Devoir de Mémoire - Haïti

Les occupants de ladite maison au nombre de vingt-deux (22), après une résistance armée au cours de .... La résistance du peuple haïtien à la tyrannie. Tome 1 ...
298KB taille 284 téléchargements 435 vues
Devoir de Mémoire - Haïti 2 juin 1969 – 2 juin 2016 Gérald Brisson – Daniel Sansaricq – Gérard Wadestrandt – Jacques Jeannot – Niclerc Casséus – Bernadette Louis Parti Unifié des Communistes Haïtiens ici on meurt en silence (…) c´est le cycle des chauve-souris bleues de la fiction la forêt nous dira-t-elle l´aboiement des miroirs au soleil ? * Le 3 juin 1969, paraît dans les journaux Le Nouvelliste et le Nouveau Monde un communiqué du colonel Breton Claude, commandant des casernes Dessalines, annonçant la liquidation du comité central du Parti communiste haïtien le 2 juin 1969. « 1.- (…) ce matin vers les six heures une maison sise à l´avenue Martin Luther King et dans laquelle s´étaient réfugiés un certain nombre d´activistes communistes, a été attaquée par un contingent des casernes Dessalines. 2.- Les occupants de ladite maison au nombre de vingt-deux (22), après une résistance armée au cours de laquelle ils utilisèrent des grenades à mains (sic), des bombes, des fusils automatiques, des pistolets, etc. furent tous tués par les forces de l’ordre, à l´exception de deux femmes, Roselia Roséus et Bernadette Louis (Gertrude) dont l´une avec un bébé de huit mois et qui tentaient de prendre la fuite ; elles ont été faites prisonnières. 3.- L´attention du Chef Suprême et Effectif des Forces Armées d´Haïti est sollicitée sur le fait que parmi les cadavres, il a été identifié ceux de Gérald Brisson, Daniel Sansaricq, Gérard Wadestrand (sic), Jacques Jeannot, un ancien Abbé de l’Ecole Apostolique, Niclert Casséus (sic), tous du Comité Central du Parti et qui depuis bien longtemps déjà faisaient l´objet d´actives recherches. (…) ». Ce communiqué vient signifier le point d´orgue de la répression du régime de François Duvalier à l´encontre des militants communistes, notamment depuis l´engagement en 1966-1967 du Parti d´Entente Populaire fondé en 1959 par Jacques Stephen Alexis dans la lutte armée pour “la nouvelle indépendance et le socialisme”, dans une perspective anti-dictatoriale, anti-féodale et anti-impérialiste. De nombreux militants tombent dès 1967. La décapitation du Parti Unifié des Communistes Haïtiens (PUCH) constitué en janvier 1969 suite à la fusion du PEP et du Parti Populaire de Libération Nationale – Parti Unifié des Démocrates Haïtiens (PPLN-PUDA) commence peu de temps après. Plusieurs membres du Comité Central du PUCH sont arrêtés ou tués entre mars et mai 1969, dont Gaveau Desrosiers (arrêté fin mars 1969), Adrien Sansaricq (tué le 14 avril 1969), Arnold Devilmé et Joseph Roney (respectivement tué et arrêté le 2 mai 1969). Plus tard, le 2 juillet 1969, Raymond Jean-François, lui aussi membre du Comité Central, sera tué au Cap-Haïtien. Les traces ténues, éparses qui déchirent les silences, permettent d´esquisser les portraits que voici. Gérald BRISSON Diplômé en droit. Gérald Brisson fut initié au personnalisme d’Emmanuel Mounier, puis au marxisme. Il fut sympathisant de Daniel Fignolé, militant étudiant – responsable de l´Association des Etudiants en Droit en 1957 – avant de devenir militant communiste. Membre fondateur du Parti d´Entente Populaire (PEP), il en deviendra l´un des principaux dirigeants. Revenu clandestinement en Haïti en 1966, après un exil de sept ans, il s´engagera dans la lutte armée jusqu´à sa mort le 2 juin 1969. Il a aussi écrit plusieurs textes politiques et études socio-économiques, dont Fondements de l´Entente Populaire (sous le pseudonyme de Legrand, avec Raymond Jean-François alias Levantin, 1965), Fondements économiques de la situation révolutionnaire 1945-1946 (paru en octobre 1965, sous le pseudonyme de Tinois), Les relations agraires dans l´Haïti contemporaine (1968). Daniel SANSARICQ Membre de la famille Sansaricq exterminée durant les Vêpres de Jérémie (1964), frère d´Adrien Sansaricq (médecin et ancien compagnon de Che Guevara) tué à Boutilliers le 14 avril 1969. Il adhère au PEP en 1961. Il est l´auteur d´une lettre “à la presse combative d´Haïti”, publiée par le journal Ralliement en 1965, qui dénonce le joug de la dictature de Duvalier pesant sur ses compatriotes et l´intervention américaine en République dominicaine. Il rentre en Haïti en 1967 après plusieurs mois dans les geôles dominicaines. Gérard WADESTRANDT Architecte. Frère de Jacques Wadestrandt (membre des Treize de Jeune Haïti mort en 1964). Membre du PEP. Rentré en Haïti dans la clandestinité en 1966, il participe aux actions armées du parti. Jacques JEANNOT Ancien séminariste, pianiste. A vécu quelques années aux Bahamas où il militait pour la défense des droits des travailleurs. Arrêté à Freeport, vraisemblablement après la tentative d´invasion avortée du Cap-Haïtien lancée en mai 1968 à partir des Bahamas par un groupe d´opposants à Duvalier, il sera déporté vers Haïti. Militant du Parti d´Entente Populaire. Niclerc CASSÉUS Né à Lamarre, section rurale de l´Arcahaie. Ancien étudiant de l´Ecole Normale Supérieure de Port-au-Prince, professeur de sciences sociales au collège privé de Mme. Madeleine Paillère. Initié au marxisme et au programme politique du PEP par Guy Bernadin, professeur de mathématiques et de sciences physiques. Il dispense, avec celui-ci, des cours gratuits d´histoire et de mathématiques à des jeunes du cycle secondaire. Il milite avec les paysans de l´Arcahaie et devient membre du Comité Central en 1965. Il existe plusieurs versions sur sa mort. Bernadette LOUIS (Gertrude) Militante du Parti d´Entente Populaire et membre du mouvement des femmes de ce parti. Elle aurait été exécutée après sa capture. Roselia ROSÉUS Citée dans le communiqué du colonel Breton Claude du 3 juin 1969. Elle serait venue puiser de l´eau à la maison où se trouvaient les membres du PUCH.

