Je te pardonne, mais... (extrait) - Vie et Santé

Papa n'avait qu'une seule qualité, c'était son adoration pour Maman, et cet amour le sauva littéralement plus d'une fois. Pourtant, à l'époque, je refusais de ...
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Traduit du livre I forgive you, but… Paru en 2010 aux Editions Pacific Press Publishing Association. ISBN : 0816393079

Copyright © 2015 Éditions Vie et Santé 60, avenue Émile Zola 77190 Dammarie-les-Lys, France www.viesante.com Tous droits de reproduction totale ou partielle et de traduction réservés. ISBN (Livre) : 978-2-85743-440-5 ISBN (eBooks) : 978-2-85743-441-2 Mise en page et corrections : IS Edition Traduction : Pascale Monachini Illustration de couverture : Shutterstock

L'auteur assume toute la responsabilité pour l’exactitude de tous les faits et des citations exposés dans le livre. Sauf mention contraire, les citations bibliques sont empruntées à la version Bible à la Colombe© 1978 – Société Biblique Française.

Lourdes E. MORALES-GUDMUNDSSON

JE TE PARDONNE, MAIS... On sait qu'il le faut, mais pourquoi est-ce si difficile ?

DÉDICACE

À Rafael Casimiro Morales, mon père, qui m’a enseigné les premières et plus durables leçons de pardon. À Carmen López Morales, ma merveilleuse, résistante, et pourtant tendre mère, qui s’est toujours occupée de Papa et moi. À Reynir, Carmen et James, ma petite famille, sans l’amour et le soutien de laquelle je n’aurais pas pu tenir mes promesses de pardon.

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REMERCIEMENTS

Ce livre qui a été si long à élaborer est le produit de la contribution de nombreuses personnes. Je remercie tous les dirigeants d’églises, de fédérations, et du ministère des femmes qui ont cru en mon ministère de pardon et m’ont invitée à présenter mes séminaires dans leurs communautés : Larita Burrows Alford (Bermudes) ; Sharon Cress (Conférence générale) ; Erna Johnson (Australie, Tahiti) ; mon amie d’enfance, Marie Elizabeth Mahikoa (Hawaii) ; Leonard et Rita Westphal (Brésil) ; et le pasteur Keith Mulligan (Ceres, Californie), pour n’en citer que quelques-uns. Je suis profondément reconnaissante à tous les hommes et femmes qui ont suivi mes séminaires au cours des années, qui ont partagé leur histoire avec moi et m’ont aidée à mieux comprendre le potentiel de guérison du pardon. Je tiens également à remercier Roger Morton, responsable de Quality Life Seminars (Séminaires Qualité de la vie), qui m’a permis d’enregistrer mes séminaires en vidéo et DVD. Qu’aurais-je pu faire sans mes amis et collègues de La Sierra University, qui m’ont donné des livres et articles, dont beaucoup sont cités dans cet ouvrage ? Un

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grand merci à Iris Landa pour tous les livres et cassettes sur le pardon qu’elle a partagés avec moi. Toute ma reconnaissance va à Lawrence Geraty (président de La Sierra University), Frederic Luskin (Stanford Forgiveness Project), Douglas Morgan (Columbia Union College et Adventist Peace Fellowship), Daniel Smith-Christopher (Loyola Marymount University), George Knight (Andrews University) et Everett L. Worthington Jr. (Virginia Commonwealth University), qui ont pris le temps de lire mes manuscrits et de m’exprimer leur soutien. Pat Habada (TEAM) fait aussi partie des personnes par l’intermédiaire desquelles j’ai été bénie, par sa clairvoyance alors que je bataillais pour l’élaboration de ce livre. Elle m’a aidée à comprendre comment recentrer cette étude. Merci Pat ! Enfin, j’aimerais remercier du fond du cœur Russell Holt, Nicole Batten et Bonnie Tyson-Flyn de Pacific Press, qui ont collaboré avec moi pour assurer la grande qualité du produit fini.

