les processus de développement des agglomérations françaises - AdCF

144 agglomérations qui pâtissent d'une évasion de masse salariale supérieure à son importation7 ! La fonction redistributive des ag- glomérations françaises ...
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les processus de développement des agglomérations françaises

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mars 2012

Synthèse de l’étude « Les agglomérations et leur territoire : 10 ans de dynamiques socio-économiques »

En partenariat avec

&RQVHLLOHQ DQDO\ O\VVH WRULDOH WHUULW

Avec le soutien de

sommaire

avant-propos

p. 3

introduction

p. 3

1er processus : la croissance économique locale ne génère pas toujours de développement

p. 4

2e processus : l’économie résidentielle a besoin d’économie productive

p. 6

3e processus : la création d’emplois n’induit pas nécessairement une baisse du chômage

p. 8

4e processus : la richesse produite par les agglomérations irrigue leurs territoires voisins

p. 10

5e processus : quand richesse fiscale ne rime pas avec richesse sociale

p. 12

conclusion

p. 15

2

avant-propos

introduction

La présente publication est une synthèse qui accompagne l’étude AdCF « Les agglomérations et leur territoire : 10 ans de dynamiques socio-économiques  » publié à l’automne 2011. Cette étude est organisée en trois grandes sections portant successivement sur les dynamiques de développement économique et les moteurs du développement des agglomérations françaises, l’état de leur niveau de cohésion socio-spatiale et, enfin, l’état de leurs ressources fiscales. L’étude, agrémentée de nombreuses cartes et tableaux, est fondée sur une analyse statistique approfondie. Une base de données est d’ailleurs accessible sur le site internet de l’AdCF – www.adcf.org – et présente l’intégralité des données construites pour cette étude. Chaque territoire peut ainsi consulter les données qui le concernent et se situer parmi les ensembles urbains du pays.

L’analyse des dynamiques socio-économiques des agglomérations françaises sur les dix dernières années (2000- 2010) révèle deux phénomènes assez saisissants. Le premier s’inscrit dans un registre purement géographique : si les agglomérations françaises1 se caractérisent par leur extrême diversité, tant en termes de niveaux de cohésion sociale et spatiale que de développement économique et fiscal, cette diversité s’exprime de manière parfois très cohérente et dessine des « blocs régionaux d’agglomérations » relativement homogènes.

Rappelons que ce travail ne prétend aucunement constituer une évaluation des politiques publiques conduites par les communautés ou d’autres acteurs institutionnels au sein des territoires concernés. L’approche déployée dans cette étude est purement territoriale. Son objectif demeure l’analyse des dynamiques économique, sociale et fiscale des territoires. Il ne s’agit donc certainement pas d’établir un classement de performance entre des gestions locales et des politiques communautaires. Parmi les territoires étudiés, certains sont organisés depuis plus de quarante ans sous forme de communautés urbaines, de districts devenus communautés d’agglomération, là où d’autres ne sont entrés que très récemment dans l’intercommunalité. A partir du croisement des différentes statistiques mobilisées, l’objectif de cette synthèse consiste à porter un éclairage sur les processus qui déterminent les trajectoires socioéconomiques de nos agglomérations et de nos territoires en général afin d’améliorer la connaissance des mécanismes de leur développement.

Le second phénomène s'inscrit dans un registre plus fonctionnel : certaines configurations, certaines tendances observées à l'échelle des agglomérations françaises interrogent et déstabilisent en profondeur notre vision traditionnelle des mécanismes du développement territorial, encore largement imprégnée d'une culture purement macro-économique. Ces situations et tendances s'expliquent par des modes de fonctionnement, des processus spécifiquement territoriaux. Cinq processus vont être détaillés : l Un processus de déconnexion entre croissance économique locale et développement : comme l'a démontré Laurent Davezies2, la croissance économique locale ne génère pas mécaniquement du développement à l’échelle des agglomérations. l Un processus de dissociation entre développement de l'économie résidentielle et développement territorial : contrairement à une idée de plus en plus répandue, l’économie résidentielle ne constitue pas une garantie suffisante d’équilibre social pour les agglomérations, processus essentiel à rappeler en ces temps de diffusion tous azimuts et souvent confuse du concept d'économie résidentielle. l Un processus de dissociation entre dynamisme de l'emploi et évolution du chômage : ce processus est sans doute, avec le premier, le plus déstabilisant pour les acteurs locaux puisqu'il signifie que la création d’emploi ne génère pas mécaniquement une réduction du chômage à l'échelle des agglomérations. l Un processus de redistribution de la richesse des agglomérations vers leurs périphéries : ce processus, lui aussi très peu intégré dans nos représentations courantes, explique que les agglomérations, bien que concentrant l'essentiel des facteurs de production (notamment à caractère concurrentiel), n'en demeurent pas moins d'importants vecteurs de cohésion territoriale de part leur fonction implicite de redistributeur de richesses. l Enfin, un processus de dissociation entre richesse fiscale et richesse sociale : le niveau de richesse fiscale des agglomérations n'est pas forcement corrélé au niveau de richesse de leurs habitants.

