Entre dandys et beautés lasci ves

Christophe et Dutronc père font la paire. Mais c'est à Été 67, régionaux de l'étape, qu'est revenu l'honneur d'ouvrir la grande scène. En ontils la dimension ? Les six Liégeois ont, en tout cas, bien évolué. Eux qui trou vent leur inspiration dans le “quartier de la gare” ou au poste de douane, ont maintenant un petit côté.
396KB taille 4 téléchargements 130 vues
Découvertes

Culture

l Les Francofolies de Spa

jour aux Francos. Coup de cœur pour Pierre Simon.

T

ong ou bottes en caoutchouc ? Bob fleuri ou parapluie à petits pois ? Tombera ou tombera pas ? A Spa, jeudi matin, chacun se posait la question, inspectant le ciel avec attention, s’improvisant mé­ téorologiste spécialisé en vol d’hi­ rondelle ou en tissage de toiles d’araignée. Et si, finalement, la pluie a epargné le parc des Sept Heures, une voix n’est quant à elle pas tom­ bée dans l’oreille d’un sourd : celle de Belyn d’Arc, envoûtante et cha­ leureuse, non sans rappeler celle d’une Marianne Faithfull. Toute de

noire vêtue, la crinière blonde au vent, la jeune femme essaye en vain de sor­ tir le public de sa torpeur : “C’est un peu tôt pour bouger, j’en suis consciente.” Pourtant, les refrains rock, porté par son orchestre malgache, sont bien fi­ celés et les mélodies entêtantes. A quelques pas de là, sur la scène Fnac et à l’occasion des Franc’off, l’électro­rock de Stereo Grand fait da­ vantage bouger. En rouge et noir, les Bruxellois enchaînent distorsions et effets sonores, offrant quelques beaux morceaux aux confins du rock, de la pop et de la techno. L’anglais irrite ce­ pendant certains : “En français !”, crie un spectateur. Le claviériste, Ecossais, se lance alors au chant dans la langue de Molière. L’accent est à couper au couteau, mais l’idée est là.

qui m’a fait voir ses formes, avant de voir le fond”, chante­t­il dans “Cupi­ don”. Le public est transporté, l’élé­ gant lui parle d’amour avec sérieux, de drame avec légèreté. Dans “La de­ mande en mariage”, sa belle lui dit “Non.” Nous, on lui dit : “Oui !”, plutôt deux fois qu’une, envoûtés par sa dé­ gaine de poète maudit et son bagou de beau parleur. Sur la scène Proximus, Mièle pré­ sente son second album, “Le jour et la nuit”. Moins rock, plus pop, leurs nou­ velles compositions restent décalées et rafraîchissantes. Des spectateurs es­ quissent quelques pas de danse, tan­ dis que sur la scène voisine, le hip­hop mâtiné d’épices très latino de Pablo Andres salue les premiers rayons de soleil de la journée. A 17h45, place à Emmanuelle Sei­

A 15h15, les nuages sont toujours aussi oppressants, mais la prestation léchée de Pierre Simon les fait vite oublier. Après avoir écumé les festi­ vals belges et les salles de spectacle pendant près de six ans à la tête du groupe “Clandestine”, c’est en solo – quoique, entouré des mêmes qu’avant, ou presque –, que le dandy à la voix de velours vient présenter son nouvel album homonyme. Cha­ peauté d’un haut­de­forme très tim­ burtonien (clin d’œil à Thomas Fer­ sen ?), Pierre Simon invite le public dans son bal guinguette, à mi­chemin entre le Paris des années folles et le sa­ loon d’un film de Léone. Ses textes poétiques, à l’humour caustique et mélodique, entre La rue Ketanou et Bénabar, font mouche. “Ah, si je con­ naissais le blaireau, l’enfoiré, le sale con

ALEXIS HAULOT

Arrêt sur image

Affiche prestigieuse pour le premier soir des Francofolies sur la Grand­Place spadoise : Christophe et Dutronc père font la paire. Mais c’est à Été 67, régionaux de l’étape, qu’est revenu l’honneur d’ouvrir la grande scène. En ont­ils la dimension ? Les six Liégeois ont, en tout cas, bien évolué. Eux qui trou­ vent leur inspiration dans le “quartier de la gare” ou au poste de douane, ont maintenant un petit côté rock’n’roll western. Et cela marche. Christophe, second acte qui passe à l’heure de boucler ces lignes, est un vieux routier. Il sait manœuvrer. Ici en tournée à rallonge, il a préparé une formule spéciale festival, avec trois musiciens seulement. Intimiste a priori, la formule passe­t­elle la rampe ? Bien sûr, car les formidables mélo­ dies dont Christophe a le secret et la voix pour les porter loin, emplissent la Grand­Place de Spa. Oui, s’il en reste un, ce sera lui, “le dernier des Bevilacqua”. (D.S.)