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TABLE DES MATIÈRES COMPLÈTE

Dédicace....................................................................................4 Remerciements..........................................................................5 Préface.......................................................................................9 Introduction.............................................................................18 Comment le pardon guérit une blessure...................................24 Chapitre 1 : Anatomie d’une offense............................................25 Questions pour la réflexion..........................................................38 Chapitre 2 : Qu’est-ce que le pardon ?.........................................41 Questions pour la réflexion..........................................................69 Chapitre 3 : Pourquoi le chrétien doit-il pardonner ?...................71 Questions pour la réflexion..........................................................86

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Ce que la Bible enseigne sur le pardon.....................................88 Chapitre 4 : Douze principes bibliques concernant le pardon.....89 Questions pour la réflexion........................................................138

Sur le chemin du pardon........................................................140 Chapitre 5 : De la rancune au pardon........................................141 Questions pour la réflexion........................................................173 Chapitre 6 : Tenir au long cours la promesse de pardon.............174 Questions pour la réflexion........................................................209

Pardon et prière.....................................................................211 Chapitre 7 : La prière, la clé du pardon.....................................212 Questions pour la réflexion........................................................224

Appendice : Prières de pardon...............................................225 Œuvres citées.........................................................................227 Œuvres consultées.................................................................234

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PRÉFACE

Cela vous est-il déjà arrivé ? Vous croyez avoir pardonné une personne et avez chassé toute la situation de votre esprit, mais voilà que tout cela « remonte », à l’occasion d’une simple conversation avec un ami, ou dans ces moments où l’on voit tout sous le plus mauvais angle. Vous vous sentez mal parce que vous pensiez vraiment avoir remporté cette victoire… Pourtant, vous ruminez de nouveau ce que cette personne vous a fait, ce que vous avez ressenti, et comment cela a affecté votre vie. Et pour compliquer le tout, vous vous souvenez : Mais… Je suis chrétien ! Ce livre s’adresse aux chrétiens qui ont besoin de pardonner, ou qui ont pardonné, mais… En d’autres termes, il est destiné aux chrétiens qui croient que le pardon est un élément essentiel de leur cheminement spirituel, mais qui ne comprennent peut-être pas ce qu’il est réellement, et qui semblent ne pas réussir à dépasser une profonde blessure : la trahison d’un conjoint, un ami intime qui coupe les ponts, un oncle qui a abusé de vous durant l’enfance, un membre d’église qui ne vous rend pas l’argent qu’il vous doit...

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Pour tenir une promesse de pardon, il est fondamental de comprendre ce qui se passe quand on est blessé par quelqu’un ; ce qu’est le pardon et ce qu’il n’est pas ; le lien entre le pardon et de nombreuses questions qu’il faut affronter, avant ou après avoir pardonné. Vous trouverez dans les pages suivantes les réponses à ces questions : Qu’est-ce que le pardon ? Pourquoi doit-on pardonner ? Comment parvenir au point où l’on est disposé à pardonner ou à pardonner encore ? Pourquoi est-il si difficile de dépasser certaines offenses ? Est-ce que le fait d’oublier peut aider à pardonner ? Est-ce que le désir et la recherche de justice signifient que l’on n’a pas pardonné ? Enfin, et ce sont les plus importantes, ce livre traite des questions suivantes : Comment avoir la certitude que l’on a pardonné ? Quand on est certain d’avoir pardonné, comment tenir sa promesse ? Depuis presque vingt ans, je présente mon séminaire « Je te pardonne, mais… », et les rencontres que j’y ai faites ont été source de révélation pour moi. Aux États-Unis et en dehors, en m’adressant à des assemblées adventistes, ou lors de retraites spirituelles pour les femmes ou les familles, j’ai toujours constaté que ce thème a la capacité de toucher profondément les gens et d’ouvrir la porte à la réforme de soi et à la réconciliation. Personnellement, j’ai pu en mesurer pleinement la valeur au cours de nombreuses rencontres douloureuses avec mon père, rencontres qui m’ont contrainte à affronter mon propre problème avec le pardon. Ma relation avec mon père – artiste talentueux, homme qui subvenait responsablement aux besoins de la famille, mari follement épris de son épouse, mais père absent de notre vie jusqu’à son grand âge – a toujours été pour moi source de culpabilité. En grandissant,

