Des fermes qui ont à cœur l'environnement - Les Producteurs de lait ...

2 sept. 2014 - biosécurité optimales. Wietze dit qu'ils ont réussi à mettre la ferme à l'abri de maladies animales, comme le piétin. Et selon son vétérinaire, cet ...
2MB taille 10 téléchargements 223 vues
R E P O R TA G E ­ À ­ L A ­ F E R M E

PRIX DU DÉVELOPPEMENT DURABLE EN PRODUCTION LAITIÈRE

Des fermes qui ont à cœur l’environnement

Cette année, parmi les quatre fermes finalistes du concours Prix du développement durable orchestré par Les Producteurs laitiers du Canada (PLC), ce sont les propriétaires de Clovermead Farms inc. d’Alma en Ontario, Korb, Kelly, Bruce et Deborah Whale, qui ont remporté les grands honneurs. Ils ont reçu un prix de 2 000 $, un trophée et un voyage à Frédéricton, au Nouveau-Brunswick, où leur prix leur a été remis en personne lors de l’assemblée générale annuelle 2014 des PLC tenue en juillet dernier. Pour ce qui est des trois autres fermes finalistes, on retrouve : Ferme Clobert de Saint-Bonaventure au Québec, propriété de Ginette, Claude et Stéphane Robert; Dykstra Farms de Knowlesville au Nouveau-Brunswick, propriété de Wietze et Natalie Dykstra; et Bakerview EcoDairy d’Abotsford en Colombie-Britanique, propriété de Bill Vanderkooi.

Chacune de ces trois entreprises a reçu un prix de 1 000 $ et un trophée.

QU’EST-CE QUE LE PRIX DU DÉVELOPPEMENT DURABLE EN PRODUCTION LAITIÈRE? Cette année, le Prix du développement durable en production laitière en était à sa troisième édition. Il veut rendre hommage aux fermes ayant recours à des pratiques de gestion innovatrices qui vont au-delà des normes de l’industrie et qui répondent à plusieurs objectifs de durabilité pour améliorer l’impact social, environnemental et économique de la production laitière au Canada. Les finalistes doivent répondre aux objectifs de développement durable suivants : • réduire les émissions de gaz à effet de serre des fermes laitières • favoriser la gestion efficace et durable des ressources naturelles • faire une analyse comparative de la performance socioéconomique des fermes laitières canadiennes

Vous trouverez dans les pages qui suivent un reportage réalisé à la ferme finaliste du Québec de même qu’un portrait du grand gagnant national et des deux autres finalistes avec une description des mesures de développement durable mises en place dans leur entreprise.

32

SEPTEMBRE­2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

REPORTAGE À LA FERME Par YVON GENDREAU, journaliste, PLQ

FERME CLOBERT

Finaliste québécois du concours du Prix du développement durable

Pour Ginette, Claude et Stéphane Robert, les finalistes québécois du concours du Prix du développement durable et propriétaires de la Ferme Clobert de Saint-Bonaventure au Centre-du-Québec, se préoccuper d’environnement, c’est aussi penser aux prochaines générations.

34

SEPTEMBRE­2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

Stéphane, Nancy (sa conjointe), Virginie, Jordan, Lydia, Ginette et Claude. Absente de la photo : Bianca.

La liste des actions posées par les Robert et par les membres de leur famille pour protéger l’environnement est longue. Ce sont autant de petits gestes quotidiens qui ont une grande incidence sur le gain de productivité et de rentabilité, mais qui finissent aussi par avoir un grand impact sur le milieu. Selon Stéphane, « l’important est d’avoir une bonne vision globale de l’entreprise afin de prendre des décisions judicieuses tout en tenant compte de l’opinion des experts et des conseillers. Il ne faut pas avoir peur d’innover, mais pour ce faire, il faut apporter des changements graduels et planifiés. C’est la démarche qui guide nos décisions et qui nous permet de nous dépasser jour après jour, toujours en préservant l’environnement et la productivité de l’entreprise. » Un avis que partage le reste de la famille. En effet, pour les Robert, se préoccuper d’environnement peut aussi se traduire par des économies, que ce soit concernant le coût des engrais, des herbicides et pesticides, ou encore du chauffage de l’eau ou de la laiterie.

UNE MEILLEURE VALORISATION DES FUMIERS Au début des années 2000, le passage de la gestion des fumiers semisolides vers une gestion liquide en collaboration avec les conseils du club agroenvironnemental de leur région, Yamasol, a notamment permis à la Ferme Clobert une meilleure utilisation et une plus grande valorisation de ses fumiers pour combler les besoins en engrais des différentes cultures. En plus de réduire les impacts environnementaux, ce passage a aussi permis à l’entreprise d’obtenir des marges très intéressantes concernant les cultures avec des coûts d’engrais annuels moindres de 200 $ à 300 $/ha, comparativement aux années antérieures, tout en maintenant des rendements de récolte supérieurs à la moyenne régionale. Depuis trois ans, 90 % des fumiers sont épandus avant le 1er octobre et sont enfouis dans les 24 à 48 heures qui suivent, question de réduire les odeurs et de favoriser le bon voisinage. L’an dernier, les Robert ont acheté du matériel pour procéder à l’appli-