42

La Libre Belgique - vendredi 23 juillet 2010

gner sur la grande scène Proximus. Chemise à carreaux, plus féline et nature que jamais, la chanteuse su­ surre : “C’est dans ma nature, j’ai du sang animal. […] Je suis tant bien que mal, je suis une femme fatale.” Irri­ tante pour les un(e)s, sexy pour les autres, la Française accumule dé­ hanchés et poses lascives avec une nonchalance étudiée. Dans un tout autre registre, les Liégeois de Dan San emmènent leur public dans un univers mélancolique peuplé d’har­ monies vocales. La nuit tombe dou­ cement sur le parc Francofou, qui résonnera plus tard aux rythmes de Cœur de Pirate, alors qu’Eté 67, Christophe et Jacques Dutronc don­ neront le ton sur la scène Pierre Rapsat. Julie Gillet

Yodelice déroute et

séduit le Village

P Belle

Ginzu en guise de feu d’artifice.

affiche, mercredi soir, avec

Mercredi, une petite ondée a rafraîchi les Francos pendant quelques heures. Pas de quoi partir en courant. D’oura­ gan il est toutefois question, en fin d’après­midi, pour décrire la presta­ tion d’Izia qui vient de s’achever. Sur la scène intermédiaire, Baloji, de retour de sa tournée congolaise (LLB 26/6), entend lui aussi “mouiller sa chemise” et celle du public, non sans lui servir ses textes engagés. “Les cérémonies (50 ans de l’indépendance du Congo) passées, l’heure est venue de se poser les vraies questions”, lance­t­il. L’indépendance n’est­elle pas “une forme de dépendance vicieuse, qui se déguise en coopération ?”. Et d’enchaî­ ner avec sa version “d’“Indépendance Cha­Cha”, avant d’inviter le public à “faire la fête”. Textes ciselés, chant au poil, arrangements colorés délivrés par l’orchestre de la Katuba (sonorités africaines, funk, hip hop), contact chaleureux : Baloji livre un excellent concert, face à un public malheureu­ sement moins dense que son œuvre. Même constat pour Dominique A, sur la même scène une heure plus tard. Incroyable mais vrai : ce sont les premières Francos spadoises du Nantais, pourtant un grand nom de la chanson (et du rock) français(e). Du “Sens” et du “Courage (des oiseaux)” – en guise de magnifique “petite der­ nière” pour la route, “vingt ans d’âge” –, Dominique A en a à revendre. De l’énergie aussi, électro­pop et rock, grisante pour peu qu’on rentre dans son univers non formaté, à la fois poétique et urgent, vibrant et concis.

Où chaque mot s’entend distincte­ ment – c’est trop rare pour ne pas être souligné. Patxi attire un public plus familial dans le Dôme, bel écrin pour sa voix frêle et son univers mélancoli­ que teinté de pop. Trop gentil, au total, même si le Basque a joliment retravaillé ses mélodies. C’est sur la grande scène que s’est jouée, un peu plus tôt, la surprise de la soirée : Yodelice. Le Français, entouré de trois musiciens, étonne ceux qui en sont restés à son guille­ ret tube pop­folk “Sunday with a flu”. Sous les traits de son person­ nage Yodelice, clown triste à la Tim Burton, Maxim Nucci déploie un univers original, sombre. Marqué par son chant limpide et un violon­ celle touche­à­tout. Basé sur des rythmes souvent lents ou répétitifs, et cependant racé, par moments même (plus que sur son album) expérimental. Le public francofou est parfois dérouté. Mais le titre “More than meets the eye”, avec sa rythmique pareille à celle de “La fille du Père Noël” de Dutronc, lève les dernières réticences. Ghinzu, l’un des groupes belges les plus en vue, va assurer à sa façon, survoltée, le feu d’artifice du 21 juillet. “J’aime mon pays, j’en suis fier”, répète le Bruxellois John Stargasm face à un Village bondé. Il ne manque que des Flamands. Les voici : Magnus assure le set final, dansant comme il se doit. S.L.

Sur le thème “Art et nature” au grand Saint-Jean, “Parades” a rassemblé une toute grande foule.

l Festival

Première saison “full Foccroulle ”à Aix P Aix

a connu cinq productions fortes, parfois controversées, et une foule d’événements très suivis.

P Rencontre

avec Bernard

Foccroulle.