1 Il s’agit des 191 communautés d’agglomération, 16 communautés urbaines et 5 syndicats d’agglomération nouvelle constitués au 1er janvier 2011, soit au total 212 agglomérations. 2 Notamment « La république et ses territoires : la circulation invisible des richesses », publié en 2008 au Seuil.

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1er processus la croissance économique locale ne génère pas toujours de développement de la production concurrentielle, et présentent des « indices » de développement plutôt mitigés, illustrés par un faible niveau de revenu par habitant, une forte intensité de la pauvreté et un haut niveau d’inégalités. Une agglomération à caractère plus métropolitain comme celle de Lille, qui elle aussi tire une large part de sa richesse de la production concurrentielle, présente également des signes d’intenses fragilités sociales.

Les effets de la croissance économique sur le développement, encore assez explicatifs au niveau macro-économique, s’expriment de manière très différente au niveau territorial. L’économiste Laurent Davezies l’a démontré depuis maintenant plus d’une dizaine d’années : les modalités de développement des territoires obéissent à des lois très différentes de celles observées à l’échelle des nations. Bien plus dépendant de leur capacité à capter de la richesse qu’à seulement en produire, le développement des territoires résulte de puissants mécanismes de transferts de revenus (pensions de retraites, transferts sociaux, salaires de la fonction publique, dépenses touristiques…), tant publics que privés, et de la redistribution de ces revenus sous la forme de dépenses de consommation dans les circuits économiques locaux.Ainsi, des territoires spécialisés dans la production concurrentielle et qui en tirent une part significative de leur richesse peuvent n'en bénéficier qu’assez faiblement sur le plan social.

Cependant, toutes les agglomérations spécialisées dans la production concurrentielle ne souffrent pas de lourdes difficultés sociales. Les agglomérations du Grand Toulouse, de Grenoble-Alpes Métropole ou encore de Chalon–Val de Bourgogne présentent des configurations sociales intermédiaires. Mieux encore, celles de Rennes Métropole ou Beaune Côte et Sud présentent des indicateurs de cohésion sociale très satisfaisant. Au-delà de ce constat, il convient d’avoir à l’esprit que ces territoires, qui contribuent largement à l’effort de création de richesse nationale et par extension à alimenter les puissants mécanismes de redistribution inter-territoriale de richesses qui « nourrissent » les territoires les moins productifs, sont largement plus exposés que les autres aux aléas économiques et vulnérables aux changements de cycles. C’est à ce double titre qu’ils doivent bénéficier d’une attention privilégiée du fait à la fois de leur fonction de « moteur de l’économie » nationale et de leur fragilité intrinsèque.

Bon nombre d’agglomérations françaises se trouvent dans cette situation en apparence paradoxale mais révélatrice de la complexité des mécanismes du développement territorial contemporain. Parmi ces cas emblématiques et sans être exhaustif, il est possible de citer les agglomérations de Vitré Communauté, du Pays de Montbéliard, du Choletais, de Saint-Omer ou encore de SeineEure dont une part tout à fait significative de la richesse est d’origine productive, illustration de leur spécialisation dans le champ

La carte de la part des revenus productifs des agglomérations dessine plusieurs blocs régionaux homogènes : un premier au nord de la France, un deuxième en périphérie nord et ouest de l’Île de France et le long de la Seine, un troisième bloc qui s’étend de la Bretagne centrale à la région des Pays de la Loire et à la région Poitou-Charentes, un axe dans le grand sud-ouest le long de la Garonne et, enfin, un cinquième bloc assez vaste en Rhône-Alpes, Saône et Bourgogne jusqu'au Haut-Rhin. La carte représentant le niveau d’inégalité de revenu par habitant indique la diversité de situations des agglomérations à dominante « productive ». Les agglomérations du bloc breton-ligérien-charentais et du bloc Rhône-alpin et Saône-Bourgogne présentent des niveaux d’inégalités de revenus par habitant assez faibles. En revanche, la situation est beaucoup plus contrastée pour les agglomérations du grand sud-ouest et de l’ouest de l’Île de France. Enfin, le bloc nordiste se caractérise par un très fort niveau d’inégalités.