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mes frères et moi avons su qu’il avait grandi dans un foyer brisé, que son père était absent de sa vie, qu’il n’appartenait à aucune église et ne croyait pas en la religion organisée. Pourtant, je ne parvenais pas à comprendre son choix de vivre loin de sa famille pendant toute la semaine, et de se montrer d’une humeur massacrante lorsqu’il revenait le week-end. Il semblait toujours avoir envie que ses enfants disparaissent. Je n’appréciais pas qu’il refuse de participer à notre vie d’église et aux cultes de familles, quand nous étions enfants. En même temps, j’étais soulagée qu’il passe si peu de temps avec nous, puisqu’il se montrait si désagréable. Papa se joignit néanmoins à l’église quand il prit sa retraite, sachant que Maman y avait sa vie, et que s’il voulait passer du temps avec elle, il fallait qu’il fréquente la communauté. Si Papa n’avait qu’une seule qualité, c’était son adoration pour Maman, et cet amour le sauva littéralement plus d’une fois. Pourtant, à l’époque, je refusais de considérer sa décision d’être baptisé autrement que comme une conversion de convenance, et une stratégie supplémentaire de manipulation. Il avait l’habitude de se montrer agréable uniquement quand il avait besoin de nous. Raúl était son préféré lorsqu’il avait besoin que quelqu’un lui achète du café à l’insu de Maman (il faut préciser à sa décharge que le café était son seul vice). J’étais sa favorite quand il voulait se vanter des résultats scolaires de ses enfants. Prenant conscience que c’était une bonne manière de gagner l’approbation de mon père, mon frère Ralph reprit ses études et obtint un doctorat en intendance pour les hôtels et hôpitaux. Malheureusement, cela ne suffit pas à améliorer sa relation avec notre père qui, ayant lui-même la peau foncée, méprisait le seul de ses enfants qui avait la même couleur de peau que lui. Ralph avait aussi des manières un peu efféminées que nous attribuions tous à une homosexualité latente, et cela n’arrangeait pas

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la situation. C’est seulement récemment, après quarante ans de mariage heureux avec Elsa, l’amour de sa vie, que Ralph découvrit que tous ces symptômes étaient dus en réalité à une anomalie génétique rare, le syndrome de Klinefelter1. Vivre loin de nous était pour Papa une façon de faire face à tout cela, et il devint encore plus distant quand Tito, notre frère aîné qui se préparait à l’époque à étudier la médecine à l’Université de La Sierra, commença à avoir des comportements bizarres, et qu’on diagnostiqua chez lui une schizophrénie. Alors que les crises physiques et sociales de Ralph étaient presque quotidiennes, qu’il fallait le conduire chaque semaine à l’hôpital pour ses traitements, et que je souffrais moi-même de graves allergies alimentaires qui me causaient des bronchites à répétition, notre courageuse mère n’avait pas un instant de répit. J’en voulais à mon père de la laisser affronter seule toutes les difficultés, avec plusieurs enfants malades. Le changement dans ma relation avec mon père se produisit quand nous vivions à Porto Rico. Mon mari Reynir et moi avions accepté des postes d’enseignement à l’Université adventiste des Antilles. Mes

1. Selon l’Encyclopédie médicale : (http://www.nlm.nih.gov/medlineplus/ency/article/000382.htm) Le syndrome de Klinefelter est une anomalie génétique touchant un nouveauné de sexe masculin sur 500 à 1000. Les personnes qui naissent avec ce syndrome possèdent au moins un chromosome X surnuméraire. Les garçons possèdent normalement les chromosomes sexuels XY, et les filles XX. Les garçons atteints du syndrome de Klinefelter ont une combinaison XXY. Cette anomalie cause un retard pubertaire, une infertilité, une diminution de la pilosité et de la libido, et une croissance des seins. Les enfants atteints de ce syndrome ont souvent des difficultés d’apprentissage et de langage (retard dans la parole, la lecture, l’écriture). Quand Ralph était enfant, on disposait de peu d’informations sur ce syndrome. On sait aujourd’hui qu’il existe des traitements permettant aux personnes qui en sont atteintes de mener une vie normale.

