Identifier et accompagner les entreprises à potentiel

3 févr. 2012 - optique aussi sociale qu'économique, à travers le dispositif NACRE (Nouvel ..... un meilleur guidage vers les dispositifs d'aides aux entreprises.
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Identifier et accompagner les entreprises à potentiel Les experts-comptables, acteurs des territoires, s’engagent pour la compétitivité et la croissance

Février 2012

Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables

Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables 19 rue Cognacq-Jay 75341 Paris Cedex 07 Téléphone : +33 (0)1 44 15 60 00 • Fax : +33 (0)1 44 15 90 05 [email protected]

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Avant-propos

L

es 19 000 experts-comptables répartis sur le territoire national sont les premiers partenaires des 2 millions d’entreprises qui leur font confiance. Ils partagent avec elles leurs ambitions et leurs difficultés. Ils sont à leurs côtés pour les conseiller, les sécuriser, les aider à trouver des financements, leur permettre d’anticiper. Immergés dans l’économie réelle, les experts-comptables entendent être des acteurs forts et reconnus du développement local. C’est à ce titre que le Conseil supérieur a mené une réflexion sur la densification de notre tissu économique par la détection et l’accompagnement des entreprises à potentiel. Il y a là une réelle opportunité de création de richesse, donc d’emplois, pour notre pays. Les propositions que nous formulons se font à coût constant, sans recourir à la création d’aides nouvelles. Elles sont construites sur une meilleure utilisation de l’existant, sur la mise en commun des compétences.

Je remercie vivement celles et ceux qui ont bien voulu apporter leur expertise à cette réflexion : hauts fonctionnaires du ministère de l’Economie et des Finances, dirigeants des réseaux d’accompagnement des entreprises, élus et collaborateurs du Conseil supérieur. René Ricol, Commissaire Général à l’Investissement, a suivi de très près nos travaux, et a bien voulu préfacer ce travail, dont les conclusions empruntent beaucoup au schéma d’organisation qu’il a mis en place pour coordonner les dispositifs publics de soutien aux entreprises. Une France qui compterait d’ici dix ans 10 000 Entreprises de Taille Intermédiaire aurait le visage d’une grande nation ayant confiance en son avenir, car apte à innover, vendre et produire sur un pied d’égalité avec ses partenaires européens et mondiaux. Les experts-comptables sont et seront acteurs de ce défi !

Agnès Bricard Présidente du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables

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Sommaire

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

9

I. Si la création d’entreprises bénéficie d’une dynamique renforcée, la mutation des PME en ETI demeure insuffisante 1. Un nouvel élan a été insufflé avec succès à l’entrepreneuriat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 2. Désir d’entreprendre n’est pas toujours désir de croissance : toutes les entreprises n’ont pas vocation à se développer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 3. La dynamique de croissance des PME et de leur mutation en ETI demeure insuffisante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

II. Identifier les entreprises à potentiel et les labelliser pour les inscrire dans un parcours de croissance 1. La définition de l’entreprise à potentiel, un premier enjeu

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2. Des mécanismes d’identification lacunaires et des dispositifs publics d’accompagnement très partiellement tournées vers les entreprises à potentiel

. . . . . .

21 22

3. Une nouvelle méthodologie de détection et de reconnaissance implication des acteurs locaux, création d’un portail de diagnostic et de signalement, attribution d’un label . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 3.1. Les Comités de Coordination Régionaux 3.2. Le portail

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

25

3.3. L’attribution d’un label et la mobilisation des réseaux

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

25

III. Mettre en œuvre un accompagnement personnalisé au service des entreprises à potentiel 1. Un maquis d’aides et une complexité administrative dissuasive

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

29

2. Un accompagnement personnalisé prenant la forme d’un fléchage vers les dispositifs existants et d’un coaching personnalisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Annexe : Critères pour le diagnostic des entreprises à potentiel

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Introduction

Faire tenir leurs promesses aux entreprises à potentiel : un enjeu économique majeur

A

u cours de la dernière décennie, l’attention des pouvoirs publics et de l’ensemble des acteurs engagés dans le développement économique de notre pays s’est largement concentrée sur l’insuffisante dynamique de la création d’entreprises en France. Des mesures énergiques ont été déployées par les gouvernements successifs pour combler ce qui apparaissait comme un déficit évident, au regard du nombre de créations d’entreprises enregistré par d’autres grands pays développés. Le doute n’est désormais plus de mise : ces actions continues pour stimuler la création d’entreprises ont porté leurs fruits et une véritable dynamique entrepreneuriale s’est instaurée dans notre pays, comme en témoignent les 622 000 entreprises créées en 2010 (contre moins de 200 000 ans au début des années 2000). Si cette dynamique, qui s’appuie sur le renouveau du goût d’entreprendre, constitue indiscutablement un apport excellent pour notre économie, elle ne règle cependant pas à elle seule une autre problématique, elle aussi identifiée de longue date : la capacité de notre tissu de PME à générer des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ce sont elles qui sont suffisamment armées pour se positionner sur les marchés européens et mondiaux, pour participer à des programmes de R&D, pour agréger autour d’elles des sous-traitants de qualité et contribuer puissamment à la création d’emplois. Le problème de la génération d’une dynamique plus forte de création d’entreprises semblant partiellement réglé après une décennie de mobilisation, c’est aujourd’hui la croissance des PME, comme vecteur de la création d’emploi et de la croissance économique nationale, qui constitue le cœur du débat et des préoccupations. Des travaux nombreux et convergents ont de fait souligné le petit nombre de moyennes entreprises en France, en comparaison de nos principaux partenaires européens (dont bien sûr l’Allemagne), et les conséquences dommageables d’une telle situation pour notre compétitivité et notre commerce extérieur. Le taux de transformation des PME en ETI et la capacité des « entreprises à potentiel » existant dans tous les secteurs d’activité à tenir leurs promesses (création d’emplois, contribution à la croissance, présence à l’exportation, innovation, etc.) constituent des indicateurs de performance économique dont chacun, dans un contexte de compétition globale intense et de crise, comprend l’importance.