4

part de la base productive dans l’ensemble des revenus basiques des agglomérations en 2006 (en % de la base totale)

niveau d’inégalités de revenus par habitant et intensité de la pauvreté des agglomérations en 2008

5

2e processus l’économie résidentielle a besoin d’économie productive Si l’émergence de la notion d’économie résidentielle dans le débat public a permis de porter un éclairage nouveau pour la compréhension des dynamiques de développement des territoires, elle a également soulevé de nombreuses controverses et suscité quelques incompréhensions. Parfois strictement perçue de manière négative par les tenants d’une conception productiviste du développement territorial, l’économie résidentielle peut être parée d’un peu trop de vertus par ses thuriféraires, qui y verraient une alternative à la production concurrentielle, trop compétitive et bien peu « durable ». Or on peut là aussi observer de multiples configurations territoriales.

tique, la Presqu'Ile de Guérande Atlantique,Val Forêt, le Val d'Yerres, la Riviera Française…) présentent des profils sociaux tout à fait remarquables caractérisés par une faible intensité de la pauvreté et un fort degré d'homogénéité sociale (les inégalités y sont faibles). Les 15 autres (Fréjus - Saint Raphaël, Cœur de Seine, Vallée de la Marne, agglomération Côte Basque Adour, Sophia Antipolis…) présentent elles aussi des modèles de cohésion plutôt favorables caractérisés par une moindre intensité de la pauvreté et un fort niveau d'inégalités de revenu. Inégalités tirées vers le haut non pas par le niveau de pauvreté des plus pauvres mais par le niveau de revenu des plus riches5.

Sur les 80 agglomérations françaises que l’on peut qualifier de résidentielles, c’est-à-dire caractérisées par une hypertrophie de flux de revenus de cette nature dans leur économie3, 31 d’entre elles présentent des signes avancés de fragilités sociales. Parmi ces 31 agglomérations, huit (Marne la Vallée - Val Maubuée, Plaine de France, agglomération Dracénoise, Pays de Martigues, Évry Centre Essonne) sont confrontées à une forte intensité de la pauvreté et à un faible niveau d'inégalités, configuration symptomatique d'une paupérisation généralisée de la population : alors que les pauvres y demeurent très pauvres, les plus riches y demeurent nettement moins riches qu'en moyenne. Les 23 autres agglomérations de ce groupe « en souffrance » (qui se composent notamment des agglomérations Hérault Méditerranée,Val de Bièvre, des Lacs de l'Essonne, de Seine Essonne, du Bassin de Thau, de l'Aéroport du Bourget, d'Argenteuil Bezons, du Grand Narbonne…) se trouvent elles aussi exposées à une forte intensité de la pauvreté mais à de fortes inégalités. Les populations les plus démunies sont tellement pauvres que le niveau d'inégalités de revenu entre habitants est très élevé, malgré le faible niveau de richesse des populations les plus riches.

L'économie résidentielle est un moteur majeur de développement des territoires. Mais la rapide diffusion de la notion dans les débats publics a généré un certain nombre de confusions et de visions erronées. Pourtant, les études sur le sujet démontrent, d'une part, que l'économie résidentielle ne peut constituer à elle seule une « assurance développement ». Et d'autre part, qu'elle ne peut être appréhendée isolement de la question productive ; ces deux « moteurs de développement » se complétant bien plus qu’ils ne s’opposent. Les modèles de développement vertueux et durables sont en règle générale ceux qui articulent le mieux ces deux fonctions. Il est impératif de préciser que l'économie résidentielle, qui n'est qu'une pure économie de transfert, dépend étroitement de l'existence de l'économie productive concurrentielle. En d'autres termes, sans économie productive, point d'économie résidentielle. D'où, pour les territoires, la nécessité de déployer une vision à plus ou moins long terme non pas centrée exclusivement sur un mode de développement résidentiel (il est vrai porteur à court terme), mais plutôt productivo-résidentiel, afin de profiter à la fois des mécanismes de redistribution inter-territoriale de richesses mais aussi de contribuer à leur alimentation.