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parents avaient consenti à venir habiter chez nous pour nous aider à nous occuper de notre fille Carmen, qui était encore en bas âge, le temps que j’achève ma thèse. Je n’ai jamais vu mon père aussi heureux que pendant ces années qu’il a passées avec nous, dans cette grande maison de style espagnol ancien que nous louions pour une somme dérisoire à une riche famille portoricaine. Maman s’occupait de la cuisine et Papa assurait l’entretien de la propriété, tondant la grande pelouse et s’occupant des dix-huit manguiers, goyaviers, mandariniers, caroubiers et de la petite bananeraie. Quand il n’était pas sur la propriété, Papa montait dans son atelier d’art, qui s’ouvrait sur une grande terrasse courant tout le long de la maison et soutenue par d’élégantes colonnes ioniques. En un certain sens, il me semblait avoir donné à mon père ce qu’il n’avait jamais eu auparavant – le don de la beauté et de la paix. À son tour, il m’offrait non seulement de l’aide à la maison pendant que je poursuivais mon objectif, mais également la satisfaction de le voir enfin profondément et réellement heureux. Il me semblait néanmoins qu’il me devait une explication pour toutes ces années d’abandon. Il est vrai qu’il avait eu une enfance difficile, aidant sa mère à gagner seule leur vie dans son Venezuela natal. Je me sentais coupable de faire resurgir le passé durant cette période paisible où il était heureux, peut-être pour la première fois de sa vie. J’avais cependant l’impression que si je ne parvenais pas à lui arracher des excuses maintenant, je ne le pourrais plus jamais. Par un bel après-midi, après avoir prié pour cet entretien, je montai dans la chambre de mes parents et commençais à bavarder de façon informelle avec eux. J’en vins à exprimer la souffrance due à l’absence de Papa pendant notre enfance et adolescence. Maman gardait le silence, et nous attendions toutes les deux la réaction de mon père. Il ne dit rien pendant quelques instants, mais je voyais son

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visage tendu. Il finit par exploser : N’avait-il pas travaillé assez dur pour ses enfants ? N’avions-nous pas reçu une éducation chrétienne grâce à son travail difficile ? J’étais bien ingrate de le lui reprocher ici, alors qu’il était là, maintenant, pour me permettre de terminer mon doctorat ! Sans répondre un mot, je me levai, quittai la pièce et descendis. Bizarrement, cette expression des difficultés de mon père vis-à-vis de sa famille eut un effet libératoire pour moi. Il ne s’était jamais permis cette honnêteté, mais cela n’effaçait pourtant pas la souffrance qu’il m’avait infligée. Je m’enfermai dans mon bureau et laissai libre cours à mes larmes. Je ne sais pas combien de temps je restai là, mais soudain, on frappa un coup hésitant à la porte. C’était mon père qui demandait la permission d’entrer. Quand il s’approcha, je vis ses yeux rouges, et compris qu’il avait pleuré lui aussi. Je crois que Papa n’avait jamais pris conscience de la façon dont sa propre colère contre son père avait affecté sa relation avec ses enfants. Aujourd’hui, je suis convaincue que Maman, seule avec lui dans leur chambre baignée de la douce lumière tropicale, l’a gentiment aidé à comprendre que mes frères et moi avions des raisons de lui en vouloir. Je me levai et nous nous sommes embrassés longuement, laissant la souffrance mutuelle de si longues années couler le long de nos joues. Mon père murmura seulement « Je regrette », et je ne pus que lui répondre « Oh, Papa, je regrette aussi ». C’était le début d’un long cheminement vers le véritable pardon, qui me permit de considérer mon père comme un enfant malheureux et abandonné par son père volage, un garçon et un homme qui était resté proche de sa mère, puis de son épouse, prenant fidèlement soin d’elles, un artiste brillant dont le talent avait été refoulé par de nombreuses craintes et une médiocre estime de

