La Création et son secret

dans le fond, traverse l'Histoire même si sa forme change à chaque ... positifs”. Durant des millénaires, des civilisations entières se fondaient sur l'étude.
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La Création et son secret

Rav Haïm Dynovisz

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Couverture : Dov Bensoussan Première édition 2011 Seconde édition 2014

Imprimé en Israël Maor Wallach Press LTD

Copyright 5775 (2014) Editions Kaate Mar

1. INTRODUCTION Le quatrième jour16 nous fait entrer dans une nouvelle étape importante dans le processus d’éloignement du monde de sa source initiale. Cette étape va nous permettre de comprendre l’origine profonde de l’idolâtrie appelée, en hébreu avodat kokhavim ou mazaloth – la soumission aux astres et aux étoiles. L’idolâtrie a commencé par une relation tronquée, déformée, entre l’homme et la nature, représentée par les étoiles et les astres. Nous allons voir que certaines qualités données aux astres vont berner l’homme, l’induire en erreur en lui faisant croire qu’ils sont dotés de pouvoir et d’une autonomie totale. Mais donner la liberté de choix à sa Création avec même la possibilité de choisir le mal, est le projet essentiel de D.ieu, qui installe tout de même des garde-fous – le cercle, permettant à sa Création de revenir à Lui. À mesure que l’œuvre de la Création avance, D.ieu se voile davantage, prend du recul et affranchit sa Création qu’il ne veut pas écraser, en lui accordant le libre arbitre afin qu’elle puisse choisir l’éloignement et vivre la différence, puis qu’elle revienne d’elle-même à la conscience de l’existence d’une source, s’attachant par un choix libre et consentant à cette source retrouvée.

16 Ce chapitre est extrait du cours vidéo présenté sur le site Internet www.ravdynovisz.tv et intitulé: Création du monde – quatrième jour – Berechit – La gestion du Temps – 13 septembre 2009.

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2. LES LUMINAIRES MAUDITS ET LA LOGIQUE DE L’ABSURDE Verset 1-14 : ouhv ihc ,khscvk ,ohnav gherc ,rtn hvh ,ohvkt rnthu ohbau ohnhku ,ohsgunku ,,tk uhvu ,vkhkv ihcu Elokim dit: "Que des luminaires apparaissent dans l'espace des cieux, pour distinguer entre le jour et la nuit; ils serviront de signes pour les saisons, pour les jours et pour les années. Nous remarquons dans le verset 14 que le mot ,rtn Méorot est écrit sans vav, ce qui n’est pas son orthographe habituelle. Sans le vav, ce mot peut se lire, Méarat – calamité et malédiction. Nos maîtres disent que cette anomalie orthographique est, bien évidemment, volontaire et qu’elle a pour but de suggérer un message. D.ieu met donc des luminaires maudits dans l’espace des cieux, afin de séparer le jour et la nuit. Il est important de remarquer ici que dès le premier jour D.ieu avait déjà séparé entre la lumière et l’obscurité. Alors que signifie au quatrième jour cette nouvelle séparation entre le jour et la nuit qui sont les noms données à la lumière et à l’obscurité du premier jour? Remarquons d’abord la différence entre la séparation opérée le premier jour et celle du quatrième jour : - le premier jour, c’est D.ieu lui-même (Elokim) qui sépare la lumière de l’obscurité. - le quatrième jour ce sont les luminaires qui font la séparation entre le jour et la nuit. 120 - La création et son secret