L’économie résidentielle peut avoir des effets contrastés4, Néanmoins, une majorité d'agglomérations semble en tirer largement profit (49 au total). Parmi ces 49 agglomérations, 34 (Royan Atlan-

La carte de la part des revenus résidentiels s’inscrit en négatif de celle des revenus productifs présentée dans la partie précédente. Elle dessine très clairement un effet littoral dont les agglomérations, très attractives sur le plan touristique, apparaissent en toute logique comme fortement résidentielles. Le bloc francilien ressort également de manière explicite, principalement du fait de la prédominance des revenus « dortoirs » dans leur économie (47% de leur base a minima). La carte des niveaux d’inégalité de revenu par habitant indique la diversité de situations des agglomérations à dominante « résidentielle ». Si les agglomérations de la façade Atlantique présentent des niveaux d’inégalités de revenus par habitant assez faibles, en revanche, les agglomérations du littoral méditerranéen se caractérisent par un très fort niveau d’inégalités. La situation est assez contrastée en ce qui concerne les agglomérations d’Île de France qui présentent une grande diversité.

le profil social des agglomérations les plus résidentielles Nb d'agglomérations Pauvreté intense et faibles inégalités

8

10,0%

Pauvreté intense et fortes inégalités

23

28,8%

Pauvreté moins intense et faibles inégalités

34

42,5%

Pauvreté moins intense et fortes inégalités

15

18,8%

Total agglomérations « résidentielles »

80

100%

Source : OPC d'après SIT-DEV et Insee

3 Les agglomérations les plus résidentielles sont celles qui présentent une part de revenus d’origine résidentielle dans leur économie locale supérieure à la moyenne des agglomérations françaises (soit 56,7 %). 4 Abordé uniquement sous l'angle de la cohésion sociale illustrée par l'intensité de la pauvreté croisée avec le niveau d'inégalités sociales. Le caractère déstabilisant de l’économie résidentielle peut également être abordé sous l’angle de la précarité des emplois, la hausse du prix du foncier et de l'immobilier qui exclut les populations fragiles du marché du logement, les nuisances environnementales générées par une attractivité résidentielle soutenue… 5 Le niveau d'inégalités de revenu est largement plus corrélé à l'intensité de la pauvreté (i.e. au revenu des plus pauvres) qu'à l'intensité de la richesse (i.e. au niveau de revenu des plus riches).

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part de la base résidentielle dans l’ensemble des revenus basiques des agglomérations en 2006 (en % de la base totale)

niveau d’inégalités de revenu par habitant et intensité de la pauvreté des agglomérations en 2008

7

3e processus la création d’emplois n’induit pas nécessairement une baisse du chômage Voici sans doute le processus de développement le plus marquant, le plus ambigu et en apparence le plus paradoxal : la dissociation entre dynamique de l’emploi et dynamique du chômage. Il est effectivement assez fréquent d’observer des territoires profitant de bonnes performances en matière de créations d’emplois pâtir de performances médiocres en matière de réduction du chômage. En d’autres termes, les créations d’emplois au niveau local peuvent ne pas toujours générer une réduction des demandeurs d’emploi à cette même échelle. Deux facteurs peuvent être avancés pour expliquer ce phénomène. Premièrement, le volume des créations d’emplois peut être insuffisant au regard des besoins de la population active. Il y a là un décalage quantitatif (les spécialistes parlent à ce sujet de « spatial mismatch »), sachant que ce type de déficit peut être provoqué ou accentué par l’attractivité des emplois sur des actifs non résidant. Deuxièmement, le profil en qualification des emplois créés par les entreprises peut être largement déconnecté de celui des actifs et demandeurs d’emploi du territoire. Il y a là un décalage qualitatif (les spécialistes parlent à ce sujet de « skill mismatch », exprimant un phénomène de distorsion en fonction des compétences des actifs résidants sur le territoire), mécanisme observé de façon presque archétypale sur certains territoires franciliens, notamment en Seine-Saint-Denis. Évidemment, la combinaison de ces deux facteurs peut donner naissance à des configurations territoriales tout à fait spécifiques et très diverses.

presque deux tiers des agglomérations françaises enregistrent une dynamique positive de leurs effectifs salariés qui n'entraîne aucune baisse du chômage !

