associés à des variantes du second modèle.

Croissance .financière et d(fférenciation des titres

4. 2. 1

91

Emission de titres primaires : déterminants immédiats.

A tout moment du processus de croissance, l'émission de titres primaires par les entreprises est identique à l'acquisition d'actifs financiers par les consommateurs. Les montants des émissions et des acquisitions d'actifs sont d'ailleurs les montants que les agents désirent émettre et acquérir en situation d'équilibre. Les émissions de titres primaires sont égales au déficit budgétaire des entreprises. Les acquisitions d'actifs financiers sont égales à l'excédent budgétaire des consommateurs. Ces affirmations reposent, entre autre, sur l'hypothèse de non-acquisition d'encaisses monétaires par les entreprises. La valeur réelle des titre~ primaires émis dans une période quelconque est donnée par

!!-, B représente le nombre des oblizp

gations nouvelles émises, ch~1cunc de ces obligations rapporte un intérêt de 1 $ par période. B est donc aussi la somme nominale des intérêts payés sur les nouvelles obligations émises. p représente le niveau des prix des biens. i est le taux d'intérêt. On peut alors affirmer que émis. De plus,

~l

représente la valeur nominale des titres

puisque~ représente la valeur •

p

réelle des paiements

!/-

d'intérêt sur obligations nouvelles, ---- .. lp représentera la valeur réelle de ces émissions nouvelles. Le déficit budgétaire des entreprises se définit comme la différence entre leur dépense réelle d'investissement net CK) ct leur épargne réelle nette (Sb). Nous savons, par hypothèse, que les émissions de titres primaires sont égales au déficit budgétaire des entreprises. Le rapport de ces émissions au Revenu national réel peut donc s'écrire ( l)

11 ipY

Divisons numérateur et dénominateur du membre droit de l'équation (1) par l'épargne nette des entreprises. Nous obtenons :

(2)

92

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Cette expression montre que le rapport émissionsjrc\cnu dépend de la propension moy~nne qu'ont les entreprises à dépenser leur revenu ou épargne ( ~) , et de la part du Revenu national qu'elles reçoivent ( ~'). Nous pouvons arriver à des observations semblables du côté du consommateur. En effet, le rapport émissions/revenu est égal à l'excédent budgétaire des consommateurs divisé par le Revenu nationaL Or, cet excédent n'est qtie la différence entre le revenu réel des consommateurs (H) et leur dépense réelle de consommation ( C). Si nous effectuons les mêmes calculs que ci-dessus, pour les entreprises, nous pouvons écrire que

(3) Cette expression montre que le rapport émissions/revenu dépend de la propension moyenne à consommer ( Revenu national (

~) que

~) ct

de la part du

ses- consommateurs perçoivent.

A partir de ces deux expressions, nous pouvons affirmer que le rapport émission dè titres primaires/Revenu National dépend de la répartition des dépenses entre les secteurs par rapport à la répartition des revenus entre ces secteurs. Lorsque ces répartitions sont identiques, il n'existe pas de spécialisation entre les secteurs au niveau de la dépense et de la perception du revenu. Les deux secteurs ont des budgets équilibrés. Il n'existe pas de croissance financière. Quand les distributions sont absolument différentes, un secteur effectue toute la dépense, l'autre perçoit tout le revenu. Le déficit budgétaire d'un secteur et l'excédent de l'autre sont alors égaux au Revenu national. La croissance financière au cours de la période est aussi égale au Revenu national. Le degré de la spécialisation entre secteurs au niveau de la dépense et de la perception du revenu dépend, en dernier lieu, d'une manière ou d'une autre, de toutes les variables et relations du deuxième modèle. Il dépend, par exemple, des variables qui déterminent les dépenses d'investissement net des entreprises, les dépenses de consommation et la demande d'obligations. Mais on doit surtout noter que tout ce qui influence la croissance

Croissan:·e financière et d(fférenci.ation des titres

93

des actifs financiers agit par l'intermédiaire de la distribution relative de la dépense et du revenu entre les deux secteurs (quel que soit le caractère détourné de cette action).

4. 2. 2

Emissions de titres primaires en croissance homothétique.

N'oublions pas ce que nous venons d'affirmer et recherchons les facteurs qui déterminent la répartition du revenu et des dépenses entre les secteurs dans le second modèle en période de croissance homothétique (et qui déterminent donc la croissance du volume des titres primaires). En période de croissance homothétique, à prix constant, flux et stocks croissent au même taux n. Part de revenu perçu par chaque secteur et propension moyenne à dépenser sont constantes, ainsi que le rapport émissions/revenu. L'augmentation des actifs financiers, dans le portefeuille des consommateurs, et celle de la dette primaire sont égales et représentent un pourcentage constant du Revenu national de la période. Qu'est-ce qui détermine cette proportion ? Partons de l'équation (1). Nous ~avons que n est égal au taux de

croissan~e

du stock de capital

~-

Puisque K désigne le stock

de capital, K est donc égal à nK. Le rapport émissions/revenu peut s'écrire : (nK ; Sb). Mais l'épargne nette des entreprises (Sb) est égale au produit du taux de rendement réel !_ par le stock p de capital diminué du montant réel des intérêts payés par les entreprises. Le montant réel d'intérêts payés peut d'ailleurs se

!!..

si l'on considère que B désigne le nombre des obligations p existantes et que chaque obligation rapporte un intérêt de 1 $ par période. Le rapport émissions/revenu peut donc être représenté par : noter

nK

(4)

ipY

(1) Dans cette équation

!..

p

(-Krp -B) p (1) . y

représente le taux de rendement réel dans le seul

cas où les entreprises ne versent pas de dividendes. Si les dividendes existent,

!.. représente le taux

p

de rendement réel net de dividendes.

94

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Cette expression montre que le rapport émissions/revenu est le rapport de la différence entre l'investissement réel net des entreprises et leur épargne réelle nette au Revenu national réel. . Nous savons déjà qu'en période qe croissance homothétique, B est B

' 1 a' n. R emp1açons B par ~ B d ans l''equatiOn . (4) . N ous ega

pouvons réécrire le rapport émissions/revenu comme suit :

(5)

13 ipY

Cette formulation nous permet de constater qu'en période de croissance homothétique, le rapport émissions/revenu dépend du taux de croissance du produit n, du taux de rendement réel !._, p

du rapport capital/produit

~et

du taux d'intérêt i. Ces variables

déterminent l'importance du déficit budgétaire des entreprises · par rapport au Revenu national. Elles déterminent donc aussi l'émission de titres primaires par rapport au revenu. Nous allons d'abord examiner la relation entre taux de croissance du produit et rapport émissions/revenu. Supposons que durant le processus de croissance homothétique, le taux de rendement réel excède le taux d'intérêt et examinons la liaison entre le taux de croissance du produit et le rapport émissions/revenu (3). Comment une augmentation du taux de croissance du produit affecte-t-elle le rapport émissions/revenu ? La réponse est la suivante : un taux de croissance plus élevé accroîtra le rapport (2) Ceci est dû au fait que :

(3) Ce modèle de croissance financière n'est pas stable. Un stock de dette primaire supérieur à son niveau d'équilibre nécessite des paiements d'intérêt qui accroissent le déficit des entreprises et stimulent ainsi la croissance de la dette primaire. Divers stabilisateurs que nous introduisons dans le modèle global du chapitre III et dans l'appendice mathématique sont issus de l'équation (5) ci-dessus; ce sont les effets dépressifs d'un excès de dette sur l'investissement, sur la demande de monnaie par les entreprises, sur les dividendes.

Croissance financière et différenciation des titres

95

émissions/revenu car, augmentant les dépenses d'investissement nettes des entreprises par rapport à leur épargne nette, il accroîtra la part du déficit des entreprises dans le Revenu national. Pour des raisons semblables, un taux de croissance plus faible diminuera le rapport émissions/revenu. Graphique 1. -Relation entre le rapport émissions/revenu et le taux de croissance du produit

Rapport émissions/revenu

15

1 1

1

A

1 1 10

1

1 i= 03 1 , 1

0,5

r =:1 0,8

1 1 1 1

0~--~'--~--~--~------~------~--15 20 Taux de croissance du produit

0,5

10

96

La monnaie dans une théorie des act(fs financiers

La courbe A du graphique I illustre une relation entre le taux de croissance du produit et le rapport émissions/revenu. La représentation graphique a été effectuée pour un rapport capital/produit égal à l'unité et pour les valeurs du taux de rendement réel et du taux d'intérêt portés dans le graphique. Taux d'intérêt et taux de rendement réel sont en effet repérés par les lignes verticales discontinues. La courbe A montre que lorsque le taux de croissance du produit est égal au taux de rendement réel, le rapport émissions/revenu est nul, relation que l'équation (5) révélait aussi immédiat.ement. Dans ce cas, l'investissement net des entreprises et leur épargne sont égaux. Secteur de la consommation et secteur des entreprises ont tous les deux des budgets équilibrés durant le processus de croissance. Les consommateurs n'accumulent pas d'actifs financiers, les entreprises ne s'endettent pas, les paiements d'intérêts sont nuls. Considérons maintenant un taux de croissance du produit supérieur, 10 pour cent par exemple. La courbe A montre que le rapport émissions/revenu est environ de 3 pour cent. Ces 3 pour cent représentent aussi le montant du déficit des entreprises par rapport au Revenu national et le montant de l'excédent budgétaire des consommateurs par rapport au Revenu national. Cette augmentation du taux de croissance du produit a accru la spécialisation des secteurs dans la perception et la dépense du revenu et provoqué la croissance financière. Plus le taux s'élève, plus la spécialisation augmente, plus la croissance financière s'accélère (4). Supposons maintenant que le taux de croissance du produit soit inférieur au taux de rendement réel mais supérieur au taux d'intérêt. Sa valeur est située entre les droites en pointillés du graphique I. L'observation de la partie de A correspondant à ces hypothèses montre que le rapport émissions/revenu est négatif. Ce qui signifie qu'à tout niveau du Revenu National, les entreprises émettent une quantité négative d'obligations. Le taux de croissance du produit est trop faible pour élever les dépenses d'investissement nettes des entreprises au-dessus de leur épargne nette. Elles ont donc des excédents budgétaires ct les consommateurs des déficits budgétaires. On pourrait être tenté d'interpréter ceci comme signifiant que les entreprises retirent des obligations à chaque période tandis que les consommateurs financent leur déficit en liquidant des actifs financiers. Mais ce processus ne pourrait durer longtemps. En conséquence, il doit être interprété (4) Dans le graphique la pente de la courbe A décroît asymptotiquement vers le rapport capital/produit.

Croissance financière et d(fférenciation des titres

97

comme suit : les entreprises acquièrent des actifs financiers tandis que les consommateurs s'endettent. Les rôles sont complètement renversés. Les émissions de titres primaires sont positives mais proviennent des consommateurs et non des entreprises. Dans notre second modèle, cette éventualité ne pouvait se présenter. En l'excluant, nous supposions implicitement que, dans le second modèle, le taux de croissance était supérieur au taux de rendement réel. Que devient le rapport émissions/revenu si nous modifions la valeur du rapport capital/produit, celle du taux de rendement et celle du taux d'intérêt ? Examinons ces cas un à un. Si le taux de croissance du produit excède le taux de rendement réel, c'est-àdire si nous considérons la partie du graphique située à droite de la ligne en pointillés représentant !_, une augmentation du p rapport capital/produit en période de croissance homothétique élève le rapport émissions/revenu. En effet un accroissement du rapport capital/produit élève le niveau d'investissement des entreprises par rapport au Revenu national et élève ainsi leur déficit par rapport au revenu. Par ailleurs, une augmentation du taux de rendement réel durant la période de croissance équilibrée -diminue le rapport émissions/revenu car il accroît l'épargne nette des entreprises ct réduit leur déficit à chaque niveau de revenu. Si le taux de croissance du produit est supérieur au taux de rendement réel, un accroissement du taux d'intérêt élève le rapport émissions/revenu puisque, accroissant les paiements d'inté. rêt par les entreprises, il réduit leur épargne nette (5). 4. 2. 3

Stock de titres primaires en période de croissance homothétique.

L'accumulation de tous les titres primaires émis durant les périodes précédentes constitue, au début d'une période de croissance homothétique, le stock de titres primaires. Nous appellerons rapport dette/revenu, le rapport de ce stock au Revenu national. Si la croissance est homothétique, ce rapport est stable. En effet, stock de titres et revenu croissent tous deux au même taux n. Le rapport dette/revenu est le produit du rapport émissions/revenu (5) Dans le premier et le troisième cas, la courbe A du graphique I pivote sur la gauche par rapport à son point d'intersection avec l'axe horizontal. Dans le second cas, elle se déplace vers la droite, prend des valeurs plus faibles et coupe l'axe horizontal pour une valeur plus élevée de!:. p

98

par

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

~puisque si la croissance est homothétique, ~ est égal à n. Si

par exemple, le rapport émissions/revenu est de . 10 pour cent et si n est de 5 pour cent, le stock de titres est alors le double du niveau du Revenu national. Le produit des 2 membres de l'équation (5) par! nous permet n d'obtenir une expression du rapport dette/revenu.

(6) Grâce à cette expression, nous constatons qu'à chaque niveau du revenu, le stock de titres primaires dépend des mêmes variables que le rapport émissions/revenu, c'est-à-dite, du taux de croissance du produit, du taux de rendement réel, du rapport capital/produit et du taux d'intérêt. La courbe A du graphique II illustre la relation existant entre le rapport dette/revenu, et le taux de croissance du produit pour un taux de croissance supérieur ou égal au taux de rendement réel (qui est lui-même supérieur au taux d'intérêt). Plus le taux de croissance du produit s'élève, plus le rapport dette/revenu croît; cependant, asymptotiquement, ce rapport tend vers une limite, celle du rapport capital/produit. Cette tendance signifie que pour des taux de croissance du produit extrêmement élevés, presque toutes les dépenses d'investissement net sont financées de manière externe par émission de titres primaires. Les titres accumulés tendent donc à être égaux au stock de capitaLA l'autre extrême, lorsque le taux de croissance du produit est égil au taux de rendement réel du capital, les dépenses d'investissement net sont financées de manière interne sur l'épargne nette des entreprises. Le stock de titres est donc nul durant le processus de croissance. Entre ces deux cas, les dépenses d'investissement net sont financées en partie de manière interne, et en partie de manière externe. En conséquence, le stock de titres primaires est à tout instant positif mais inférieur au stock de capital (6).

(6) Quand le taux de croissance du produit est compris entre le taux d'intérêt et le taux de rendement réel, le graphique II montre que le rapport émissions/revenu est négatif. Ceci signifie que les entreprises détiennent un stock d'actifs financiers positif et les consommateurs une quantité positive de dettes en cours.

Croissance financière et différenciation des titres Graphique Il. -

99

Relation entre ce rapport titres accumulés/revenu et le taux de croissance du produit

Rapport dette/revenu

1,0

0,75

--.-----~------

1

1 0,50

1 1

1

i = 0,03 1

1 1

1 1 1

r = 0,08 1

1 0,25

1 1

1 1

1 Taux de croissance du produit

-2,5

Il existe une liaison simple entre les courbes A des graphiques 1 et II. L'ordonnée de la seconde est

!n

fois l'ordonnée de la pre-

mière. Pour illustrer cette Üaison, supposons que le taux de croissance du produit soit de 13 pour cent. Sur le graphique 1 nous nous apercevons alors que le rapport émissions/revenu représenté par le point a est de 6,5 pour cent. Sur le graphique II nous constatons que pour ce taux de croissance le rapport . a est de 50 pour cent smt. 0,065 d ette1revenu au pomt O, . 13

100

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Dans la discussion précédente, nous avons raisonné dans le cadre d'une hypothèse de croissance homothétique, et supposé bien sûr que les valeurs du rapport capital/produit, du taux d'intérêt, du taux de rendement réel du capital étaient des constantes durant le processus de croissance. Essayons maintenant de savoir comment des valeurs différentes de ces variables affecteraient le rapport dette/revenu. Durant le processus de croissance, une valeur plus élevée du rapport capital/produit accroîtrait le stock de titres par rapport au revenu. En effet, il élèverait l'investissement net et rendrait plus urgent le recours à un financement externe. Un taux de rendement réel supérieur diminuerait le rapport dette/revenu. En effet, il accroîtrait l'épargne nette des entreprises et donc leur financement interne. Un taux d'intérêt plus élevé accroîtrait le rapport dette/revenu car, augmentant les paiements d'intérêt, il priverait les entreprises d'une part d'épargne nette, accroissant le financement externe par rapport au financement interne. 4. 2. 4

Titres primaires et immaturité financière.

