Définition « migration »

Les ''tranquillos'' sont des habitations de fortune faites par les migrants situées entre la frontière .... retrouve les mêmes composants de la société humaine.
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SOLIDARITES INTERNATIONALES RHONE ALPES

UNE

BOUTEILLEA LA MER

FÉVRIER 2015 LA

LONGUE MARCHE DES MIGRANTS SUBSAHARIENS

1. La fin de la «longue marche »: le ‘’tranquillo’’ Après avoir traversés le plus souvent à pieds de nombreux pays, les migrants subsahariens ‘’chanceux’’ arrivent à Oujda. Là, ils descendent au ‘’Tranquillo’’ ! Les ‘’tranquillos’’ sont des habitations de fortune faites par les migrants situées entre la frontière algérienne et marocaine dans la région de Oujda, en pleine forêt, loin de tous contrôles. C’est le lieu de regroupement de migrants (pour la plupart des subsahariens) dirigés par un chairman afin de mieux assurer leur passage vers l’Europe ; c’est aussi un lieu de repos pour la troupe. Ces ‘’tranquillos’ sont mobiles car à la merci de la Police marocaine des Frontières. Ces ‘’tranquillos’’ sont dirigés pour 90% par les nigérians (Ibos, Bénis, Essians, Yoroubas) et pour le reste par quelques populations francophones. Comme son nom pourrait le laisser entendre, le ‘tranquillo’’ devrait être un havre de paix pour le migrant, un endroit où il devrait trouver la tranquillité au milieu de la nature et des chants des oiseaux : mais en fait ces ‘’tranquillos’’ ne le sont guère. Ces endroits constituent des lieux de non droit où les personnes les plus vulnérables sont des proies faciles pour les chamans que l’on peut qualifier de vautours, voire de monstres - le chaman désigne celui qui fait office de chef, qui assure le passage des migrants à l’intérieur du Maroc et celui ers l’Europe -. Ils sont organisés et sont répartis par ‘’spcécialités’’ : les violeurs (femmes, enfants, hommes, rien ne leur résistent et ne peut leur résister avec en prime le SIDA), les ‘’tabasseurs’’ et les tueurs (habitués à tuer dans leur pays d’origine), les pique-pockets, les agresseurs. Leur but est double : obtenir de l’argent de ces pauvres bougres comme monnaie d’échange (on peut parler de rançon), et maintenir leur position de ‘’leader’’ afin que personne ne puisse contester leur autorité. C’est la loi de la jungle qui prédomine et comme d’habitude ce sont les plus faibles qui sont exploités. On peut estimer que la grande majorité (peut-être 70/80%) des femmes et jeunes filles mineures ont été violées, persécutées par les chamans et les bandes armées. Ces femmes peuvent être séquestrées durant une semaine pour celles qui ont de la chance, mais hélas pour la plupart elles resteront plusieurs semaines voire plusieurs mois aux mains de ces bandits. Libérées car soit remplacées par de nouvelles arrivantes, soit parce que la rançon a été payée ou soit parce qu’ayant réussi à s’enfuir, elles arrivent à Rabat traumatisées, démoralisées, sans défense (il en est de même pour les hommes). Cela justifie pleinement l’existence des ONG, des Associations oeuvrant pour aider les migrants dans leur problématique quotidienne. 2. La route vers Rabat : l’avant dernière grande marche La route Oujda-Rabat n’est pas la seule, mais concerne la majorité des migrants qui sont orientés sur cette voie par les chairmans afin d’obtenir plus d’argent ; en effet la destination Tanger pour l’Europe ((achat de gilet et pneumatique – représente un maximum 400 à 500 €) - excepté