Tout les cas de figures sont observés à l’échelle des agglomérations françaises. Parmi les cas les plus singuliers, les agglomérations de Nevers et de Castres Mazamet6 se caractérisent par une réduction de l’emploi et une baisse du nombre de chômeurs. Des cas, nettement plus représentatifs, se caractérisent par une progression plus ou moins rapide de l'emploi conjuguée à une augmentation du chômage. 137 agglomérations sont dans cette configuration. Ainsi,

Dès lors que faut-il retenir ? Tout simplement que les créations d'emplois, si elles constituent une condition nécessaire au développement des territoires, et plus spécifiquement à la baisse du chômage, ne suffisent pas à améliorer le fonctionnement du marché du travail d'une agglomération.

On retrouve parmi ces territoires, les agglomérations de Plaine de France, du Val d’Europe, de Sénart en Essonne, du Sicoval, de la CIVIS, du Sud, de Vitré Communauté, l’agglomération Dracénoise, de Sarreguemines… Et pour celles qui ont enregistré les progressions d'emplois les plus rapides, les agglomérations d’Orléans–Val de Loire, de Forbach–Porte de France, de Bourg en Bresse, de Cergy-Pontoise, de Brive, de la Riviera Française, de Chartres Métropole, du Grand Auch… On notera donc que les agglomérations présentant des configurations plutôt singulières (c'est-à-dire caractérisées par une augmentation combinée du chômage et de l'emploi) sont beaucoup plus nombreuses que celles caractérisées par des profils plus conformes aux schémas de pensée classique. Seulement 49 agglomérations (soit 23,1 % du total) ont vu la progression de leurs emplois générer une réduction du chômage. On y retrouve notamment les agglomérations du Pays de Lorient, de Pau-Pyrénées, du Bassin d'Aurillac, du Grand Tarbes, de Nice Côte d’Azur qui ont enregistré une croissance modérée de l'emploi, et celles de Clichy sous Bois-Montfermeil, du Pays d'Aix-en-Provence, de Bastia, d’Hénin Carvin, Nîmes Métropole, Nantes Métropole… qui ont, elles, enregistrées des progressions soutenues de leurs effectifs salariés.

les différentes configurations d'agglomérations observées au croisement entre les dynamiques de l'emploi et du chômage

Dynamique de l'emploi -

+

+++ Total agglomérations

Dynamique du chômage

Nb d'agglomérations

-

2

0,9%

+

3

1,4%

+++

11

5,2%

-

23

10,8%

+

19

9,0%

+++

57

26,9%

-

26

12,3%

+

22

10,4%

+++

49

23,1%

212

100%

Source : Calculs OPC d'après Insee - Statistiques du marché du travail et Unedic Note : Figurent en fond bleuté les agglomérations présentant une configuration "contre-intuitive"

6 En d'autres termes, la chute des effectifs salariés à l'échelle de l'agglomération n'a pas entraîné un accroissement mécanique de la demande d'emploi. Cette situation est probablement due à un ralentissement démographique prononcé.

8

mise en perspective de la progression du chômage entre 2001 et 2010, et de celle de l’emploi salarié privé entre 1993 et 2009 à l’échelle des agglomérations

Cette carte croise deux variables, les progressions du chômage (demandeurs d’emploi en fin de mois de catégorie A) et de l’emploi salarié. Elle révèle ainsi que plusieurs agglomérations françaises fortement créatrices d’emplois sont affectées par une progression rapide du taux de chômage. Un effet littoral assez vertueux est également observable, en façades atlantique et méditerranéenne, de baisse du taux de chômage et de progression rapide de l’emploi. Il est enfin possible de noter un phénomène conjuguant une croissance modérée de l’emploi et une progression rapide du chômage qui traverse le pays depuis le nord-est de la France jusqu’au sud-ouest du massif central (en mauve sur la carte).