Jusqu'ici nous avons analysé le processus de croissance financière en supposant que stock de titres primaires et produit réel croissaient au même taux. Considérons maintenant le cas où le stock de titres primaires en début du processus de croissance est très faible voire nul, c'est-à-dire, se situe en dessous de sa relation d'équilibre avec le produit réel. Maintenons toutes les autres hypothèses. Quelle est dans ces conditions l'allure de la croissance financière ? Pour fournir notre réponse, nous utiliserons les graphiques 1 et II. Dans le graphique 1, le rapport émissions/revenu en période de croissance homothétique est de 6,5 pour cent si le taux de croissance du produit est de 13 pour cent. Le graphique Il montre que le rapport dette/revenu en période de croissance homothétique est de 50 pour cent. Dans le graphique III, chacune de ses valeurs est représentée par une ligne en pointillés horizontale. En abscisse du repère on a porté la variable temps, en ordonnée les deux rapports ci-dessus. Supposons que les émissions de titres primaires et les stocks de ces titres soient déjà en relation d'équilibre avec le taux de croissance de 13 pour cent par période du produit. A ce moment-là, le rapport de chacun au Revenu national est stable au cours du temps. Chaque rapport au cours du temps se déplace le long de la ligne horizontale le représentant. Ce résultat est bien connu. Mais supposons qu'au début du processus

Croissance financière et différenciation des titres

101

de croissance les émissions et les stocks de titres primaires ne soient pas en relation d'équilibre avec un taux de croissance du produit stable. Supposons en particulier que le stock initial de titres soit nul. Durant la croissance du produit, le stock de titres primaires s'accroît rapidement par rapport au -Revenu national. Le rapport dette/revenu part de 0 et finalement s'élève jusqu'à son niveau d'équilibre. Dans le graphique III, il part de 0 et s'élève Graphique III. ~ Croissance des titres primaires en période d'immaturité financière

Rapports dette/revenu et émissions/revenu 0,50

--------------Plafond du rapport dette/revenu

0,40

0,30 Rapport dette/revenu

0,20

0,10 Plafond du rapport émissions/revenu

= 0,65

Rapport émissions/revenu Temps

102

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

asymptotiquement jusqu'à 50 pour cent. Le stock de titres primaires croît donc d'abord beaucoup plus rapidement que le produit. Mais le taux de croissance des titres diminue graduellement jusqu'à atteindre le taux de croissance stable du produit. A ce moment-là, il y a réapparition de la croissance homothétique. Finalement, les deux taux sont à peu près identiques. Des tendances essentiellement identiques se seraient manifestées si nous avions supposé que le stock de titres initial était en dessous de sa relation d'équilibre avec le Revenu national. Le niveau relativement faible du stock de titres primaires dans les premières phases de la croissance du produit signifie que les entreprises paient relativement peu d'intérêt et ont des déficits relativement faibles. En conséquence, le rapport émissions/revenu est assez bas durant ces époques d'immaturité du système financier. Mais lorsque le stock de titres primaires croît jusqu'à ce qu'il atteigne sa relation d'équilibre avec le Revenu national, les paiements d'intérêt par les entreprises augmentent aussi, ce qui élève leurs déficits par rapport au revenu. C'est pourquoi le rapport émissio~s/revenu représenté par la courbe la plus basse du graphique III part de 0 et s'élève graduellement jusqu'à son niveau ~'équilibre de longue période (7). 4. 2. 5

Croissance des titres primaires et des titres indirects.

Nous avons précédemment signalé que l'expression croissance financière avait deux significations. Elle pouvait s'interpréter comme croissance des titres primaires seuls ou des titres primaires plus les titres indirects. Nous n'avons considéré que la première acception du terme. Considérons maintenant la seconde. Supposons d'abord qu'il y ait croissance équilibrée à prix constants, c'est-à-dire que le stock de titres primaires par rapport au revenu dépende du taux de croissance du produit, du taux de rendèment réel du capital, du rapport capital/produit et du taux d'intérêt. La croissance du produit à prix constants engendre une demande nominale de monnaie. Si, grâce à des achats de titres primaires, le système monétaire offre la monnaie nominale demandée._, le taux d'intérêt demeure constant. En fin de compte, la croissance du produit à prix constants provoque simultanément une (7) Durant la même période l'excédent budgétaire des consommateurs par rapport au Revenu national s'élève durant le processus de croissance de 0 à 6,5 pour cent. Les consommateurs accumulent leurs actifs financiers par rapport au revenu tout comme les entreprises accumulent leur dette.

Croissance financière et d(fférenciation des titres

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croissance des titres primaires et des titres indirects; la croissance de tous les actifs financiers excède la croissance des titres primaires seuls. Nous pouvons supposer que pour un taux d'intérêt constant quelconque en période de croissance homothétique, les consommateurs désirent détenir une fraction constante m de leur portefeuille d'actifs financiers en encaisses monétaires, les titres primaires constituant l'autre fraction. Il faut qu'à chaque période le système monétaire achète cette proportion de l'émission de titres primaires et crée une quantité de monnaie équivalente. La croissance des actifs financiers durant une période quelconque en croissance équilibrée est donc la somme. des émissions de titres primaires et du produit de cette quantité par m; ce produit représentant la création de titres indirects sous forme de monnaie. De plus, la somme du stock de titres primaires et du produit par m de ce stock, produit qui représente la masse des encaisses détenues c'est-à-dire la quantité de titres primaires acquise par le système monétaire, représente, quelle que soit la période de croissance homothétique considérée, le stock total de titres. On voit donc qu'en période de croissance homothétique l'ensemble des titres primaires et des titres indirects croît au même taux que le produit. On s'aperçoit aussi qu'en période de croissance homothétique le rapport monnaie/revenu ou son inverse, la vitesse de circulation-revenu, est constant. Etant donné la proportion de leurs actifs financiers que les consommateurs désirent détenir sous forme d'encaisses monétaires à chaque taux d'intérêt, la vitesse de circulation-revenu dépend du stock de titres primaires par rapport au Revenu national; à son tour, ce rapport dépend du taux de croissance du produit, du rendement réel du capital, du rapport capital/produit, et du taux d'intérêt. La vitesse de circulation-revenu dépend en définitive de ces quatre variables. Donnons-en un bref exemple. Une hausse du taux de croissance du produit accroît la quantité de titres primaires par rapport au revenu, accroît la quantité de monnaie demandée à chaque niveau de revenu et diminue ainsi la vitesse de circulation-revenu. Lorsque la croissance réelle à taux constant démarre avec un stock de titres primaires situé en dessous de sa relation d'équilibre de longue période avec le revenu, le rapport dette/revenu croît durant le processus de croissance. Le rapport monnaie/revenu tend donc graduellement vers son niveau d'équilibre de long terme. La vitesse de circulation-revenu diminue durant le processus de croissance mais tend donc asymptotiquement vers un plancher. De plus, la somme des actifs financiers dans l'économie

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

croît par rapport au revenu durant ce processus. Une fois la croissance homothétique atteinte, ou presque atteinte, la vitesse de circulation-revenu est pratiquement constante et la croissance de la somme des actifs financiers représente presque une fraction constante du produit réel. 4. 2. 6

Croissance financière position créance-dette pure, position créance-dette mixte.

Les agents et les secteurs qui ne détiennent que des créances ou qui n'ont que des dettes ont des positions créance-dette pures. Ils ont des positions mixtes lorsqu'ils détiennent des actifs financiers et des dettes. Nous supposions dans le chapitre III, c'est-àdire dans notre analyse du deuxième modèle, que les positions créance-dette des consommateurs étaient des positions pures, celles des entreprises, des positions mixtes. Les consommateurs détenaient des actifs financiers et n'avaient pas de dette en cours. Les entreprises s'endettaient et faisaient acquisition d'encaisses monétaires. Au cours de ce chapitre, nous avons cependant supposé, pour faciliter l'étude, que les positions créance-dette des deux secteurs étaient pures. Les consommateurs faisaient l'acquisition d'actifs financiers et les entreprises s'endettaient. Nous devons maintenant examiner les conséquences de l'abandon de cette hypothèse sur la croissance financière. Supposons, comme dans notre second modèle, que les entreprises désirent acquérir des encaisses monétaires durant la croissance du produit et qu'il y a croissance homothétique avec déficit dans le secteur des entreprises et excédent dans celui des consommateurs. Les titres qu'émettent à chaque période les entreprises servent alors non seulement à combler leur déficit mais aussi à accroître leurs encaisses. Les conséquences de ce comportement sont les suivantes :en période de croissance homothétique, le rapport émissions/revenu est supérieur à celui que nous avons déterminé. Le rapport stock de titres primaires/revenu est aussi plus élevé que celui que nous avons défini. Le rapport stock d'actifs financiers/revenu est supérieur à celui que nous avons défini. L'existence d'une position créance-dette mixte dans le secteur des entreprises tend donc à accélérer la croissance financière. Considérons ensuite le secteur des consommateurs. En période de croissance homothétique, ce secteur dispose d'un excédent budgétaire. Rien ne l'empêche cependant de s'endetter pour acquérir des obligations émises par les entreprises ou de la monnaie. S'il en est ainsi, l'émission de titres primaires tout comme les stocks

Croissancefinancière et d(fférenciation des titres

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de titres primaires et d'actifs financiers sont plus élevés que précédemment par rapport au revenu durant le processus de croissance. Remarquons que, dans la mesure où les titres émis par les consommateurs diffèrent de ceux qui sont émis par les entreprises, il est possible que les entreprises veuillent émettre des obligations non seulement pour acquérir des encaisses, mais aussi des titres émis par les consommateurs. Remarquons enfin que, si les titres émis par les consommateurs et les entreprises ne sont pas homogènes,, il est parfaitement rationnel que consommateurs et entreprises détiennent des titres émis par leur propre secteur. En conclusion, la différenciation des actifs financiers multiplie les positions créance-dette mixtes. Supposons que les actifs financiers soient absolument identiques (hypothèse d'ailleurs insoutenable si l'on considère une économie non agrégée). Les agents excédentaires n'auraient dans ce cas aucune raison de choisir l'une plutôt que l'autre des deux possibilités s'offrant à eux : acquérir des créances, éponger leurs dettes. De même les agents déficitaires seraient indifférents entre liquider leurs créances ou accroître leurs dettes. Bien que des positions mixtes soient concevables dans une telle hypothèse, elles n'auraient pour eux aucune raison d'être. Il serait parfaitement rationnel pour chaque agent de conserver une position créance-dette pure. Mais les actifs financiers ne sont point parfaitement substituables les uns aux autres. Quelques agents peuvent rationnellement décider de conserver des encaisses monétaires, par exemple, tout en finançant leur déficit par des émissions de titres primaires. D'autres peuvent rationnellement décider d'accumuler de la monnaie au lieu de réduire leur dette. De plus, dans la mesure où les titres primaires eux-mêmes ne sont pas homogènes, quelques agents peuvent émettre des dettes au lieu de renoncer à certains titres et d'autres peuvent acquérir certains titres au lieu de réduire leur propre dette. Un accroissement de la différenciation des titres réduit le nombre des positions pures. Cette réduction provoque une augmentation du nombre des titres.

4. 2. 7

Croissance financière, cycles et modification des situations budgétaires.

En période de croissance régulière ou homothétique, lorsque le taux de croissance du produit excède le taux de rendement réel du capital, les entreprises sont constamment déficitaires, c'est-àdire, sont déficitaires à chaque période du processus de croissance.

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La monnaie dans une théorie des act(fs financiers

Les consommateurs sont, eux, constamment excédentaires. Cependant, lorsque le taux de croissance du produit reste plus faible que le taux de rendement réel du capital (mais supérieur au taux d'intérêt), les rôles sont inversés. Dans ce cas, la faiblesse du taux de croissance du produit incite les entreprises à engager des dépenses d'investissement n'épuisant pas leur épargne. Elles ont donc un excédent. C'est dans le secteur de la consommation que se trouvent les déficits. Il faut remarquer que dans un contexte de croissance homothétique, nous ne pouvons légitimement parler de taux de croissance augmentant ou diminuant. II n'y a que deux possibilités : le taux de croissance est supérieur au taux de rendement réel ou il lui est inférieur. C'est pourquoi, la modification des situations budgétaires, c'est-à-dire la présence du déficit tantôt dans un secteur, tantôt dans un autre, ne peut réellement se produire en période de croissance homothétique. Cette modification se produit plutôt dans un contexte de cycles ou de fluctuations de courte période. Néanmoins, les différentes répartitions structurelles des déficits et des excédents que l'on peut associer à divers taux de croissance en période de croissance homothétique sont particulièrement intéressantes pour étudier les situations que l'on rencontre dans un monde déséquilibré. Lorsque se produit une chute brutale de l'activité industrielle, les entreprises peuvent, en réduisant leur dépense d'investissement par rapport à leur épargne, cesser d'être des agents à déficit et devenir agents excédentaires. Si parallèlement les consommateurs se refusent à abandonner leur niveau de consommation précédent, leurs dépenses peut excéder leurs revenus et transformer ce secteur en secteur déficitaire. Au cours d'une reprise, surtout lorsque elle est accentuée, si les consommateurs dépensent moins qu'ils ne perçoivent, et si les dépenses d'investissement des entreprises excèdent leur épargne, le rôle d'agent excédentaire et d'agent déficitaire peut à nouveau être inversé. La modification des situations budgétaires peut aussi provenir de fluctuations dans les dépenses de secteurs autres que ceux des consommateurs et des producteurs. Un brusque accroissement des dépenses de l'Etat, en période de guerre par exemple, provoque souvent un déficit important de ce secteur et crée des excédents dans les deux secteurs privés à l'aide de contrôles directs. Le secteur des entreprises peut ainsi passer d'une situation déficitaire à une situation excédentaire. Lorsque les dépenses publiques sont réduites dans la période d'immédiat après-guerre, les liaisons antérieures tendent à se rétablir de telle sorte que l'on a une nouvelle modification.

Croissance .financière et d(fférenciation des titres

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La modification des situations budgétaires est défavorable à . la croissance des titres primaires et des actifs financiers. Un secteur qui contracte des dettes lorsqu'il a des déficits à tendance à les rembourser lorsqu'il devient excédentaire; un secteur qui accu. mule des actifs finanCiers en période d'excédent tend à les liquider lorsqu'ils deviennent déficitaires. Une autre façon de mettre ceci en évidence consiste à remarquer que, sur une suite d'exercices budgétaires, la modification des situations budgétaires des secteurs réduit la somme algébrique de leurs déficits et excédents et tend donc à réduire les émissions de titres primaires et l'acquisition d'actifs financiers. De telles modifications diminuent la spécialisation des secteurs dans la dépense et la perception du revenu.

4. 2. 8

Croissance financière et secteur extérieur.

L'existence du secteur extérieur supprime la contrainte qui exige que la somme des déficits et excédents des secteurs intérieurs soit nulle. Cette somme peut devenir positive ou négative et représenter le déficit ou l'excédent de l'extérieur. L'excédent des exportations sur les importations nationales et l'investissement net de l'étranger dans la nation représentent le déficit du secteur extérieur. L'excédent des importations sur les exportations nationales et le rapatriment des capitaux étrangers constituent l'excédent du secteur/extérieur. Lorsque l'extérieur est déficitaire, l'accroissement des actifs financiers détenus par les secteurs nationaux est supérieur au montant des titres primaires émis par ces secteurs. Cette différence représente l'or et les titres en provenance de l'étranger. Autrement dit, le montant des actifs financiers acquis par les secteurs nationaux est la somme des titres primaires émis par les secteurs et des titres acquis sur l'extérieur. Lorsque l'extérieur est excédentaire, les émissions de titres primaires des secteurs nationaux excèdent leurs acquisitions d'actifs financiers. Le montant d'actifs financiers nationaux acquis par l'extérieur explique cet excédent qui est la somme du montant des titres et de l'or vendus à l'étranger.

4.3

DIFFÉRENCIATION DES TITRES PRIMAIRES.

Les obligations privées de type unique constituaient la seule catégorie de titres primaires de notre second modèle. En parlant de croissance financière, nous avons cependant introduit

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

d'autres types de titres primaires : dette des consommateurs, dette publique et titres étrangers. La demande de monnaie d'une économie où l'on trouve une grande variété de titres est différente de celle qu'engendre une économie où l'on ne trouve que des obligations privées de type unique. Nous aborderons cette question dans le chapitre V. Nous allons pour l'instant la préparer en montrant comment la différentiation des titres s'introduit dans notre analyse et en mettant en évidence quelques-uns de ses aspects historiques et institutionnels. 4. 3.1

Les, raisons de la différenciation des titres.