cation fractionnée d’azote. Muni d’un GPS, l’appareil offre plus de précision à l’épandage et permet du même coup de réduire le gaspillage, puisqu’il détecte automatiquement les endroits qui ont déjà été arrosés. Ils sont ainsi plus en mesure d’harmoniser l’épandage d’azote avec les besoins de la culture et de faire une utilisation judicieuse des engrais tout en limitant au minimum la perte des nutriments. Mentionnons que le GPS est aussi utilisé pour d’autres opérations de travail du sol et pour les arrosages. Sans compter que l’ensemble des travaux aux champs se fait dans le plus grand respect des bandes riveraines et que toutes les précautions sont prises pour éviter la dérive, le ruissellement et les déversements lors des opérations de pulvérisation. À la Ferme Clobert, on privilégie le travail minimum du sol et le semidirect, mais aussi la rotation des cultures, incluant des céréales, des engrais verts et des prairies de foin, avec gestion des résidus de façon à optimiser l’impact sur le sol tout en

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

35

REPORTAGE À LA FERME

prévenant l’érosion éolienne et le ruissellement de surface. Ces mesures ont pour effet de maintenir, voire d’améliorer, le taux de matière organique aux champs dont la moyenne est de plus de 3 %. Un signe d’une bonne structure et d’une bonne vitalité du sol. Le passage moins fréquent de la machinerie aux champs a aussi permis de réduire la compaction du sol de même que la consommation de carburant et le coût de l’entretien de l’équipement. Des effets bénéfiques sur le budget de l’entreprise. Grâce à la lutte intégrée dans les cultures, au dépistage des problèmes et à la consultation de SAGE pesticides (un outil d’information sur les risques pour la santé et l’environnement),

Ferme Clobert a pu réduire l’utilisation des pesticides et des herbicides au fil des ans. « Ça permet d’agir seulement quand on en a besoin », explique Lydia, la fille de Stéphane.

CHERCHER CONSEIL POUR S’AMÉLIORER Au fil des ans, bon nombre des pratiques adoptées à la Ferme Clobert l’ont été de concert avec Yamasol, le club-conseil agroenvironnemental de la région. Soulignons qu’en 1999, Stéphane a été membre fondateur du club, et il siège toujours depuis à son conseil d’administration. Si c’est notamment le désengagement des gouvernements dans les services agronomiques offerts aux producteurs qui

l’a amené à se tourner vers le club, il apprécie les conseils et les idées qu’il peut y trouver, mais aussi la neutralité des conseillers. Pour lui, c’est important de rester informé des enjeux d’actualité et des recherches en cours sur les pratiques agricoles. Et puis, rester à l’affût des nouveautés et des bonnes idées fait partie de la culture des Robert qui n’hésitent pas à participer à des journées d’information, des symposiums ou des conférences si les sujets peuvent avoir une incidence positive sur la ferme. Stéphane croit aussi à la nécessité de s’entourer de bons conseillers pour réussir. Selon lui, « il faut être bien accompagné par des conseillers professionnels et passionnés afin d’avoir

Les propriétaires de la Ferme Clobert possèdent toute la machinerie nécessaire pour être autonomes. Ce qui permet, selon eux, d’effectuer les travaux au bon moment, mais aussi en respect de meilleures conditions de sol pour éviter sa compaction. Soulignons que des travaux de nivelage et de drainage des terres sont effectués chaque année.

36

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

Le GPS permet des épandages et des arrosages plus précis tout en réduisant le gaspillage.

D’AUTRES PETITS GESTES

accès à une multitude de conseils judicieux ». Les propriétaires de l’entreprise n’hésitent pas non plus à consulter leur conseiller en alimentation ou Valacta pour les aider à améliorer l’efficacité de leur entreprise. Ils comptent aussi sur leur médecin vétérinaire et sur ses visites de santé préventives pour maintenir le troupeau en bonne santé.

Réduction des déchets et recyclage font également partie des préoccupations environnementales de la famille Robert. En plus de recycler les plastiques utilisés pour les récoltes, on a limité leur utilisation en favorisant notamment l’enrobage des balles rondes en boudin plutôt qu’en format individuel. Les intrants tels que moulée et engrais sont achetés en vrac, ce qui réduit aussi l’utilisation d’emballage. Les propriétaires ont d’ailleurs constaté une diminution des coûts reliés aux emballages et aux contenants au cours des dernières années. On prête aussi une attention particulière à l’environnement lors des travaux de construction et de rénovation en consultant des professionnels, en planifiant le plus juste possible la quantité de matériaux nécessaires et en utilisant du bois de charpente provenant du boisé de la ferme. Le peu de matériaux usagés en surplus provenant de la démolition et qui ne sont pas réutilisés sont acheminés à l’écocentre de la MRC de Drummondville, situé à proximité, pour recyclage. Les autres pratiques bénéfiques pour l’environnement de la Ferme Clobert comprennent notamment la

conservation d’énergie avec plaques refroidissantes et la récupération de la chaleur du lait pour chauffer l’eau de même que l’ajout de nouveaux luminaires avec minuterie moins énergivore dans l’étable. L’érablière de l’entreprise utilise maintenant un séparateur à osmose inverse qui a permis de réduire de 60 % l’utilisation de bois de chauffage pour une même production de sirop d’érable.