9

4e processus la richesse produite par les agglomérations irrigue leurs territoires voisins Le monde rural perçoit souvent le monde urbain comme le grand gagnant des processus territoriaux contemporains. La métropolisation serait un processus qui profiterait nécessairement aux espaces urbains et aux grandes agglomérations au détriment des espaces ruraux. Dit autrement, les centres, en tant que pôles d'activités, récolteraient davantage les fruits de la croissance générée par les activités économiques métropolitaines que les périphéries. Une analyse fine des flux de circulation de la masse salariale entre les agglomérations et le reste du territoire national révèle que la fonction de pôle d’emploi peut leur jouer de bien mauvais tours. La dissociation de plus en plus marquée entre lieu de résidence et lieu de travail est effectivement génératrice d’un important processus de redistribution de richesse et d'un important manque à gagner pour les agglomérations. Seulement 68 agglomérations (sur 212, soit un peu moins d'un tiers) présentent un solde positif au jeu des transferts de masse salariale liés aux pratiques pendulaires des actifs. En négatif, ce sont 144 agglomérations qui pâtissent d'une évasion de masse salariale supérieure à son importation7 ! La fonction redistributive des agglomérations françaises est à cet égard absolument considérable. En moyenne, si elles « importent » sur leur périmètre plus de 411 millions d'euros par an de masse salariale (soit 2 441 euros par habitant), elles en « exportent » (évasion) plus de 607 millions (soit 2 746 euros par habitant). D'où une balance largement déficitaire de 120 millions d'euros en moyenne (soit moins 490 euros par habitant et par an).

de masse salariale généré par une évasion de 5,9 milliards d'euros largement supérieure à une importation de « seulement » 1,2 milliards.Voici comment un des fleurons de la compétitivité nationale redistribue sa richesse produite par le simple jeu des migrations quotidiennes et alimente en richesses d'autres territoires. Assumer une fonction de pôle d'activité et de création de richesses ne garantie pas de les conserver sur le territoire. Cela signifie au contraire, dans la plupart des cas, une perte nette de ressource pour les agglomérations. Or ce mécanisme peut être tout fait préjudiciable, notamment en matière de consommation et, par extension, pour la dynamique de l'emploi local. Heureusement, le plus souvent, les agglomérations exercent à la fois une fonction de pôle d'activité et de pôle de consommation. Ce qui leur permet de « recapter » une partie de la richesse évadée sous la forme de dépenses de consommation. Ces mécanismes de transfert privé de richesses nous encouragent à traiter sous un angle différent la question du rapport entre les agglomérations et leur périphérie, qu'elle soit urbaine et/ou rurale. Il n'est clairement plus possible aujourd'hui, compte tenu de l'intensification de la mobilité, de la réduire à un simple antagonisme centre-périphérie, où l'un serait gagnant et l'autre perdant. Centre et périphérie fonctionnent de manière de plus en plus intégrée, dépendent de plus en plus l’une de l'autre et forment à ce titre de véritables systèmes territoriaux dont le fonctionnement peut être plus ou moins déséquilibré ou porteur de cohésion.

Quelques cas pousent ce phénomène à l’extrême comme l'agglomération Seine Défense située dans les Hauts de Seine. En 2006, cette dernière a enregistré un solde négatif de 4,6 milliards d'euros

les transferts moyens de masse salariale entre les agglomérations françaises et le reste du territoire national (2006) Importation Moyenne des transferts

Importation / hab.

411 147 164 €

2 441 €

Evasion 607 031 900 €

Evasion / hab. 2 746 €

Source : Calculs OPC d'après Insee - DADS

7

L'importation de salaire est liée à la présence d'actifs sur le périmètre de l'agglomération qui travaillent à l'extérieur.

10

Solde -120 428 181 €

Solde par habitant -490 €

solde de l’implantation et de l’évasion de la masse salariale : peu d’agglomérations sont gagnantes

Moins d’un tiers des agglomérations bénéficie d’un volume de salaire importé supérieur au volume des salaires qui s’évade. Si les transferts géographiques de salaire via les migrations domicile-travail constituent un puissant levier dans la construction de la richesse des agglomérations, ils contribuent également à enrichir leur périphérie. L’Île de France est sans conteste la région où se présentent les contrastes les plus marqués avec des agglomérations qui présentent les balances les plus déficitaires et les agglomérations « dortoirs », essentiellement en grande couronne, qui captent la richesse.