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Il s’agit là, très probablement, de l’un des plus puissants leviers de croissance à mobiliser pour les années à venir et d’une condition pour assurer un surcroît de croissance de l’emploi dans l’ensemble de notre territoire, développer les marchés des entreprises françaises à l’exportation, s’assurer que des moyens humains et financiers croissants sont consentis en faveur de l’innovation et de la recherche. Pour tous les acteurs qui peuvent contribuer à la mise en place de ce parcours vertueux, qui permet à des PME de toute taille de devenir des champions de leur secteur, des leaders nationaux ou même mondiaux, c’est ce nouveau défi de l’accompagnement des entreprises à potentiel, de leur inscription dans un « parcours vertueux de croissance » qu’il faut relever. Une telle démarche implique sans doute que des progrès significatifs soient accomplis dans l’identification des « entreprises à potentiel », dont il est patent qu’un nombre important ne bénéficie pas aujourd’hui d’un repérage précoce par les acteurs du développement économique. Elle appelle aussi sans aucun doute une approche neuve de l’accompagnement des entreprises qui – aujourd’hui encore largement centré sur l’amont et les débuts du cycle de vie de l’entreprise – n’a sans doute pas été suffisamment mis au service de l’aval de la création, sur les étapes critiques de la croissance, sur la réalisation du potentiel que comportent les projets entrepreneuriaux les plus prometteurs.

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I. Si la création d’entreprises bénéficie d’une dynamique renforcée, la mutation des PME en ETI demeure insuffisante

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1. Un nouvel élan a été insufflé avec succès à l’entrepreneuriat Jusqu’au début des années 2000, la France était indiscutablement très en retard au regard de ses principaux partenaires économiques s’agissant du nombre de créations d’entreprises, le compteur restant bloqué largement sous la barre des 200 000 créations annuelles. Des réformes importantes ont été menées par les gouvernements successifs pour insuffler un nouvel élan à l’entrepreneuriat :  Les lois Dutreil 1 et 2 de 2003 et 2005 qui ont considérablement sécurisé et facilité le passage à l’acte de création et simplifié le parcours des créateurs d’entreprise, faisant passer le nombre annuel de créations de moins de 200 000 à un peu plus de 300 000 ;  La loi de Modernisation de l’Economie de 2008 instituant le régime fiscal et social de l’autoentrepreneur. Une réelle dynamique entrepreneuriale a ainsi été suscitée, comme en atteste le nombre de créations d’entreprises en forte augmentation au cours des cinq dernières années (+ 22% entre 2005 et 2008, puis + 87% entre 2008 et 2010). Ce sont ainsi pas moins de 620 000 nouvelles entreprises qui ont été créées en 2010, dont 360 000 sous le régime de l’auto-entrepreneur.

2000

2001

2002 2003

17 36

33

73 9 5 32

45 8 5 28

17 12 27

39 8 26

97 8 23

2 88 4 21

0 38 3 21

21

6

05

6

1

6

58 0

19

3

Nombre de créations d’entreprises en France de 2000 à 2009 Nombre 600 000 550 000 500 000 450 000 400 000 350 000 300 000 250 000 200 000

2004 2005 2006 2007 2008 2009 Année

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2. Désir d’entreprendre n’est pas toujours désir de croissance : toutes les entreprises n’ont pas vocation à se développer Toutes les études récentes sur les motivations des créateurs d’entreprises et sur le «  cycle de vie » des entreprises le démontrent : ces jeunes entreprises n’ont cependant pas toutes, loin de là, vocation à se développer et à pouvoir être qualifiées d’entreprises à potentiel. Comme le montre l’étude INSEE de 2006 (cf. tableau ci-dessous) le désir d’indépendance reste le premier ressort psychologique de la création d’entreprises (pour plus de 60% des sondés) et près d’un quart des créateurs, en situation de chômage, ont de toute évidence pour objectif initial de créer leur propre emploi. Cette motivation est par ailleurs encouragée depuis plusieurs décennies par l’Etat, dans une optique aussi sociale qu’économique, à travers le dispositif NACRE (Nouvel Accompagnement pour la Création et la Reprise d’Entreprise), opérationnel depuis 2009, qui est venu prendre le relai du dispositif ACCRE.

Principales raisons ayant poussé à créer une entreprise

en 2006 en % Hommes

Femmes

Ensemble

Etre indépendant

61,4

59,0

60,7

Goût d'entreprendre et désir d'affronter de nouveaux défis

39,6

36,5

38,7

Perspective d'augmenter ses revenus

26,6

22,6

25,4

Opportunité de création

15,4

17,2

15,9

Idée nouvelle de produit, de service ou de marché

12,3

14,0

12,8

Exemples réussis d'entrepreneurs dans l'entourage

7,7

6,1

7,2

Sans emploi, a choisi de créer son entreprise

21,6

26,9

23,1

Sans emploi, y a été contraint

5,0

4,9

5,0

Seule possibilité pour exercer sa profession

7,7

11,9

8,9

Source : INSEE, 2006

1

En outre, dans l’enquête réalisée par OSEO en 2008 pour “Regards sur les PME”, 27% des dirigeants de PME de 10 à 250 salariés déclaraient ne pas souhaiter développer leur entreprise et 25% déclaraient ne pas pouvoir la développer. Seuls 48% des dirigeants se disaient donc engagés dans un processus de développement.