QUAND TOUT LE MONDE CONTRIBUE Chez les Robert, on croit que la protection de l’environnement est aussi une action collective et que les petits gestes de chacun peuvent avoir une grande incidence. Le mot de Stéphane à ce sujet : « Les producteurs agricoles sont perçus comme des gens qui nourrissent le monde, mais aussi, encore trop souvent, comme des pollueurs. C’est à chacun de nous qu’il revient de soigner notre image, d’éviter de jouer dangereusement et de montrer que nous sommes des gens responsables. L’avenir est du côté de l’environnement, parce qu’on ne peut pas passer à côté. »

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

37

REPORTAGE À LA FERME

Lydia travaille maintenant à temps plein sur la ferme et compte bien prendre la relève un jour.

PORTRAIT DE LA FERME En 1975, alors qu’il travaille depuis déjà une quinzaine d’années dans les milieux financiers, Claude finit par succomber à son désir : celui de posséder sa propre ferme laitière. Il quittera donc Baie-Comeau avec sa famille pour venir s’installer à SaintBonaventure au Centre-du-Québec. Il achètera d’abord la ferme et ensuite les 50 vaches avec lesquelles il se lancera dans la production. Malgré ses réticences au début, sa conjointe

Le troupeau de la Ferme Clobert compte 150 têtes, dont 65 vaches.

Ginette finira elle aussi par apprécier son nouveau milieu de vie. Aujourd’hui, la ferme est la propriété de Ginette et Claude, et aussi de leur fils Stéphane. Lydia, la fille de Stéphane se destine actuellement à prendre la relève de l’entreprise. Après des études en sciences pures et en technologie d’analyse biomédicale, la jeune femme sent une forte attirance pour la production agricole, elle décide donc de suivre un DEC en gestion et exploitation d’entreprise agricole à

On limite l’usage des plastiques en favorisant l’enrobage des balles rondes en boudin plutôt qu’en format individuel.

l’ITA de Saint-Hyacinthe. Lydia travaille à la ferme depuis maintenant un an à temps plein et elle touche à tout. Ses sœurs Virginie et Bianca, de même que son frère Jordan, donnent aussi un bon coup de main sur la ferme. Aujourd’hui, on trait quelque 65 vaches à la Ferme Clobert. Le troupeau holstein pur sang, sous contrôle laitier informatisé, compte 150 têtes. Sur environ 215 hectares, dont 27 sont loués, on cultive principalement du maïs, du soya, des céréales mélangées avec orge et du foin. En terminant, ce n’est pas la première fois que l’on reconnaît l’engagement des Robert en matière de production durable : l’Ordre du mérite agricole leur a remis l’insigne de Chevalier de l’ordre en 1991 et celui d’Officier de l’ordre en 1996.

OUVERTS SUR LEUR COMMUNAUTÉ Depuis l’achat de la ferme, en 1975, la famille Robert a offert de nombreuses visites guidées pour différents types de visiteurs (producteurs, groupes scolaires, sociétés agricoles). Conscients de l’importance d’être actifs dans leur collectivité, divers membres de la famille ont œuvré au sein d’organisations et de clubs agricoles, de groupes communautaires et même du conseil municipal. n

38

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

REPORTAGE À LA FERME Par AMY REUSCH, rédactrice adjointe, Dairy Farmers of Ontario

Clovermead Farms, grand gagnant du Prix du développement durable

À la ferme laitière Clovermead Farms d’Alma en Ontario, on ne pense pas seulement à prendre soin de la terre, mais également à l’améliorer pour le futur.

C’est la philosophie que Korb et Kelly Whale, de même que les parents de Korb, Bruce et Deborah, partagent tous les jours. La famille a adopté avec succès diverses pratiques durables qui ont contribué à l’amélioration de la qualité du sol et à la protection des cours d’eau et qui ont rendu leur ferme plus autonome sur le plan énergétique et plus viable sur le plan financier. « En raison de la nature même du mot durable, les projets qui sont bien exécutés devraient être viables à long terme, affirme Korb. Toutefois, afin de prendre des décisions d’affaires judi-

40

SEPTEMBRE­2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

cieuses, il doit y avoir un rendement économique après une période de temps raisonnable. » Le soin de la terre n’est pas seulement une philosophie à Clovermead Farms, c’est aussi une tradition familiale. Il y a 30 ans, les grands-parents de Korb ont lancé un programme de recyclage dans leur collectivité. Ils allaient porter leurs matières recyclables et celles de leurs voisins à une usine locale. Environ à la même période, ils ont commencé à utiliser la chaleur récupérée du refroidissement du lait pour chauffer l’eau de leur

ferme. « Je pense que mes grandsparents seraient fiers de savoir que nous continuons de valoriser la terre et, je l’espère, de l’améliorer pour les générations à venir », dit Korb. La famille Whale pratique l’agriculture depuis sept générations. Elle possède 192 hectares de terre dont le sol est surtout argilolimoneux et 17 hectares de boisés. Elle traie 130 vaches holstein et norwegian red et possède un troupeau de 280 têtes. Les vaches sont logées dans une étable à stabulation libre. Les Whale ont installé deux robots de traite en 2007.

