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LE DEVOIR. SAMEDI. 2 SEPTEMBRE 1967

Arts et lettres

Un grand écrivain soviétique:

ISAAC BABEL

Ehrenbourg est mort l' est des suites ft une faiblesse cardiaque, quest mort flya Eh renbourg Le célébré écrivain so­ viétique était tombe malade il y a dix jours a son domicile mosco­ vite 8 rue Gorki non loin du Kremlin Jeudi en fin d'aprèsmidi. l étal de lécrivain empi­ ra et malgré tous les soins pro­ digués par les médecins qui étaient a son chevet le coeur du malade céda I.a date des obsèques n a pas encore été fixée, mais la secré­ taire de I écrivain pense qu elles pourraient avoir lieu lundi Né en 189! a Kiev, flya Ehren­ bourg d ascendance Israélite participa a Moscou au premier mouvement révolutionnaire de 1905, alors qu il était étudiant au premier gymnase de Moscou Expulsé du lycée puis arrête il est relâché avant de passer en ju­ gement et émigré finalement a Pans en 1908 Il restera en France iusou a la Révolution de 1921 â 1936, il est l'envoyé spécial des Izvestia a Paris Il est fixe a Paris lorsque I invasion et l'occupation de la Fran ce en 1940 lui lonl regagner H RSS Commence alors pour lui une carrière journalistique puis littéraire et publique, d ou naî Iront des oeuvres qui, unique­ ment pour I I’RSS, seront éditées à neuf millions d exemplaires en trente langues Prix Staline en 1942 puis Le nine en 1952. Il y a Ehrenbourg. au faite de la gloire, n en avait pas moins maintenu, et jusqu à sa mort, une attitude souvent non-conformiste et était resté un écrivain h part \ Son indépendance de jugement lui valut â plusieurs reprises, au cours de la période khrouchtchévienne d'etre dénonce par fois avec vigueur, et de connaî­ tre des disgrâces Préfaçant lui même la derniè­ re partie de ses souvenirs, in­ titules Les gens les années la vie II y a Ehrenbourg avait pa ru prévoir, il y a quelques semai­ nes a peine sa fin prochaine. Je me souviens que. dans mon en lance, un mendiant auquel ma mè­ re faisait l'aumône lui dit "La pauvreté, madame, est une va cherie On pourrait en dire au tant de la vieillesse

par Nairn Kattan En 1939. lu police stali­ nienne arrêtait Isaac Babel Deux ans après, a une date in connue, il mourait, probable­ ment fusilé. D'ailleurs, au cours des dix dernières années de sa vie. Babel avait prati­ quement disparu de la circula­ tion. Sa carrière littéraire de très courte durée, fut des plus fulgurantes Issu d une famille juive d'Odessa, garçon bril­ lant et chétif Babel se rallie au mouvement communiste en 1916 II fait la connaissance de Maxime Gorki Celui-ci lit ses premiers écrits, lui donne des conseils et l’encourage for­ tement En 1920, Babel entre dans l'Armée Rouge. I! ra­ conte ses experiences de com­ battant dans son recueil de ré­ cits Cavalerie Rouge Ses nouvelles paraissent dans les revues II est fortement atta­ qué. On lui reproche de peindre avec des couleurs sombres la nouvelle société communiste Ce n'est qu'en 1954. après la mort de Staline, que le Col­ lege Militaire de la Cour Su­ prême réhabilite Isaac Babel. On fait paraître un choix do ses écrits II y a quelques années paraissait, en traduction (ran çaise "Cavalerie Rouge” et le lecteur francophone a mainte­ nant I avantage de lire ses "Contes d'Odessa" suivis de ses nouvelles On comprend que les fonc­ tionnaires staliniens de la cul­ ture ne l'aient pas trouvé de leur goût C'est un révolution­ naire mais qui ne dépeint pas la vie en rose [fans la première partie de ce recueil, il évoque la vie d’Odes­ sa L’on sait que le tiers de

reux, compréhensif mais ti taut que révolution se fasse Une femme se présente devant lui et lui demande: " Juge, que deviendront les putains?.. Osmolovsky releva son visage où se reflétait une flamme ridée. -Elles disparaîtront -On les laissera vivre ou non0 -Oui, dit le juge, mais leur vie sera différente, meilleure la femme fixa I angle d'un regard absent. Ensuite, elle toucha le collier qu elle por­ tait sur la poitrine -Merci pour vos bonnes pa­ roles...." Dans une autre nouvelle La fin de l’hospice des vieillards". Babel relate l’ultime révolte des infirmes et des personnes âgées qui attendent la mort D’ailleurs, leur hospice est contigu au cimetière. Le direc­ teur de l'institution est ulcéré de l'ingratitude de ces hommes et de ees femmes qui. sans avoir à travailler, mangent à leur faim tandis que des mil­ liers d’autres Russes connais­ sent un sort beaucoup moins reluisant Pour les calmer, on leur organise une fête. Ils ont droit à un repas princier. Et. le soir, ils assistent au théâtre municipal à une représentation de Carmen. Mais le lendemain matin, ils apprennent que leur hospice est fermé et qu’ils doi­ vent se présenter au départe­ ment provincial de la sécu­ rité sociale qui ies remettra sur le marché du travail. Un inspecteur vient voir le direc­ teur de i hospice, quelques jours plus tard, et il exprime son contentement. Ce directeur

Les disques classiques • VERDI "Un Bal Masqué sur le livret d'Antonio Somma

.Galerie a Agnes Lefort |—

la population de ce port sovié­ tique était d’origine juive Mais les personnages que fait vivre Babel ne sont ni les riches bourgeois ni les pieux et pau­ vres rabbins. Il parle des gangsters, des filous, personna­ ges plus vrais que ia vie qui éclate d une sève irrépressi­ ble Plus tard, ceux qui les entourent, les fils de ch.irre­ tiers et les fiis d’épiciers, sont investis par le nouveau régime soviétique d'une autorité qu'ils utilisent pour dénoncer les tra­ ditions de leurs parents. Babel sait résumer tout un univers en quelques phrases. Ses nouvelles sont brèves, inci­ sives et se situent aux con­ fias du tragique. Mais il court a travers ces lignes un souf­ fle de bonhomie, d'humour et de nostalgie II sait atteindre le coeur, non pas par les moyens faciles d'un sentimentalisme "fleur bleue" mais grâce à ce don qu'il possède de capter la vie dans chacune de ses vi­ brations Certes, Babel ne vou­ lait ni critiquer ni chanter ie nouveau régime auquel il avait déjà donné son adhésion C'est un écrivain et ce qui l'inté­ ressait c'est ce que devient l’homme sous le nouveau régi­ me. Dans sa nouvelle Gapa Goujva", il évoque les premiers effets de ia collectivisation agricole. Il y a des résistants Il ne s'agit pas de problèmes idéologiques mais d'une adap­ tation humaine qui déjoue les mots d’ordre révolutionnaires et qui rend inefficace la dia­ lectique la plus rigoureuse Un juge arrive au village envoyé par le Parti. Il est bon. géné­

1504 ouest Sherbrooke, AAtl

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