Les titres primaires diffèrent les uns des autres. Le titre émis par un emprunteur est différent de celui qui est émis par n'importe quel autre. En effet, il n'existe pas deux emprunteurs qui puissent fournir les mêmes garanties de respect du contrat de prêt au créancier. Les émissions successives d'un même emprunteur constituent obligatoirement des produits différents puisque, à la différence de la seconde, la première émission n'est pas hypothéquée par l'existence de droits de créance sur les possibilités de remboursement de l'emprunteur. Les marchés de titres primaires sont par nature des marchés imparfaitement concurrentiels. Ce sont des marchés cloisonnés. On découvre à l'intérieur et entre chaque secteur du marché l'existence de signes révélateurs de concurrence imparfaite. De nombreux taux d'intérêt sont inflexibles en courte période. Les demandes excédentaires de fonds sont résorbées temporairement par des techniques de rationnement : par exemple modification des garanties exigées du co-contractant ou autres ajustements des éléments non monétaires des termes de l'échange. Le pouvoir de négociation sur le marché des titres se répartit de manière très inégale à tel point qu'on détecte facilement l'existence de monopole, oligopole ou oligopsone. Les agents diversifient leurs titres primaires. Ils émettent à la fois des dettes et des créances, dettes d'échéances diverses, créances conférant des droits divers à leur propriétaire et ainsi de suite. L'ultime motif d'une telle diversification est fondamentalement identique à celui de détention de monnaie : éviter les risques liés à une spécialisation de l'épargne et de l'investissement. On peut diviser ces risques en deux catégories : risques généraux et risques spécifiques. Les risques liés aux aspects globaux de la croissance menacent chaque agent qu'il soit créancier ou débiteur. A la suite d'une

Croissance financière et d(fférenciation des titres

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modification imprévue du taux de croissance et de l'emploi n'importe qui peut se trouver dans une situation dette-richesse ou actifs-revenu inattendue. Un changement imprévu de la distribution des richesses et du revenu modifie le plan d'endettement, le plan d'épargne de chacun. Une modification imprévue du niveau des prix, que ce soit sur le marché des biens ou sur le marché des titres primaires, rentabilise de manière inespérée ou rend déficitaires des projets fondés sur des anticipations du niveau des prix qui s'avèrent erronés. Des investisseurs qui ont atteint une relation désirée entre poids de la dette et richesse réelle (ou son rendement) se retrouvent dans une situation de déséquilibre. Les épargnants qui étaient parvenus à une relation souhaitée entre actifs financiers et revenu sont obligés de réviser leur plan financier, leur taux préféré d'accumulation financière. Une mauvaise appréciation des tendances de la croissance globale peut, au pire, provoquer la faillite des débiteurs et la destruction de la richesse nette épargnée par les créanciers. Les risques propres de l'activité de chaque agent peuvent rendre erronées les estimations du poids d'une dette par les débiteurs et les prévisions de la valeur réelle des actifs par les créanciers. Les impulsions dues à la croissance réelle ne sont pas réparties de manière idertfique à travers la collectivité. Créanciers et débiteurs qui sont englués dans les secteurs stagnants de l'économie ou qui s'écartent trop des sentiers battus peuvent être pénalisés sévèrement par une dépréciation de la valeur réelle des actifs financiers ou une appréciation de la valeur réelle de la dette. La diversification de titres primaires pour les emprunteurs et la diversification des actifs financiers pour les prêteurs constituent un type de défense contre ces risques généraux et ces risques particuliers. Celui qui accumule dans un monde où flux et prix peuvent changer de manière inattendue peut dans une certaine mesure se protéger en diversifiant son stock de dettes, d'actifs financiers, ou d'actifs réels. L'analyse économique qui agrège les stocks de dettes et de créances intérieures et se concentre sur des flux et des prix refuse de tenir compte des effets sur ces flux et ces prix des opérations qu'effectuent les agents pour minimiser les risques liés aux dettes et aux actifs qu'ils détiennent. Supposons, pour faire une analyse en règle de la différenciation des titres, que chaque débiteur essaie à l'aide de méthodes personnelles plus ou moins minutieuses de diversifier ses émissions afin de trouver le minimum d'une fonction exprimant la désutilité qu poids de sa dette. Pour tout niveau donné du poids de cette dette, il définit la structure des émissions à laquelle est associée

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

la valeur probable minimale des dépenses et pertes qu'il peut encourir à cause des aléas généraux et particuliers auxquels il est exposé. La plupart des débiteurs parviennent ainsi à la conclusion suivante : on peut réduire la désutilité d'un montant donné de dette nette (soit dette brute-actifs financiers) non seulement en émettant la dette sous diverses formes, mais aussi en consacrant une partie de la dette à l'acquisition d'actifs financiers. C'est parce qu'ils veulent minimiser les risques liés à une situation débitrice nette qu'ils ont une position comptable créance-dette mixte. On peut de même supposer que chaque créancier essaie, en choisissant une combinaison d'actifs plus ou moins soigneusement et minutieusement, de déterminer le minimum d'une fonction exprimant l'utilité de son portefeuille. Etant donné le montant de ces actifs nets (actifs bruts moins dettes), il a pour objectif la maximisation du gain espéré net. Le portefeuille qui convient à ses goûts dépend des actifs qu'il peut acquérir, de leurs prix relatifs, de ses prévisions concernant la facilité avec laquelle ces actifs permettraient de. financer ses déficits futurs, et de son propre penchant à affronter ou fuir le risque. ·Abstraction faite de son montant, la structure de sa dette peut inciter un débiteur à ne plus investir et l'inciter, avec plus ou moins de force, à acroître son épargne, afin de moins dépendre d'un financement externe. Quel que soit le rapport qui existe entre le montant de ses actifs et de son revenu, un créancier peut, après examen de la structure de ses actifs, modifier son objectif d'accumulation, estimer qu'il est en deçà, qu'il a atteint ou qu'il a dépassé un. objectif donné. A taux d'intérêt donné, un débiteur a minimisé la désutilité de sa dette lorsqu'il ne peut plus, en utilisant les possibilités de transformation de- la structure de sa dette dont il dispose, élever son investissement. par rapport à son épargne. A taux d'intérêt donné, un créancier a maximisé l'utilité de son portefeuille lorsque aucune des possibilités qu'il a de transformer sa combinaison d'actifs ne lui permet soit d'atteindre un objectif d'accumulation plus élevé, soit de se rapprocher d'un objectif donné. Pour des ressources physiques et financières données, une distribution des revenus et de la richesse donnée, on peut considérer comme socialement optimale la structure des titres pour laquelle aucune modification du niveau des taux d'intérêt relatifs sur titres existants n'accroîtrait l'importance de l'investissement par rapport au revenu. A ce moment-là, les restrictions imposées à la croissance par les risques inhérents à une division des fonctions entre épargner et investir ont été réduites au minimum.

Croissance financière et d(/férenciation des titres

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A tout instant, pour des stocks de titres donnés, les transactions auxquelles se livrent débiteurs et créanciers pour parvenir à une harmonisation dè leurs combinaisons préférées de dettes et d'actifs se reflètent seulement dans la structure des taux d'intérêt. Dans le temps, l'adaptation des débiteurs et des créanciers à leurs préférences mutuelles se manifeste non seulement dans la structure des taux d'intérêt mais dans la structure des émissions et des stocks de titres accumulés. Ce processus d'adaptation n'est jamais achevé. Cette adaptation imparfaite est en partie due aux variations des fonctions d'utilité actifs-dettes. La réappréciation des risques par les agents, la taille croissante du portefeuille, l'accessibilité à des nouveaux titres et de nouvelles dettes modifient en effet les fonctions d'utilité des agents. Une autre cause de l'adaptation imparfaite tient à ce qu'il existe un perpétuel changement dans la distribution des déficits et des excédents parmi des agents dont les fonctions d'utilité sont différentes. Ce sont tantôt les consommateurs qui sont en tête de la liste des emprunteurs, tantôt les entreprises, l'état ou l'extérieur. Ces secteurs dominent tour à tour l'ensemble de l'émission des titres primaires. Lorsque déficits et excédents circulent à l'intérieur de la collectivité, les structures optimales dettes-actifs ne sont pas uniquement modelées par les différences qui existent entre les fonctions d'utilité des agents. Il faut aussi tenir compte du fait que tous les débiteurs n'ont pas accès à toutes les variétés de titres émis, ni tous les créditeurs à toutes les variétés d'actifs.- Des métayers ne peuvent émettre des titres commerciaux, des fermiers des obligations, des entreprises des bons du Trésor. II est peu probable que, parmi les créanciers, un agent du Trésor achète des effets non échus, qu'une entreprise investisse librement dans les créances hypothécaires résidentielles. Au fur et à mesure que déficits et excédents circulent parmi les différents secteurs, il est normal que la structure actif-dette optimale se modifie. En effet, les contrats ayant pour objet des créances ou des dettes sont adaptés au type et à l'importance de la richesse, au niveau et à la stabilité du revenu, et aux autres caractéristiques des secteurs qui confrontent leurs plans sur le marché des titres. En bref, une même explication rend compte de la demande de monnaie, des demandes d'autres actifs financiers suscitées par le désir de diversification, des offres de titres primaires différenciés, des demandes dues au désir d'atteindre une position créance-dette mixte. Ce. sont des tactiques qui permettent aux agents économiques d'éviter les risques qui existent dans une société où la division des fonctions entre épargner et investir crée des masses de dettes et de créances. En offrant de la monnaie

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pour satisfaire la demande suscitée par le désir de diversification, le système monétaire allège le poids que le risque fait peser sur la croissance. La gestion de la dette publique permet de contrôler le rythme de la croissance puisqu'elle permet de fournir des bons pour alléger le risque de l'accumulation des actifs ou des obligations pour accroître ce risque. Garantie publique et assurance de titres primaires diminuent aussi le risque qu'encourt un individu en accumulant dettes et actifs. 4. 3. 2

Aspects historiques et institutionnels.

Nous analyserons maintenant quelques exemples historiques et institutionnels de la différenciation des titres. Il existe en réalité une grande variété de titres primaires : dette à court terme, obligation, action, créance hypothécaire, etc. Chacun des cinq secteurs de l'économie, consommateurs, entreprises privées, gouvernement fédéral, états et collectivités locales, émet un ou plusieurs de ces types de titres primaires. Tous les secteurs émettent de la dette à court terme quelle que soit sa forme (par exemple crédit à la consommation, effet de commerce, bon du Trésor). Tous les secteurs sauf celui des consommateurs, émettent des obligations. Les émissions d'action sont essentiellement le fait d'entreprises nationales ou étrangères. Les créances hypothécaires correspondent surtout à des hypothèques sur les consommateurs et accessoirement sur les entreprises. L'importance de chacun de ces types de titre par rapport à la masse des titres primaires a considérablement évolué au cours du temps. Quelle que soit la longueur de la période d'observation, cent ans ou un trimestre, toute modification dans la structure de la masse des titres primaires est liée à une modification du rythme et du contenu de l'activité économique réelle. Pendant des décennies le rôle du gouvernement fédéral, des états et des collectivités locales peut demeurer si important que leurs émissions représentent la part la plus grande de l'activité du marché des titres. Sur d'autres périodes d'observation de longue durée, les entreprises peuvent « se tailler la part du lion ». Obligations, actions et dettes à court terme des entreprises constituent la majorité des titres primaires. Les créances hypothécaires sont émises en grande quantité durant la phase ascendante du cycle de la construction et s'émettent au compte-goutte lorsque l'activité du bâtiment décline. Sur des périodes d'observation du cycle plus courtes, la structure des émissions de titres primaires semble se modifier de manière

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systématique. Durant les premières années d'une reprise, la part des emprunts à court terme des entreprises dans le flux des émissions est en général prépondérante et les émissions de long terme sont plutôt des obligations que des actions. Dans les dernières phases ascendantes du cycle, le volume des émissions d'obligations décroît au profit de celui des émissions d'action. Durant la récession et la dépression, les émissions privées à court terme sont à leur niveau le plus bas; le financement sous forme d'obligations devient plus attrayant; fréquemment, le gouvernement fédéral remplace sur le marché des titres les états et les collectivités locales. Les périodes intermédiaires entre guerre et paix, les périodes intermédiaires entre investissement et désinvestissement à l'étranger sont aussi des périodes de variation de la structure des titres primaires. T~tes les modifications de la composition du produit réel, tout s les modifications de la répartition du Revenu national prov quent des changements de la structure de la masse des titre : les secteurs du marché des titres tendent à avoir des frontières calquées sur celles des secteurs du marché des biens. Dissocié de ses liens avec le développement réel, le développement financier est absolument incompréhensible. Marché des biens et marché des titres (monnaie incluse) sont tous les deux des instruments avec lesquels les agents économiques cherchent à définir des rapports optimaux entre revenu et dépenses, entre capital propre et richesse totale dont ils disposent. Aux demandes excédentaires sur les marchés du produit, qu'elles soient positives ou négatives, correspondent nécessairement des offres excédentaires de titres. La localisation de ces demandes excédentaires détermine en partie le type de titre primaire qui sera émis. l\ londe réel et monde financier forment un seul monde. L'évolution de l'importance de chaque t)' Je de titre primaire par rapport à la masse des titres primaires dépend aussi de l'évolution de la technique financière. Dans une société où la croissance débute, prêteurs et emprunteurs primaires échangent sur des marchés très imparfaits par négociation simple, deux à deux, les fonds prêtables. Dans une société qui a connu une certaine période de croissance, les prêts personnels de ce type sur des marchés fortement cloisonnés représentent une part plus faible de l'ensemble des émissions. Le développement des techniques financières crée des substituts aux prêts obtenus par négociation directe. Ces substituts accroissent les gains liés aux échanges de fonds préalables soit pour les emprunteurs, soit pour les prêteurs, soit pour les deux.

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La monnaie dans une théorie des actifs .financiers

Il existe deux principaux types de techniques financières. Les techniques distributives accroissent l'efficacité des marchés où prêteurs et emprunteurs achètent ou vendent des titres primaires. Lorsque les institutions financières font partie des demandeurs de titres primaires et alimentent le portefeuille des prêteurs de titres indirects au lieu de titres primaires, on dit qu'il y a utilisation de techniques de médiation. Ces deux types de techniques sont des facteurs essentiels de la détermination de la structure de la masse des titres primaires. Faire connaître aux emprunteurs les actifs que préfèrent les prêteurs, aux prêteurs ceux que préfèrent les emprunteurs, constitue l'essentiel des techniques distributives. L'utilisation de ces techniques développe un réseau d'informations qui procure à tout individu un horizon plus vaste que celui des marchés régionaux. Les possibilités de conclusion ou de liquidation rapide des opérations d'emprunt et d'échange de titres accroissent la ressemblance des opérations sur le marché des titres avec l'échange concurrentiel de marchandises. Les facilités de courtage, de soutien et de lancement d'émissions nouvelles, de recensement par les courtiers, de livraison au comptant et à terme constituent d'autres techniques distributives couramment utilisées. Les techniques distributives accroissent la liberté d'entrée sur le marché des titres. Elles favorisent la disparition de pratiques de marché liées aux marchés étroits. Elles leur substituent des pratiques de marché ouvert où prêteurs et emprunteurs ont, pris individuellement, peu d'influence sur le marché; elles favorisent la flexibilité du prix des titres, rendent offre et demande plus sensibles à des variations de prix. En bref, elles développent le caraçtère compétitif des marchés de titres et homogénéisent les catégories de titres émis. L'élargissement du marché des titres, dû aux techniques distributives, permet à chaque emprunteur et à chaque prêteur de parvenir à une diversification de ses dettes et de ses créances bien meilleure que celle qu'il aurait pu atteindre autrement. Dans l'ensemble, l'éventail des titres se réduit mais chaque agent a des possibilités de placement et d'emprunt plus larges. En investissant seulement en titres primaires, chaque prêteur a des possibilités d'achat plus grandes que sur un marché local. Chaque prêteur peut se constituer un portefeuille plus ou moins liquide, plus ou moins sûr, présentant des chances de gain en capital, donnant droit de participer à la gestion ou bénéficiant d'exemptions fiscales. Il peut accroître les avantages réels liés à la valeur du dollar marginal «consommé» en titres primaires. Lorsque

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les techniques distributives sont efficaces, les investisseurs réduisent leur demande de substituts aux titres primaires, c'est-à-dire leurs demandes de titres sur les intermédiaires monétaires et non monétaires. En particulier, des techniques distributives efficaces réduisent la demande de monnaie. L'efficacité des techniques distributives accroît donc l'importance du marché des fonds prêtables et, par le fait même, l'efficience de l'affectation de ces fonds. Les possibilités de différenciation de ses actifs offertes à chaque épargnant élèvent le rendement marginal réel d'un montant donné d'actifs financiers nets. Ces techniques ont aussi des inconvénients bien connus. Liées aux économies d'échelle, les techniques distributives procurent moins d'avantages aux petits qu'aux grands emprunteurs, aux emprunteurs des secteurs marginaux du développement q~'aux emprunteurs des secteurs-clés du développement, aux pe its qu'aux grands acheteurs de titres primaires. De plus, la fi ibilité des prix sur les marchés ouverts, qui favorisent une a ectation plus efficace des fonds prêtables, rend ces marchés très sensibles à des vagues de spéculation à la hausse ou à la baisse, vagues de spéculation qui peuvent empêcher une croissance réelle stable. La flexibilité des prix accroît, pour les détenteurs d'actifs, les risques de perte en capital. En éonclusion, les techniques distributives réduisent la demande de monnaie et de ses substituts, puisqu'elles offrent aux épargnants la possibilité de différencier leur portefeuille par achat de titres primaires uniquement. Cependant, en ajoutant aux risques liés à la détention d'actifs les risques de perte en capital, elles stimulent, en même temps, la demande d'actifs financiers indirects. Le développement de la médiation financière a, elle aussi, eu de profonds effets sur la structure des titres primaires. En définitive, elle a homogénéisé la structure de la dette, accru la compétitivité des marchés, la flexibilité des taux d'intérêt. Les intermédiaires ont découvert et exploité des économies d'échelle tant au niveau du crédit à la consommation qu'au niveau des créances hypothécaires, des prêts aux agriculteurs, des papiers commerciaux et autres types de titres primaires. Ils ont été capables de transformer les émissions hétérogènes des petits emprunteurs en titres homogènes, standardisés, négociables fort loin du marché local des emprunteurs. Ils ont aussi été capables d'arbitrage entre les marchés des titres à une échelle telle qu'il y a eu réduction sensible des disparités dans la nature des titres et les niveaux du taux d'intérêt entre les régions. Exploitant des économies d'échelles et des possibilités d'arbitrage, les intermédiaires ont pu accroître