REPORTAGE À LA FERME

RÉUTILISER LES RESSOURCES Durant les 35 dernières années, les Whale ont utilisé uniquement du fumier pour fertiliser la terre. La famille produit tout le fourrage et presque tout le grain utilisé pour nourrir le troupeau. Pour assurer une utilisation optimale du fumier, les Whale ont installé une cuve de stockage en béton, deux digesteurs anaérobies, une cour de fumier solide avec collecteur du ruissellement, un stockage sous l’étable et une cuve à déjections en terre pour traiter et stocker le fumier des vaches. « Un stockage adéquat nous permet d’épandre le fumier au bon moment pour obtenir des résultats optimaux, dit Korb. Notre objectif est d’exploiter tous les éléments nutritifs du fumier pour faire pousser le fourrage destiné au troupeau, améliorer la fertilité du sol et assurer la propreté des cours d’eau », ajoute-t-il. Les Whale font analyser régulièrement le fumier du troupeau et le sol pour vérifier la disponibilité des éléments nutritifs, question d’en assurer une utilisation et une distribution optimales. En 2013, la ferme a éco-

42

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

nomisé environ 42 000 $ en coûts de fertilisants grâce aux efforts de gestion du fumier. La famille a récemment installé une conduite souterraine pour transférer et épandre le fumier en utilisant une pelle à benne traînante. Les Whale prévoient faire des économies de carburant de l’ordre de 8 000 litres par année grâce à cette conduite souterraine.

ÉCONOMIES D’ÉNERGIE Après avoir installé les digesteurs anaérobies sur la ferme, la famille Whale s’approche de son objectif qui est de devenir un producteur net d’énergie, puis, à long terme, d’être complètement autonome sur le plan énergétique et d’exploiter une ferme neutre en carbone. « On veut produire notre propre carburant pour véhicules, de même que notre chauffage et notre électricité, dit Korb. La technologie pour purifier le biométhane afin d’obtenir du gaz naturel est encore une technologie à grande échelle et elle est assez dispendieuse, de sorte que ce projet ne sera pas réalisé avant de nombreuses années encore. »

Les digesteurs anaérobies produisent la plus grande quantité d’énergie sur la ferme. Installés en 2012, ils traitent le fumier de la ferme de même que les déchets générés par la transformation des aliments. Ils capturent 3 000 tonnes de dioxyde de carbone du fumier et 1 200 tonnes des déchets générés par la transformation des aliments. Les digesteurs génèrent six mégawatts d’électricité tous les jours. La ferme et les digesteurs utilisent 600 kilowatts par jour pour fonctionner, soit un total de 1 200 kW par jour pour l’ensemble de l’exploitation. Toute l’électricité produite par les digesteurs est vendue à Hydro One et les Whale rachètent celle qu’ils utilisent. Les digesteurs sont conçus pour doubler leur production de gaz. Les Whale veulent ajouter un second générateur pour produire directement leur propre électricité. Les digesteurs produisent suffisamment d’énergie pour chauffer l’étable des veaux, l’atelier, le digesteur, le pasteurisateur, les plates-formes de traitement externes en ciment et l’eau de lavage de la ferme laitière.

REPORTAGE À LA FERME

entre les secteurs. « Aucune preuve empirique n’a été collectée, mais nous avons observé une augmentation des populations de dindons sauvages, de coyotes, de cerfs, de faucons et de lièvres autour de la ferme », affirme Korb. Les talus et la végétation abondante autour des cours d’eau de la propriété protègent la qualité de l’eau et préviennent l’érosion des sols. La famille a planté plus de 50 000 conifères et arbres à feuilles caduques autour de la propriété de la ferme au cours des 25 dernières années. Ces arbres servent de brise-vent et diminuent l’érosion des sols et le ruissellement. Clovermead Farms utilise la rotation des cultures pour maintenir la santé des sols et équilibrer leurs besoins en nutriments. La rotation comprend les céréales mélangées, la luzerne et le maïs.

CONFORT DES VACHES

Installés en 2012, les digesteurs anaérobies traitent le fumier de la ferme de même que les aliments générés par la transformation des aliments.

Clovermead Farms économise 40 000 litres d’huile de chauffage par année. Les digesteurs anaérobies ont nécessité un investissement de capitaux de 2,5 millions de dollars, avec un amortissement sur 10 ans. Les sous-produits du digesteur (chaleur et litière) rendent l’amortissement plus raisonnable. Ils ont permis d’économiser plus de 30 000 $ par année.

44

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

PROTÉGER LA TERRE La famille Whale conserve au moins 10 % de ses terres en habitat faunique avec végétation riche en biodiversité. Elle a été en mesure de préserver 17 ha de forêts et de brise-vent et 3 ha de terres humides. La famille a planté des rangées d’arbres pour relier les terres à bois et les ruisseaux afin que les animaux sauvages puissent circuler