11

5e processus Quand richesse fiscale ne rime pas avec richesse sociale Le niveau de richesse fiscale d'un territoire (c'est-à-dire de ses institutions publiques locales) est souvent assimilé à son niveau de richesse sociale (c'est-à-dire de ses habitants). Or, de nombreux territoires fiscalement riches demeurent socialement pauvres et inversement. Ce qui peut d'ailleurs se comprendre tant les territoires socialement pauvres sont ceux qui nécessitent la plus forte intervention publique, et donc nécessitent le déploiement de moyens financiers importants. La mise en œuvre du processus de mutualisation de la taxe professionnelle à l'échelle des communautés d'agglomérations avait d'ailleurs pu générer un certain nombre d'effets contraires au principe de réduction des inégalités spatiales qui le fondait en favorisant le transfert de richesses fiscales de communes socialement pauvres mais fiscalement riches vers des communes socialement riches mais fiscalement pauvres8… Les différentes configurations observées à l'échelle des agglomérations françaises sont explicites. Toutes les configurations cohabitent. Au total, 72 agglomérations se retrouvent dans une configuration que l'on pourrait qualifier de contre-intuitive. Parmi ces 72 agglomérations, 39 peuvent être caractérisées comme fiscalement pauvres et socialement riches (notamment les agglomérations des deux Rives de la Seine, d'Annemasse–Les Voirons Agglomération, de la Brie Francilienne, du Moyen Pays Provençal– Pôle Azur Provence, du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, de La Rochelle…) et 33 comme fiscalement riches et socialement pauvres (notamment les agglomérations du Grand Dôle,Valence Agglo-Sud Rhône-Alpes, Mulhouse Alsace Agglomération, Plaine de France, Vichy Val d'Allier, Nice Côte d'Azur ou Ouest Provence…).

On mesure bien, à l'observation de ces configurations singulières, toute la pertinence d'introduire le revenu moyen par habitant dans le calcul du potentiel financier intercommunal agrégé (PFIA) comme critère de reversement dans le cadre de l’administration du fonds de péréquation horizontale intercommunale et communale (FPIC) afin d'éviter que des agglomérations socialement pauvres mais fiscalement riches se voient « confisquer » une part de leurs ressources fiscales par le biais d'un transfert vers des agglomérations fiscalement pauvres mais socialement riches. Il est en revanche possible de s’interroger sur l'impact territorial et macroéconomique de la récente réforme de la taxe professionnelle. Sur un plan local, on peut effectivement se demander si cette réforme ne va pas pénaliser encore davantage les agglomérations les plus en difficulté. Agglomérations qui se caractérisent le plus souvent par une très forte dépendance de leurs ressources fiscales à la taxe professionnelle et qui seront très peu avantagées par les modalités de calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Sur un plan plus strictement macro-économique, la suppression de la taxe professionnelle ne va-t-elle pas in fine encourager les territoires à se détourner de l'impératif macro-économique de production pour se recentrer sur le renforcement de l'attractivité résidentielle, moins risquée socialement à court terme et plus porteuse fiscalement à moyen-long terme ? Orientation qui serait tout à fait en contradiction avec l'objectif initial de la réforme.

profil fiscalo-social des agglomérations françaises Fiscalement pauvre et socialement pauvre Fiscalement pauvre et socialement riche Fiscalement riche et socialement pauvre Fiscalement riche et socialement riche Total agglomérations

Nb d'agglomérations 79 41,1% 39 20,3% 33 17,2% 41 21,4% 192 100%

Source : Insee & DGI Note : Seulement 192 agglomérations sur les 212 ont été renseignées en raison de l'indisponibilité de certaines données pour 20 territoires.

8 L. Davezies et B.-H. Nicot : "Analyse de la géographie socio-fiscale des 150 premières agglomérations françaises. Résultats d'un scénario de mutualisation de la taxe professionnelle dans les aires urbaines", Rapport à la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR), 2000.