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La monnaie dans une théorie des actifs financiers

les rémunérations de leurs créanciers et rendre, pour les emprunteurs primaires, à taux d'intérêt identique, leur propre dette plus attrayante. Techniques distributives et techniques de médiation favorisent l'homogénisation à l'intérieur de chaque catégorie de titre. Il faut cependant remarquer qu'une structure particulière des émissions de titres primaires favorise la croissance de certains marchés de titres et de certains intermédiaires, de telle sorte que structure de la distribution et de la médiation ont tendance à s'adapter aux flux de titres. Autrement dit, la structure des titres primaires, les marchés où ils sont distribués, et la médiation s'adaptent mutuellement. Les techniques distributives propres aux titres du gouvernement fédéral connurent leur développement le plus rapide durant les périodes où ces titres représentèrent la part la plus importante des émissions : la guerre civile et les deux guerres mondiales par exemple. Les techniques distributives propres aux actions ct aux obligations sc perfectionnèrent énormément à la fin du XIxe, époque où ces titres furent émis en grand nombre. Une structure particulière : des émissions de titres primaires crée un environnement favorable à certains intermédiaires, défavorables à d'autres. Les Saving and Loan Associations connurent, durant le boom de la construction résidentielle des années 1880, qui révolutionna l'émission des créances hypothécaires, une croissance exceptionnelle. Pour des raisons identiques, elles se développèrent aussi beaucoup, juste avant la première guerre, dans les années 20, et pendant la période contemporaine d'après-guerre. Entre ces périodes de croissance rapide, ces sociétés, tout comme la construction, stagnèrent. Les Mutual Savings Banks connurent une croissance de même type mais plus modérée. L'augmentation de l'endettement des consommateurs, durant la décennie qui précéda la première guerre, provoqua l'apparition d'intermédiaires spécialisés dans les besoins des consommateurs : Credit Unions, Sales Finance Companies ct Persona/ Loan Companies. Parallèlement à la croissance du taux de la dette à tempérament des consommateurs, le taux de croissance des Sales Finance Companies fut récemment particulièrement élevé. Le rôle des Investement Companies fut prépondérant durant les années 20 et 50, au cours desquelles les émissions d'actions furent très importantes et au cours desquelles l'activité du marché a favorisé tout particulièrement ce type de titres primaires. Après 1915, époque où les créances hypothécaires agricoles furent les plus importantes, les Governement Lending Institutions se substituèrent aux Intermediate Farm Mortgages.

Croissance financière et d(fférenciation des titres

4. 3. 3

117

Différenciation des titres et demande de monnaie.

L'accumulation des dettes et des actifs financiers est inévitable dans une économie dont les agents sont spécialisés dans la perception et la dépense du revenu, dans l'épargne et l'investissement. Une telle accumulation, cependant, rend les agents économiques plus vulnérables à l'instabilité de la croissance, aux modifications de la distribution du produit et du revenu, aux variations des prix du travail, des biens, des obligations. Il faut minimiser le poids d'une dette et éviter la dépréciation des actifs financiers. Pour un débiteur, la différenciation des titres primaires constitue une protection contre le poids de la dette. Il est sage, pour chaque débiteur, d'étendre ses émissions à tous les types de titres qui lui sont accessibles de manière à rendre identique, sur chaque type de titre, le poids marginal de la dette. Les épargnants se défendent contre la dépréciation qui menace la valeur réelle de leurs actifs en diversifiant les actifs financiers qu'ils possèdent. Nous supposons que chaque épargnant diversifie jusqu'à ce que le rendement marginal de chaque catégorie de titres, après prise en compte du risque, soit le même. Bien qu'elles se déroulent sur des marchés imparfaitement compétitifs, les négociations entre emprunteurs et prêteurs ne s'achèvent en général que lorsque les taux d'échange relatifs des divers actifs reflètent à la fois la valeur marginale du poids' de la dette et le rendement marginal espéré. La monnaie est exempte d'une partie des risques (mais non de tous) liés aux actifs que possèdent les épargnants. Les acquisitions d'encaisses monétaires protègent aussi les débiteurs de certains des risques associés à une situation d'endettement et diminuent la valeur marginale du poids de la dette associé à tout montant de capital réel et de financement externe. En offrant de la monnaie nominale, le système monétaire doit réduire le poids que dette et actifs financiers font peser sur le financement nouveau de la croissance. Le soulagement de l'emprise du passé sur le présent, par expansion monétaire nominale, s'effectue lui-même dans un monde où la monnaie n'est pas neutre, par l'intermédiaire du taux d'intérêt, des taux d'épargne réelle et d'investissement réel. Il peut y avoir expansion monétaire réelle sans expansion monétaire nominale : une baisse du niveau du prix peut « créer » de la monnaie réelle. Une base solide permet cependant de choisir entre créer de la monnaie par déflation ou par l'intermédiaire du système monétaire. Ces deux possibilités permettent certes

118

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

de satisfaire le désir de diversification qu'exprime la demande de monnaie. Mais lorsque la monnaie n'est pas neutre, on doit trancher en faveur d'une croissance nominale de la masse monétaire non seulement pour des raisons de court terme, mais aussi parce que, à long terme, la croissance nominale de la masse monétaire affecte la structure réelle des actifs financiers détenus par les agents économiques. Dans le prochain chapitre, nous étudierons les effets de la différenciation des titres primaires sur la demande de monnaie de tout détenteur d'actifs, qu'il soit globalement créancier ou débiteur. Dans le chapitre VI, nous examinerons les effets sur la demande de monnaie d'une différenciation de la dette indirecte. En période de croissance, le système économique essaie en permanence de découvrir des méthodes permettant d'alléger la contrainte que le risque fait peser sur l'épargne de certains secteurs, sur les investissements d'autres secteurs. L'expansion monétaire constitue une de ces méthodes, la différenciation des titres primaires une seconde, différenciation et développement des intermédiaires financiers non monétaires constituent une troisième méthode. Il existe encore d'autres méthodes telles que : contrôle de la dette publique, assurance de la dette, garanties sur la dette, techniques d'imposition.

4.4

RÉSUMÉ.

Les actifs financiers en valeur réelle et l'endettement réel des agents économiques croissent dans notre deuxième modèle avec le produit réel. Pour un niveau des prix constant, en période de croissance, la quantité nominale de monnaie et la dette primaire croissent aussi. Ce chapitre se propose de déterminer les facteurs de la croissance des actifs financiers et de la dette primaire. On s'y intéresse à la fois à la croissance quantitative et au développement de la différenciation des actifs financiers. On suppose, d'abord, que l'économie est en période de croissance homothétique à prix constants et que seuls les consommateurs peuvent acquérir des actifs. Les acquisitions d'actifs financiers (monnaie et obligations) par les consommateurs sont, sur une période budgétaire, égales aux émissions de titres primaires par les entreprises. Le rapport émission de titres primaires (ou stock d'actifs financiers)jrevenu en croissance homothétique dépend de la répartition des dépenses entre les secteurs privés par rapport . .

Croissance financière et d(fférenciation des titres

119

à la répartition des revenus entre ces secteurs. Le degré de spécialisation entre les secteurs au niveau de la perception et de la dépense du revenu, de l'épargne et de l'investissement, dépend d'une manière ou d'une autre de toutes les variables et relations de la seconde économie. On peut cependant considérer que le rapport émissions/revenu dépend de quatre variables : le taux de croissance homothétique, le taux de rendement réel, le rapport capital/produit, le taux d'intérêt sur obligations privées. Si nous supposons qu'en période de croissance homothétique, le taux de croissance du produit est supérieur au taux de rendement réel, lui-même plus élevé que le taux d'intérêt, le rapport émissions/revenu s'élève avec le taux de croissance du produit, le rapport capital/produit, le taux· d'intérêt. Au contraire, le rapport émissions/revenu décroît si le taux de rendement réel s'élève. Dans la mesure où l'accumulation d'actifs financiers par les consommateurs est égale aux émissions de titres primaires, ces relations sont aussi valables pour le rapport acquisition de titres financiers par les consommateurs/revenu. A tout moment du processus de croissance homothétique, le stock de titres primaires est représenté par l'accumulation des titres primaires émis dans le passé~ Ce stock, par rapport au revenu national, est le produit par

!.n

du rapport émissions/revenu.

n représente le taux de croissance du produit. Le rapport stock de titres primaires/revenu dépend des mêmes variables que le rapport émissions/revenu : tout ce qui accroît ce dernier élève aussi le premier. En période de croissance homothétique, ces deux rapports sont constants. Cependant, lorsque le processus de croissance débute avec un stock de titres primaires et d'actifs financiers nul (ou relativement faible), les deux rapports s'élèvent en début du processus de croissance pour atteindre ensuite leur niveau d'équilibre. Ceci signifie que les émissions de titres primaires et le stock de ces titres s'élèvent rapidement par rapport au Revenu national, mais finalement des rapports stables s'établissent. Si les consommateurs, en période de croissance, désirent détenir une fraction constante de leurs actifs financiers, sous forme d'encaisses monétaires, le rapport monnaie/Revenu national s'élève durant les premières phases de la croissance et finalement se stabilise. Nous avons supposé que chaque secteur avait une position créance-dette pure, que chaque secteur était soit créancier, soit débiteur. La diversification de la structure des actifs financiers

120

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

diminue la vraisemblance de telles positions ; il devient de plus en plus rationnel, pour chaque secteur, de détenir simultanément des dettes et des créances, d'avoir une position créance-dette mixte. Une diversification croissante des actifs financiers accroît, à tout niveau du Revenu national, les émissions de titres primaires et les acquisitions d'actifs financiers. Jusqu'à ce point de l'étude, nous avons aussi supposé que la croissance du produit était stable. Cependant, lorsque la croissance nationale connaît des fluctuations cycliques, déficits et excédents passent d'un secteur d'agents à un autre; chaque secteur est alternativement excédentaire et déficitaire. Réduisant, sur une suite de périodes budgétaires, le degré de spécialisation des secteurs dans la perception et la dépense du revenu, cette modification des situations budgétaires est un frein à la croissance des titres primaires et des actifs financiers. L'accumulation des dettes et des actifs se produit nécessairement dans une économie dont les agents se spécialisent dans la perception et la dépense du revenu, l'épargne et l'investissement. Une telle accumulation, cependant, accroît la vulnérabilité des agents à l'instabilité de la croissance et de la distribution du revenu et du produit, aux modifications des prix du travail, des biens et des obligations. Dans ce contexte, il est rationnel, pour les emprunteurs, de différencier leur dette primaire et, pour les prêteurs, de diversifier les actifs qu'ils détiennent. Ces deux comportements sont des tactiques de protection à l'égard du risque dans une société où les tâches d'épargne et d'investissement sont divisées. Sur des périodes qui vont de cent ans à un trimestre, les modifications dans la structure des titres primaires sont liées aux modifications du rythme et du type de l'activité économique réelle. La structure des titres est aussi affectée par le développement de la technique financière, par le développement des techniques distributives et des techniques de médiation. Les premières accroissent l'efficacité du marché sur lequel les emprunteurs vendent et les prêteurs achètent des titres primaires. Les secondes substituent sur le marché des titres indirects aux titres primaires. Bien que ces techniques aient favorisé l'homogénéisation de chacune des grandes catégories de titres, elles ont permis d'élargir l'éventail des possibilités d'emprunts et de prêts de chaque agent.

CHAPITRE V

LA MONNAIE DANS UNE STRUCTURE FINANCIÈRE COMPLEXE

Nous nous proposons, dans ce chapitre, de revenir au marché de la monnaie, à la demande de monnaie, à la quantité de monnaie, à l'équilibre et à la politique monétaires. Depuis notre dernière incursion dans ce marché, l'analyse du chapitre IV a fourni un contexte plus réaliste à l'étude de la monnaie. Elle a montré que le processus de croissance implique l'accumulation par les agents économiques de dettes primaires et d'actifs financiers. Cette accumulation financière progresse le long d'un sentier relié à la tendance de longue période du revenu réel et de la richesse réelle. Il n'y a pas seulement croissance de la masse des actifs financiers mais aussi différenciation de plus en plus grande dans la qualité des dettes et des actifs. Notre but est maintenant d'étudier la croissance monétaire compte tenu de ce que nous venons de voir sur le développement des actifs financiers .non monétaires. Le système monétaire est toujours formé du Service Banque et du Service Politique. Le Service Banque agit sur la quantité nominale de monnaie selon le~ directives du Service Politique. Dans la plupart des cas le Service Banque fait varier la quantité nominale de monnaie par des opérations d'open-market portant sur des titres primaires, mais nous accorderons quelque attention aux conséquences de l'autorisation donnée au Service Banque de financer les déficits publics par la création monétaire. La monnaie ainsi créée se dirige vers les portefeuilles financiers des consommateurs et des entreprises et les aide à satisfaire leur demande de protection contre le risque dans un monde incertain. Le développement financier dans une économie développée entraîne l'augmentation de la demande de monnaie, à la fois des consommateurs et des entreprises, puisqu'elle est l'une des

124

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

composantes des portefeuilles diversifiés. Le choix du Service Politique entre des moyens différents pour satisfaire l'augmentation de la demande de monnaie peut affecter l'allure de la croissance du revenu réel et de la richesse réelle. La première section de ce chapitre revient sur la distinction opérée au chapitre III entre monnaie «interne» et monnaie «externe» c'est-à-dire entre monnaie créée en contrepartie de la dette primaire privée intérieure dans le portefeuille du Service Banque et monnaie créée en contrepartie des créances nettes que détiennent les consommateurs et les entreprises sur l'Etat et l'étranger. On prétend souvent que la monnaie «interne» et tous les autres actifs financiers ayant pour contrepartie la dette privée intérieure peuvent être consolidés et exclus d'une analyse agrégée sans en affecter les résultats. Nous pensons pour notre part que l'analyse financière ne peut être restreinte à un résidu formé de créances « externes ». C'est ce que nous nous proposons d'expliquer dans cette première section. Les quatre sections suivantes traitent de la théorie de la demande de monnaie lorsque l'économie dispose d'une seule catégorie d'actif financier non monétaire, des modifications qu'il convient d'apporter à la théorie lorsqu'il y a différenciation des titres primaires, de l'impact de la politique monétaire sur les variables réelles de l'économie lorsqu'on est en présence de titres différenciés, et de quelques uns des facteurs qui ont affecté le rapport monnaie-revenu dans cc pays depuis cent ans ct plus. La dernière section débat du choix entre augmentation de la quantité nominale de monnaie et baisse des prix, en tant que moyens de satisfaire la demande réelle de monnaie.

5.1

MONNAIE ET PHÉNOMÈNES FINANCIERS DIFFÉRENTS TYPES D'ANALYSE.

L'un des modes d'analyse de la théorie monétaire compense les unes par les autres toutes les créances et dettes privées intérieures avant qu'elles ne viennent se confronter avec la demande et l'offre sur le marché de la monnaie. Il s'agit de la théorie de la «monnaie nette ». Un autre mode d'analyse -celui que nous utilisons - évite une telle consolidation des comptes financiers. On peut qualifier cette approche de théorie de la« monnaie brute ». Ces deux modes d'analyse mesurent la quantité de monnaie de façon différente, et c'est le premier point que nous allons exposer.

La monnaie dans une structure.financière complexe

125

Ils diffèrent également pour la mesure de la demande de monnaie, et c'est le deuxième point que nous évoquerons. Enfin, nous expliquerons les conséquences pour l'analyse financière de la théorie de la monnaie nette et nous indiquerons pourquoi nous preférons la théorie de la monnaie brute pour étudier le fonctionnement du marché de la monnaie. 5. 1. 1

La quantité de monnaie.