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soi. Tout cela l’avait empêché de réaliser le rêve que son potentiel aurait rendu possible. Plusieurs années plus tard, j’eus le privilège de prendre soin de mes parents pendant leurs dernières années de vie, et je pus le faire avec un sentiment profond et réel de reconnaissance, parce que j’avais fait la paix avec Papa auparavant et que nous pouvions tous deux bénéficier des bienfaits du pardon. Comment aurais-je pu imaginer que cet entretien douloureux, mais bénéfique, avec mon père serait le point de départ d’un long et fructueux cheminement de découvertes sur l’un des piliers les plus fondamentaux de la foi chrétienne ? En effet, n’est-ce pas grâce au pardon de Dieu que je peux être réconciliée avec lui ? N’a-t-il pas pris l’initiative de me pardonner avant même que je le désire ? Ma compréhension du pardon m’a libérée du tourment émotionnel qui m’aurait minée, et m’a permis de considérer mon père comme l’homme parfois obstiné, mais pourtant honorable, loyal et aimant qu’il était. Rares sont ceux qui n’ont aucun problème, aucune question concernant le pardon. Ce livre a pour objectif de vous aider à satisfaire l’engagement à long terme requis par le pardon. L’affirmation du pardon implique la compréhension de plusieurs éléments : – ce qu’est le pardon et ce qu’il n’est pas ; – l’importance que la Bible donne au pardon et pourquoi ; – la raison pour laquelle il vaut la peine de respecter l’engagement à long terme du pardon (pour soi et pour l’offenseur) ; – en quoi le fait de connaître la « vérité » ouvre la porte à l’empathie et au pardon ;

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– la façon de se confronter dans la grâce, si besoin, de façon à ce que la négociation du pardon soit acceptable pour chacune des deux parties ; – en quoi la repentance et la confession contribuent à la santé mentale et physique ; – quel est le rapport entre la justice et le pardon ; – en quoi la mémoire contribue à nourrir la colère ou le pardon ; – le pardon est un choix quotidien qui peut être efficacement favorisé en restant mentalement dans le présent, grâce à la prière. Plus important encore, ce livre a également pour objectif de rendre la décision de pardonner durable sur le long terme. Même quand on réussit à faire le choix rationnel et émotionnel de pardonner, il faut réussir à tenir sur la durée. Que se passe-t-il si la personne réitère son offense ? Existe-t-il des conditions à réunir pour être certain de tenir une promesse de pardon ? À quel moment avons-nous assez pardonné ? Existe-t-il des limites au pardon ? Cet ouvrage constitue également un mini manuel de paix intérieure. Historiquement, les religieux ont recherché la paix intérieure au moyen de la méditation et de l’expérience mystique, loin du vacarme du monde et de ses conflits. Grâce au pardon, on peut obtenir cette paix au cœur même du bouleversement et même de la guerre. Quand Jésus promet sa paix, il la distingue de la paix éphémère que le monde procure : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Moi, je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne s'alarme pas » (Jean 14.27). La paix vient quand nous croyons réellement que Dieu nous a pardonné, quand nous confessons nos fautes et faiblesses, à lui, et les uns aux autres.

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Je prie pour que les réponses fournies ici, tirées de l’Écriture et de la vie quotidienne, contribuent à vous apporter cette paix intérieure. Lourdes Morales-Gudmundsson Riverside, Californie.