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lorsque le passage se fait en voiture -3.000 € -)) est moins cher que celle à partir de Layôune (1.500 €). Comme toute les routes de migration dans le monde, celle de Oujda à Rabat regorge d’embûches : traques, vols, agressions, viols, etc... Dès leur arrivée à Oujda, les clandestins doivent rejoindre Rabat, car c’est à partir de cette ville que s’organisent les départs vers le sud du Maroc (Layôune entre autres) pour rejoindre les Iles Canaries. Certains contournent la ville, d’autres vont à l’Université de Oujda – cela dépend de leur fortune et des connaissances qu’ils ont sur place. Pour ceux qui contournent la ville, leur seul repère sont les rails : souvent ils constituent un petit groupe de 10/20 personnes accompagné par un ‘’petit guide’’ qui les mène à Rabat moyennant la somme de 50 €. Le trajet de 700 km environ se fait soit entièrement à pieds, soit en ‘’empruntant’’ le train de marchandises de temps en temps en jouant à cache-cache avec les autorités ferroviaires et la police. Les villages que traverse la voie de chemin de fer sont des lieus de ravitaillement pour les migrants subsahariens qui pratiquent la charité. Certains perdront la vie pendant ce trajet car ils sont trop fatigués, malades, désargentés, sans nourriture ou succomberont à leurs blessures suite à des agressions. Les ponts constituent des abris contre d’éventuels agresseurs et les intempéries. Celui de Nayma – situé à une vingtaine de km de Oujda – est le plus connu (c’est à partir de cette gare que les migrants peuvent emprunter le train de marchandises), le plus redouté aussi car ils doivent faire face à de nombreuses bagarres avec de jeunes clochards marocains, des chairmans nigérians qui veulent les dépouiller. Pour ceux qui ont les moyens le train, le bus ou la voiture vont leur permettre de rallier Rabat en ayant achetés de vrais faux ou de faux vrais passeports ou de fausses cartes de séjour en cours de validité (en moyenne 100 €). Pour beaucoup, Oujda marque la fin des ‘’amitiés’’ qui se sont crées au fil des jours, voire des mois, de leur longue marche de plusieurs milliers de km. 3. Le foyer – l’étape de Rabat : la dernière halte Le foyer : Il se différencie du ‘’tranquillo’’ tout d’abord sur le plan géographique (il est en ville), sur le plan sécuritaire (il est plus sur), et sur le plan alimentaire aussi .C’est l’étape d’attente pour se procurer l’argent nécessaire pour faire le ‘’voyage’’. On appelle foyer un regroupement d’une centaine de migrants « subsahariens ». Ceux-ci sont contrôlés par une machine bien huilée de responsables (chairmans, sous chairmans, guides, sages du foyer, sans omettre la ‘’police’’ du foyer qui a comme rôle de punir tous ceux qui commettent des incivilités – disputes, bagarres, vols, non respect des règles du lieu de vie, etc.). Dans les foyers, les migrants comme les sénégalais, les guinéens, les maliens, les nigériens, par exemple, sont entassés comme des sardines dans une boîte avec tous comme lien commun une totale insalubrité des lieux. Dans les foyers la nuit il est difficile de dormir en toute quiétude, car la peur d’une rafle policière est omniprésente. Prostitution, agressions, vols et bagarres ayant leur origine tant du côté des subsahariens entre eux que de celui des marocains font partie intégrante de la vie des foyers. Les foyers anglophones se différencient légèrement de ceux francophones : ils sont plus fermés et mieux structurés car rien n’en filtre : la méfiance envers tout ce qui leur est étranger est érigée en système- même envers les associations qui travaillent sur le terrain - tout est contrôlé à la lettre.

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4. Le dernier ‘’tranquillo’’ avant le départ Tout ce ‘’beau monde’’ n’a eu qu’un seul objectif pendant les longs mois de galère qu’a durée cette migration: atteindre l’Europe dont les frontières sont de plus en plus difficilement franchissables (les plus défavorisés, car très reconnaissables, étant les noirs). Tout est payé, tout est réglé ; ils arrivent à Layôune ou dans un autre endroit pour prendre ‘’le bateau’’ – barque de fortune surchargée. Ils doivent attendre le départ dans le dernier ‘’tranquillo’’ qu sera la aussi celui où ils seront entièrement dépouillés de leurs affaires (chaussure, vêtements, bagues, argent, papiers, etc.) avant le grand départ : c’est le prix à payer pour rejoindre l’Eldorado européen ! 5. Conclusion Les migrants, ces hommes courageux, armés de bravoure, qui ont affronté tempêtes et déserts sans se soucier de la mort avec pour seule intention d’atteindre l’Eldorado européen – ou tout au moins l’idée qu’ils s’en font – afin de nourrir un famille, un parent, voire un voisin constituent la grande majorité de la population migrante : seule une partie (environ 5%) d’entre elle exploite d’une façon dégueulasse la misère de leurs compatriotes : même dans le plus grand dénuement, on retrouve les mêmes composants de la société humaine. Ils se heurtent aujourd’hui à une plus grande incompréhension de la part de la Communauté Européenne.

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