Nous avons déjà expliqué que le premier jour est celui de la création de l’essence des choses avant que n’apparaissent les «noms» de ces choses qui ne sont donnés qu’après que la chose s’est éloignée de sa source. Autrement dit, le premier jour est celui de la création de la réalité vraie, consciente de sa source créatrice, puis est apparue une autre réalité, celle des «noms» se trouvant dans l’obscurité, l’éloignement et l’illusion d’être autonome, et totalement indépendante de sa source créatrice. Aussi la séparation du premier jour est nécessairement opérée par D.ieu lui-même puisque le monde de l’essence est encore totalement attaché à sa source divine et sait que c’est D.ieu et lui seul qui agit dans son monde. Cependant, le quatrième jour, la séparation se fait dans le monde des «noms», où la source est voilée et où les intermédiaires semblent s’être substitués au Créateur lui-même Ce sont les luminaires qui jouent ici le rôle d’intermédiaires se substituant au Créateur et ce sont donc eux qui font la séparation, non plus entre la lumière et l’obscurité, mais entre le jour et la nuit qui ne sont que les noms de l’essence voilée. L’évolution dans l’éloignement de la Création par rapport à sa source se poursuit, notre monde étant celui des noms, D.ieu s’y voile complètement, reléguant son pouvoir à des intermédiaires – la terre au troisième jour, les luminaires au quatrième jour. Apparaît maintenant clairement un système de règles et de lois de la nature, représentées par les astres et les étoiles, donnant l’impression que finalement le monde est régi par des lois autonomes, n’ayant plus rien à voir avec le divin, au point que certains vont croire que l’on peut tout expliquer sans faire référence à D.ieu, et c’est pour cette raison que nous voyons la potentialité de malédiction de ce quatrième jour17. 17 D’après la Kabbala, le quatrième jour de la semaine est considéré comme particulièrement néfaste, en raison de forces dures de Din – de rigueur ; ce jour était considéré comme propice à la mort des nouveau-nés, car les enfants étant l’expression de la joie et de la bénédiction – D.ieu a dit fructifiez et multipliez-vous –, le contraire est la mort.

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La émouna – la foi, et la croyance en D.ieu – provient du premier jour, car malgré la séparation opérée entre lumière et obscurité, l’Unité est gardée, comme cela est mentionné à la fin de ce premier jour appelé le «Jour Un». C'est-à-dire qu'avant même de commencer à permettre à Sa Création de s'éloigner de Lui jusqu'à la rendre autonome grâce à la mise en place d'intermédiaires pouvant se substituer à Lui, D.ieu a d'abord veillé à introduire dans Son monde la force de la Émouna (la foi et la croyance). Cette force du premier jour est celle qui nous permet de rester connectés à la source divine, même lorsque l'obscurité nous entoure, comme au premier jour où, malgré l'obscurité qui y régnait, le monde est resté Un. Celui qui ne veut pas se laisser tromper par l'apparence et refuse de substituer les intermédiaires au Créateur, peut trouver en lui et dans le monde, suffisamment de preuves témoignant de la présence effective de D.ieu dans son monde. Tout dépend à présent du libre arbitre : les deux chemins sont devant l'homme et c’est à lui de faire le bon choix. Mais le quatrième jour, en voilant son action et en interposant entre Lui et l’Homme les luminaires, les lois de la nature, D.ieu met en place les voiles qui permettront l’apparition de l’idolâtrie. L’idolâtrie découle du sentiment d’écrasement qui règne dans ce monde, depuis que la nature et le hasard semblent présider à la destinée humaine. L'homme se sent prisonnier de différentes forces qui influent et déterminent son existence et il ne lui reste plus qu'à se soumettre et à les servir. Dans notre monde aujourd'hui, la soumission totale aux règles et aux lois de la nature, sans la moindre croyance en l’existence d’autres forces capables de changer et de transformer le déterminisme apparent des règles de la nature, est l'expression moderne de cette idolâtrie qui, dans le fond, traverse l'Histoire même si sa forme change à chaque génération. 122 - La création et son secret

Il existe également une autre cause à l'idolâtrie : l'absurde qui semble présider à nos vies et rend presque impossible la croyance en un D.ieu présent et agissant. Pourquoi sur trois soldats à la même place, l’un d’entre eux seulement recevra une balle perdue et mourra? Pourquoi un camion n’arrivera pas à freiner et tuera la personne qui traversait juste à cet endroit? Pourquoi la maladie emporte-t-elle telle personne en pleine force de l’âge…? L’Homme, ne comprenant plus comment fonctionnent le Bien et le Mal, pense que la vie n’a aucun sens et s’éloigne alors de l’Unité et c’est ainsi qu’il devient idolâtre.