1

14

http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATCCF09112

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Question : à l’heure actuelle, envisagez-vous de lancer votre entreprise dans une nouvelle phase de développement ? Mai 2008

1%  Non, vous ne souhaitez pas développer votre entreprise

27%

47%

 Vous souhaitez développer votre entreprise mais vous ne pouvez pas le faire  Oui, et sa phase de développement est engagée ou est sur le point de l’être  Ne sait pas

25% Octobre 2008

2%

Base : taux (1004)

 Non, vous ne souhaitez pas développer votre entreprise

30%

 Vous souhaitez développer votre entreprise mais vous ne pouvez pas le faire 37%

31%

 Oui, et sa phase de développement est engagée ou est sur le point de l’être  Ne sait pas

Base : taux (1004)

Source : Regards sur les PME n° 17, article sur les “freins à la croissance”

Cette tendance des entreprises créées à ne pas être tournées vers la croissance (de l’emploi, notamment) s’est naturellement vérifiée et amplifiée avec le succès du statut de l’autoentrepreneur, les 360 000 micro-entreprises créées sous ce régime en 2010 ne pouvant prétendre au statut d’entreprises à potentiel. Notre tissu de PME est ainsi marqué par une prédominance des entreprises employant pas ou peu de salariés, le nombre d’entreprises n’employant aucun salarié au démarrage étant de surcroît de plus en plus important (87% en 2008, 94% en 2010). En 2010, l’INSEE dénombrait 3 236 500 entreprises entre 0 et 9 salariés (micro-entreprises) sur 3 432 089 entreprises, soit 94,3% des entreprises. Les TPE (entreprises indépendantes, c’est-àdire n’ayant pas de liens financiers majoritaires avec d’autres entreprises, et employant moins de

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20 salariés) représentent quant à elles plus de 80% des entreprises qui comptent des salariés et emploient environ 20% des salariés du secteur concurrentiel, hors agricole2. Le développement de cette myriade de TPE constitue certes une richesse. Mais elle doit s’accompagner de l’émergence de PME plus ambitieuses qui ont à cœur d’exprimer tout leur potentiel de croissance, de recruter, d’innover, de conquérir de nouveaux marchés, d’exporter – avec pour conséquence un changement de taille et une transformation progressive en ETI. Or, tout semble indiquer que notre économie accouche aujourd’hui de moins d’ETI que nos voisins ou partenaires économiques.

3. La dynamique de croissance des PME et de leur mutation en ETI demeure insuffisante Plusieurs études récentes ont mis en avant la faiblesse de la croissance des PME françaises, faiblesse structurelle de notre économie, dont les conséquences dommageables pour notre compétitivité et notre commerce extérieur sont de mieux en mieux identifiées. Si les comparaisons internationales sont notoirement difficiles, en raison d’instruments statistiques relatifs aux entreprises non ou peu harmonisés, il fait aujourd’hui peu de doute que ce décalage ne relève ni d’un complexe d’infériorité national, ni d’un fantasme, tant les analyses concordent. Ainsi, selon une analyse de l’OCDE (Bartelsman, Scarpetta et Schivardi, 2003), les entreprises européennes se distingueraient de leurs consœurs américaines non par le nombre de créations, qui serait équivalent dans les deux zones, mais par le devenir des entreprises après leur naissance. Les firmes américaines croîtraient en effet beaucoup plus rapidement : sept ans après leur création, l’emploi des entreprises toujours en vie s’élèverait à 226 % de l’emploi au moment de la création, contre 122 % en Allemagne et 107 % en France. Un rapport de l’ex Commissariat général du Plan (Passet et du Tertre, 2005) proposait quant à lui une approche statique en comparant la démographie des entreprises françaises et américaines par catégories de taille. Selon ces données, la France connaîtrait une population beaucoup plus nombreuse de très petites entreprises (TPE) qu’aux États-Unis. À l’inverse, il y aurait un véritable « déficit » d’entreprises de taille moyenne (entre 20 et 500 salariés). Selon diverses études récentes, les PME de croissance (autre qualificatif des entreprises à potentiel) seraient jusqu’à 50% moins nombreuses en France qu’en Allemagne ou en GrandeBretagne. Même si là-encore la diversité des définitions des entreprises à potentiel de croissance rend très difficiles les comparaisons internationales, la France serait, selon des sources convergentes, en la matière dans le milieu de classement au niveau international. 2

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CSOEC, « Un nouvel environnement pour la TPE », octobre 2011.