Selon Korb, les pratiques environnementales adoptées à la ferme laitière Clovermead Farms ont amélioré la qualité de la terre et accru le confort des vaches. Les Whale utilisent les solides séparés de leurs digesteurs anaérobies comme litière pour les vaches. Korb explique : « Comme nous avons un approvisionnement abondant en litière et que celle-ci est recyclée dans le digesteur, nous sommes en mesure d’en ajouter une quantité beaucoup plus considérable dans les stalles sans conséquence financière. Ceci a permis d’augmenter la production de lait et de réduire la boiterie. Nous attribuons la production d’un kilogramme supplémentaire de lait par vache, par jour à l’amélioration du confort dans les stalles des solides séparés », ajoute-t-il. À Clovermead Farms, la direction et les employés dînent ensemble. « Nous offrons le dîner à nos employés, et durant le repas nous écoutons tous les commentaires concernant l’atteinte des objectifs de la ferme », souligne Korb. « Les objectifs de la ferme sont fondés sur les besoins de chacun et notre énoncé de mission. À la ferme laitière Clovermead Farms, nous

nous efforçons de produire du lait de manière durable et rentable, tout en ayant du plaisir à le faire. » Les Whale envoient leurs employés suivre des formations et visiter d’autres fermes pour améliorer la santé des animaux et découvrir les pratiques que Clovermead Farms peut adopter pour améliorer son fonctionnement. Les propriétaires de la ferme collaborent souvent à des projets de recherche menés par un vétérinaire ou par le Département de génie de l’Université de Guelph. Présentement, ils participent à un projet d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dirigé par l’École des sciences environnementales de l’Université. « Nous aimons participer à tous ces projets non seulement parce qu’ils fournissent des données aux chercheurs, mais aussi parce qu’ils nous fournissent un point de référence sur nos opérations ainsi que des données intéressantes à utiliser pour les décisions de gestion », dit Korb.

Clovermead Farms a été l’hôte de nombreuses visites depuis la construction de son digesteur anaérobie. Des représentants de la North American Manure Expo, de la division du ministère ontarien de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales, de la Biogas Association et de nombreux députés du parlement provincial ainsi que l’ancien ministre de l’Agriculture de l’Ontario l’ont déjà visitée. Les Whale ont également fait des

présentations sur le sujet à diverses occasions. « Tous les projets que nous avons entrepris peuvent être reproduits dans n’importe quelle autre ferme, dit Korb. La clé est de faire de la recherche, de déterminer quelle solution convient le mieux à ses besoins et d’écouter les conseils des gens expérimentés. » Korb croit « que le coût de l’énergie, des terres et de la main-d’œuvre augmentera au cours des prochaines années ». « Je pense également, ditil, que les consommateurs exigeront une plus grande transparence de la part des exploitants de ferme laitière concernant la façon dont nous cultivons les aliments pour nourrir nos animaux, mais aussi sur la manière dont nous nourrissons nos vaches, dont nous produisons le lait et sur comment celui-ci est transformé. Chez nous, sur notre ferme, nous faisons de notre mieux pour nous assurer de contrôler certaines de ces variables. » n

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

45

REPORTAGE À LA FERME DAVID SCHMIDT, rédacteur pigiste, Colombie-Britannique

FINALISTE COLOMBIE-BRITANNIQUE

Prôner un modèle agricole durable

Lorsqu’il s’agit de promouvoir la durabilité en production laitière, la Ferme EcoDairy d’Abbotsford, en Colombie-Britannique, n’a pas son pareil. « Le nom décrit ce que nous sommes », affirme Bill Vanderkooi, propriétaire de la première ferme de démonstration de ce genre au Canada et originaire d’Abbotsford. Il trait 45 vaches en utilisant un système de traite automatisé. La ferme familiale est ouverte sept jours par semaine à toute personne qui veut en apprendre davantage sur la façon dont sa nourriture est produite. On y retrouve d’ailleurs une exposition d’animaux et un zoo pour enfants. En plus de produire du lait et des fruits et légumes, la famille Vanderkooi cultive du riz pour un fabricant local de saké, une boisson traditionnelle japonaise produite à partir de la fermentation du riz.

46

SEPTEMBRE­2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

Ouverte en juin 2010, EcoDairy fait partie de Vanderkooi’s Nutriva Group and Vitala Foods, un groupe d’entreprises locales qui développe, produit et distribue des aliments dans la catégorie du lait et des œufs. Les entreprises font la promotion d’une chaîne de valeurs qui comprend quatre volets : aliments pour animaux, ferme, transport et denrées alimentaires. On compte sept entreprises au total : • Fraser Analytical Services – Effectue l’analyse d’aliments et du fourrage • Dairysmart Nutrition Group – Offre des conseils indépendants et des systèmes pour aider les exploitants de fermes laitières à maximiser leurs revenus en fonction des coûts des aliments pour animaux

