Financer le transport collectif dans le Grand Montréal Mémoire présenté dans le cadre de la Commission du transport Communauté métropolitaine de Montréal (CMM)
Avril 2012
Introduction La FECHIMM salue la volonté de la CMM d'assurer la réalisation des projets de maintien et de développement du transport collectif dans la région métropolitaine, de concert avec tous les acteurs concernés. Afin d’éviter le désagrégement de cet aménagement stratégique urbain que représente le transport collectif, c’est ensemble que nous devons réfléchir sur un mode de financement garantissant sa pérennité. Par ce mémoire, la FECHIMM veut apporter sa contribution sous l’angle du développement social durable. Tout comme la CMM, la FECHIMM est d’avis que la grande région de Montréal doit rapidement trouver de nouvelles façons de financer le transport collectif pour en assurer sa viabilité. Que ce soit en termes sociaux, économiques ou environnementaux, il en va de sa cohésion sociale. Le transport en commun occupe en effet une fonction sociale importante. Il permet l’accès aux emplois, à l’éducation, aux soins de santé ainsi qu’à d’autres services essentiels. Facteur de mixité fonctionnelle, il représente aussi un important vecteur de mixité sociale, au cœur même des principes défendus par la FECHIMM, puisqu’elle répond à une question d’équité. Nous sommes d’avis que les fonds publics doivent pouvoir servir à une diversité de types de clientèles. Une société ouverte sur la diversité, quelques soient les formes que cette diversité revêt, est une société saine. La FECHIMM est d’autant plus interpellée par le sujet du transport collectif que le revenu médian des quelques 11 200 ménages qu’elle représente ainsi que leur répartition sur les territoires de la région montréalaise en font de grands utilisateurs de transport en commun.
I‐ Problématique Le financement des transports collectifs est une responsabilité partagée entre le gouvernement du Québec, du Canada ainsi que les municipalités. Afin d’augmenter l’achalandage dans les transports collectifs ainsi que de réduire l’étalement urbain et les émissions de gaz à effet de serre, la CMM a évalué, entre 2011 et 2020, des besoins financiers d’environ 23 milliards de dollars. Ce montant comprend le maintien et l’amélioration des réseaux (10,3 milliards), la poursuite de projets en vigueur (4 milliards) ainsi que le développement de structures (8,6 milliards) ayant pour objectif de décongestionner les réseaux de transports déjà saturés 1 . Les montants octroyés par les principaux bailleurs de fonds sont nettement insuffisants. Ils conduisent à un manque à gagner annuel de 1,7 G$ en 2020, seulement pour combler les investissements en infrastructures 2 .
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CMM, Un Grand Montréal attractif, compétitif et durable. Plan métropolitain d’aménagement et de développement. Décembre
2011, p, 111. 2 idem
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En effet, depuis les années 1990, le gouvernement du Québec a cessé toute contribution, menant à un sous‐investissement chronique des transports collectifs. De plus, la majorité des bailleurs de fonds ne bénéficie pas de marge de manœuvre additionnelle. Depuis 1990, les usagers subissent constamment une hausse plus grande que l’indexation. Les villes éprouvent des difficultés à augmenter la part de leur contribution en provenance de la taxe foncière, malgré des efforts parmi les plus importants au pays par personne 3 . De nouvelles sources seront nécessaires à court et moyen termes pour permettre à la fois aux gouvernements du Québec et du Canada ainsi qu’aux municipalités de la CMM de s’acquitter de leurs parts respectives du financement du volet transports collectifs du PMAD. La FECHIMM soumet ici quelques propositions.
II‐ Propositions de la FECHIMM AU NIVEAU FÉDÉRAL : Le gouvernement fédéral, qui ne défraie qu’une petite partie des investissements, n’a pas augmenté sa part depuis 2007 et n’a toujours pas élaboré de cadre stratégique pour financer les transports collectifs.