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Le constat d’une faible croissance des PME françaises, relayé par de nombreux observateurs, repose notamment sur le nombre réduit de « gazelles » (au sens de l’économiste Davis Birch) que compte notre pays, qui ne peut s’enorgueillir que de moins de 2 500 gazelles3, définies comme les PME ayant la plus forte croissance relative de l’emploi (top 5% le plus créateur d’emploi). Si l’on s’intéresse aux entreprises à très forte croissance non plus d’emploi mais de chiffre d’affaires (celles dont le chiffre d’affaires croît de plus de 20 % par an pendant quatre années consécutives), on constate également que ces dernières sont beaucoup moins nombreuses qu’aux États-Unis. Si l’on en trouve 3 % parmi les PME américaines, la proportion équivalente en France se situe, selon les années, entre 0,3 et 0,5 % (complément de Picart in Betbèze et SaintÉtienne, 2006)4. Il y aurait ainsi, selon OSEO, 4000 ETI recensées en France, dont 400 cotées en bourse. Étant donné leur poids dans l’emploi (5 % des entreprises dites « gazelles, représentent 50 % des créations d’emplois !), la croissance des gazelles est par essence un enjeu structurant des politiques économiques pour les années à venir. L’enjeu est désormais de créer un écosystème vertueux, capable de faire tenir leurs promesses aux entreprises à potentiel de toutes tailles et présentes dans tous les secteurs d’activité. Malgré ce qui a été dit plus haut sur les réticences des entrepreneurs à s’engager dans un cycle de croissance (réticences vérifiées par toutes les enquêtes d’opinion récentes), il convient de relever que près de 50% d’entre eux sont prêts à se lancer dans le développement de leur entreprise et que pour plus de 40% d’entre eux (cf. tableau ci-dessous) il n’existe pas de seuil au-delà duquel il n’est plus nécessaire de faire croître une PME.

Question : vous, personnellement, pensez-vous qu’il y a une limite au développement d’une PME ? 4%

 Non, il n’existe pas de seuil au-delà duquel il n’est plus nécessaire de faire croître une PME 24%

43%

 Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes de chiffre d’affaires  Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes de parts de marché

18% 11%

 Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes d’effectifs  Ne sait pas

S/T Oui : 53%

3 4

Base : taux (1004)

Regards sur les PME n° 17, article sur les “freins à la croissance” Le financement des PME, CAE, Documentation française, 2009

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Question : vous, personnellement, pensez-vous qu’il y a une limite au développement d’une PME, selon la taille ? 10 - 19 salariés

4%

 Non, il n’existe pas de seuil au-delà duquel il n’est plus nécessaire de faire croître une PME 23%

 Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes de chiffre d’affaires

41%

 Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes de parts de marché  Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes d’effectifs

19% S/T Oui : 55%

20 - 40 salariés

 Ne sait pas

13%

Base : taux (452)

5%

 Non, il n’existe pas de seuil au-delà duquel il n’est plus nécessaire de faire croître une PME 28%

44%

 Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes de chiffre d’affaires  Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes de parts de marché

13% S/T Oui : 51%

10%

 Oui, lorsqu’elle atteint un certain seuil en termes d’effectifs  Ne sait pas Base : taux (251)

Source : Regards sur les PME n° 17, article sur les “freins à la croissance”

Ce sont donc ces 50% de patrons de PME prêts à se lancer dans l’aventure de la croissance qu’il faudrait savoir encourager, soutenir, accompagner pendant toutes les étapes cruciales du développement de leur entreprise. Dans cette optique, il convient de définir les voies d’une identification plus précoce et plus efficace des entreprises à potentiel, préalable nécessaire à la mise en œuvre d’un accompagnement à la fois mieux ciblé et plus personnalisé.

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II. Identifier les entreprises à potentiel et les labelliser pour les inscrire dans un parcours de croissance

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1. La définition de l’entreprise à potentiel : un premier enjeu L’identification des entreprises à potentiel butte sur un premier obstacle évident : la définition même de ce qu’est une entreprise à potentiel. En effet, cette notion ne recoupe pas nécessairement celle de « gazelle », ne se résume pas toujours à une mesure objective de la croissance de l’emploi ou du chiffre d’affaire. La taille de l’entreprise et celle de son chiffre d’affaire sont des critères qui permettent de mesurer la réalité économique de l’entreprise sur une période donnée, mais non de cerner son potentiel de croissance et/ou sa capacité d’innovation. Si chacun comprend plus ou moins confusément ce que promet une entreprise à potentiel et ce qui peut ex ante (son ambition affichée) ou ex post (ses résultats économiques, son innovation) la définir, il reste que ces critères de définition ne sont pas aujourd’hui complètement objectivés par la théorie économique ou le droit positif français et européen. Dès lors, quelle est la typologie des entreprises concernées ? Qu’est-ce qu’une entreprise à potentiel / une entreprise de croissance ? Quels sont les critères qui mesurent ce potentiel ? On pressent que les critères à prendre en compte sont nombreux : vision claire de l’entrepreneur quant à la vocation de l’entreprise ; savoir-faire ; potentiel du couple produit-marché ; personnalité et capacités de l’entreteneur, tant en termes de maîtrise technique que de capacité de projection ; capacité à générer du chiffre d’affaires, à créer des emplois, à se transformer en ETI, à se coter, etc. Chacun sait qu’une entreprise très innovante sur le plan technologique (entreprise du secteur high-tech ou bio-tech, par exemple) peut connaître une stagnation de l’emploi et même une absence de chiffres d’affaires pendant une phase de R&D plus ou moins longue, avant de mettre sur le marché un produit qui lui permettra de révéler son potentiel de croissance : ce « potentiel silencieux » peut tout à fait être ignoré par les méthodologies de détection traditionnelle. Peuton, par exemple, prendre pour référence une période de quatre ans pour définir le potentiel de croissance d’une entreprise « bio-tech » quand il faut en moyenne 7 ans pour développer un médicament et le mettre sur le marché ? Le risque est grand que bon nombre d’entreprises innovantes soient reconnues comme « à potentiel » très tardivement et bénéficient dès lors trop tard d’un accompagnement spécifique. Comme le relève OSEO,5 «  selon les différents organismes statistiques, les définitions de la croissance des PME varient selon les critères retenus pour l’identifier : effectifs, masse salariale, chiffre d’affaires, valeur ajoutée, valorisation financière, etc. Si le critère de l’emploi salarié est retenu, seront par exemple retenues comme entreprises de croissance celles dont le nombre d’employés a doublé en six ans, augmenté d’au moins 20% par an de façon continue pendant trois ans ou encore celles qui ont connu pendant deux années consécutives une croissance d’au moins 15% de leur masse salariale comme c’est le cas pour les gazelles françaises ». L’entreprise de croissance (autre qualificatif d’une entreprise à potentiel) est finalement définie de manière plus générique – et donc plus satisfaisante au regard de la multiplicité des critères 5