• Nutritech – Développe, fabrique et distribue des aliments complémentaires pour bovins laitiers • Bradner Milk Transport – Transporte le lait biologique en ColombieBritannique, de la ferme au lieu de transformation • Diverse Byproducts – Transporte le lactosérum et le perméat de lactosérum des fabricants de fromage de la Colombie-Britannique qui sont mélangés pour apporter des solutions alimentaires rentables aux producteurs de porcs et aux producteurs laitiers • Vitala Foods – Produit des aliments sains et naturels • EcoDairy Chaque entreprise possède sa propre division et son propre dirigeant. La philosophie du Nutriva Group est la suivante : planète en santé, gens en santé, profits sains. Par exemple, EcoDairy contribue à la promotion des innovations agricoles au sein de l’industrie laitière et à l’éducation du public quant à la provenance de ses aliments. L’entreprise utilise les quatre volets de sa chaîne de valeurs pour montrer la façon dont elle contribue à un environnement sain et elle fait également la promotion de ses produits alimentaires. La marque Vitala Foods a connu beaucoup de succès. La vente de ses œufs enrichis d’oméga-3 et de vitamine D a mieux réussi que celle du lait enrichi d’acide linoléique et d’oméga-3, son yogourt probiotique et sa crème glacée conjugués. Toutefois, Bill croit que ceci changera bientôt. Le yogourt Vitala est maintenant produit en Colombie-Britannique et au Québec (par le truchement d’un partenariat avec Nutrinor) et utilisé par Booster Juice qui le met dans ses boissons. Booster Juice est une chaîne qui se spécialise dans les boissons fouettées contenant du jus pur, du sorbet aux fruits ou du yogourt glacé à la vanille, des fruits congelés, du yogourt frais et de la glace. Vitala Foods est sur le point de conclure un partenariat avec Scardillo Foods pour produire des fromages frais. « Nous avons investi beaucoup d’argent dans la mise en marché et le

REPORTAGE À LA FERME

développement, et nous commençons maintenant à mettre l’accent sur les ventes », déclare Bill. « Notre yogourt est un modèle de réussite et nous avons des détaillants qui s’intéressent à notre lait. »

DESTINATION AGROTOURISTIQUE La Ferme EcoDairy est à l’origine du Nutriva Group. C’est une destination agrotouristique, une vitrine de l’industrie et un véhicule promotionnel pour Vitala Foods. « Vous ne pouvez pas avoir de destination agrotouristique laitière sans avoir de vraies vaches », note Bill qui possède un diplôme en science animale de l’Université de l’État du Michigan avec une spécialisation en nutrition et en physiologie des bovins laitiers. À l’avant de l’étable, il y a une salle d’exposition remplie de maquettes pédagogiques où l’on retrouve une vache artificielle avec des pis en caoutchouc que les enfants peuvent traire manuellement pendant que leurs parents prennent des photos. La ferme met l’accent sur l’éducation du public en expliquant les avantages que procure l’industrie laitière à la collectivité. Le Centre des découvertes utilise des présentoirs et des jeux interactifs au sujet de la production laitière et de l’origine des aliments pour éduquer le public. Les visiteurs peuvent également observer la traite des vaches. Ceux qui ne peuvent pas venir à la ferme peuvent visionner en ligne une vidéo diffusée en direct de l’intérieur de l’étable de la Ferme EcoDairy. Le printemps dernier, EcoDairy a établi un partenariat avec Science World pour rendre ses maquettes plus attrayantes. Même si Bill prévoit que de nombreux visiteurs urbains afflueront vers la ferme pour voir l’exposition, il ne croit pas qu’elle attirera de nombreux fermiers. « Je serais ravi de voir un plus grand nombre d’exploitants de fermes laitières vérifier le volet agrotouristique et constater la façon dont nous faisons la promotion de l’industrie sans frais pour eux », déclare-t-il. Bill assume les coûts de la gestion du volet agrotouristique de l’entreprise. Toutefois, le Centre de présentation est exploité par une société à but non lucratif formée de membres

48

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

d’entreprises agricoles, par exemple Nutriva, J & D Farmers Dairy Service, Avalon Dairy et Artex Barn Solutions. « Une ferme de démonstration a besoin du plein soutien de l’industrie, y compris son soutien financier, affirmet-il. Je peux le faire parce que je peux faire de la recherche en nutrition avec les vaches et faire la promotion de la marque Vitala. » Comme EcoDairy est une ferme de démonstration, il tente de garder les choses « claires et simples ». À l’exception d’un ou deux veaux utilisés à des fins d’exposition, il n’y a pas de veaux, de génisses ou de vaches taries à la ferme. Lorsque les vaches sont taries, elles sont transférées dans une ferme voisine et ne reviennent qu’après avoir vêlé. Les veaux sont gardés dans une autre ferme. « Nous n’avons pas assez de vaches pour construire un enclos de maternité », déclare Bill. Son but est de promouvoir les fermes familiales et de montrer comment le lait est produit et comment les exploitants de fermes laitières prennent soin de leurs vaches. Par exemple, il a récemment changé l’étiquette sur les produits laitiers Vitala pour y inscrire « lait traçable » au lieu de « vaches heureuses ». Il espère que la nouvelle étiquette plaira aux consommateurs et leur montrera que l’industrie laitière met l’accent sur la transparence, l’honnêteté et la sécurité.

INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES

EcoDairy a adopté de nombreuses pratiques durables. Par exemple, on a construit l’étable en utilisant du bois endommagé par le dendroctone du pin et on a planté des arbres le long du cours d’eau qui traverse la propriété de 32 hectares. Une superficie d’environ 20 à 25 ha est utilisée pour produire de l’ensilage d’herbe et de maïs pour le troupeau, une superficie d’un hectare est utilisée pour l’autocueillette de bleuets et de mûres et une autre superficie de deux hectares est utilisée pour la culture du riz. EcoDairy a été la première ferme laitière de la Colombie-Britannique à installer un digesteur anaérobie pour traiter le fumier sur la ferme. Il fonctionne par préchauffage du fumier qui est ensuite poussé dans un baril au moyen d’un piston. Le fumier avance

lentement dans le digesteur pendant une période de 21 à 30 jours. Durant ce processus, le méthane s’élève pour créer des bulles de gaz en surface et un générateur électrique utilise ce gaz pour produire de l’électricité. Les matières solides résiduelles sont à 99 % exemptes d’organismes pathogènes et peuvent être épandues dans les champs ou réutilisées comme litière. « Depuis l’installation du digesteur il y a trois ans, indique Bill, nous avons modifié sa conception en changeant l’extrémité avant et en ajoutant un épurateur et un mélangeur. » Il veut éventuellement commercialiser le digesteur redessiné à l’intention d’autres producteurs laitiers, mais il admet que ce n’est qu’un rêve lointain. « Nous essayons encore de le rendre rentable. C’est un concept qui est difficile à vendre parce que l’énergie est très peu dispendieuse en ColombieBritannique. » Le digesteur produit également de la litière propre et confortable pour les vaches de la ferme et un fertilisant pour les champs. Bill explique : « Le fertilisant est plus riche en éléments nutritifs et contient moins de graines de mauvaises herbes et de pathogènes que le fumier ordinaire. » Le digesteur anaérobie produit environ le tiers des besoins énergétiques de la ferme et fournit de l’électricité aux secteurs de l’exposition et aux bureaux administratifs de Nutriva Foods sur la ferme. La ferme a aussi implanté des technologies visant à améliorer le confort et l’environnement des vaches, y compris l’ajout de matelas en gel et des brosses, un éclairage à haut rendement énergétique et de nouveaux systèmes de ventilation et de chauffage. Bien que la Ferme EcoDairy vise principalement les consommateurs, Bill espère que son modèle de ferme durable suscitera un intérêt auprès de ses collègues producteurs laitiers. « Il est à souhaiter, dit-il, que ce que nous faisons ici encouragera d’autres producteurs à apporter des changements afin de contribuer à une planète en santé. » Pour obtenir de plus amples renseignements, visitez le site www. ecodairy.ca ou la page Facebook de la ferme à l’adresse facebook.com/ EcoDairy. n

REPORTAGE À LA FERME Par ALLISON FINNAMORE, rédactrice pigiste, Nouveau-Brunswick

FINALISTE DU NOUVEAU-BRUNSWICK

Poursuivre un rêve

Dès son plus jeune âge, Wietze Dykstra décidait de posséder sa propre ferme laitière. Il est maintenant fier de ce qu’il a accompli.

Wietze Dykstra a toujours su qu’il voulait devenir un producteur laitier. Même lorsqu’il était enfant, aux Pays-Bas, il rêvait de posséder une ferme avec un troupeau de bovins laitiers. C’est cette détermination qui l’a guidé tout au long de sa carrière, l’amenant à émigrer au Canada et à entreprendre ce qui s’avérerait le projet de toute une vie en acquérant des connaissances au sujet des vaches et en mettant à exécution des plans de gestion environnementale sur sa ferme au Nouveau-Brunswick.

Wietze et sa conjointe, Natalie, sont propriétaires de Dykstra Farms. L’entreprise est située à Knowlesville entre les collines onduleuses et verdoyantes de la vallée du HautSaint-Jean dans l’ouest du NouveauBrunswick. Elle est nichée entre Hartland, où se trouve le pont couvert le plus long au monde, et Florenceville, qui abrite le siège de McCain Foods. Elle est entourée par la culture prédominante dans la région : les pommes de terre.

Enfant, Wietze, qui avait tellement envie de devenir agriculteur, parcourait à bicyclette la distance de 25 kilomètres jusqu’à la ferme laitière de son oncle pour y passer les fins de semaine à travailler dans l’étable. Les parents de Wietze n’exploitaient pas de ferme; son père était professeur de musique. Ses visites à la ferme de son oncle étaient ce qui le rapprochait le plus de son rêve. Après ses études secondaires, Wietze a fréquenté une école d’agriculture aux Pays-Bas qui se spécialisait dans l’élevage laitier. Son diplôme en main, il décide de partir. Le manque de terres est depuis longtemps un problème en Europe. Wietze sait que s’il veut concrétiser son rêve, il devra aller ailleurs. « Je n’avais aucune chance de devenir agriculteur dans mon pays. Ce n’était pas possible », se rappellet-il, notant que le Canada n’était pas son premier choix. Le manque d’argent a éliminé le voyage dispendieux en Nouvelle-Zélande et en Australie, et bien qu’il ait songé brièvement au Danemark et à la France, Wietze dit qu’il n’avait pas suffisamment confiance en ses compétences en danois et en français pour déménager dans l’un ou l’autre pays. Il admet que ses compétences en anglais n’étaient guère meilleures, mais il aimait la structure du système de gestion de l’offre, ce qui l’a incité à choisir le Canada. Selon lui, la réputation du Canada et de son système de mise en marché était admirée en Hollande. « Je savais, dit Wietze, que le Canada traitait bien ses agriculteurs. » Il a obtenu un permis de travail d’un an au milieu des années 1980, et à la fin de son adolescence, il a fini par travailler dans une ferme laitière à Amherst, en Nouvelle-Écosse. Cependant, l’année a semblé passer rapidement et Wietze voulait demeurer au Canada. Il a comSEPTEMBRE­2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

