Il a fui la violence homophobe

Quai Turrettini (I/V)Cette vue prise en perspective dans la direction de la tour de l'Ile ... me l'a posé vendredi sur mon bureau, avec ce petit mot: «Le premier que ...
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Tribune de Genève | Lundi 8 septembre 2014

Rencontre avec Wissem Khlaifia

Il a fui la violence homophobe

Encre Bleue

«Ç

Le signal du marron

Adrià Budry Carbó

a vous dérange pas si je fume?» Wissem Khlaifia n’a pas la mine des grands jours. La faute à une procédure d’asile qui s’éternise. Et un peu au mal du pays aussi. La Tunisie, dont il a fui les violences homophobes. Après quelques bouffées, la conversation s’anime. Mais le vouvoiement refuse de tomber. Timide, Wissem ne se laisse pas facilement apprivoiser. Il faut dire que ce militant pour les droits LGBT (lesbiens, gays, bisexuels et trans) a beaucoup bourlingué dernièrement. Des déménagements à répétition. D’abord de quartier, à Tunis, pour ne pas exposer sa famille. Puis pour se mettre lui-même à l’abri des violences salafistes. Et, enfin, un exil forcé avec son compagnon Ashraf. Vers la Suisse via le centre de requérants de Vallorbe, cette enclave administrative.

D’étranges paraboles «Après avoir tant fui l’homophobie, on s’est retrouvé contraint de vivre dans ce centre, reclus, avec les mêmes discriminations.» La faute à certains musulmans radicaux avec qui il faut cohabiter. Le couple se cache pendant des semaines. Tout le temps. «On a dû vivre avec un masque. Ne pas montrer notre homosexualité. Notre athéisme.» La médiation de Dialogai et la solidarité de la communauté leur permettront de trouver un refuge dans un appartement genevois. Il n’empêche. Le destin dessine souvent d’étranges paraboles. Wissem avait épousé la cause et les espoirs du Printemps arabe, ressenti l’adrénaline de la révolution. Puis c’est la déception avec la montée en puissance d’Ennhadha, le parti salafiste. La détresse, il l’a vécue dans sa chair. «L’homophobie a explosé. On avait du mal à prendre un café tranquillement. On montait dans un taxi pour faire 800 mètres… J’ai perdu un ami. On l’a retrouvé avec le sexe arraché et enfoncé dans la bouche.» Silence. Le café arrive. Noir. Wissem reprend son récit. Ses premiers pas de militant, il les fait à 19 ans. Dans une association luttant contre les maladies sexuellement transmissibles. «L’homosexualité était un sujet tabou sous la présidence de Ben Ali, alors on parlait sexualité à travers la santé.» Son engagement dans l’Union générale

Wissem Khlaifia et son compagnon Ashraf ont demandé l’asile politique en Suisse pour leur militance LGBT. PAOLO BATTISTON

Wissem Khlaifia Bio express 1986 Naissance à Tunis. Dans une famille de classe moyenne. Plutôt religieuse. 2007 Premiers pas dans le monde militant dans une association de lutte contre le VIH et autres maladies sexuellement transmissibles. Il a 19 ans. 2011 14 janvier. Arrêté la veille dans une manifestation, Wissem est libéré lors de la fuite du président Ben Ali. 2012 Obtention d’un Master en informatique de gestion. 2013 Juillet. Il apprend qu’une fatwa a été lancée contre lui par un groupe salafiste. 2013 Il arrive en Suisse par avion en décembre. Il est transféré à Vallorbe. 2014 Mars. Il est élu membre de Dialogai.

des étudiants de Tunisie, fer de lance de l’opposition à Ben Ali, lui vaut quelques tensions avec sa famille, plutôt religieuse. Il monte sa propre ONG, Damj («inclusion»). Objectif: fournir un toit aux gays qui ne sont pas acceptés par leur famille. La visibilité qu’il acquiert le rend indésirable. Il y eut d’abord, au petit matin, dans un café, un passage à tabac par quatre salafistes. Mais la décision de quitter le pays tombe plus tard, après l’assassinat de Mohamed Brahimi, chef de l’opposition. L’air devient irrespirable.