Regards sur les PME n° 17, article sur les “freins à la croissance”

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à prendre en compte – par OSEO comme “une entreprise possédant un avantage concurrentiel notable au regard des autres entreprises et durable sur un marché solvable. La notion de potentiel est liée à l’importance de cet avantage concurrentiel au regard du ou des marchés visés”. C’est donc cet avantage concurrentiel qui définirait avant tout une entreprise de croissance. Bien souvent, il s’avère être un avantage qualitatif, plutôt que quantitatif, et recouvre un ensemble d’atouts matériels, mais aussi immatériels : • la qualité du poste clients, couvert par une assurance ; • l’existence d’un savoir-faire formalisé par un manuel « process » ; • le carnet d’adresses des dirigeants, la qualité des relations entre associés, leur complémentarité, leurs expériences passées. Reste qu’on peut encore préférer à toutes les définitions des entreprises à potentiel qui précèdent, le choix de ne pas en retenir... et de s’en remettre au sens commun de ceux qui accompagnent au quotidien les entreprises et connaissent leur environnement pour évaluer ce potentiel, selon des critères propres à chaque activité. On notera d’ailleurs que nombre d’économistes ont choisi de faire reposer la définition du potentiel de l’entreprise de croissance sur un simple appel au sens commun6.

2. Des mécanismes d’identification lacunaires et des dispositifs publics d’accompagnement très partiellement tournés vers les entreprises à potentiel Le constat formulé au moment du lancement du dispositif Gazelle conserve toute son actualité : « Les PME en phase de forte croissance ne sont d’ailleurs pas assez reconnues comme telles. Leur rôle dans le développement de l’activité et de l’emploi est en effet d’une importance majeure. Pourtant, les pouvoirs publics et les grands acteurs économiques ne se sont pas toujours suffisamment préoccupés de les identifier, de mieux connaître leurs caractéristiques et de comprendre leurs besoins spécifiques pour mieux y répondre. »7 Si la volonté des pouvoirs publics de prendre en compte la spécificité des acteurs est désormais affirmée, le flou entourant la définition de l’entreprise à potentiel n’est de toute évidence pas fait pour améliorer l’identification des entreprises concernées par les dispositifs publics d’accompagnement des entreprises. Il est de fait patent que beaucoup d’entreprises de croissance passent à travers les mailles des filets de détection imaginés par les pouvoirs publics et les différents acteurs nationaux et locaux du développement économique. Première cause invoquée, les critères objectifs retenus par la plupart des dispositifs peuvent, pour les raisons précédemment évoquées, les faire passer à côté de « pépites ». 6 7

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Comme le souligne notamment le rapport « Le financement des PME », CAE, Documentation française, 2009 http://www.pme.gouv.fr/croissance/accompagner_la_croissance.pdf

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En outre, ces dispositifs de détection reposent le plus souvent sur une démarche volontaire des entrepreneurs pour faire connaître leurs entreprises et/ou bénéficier des aides auxquelles les entreprises de croissance sont éligibles (labelle gazelle, CIR). Or, toutes les études montrent que les créateurs d’entreprises, tout comme les dirigeants d’entreprises plus développées, sont loin de tous avoir spontanément recours aux différents « guichets » mis en place pour eux (un tiers des créateurs d’entreprises a, selon une récente étude d’OSEO, recours à un accompagnement public dans la phase de création). L’entrepreneur d’une entreprise de croissance n’a pas - toutes les études l’attestent - pour premier réflexe de s’adresser à la CCI, à l’antenne locale d’OSEO ou de la Banque de France lorsqu’il se concentre sur le développement de son entreprise. Notons aussi que, comme le démontrent là aussi plusieurs études, beaucoup d’entrepreneurs ne sont pas conscients du potentiel de croissance de leur propre entreprise, et ne sauraient dès lors s’en faire eux-mêmes les promoteurs ! Pour toutes ces raisons, il est évident que beaucoup d’entreprises à potentiel ne sont pas repérées ou n’apparaissent sur le radar des acteurs du développement économique local que trop tardivement. Quand bien même l’identification de l’entreprise à potentiel aurait fonctionné, resterait posée la question de la pertinence des dispositifs d’accompagnement proposés. Ces dispositifs ont en effet aujourd’hui deux caractéristiques : ils sont orientés vers l’aval et vers les premiers pas de la création d’entreprise. Comme on l’a rappelé plus haut, le dispositif d’accompagnement public des entreprises a été largement orienté au cours de la dernière décennie par une priorité : augmenter le nombre de créations d’entreprises. La question de l’accompagnement de la croissance à des stades ultérieurs de développement de l’entreprise, si elle est en train de devenir la nouvelle priorité des acteurs du développement économique, ne s’est pas encore pleinement traduite dans les faits par la mise en place de dispositifs spécifiques en faveur des entreprises à potentiel. Une large voie d’amélioration existe donc s’agissant de leur détection et de leur accompagnement.