Nous considérons comme monnaie toute dette du système monétaire qui est un moyen de paiement généralement accepté sur les marchés du travail, des biens et des titres primaires. Nous définissons donc la quantité nominale de monnaie des Etats-Unis comme la somme des billets détenus par les agents économiques, des dépôts à vue pouvant circuler par chèque, après ajustement des chèques tirés et non encore débités aux comptes de dépôts (1). La théorie de la « monnaie nette>> mesure la monnaie de façon plus restrictive. Pour illustrer les bilans partiels regroupés du tableau VII, nous dirons que la quantité de monnaie est de 200, Tableau VII. -

Bilans partiels regroupés du système monétaire et de l'économie intérieure privée,

Economie intérieure privée Act(l Passif

Système monétaire Actif Passif Or

20

Titres étrangers 10 Titres publics 50 Titres primaires intérieurs 120 privés

Dépôts à vue 170

Monnaie

Billets

Titres étrangers

30

Titres publics Titres primaires intérieurs privés Actifs fi nanciers indirects non monétaires

200 20

Dette primaire 170 Dette indirecte non moné40 taire

30 50

40 t)

( 1) On rencontre plusieurs autres définitions de la monnaie. Certaines sont plus larges que la nôtre, et comptabilisent dans la quantité de monnaie toutes les catégories d'actifs financiers indirects qui portent le nom de « dépôts», y compris les dépôts à vue et à terme des banques commerciales. les dépôts des Mutual Saving Banks et les dépôts d'épargne postale. De telles définitions comptabilisent comme monnaie divers éléments que nous considérons, dans le chapitre VI, comme des substituts de la monnaie.

126

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

composés pour 170 de dépôts à vue et pour 30 de billets, dus par le système monétaire et détenus par les secteurs intérieurs privés. Les 200 de monnaie comprennent 120 de monnaie interne, ayant pour contrepartie le portefeuille de titres intérieurs privés ·du système monétaire, et 80 de monnaie externe, ayant pour contrepartie le stock d'or du système monétaire, les titres étrangers et les titres d'Etat. La théorie de la « monnaie nette » ne reconnaîtrait que 80 de monnaie externe et consoliderait la monnaie interne avec sa contrepartie en dette primaire intérieure privée. D'après le tableau VIlles encaisses en monnaie externe peuvent donc être mesurées des deux façons suivantes : 1) encaisses en monnaie externe (80)

=

titres primaires intérieurs privés du système monétaire

monnaie brute

(120)

(200)

ou or détenu

2) encaisses en monnaie externe

=

(80)

t'

sys e~e. monetaire (20)

ar le P

ti!res étrangers

+ detenus par le

+

titres publics détenus par le système monétaire

+

+

(50)

système monétaire (10)

Dans l'analyse de la « monnaie nette », les encaisses de monnaie externe représentent une partie de l'écart entre les valeurs accumulées de l'épargne et celles de l'investissement en actifs physiques de l'économie intérieure privée (l'autre partie consistant en titres émis par les secteurs externes, Etat et étranger). D'après le tableau VII, les actifs financiers nets de l'économie privée intérieure sont composées des encaisses en monnaie externe (80), des titres étrangers (20) et des titres publics (30). La consolidation élimine tous les actifs privés intérieurs et leurs contreparties en dette primaire privée intérieure. Après consolidation, le bilan de la collectivité figure au tableau VIII. Tableau VIII. - Bilans partiels consolidés d'après l'analyse de la« monnaie nette».

Système monétaire Actif Passif Or Titres étrangers Titres publics

20 10 50

Monnaie externe

Economie privée intérieure Actif Passif 80

Monnaie externe Titres étrangers Titres publics

80 20 30

La monnaie dans une structure .financière complexe

127

Lorsque la théorie de la « monnaie nette » consolide les comptes privés intérieurs, elle s'interdit toute autre consolidation et conserve un secteur « externe » tronqué, ce secteur incluant l'Etat aussi bien que des économies situées au-delà des frontières. Elle est conduite à cela, évidemment, pour éviter de retomber dans une analyse économique en termes de troc, qui exclut la monnaie, la demande de monnaie, les titres, et la demande de titres. Si l'on veut qu'il y ait des marchés financiers, on doit échapper au processus de consolidation. Si l'on procède à une consolidation complète, tous les actifs financiers et toutes les dettes se compensent et il ne reste plus rien à analyser dans le domaine financier. 5. 1 . 2

La demande de monnaie.

La théorie de la« monnaie nette » mesure la quantité de monnaie d'une façon qui n'est pas la nôtre. Elle donne aussi un aspect différent à la fonction de demande de monnaie. Elle prétend que la demande réelle de monnaie dépend du revenu réel, du montant et du rendement de la richesse réelle - y compris les titres externes et la monnaie externe détenus par les secteurs privés -et du taux d'intérêt. ./Elle refuse un lien de dépendance entre la demande globale 'rêelle de monnaie et l'accumulation de titres intérieurs privés. L'augmentation de la masse de ces titres est considérée comme sans lien aucun, sauf en courte période, avec la demande globale de monnaie, de même que la croissance des avoirs en titres intérieurs privés du système monétaire est considérée comme sans rapport avec la masse de monnaie externe. L'autre possibilité est de mesurer la quantité de monnaie en termes bruts, en y incluant monnaie interne et monnaie externe, et de mesurer la demande de monnaie comme une demande s'adressant aux quantités existantes de monnaie interne et de monnaie externe prises ensemble. Et parmi les déterminants de cette demande, on trouve à la fois les portefeuilles de titres primaires intérieurs privés des épargnants et la dette primaire des investisseurs. Dans le modèle de base du chapitre III, il n'y avait pas de monnaie externe et de titres externes, mais seulement de la monnaie interne et des titres primaires intérieurs privés (obligations). Dans cette situation, avons-nous dit, la demande réelle de monnaie des agents économiques dépend du niveau réel de leurs actifs financiers, divisés en monnaie et obligations, du niveau du revenu réel, du taux d'intérêt, du taux de rendement réel du capital, et du rapport existant entre la dette primaire des investisseurs et leurs

128

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

actifs physiques (le poids de la dette). Dans cette situation, toutefois, la théorie de la « monnaie nette » éliminerait toutes les variables financières de la fonction de demande de monnaie, en consolidant la dette et les titres détenus par les agents économiques et le Service Banque. Pour la théorie de la « monnaie nette », ce type d'économie fonctionnerait sans monnaie et sans titres. Seules les variables réelles, c'est-à-dire la richesse matérielle, le revenu, le rendement du capital, et le taux d'intérêt demeureraient dans les fonctions de demande. On notera, cependant, que les analyses « brute » et « nette» inclueraient toutes les deux dans la fonction de demande de monnaie la monnaie externe réelle et les obligations externes réelles, s'il en existe, les considérant comme une partie de la richesse de la collectivité. Dans l'analyse de courte période, distinguée de l'analyse de l'équilibre en croissance, la théorie de la « monnaie nette» ne consoliderait pas les créances et les dettes internes. En courte période, les demandes globales réelles sur un quelconque ou sur tous les marchés peuvent être influencées par les variations exceptionnelles du revenu ou de la richesse, en faveur des créanciers privés intérieurs et aux dépens des débiteurs ou inversement. Des effets de distribution peuvent agir sur la demande réelle à partir, par exemple, d'une variation du niveau des prix, qui peut écarter temporairement les demandes réelles de leur tendance de longue période, en affectant de façon asymétrique débiteurs et créanciers. Mais la théorie de la « monnaie nette » reprend la règle néo-classique selon laquelle l'économie évolue dans le temps de façon à éliminer les effets de distribution associés aux relations entre débiteurs et créanciers privés intérieurs. En longue période, on fait l'hypothèse que les effets négatifs de la dette sur la demande réelle compensent les effets positifs attachés à l'état de créancier. Dans la théorie de la « monnaie nette », il existe un marché des titres privés intérieurs et le taux de l'intérêt sur ce marché intervient explicitement dans toutes les fonctions de demande globale. Toute augmentation du taux d'intérêt tend à réduire la demande de monnaie, et toute baisse du taux d'intérêt tend à l'augmenter. Les obligations intérieures privées elles-mêmes sont écartées de l'explication du comportement agrégé, mais le prix de ces obligations est considéré comme un phénomène réel, un prix relatif qui peut influencer le fonctionnement de tous les marchés. 5. 1. 3

Conséquences de la théorie de la monnaie nette.

Les conséquences de la théorie de la monnaie nette sont d'une grande portée pour l'analyse financière. Les titres primaires, y

La monnaie dans une structure financière complexe

129

compris les actions, sont simplement un mode de répartition de la richesse nette de l'économie dans les patrimoines des agents. Ces titres permettent l'accumulation de la richesse réelle par une catégorie d'agents et l'accumulation d'épargne par une autre catégorie d'agents. Mais ils ne modifient pas le montant global de la richesse réelle. On suppose que c'est le montant global de la richesse réelle de l'économie privée intérieure, et non sa répartition, qui détermine la demande réelle sur différents marchés, dont le marché de la monnaie. Il en découle donc que, pour l'analyse du fonctionnement du marché, la dette privée intérieure se compense avec les actifs financiers privés correspondants, à la fois de forme monétaire et non monétaire. La dette publique et sa gestion affectent le fonctionnement du marché. Mais, d'après cette théorie, les variations quantitatives et qualitatives de la dette privée intérieure sont sans objet pour l'analyse agrégée. Dans l'analyse de la « monnaie nette », les institutions financières disparaissent comme par magie. Les parts des Saving and Loan Associations sont compensées par la dette hypothécaire des emprunteurs. Les réserves liées aux polices des compagnies d'assurance sont compensées, par exemple, par les actions détenues dans le portefeuille des compagnies. L'ensemble des dépôts à vue et à terme dans les banques commerciales est compensé par les investissements des banques en titres intérieurs tels les emprunts municipaux, le crédit commercial ou le crédit à la consommation. Dans le foisonnement des marchés financiers ct des institutions financières, il y a un résidu de substance économique réelle l'actif net, qui est la contrepartie de la dette publique et des autres dettes externes. En suivant ce raisonnement, notre propre insistance sur la croissance de la dette primaire et des institutions financières, en tant qu'aspect de la croissance réelle, devrait être qualifiée de myopie, puisqu'elle ne peut distinguer la réalité économique que cache le voile financier. 5. 1 . 4

Le choix entre monnaie nette et monnaie brute.

Que peut répliquer la théorie de la monnaie brute ? Selon {J.

(9) Ceci conduit à une situation paradoxale en ce qui concerne l'efh:t des variations du niveau des prix sur la distribution du revenu réel. D'un côté, puisque les entreprises sont débitrices et les ménages créditeurs en termes d'obligations, on s'attend à ce que, ceteris paribus, un accroissement du niveau des prix entraîne une réduction de la valeur réelle des intérêts payés par les entreprises aux ménages, provoquant un changement de la distribution du revenu réel en faveur des entreprises. D'un autre côté, on montrera que, dans les hypothèses posées dans le modèle, le revenu des ménages est égal au revenu national, Y, auquel s'ajoutent les transferts provenant de l'état, et dont on retranche l'épargne des entreprises. Ainsi, lorsque S 8 > 0, ce qui impliqueSP < 0, un accroissement du niveau des prix, celeris paribus, augmente le revenu réel des ménages en réduisant l'épargne des entreprises. Cependant, l'adoption de l'autre hypothèse complique l'analyse et conduit à des paradoxes encore plus discutables.

278

La monnaie dans une théorie des act(fs financiers

(2.10)

Si le niveau des prix, le taux d'intérêt et l'offre de travail sont donnés, le secteur entreprises aura un portefeuille en équilibre quand : (2.11a)

(2.1lb)

( B . rK-pB) =0.

S K, p' r,

t,

Ces équations permettent de déterminer les valeurs d'équilibre de K et de B, que l'on notera Ke et Be. La différentielle totale par rapport à i donne :

(2.12a)

(2.12b)

Le signe de

dKe di

lnSi-liSn IKSn-lnSK. --------

d~e est contenu

dans les équations (2. 9) et (2 .10).

· d e (Jl dKe n ' est pas d'etermme . ' par 1es seu1es h ypot h'eses L e s1gne faites jusqu'ici. La raison en est que la réduction de Ke provoquée directement par un accroissement de i peut être compensée par l'accroissement d'investissement induit par l'augmentation de

Appendice mathématique

279

l'endettement qui fait suite à cet accroissement de i (1 0). On · negat1 ' ·f. C ompte tenu s' attend norma1ement a' ce que dKe di smt des hypothèses déjà posées, ce rapport sera négatif si, et seulement si, le numérateur de (2. 12b) est positif, c'est-à-dire si (2.13)

Quel comportement du secteur entreprises, cette inégalité impliquet-elle ? Pour qu'elle soit satisfaite, le second terme, qui est de signe positif, doit être plus grand, en valeur absolue, que le premier terme, dont le signe est négatif. Il en est ainsi lorsque le taux d'intérêt a une influence relativement plus importante dans la détermination de l'investissement, et qu'en même temps, le stock des dettes déjà accumulées a un rôle relativement plus important dans la décision de financer l'investissement par fonds internes ou externes; cela dans la mesure où :

A titre d'exemple (2. 13) sera satisfaite si 1 n a aucune ou peu d'influence sur la décision d'effectuer un financement externe ou interne, et si le rapport des dettes accumulées à la richesse nette des entreprises n'a aucune ou peu d'influence sur la décision d'engager de nouveaux investissements. Une étude de Franco Modigliani et M. H. Miller (11) laisse penser que ce cas est vraisemblable.

(lü) En différenciant totalement (2.lla) par rapport à i, on obtient

dKe

1;

lB dBe

di=-~-~di'

Le premier élément, qui est négatif sous nos hypothèses, pourrait être appelé «effet direct de i sur Ke ». Le deuxième, que l'on pourrait appeler effet indirect via Be, est positif si

d~e

est négatif. En substituant (2. 12a) dans cette équation,

on obtient (2.12b). (Il) Voir Franco MODIGLIANI et M. H. MILLER,« The cost of Capital, corporation Finance, and the theory of investment », American economie review, XLVIII (juin 1958), p. 261-97.

280

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Dans l'analyse qui suit, la relation négative entre les variations des valeurs d'équilibre de i et k dépendront de l'expression (2. 13) (12). A.2.2

L'Etat

Le secteur public est un système monétaire consolidé et une autorité budgétaire. Il achète des titres ct des biens provenant du secteur privé ; il effectue des transferts vers les ménages et peut émettre des titres. Ces titres sont semblables à ceux qui proviennent des entreprises. Il n'a aucun revenu, sauf lorsqu'il perçoit une recette provenant de l'intérêt sur les titres privés qu'il détient, et qu'il est créditeur pour ces titres. Supposons, pour plus de simplicité, que l'Etat redistribue aux ménages, sous la forme de transfert, tous ses gains provenant de l'intérêt; ainsi tout intérêt sur titre est payé aux ménages; supposons que ces paiements ne soient pas comptabilisés dans ce que l'on appelle transferts. Si le gouvernement est un débiteur net, supposons qu'il reprenne sous lorme d'impôts tous les intérêts payés; excepté ce cas, il ne collecte aucun autre impôt (13). ( 12) i, p et L ne variant pas, la politique d'accumulation du capital ct d'emprunt impliquée par (2. 6), (2. 7) et (2. 8) conduit-elle l'actif des entreprises vers une situation d'équilibre stable ? (2. 9) et · 2. 10) garantissent au moins la stabilité locale. Au voisinage de l'équilibre, l'appnnimation de (2. 6), (2. 7) et (2. 8) peut-être la suivante : (a)

K=IK

(b)

B=ip(J K -SK

0

(K-K 0 )+ln°(B-B 0 ) 0

0 )

(K -K

0 )

+ip(J B

0

-SJ/) (B-13°).

Pour que le système linéaire soit stable, il faut qu'il respecte les conditions nécessaires et suffisantes suivantes : (a)

(b)

l

l

K

0

0

+ip(l n°-Sn°) 0

Ces deux conditions sont contenues dans (2. 9) ct (2. 10). Alternativement, on peut faire l'hypothèse que le processus est stable, et utiliser les implications de cette hypothèse plutôt que de supposer Sx < 0, afin d'obtenir les résultats des parties III et VII. (13) C'est le propre des hypothèses simplificatrices d'éliminer les effets de peu d'importance, susceptibles de compliquer l'analyse. Les impôts pourraient être considérés comme des paiements de transferts négatifs. Ainsi, quand cela paraît utile, on peut considérer que les impôts ont des effets inverses de ceux des paiements de transferts.

