Traitement Acoustique Synthèse Véhicule : quels matériaux poreux et quelles mises en oeuvre choisir ? Vehicle Acoustic Synthesis Treatment Analysis : what kind of porous materials or implementations do we have to choose ? Arnaud Duval – Francis Lhuillier Faurecia, Acoustics and Soft Trim Division – Mouzon
Résumé Optimiser le traitement acoustique d’un véhicule fait appel à une démarche de synthèse globale prenant en compte le contenu fréquentiel des sources et de leur distribution, l’analyse des voies de transfert et des processus de dissipation. Ce travail se traduit dans le cas d’un véhicule traité par une analyse du fonctionnement des matériaux poreux et de leurs différentes mises en oeuvre à la fois en isolation (amélioration des voies de transfert) et en absorption (amélioration de la dissipation « aérienne »). Pour ce faire, outre le développement de nouveaux matériaux et de nouveaux concepts (décrits ci-après), nous avons mis au point une méthode de synthèse acoustique véhicule originale permettant de simuler et donc d’optimiser le traitement acoustique en calculant le niveau de pression aux points oreille. Abstract Optimizing the noise treatment of a vehicle requires a global synthesis approach that takes into account the frequency behaviour of the sources and their distribution, transfer paths analysis and dissipation phenomena analysis. This work implies in a treated vehicle to analyse the porous media behaviour and that of the different multi-layer implementations regarding both insulation (in order to optimize the transfer paths) and absorption (in order to optimize « airborne » dissipation). Besides the development of new materials and new concepts (described thereafter), we have set up an original vehicle acoustic synthesis method allowing to simulate and therefore to optimize the noise treatments by calculating the SPL level at ears points.
INTRODUCTION L’ingénierie acoustique du point de vue du constructeur consiste pour une bonne part à identifier les sources et leurs principales voies de transfert, à réduire le bruit à la source (ou son transfert) autant que faire se peut par une bonne conception (de pièce mécanique ou de plot élastique par exemple) ; puis, lorsque tout a été tenté, à déployer des cahiers des charges vers les équipementiers afin de définir la prestation attendue par les traitements acoustiques. L’équipementier acoustique doit alors répondre au cahier des charges en minimisant le poids engagé tout en garantissant la performance. Ce type de démarche implique le développement de nouveaux matériaux mis en œuvre à l’aide de concepts classiques mais ne favorise pas le développement de nouveaux concepts ou la remise en cause des implémentations traditionnelles. Nous avons donc développé une approche globale du traitement acoustique de type synthèse véhicule en utilisant des outils de simulation tels que la SEA qui a abouti à notre « Faurecia Light-Weight Concept » mais également en mettant au point une méthode de synthèse acoustique propre à l’équipementier que nous sommes, centrée sur l’optimisation et le dimensionnement du traitement à l’échelle du véhicule.
1. PROBLEMATIQUE DE TRAITEMENT ACOUSTIQUE SYNTHESE VEHICULE Les stratégies de réduction de poids du traitement acoustique dans le véhicule (dans l’hypothèse où il y a homogénéité de traitement par rapport aux sources) sont de trois types : l’amélioration des caractéristiques intrinsèques des matériaux à densité plus faible avec des concepts classiques (cf. Brevet Faurecia sur des nouveaux feutres microfibres à fonction ressort 50 % moins lourds), développer de nouveaux concepts et combiner des fonctions à l’instar des mousses viscoélastiques qui, complexées avec une masse lourde, sont à la fois isolantes et amortissantes. Astelab 2003
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Traitement Acoustique Synthèse Véhicule : quels matériaux poreux et quelles mises en oeuvre choisir ? D’autres combinaisons sont également possibles, ainsi notre « Faurecia Light-Weight Concept » permet de réduire le poids de 25 % avec des matériaux classiques, mais nous pouvons également utiliser notre nouveau feutre microfibre à fonction ressort pour réduire encore le poids jusqu’à 35 % au global en restant toujours iso-performant. Afin d’analyser les performances et les dépendances fréquentielles des matériaux et concepts classiques, décrivons-les suivant leurs fonctions: •
l’isolation (domaine MF/HF): avec des systèmes double paroi type masse - ressort (le ressort étant un poro-élastique de type mousse ou feutre ou autres fibreux).