3. Une nouvelle méthodologie de détection et de reconnaissance : implications des acteurs locaux, création d’un portail de diagnostic et de signalement, attribution d’un label Compte tenu des problèmes évoqués plus haut, il apparaît pertinent de ne plus faire reposer la détection des entreprises à potentiel sur la seule prise de contact volontaire de l’entrepreneur avec les acteurs du développement économique. L’idée est de faire contribuer à cette identification tous les acteurs qui, par leur proximité au quotidien avec l’entreprise son activité et son marché, sont en mesure d’évaluer avec justesse son potentiel de croissance.

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La réponse moderne et efficace à ce défi de l’identification des entreprises à potentiel pourrait être la création d’un portail Internet de signalement, ouvert bien entendu aux entrepreneurs, mais aussi à tous les acteurs publics et privés susceptibles d’avoir un avis éclairé sur le potentiel de l’entreprise. Ce portail mettrait à la disposition des entrepreneurs et des acteurs souhaitant signaler une entreprise une palette d’outils permettant d’affiner le diagnostic sur le potentiel de croissance de l’entreprise. Il pourrait notamment proposer un questionnaire de scoring, s’inspirant d’outils existants et ayant démontré leur pertinence (outil APCE de transmission/reprise, outil CSOEC-Groupama sur les «  Alertes professionnelles »), en s’inspirant notamment de ce qui a été élaboré pour l’intelligence économique par l’Ordre des experts-comptables avec le Service de coordination à l’intelligence économique. Le portail, à vocation nationale, serait mis en œuvre par l’Etat ou l’un de ses opérateurs, selon des modalités à préciser. Il serait au service de comités de coordination constitués dans les régions, rassemblant les services de l’Etat et ses opérateurs concernés, les collectivités locales, ainsi que les réseaux consulaires, privés ou associatifs concernés. Le portail national ne serait donc que l’outil permettant aux forces vives des territoires de repérer et faire grandir les entreprises à potentiel.

3.1. Les Comités de coordination régionaux La Médiation du Crédit, puis la mission de coordination des dispositifs publics de soutien aux entreprises, sous l’impulsion de René Ricol, montrent l’efficacité d’une coopération dynamique entre acteurs locaux, sachant rechercher entre eux les meilleures synergies pour sauvegarder, relancer ou développer les entreprises. Au milieu des années 2000, les Comités d’Initiative Economique Locale, fonctionnant au niveau départemental, avaient permis de relayer efficacement les mesures des lois Dutreil 1 et 2 en faveur de la création d’entreprises. Ces deux réussites suffisent à prouver que la mobilisation des acteurs locaux est absolument nécessaire pour réussir des opérations qui impactent les tissus économiques locaux. La détection des entreprises à potentiel concerne dans les régions trois catégories d’acteurs : • Les pouvoirs publics (services déconcentrés de l’Etat dont DIRRECTE et Finances Publiques, Université-Recherche, Conseils régionaux et généraux) • Les opérateurs ayant une mission de service public : Banque de France, CDC, FSI, OSEO, établissements consulaires • Les opérateurs privés, professionnels et associatifs : experts-comptables, associations locales des banques, réseaux d’accompagnement à la création-reprise d’entreprises… Ces différents acteurs composeraient les Comités de coordination régionaux, animés par des coordinateurs régionaux permanents nommés par l’Etat sur la base de leur bonne connaissance des entreprises et du tissu économique régional.

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Le rôle du Comité de coordination, qui se réunirait tous les mois, serait de participer à la détection des entreprises à potentiel, labelliser celles qui répondent aux critères retenus, veiller à ce qu’elles soient suivies par un mentor et à ce qu’elles bénéficient en priorités de la panoplie des aides déployées par les pouvoirs publics. Le Comité de coordination désignerait, au cas par cas, un ou des mentors (voir plus bas) pour accompagner une entreprise dans son parcours de croissance.

3.2. Le portail Le portail devrait être construit sur un socle existant, afin d’être rapidement en service, et pour éviter des coûts de développement superflus. Il comporterait deux outils opérationnels, une base de données de « mentors » et une base de données des aides. • le premier outil permettrait à toute PME d’accéder à directement un autodiagnostic lui indiquant en instantané si elle répond aux quelques critères simples lui donnant le profil d’une entreprise à potentiel. Cet outil pourrait être développé à moindre coût en adaptant l’autodiagnostic élaboré par l’APCE dans le cadre du programme « transmission-reprise » • le second outil, à l’usage exclusif des membres de Comités régionaux de coordination, serait un outil de scoring élaboré, conçu dans un esprit « intelligence économique ». Cet outil permettrait à un opérateur local de savoir dans des délais très courts si une des entreprises qu’il suit peut prétendre à être labellisée « entreprise à potentiel ». Elaboré par le Conseil supérieur en partenariat avec le Coordonnateur ministériel à l’intelligence économique de Bercy, il est présenté en annexe • une base de données des mentors volontaires • une base de données des aides, en accès libre.