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INTRODUCTION

« Le pardon est le parfum que la rose laisse sur le talon qui la piétine. » Anonyme

Récemment, en passant en revue plusieurs livres traitant du pardon, j’ai trouvé plus de neuf cents entrées, uniquement sur le site d’Amazon. Le pardon est devenu sujet de recherches scientifiques et de myriades de livres et articles, dans toutes sortes de journaux et magazines, même populaires. Pourquoi cet intérêt pour le pardon ? Il apparaît que le nombre de livres sur ce sujet croît proportionnellement à l’augmentation des conflits dans notre société et notre monde. La conviction que les traditionnelles réponses violentes aux agressions – qu’elles soient personnelles ou collectives – ne sont pas adaptées est de plus en plus présente. Des concepts tels que la justice réparatrice, par exemple, suggèrent que les résultats de la justice punitive ne nous satisfont pas. Les détenus sortent souvent de prison avec plus de

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colère et de désir de vengeance que lorsqu’ils y sont entrés. De nombreuses preuves basées sur l’expérience démontrent que le pardon n’est pas seulement une bonne action religieuse, mais qu’il est également bénéfique pour la santé mentale et physique. Plus spécifiquement, pourquoi les chrétiens adventistes doivent-ils particulièrement s’intéresser à ce sujet ? Ce que Marc Galli, rédacteur en chef de la revue Christianity Today, écrit aux évangéliques en général s’applique également aux adventistes : « Les protestants devraient s’intéresser davantage à l’éthique, parce qu’elle est essentielle à l’Écriture, et que nous avons tendance à la négliger en comparaison, par exemple, avec notre intérêt pour la croissance de l’Église, l’évangélisation, les missions et la doctrine » (Galli, 8). Dans son éditorial, Marc Galli ajoute que la « mollesse morale » qui caractérise l’Église d’aujourd’hui permet bien peu de distinguer ses membres du monde, dans leurs attitudes et comportements. Pour lui, le défi éthique majeur de l’église actuelle est de « développer une moralité plus rigoureuse et réfléchie, correspondant à la rigueur et la réflexion de notre travail doctrinal et exégétique ». Bien que Marc Galli fasse référence à la question de la torture, on peut facilement appliquer son affirmation au pardon. C’est peut-être parce qu’il fait appel à la mise en pratique de valeurs personnelles que l’on voit si peu dans le monde extérieur, que j’ai déjà entendu un membre d’église remarquer qu’au cours du temps, le pardon n’a pas été considéré comme une priorité dans l’Adventisme, au même titre que la croissance de l’église, l’évangélisation ou même l’habillement à l’église. Pourquoi en est-il ainsi ? Tout d’abord, le pardon nécessite une sorte de vulnérabilité qui implique des risques publics. La repentance, la confession, l’empathie – qui font tous partie du

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processus de pardon – signifient qu’une personne a mal agi contre une autre. Peu de gens, et en particulier les chrétiens, aiment faire connaître publiquement leurs erreurs morales. Le pardon implique aussi des risques personnels. Que se passera-til si vous pardonnez votre conjoint infidèle et qu’il vous trahit à nouveau ? Que se passera-t-il si vous pardonnez ce collègue calomniateur qui vous fait mal voir par votre hiérarchie et risque de vous faire perdre votre emploi ? La plupart des gens préfèrent enterrer ces questions inconfortables. Après tout : « Pardonne et oublie ! ». Pourtant, il n’y a pas moyen d’y échapper : pour les chrétiens, le pardon est un impératif moral, pas une simple question doctrinale ouverte au débat. La façon dont nous observons le sabbat, la conviction de l’importance d’être végétalien ou ovo-lacto-végétarien sont des questions ouvertes au débat – au moins pour certains. Même les sujets théologiques comme le jugement investigatif ou la question de la foi par rapport aux œuvres peuvent faire l’objet de discussion. En revanche, le pardon est un impératif moral incontournable et indiscutable. Comment contester le fait que Dieu a institué le christianisme et le plan du salut sur la base d’un acte de pardon, le tout premier acte de pardon chrétien ? Ce premier acte de la grâce divine se trouve au cœur même de la religion chrétienne. Sans cet acte d’amour que nous n’avions pas demandé, face au rejet de Dieu par ses créatures – l’homme et la femme –, il n’y aurait pas de religion chrétienne, pas de Jésus-Christ accomplissant le sacrifice nécessaire à notre pardon. Le salut, le discipulat, le sabbat et tout ce à quoi nous donnons de l’importance en tant qu’adventistes seraient totalement inutiles. Nous existons parce que Dieu nous a donné la