•
l’absorption (domaine MF/HF): avec des systèmes simple paroi constitués par le poreux lui-même (mousse et plus généralement feutre et autres fibreux).
•
l’amortissement (domaine BF): avec des matériaux type Insonorisant Fusible en Feuille (IFF) simple ou double paroi (sandwich) solidaires de la tôle, ou encore en optimisant et utilisant l’amortissement apporté par le poro-élastique du système masse - ressort isolant type mousse visco-élastique (ou les deux…).
Plages d'efficacité fréquentielle des traitements classiques (graphique adimensionnel) 1.0 60 0.9 50
0.8 0.7 0.6
30
Bruit intérieur 2nd 4000tr/min (point E) Citroën XSARA
20
Isolation en Petite Cabine (dB) Feutre 20mm 1200g/m² M.L. 3.5 kg/m²
10
Mesure Cabine Alpha Feutre 20mm 900g/m²
0.5 0.4
Coefficient d'Absorption Mesure en Cabine Alpha
dB(A) / dB
40
0.3
0
0.2
-10
0.1 50
80
125
200
315
500
800
1250
2000
3150
5000
8000
Fréquence (Hz)
Graphique N° 1 Le graphique N° 1 (ci-dessus) décrit le comportement acoustique d’un système isolant masse lourde - feutre (courbe triangle rose) mesuré en petite cabine (Insertion Loss en dB), d’un feutre absorbant (courbe carré rouge) mesuré en cabine alpha (Coefficient d’Absorption), superposé à une mesure sur route de bruit intérieur passagers avants (courbe losange bleu foncé), véhicule en 2nde 4000 tr/mn le bruit moteur prédominant (Pression acoustique en dBA). La courbe de bruit intérieur est le résultat de la contribution de l’ensemble des sources, le moteur notamment ici, et du filtrage des insonorisants précités. Il apparaît donc que ce qui est rémanent dans l’intérieur habitacle est la plage basse et moyenne fréquence, l’excitation des sources (moteur notamment) étant en première approximation large bande. L’ensemble de nos traitements insonorisants classiques (hors amortissement) ont donc essentiellement une efficacité en hautes fréquences (typiquement au-delà de 1000 Hz) si bien que toute volonté d’amélioration dans la plage rémanente basses et moyennes fréquences se traduit par des augmentations importantes de masse et d’épaisseurs et aboutit, si les passages d’organes sont bien traités (pas de fu ites HF), à une « sur-qualité » en hautes fréquences. Les travaux que nous avons menés sur la réduction de poids des feutres à fonction ressort (pour l’isolation) par l’introduction de fibres techniques (solution Faurecia brevetée déjà mentionnée) nous a permis de montrer qu’en variant Astelab 2003
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Traitement Acoustique Synthèse Véhicule : quels matériaux poreux et quelles mises en oeuvre choisir ? les compositions, il était possible d’améliorer la plage basse et moyenne fréquence, ou au contraire haute fréquence, ou encore rester iso-performant par rapport au feutre classique tout en restant 50 % moins lourd; mais que ces améliorations ne modifient pas drastiquement le comportement général mis en cause (pentes à 16/18 dB/octave). En revanche pour l’absorption, il existe des systèmes (liste non exhaustive ici) permettant d’améliorer de manière importante le comportement en moyenne fréquence tout en ne détruisant pas les propriétés en haute fréquence (systèmes « large bande »), le pendant étant hélas de mauvais comportements en isolation. Le système le plus classique est d’introduire une lame d’air derrière un fibreux comprimé (et/ou enduit), afin d’augmenter sa résistance au passage de l’air et d’autant l’excursion fréquentielle vers les MF au détriment partiel de la HF (par ex. un sous-capot membranaire). Le deuxième système, qui est très proche d’un point de vue du fonctionnement des systèmes avec lame d’air précités, est d’utiliser le principe de « bi-perméabilité » de J.-F. Allard [1]; système constitué d’une couche poreuse à forte résistance au passage de l’air complexée avec un deuxième poreux ouvert souple. La courbe d’absorption (cf. Graphique N° 1 sup.) est du même type que les systèmes avec lame d’air mais avec une meilleure excursion moyenne fréquence à encombrement donné, ainsi qu’un meilleur maintien de la performance haute fréquence. Le troisième système utilisé dans l’automobile est basé sur le principe des résonateurs (Helmholtz, membranes résonnantes, plaques perforées avec poreux derrière…), en l’occurrence les membranes résonnantes le plus souvent (par ex. en absorbants sous-moteurs) constituées par des sortes de caissettes en mousse étanche, ou encore les « membranes résonnantes absorbantes mousse » (brevet Faurecia) où les cavités sont directement faites dans un poreux avec un film tendu dessus, système beaucoup plus performant en niveau d’absorption et en largeur de bande. Le design par calcul de ces systèmes permet d’atteindre quasiment les basses fréquences si l’encombrement le permet, bien sûr les moyennes fréquences et de limiter le mauvais comportement en hautes fréquences qu’ont généralement les systèmes étanches. L’ensemble de ces pièces absorbantes « large bande » sont positionnées soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du véhicule avec généralement un impact intéressant sur le bruit intérieur, sauf si elles sont sollicitées en isolation : ce que nous allons tenter de démontrer.