3.3. L’attribution d’un label et la mobilisation des réseaux Pour donner une dimension concrète et une visibilité au « statut d’entreprise à potentiel », l’attribution d’un label pourrait être privilégiée. Il convient toutefois de tirer les leçons du déploiement du dispositif « Gazelle »8 et de s’assurer que l’obtention de ce label sera perçue comme réellement créatrice de valeur pour ses bénéficiaires. Le label doit non seulement être une source de fierté pour les entreprises, mais il doit avoir en soi une valeur (en tant qu’actif immatériel de l’entreprise). Il doit également avoir un caractère incitatif par la reconnaissance qu’il procure auprès de l’environnement économique et des pouvoirs publics. Concrètement, il serait attribué pour une durée limitée, par exemple 5 ans, par les Comités de coordination régionaux, après étude des résultats du scoring établi à l’initiative d’un opérateur via le portail. 8 http://www.pme.gouv.fr/gazelles/index.php

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La première vocation du label serait en effet de mobiliser les acteurs économiques et les pouvoirs publics qui, au niveau local, s’engageraient, dans le cadre de la labellisation, à étudier et à mettre en œuvre tous les moyens mobilisables au service de la croissance de l’entreprise labellisée. Sa seconde vocation serait de matérialiser cette mobilisation à travers un processus d’accompagnement personnalisé, décrit au chapitre III. Le schéma ci-après retrace les échanges d’information et le processus de décision permettant de délivrer le label « Entreprise à Potentiel »

Entreprises repérées par les réseaux/administrations ou à la suite d’un autodiagnostic

Démarche volontaire de l’entreprise

Schéma de fonctionnement détection/accompagnement des entreprises à potentiel

Entreprise A

Si autodiagnostic négatif, abandon de la procédure Si autodiagnostic positif, information du comité régional de coordination (Coordinateur régional), qui prend contact avec l’entreprise pour l’inscrire dans la démarche de labellisation auprès d’un réseau/administration

Un comité de coordination par Région Animé par un coordinateur régional et composé des réseaux et administrations

Entreprise A

Labellise ou non, nomme les accompagnateurs, assure le suivi

Réseau administration X

Entreprise B

Entreprise N (labellisée comme entreprise à potentiel

Les réseaux/ administrations repèrent les entreprises qui leur semblent avoir du potentiel

Réseau administration Z

Accompagnateur

PORTAIL NATIONAL Fonction autodiagnostic

Fonction diagnostic approfondi (scoring) Base de données des accompagnateurs volontaires Orientation

vers bases de données des aides et des sites utiles (OSEO, Investissement d’avenir, CDC, APCE, expertscomptables

Nota : L’intérêt de ce dispositif, si l’on fait abstraction de la phase « labellisation », est son universalité au regard des problématiques de suivi des entreprises. En effet, il n’est pas limité à la détection des entreprises à potentiel, mais peut s’appliquer aussi à la prévention et au suivi des difficultés, ou encore à la détection et à l’appui aux entreprises exportatrices par exemple… Il suffit de développer les outils adéquats de pré-diagnostic et de scoring, ce qui est peu coûteux et peut être mis en œuvre rapidement.

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III. Mettre en œuvre un accompagnement personnalisé vers les dispositifs existants, nationaux et territoriaux, au service des entreprises à potentiel

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1. Un maquis d’aides et une complexité administrative dissuasive L’identification des entreprises à potentiel doit, au-delà de l’attribution d’un label dont l’utilité intrinsèque est toujours discutable, se traduire par un accompagnement beaucoup mieux ciblé de ces entreprises et de leurs dirigeants. Plus de 15 000 dispositifs publics (« des dispositifs éclatés, complexes et peu coordonnés », comme l’a constaté la Cour des comptes dans un rapport de 20079) sont aujourd’hui destinés aux PME : la plupart des dirigeants sont pour la grande majorité d’entre eux dans l’incapacité de s’orienter dans ce maquis d’aides et de dispositifs et d’en tirer parti. La mise en œuvre des politiques d’aide de l’Etat fait intervenir un nombre important d’opérateurs : les administrations déconcentrées de l’Etat, des opérateurs nationaux (Oséo, Caisse des dépôts, Agence pour la création d’entreprise), les organismes de sécurité sociale (Urssaf, Assedic), les chambres consulaires, les réseaux d’appui aux créateurs d’entreprise. De surcroît, les aides accordées par les collectivités locales font également intervenir des opérateurs spécifiques. En une vingtaine d’année, l’offre en aides diverses et en accompagnement s’est tellement densifiée qu’elle est devenue très peu lisible pour les chefs d’entreprises. En les désorientant, cette abondance de l’offre les détourne de l’accompagnement.10 En outre ces dispositifs s’adressent, à quelques exceptions près, à toutes les entreprises, sans discrimination, et notamment sans faire le choix très clair d’apporter un soutien spécifique à la petite minorité des entreprises à potentiel. Au regard de la nouvelle priorité que pourrait constituer le soutien aux entreprises de croissance, il est sans doute temps d’envisager de passer d’une dispersion de l’effort à un ciblage assumé vers les entreprises à fort potentiel de développement. Ce ciblage n’appelle pas nécessairement la mise en œuvre de leviers (fiscaux ou autres) nouveaux : il pourrait tout simplement reposer sur une meilleure mobilisation des dispositifs existants, en s’assurant que les dirigeants d’entreprises à potentiel bénéficient d’un accompagnement spécifique (avec pour objectif, notamment, de les orienter vers les dispositifs existants).

