La colère des Marseillais toujours à l'ordre du jour

Corot ont été relogées, seules. 10 familles ont effectivement signé un bail pour un reloge- ment… Une goutte d'eau com- parée aux 193 immeubles éva-.
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jeudi 20 décembre 2018 / La Marseillaise

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L’ÉVÉNEMENT

La colère des Marseillais toujours à l’ordre du jour MOBILISATION Pour l’ouverture du conseil municipal, sinistrés, associations et collectifs se mobilisent en nombre ce matin devant l’hôtel de ville. Jean-Claude Gaudin les a reçus, mardi, tentant d’apaiser la colère.

D

e l’aveu de tous les participants, la scène est inédite. Ce mardi, JeanClaude Gaudin, la voix tremblante, le visage marqué par l’émotion, exprime son accablement suite au drame du 5 novembre qui a causé la mort de huit personnes. Adjoints et conseillers municipaux se tiennent serrés autour du patriarche : Yves Moraine, LaureAgnès Caradec (urbanisme), Patrick Padovani (Hygiène et Santé), Julien Ruas (prévention des risques) ou encore Arlette Fructus (logement). 45 jours après le drame, le maire, élu sans discontinuer depuis 1995, a finalement reçu les associations de défense des sinistrés : collectif du 5 novembre, un Centre-ville pour tous, la Fondation Abbé Pierre, l’association des sinistrés de la rue d’Aubagne et l’Ampil. Une première depuis le 5 novembre. « S’il jouait la comédie, il a été excellent. On le connaissait Pagnolesque, on l’a découvert dans un registre dramatique »,

Rassemblés le 10 décembre dernier, date initiale du conseil municipal, les Marseillais se réunissent à nouveau ce matin, un mois et demi après le drame de la rue d’Aubagne. PHOTO M.RI.

raconte Fathi Bouaroua, du collectif du 5 novembre. « En 40 ans, je ne l’avais jamais vu comme ça », ajoute-t-il. « Nous sommes conscients qu’il y a un problème avec l’habitat indigne. Nous n’avons pas fait assez dans ce dossier », a-t-il confessé. Avant de lâcher : « S’il y a un responsable pénal, ça sera moi ». « Visiblement, cette histoire le déstabilise complètement », détaille Patrick Lacoste, d’un Centre-ville pour tous. Un mea culpa tardif. Après

trois manifestations réunissant plus de 10 000 personnes sous ses fenêtres, le premier magistrat de la ville a tenté, avec cette rencontre, d’apaiser les tensions au moment où tous les collectifs opposés à sa politique se rassemblent, ce matin, devant le conseil municipal. Collectif anti-PPP pour les écoles, Assemblée de la Plaine, collectif du 5 novembre, un Centre-ville pour tous, Emmaüs Pointe-Rouge : la mobilisation s’annonce inédite. Le maire

semble vouloir limiter la casse après un mois de gestion calamiteuse marquée par les évacuations abusives, les arrêtés de péril non publiés ou les dossiers perdus.

Des promesses qui restent à concrétiser

Face à cette situation, la mairie veut assurer de son volontarisme. « Pour éviter toute nouvelle polémique, ils nous ont assuré qu’ils prenaient en charge tous les frais des relogés. Ils pren-

nent le maximum de précautions, même si ça coûte des sommes folles à la collectivité », décrypte Fathi Bouaroua. Et Jean-Claude Gaudin n’a pas lésiné sur les annonces. Production d’un véritable diagnostic de l’habitat indigne, demande de déclaration de « sinistre exceptionnel » au gouvernement, droit au retour pour les délogés, permis de louer et même encadrement des loyers grâce à la loi Alur. « C’est bien le problème, il ne s’agit que de promesses. Il n’y a eu aucun procèsverbal, aucun engagement écrit », précise Fathi Bouaroua. « Rien sur les mesures ségrégatives du logement à Marseille. Le nouveau Plan local d’urbanisme que la Ville veut adopter ne prévoit aucune contrainte de production de logement social, c’est tout pour les promoteurs ! », s’exclame Patrick Lacoste. C’est pour s’assurer que ces annonces ne restent pas lettre morte, que les collectifs de citoyens et les associations seront présents ce matin devant le conseil municipal. « On vérifiera que les promesses seront tenues », précise Florent Houdmon, directeur Paca de la Fondation Abbé Pierre. « On est présent pour rappeler les responsabilités des uns et des autres, nous maintenons la pression », explique Fathi Bouaroua. Les élus bunkerisés dans une assemblée ultra-sécurisée sont prévenus. Marius Rivière

Pour les délogés, la galère continue RELOGEMENT 45 jours après le drame de la rue d’Aubagne, la galère continue pour les 1 604 délogés des taudis marseillais. Les solutions de relogement se font attendre à la veille des fêtes. e fais que pleurer, ça fait plus J d’un mois que je suis à l’hôtel, je ne peux toujours pas me

faire à manger et on me refuse toujours un logement ». À l‘image de Nadira, évacuée du 38, bd Philippon, la galère continue pour les 1 604 sinistrés des taudis marseillais. Hier, la mairie a organisé un repas de Noël à Venelles. « Ils feraient mieux de nous retrouver un logement plutôt que d’affréter des bus pour Venelles », tance Nadira. Depuis la publication de l’arrêté de péril de son immeuble, le 11 décembre der-

38, Bd Philippon : des locataires vont réintégrer leur logement. PHOTO M.RI.

nier, sa propriétaire a pris en charge les frais d’hôtel de tous les locataires. Tous ont porté plainte contre elle pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Les travaux pour remettre le logement aux normes sont engagés. « Il ne s’agit que du péril.

Pour l’insalubrité, c’est à nous de négocier avec la proprio ensuite », ajoute-t-elle. En matière de relogement, c’est désormais l’association Soliha Provence qui a la main après la signature d’une convention liant l’État, la Ville et

l’association. « La Soliha accueillera à titre temporaire les ménages identifiés et dont le logement est temporairement ou définitivement interdit d’occupation par arrêté de police spéciale du maire ou du préfet en matière d’habitat », décrit la mairie.

1 604

Un relogement pénible

personnes ont pu regagner leur logement.

Depuis, impossible de connaître le nombre de relogements effectifs. La Ville, qui communiquait le nombre de baux signés dans son communiqué quotidien a cessé de le faire depuis le 12 décembre. Ce jour-là, les services de la mairie recensaient 34 relogements définitifs et 6 relogements temporaires. Sachant que 30 familles habitant le bâtiment A du parc Corot ont été relogées, seules 10 familles ont effectivement signé un bail pour un relogement… Une goutte d’eau comparée aux 193 immeubles évacués depuis le 5 novembre… M.Ri.

personnes sont actuellement évacuées d’immeubles en arrêté de péril selon le dernier décompte effectué par la Ville.

171 34

baux définitifs ont été signés en vue d’un relogement définitif, selon les derniers chiffres donnés par la mairie.