2. REDUIRE LE POIDS DES INSONORISANTS : ISOLATION OU ABSORPTION ?
Sous-système 2
Sous-système 1
2
2
GMP
Graphique N° 2
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Modélisation S.E.A (Statistical Energy Analysis) de deux cavités acoustiques couplées dans le cas où seul le soussystème 1 est excité, conformément au Graphique N° 2 :
η12 ω c E 1 Sous-système 2
Sous-système 1
P1
E1
E2
η 21ω c E 2
η 1ω c E 1
η 2 ωc E 2
L’équation d’équilibre énergétique s’écrit ici sous-forme matricielle [2, 3]:
− η21 E 1 P1 (η + η12 ) ωc 1 E = 0 − η ( η + η ) 12 2 21 2
(1)
Le rapport des énergies solutions vaut donc :
E2 n2 η21 = E1 n1 η2 + η21
(2)
avec η12n1 = η21n 2
Relation de réciprocité Avec : • E1, E2 sont les énergies stockées respectivement dans les sous-systèmes 1 et 2. • n1, n2 sont les densités modales. • Les autres variables sont les paramètres de la SEA : le « Coupling Loss Factor » (CLF) est le facteur de perte par couplage entre deux sous-systèmes (êta 21) et le « Damping Loss Factor » (DLF) est le facteur de perte interne dans chaque sous-système (êta 2). Dans le cas des cavités acoustiques considérées :
V < p2 > (3) 2 ρ0 c 0 Sc A c0 η2 = 2 0 . α (ω) = 4ωV2 4ωV2
E=
η12 =
c0 S . τ 12 4ωV1
et
( 4)
1 TL = 10 log (5) τ 12
Avec : • V1, V2 sont les volumes des cavités. • A est l’aire d’absorption équivalente dans la cavité 2 (en l’occurrence l’habitacle ici), produit de la surface totale de la cavité par le coefficient d’absorption moyen. • S est la surface de la paroi couplant les deux cavités. • TL ou Transmission Loss est l’indice d’affaiblissement acoustique en dB (Tau 12 étant le coefficient de transmission). Astelab 2003
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En injectant les équations (3), (4), (5) dans l’équation rapport des énergies (2), nous retrouvons la fameuse équation des chambres réverbérantes couplées [4] (mêmes hypothèses de diffusion du champ acoustique) :
S TL = SPL1 − SPL2 + 10 log (6) A S NR (dB ) = TL − 10 log (7) avec A = ∑ α i .Si i A Le NR (dB) ou « Noise Reduction » est la réduction sonore, soustraction en dB du « Sound Pressure Level (SPL1)» de la cavité 1 (compartiment moteur ici), avec le « Sound Pressure Level (SPL2)» de la cavité 2 (l’habitacle ici). Ce NR est ainsi la résultante des effets combinés de l’isolation (le TL) et de l’absorption (le facteur –10log(S/A) dans l’habitacle ; plus son niveau est élevé meilleur est le traitement global et c’est cette valeur qui est représentative de la prestation client finale (hors absorption dans le compartiment moteur qui se surajoute et qui vient diminuer directement le SPL1 eu égard à la puissance injectée P1 : la description est complète dans le modèle SEA). Analysons maintenant l’équation (2) [2]:
Si η2