Harcelé, l'ado tente de se suicider

Xavier Pommereau, psychiatre des adolescents. 7% des jeunes de 11 à 19 ans ont déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide, selon l'Institut national de.
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RÉGION À LA UNE DIMANCHE 23 FÉVRIER 2014 COURRIER PICARD

SOCIÉTÉ

Harcelé, l’ado tente de se suicider Thomas, 14 ans, a tenté de mettre fin à ses jours suite aux brimades d’élèves de son collège. Hospitalisé à Creil, il a été placé en foyer d’accueil, pour être suivi. LES FAITS ▶ Thomas, 14 ans, a fait une une

Une autre bagarre au collège George-Sand

suite au harcèlement de deux élèves du collège George-Sand, situé au nord de Beauvais (Oise). ▶ Il est admis le jour même à l’hôpital de Creil (sud de l’Oise), pour y recevoir des soins. ▶ Thomas ne bénéficie, selon ses

« On gère les incidents de l’intérieur », a assuré Dominique Bleunwen, principal du collège. Le rectorat a de son côté refusé de faire le lien entre la tentative de suicide et l’établissement, évoquant un élève qui n’a « jamais été harcelé » et présentant un « comportement normal » au collège. Un autre incident y était survenu le 10 février dernier : une bagarre a éclaté entre un élève et un petit groupe d’adolescents. « Nous faisons appel à des médiateurs pour prévenir ces conflits », avait alors commenté Dominique Bleunwen.

tentative de suicide le 26 janvier,

parents, d’aucune aide psychologique à l’hôpital malgré ses

idées suicidaires. ▶ Il a été admis dans un foyer spécialisé.

n accident sans gravité». Au collège George-Sand de Beauvais (Oise), Thomas, jeune garçon de 14 ans, se fait régulièrement frapper. Il est 17 heures, vendredi24janvier, quand Nathalie, sa maman, vient le chercher pour rentrer à Nogent-sur-Oise, à quarante kilomètres de là. Thomas monte en voiture, mais reste silencieux. Dans son dos, deux élèves lancent, ironiques: «À demain Thomas!». Quelques heures plus tôt, ils ont essayé de l’étrangler, dans la cour de l’école.Thomas ne dira rien jusqu’au dimanche. Alors que ses parents sont dans la salle à manger, silencieusement, il noue un drap autour de la rembarde de l’escalier, passe le nœud autour de son cou, et s’apprête à sauter. Instinct maternel ou pressentiment, sa mère, grimpant les marches de l’escalier quatre à quatre, parviendra à temps à l’en empêcher. Thomas est immédiatement conduit à l’hôpital de Creil. Ce n’est pas la première fois que le garçon subit des violences: «Tout a commencé en CP. Thomas se faisait maltraiter dans les toilettes, et se faisait promettre que cela ne recommencerait plus s’il ne disait rien». Au fil des années, Thomas change d’école, mais subit toujours la violence des autres élèves. Avant d’arriver au collège George-Sand, loin

U

de chez lui: « Il est intégré, indique Pascal, le père de Thomas. Il a des amis à l’école et à l’extérieur, il se plaisait à George-Sand». Suivent d’autres brimades, l’inscription «PD» sur son manteau. Jusqu’à l’agression de trop, le 24janvier, puis l’hospitalisation.

Thomas avait un couteau dans sa chambre

Les parents de Thomas devant le collège George-Sand. Le visage du garçon a été volontairement flouté.

3 QUESTIONS À

CATHERINE VANNEREUX

« Ne pas banaliser le harcèlement » CATHERINE VANNEREUX est psychanalyste à Chauny (Aisne). Elle intervient dans les collèges pour sensibiliser les adolescents à la question du suicide et du harcèlement. ▶ Quand un adolescent présente un risque suicidaire, quels sont les signes qui doivent alerter les parents ? L’enfant ou l’adolescent en danger présente souvent une tristesse inhabituelle, s’isole, se dévalorise « Je ne sers à rien », est fatigué, n’a plus

sionnel ▶ Comment

envie de rien. Lui faire la morale ni lui dire de « se secouer » n’est pas la bonne solution : ce sont des signes sérieux, qu’il ne faut pas banaliser. ▶ Quelle est la bonne attitude à

expliquer ces situations de violence pratiquées ou subies à l’école qui devrait pourtant être un cadre particulièrement protégé ?

Outre l’hospitalisation en cas d’urgence, l’important est de laisser l’enfant exprimer son mal-être : l’autoriser à pleurer, à dire ce qu’il ne va pas. Et le conduire chez un psychologue, qui l’écoutera sans le juger et sera tenu au secret profes-

Les jeunes vivent dans la nécessité d’appartenir à un groupe, ce qui explique pourquoi ils ne disent rien, voire rient avec leurs agresseurs, souvent en groupe avec un leader. Ces conduites sont cruelles et doivent être stoppées par les adultes, car elles peuvent conduire à une crise suicidaire, assimilée à un appel au secours.

adopter face à son enfant lorsqu’il passe par cette situation de détresse ?

Problème, à Creil, expliquent les parents, Thomas ne voit le psychologue que deux fois. «Un jour on nous dit qu’il a besoin d’un suivi, le lendemain qu’il n’est pas suicidaire, et que l’hôpital n’a pas assez d’effectifs pour mettre en place une thérapie. Sans suivi , Thomas risque de récidiver. «Il avait un couteau dans sa chambre. L’hôpital ne nous a rien dit, pour ne pas nous inquiéter». L’hôpital a demandé, mercredi 19 février, son placement en foyer, demande confirmée par le procureur de Senlis, Amélie Cladière, sans en préciser les raisons. «C’est toujours de la faute des parents. Tout ce qu’on voulait, c’était des soins», déplore la mère. À l’hôpital, on assure que des mesures, pour assurer la protection de l’enfant, sont en cours Thomas a été placé le lendemain. À ce jour, les parents ignorent toujours où il se trouve. ILÉANA HERANGER

LE SUICIDE CHEZ LES JEUNES EN PICARDIE

LE CHIFFRE

LA PHRASE

▶Chez les jeunes de moins de

% des jeunes de 11 à 19 ans ont déclaré avoir déjà fait une tentative 7de suicide, selon l’Institut national de

« À l’hôpital, le jeune repart sans bilan psychologique, celui qui n’est pas mort ne voulait pas vraiment se tuer. Le risque de récidive est majeur »

15 ans, on dénombre moins d’un suicide par an en Picardie, selon l’OR2S. ▶Le taux de suicide est plus élevé que la moyenne nationale

pour les 15-24 ans (15 à 20 suicides par an). Les zones les plus touchées sont le nord de la Somme et de l’Aisne. ▶Le nombre de tentatives de suicide est difficile à connaître.

prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Un tiers environ récidive.

Xavier Pommereau, psychiatre des adolescents