12

niveau de richesses socio-fiscales des agglomérations : croisement du revenu médian par habitant (2008) et des bases fiscales agrégées par habitant (2009)

La carte des agglomérations en fonction du niveau de richesse socio-fiscale met en lumière un certain nombre de régularités géographiques. Les agglomérations défavorisées, en rouge, se situent préférentiellement dans le nord de la France et dans une moindre mesure dans le quart nordest, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, ainsi que le long du littoral méditerranéen (à l’exception des Alpes Maritimes). Les agglomérations socialement favorisées mais fiscalement pauvres, en mauve, se localisent dans le grand ouest français et dans la partie sud-est de l’Île de France. Les agglomérations pauvres socialement mais riches fiscalement, en marron, se localisent plutôt le long de l’axe Saône-Rhône jusqu’au delta du Rhône, mais également dans l’est et le nord de la France. Enfin, les agglomérations « au vert », se localisent de manière dense dans la partie nord du sillon rhodanien, dans la frange ouest des Alpes et dans le sud-ouest francilien jusqu’aux agglomérations de Blois Agglopolys et d’Orléans–Val de Loire.

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conclusion

L’analyse de la dynamique socio-économique et fiscale des agglomérations françaises a permis de relever cinq processus de développement territorial qui viennent perturber les schémas traditionnels et bouleverser les représentations quelques fois trop intuitives du développement local. Ces cinq processus, qui se cumulent suivant des intensités et des couplages divers, sont à l'origine de la multiplicité des configurations territoriales observées et de la grande diversité de nos agglomérations. Mais l’analyse révèle surtout, en toile de fond, qu'il n'y a pas une voie unique de développement mais qu'il en existe une multitude, même si certaines semblent plus sûres que d'autres, sans pour autant offrir de garanties absolues. De nombreuses trajectoires existent parmi les agglomérations françaises. Si l'idée n'est pas de promouvoir un modèle, il semble fondamental que les territoires intègrent cette complexité et cette diversité pour trouver le chemin de leur propre développement. Pour ce faire, deux défis majeurs devront être relevés dans les années à venir. Il s’agit tout d’abord d’intégrer les nouvelles modalités de fonctionnement socio-économique des territoires pour s’extraire de la prégnance d’un « formatage » macro-économique : le territoire ne peut plus et ne doit plus être perçu comme une petite nation, mais bien en fonction de modalités de fonctionnement qui lui sont propres. Ce changement de perception passera d'abord par l'assimilation du fait que les territoires sont désormais et avant tout des espaces de flux. Le triomphe de la mobilité, dans toutes ses formes (travail, consommation, études, loisirs et vacances…), complexifie ainsi radicalement la tâche des acteurs publics locaux qui voient en effet transiter un peu plus chaque jour des individus ne résidant pas sur leur périmètre9 sans même disposer d’une batterie d’outils de régulation forcement adaptée à ces nouvelles dynamiques de mobilité. Le premier défi consiste donc à inventer les modalités d'intervention pour des politiques publiques capables de réguler efficacement ces nouvelles logiques de flux.

Dans un second temps, il sera nécessaire de déployer, de concert, des approches macro-économiques locales et une approche macro-économique nationale pour réduire les risques de divergence entre intérêts locaux et nationaux. On a vu, par exemple, qu'une agglomération spécialisée dans la production concurrentielle et donc fortement contributrice à l'effort de création de richesses et de compétitivité nationale, pouvait le payer d'un lourd tribu sur le plan social, et peut être même bientôt sur un plan fiscal. A contrario, certaines agglomérations qui vivent très largement de la redistribution nationale (tant privée que publique) sans fortement y contribuer, peuvent s'en sortir beaucoup mieux sur le plan social et vont sans doute largement profiter de la récente réforme de la fiscalité locale… Cette double forme d'évolution, éprouvée de plus en plus fréquemment par certains acteurs locaux, pourrait à terme conduire à une réorientation stratégique en profondeur des politiques locales. Réorientation qui pourrait peser sur la dynamique macro-économique générale, qui à son tour pourrait peser sur la trajectoire de développement des territoires… S'il ne s'agit évidemment pas de sombrer dans un catastrophisme excessif, il convient cependant de prendre la mesure de la nécessité de trouver une articulation efficace et pérenne entre les politiques macro-économiques et les politiques locales qui puisse bénéficier non seulement aux territoires mais aussi à la nation tout entière. Véritables piliers de la compétitivité et de la redistribution nationales, les agglomérations auront un rôle majeur et précurseur à jouer à la fois dans ce processus préalable mais nécessaire d'appréhension des mécanismes territoriaux et dans cette recherche de conciliation permanente entre intérêts locaux et nationaux.

9 La population touristique ou en résidence secondaire, les travailleurs et étudiants non résidant, les consommateurs ponctuels, les hommes d'affaires... (cf. travaux de Christophe Terrier)

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