Appendice mathématique

281

Ces hypothèses simplificatives nous permettent d'ignorer les effets du flux provenant du paiement de l'intérêt entre l'Etat et le secteur privé. Sous ces hypothèses, la contrainte budgétaire du secteur public s'écrit : (2.14)

où M est la masse monétaire nominale, alors que M est le flux d'émission de cette monnaie; Ge est la valeur monétaire des achats de biens ; Gr est la valeur monétaire des transferts de l'Etat aux ménages; Gb est la valeur monétaire des titres achetés par l'Etat. Ces éléments sont recensés sur une période type. Gb est négatif si l'Etat émet des titres. La consolidation en un seul secteur du système monétaire et des autres activités de l'Etat, peut recevoir au moins deux interprétations. En premier lieu, ce peut être la caractéristique d'une économie dans laquelle il n'y a pas de secteur privé dans le système monétaire, ou d'une économie dans laquelle il existe un secteur privé soumis à l'obligation de respecter divers taux de réserves pour chaque fraction de son bilan, ce qui permet aux autorités monétaires de contrôler le portefeuille des banques privées. Dans ce dernier cas, remarquons aussi qu'il importe peu ici de savoir quelle partie du système monétaire achète et vend des titres. En second lieu l'existence d'un seul secteur peut caractériser une économie dans laquelle le système monétaire appartient en partie au secteur privé; ce système peut être indifféremment libre ou soumis à un ensemble de règles invariantes; l'essentiel est ici que la Banque Centrale achète et vende des obligations. Dans ce cas, notre système monétaire est la Banque Centrale, et la partie privée du système monétaire devrait être considérée comme un élément du secteur privé. La caractéristique essentielle du système monétaire, tel qu'il est défini dans cette analyse, est que sa détention de titres émis par le secteur privé fait l'objet de décisions de politique économique, de telle sorte que la détention de titres par le système monétaire peut être traitée comme une variable exogène. A. 2. 3

Les ménages.

*- s),

Les ménages reçoivent un revenu salarial, wL, des intérêts sur les titres,*, des dividendes

~K-

et des transferts,

282

La monnaie dans une théorie des actifs firwnciers

G ---.!. . Si H représente le revenu réel des ménages, nous obtenons :

p

(2.15)

B ( rK---S B ) H=wL+-+

p

p

G?4 +p

et, en utilisant l'expression (2. 4) : (2.16)

Ge

H=Y-S+-

p

Les ménages utilisent leur revenu à l'épargne et à la consommation. Ce qui est épargné est scindé en deux parties, l'une accroît le portefeuille de titres, l'autre l'encaisse monétaire. Si les ménages accumulent des biens, cette accumulation n'a aucun effet sur les décisions d'épargne ct de consommation de la période. La consommation est notée C, les demandes additionnelles de titres et de monnaie sont respectivement notées Db ct D,w Tous ces éléments sont exprimés en termes réels. La contrainte budgétaire des ménages s'écrit : (2.17) Compte tenu de cette contrainte, C, Db ct D, seront déterminés à la suite d'un choix simultané, multi-marginal, fonction du revenu des ménages H, du taux d'intérêt i, de l'encaisse réelle M, p

et du portefeuille de titres. La détention nette de titres par l'Etat est notée B9 • Puisque B est l'ensemble des titres existant, émis par le secteur privé, la valeur réelle de marché des titres détenus par les ménages est égale à

On supposera que les effets sur la consommation de l'augmentation des titres détenus par les ménages et de leur encaisse moné-

(14) Les ménages reçoivent la totalité des intérêts provenant des obligations existantes. Ceci est dû à l'hypothèse simplificatrice qui veut que l'état transfère automatiquement vers les ménages tous ses gains en intérêts.

Appendice mathématique

283

taire, « de richesse réelle» et « d'encaisse réelle », sont positifs ( 15). L'influence du taux d'intérêt sur la consommation a déjà fait l'objet d'une grande attention (16). L'hypothèse néo-classique type veut que l'accroissement du taux d'intérêt réduise la consommation (17). Cependant, ceci n'aura aucune conséquence sur les conclusions à venir. Cet effet n'est pas important. La consommation est aussi fonction du revenu des ménages. La dérivée partielle de la consommation par rapport au revenu, en d'autres termes la propention marginale à consommer, sera positive mais inférieure à l'unité. Comme précédemment, les chiffres en indice permettent d'identifier les dérivées partielles relatives aux arguments de la fonction. La fonction de consommation compte tenu des hypothèses précédentes s'écrit comme suit : (2.18)

Bh M .

C ( ip'

p' t, H

)

Les fonctions de demande de titres et de monnaie Db et Dm, sont des flux. Leur dimension est la même que celle de la demande de biens de consommation, c'est-à-dire, acquisitions par unité de temps. Leur somme, la demande nette des ménages en actifs financiers, est égale à l'épargne des ménages. A côté de l'évidente symétrie avec la fonction de consommation, on peut se demander quel avantage il y a à formuler les demandes en terme de flux plutôt que de stocks. Les raisons principales sont la simplicité et la compatibilité avec l'analyse dynamique. Ces points méritent

(15) Voir, entre autres, Gardner AcKLEY, «The weath-Saving Relations-hip », Journal ofpolitical Economy, LIX (avril1951), p. 154-61, ct William HAMBURGER, «The relation of consumption to wealth and the Wage rate», Econometrica, XXIII (janvier 1955), p. 1-17, pour des études empiriques de la relation entre richesse et consommation. PATINKIN, op. cit., p. 22, cite trois études sur l'effet d'encaisse réelle. Voir aussi Thomas MAYER, «The empirical significance of the real balance effect », The Quaterly Journal of Economies, LXXIII (mai 1959), p. 275-291. Les seules hypothèses que je fais sont relatives aux signes de ces effets. Je n'ai pas l'intention de suggérer qu'en matière de politique, on peut compter sur la flexibilité des prix à la baisse pour rétablir l'équilibre lorsqu'il y a offre excédentaire sur tous les marchés des biens et du travail. (16) Voir, par exemple, J. M. KEYNES, «Théorie générale, l'emploi de l'intérêt et de la monnaie)) (1936), Chap. 8 ; L. R. KLEIN, «The empirical foundations of Keynesian economies», Post-Keynesian economies, K. K. KuRIHARA, ed. (1955), p. 277-319, plus spécialement p. 292. (17) Voir PATINKIN, op. cit., p. 51, 77, 133.

284

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

quelques explications. En premier lieu, il est important de faire la distinction entre ce qui pourrait être appelé équilibre temporaire et équilibre complet pour un ménage ou le secteur ménage. On dira qu'un ménage est en équilibre temporaire si son flux de consommation et l'affectation de son portefeuille sont optimaux, étant donné ses goûts, son revenu, les prix des biens et des titres, et sa richesse totale à cet instant du temps. Cependant, sa richesse n'est pas optimale, les autres variables étant données. Le ménage est en équilibre complet quand les conditions d'équilibre temporaire sont satisfaites et quand la taille du portefeuille est optimale, c'est-à-dire, quand la richesse totale est suffisamment grande pour inciter les ménages à arrêter l'accumulation d'actifs financiers et à consommer leur revenu en entier. La même distinction peut être étendue à l'ensemble du secteur ménage et, en la matière, à tout secteur de l'économie (18). Db et Dm, les accroissements réels planifiés de titres et d'encaisse par unité de temps, dépendent de (mais ne sont pas égaux à) : B M 1) la différence entre les valeurs de ~ et - à l'équilibre temzp p poraire et leur valeur effective, B M 2) la différence entre les valeurs de~ et- à l'équilibre complet zp p et leur valeur effective. Sauf lorsqu'il y a équilibre complet, il n'y a aucune raison de les croire égales. Bien au 1contraire. A titre d'exemple, si la différence entre le portefeuille effectif et le portefeuille d'équilibre, qu'il s'agisse d'équilibre temporaire ou complet, (18) Des fonctions de demande additionnelles peuvent être définies pour chaque ménage. La demande agrégée du secteur est tout simplement la somme des demandes individuelles. Les valeurs des demandes agrégées, en situation d'équilibre temporaire, et par là du taux d'intérêt et du niveau des prix, dépendent effectivement des «effets de distribution », c'est-à-dire, de la manière dont les actifs financiers sont distribués entre les secteurs, comme l'a montré PATINKIN, op. cit., p. 200-03. Mais, sous l'hypothèse d'existence, d'unicité et de stabilité de l'équilibre, lorsqu'on se trouve en situation d'équilibre complet, les vakurs des portefeuilles d'actifs financiers sont indépendantes des effets de distribution. En définitive, les conséquences de tout effet de distribution disparaissent (ou plus rigoureusement, deviennent infiniment petites). Ainsi, les exercices de statique comparative, en terme d'équilibre complet, peuvent être réalisés sans que l'on fasse appel à l'hypothèse d'absence d'effets de distribution. C'est là un point que PATINKIN semble avoir négligé. Les valeurs en équilibre complet ne dépendent que des goûts, des revenus et des prix. Pour une explication claire de tout ceci, voir G. C. ARCHIBALD et R. G. LIPSEY, « Monetary and Value Theory :A critique of Lange and Patinkin », The Review of economie studies, XXVI (l) (octobre 1958), p. 1-22. La distinction entre équilibre temporaire et complet est analogue à la distinction court termelong terme pour la théorie de l'entreprise.

285

Appendice mathématique

est assez importante, un ménage peut ne pas planifier son redressement en une seule période. En fait, qu'il en soit ainsi ou non dépend de l'unité de temps choisie. Cependant, on pourrait s'attendre à ce que Db et Dm augmentent en fonction de ces différences et qu'elles s'annulent avec elles. On pourrait dire que Db et Dm sont déterminés par les déséquilibres de portefeuille auxquels s'ajouteraient des hypothèses sur la vitesse avec laquelle les ménages chercheront à corriger ces déséquilibres. Relier les demandes et offres d'actifs financiers aux demandes et offres de stocks peut être trompeur. La demande de monnaie concerne-t-elle le stock de monnaie de l'équilibre temporaire, ou celui de l'équilibre complet ? Cela n'est pas sans conséquence. En outre, pour la raison que l'on vient d'exposer, qui veut que les ménages peuvent ne pas élaborer des plans susceptibles de corriger les déséquilibres de portefeuille en une seule période, aucune des demandes précédentes n'est égale à la demande effective sur le marché. Dh et Dm sont les demandes effectives. Ecrire les demandes en termes de flux est nécessaire pour l'analyse dynamique parce qu'on a besoin d'hypothèses sur les flux pour connaître le comportement du système en dehors de l'état d'équilibre complet. Dans une économie en croissance, certains secteurs peuvent ne jamais être en équilibre complet, mais il peut exister un chemin d'équilibre temporaire pour lequel les marchés sont en équilibre et les prix constants. Pour fixer les idées, supposons que le stock effectif d'actifs financiers détenu par le secteur ménage soit : 1 M N otons Md l' encaisse . . ' a' l''eqm·1·b A = -:- B h + -. associee I re zp p temporaire; c'est une fonction de A, de i et vraisemblablement de H, si l'on fait jouer le motif de transaction. On peut dire que les encaisses réelles du secteur ménage sont égales à la valeur d'équilibre temporaire si : (2.19a)

En supposant qu'aucun actif financier n'est un bien inférieur, aMd aMd on a : 0 < aA < 1. En outre, ----ai < O. Si le motif de transaction joue pour la détention d'actifs, alors

:f/ > O.

8

De la

même manière, la condition d'équilibre temporaire pour les

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

286

titres, s'écrit : (2.19b)

Mais Md et Bd ne seront pas égales à leur valeur de l'équilibre complet sans que A ne soit aussi optimal, pour i et H donnés. Notons comme suit les valeurs d'équilibre complet : Me(i, H), e. aMe aMe aBe aBe B (1, H) avec ---oz < 0, aH > 0, -al > 0 et aH > O. On peut alors parler de deux types de «demande nette d'encaisse», Md - M provenant d'une affectation sous-optimale du portep

feuille existant, Me - M qui sera positive en situation d'équilibre p temporaire si le secteur envisage d'épargner et d'acquérir de la richesse supplémentaire. Dm est positivement relié aux deux demandes, mais elle n'est pas nécessairement égale à l'une ou à l'autre, sauf en situation d'équilibre complet où Dm = O. Les hypothèses qui ont été posées jusqu'ici sont en accord avec un ensemble important d'hypothèses relatives à la rationalité du comportement des ménages ( 19). Par exemple, elles s'accordent aux hypothèses qui veulent que les ménages maximisent une fonction de l'utilité de la détention d'actifs, quasi concave (à taux marginaux de substitution décroissant), pour un portefeuille de valeur limitée, ou, alternativement, aux hypothèses qui veulent que ces ménages maximisent le taux de rendement de leur portefeuille, compte tenu du risque {l'ajustement pour risque étant une fonction croissante du rapport : valeur de l'actif considéré sur valeur du portefeuille total). Ecrivons maintenant :

(2.20)

(19) Voir, par exemple, James TOBIN,« Liquidity preference as behavior towards risk »,The Review of Economie Studies, n° 67 (février 1958), p. 65-86 etH. MARKOWITZ, « PortfoliP selection», The Journal of Finance, VII (mars 1952), p. 77-91.

287

Appendice mathématique

avec des dérivées partielles 4Y 1 et 4Y 2 , toutes deux positives. Alors M B Dm est fonction de A et - , et par là de _)!. , et fonétion de i et H. p

lp

B En considérant que _)!. est un paramètre, les dérivées partielles lp

de Dm s'écrivent :

On peut alors écrire : M, i, H ) B" D"' ( --:-,

(2.21)

tp p

Des considérations semblables suggèrent que (20) : B" M

(20)

. Il )

Db~,-, t, (

(2.22)

tp p

Où : Db=l/;[Bd(A, i, H)-

~", zp B•(i, H) -~]. zp 1/; >0, 1/; >0. 1

2

288

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

En dérivant partiellement, C, Db et Dm, par rapport aux variables K, B, p, i et en utilisant les expressions (2. 10) et (2. 16), il vient

Cx= C4(F x- Sx) >O 1 CB=Ct:--C4SB

1P

(2.23)

(21) Il y a cohérence entre ces résultats et l'identité budgétaire des ménages (2. 17). En dérivant partiellement cette identité par rapport aux obligations détenues (en termes réels), aux encaisses réelles, au taux d'intérêt (les obligations réelles étant constantes), au revenu des ménages, et en égalisant les dérivées partielles de chaque membre, nous obtenons :

Cr+Dbr+Dmr=O Cz+ Db2+ Dmz = 0 C~+Dba+Dma=O

C4+Db4+Dm4= 1 En multipliant la première équation par - Dm 2 , la seconde par Dm 1 , et en faisant la somme, nous obtenons : (CrDm2-C2Dmr)

+ (DbrDmz-DbzDmi) =0.

Les hypothèses relatives aux fonctions de demandes impliquent que le premier élément soit négatif, ainsi :

DbrDmz-Db2Dmr>O. Le fait que les effets d'actif sur la consommation soient positifs, suppose que les effets «directs» des obligations et de la monnaie détenus sur les fonctions de demande additionnelle sont supérieurs, en valeur absolue, aux effets « croisés ». Cela est utile pour établir la convergence locale du processus d'accumulation d'actif par les ménages. Posons :

~"=D (~"tp' ~p' i ' H) tP b

f!_=D ~ p m ip' p 1

(Bh

. n)

t1

Appendice mathématique

289

Dbx=Db4(F x- Sx) >0 1

.

DbB=Dbl~-Db4SBO

1 DmB= Dm!-:-- Dm4S B

zp

(2.25)

Suite note 21 p. 288. Les conditions nécessaires et suffisantes de la stabilité locale sont Db'

et

o 0

+

Dmz < 0

Dbl Dm2 - Db2 °Dml

0

> 0'

où l'indice o indique que la fonction est évaluée au voisinage de l'équilibre. Ce résultat peut être considéré comme un exemple d'un théorème récent dû à F. H. HAHN :«Si tous les biens sont des substituts bruts, alors l'équilibre général walrasien est localement stable ». Pour démontrer ce théorème on utilise la contrainte budgétaire et le fait que des termes analogues à C 1 , C 2 , sont positifs. Voir «Gross substitutes and the dynamic stability of general equilibrium ». Econometrica, XXVI (janvier 1958), p. 179-70. En outre, si cette paire d'équations différentielles est remplacée au voisinage de l'équilibre par une approximation linéaire, les racines caractéristiques de ce nouveau système d'équations seront :

Ainsi, si Db 2o et Dm 1 o ont le même signe, les racines seront réelles, de telle sorte que la convergence de Bh et M vers leurs valeurs d'équilibre se fera asymptotiquement et non par oscillations, au moins pour des valeurs suffisamment proches de l'équilibre.

290

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

A.2.4

Conditions d'équilibre sur les marchés.

Les conditions d'équilibre sur les marchés des biens, des titres et de la monnaie, s'écrivent respectivement comme suit : (2.26)

• Ge C+K+--Y=O

(2.27)

Db+~---:-=0

(2.28)

p

Gb

Ë

p 1P

M

Dm--=0

p

En faisant la somme des trois contraintes budgétaires (2. 6), (2. 14) et (2. 17) et de l'équation de définition (2. 16), nous obtenons l'identité de Walras (en supposant que les marchés des facteurs sont toujours en équilibre) : (2.29)

B] + [D -M}= p

• Ge Y ] + [ Db+--Gb [ C+K+-p p ~

m

0

Ainsi, l'une des conditions d'équilibre est redondante. Lorsque deux des trois marchés sont en équilibre, le troisième l'est aussi.