Bonifier l’enveloppe de la Société de financement des infrastructures locales (SOFIL) La SOFIL a comme mission de verser une aide financière aux organismes municipaux pour des projets d’infrastructure en matière d’eau potable, d’eaux usées, de voirie locale, de gestion des matières résiduelles, de travaux d’amélioration énergétique des bâtiments, de transport en commun ainsi que de projets d'infrastructure ayant des incidences économiques, urbaines ou régionales. Le budget consacré aux projets d’infrastructures en matière de transport en commun est de 504 M$ pour une période de 5 ans. De cette somme, la part du gouvernement fédéral est de 411 M$ provenant du partage d’une partie des revenus de la taxe fédérale d’accise sur l’essence et des sommes qu’il a consacrées au transport en commun. D’ici la fin de 2014, la SOFIL versera 2,8 milliards de dollars aux municipalités et aux organismes de transport en commun. De cette somme, 1,85 milliard de dollars proviendront de la taxe fédérale d’accise sur l’essence et 950,1 millions de dollars résulteront du droit spécial d’immatriculation applicable aux véhicules énergivores, des revenus de placement et d’autres contributions du gouvernement du Québec. Avec une contribution municipale attendue de 972,9 millions de dollars, ce sont 3,8 milliards de dollars d’investissements additionnels destinés aux infrastructures municipales et de transport en commun qui seront réalisés d’ici la fin de 2014. La FECHIMM recommande de transférer l’ensemble des montants déjà prélevés sur la taxe d’accise sur l’essence à l’enveloppe de la SOFIL dédiée au transport en commun.
3 Association canadienne du transport urbain, L’impact économique des investissements dans le transport en commun : une enquête nationale, 2010, p.68.
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Reconduire le fonds Chantier Canada Selon les recherches de l’organisme Transit, tous les grands projets de transport développés au Québec via les centaines de millions de dollars provenant du Fonds Chantiers Canada sont allés exclusivement aux projets routiers. Le gouvernement du Québec, contrairement aux autres provinces, a en effet décidé de ne présenter aucun projet de transports collectifs au Fonds Chantiers Canada, qui finance les grandes infrastructures. Le gouvernement du Québec a décidé de miser exclusivement sur les projets autoroutiers. Une importante source de financement pour les transports collectifs a donc été distribuée à d’autres fins pendant 4 ans. À l’heure actuelle, plusieurs projets de développement ou de consolidation du transport en commun sont paralysés, faute de fonds. Le gouvernement doit rattraper ce temps perdu et entreprendre les démarches nécessaires pour récupérer les millions du fédéral qui ont été détournés. Rappelons que le Fonds Chantiers Canada, d’une valeur de 8,8 milliards de $, a été mis sur pied par le gouvernement fédéral pour financer les infrastructures à travers le pays pour la période 2007‐‐‐2014. Le fédéral a annoncé récemment la prolongation de ce programme après 2014 et il semblerait que des consultations soient prévues à cet effet ce printemps.
La FECHIMM recommande de reconduire le Fonds Chantiers Canada pour le financement des grands projets d’infrastructures et que le Québec l’utilise à des fins de transports collectifs. Implanter un cadre de financement Selon l’Association canadienne du transport urbain, le Canada est le seul pays du G8 qui n’a pas de politique nationale de soutien prévisible et à long terme du transport en commun. En l’absence d’une culture sociopolitique plus axée sur le transport, les collectivités canadiennes ne seront pas en mesure d’offrir les ressources et le contexte améliorés dont ce mode de transport a besoin pour atteindre son potentiel. Pour construire cette culture axée sur le transport en commun, le Canada a besoin d’un cadre stratégique qui fixerait des objectifs pour les réseaux de transport en commun au Canada et soulignerait les rôles, les responsabilités et les priorités de tous les ordres de gouvernement. Une meilleure planification des infrastructures, s’appuyant sur un financement futur garanti, réduit la dépendance à l’égard des programmes de financement à court terme qui privilégient les projets prêts à démarrer.