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3. L’APPARENCE DES SIGNES La suite du verset est d’ailleurs très explicite, si nous le traduisons selon l’explication des maîtres : ohsgunku ,,tk uhvu – vehayou leotot oulémoadim ces luminaires “serviront de signes négatifs et de signes positifs”. Durant des millénaires, des civilisations entières se fondaient sur l’étude des bons ou des mauvais signes18, élaborant une véritable science astrale19 qui était aussi spirituelle, vouant un véritable culte à ces astres et ces étoiles, et conduisant la manière de vivre en bas selon les changements astraux en haut. Rachi, en se fondant sur Jérémie 10-2 : "les signes des cieux ne les craignez pas", nous indique que même si certains signes sont mauvais, signifiant par là que D.ieu a donné la possibilité aux astres d’influer sur le monde, nous, peuple d’Hachem, ne devons pas nous en inquiéter, car Il nous a soustraits à l’influence de ces astres et, grâce à la Torah, nous avons la capacité de ne prendre que le bon côté20. Nous voyons que les luminaires entrent aussi dans le projet divin de permettre à l’homme d’utiliser son libre arbitre en choisissant de croire en D.ieu ou en ses intermédiaires. La Torah nous apprend à ne pas avoir peur de l’existence du mal, puisque la présence du mal dans la Création fait partie intégrante du 18 En bien, moadim – dans les moments de rendez-vous, où tout le monde se rassemblait pour danser, boire et faire des fêtes puisque la conjoncture astrale était extrêmement positive, par exemple de bonnes récoltes, ou des pluies ; et en mal, otot, quand tout le monde restait chez soi en ayant peur de sortir, et où l’on ne faisait pas d’affaire et l’on attendait que l’astre passe.

19 De nos jours encore avec l’astrologie. 20 Moadim, devient aussi plus tard, nos fêtes à nous, liées elles aussi au cycle lunaire qui a une dimension positive. La date de nos fêtes n’étant pas due au hasard, mais, certes, à des conjonctures dans le cosmos, propices à des événements extraordinaires, qui se passent ensuite sur terre dans notre histoire, et nous, peuple d’Israël, en les célébrant, élevons la nature, la sublimons.

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projet divin, au point qu’il est possible d’affirmer que cette présence est même l’essentiel du projet puisqu’elle permet au libre arbitre de s’exercer. La liberté est au-dessus du Bien et du Mal et ne peut exister sans possibilité de choix, y compris de mal choisir. Poussé à l’extrême, il ne serait pas faux de dire que finalement la Création est, plus que tout, la création d’un système permettant de faire le choix du mal, car seul ce système garantit la liberté. Nous pouvons remarquer que chaque jour de la Création fait allusion aussi à un type d’homme et de comportement dans ce monde. - Il y a les "Hommes du premier jour", ceux qui, toute leur vie, seront dotés des forces du premier jour et qui, quelle que soit l’obscurité dans laquelle ils se trouvent, sont attachés au D.ieu UN21 ; Et bien, cette obscurité au lieu de les freiner, les propulse dans une proximité de D.ieu qu’ils n’auraient jamais pu atteindre sans elle. - Les "Hommes du deuxième et du troisième jour22", ne vont pas jusqu’à nier l’existence de D.ieu ni faire le contraire de ce qu’Il demande, mais font, dans certains domaines de leur vie, connaître leurs limites et refusent. Ceci en raison des deux forces représentées ces jours là : l’énergie circulaire et l’énergie linéaire Le troisième jour la terre crée l’arbre, la ligne qui, comme nous l’avons vu, est le symbole du libre arbitre et qui permet à l’homme de s’éloigner de sa source de départ. D’autant que cet arbre n’est pas, comme l’a voulu D.ieu, un arbre-fruit-fruitier mais soit un arbre sans fruit, soit un arbre-fruitier. Mais D.ieu a prévu cette révolte et pour cela Il prend la précaution de créer avant, le deuxième et le début du troisième jour, l’eau, les mers pour entourer la terre, dans un rassemblement–un cercle, l’endroit de l’Unité, où, en fin de compte, aussi loin que peut porter une révolte, l’arbre–la 21 Un rabbi sortant des camps d’Auschwitz dira à ses élèves : "pour celui qui a la émouna il n’y a pas de question, pour celui qui n’a pas la émouna il n’y a pas de réponse".