A.3

STATIQUE COMPARATIVE DE L'ÉTAT STATIONNAIRE.

Lorsque le système se trouve en équilibre stationnaire, toutes les variables agrégées sont constantes. Le système se reproduit de période en période sans variation de ses composantes. En particulier, si toutes les variables agrégées sont constantes, il ne peut y avoir ni déficit net, ni accumulation d'actifs, ni flux nets de fonds pr.êté~ eqtre les secteurs. Aucun secteur n'épargne ni n'accumule. K, B, M et Gb dojvent être égaux à zéro, Y et L doivent être constants. Puisque M = 0 et Gb = 0, G, + Gb = 0, la dépense publique en achat de produit de la période est égale à zéro, à condition que les transferts soient non négatifs (positifs

291

Appendice mathématique

ou nuls) (22). Les valeurs de K, B,p et i lorsque l'on est en équilibre stationnaire sont fournies par les équations :

'[ B . L), i, KFK(K, L)-pB] =0 p' FK(K,

1 K,

-s[ J, K,

Fx(K,

L),

i, KFK(K,

L)-J]~o

(3.1) M i F(K L)-S] -F(K L) =0 C [ B-B --._Y -

tp ' p' '

'

'

B-B 0 M ] 23 -Db--. [ tP- , -p, i, F(K, L)-S =0. (22) Pour que ce modèle soit stationnaire, il faut que Ci 1 + Ge = O. Cette relation signifie qu'il y a équilibre budgétaire entre revenu et dépense. Si l'Etat peut collecter des impôts, Ge pourrait être positif en situation stationnaire. Cependant, pour plus de simplicité, nous supposerons que les paiements de transferts ne peuvent qu'être non négatifs. Une hypothèse plus générale ne changerait pas les résultats de l'analyse. (23) Un problème est posé par la réconciliation entre l'existence d'une demande d'encaisse positive et l'existence d'obligations susceptibles d'offrir un taux de rendement positif, en état stationnaire. Les raisons que l'on avance habituellement pour justifier la détention de monnaie ne rapportant aucun revenu sont relatives à l'élimination du risque et aux motifs de transaction. II est probable que la persistence d'un état stationnaire au cours d'une période suffisamment longue élimine la probabilité subjective de risque de perte en capital, même pour l'investisseur le plus timoré. Ce point a été relevé, par exemple, par LEONTIEF au cours de sa discussion sur la théorie keynesienne de la préférence pour la liquidité. Voir « Postulates : Keynes' General Theory and the Classicists », The New economies, Sexmour E. HARRIS ed. (1952), p. 232-44. En outre, dans un monde sans changement, les ménages devraient pouvoir améliorer la synchronisation entre paiements et recettes et réduire, sinon éliminer, la demande de liquidité pour transactions. Comme SAMUELSON l'a proposé : « Dans un monde semblable, les actions ellesmêmes devraient circuler comme de la monnaie et être acceptées dans les transactions». Voir Paul A. SAMUELSON, Foundations of economie Analysis (1948), p. 123. Tout cela nous conduit à dire qu'une théorie complète de la demande d'encaisses réelles devrait avoir un fondement historique et devrait tenir compte de l'histoire des variations des prix et de l'intérêt. Pour notre propos, cette objection n'est pas très importante. Il suffit de supposer l'existence d'une demande d'encaisses réelles sans chercher à l'expliquer. Pour justifier cette hypothèse, en état stationnaire, on pourrait supposer : 1) une variation des flux particuliers de revenu et de dépense, l'agrégat restant constant ; 2) des aléas dans les flux et les calendriers de recettes et de dépenses (hypothèse retenue par PATINKIN, op. cit., eg. p. 327-32) ; 3) une structure institutionnelle donnée dans laquelle les coûts de transaction et le degré de synchronisation des paiements sont fixés. Pour une discussion claire de ce problème voir James TOBIN« Liquidity preference as behavior toward Risk », op. cit.

292

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Il est bon de noter que le niveau des prix dans le modèle n'est pas arbitraire. Etant donné les variables exogènes Bg, M et L, p est déterminé par les équations (3. 1). Afin de vérifier cette proposition, supposons que le système (3 .1) soit en situation d'équilibre général pour p = po quand Bg = B~ et M = M Doublons arbitrairement p tout en maintenant constantes les variables exogènes. Le système restera-t-il en équilibre ? Il apparaît immédiatement que l'accroissement du niveau des prix réduira la charge réelle de la dette du secteur entreprise, l'entraînant à augmenter ses investissements, à réduire son taux d'épargne et à accroître son taux d'emprunt. L'accroissement du prix réduira la valeur réelle des actifs financiers des ménages, entraînant ce secteur à réduire sa consommation et à accroître son épargne. En général, le système ne sera pas en équilibre. Supposons alors que B soit lui aussi doublé. Ceci laisserait le secteur entreprise dans la même position qu'avant le doublement, et par là, en équilibre. Cependant, le secteur ménage se trouverait toujours avec des encaisses réelles plus faibles. Si Bg est positif, la variation devrait laisser les ménages avec un portefeuille plus important en termes réels. Si Bg est nul, le portefeuille restera le même; si Bg est négatif, le portefeuille sera plus faible qu'avant. Dans le premier cas, l'effet sur la consommation est ambigu, mais il y aura une offre excédentaire de titres et une demande excédentaire d'encaisse. Dans le second et troisième cas, la consommation diminuera. Dans le troisième cas, il y aura à la fois demande excédentaire de titres et d'encaisse. Dans tous les cas, le système ne sera pas en équilibre. L'application de la méthode d'analyse de statique comparative à l'équation (3 .1) n'aura pas grand sens si le système est instable; Il y aura stabilité si, à la limite, toutes les variables endogènes convergent vers leurs nouvelles valeurs d'équilibre après que l'une ou plusieurs des variables exogènes aient changé de valeur. La stabilité du système dépend des règles de variation temporelle auxquelles obéissent les variables endogènes. Ainsi, une analyse de statique comparative, ne peut avoir de sens que si elle est précédée d'une analyse dynamique. L'analyse dynamique de ce système montrerait qu'il n'est pas nécessairement stable. Les hypothèses faites jusqu'à présent n'impliquent pas qu'il doit l'être. Cependant, l'hypothèse qu'il est stable, quand les lois du mouvement du niveau des prix et du taux d'intérêt sont spécifiées, fournit une information supplémentaire qui s'avèrera 0



Appendice mathématique

293

intéressante lorsque nous établirons les propositions de statique comparative (24). Le taux de variation de K a été défini par la fonction d'investissement (2. 7), celle des titres existants par (2. 6). Il reste à spécifier les lois du mouvement de p et de i. Si l'on s'en tient à une analyse d'équilibre partiel, le prix des biens est déterminé sur le marché des biens, celui des titres sur le marché des titres. On supposera que le prix des biens augmente quand il y a une demande excédentaire de biens, qu'il diminue quand il y a une offre excédentaire. En outre, il se déplace à une vitesse proportionnelle au rapport demande excédentaire sur offre totale, soit : (3.2)

où et où q 1 est une constante positive (25). Nous ferons les mêmes hypothèses pour i : (3.3)

(24) Il s'agit du « principe de correspondance » du professeur SAMUELSON. Voir SAMUELSON, op. cil., Ille partie. (25) Cela suppose qu'il n'y a pas d'effets « spillover » (*) de la demande excédentaire de biens sur le marché des obligations. Cette hypothèse a été critiquée par PATINKIN, op. cit., p. 325-65 et «limitations of Samuelson's correspondance principle » Metroeconomica, IV (1952), p. 37-43. Il semble raisonnable de dire que lorsqu'il apparaît des demandes excédentaires importantes et durables, il devrait y avoir de forts effets « spillover ». C'est certainement un élément important dans une discussion sur l'inflation, surtout pour l'inflation contenue. Mais le principe de correspondance s'applique aux mouvements du système au voisinage de l'équilibre, c'est-à-dire lorsque les déséquilibres sont faibles et peu durables. La validité de l'argument de PATINKIN quant au principe de correspondance est, pour le moins, assez douteuse. Pour une discussion non empirique des différentes équations de réaction des prix, se reporter à Bent HANSEN, « A study in the theory of inflation» (1951) et Alain C. ENTHOVEN, « Monetary, desequilibria and the dynamics of inflation )) The economie journal, LXVI (juin 1956), p. 256-70. pest évidemment la dérivée première de p par rapport au temps. (*) N.d.T. : II y a effet « spillover )) lorsqu'une demande excédentaire sur un marché influence non seulement le prix de ce marché mais les prix d'autres marchés.

294

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

et où q 2 est aussi une constante positive. En combinant ces hypothèses, nous obtenons quatre équations simultanées, fonctions des variables K, B, p et i :

K=I Ë -=1-S ip

(3.4)

p=Q1(C+I- Y)

t=Qz(I- S-Db) Si le système (3. 4) est stable, c'est-à-dire, si, au bout d'un certain temps, tous les chemins qu'il pourrait suivre se rapprochent du chemin d'équilibre, alors le système d'équations linéaires qui fournit une approximation de (3. 4) au voisinage de l'équilibre doit être stable. En différenciant (3. 4) et en déterminant les dérivées partielles au voisinage de l'équilibre (stationnaire) afin d'obtenir une approximation linéaire nous obtenons :

K =lx

0

(K-K 0 )+I B0 (B-B 0 )+lp0 (p- P0 )+I i 0 (i-i 0 )

Ë=iopo(Ixo_ sKo) (K-Ko)+iopo(I Bo_ sBo) (B-Bo) +iopo(Ipo_ Spo) (p- po) +iopo(I t- S io) (i-io)

(3.5)

p=Qt 0 (CK 0 +lx 0 -Fx 0 ) (K-K 0 ) +Qt 0 (CB 0 +I B0 ) (B-B 0 )+Q1°(Cp 0 +lp0 ) (p-p 0 ) +Qt 0 (Ci 0 +li 0 ) (i-i 0 )

i=Qz 0 (Ix 0 - SK 0 -DbK 0 ) (K-K 0 ) +Q2°(I B0 - SB 0 -DbB 0 ) (B-B 0 ) Qzo(Ipo_ Spo-Dbpo) (p- po) +Qz0 (Iio_ Si 0 -Dbi 0 ) (i-i 0 ) . 26

(26)

Q1°=

~lOI

Q2°=

~~



iopo Par hypothèse, Gb = 0, ainsi B 9 est constant. Ba par soustraction, B - Ba = Bh - Bh 0



=

Bh a

+

B 9 , de telle sorte que,

Appendice mathématique

295

Une condition nécessaire pour la stabilité de (3. 5) et pour la stabilité de (3. 4) est que le déterminant des coefficients des variables (K - K (B - B (p - p et (i - Ï soit positif (27). Si nous supposons que le système est stable, on peut montrer grâce aux théories classiques relatives aux déterminants, que ceci implique que le déterminant : 0

0

),

),

0

0

)

)

soit positif. A l'état stationnaire, l'Etat peut accroître la masse de monnaie en achetant des biens, en effectuant des transferts ou en achetant des titres, mais l'hypothèse d'une marche vers un nouvel état d'équilibre stationnaire implique que ces flux soient temporaires. Le seul effet permanent du financement du déficit public, ne peut se faire qu'à travers un accroissement du stock de monnaie ou une variation de la détention de titres, ou les deux. Considérons les cas où le seul eflet de la dépense publique est un accroissement de la masse de monnaie. Ceci arriverait si l'Etat devait, une fois pour toutes, acheter des biens ct faire des transferts financés par l'émission de monnaie nouvelle. En différenciant (3 .1) totalement par rapport à M, nous obtenons :

(27) Voir, eg., PATINKIN, op. cit., p. 354. Appelons ilia matrice des coefficients (B - B (p - p (i - r). (3. 5) est stable si et seulement si les de (K - K parties réelles des racines de l'équation caractéristique 1 il - U! = 0 sont négatives. Mais, le déterminant de il est égal au produit des racines. Ainsi, si les racines réelles sont négatives, le signe de il doit être celui de (- 1)", où n est l'ordre de il. Les racines complexes apparaissent en paire conjuguées dont les produits sont positifs, de telle sorte que le signe de il doit être celui de (- 1) élevé à la puissance n moins le nombre de racines complexes, c'est-à-dire, le signe de (- 1)". 0

0

0

),

),

),

296

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

(3.7)

o

dK dM

o

dB dM

o

dp dM

o

di _ dM

o

1 p

-Dbx - - DbB - - Dbp - - Dbi --Dbz-

Le déterminant des coefficients de ces dérivées est (3. 6). En résolvant le système selon la règle de Cramer nous trouvons (28) (3.8)

(28) Par convention, l'indice o qui indique la valeur des variables à l'équilibre est supprimé dans la suite de la III" partie. En ce qui concerne la règle de Cramer qui permet de résoudre les systèmes d'équations linéaires à l'aide des déterminants, et pour les propriétés classiques des déterminants se référer à R. G. D. ALLEN, « Mathematical analysis for economists », Londres 1958, p. 482-85. Les étapes suivies pour obtenir (3. 8) à partir de (3. 7) sont présentées ci-dessous 1) D'après la règle de Cramer

dK 1 Llld.M=

0

fB

0

-SB

-Sp

-s,

CB

Cp

c,

-DbB

-Dbp

-Db;

-C2~

p

Db.!·p 2° D'après (2. 9), IP

,

D après (2 .10), SP

=

=

J,

B -lB. p

-

lp

B-SB. Mulhphons . . d B . la secon e colonne par- et aJoutons p

p

le produit à la troisième colonne. Cette opération laisse inchangée la valeur du déterminant, mais rend les éléments de la troisième colonne égaux à B p

0,0,-CB+CP,

Appendice mathématique

(3.9)

(3.10)

dB dM

dp

B M

297

B 0 ( C1.1a2- Dbl.142) ipM · 1 .1 1

----

p

B0

dM= M- ipM

(

C •.1aa- Dbl.14a) 1 .1 1

(3.11)

où par exemple, ~ 32 est le cofacteur du second élément dans la troisième ligne de ~Suite note 28 p. 296. 3° On tire de (2. 23) l'expressions suivante B - C 8 +cp= p

B9

cl~-

lp

M Cz 2 . p

De la même manière, on tire de (2. 24) :

B -

p

DbB

+

Dbp =

B9

Dbl

~

lp

-

Db2

M 2 ·

p

4° En utilisant les règles du développement des déterminants, le déterminant est égal à :

d'où l'on tire (3. 8). Les étapes qui permettent d'obtenir (3. 9) à partir de (3. 7) sont les suivantes : 1) D'après la règle de Cramer, 0 0

2) Multiplions la deuxième colonne par B , en l. . h angee. ' par M a1ssant sa va leur mc

~,

le déterminant au numérateur

298

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

Le signe de (3 .11) est positif si B 9 est positif et négatif si B 9 est négatif. Le signe de (3. 8) est l'opposé du signe de (3. 11). Ainsi, si l'Etat est créditeur net en terme de titres, un accroissement de M augmente le taux d'intérêt et diminue le niveau d'équilibre du stock de capital. Si l'Etat est débiteur net en termes de titres, un accroissement de M diminue la valeur d'équilibre de i et augmente celle de K. Peut-être ces résultats seront-ils mieux compris si on les compare avec les propositions types de la théorie néo-classique sur la monnaie neutre (29). Supposons qu'un accroissement de la masse monétaire soit suivie d'un accroissement de B et de p dans les mêmes proportions, sans variation de i et de K. Ceci laissera le secteur entreprise dans la même position réelle que précédemment, et, par là, en état d'équilibre. Mais, si B 9 est positif, cela laissera le secteur ménage avec un portefeuille de titres plus important que précédemment. Puisque les autres éléments de la position des ménages resteront inchangés, il en résultera une offre excédentaire de titres, de telle sorte qu'un accroissement du taux d'intérêt devient nécessaire pour rétablir l'équilibre. Parce que le secteur privé tout entier agit sans illusion monétaire, sa demande excédentaire nette de titres en termes réels n'est pas affecté par une variation de M accompagné d'une Suite note 28 p. 296. 3) Ajoutons - ~ fois la troisième colonne à la seconde. 4) Les éléments de la deuxième colonne deviennent :

5) Le déterminant peut ainsi être décomposé en une somme de deux déterminants dont l'un est égal

à~

!,

et l'autre n'est que le déterminant initial sauf en

ce qui concerne la deuxième colonne qui est composée des éléments suivants

B9 B9 0,0,- Cl-·-,+ Dbl--M· 1pM

1p

6) Le second déterminant peut s'écrire :

Bg

- -:---M (Cl~32 - Db1~4z). lp

Les équations (3.10), (3.11), (3.14), (3.15), (3.16) et (3.17) sont obtenues de la même manière. (29) Voir PATINKIN, op. cit.