Fatwa salafiste Wissem reçoit des menaces de mort. Il prévient son réseau, change de numéro, de quartier. On l’informe que les menaces sont sérieuses. On parle d’une fatwa. L’association genevoise Codap l’épaule dans ses démarches. Il passe deux auditions à l’ambassade de Suisse. Son cas est jugé

La photo du jour

sérieux. Il obtient un visa humanitaire. Arrivé en Suisse, il poursuit son combat. Il participe à des débats et à des formations liées aux droits de l’homme. En mars dernier, il est élu membre de Dialogai. Un parti politique lui fait des avances. Wissem n’oublie cependant pas la Tunisie. «Ici, on lutte contre l’homophobie. Là-bas, on se bat contre une loi qui pénalise l’homosexualité. Ce n’est pas la même échelle.» Il avoue parfois avoir du mal à trouver sa place en Suisse. «Je n’ai pas envie que l’Etat me subventionne. Je veux travailler, être autonome.» L’ennui? «Même les Genevois s’ennuient ici. Alors moi, sans réseau…» glisse-t-il dans un sourire. Des projets, il en a pourtant tout plein. Il cite: créer une filiale genevoise de Damj, participer à l’examen périodique universel des droits de l’homme. Il est presque 16 h. Wissem s’excuse avant de s’éclipser pour une réunion.

Il est petit, brun, dur et rondelet. C’est un marron! Il a roulé aux pieds de Xavier alors qu’il cheminait de bon matin pour venir au boulot. Mon collègue l’a ramassé et me l’a posé vendredi sur mon bureau, avec ce petit mot: «Le premier que je trouve par terre. C’est l’automne…» Non, pas déjà! L’été vient tout juste de commencer, il fait chaud. Les bottes de pluie sont rangées. Le maillot de bain sèche. L’eau du lac affiche une vingtaine de degrés. Le temps est à la crème solaire, aux glaces, aux terrasses. Alors faut pas venir me gâcher la fête avec ce marron! Quoique… Celui-ci est drôlement joli. Bien lisse, comme un galet. Il pèse son poids, au creux de la main. Ça me rappelle d’ailleurs un souvenir, pas si vieux, au fond: le ramassage de ce fruit avec les copains de l’école primaire. On remplissait des sacs avec les marrons qui tapissaient les parcs, puis on les apportait à la ferme Vecchio. Là, quelques sous étaient donnés pour chaque kilo pesé. C’était tout ça de gagné pour la course d’école. Aujourd’hui, les bêtes ne mangent plus ces récoltes urbaines. Et les gamins ne ramassent plus les marrons, sauf pour se castagner. Ils finissent contre les souliers d’un adulte qui les ramasse pour annoncer l’automne. Ainsi donc, on y serait? Quelque chose dans l’air semble dire que oui. Des feuilles jaunissent et tombent. Il fait plus frais le matin. Si l’éclosion de la première feuille du marronnier de la Treille annonce le printemps, le premier marron tombé dans le canton signalerait donc bien la fin de l’été. Hélas.

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Genève au fil du temps

Quai Turrettini (I/V) Cette vue prise en perspective dans

Payerne Des avions de la Royal Air Force britannique, les Red Arrows, lors de leur numéro de voltige à AIR14 à Payerne samedi. L’Air show AIR14 de l’armée suisse marquait le 100e anniversaire de la Force aérienne, le 50e de la Patrouille suisse et les 25 ans de l’équipe de PC-7. KEYSTONE Contrôle qualité

la direction de la tour de l’Ile montre l’ancien quai du Seujet avant sa reconstruction. Sur la droite, on voit les escaliers métalliques qui permettent l’accès aux bateaux-lavoirs dont le pont supérieur, vide au moment de la photographie, permet l’étendage du linge à sécher. Au fond, on distingue la passerelle qui enjambe le bras droit du Rhône. COLLECTION CENTRE D’ICONOGRAPHIE GENEVOISE (ANONYME, V. 1895) Retrouvez les images de la Bibliothèque de Genève. www.fildutemps.tdg.ch