Gérald BRISSON

Daniel SANSARICQ

Gérard WADESTRANDT

Jacques JEANNOT

Niclerc CASSÉUS

Bernadette LOUIS

Les traces qui ont permis d´établir ces repères biographiques disent aussi la désinformation délibérée pratiquée par le pouvoir en place. Dans le même communiqué, le colonel Breton Claude informe le président Duvalier que « Les autres cadavres ont été identifiés comme ceux des individus suivants : Jean-Pierre Salomon, Surpris Laventure, François Darius, Gaston Savain, Desirma Laurent, Racine Codio, André Dumont, Rodrigue Barreau, Gaveau Desrosiers, Kesnel Jean, Prosper Estiverne, Paul Max Belneau, Willy Joseph, Augustin Elien, André Raymond ». En réalité, les personnes suivantes ont été arrêtées, torturées ou tuées bien avant le 2 juin 1969 : Rodrigue Barreau (arrêté fin mai 1968), Paul Max Belneau et Willy Joseph (originaires de Cazale, arrêtés et tués avant mars 1969), Prosper Estiverne (originaire de Grand Bois/Cornillon, arrêté et tué en février 1969). Incarcéré, Racine Codio (originaire du Limbé) était encore vivant le 2 juin 1969. Il sera fusillé en juillet 1969.

* Castera Georges (1969), Vibration des cibles. Sources : Claude Breton (1969), « Le comité central du Parti communiste haïtien liquidé», Le Nouvelliste, 3 juin. Devoir de Mémoire – Haïti (2015), Mai-Juin 1968. Rodner, Rodrigue et Jean-Robert Barreau, Le Nouvelliste, 12-14 juin. Diederich Bernard (2016), Le prix du sang. La résistance du peuple haïtien à la tyrannie. Tome 1 : François Duvalier (1957-1971), Port-au-Prince. Fuller Anne, Estiverne Louis (2001 et 2015), Recherches sur la répression menée à Grand Bois Cornillon entre février et avril 1969; émission radiophonique “Nou tout Anndan” présentée par Sony Estéus le 31 janvier 2015, sur les ondes de Radio Kiskeya. Organisation Extérieure du Parti Unifié des Communistes Haïtiens (1972), Haïti sous Duvalier : Terrorisme d´Etat et visages de la résistance nationale, s.l. Rosier Claude (2003), Le Triangle de la Mort. Journal d´un prisonnier politique haïtien. 1966-1977, Port-au-Prince.

Honneur – Respect Haitiluttecontre-impunite.org

[email protected]

DEVOIRDEMEMOIRE-HAITI