Appendice mathématique

299

variation de'p exactement proportionnelle. Mais, parce que l'Etat maintient constant son portefeuille en termes nominaux, un accroissement de p réduira son portefeuille en termes réels (B 9 > 0), créant ainsi une offre excédentaire de titres en termes réels. Si l'Etat est débiteur net en terme de titres, les résultats seront inversés. Si l'Etat a une position nette égale à zéro, des variations de n n'auront aucun effet sur les valeurs d'équilibre de i et K (30). Si l'Etat augmente la masse monétaire en achetant des titres, il doit soit réduire soit laisser inchangé le taux d'intérêt (dans un cas assez particulier). Supposons que l'Etat mette en place une opération d'open-market dans laquelle il achète des titres provenant du secteur privé contre de la monnaie. Dans ce cas, la valeur de la variation du stock de monnaie doit être égale à la valeur de la variation du portefeuille de l'Etat. Ainsi 1 dM=-.dB 0 •

(3.12)

~

En différenciant (3. 1) totalement, à nouveau, par rapport à M, mais cette fois-ci en utilisant la relation (3. 12), nous obtenons un ensemble d'équations dont le côté gauche est identique à celui de (3. 7), et dont le côté droit est représenté par la colonne qui suit : 0

0

(3.13)

1

1

-c2-+Cc p p 1

1

p

p

+Db2 --Db1-·

(30) Malheureusement, les hypothèses formulées au cours de la deuxième partie et la stabilité du système sont insuffisantes pour permettre la détermination des signes du second terme de la partie droite des équations (3. 9) et (3 .10). Ainsi, on ne peut clairement savoir si la variation du niveau des prix est proportionnellement plus ou moins importante que la variation de M. Si tous les éléments situés hors de la diagonale de d étaient non négatifs, la stabilité impliquerait que C 1 Ll 33 - Db 1 d 43 < 0 et par là que ddP M > 1. Cependant, certains de ces éléMp ments sont négatifs, par hypothèse. D'un autre côté, on obtiendrait le même résultat si tous les éléments, situés sur la diagonale étaient suffisamment grands en valeur absolue, par rapport aux autres éléments.

300

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

La résolution de ce système par la règle de Cramer, donne :

(3.14)

dK

dM

(3.15)

(3.16)

(3.17)

Bien qu'il soit possible que

M -

+B

soit négatif, nous

9

considérons que ce cas est invraisemblable. Etant donné les transactions que l'Etat peut réaliser, la valeur de marché de son portefeuille peut excéder la masse monétaire seulement s'il a eu le bénéfice d'un gain en capital non compensé par des précédents déficits. Habituellement, la masse monétaire sera supérieure ou égale au portefeuille net de l'ensemble consolidé : système monétaire et Etat.

M - } B 9 peut être appelé monnaie externe.

C'est l'endettement de l'Etat auprès du secteur privé. Notre hypothèse sur l'impossibilité pour l'Etat de prélever des impôts

(31) Les inégalités de (3 .14) et (3 .17) s'appuient sur l'hypothèse que 1 M- tB9 ~ 0;

hypothèse discutée plus bas dans le texte. Notons que (3.14), (3.15), (3.16) et (3 .17) correspondent à (3. 8), (3. 9), (3 .10), (3 .11) avec

~ B9 l

-

M substitué

à~ B9 • l

Appendice mathématique

301

implique que, si l'on excepte le cas des gains en capital, le montant de monnaie externe ne peut être négatif. Lorsqu'il existe de la monnaie externe positive, un achat de titre par open-market réduit la valeur d'équilibre du taux d'intérêt et accroît la valeur d'équilibre du stock de capital. Que cela se passe ainsi n'a rien de surprenant. Lorsqu'il existe de la monnaie externe positive, B 9 est plus petit que M. Ainsi, un accroissement absolu égal de M et de B 9 doit signifier que B 9 a augmenté plus que proportionnellement à M. Même si p augmente dans la même proportion que M, la valeur en termes réels du portefeuille de l'Etat est encore augmentée, et, par là, le taux d'intérêt doit diminuer. D'un autre côté, s'il n'existe pas de monnaie externe, un accroissement absolu égal de M et B 9 doit aussi être égal en termes relatifs, et, par là, l'effet de l'accroissement en termes réels peut être éliminé et l'équilibre rétabli par un accroissement du niveau des prix dans la même proportion (32). Finalement, si l'Etat voulait que les effets de son opération soient neutres en dépit de l'existence de monnaie externe positive et d'une position nette différente de zéro, relativement aux titres -c'est-à-dire, s'il désirait faire varier le niveau nominal des prix tout en laissant inchangées les variables réelles - il ne pourrait agir ainsi qu'en faisant varier son portefeuille (nominal) dans une proportion égale à la variation de la masse monétaire. L'essentiel n'est pas que le secteur public ne puisse faire un ensemble de transactions qui, prises ensemble, ont des effets neutres; c'est plutôt que les transactions habituelles qu'il doit faire, achats de biens ct achat ou vente de titres, ne laissent pas invariantes toutes les grandeurs réelles.

(32) Evidemment, s'il se trouvait que monnaie externe était négatif,

il

B 9 > M, c'est-à-dire, si le montant de

dd~ dans (3. 17) devrait être positif.

Un achat d'obli-

gations en open-market devrait provoquer une augmentation du taux d'intérêt 1 d'équilibre. Une explication heuristique de ce paradoxe est que i B 9 > M et

1 dM dB dM = -. dB9 impliquent > - 9 ; cela signifie que la transaction augmente 1 M B9 relativement plus M que B 9 , provoquant un accroissement du niveau des prix plus que proportionnel à l'accroissement de B 9 • En conséquence, l'effet net de la transaction consiste en une réduction de la valeur réelle des obligations détenues par l'Etat.

302

A.4

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

CROISSANCE HOMOTHÉTIQUE.

L'analyse de statique comparative dans un modèle d'état stationnaire est limitée dans son application à l'étude du jeu d'une économie en croissance par le fait que des déficits et des excédents permanents dans les différents secteurs, sont incompatibles avec les hypothèses de stationnarité, à moins que les actifs financiers que l'on accumule n'aient aucun effet sur les modes de dépenses. Si, par exemple, le gouvernement devait financer à chaque période un déficit courant en augmentant la quantité de monnaie et si les encaisses avaient un effet positif sur les dépenses des secteurs privés, il ne devrait y avoir aucune limite à l'accroissement du niveau des prix. Dans une économie en croissance, d'un autre côté, les secteurs peuvent connaître des déficits permanents ; il suffit qu'ils paient en contrepartie avec les titres qu'ils émettent; l'économie se trouverait dans un état que l'on pourrait appeler «équilibre en mouvement». Dans un modèle de croissance économique, on peut analyser l'impact de ces flux sur le reste du système. En état stationnaire, l'Etat est contraint d'équilibrer son budget sur la période. Dans une économie de croissance, un déficit permanent, financé par la création de monnaie nouvelle, peut être compatible avec un niveau des prix constant. En fait, c'est peut-être même une condition nécessaire à la stabilité des prix. La suite de cette étude est consacrée au jeu du modèle en situation de croissance homothétique. On peut définir la croissance homothétique comme l'état pour lequel le revenu, l'offre de facteurs, les flux d'actifs et de dépense augmentent tous au mëme taux. Si l'économie est en équilibre lorsqu'elle connaît une croissance homothétique, les rapports entre toutes ses variables doivent être constants. La croissance homothétique n'est pas le seul type de croissance. C'est un cas très particulier ni plus ni moins général que l'état stationnaire. C'est cependant un cas intéressant parce qu'il est un chemin de croissance possible, et qu'une économie en croissance a des propriétés que n'a pas l'équilibre stationnaire, comme nous l'avions noté précédemment. Ainsi, les résultats d'une analyse de croissance homothétique devraient pouvoir fournir des conclusions de portée plus générale. Supposons que l'investissement, l'épargne des entreprises, les fonctions de demandes de titres et de consommation des

303

Appendice mathématique

ménages soient tous homogènes de degré un par rapport aux variables d'actif et au revenu, mais non par rapport aux prix. A titre d'exemple, si l'on double la valeur de .

K, ~ et (rK-!l.) p

p

avec r et i constants, on· doublera le flux d'investissement. Si Bh M l'on double la valeur de -,--, -p et H, en maintenant. i constant, lp on doublera le flux de consommation, ou d'une manière plus générale :

. (

B

B)

XJ{ = 1 XK, Xp, r, i, XrK- Xp

Bh X-, M t,. 'AH ) . XC= C ( X-:-,

tp

p

Alors, si Ka, Ba, L o, M", Il", pu, r et io sont une solution du système d'équation (3.1), ÀK ÀB ÀL ÀM", ÀH p Y et l forment aussi une solution. En d'autres termes, si les conditions d'équilibre sont homogènes par rapport aux variables d'actif et au revenu, le système est capable d'une croissance homothétique. Supposons maintenant que l'offre de travail, la masse monétaire, le stock de titres détenu par l'Etat, les dépenses de l'Etat en biens, titres et transferts augmentent tous à taux constant. On notera n ce taux (33). Ainsi 0

0

0

,

(4.2)

0

,

0

0

,

L=nL

Gc=nGc

M=nM

Gb=nGb

Bu=nBu

G,=nGt.

,

0

0

,

Le système croîtra-t-il au moins asymptotiquement, au même taux ? Il est plus pratique de remplacer les variables d'actif et le revenu par les rapports de leur valeur effective à leur valeur tendancielle (34). En posant

(33) Ce peut être la croissance effective de la population ou de l'offre de travail, ou la croissance de l'offre de travail tenant compte de l'amélioration de la productivité. (34) Je remercie le professeur Robert SOLOW pour m'avoir suggéré cette technique.

304

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

(4.3)

b= Be-nt

gt= Gte-nt

bq=Bqe-nt

gb=Gbe-nt

m=Me-nt

h=He-nt

y= Ve-nt

l= Le-nt

On peut écrire par exemple :

En appliquant ces transformations au systèmç dynamique (3. 4) et en permettant maintenant aux variables M, Gb, Ge et G 1 de prendre des valeurs positives, nous obtenons :

. ( b

b)

k = 1 k - r i rk- - - nk

'p' ' '

b=ip[1- s(k (4.4)

p

~

r i

'p' ' '

rk-~)]-nb p

bh m . ) ge ] p=Q1* [ C ( i-p' t, h +---p+1-F(k, l)

p'

- *[1- S--Db -:- h p tp' p' ,

i = Q2

gb

( bh m t.

)] .36

Etant donné la croissance exogène de l'offre de travail, de la masse monétaire et de la dépense publique, le système en entier convergera vers un taux de croissance relatif égal à n si le système (4.4) est stable. Evidemment, la position d'équilibre de (4.4) est différente de celle de l'équilibre stationnaire du sys-

(35) A cause de l'homogénéité, le terme e"' peut être mis en facteur des deux côtés des deux premières équations

Q~·=;, Q2·=

r. iP

Appendice mathématique

305

tème (3. 4) et la stabilité de ce dernier n'implique pas nécessairement la stabilité du précédent (36). En développant les équations du système (4. 4) au voisinage de l'équilibre pour obtenir une approximation linéaire, nous obtenons (37) :

nbo + 't·o p o(1 i o- S i o+ poio2 ( 4.5)

)c.

·o)

1,- t

p=Qt* 0 ( CK 0 + I K0 - F K0 ) (k- k 0 ) +Ql* 0 (C a0 + I a0 ) (b-b 0 ) +Qt*o( Cp 0 +Ip o_

;;)cp- P )+Qt* (C/+I 0

0

ï

0 )

(i-i0 )

i=Q2* 0 (/K 0 - SK 0 -flbK 0 ) (k-k 0 ) +Q2* 0 (I a 0 - Sa 0 -Dba) (b-b 0 ) ' +Q2*o(IP o_ Sp o+~- Dbpo)(p- po)

+Q2*(L 0 - S/-Dbi 0 ) (i-i 0 ) . L'hypothèse relative à la stabilité de (4. 4) implique que le déterminant ci-dessous soit positif (38)

(36) A titre d'exemple, le flux d'investissement à l'équilibre, dans (3 .4) est 0 ; dans (4 .4) il est égal à K = 1 = nK. Ainsi, 1K évalué au premier point d'équilibre n'est pas nécessairement égal à 1K évalué au second point. (37) A l'équilibre, c'est-à-dire avec

K= 1 =

b=O, ip(l-S) =nb. Q1 * 0 =~, Q2• 0 =-t}-.

iopo (38) Si n

= 0, gb = 0, ge = 0 et g, = 0, alors ô* = A

La monnaie dans une théorie des actifs financiers

306

1a* 1=

1~,0

o

1 i -Si

o

nb

+ poioz

gb 1 p o - S p o - Dbp o+ -02

p

A.S

STABILITÉ DES RAPPORTS DE PROPORTIONNALITÉ ENTRE FACTEURS.

Si le taux marginal capital-produit est constant, et si le rapport de l'épargne et de l'investissement au produit total l'est aussi, le produit ne peut s'accroître qu'à un seul rythme, donné par le taux de croissance qui assure le plein emploi du stock de capi, tai (39). Ce taux, que Sir Roy Harrod a appelé le taux de croissance garanti, n'est pas nécessairement égal au taux naturel, c'est-à-dire au taux de croissance exogène de l'offre de travail, ou de l'offre de travail multipliée par un facteur d'accroissement de la productivité. Si les deux taux ne coïncident pas, il y aura pénurie ou excès d'offre de travail, l'écart s'accroissant progressivement. La raison en est qu'avec des quantités de facteurs fixes en proportion, il est impossible de substituer le facteur en excédent

(39) L'output total est noté Y et l'épargne s Y. Notons z, le rapport capital/produit, de telle sorte que : K = z Y. Alors, si le capital nouveau, s Y, doit être pleinement employé :

.

sY = zY ou

y

y

s

z

Appendice mathématique

307

à une quantité donnée du facteur qui fait défaut (bien sûr, l'équilibre pourrait encore être rétabli si une baisse du prix du facteur en excédent réduisait le montant offert). D'un autre côté, comme le professeur Solow l'a montré,« quand la production a lieu sous les conditions néo-classiques habituelles, c'est-à-dire, proportions variables et rendement d'échelle constant, l'opposition entre taux naturel et taux garanti est impossible » (40). Pour servir ses propos, Solow a adopté l'hypothèse d'Harrod qui veut que l'épargne soit une fraction constante du revenu et que l'investissement arrive automatiquement à égalité avec l'épargne. Alors, si le taux de croissance de K tombe en dessous de L, le taux de croissance de Y aura une position intermédiaire entre les deux, mais située au-dessus de K. Puisque l'investissement nouveau est proportionnel au revenu, il augmentera à un taux supérieur à celui de K, ramenant le taux de croissance de K vers celui de L. Si le taux de croissance de K devient supérieur à celui de L, le taux de croissance du revenu, et donc celui de l'investissement, sera inférieur à un taux de croissance de K, ramenant le taux de croissance de K vers celui deL(41).

(40) Voir R. M. Soww, op. cit., p. 73. Le modèle de Solow est Je suivant. Posons:

K L

=

sY

=

nL

IX

=z·

et

=

sF(K, L)

K

Alors ri= sF(a, l) -na. Comme le montre SoLOW, cette équation ne doit pas nécessairement avoir de solution d'équilibre. Mais pour de nombreuses fonctions de production, elle a une solution d'équilibre qui est stable. (41) Si : 1) Y= F(K, L), F homogène de degré un. · L K. . 2) K = s Y, alors L < K 1mphque

i

3)

.


KY ou, en utilisant (2) K 2 > KK. Ainsi

~(~)0.

(6.21)

a{3

/J est égal à la différence entre deux éléments. Quand f3 est inférieur

à sa valeur d'équilibre, ipn est supérieur à ipS + nf3 et f3 augmente; quand f3 est supérieur à sa valeur d'équilibre des forces appa-

Valeurs de

/3

(ipS

{3* Figure III.

+ nf3)

f3

Appendice mathématique

315

raissent qui le tirent vers le bas. La figure III illustre ces propositions. Le second élément est une fonction croissante de f3 à cause de l'expression (6. 21). Il est clair que l'équilibre est stable. Si, K et L, ainsi que Y, augmentent au même taux, le rapport des titres existants avec chacune de ces variables sera stable. Si nous voulons considérer la variation simultanée de B et K au voisinage du chemin de croissance, nous devons nous contenter de résultats locaux. Si p et i sont maintenus à leurs valeurs d'équilibre, les équations (4. 5) deviennent :

k=

0 (IK

-n) (k-k 0 )+J B 0 (b-b 0 )

( 6.22) 0

b=i 0 P (1K 0 - SK

0 )

0 (k-k 0 )+i 0 p 0 (1 8 ° - SB 0 --!!-)(b-b ). topo

Les conditions nécessaires et suffisantes pour que b et k convergent vers leurs valeurs d'équilibre à partir de valeurs initiales quelconques, sont : (/Ko-n)+iopo(J Bo_ SBo_

io;o)