La FECHIMM recommande d’annoncer un cadre stratégique de financement national stable, à long terme et prévisible pour les transports collectifs. AU NIVEAU PROVINCIAL : Le gouvernement du Québec n’aura bientôt plus les moyens de défrayer les coûts de maintien, d’amélioration et de développement des infrastructures de transports collectifs
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puisqu’à compter de 2015 4 , le principal fonds dédié‐ le Fonds des réseaux de transport terrestre (FORT) –sera déficitaire.
Penser autrement Actuellement, seulement 18 % du FORT est alloué aux transports collectifs tandis que 82 % du fonds finance les infrastructures routières 5 . Les utilisateurs du réseau routier contestent leur participation au financement du transport collectif, sur une base de non‐utilisation. Les usagers du transport en commun financent toutefois le réseau routier sans même que leur avis ne soit sollicité. Pourtant, les utilisateurs du transport collectif contribuent largement à désengorger le réseau routier sans que cela ne soit pris en compte.
La FECHIMM recommande de répartir plus équitablement les budgets du FORT, en faisant passer la part respective de 82 % allouée au réseau routier et de 18 % allouée aux transports collectifs, à une répartition de 70/30. Trouver de nouvelles sources de financement Imposer une taxe sur l’essence Tel que suggéré par les élus de la CMM, imposer une taxe d’accise sur l’essence de 0,02 $ le litre permettrait d’amasser approximativement 55 M$ par année.
La FECHIMM recommande d’augmenter, et ce, dès le prochain budget, les ressources dédiées aux transports collectifs dans le FORT via une augmentation de la taxe sur l’essence. Bonifier le Fond vert Ce fonds appuie financièrement la réalisation de mesures environnementales favorisant le développement durable. Les principales sources de financement de ce fonds sont les redevances sur l’élimination des matières résiduelles et la redevance annuelle au Fonds vert (aussi appelée « redevance sur les carburants et les combustibles fossiles »). Le peu d’argent investi ainsi que la complexité de la démarche font en sorte que peu d’instances y participent.
La FECHIMM recommande de quintupler d’ici 2015 les revenus du Fonds vert et de dédier le deux tiers des sommes au développement des services et projets de transports collectifs. Mettre en place un réseau de péage Parmi les nouvelles sources de financement envisagées, un réseau de péage permettrait de générer de nouveaux revenus dédiés au maintien du transport collectif montréalais. Cependant, l'implantation de péages doit s'inscrire dans une vision d'ensemble du développement des transports qui n'existe pas, à l'heure actuelle, dans la région métropolitaine.
4 Gouvernement du Québec. Budget 2012‐13. Plan budgétaire. Tableau A.16 5 idem
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Par exemple, les coûts pourraient être évalués en fonction du kilométrage parcouru, de l'heure de circulation, de la route utilisée ou de l'état de congestion de celle‐ci, au moment du passage. Les prix pourraient même être modulés pour que le coût d'un itinéraire donné corresponde à l'impact environnemental de la conduite. L’implantation d’un réseau de péage pourrait donc permettre de réduire l'utilisation de l'automobile, de favoriser le transfert vers le transport en commun et d’atténuer la pollution atmosphérique. C’est le principe de l’utilisateur‐payeur.
La FECHIMM recommande de définir les objectifs d’un réseau de péage et d’annoncer son implantation. AU NIVEAU MUNICIPAL :
Mettre en commun des fonds pour le transport collectif L’étalement urbain engendre des coûts économiques et environnementaux auxquels toutes les municipalités de la grande région métropolitaine doivent solidairement s’attaquer. Après tout, ce sont aussi les travailleurs des couronnes nord et sud qui utilisent les transports collectifs.