49

REPORTAGE À LA FERME

mencé à fréquenter Natalie à cette époque, ce qui a alimenté son désir de devenir fermier ici. Au moment où son permis de travail était sur le point de prendre fin, l’employeur de Wietze l’a parrainé à titre de résident permanent pour qu’il puisse demeurer au Canada et continuer à travailler à la ferme. Ce n’est qu’au début des années 1990, après le mariage de Wietze et de Natalie, que le couple a décidé qu’il était temps d’acquérir leur propre ferme. Le manque de fonds était encore un problème et ils ont cherché une ferme à acheter dans la région. « La plupart des fermes étaient bien au-dessus de mes moyens », se rappelle Wietze. Alors qu’il visitait une autre ferme dans l’ouest du Nouveau-Brunswick, le couple a entendu parler de la ferme de Knowlesville. Même s’ils avaient peu d’économies, Wietze et Natalie avaient un plan d’affaires et ont pu négocier un juste prix afin d’obtenir le financement requis pour acheter la ferme, y compris un quota pour 50 vaches. L’évaluation adéquate du volet commercial des activités agricoles a été importante pour la réussite de la ferme familiale. Les Dykstra adorent leur travail, mais ils sont bien conscients qu’ils gèrent une entreprise. « C’est un mode de vie, mais pourquoi travailler 14 heures par jour si cela ne vous permet pas de gagner de l’argent? », demande Wietze. Cette attitude continue d’inspirer leur exploitation agricole qui s’est agrandie à 202 hectares et qui pos-

50

SEPTEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

sède maintenant 165 vaches laitières. Depuis qu’il a adopté des pratiques pour atténuer l’impact environnemental de la ferme, Wietze affirme que l’impact financier est perceptible. Le couple consulte des agronomes professionnels et des conseillers agricoles et travaille avec l’Association pour l’amélioration des sols et cultures du Nouveau-Brunswick (AASCNB) afin de développer des plans de gestion des éléments nutritifs du sol pour leur emplacement particulier et le sol limoneux sableux. Ils tiennent également compte de la courte durée de la saison de croissance. « Mon objectif, dit Wietze, est de maximiser les éléments nutritifs et d’épandre le fumier à l’automne, juste avant les labours. Ceci a permis de réduire l’utilisation des engrais. Le moment choisi pour l’application de l’automne réduit également le compactage du sol et en augmente la santé. » Les Dykstra ont entrepris des programmes de recyclage de l’eau et d’économie d’énergie il y a plusieurs années en installant un refroidisseur à plaques et un récupérateur de chaleur. « Toute l’énergie que nous récupérons, nous aimons bien l’utiliser », déclare Wietze. Wietze et Natalie utilisent des siloscouloirs au lieu de sacs pour l’entreposage, une décision qui, selon Wietze, a énormément réduit la quantité de plastique sur la ferme et diminué les coûts. De même, il a réparé un semoir à semis direct acheté par la section locale de l’AASCNB et destiné à être

utilisé par la collectivité, mais il s’est finalement brisé. Il est maintenant réparé et son utilisation est partagée dans la communauté agricole. Les Dykstra ont également pris des décisions concernant la gestion du troupeau qui les distinguent d’un grand nombre de leurs pairs. Ils nourrissent leur troupeau avec une ration totale mélangée d’ensilage, de la farine de soja et de l’orge commune et ne font pas le suivi du rendement de chacune des vaches. Wietze dit qu’il préfère considérer ses vaches comme une équipe. Il ajoute : « Je ne sais pas combien de lait donne chaque vache individuellement et cela ne m’intéresse pas. Je suis un gestionnaire de troupeau, pas un gestionnaire individuel. » Le suivi de ce genre de statistiques ne lui est d’aucune utilité, dit-il. De même, les Dykstra, qui ont un troupeau fermé, se soucient grandement de maintenir des mesures de biosécurité optimales. Wietze dit qu’ils ont réussi à mettre la ferme à l’abri de maladies animales, comme le piétin. Et selon son vétérinaire, cet exploit n’a été réalisé que dans deux autres fermes laitières de la province. Wietze accepte l’idée que certaines personnes dans l’industrie laitière peuvent penser qu’il est têtu, mais il croit qu’il faut rester fidèle à sa stratégie. « Je suis très pointilleux lorsqu’il est question de biosécurité. Je n’ai pas ces maladies sur ma ferme et je ne veux pas les avoir. » Vivant au Canada depuis près de 20 ans, Wietze et sa conjointe Natalie ont travaillé avec acharnement pour réaliser leur rêve. Le travail continue et ils ont maintenant trois filles : Allison, qui entreprendra à l’automne sa troisième année d’études en vue d’obtenir un diplôme en ressources naturelles et conservation à l’Université du Nouveau-Brunswick; Holly, qui commencera son cours de technicienne en produits laitiers à l’Université McGill; et Kimberly, qui poursuivra ses études secondaires (11e année). La poursuite de leurs rêves et la détermination de maintenir un environnement sain sont les moteurs qui continuent de motiver la famille à connaître du succès. n