L

e premier festival “de” Foccroulle à Aix­en­Provence eut lieu en 2006, une année où les Bleus jouaient en­ core (jusqu’au tragique coup de boule de Zidane, toute la ville fut partagée entre le foot et l’opéra), qui vit le début d’un Ring exemplaire – avec Rattle, à la tête du Phil­ harmonique de Berlin, et Braunschweig à la mise en scène – et un petit “Dido and Aeneas” très réussi, mené au sein de l’Académie européenne (tout le reste peut être oublié). Il fallut encore trois fes­ tivals (à raison d’un acte du Ring par été, plus les productions engagées avant 2006) pour que l’héritage artistique et fi­ nancier de Stéphane Lissner, parti pour la Scala, soit épuisé (si l’on peut dire) et sur­ tout les finances remises à flot (spécialité de Foccroulle). Cette année 2010 marque donc la première édition entièrement si­ gnée par notre compatriote, heureuse­ ment reconduit jusqu’en 2014. Les trois productions que nous avons suivies (“Don Giovanni”, “Alceste” et “Pygma­ lion”) et les échos des deux autres(“Le Rossignol”, de Stravinski, et “Un retour”, d’Oscar Stranoy), attestent une cohérence retrouvée et une remise à (haut) niveau ; d’avoir rendu au théâtre sa place n’est

sans doute pas pour rien dans cette réus­ site. “Tant mieux si c’est l’impression que cela donne mais l’équilibre est le même que les autres années, avec, en effet, deux gran­ des pointures du théâtre (Tcherniakov et Loy), deux chorégraphes (Trisha Brown et Thierry Thieu Niang) et un artiste définiti­ vement inclassable, Robert Lepage, qui fit l’unanimité autour de son “Rossignol”, su­ blime en effet. Mais “Don Gio­ vanni” a suscité de gros débats, “Alceste” aussi (mais moins) et “Pygmalion” ne fut pas une pro­ duction facile… Mais il est sûr qu’on était dans une vague posi­ tive, renforcée encore par quel­ ques excellents concerts, dont les deux du London Symphony Or­ chestra”. Il faut savoir qu’à Aix, les productions lyriques ne repré­ sentent qu’une certaine partie – la plus visible et la plus prestigieuse – d’un festi­ val dont les activités s’étendent sur toute l’année et qui, en été, outre les opéras, propose nombre de concerts, rencontres, récitals, débats, souvent libres d’accès (plus 20 000 personnes y ont assisté cette année). Comment un directeur d’opéra, mandaté pour un festival essentiellement lyrique, parvient­il à organiser tout cet “off” ? “J’ai été engagé sur base d’un projet et dans ma note d’intention figurait claire­ ment mon soucis de “médiation” et de rap­ port avec le public. Dès mon arrivée, j’ai donc pu mettre en place un service éducatif et un service “passerelles”. Dans le premier, nous avons développé des cycles de sensibili­ sation : des pré­générales, par exemple, qui ont accueilli cette année 2000 jeunes prépa­ rés à l’école, ou des projets dans lesquels les ©DANNY GYS/REPORTERS

P Deuxième

COPYRIGHT ELISABETH CARECCHIO.

Entre dandys et beautés lasci ves

jeunes sont eux­mêmes impliqués et qui ont conduit à “Parade(s)”, le 26 juin, sur le thème “Art et nature au grand Saint­Jean”. Notons aussi un stage d’orchestre pas­ sionnant, rassemblant des étudiants des conservatoires d’Aix, les jeunes prépro­ fessionnels de l’Académie européenne et des musiciens du London Symphony Or­ chestra”. Le cycle des “Passerelles” opère, quant à lui, sur le terrain “as­ sociatif” – les hôpitaux, les quartiers sensibles, les grou­ pes d’immigrés etc. – où le fes­ tival développe une initiation à l’opéra et à la culture à tra­ vers des actions précises : “Ci­ tons un chœur de musique arabe classique, un film musical inspiré des Nuits d’Eté de Ber­ lioz et complètement écrit par les habitants d’un quartier du Jas de Bouffan (voir site www.anony­ mal.org), le Cirque désaccordé, mené par les patients de l’hôpital Monteperrin et un groupe de voltigeurs, etc. Dans un tout autre secteur, nous avons fondé un Club d’entre­ prises rassemblant 25 petites et moyennes entreprises, qui nous apportent un soutien financier appréciable tout en favorisant la sensibilisation de tout un public qui ne de­ mande qu’à trouver le chemin de l’opéra”. Accents particuliers pour la saison 2011 ? “Valoriser les représentations en plein­air, renforcer la rencontre du specta­ teur avec la nature et son caractère d’inti­ mité, de miroir et de questionnement.” Quant au programme, il est déjà sur le site… Martine D. Mergeay

U www.festival­aix.com

vendredi 23 juillet 2010 - La Libre Belgique

43