La FECHIMM recommande aux municipalités de la CMM de mettre en place des fonds communs dédiés aux transports collectifs. Déployer d’autres mesures financières Les transports émettent environ 60% des polluants atmosphériques et causent d’importantes émissions de gaz à effet de serre. La congestion routière engendre d’autres coûts tels que : essence perdue, retard dans les livraisons, temps de travail perdu, etc. Ces frais ne sont pas répartis en fonction de l’utilisation du réseau routier. Une taxe municipale sur le carburant, récurrente et indexée annuellement permettrait un principe selon nous plus équitable. Une indexation annuelle des droits d’immatriculation ou encore des frais de stationnement pourraient aussi contribuer au financement du transport en commun.
La FECHIMM recommande de déployer un cocktail de mesures existantes pour combler les besoins financiers municipaux: étendre au territoire de la CMM les droits d’immatriculation, de stationnement ou hausser la taxe métropolitaine sur l’essence dédiée aux transports collectifs en sont de bons exemples.
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III‐ Conclusion Un réseau de transport en commun structurant est complémentaire à l’aménagement du territoire. Son amélioration augmente de manière significative le potentiel de densification d’une région. Pour en assurer la cohésion, une réelle politique d’aménagement du territoire s’avère toutefois nécessaire. À l’heure actuelle, l’environnement n’est plus dissocié des projets d’urbanisme, ni des orientations économiques, culturelles ou sociales de la ville. La FECHIMM est persuadée que ce souci d’intégration doit prendre en compte un développement réfléchi à long terme et concerner tous les acteurs impliqués dans le développement de la région montréalaise et ce, peu importe son secteur d’activité ou son moyen de transport. Au vu des recommandations que la FECHIMM a mises de l’avant dans ce présent mémoire, nous demeurons convaincus que la viabilité du transport collectif métropolitain ne peut se baser sur une seule mesure, mais sur toute une panoplie d’actions tenant compte de la problématique dans sa totalité. C’est en réfléchissant dans une perspective globale que Montréal conservera sa productivité et sa qualité de vie. Espérons maintenant que cette consultation permettra des actions concrètes et viables à long terme.
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La Fédération des coopératives d’habitation du Montréal métropolitain (FECHIMM) en quelques mots… Fondée en 1983, la FECHIMM sert de porte‐parole à près de 450 coopératives membres, correspondant à 11 200 ménages coopérants et 75 % des coopératives d’habitation du territoire métropolitain. La valeur de l’actif combiné de ses membres dépasse le demi‐milliard de dollars, ce qui en fait l’un des plus importants acteurs immobiliers résidentiels de la grande région montréalaise. Les coopératives fédérées à la FECHIMM ont pour mission d’offrir un logement dans les meilleures conditions de salubrité et au prix le plus économique, pour le plus grand nombre possible de ménages désireux d’accéder à la propriété collective. La FECHIMM soutient ses membres par une gamme étendue de services, dont les plus importants sont la formation et l’aide à la gestion. La FECHIMM offre également des regroupements d’achats, un programme d’aide à l’implantation de mesures d’efficacité énergétique, des services de soutien à la planification et aux travaux immobiliers ainsi que des outils de communication et d’information.
Une organisation démocratique Le fonctionnement de la FECHIMM prend racine dans la participation démocratique de milliers de citoyennes et de citoyens, résidents des coopératives d’habitation. Elle est gérée par ses membres et financée en grande partie par ceux‐ci.
Favoriser la prise en charge La FECHIMM s’inspire des principes suivants: accessibilité pour les ménages à faibles revenus et non‐discrimination dans le choix des membres‐locataires, mixité des clientèles, appropriation de l’habitat, prise en charge et responsabilisation des sociétaires ainsi qu’autonomie de fonctionnement.
Pour informations complémentaires : Christine Richard, directrice à la vie associative Fédération des coopératives d’habitation intermunicipale du Montréal métropolitain (FECHIMM) (514) 220‐0598, poste 223
[email protected]
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