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vie à la création, et alors que nous aurions dû mourir, il nous offre une vie nouvelle par le pardon sur la croix de notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ. Le mandat du pardon est si essentiel à notre foi que l’ignorer revient à ignorer notre propre salut. Nous pardonnons parce qu’étant pardonné, notre pardon est un acte de gratitude pour ce que nous avons reçu, et continuons à recevoir gratuitement. J’ai découvert que le pardon est le véhicule qui transmet la religion que je professe au monde dans lequel j’évolue, et qui témoigne de son authenticité. Il pénètre au plus profond de mon humanité, et a le pouvoir de révéler la lumière que Dieu a placée en chaque être humain vivant sur cette planète (voir Jean 1.4). C’est cette lumière, obscurcie par l’égoïsme et l’orgueil, qui est ravivée par le pardon de Dieu et qui, pratiquée par les chrétiens, peut illuminer l’opacité des relations les plus gravement détruites. En tant qu’Adventistes, nous croyons vivre les derniers jours de l’histoire du monde. Notre passion pour l’évangélisation provient de cette conviction. Pourtant, nous ne nous rendons pas compte que nous sommes aussi appelés à traiter les conflits qui nous entourent, dans les familles et les nations, grâce aux principes salvateurs du pardon qui peuvent ouvrir la voie à la propagation de l’Évangile. Il arrive que nos propres enfants restent hermétiques à l’Évangile, uniquement parce que notre cœur est dur et réticent à pardonner. Les chrétiens peuvent-ils ignorer ces principes à l’époque où nous vivons ? Notre prédication peut-elle éviter la centralité de cette doctrine chrétienne fondamentale qui ne s’applique pas seulement à la réconciliation entre les pécheurs et Dieu, mais aussi à la réconciliation entre les pécheurs eux-mêmes ?

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Comme vous le savez sans doute par expérience personnelle, pardonner n’est pas facile. Tout d’abord parce que cela exige une introspection profonde et honnête, afin de découvrir notre vulnérabilité et nos erreurs. Ensuite, parce qu’au contraire des appareils électroménagers que nous pouvons acquérir, le pardon ne donne aucune garantie si les choses se passent mal. Il ne nous assure pas que nous ne serons plus victimes de l’égoïsme d’un autre. Alors, pourquoi pardonner ? Comme nous le découvrirons, notre Dieu aimant nous invite à pardonner. Nous ne sommes jamais plus misérables que quand nous refusons notre pardon, et jamais plus heureux que quand nous le donnons. Autant la haine est profondément enracinée dans notre caractère humain, autant l’amour peut l’être dans notre psyché, et même plus encore. Lorsque l’injustice barre le chemin de l’amour, nous remontons ce chemin pour construire le pont du pardon. Même toutes nos recherches de justice sont des tentatives pour ouvrir de nouveau la route à l’amour, car sans amour, nous mourrons de mille façons. Bien qu’il soit central et essentiel à notre foi et notre existence, le pardon reste l’une des vertus chrétiennes les moins comprises. C’est la raison pour laquelle ce livre s’ouvre en essayant de faire comprendre ce qu’est une offense, ce qu’elle cause dans la psyché humaine, et comment le véritable pardon agit pour guérir l’esprit humain blessé. La deuxième partie est une étude biblique qui peut aider les chrétiens à comprendre combien la notion de pardon a été négligée, et à quel point il est important de lui rendre sa place centrale dans notre vie personnelle et collective. La dernière partie traite spécifiquement des différentes étapes qui jalonnent successivement la route du pardon. Le livre se conclut par

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un chapitre sur la prière, le moyen par lequel nous serons fidèles à notre promesse de pardon. Nous ne gagnerons certainement pas une médaille pour avoir pardonné à un parent négligent ou un conjoint infidèle. Néanmoins, sur le long terme, c’est cette décision apaisée et intime de laisser aller l’autre sans lui infliger ce qu’il mériterait qui nous identifiera comme les authentiques fils et filles de Dieu. Cela produira plus de joie dans le ciel que mille baptêmes !

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