22 Nous avons vu qu’il n’y avait pas de véritable séparation entre le deuxième et le troisième jour.

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ligne, nous finissons toujours par revenir grâce au cercle–l’énergie circulaire ou énergie du retour, à l’essentiel, à D.ieu. Nous retrouvons donc dans la structuration même du monde, les règles profondes qui régissent l'histoire : La terre, avec ses montagnes et sa végétation qui s'élèvent comme la ligne et la mer qui l'entoure. Une ligne à l'intérieur d'un cercle! Mais la terre aussi, même si elle produit des lignes, est ronde, car, fondamentalement, tout revient vers le point de départ et plus la ligne s'éloigne, plus elle revient! - Les "Hommes du quatrième jour" sont ceux qui se révoltent complètement et qui disent que D.ieu n’existe pas, que le monde n’est géré que par la nature, que par les intermédiaires, la chance, la malchance, le hasard, etc… Il y a donc trois types d’Hommes sur terre, les vrais croyants – ceux du premier jour –, les croyants mais avec leurs propres limites – ceux des deuxième et troisième jours – et les révoltés qui refusent l’UN. – ceux du quatrième jour.

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4. LA GESTION DU TEMPS ohbau ohnhku – ouléyamim véchanim Nous voyons dans cette formule, qui parle des jours et des années, une autre allusion au fait que D.ieu donne aux astres le pouvoir de gérer le temps. Le rapport au temps est toujours très significatif sur la manière dont une civilisation conçoit l'existence. Les expressions comme «le temps c'est de l'argent, ou tuer le temps, ou se soumettre au temps (dans le sens de destin)» sont autant de formules permettant de se renseigner sur l'identité profonde d'un peuple ou d'une civilisation. Le temps étant marqué par les astres et les astres étant des intermédiaires se substituant à D.ieu, on comprendra alors, selon la manière de parler de ces intermédiaires, ce qu'est la relation à D.ieu. Israël est le peuple qui «sanctifie le temps», selon l'expression connue dans nos livres de prières pendant les périodes de fêtes ou le Chabbat. Sanctifier le temps signifie que nous prenons conscience que ces intermédiaires, placés volontairement par D.ieu et dotés d'une certaine autonomie, ne sont, malgré tout, que des instruments de Sa volonté, soumis en fin de compte à Sa Providence et que rien dans ce monde ne peut véritablement échapper à Son contrôle. Il laisse la possibilité de choisir et même de mal choisir, Il laisse son monde s'éloigner, mais finalement le «temps linéaire» est toujours rattrapé par le «temps circulaire» qui ramène tout à la source initiale.

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5. LES LUMINAIRES OUTILS, POUR ÉCLAIRER Verset 1-15 : if-hvhu ;.rtv-kg rhtvk ,ohnav gherc ,rutnk uhvu Et ils serviront de luminaires, dans l'espace céleste, pour éclairer la terre." Et cela fut réalisé. Lorsqu’il s’agit de la fonction d’éclairer, le mot ,rutn est écrit avec un vav, justement sans faute d’orthographe. Comme pour nous montrer qu’à présent les astres ont retrouvé leur véritable fonction et sont sortis de la malédiction qui pesait sur eux (représentée par l’absence du vav). Il est étonnant de constater aussi que ce qui aurait dû être en premier est énoncé en dernier, puisque le soleil et la lune sont avant tout des luminaires qui nous éclairent, et cette fonction qui est la plus évidente de toutes n'est pourtant mentionnée qu'à la fin du verset les concernant! En décrivant la fonction naturelle des astres seulement à la fin du verset, la Torah veut mettre en évidence qu'ils ne sont que des outils et que cette fonction est tout à fait secondaire et formelle. En d'autres termes, ils n'ont pas plus de pouvoir qu'un simple outil dans les mains de l'artisan. Malgré leur apparente autonomie, malgré la toute-puissance dont semble disposer la nature, tout n'est qu'un voile créé pour les besoins du libre arbitre. Lorsque l'homme prend conscience du rôle tout à fait secondaire des lois de la nature par rapport à celles révélées directement par le Créateur et Maître du monde au moment du don de la Torah, alors les astres – la nature – sortent de la malédiction car le monde est enfin guéri de l'idolâtrie. La Torah choisit cet ordre-là, car son but véritable et principal est de nous délivrer des messages nous permettant de comprendre ce que D.ieu attend de nous dans ce monde qu’Il a créé et dans lequel Il nous a placés. 128 - La création et son secret