2. Un accompagnement personnalisé prenant la forme d’un fléchage vers les dispositifs existants et d’un coaching personnalisé L’accompagnement personnalisé des dirigeants d’entreprises à potentiel pourrait reposer sur deux axes prioritaires : • un meilleur guidage vers les dispositifs d’aides aux entreprises http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPT/Cccc_077409.pdf Rapport au ministre des PME d’octobre 2010, par Philippe Mathot, avec Dominique Mentha, Radeda Kerboudj et Pierre Goudin http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics//104000616/0000.pdf

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• un “coaching” personnalisé assuré par un réseau d’entrepreneurs expérimentés assurant une fonction de “mentor”. Le manque de visibilité et la complexité des démarches, l’absence d’un interlocuteur dédié au sein des dispositifs publics d’aides aux entreprises dissuadent beaucoup de dirigeants d’entreprises à potentiel d’y avoir recours. En 2006, seuls 31% des créateurs d’entreprises affirmaient avoir reçu un appui de la part des structures dédiées à la création d’entreprises. Les créateurs ne sont donc pas spontanément portés à s’inscrire dans un parcours d’accompagnement. S’il n’existe pas, à notre connaissance, d’études sur l’accompagnement des dirigeants à des stades ultérieurs de développement de l’entreprise, il y a fort à parier que le nombre d’entrepreneurs accompagnés est encore plus bas qu’au stade de la création. Le fort besoin d’accompagnement des patrons de PME est pourtant connu. Il constitue, comme le démontrent de nombreuses études, un facteur clef de succès et de pérennité de l’entreprise : plus des deux tiers des créateurs accompagnés exercent toujours leur activité au bout de trois ans. Ainsi, trois ans après la création, le taux de pérennité des entreprises est de 85% avec accompagnement et de 66% sans accompagnement. A 5 ans, l’impact positif de l’accompagnement se vérifie toujours, le taux de pérennité étant de 70% avec accompagnement et de 52% sans.

Taux de pérennité (% entreprises ; 2008)

 Avec accompagnement  Sans accompagnement

85% 66%

70% 52%

3 ans après la création

5 ans après la création

Source : Etude IFOP, commandée par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables

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La première phase de l’accompagnement personnalisé doit reposer sur la simplification de l’accès aux dispositifs d’aide aux entreprises. Cette simplification pourrait reposer sur trois mesures : • la mise à disposition d’une cartographie des services et aides disponibles pour les entreprises à potentiel, mise en ligne sur le portail dédié à ces entreprises, dans le cadre de la fusion souhaitée par l’Etat des bases de données de l’ACFCI (Sémaphore), de l’ISM et de l’APCE ; les contenus du site du Commissariat général à l’investissement et du site du Conseil supérieur consacré au financement www.financement-tpe-pme.com viendraient utilement compléter ce dispositif informatif • l’amélioration de la coordination des acteurs publics et privés (DGFIP, OSEO, CDC, CCI, chambres des métiers, experts-comptables, banques, etc.) concourant à l’accompagnement des entreprises à potentiel au quotidien (avec des mesures telles que l’ouverture des intranet régionaux CDC à des tiers pour assurer un suivi personnalisé des entreprises labellisées et coordonner leur « parcours de croissance » • la mise à disposition d’un interlocuteur administratif unique (référent au niveau local) pour chaque entreprise à potentiel, avec pour objectif l’allègement des démarches administratives et un fléchage plus rapide vers les dispositifs existants.

La seconde phase de l’accompagnement spécifique proposé aux entreprises à potentiel reposerait sur la mobilisation d’un réseau de mentors, auquel les dirigeants d’entreprises à potentiel pourraient avoir recours lorsqu’ils ont besoin d’un « répondant » pour élaborer les options stratégiques de l’entreprise (innovation, export, financement, emploi/ressources humaines, protection des actifs, marchés publics etc.). La mise en place d’un réseau de mentors (entrepreneurs ayant réussi, business angels, etc.) pourrait reposer sur le portail de signalement des entreprises à potentiel, qui permettrait aux mentors éventuels de se faire connaître des entrepreneurs et des autres acteurs concourant au signalement des entreprises à potentiel.

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ANNEXE

CRITERES POUR LE DIAGNOSTIC DES ENTREPRISES A FORT POTENTIEL 1. Le dirigeant – (assurance homme clé) 1.1. Eléments intéressants au niveau de son parcours / avantages concurrentiels • • • • •

Expérience professionnelle ; Connaissance du marché ; Fichiers fournisseurs connus ; Qualité : acheteur, vendeur, gestionnaire ; Capacité de résoudre des problèmes complexes.

1.2. Adéquation de son parcours avec son couple produit-marché 1.3. Participation à des réseaux

2. L’entreprise 2.1. Ses savoir-faire • • •

Patrimoine immatériel (savoir-faire, brevets. Les éléments sensibles de votre entreprise sont-ils bien identifiés et bien protégés ?) Portefeuille clients Image / Notoriété

2.2. Son organisation •

Existence d’un manuel de process et/ou ISO

2.3. Evolution des ratios financiers, rapportés au secteur

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3. Le couple produit-marché 3.1. Le point le plus important : faire préciser par le (la) chef d’entreprise quelle est la vocation de son entreprise : le but de mon entreprise est de :

OUI

NON

Créer de la richesse Gagner plus d’argent Créer des emplois Innover Exporter

3.2. S’intéresser aux points suivants : • • • • •

Quelle est la nature du ou des marchés (quels sont les clients) ? Le(s) marché(s) est-il (sont-ils) à dimension finie, en expansion, en régression ? Quelles sont les opportunités et menaces sur le (les) marché(s) ? (en particulier : les marchés sont-ils solvables dans la durée, potentiels de marge…) Le (les) produits sont-ils innovants ? Quel est leur positionnement sur une courbe de vie ? Le(s) produit (s) sont-ils aptes à évoluer ? Leurs points forts et faibles.

L’entreprise dispose-t-elle d’indicateurs de performance ?

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