Création d'une première grande aire protégée pour le

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Création d’une première grande aire protégée pour le caribou, l’émission de nouveaux claims mine le projet ! C'est une situation complètement absurde, mais malheureusement fréquente : lorsqu'on propose de protéger un milieu naturel au Québec, il suffit que des intérêts privés s'empressent d'acquérir des titres miniers sur ce territoire pour faire échouer le projet de conservation. Cette fois-ci, il s'agit d'une proposition émanant des Cris, qui souhaitent protéger le secteur de la rivière Broadback, un important pan de l'habitat du caribou forestier. Malgré leur demande au gouvernement du Québec d'empêcher l'émission de titres miniers dans ce secteur, environ 650 nouveaux claims ont été émis depuis, rendant impossible la protection des secteurs en question. Car les titres miniers ont préséance sur tout autre type d’utilisation du territoire, y compris la conservation. Ce mode archaïque d’attribution des titres, le free-mining a d'ailleurs été dénoncé dernièrement par les tribunaux du Yukon et de l'Ontario qui ont conclu que ce système ne respectait pas les obligations de la couronne en matière de consultation des Premières Nations. Le caribou forestier est une espèce emblématique de la forêt boréale et bien que légalement protégé, il est actuellement menacé par la fragmentation et la perte de son habitat. Il constitue également un élément fondamental de la culture de plusieurs nations autochtones. Afin de maintenir leurs traditions et de protéger le caribou forestier, les Cris ont proposé au gouvernement du Québec la création de trois aires protégées contigües – dénommées Assinica, Chisesaakahiikan et Mishigamish, situées en territoire conventionné dans les secteurs du lac Evans et de la rivière Broadback. Ensemble, ces trois propositions totalisent environ 13 000 km2, ce qui pourrait constituer la première grande aire protégée au Québec pour le caribou forestier. Rappelons qu’en 2011 le gouvernement du Québec s'est engagé, sans toutefois y être encore parvenu, à créer une (et possiblement deux) aires protégées d'au moins 10 000 km2 pour cette espèce. En 2011, une première étape a été franchie avec la création de la réserve de parc national Assinica (3 193 km2). Il est maintenant temps d’aller plus loin en protégeant l’ensemble de ce territoire, comme le recommandait d'ailleurs une récente étude commandée par le Ministère des Ressources naturelles (MRN) et le Grand Conseil des Cris. Les Cris ont à nouveau rappelé leur volonté d’aller de l’avant rapidement avec la protection de ce territoire en publiant le 10 avril dernier leur Plan de conservation du bassin versant de la rivière Broadback Bien que la protection des territoires en question soit nécessaire et qu’elle bénéficie de l'appui des Cris, l'émission ininterrompue de titres miniers risque de faire dérailler le projet. En effet, la protection d'un milieu naturel est une démarche relativement longue qui implique plusieurs étapes (recherche, consultations, etc.), durant lesquelles le territoire ne bénéficie d'aucune protection légale. C'est précisément pourquoi les Premières Nations cries de Nemaska et de Waswanipi ont demandé en 2011 à Québec de suspendre provisoirement l'émission de nouveaux claims sur les territoires qu’ils souhaitent protéger, le temps de mener à terme les discussions. Demande qui est restée lettre morte, puisqu’environ 650 nouveaux claims représentant une surface de plus de

340 km² ont été accordés depuis. Le gouvernement du Québec a une obligation légale et morale de veiller au maintien de la biodiversité, y compris le caribou forestier. Avec une situation qui permet la prolifération de claims miniers sur des territoires d'intérêt pour la conservation, le gouvernement se crée lui-même des obstacles majeurs à l'atteinte de ses propres objectifs. À court terme, nous exhortons la ministre des Ressources naturelles à exercer les pouvoirs dont elle dispose afin de suspendre l'émission de nouveaux claims miniers dans les territoires d'intérêt pour la conservation – notamment ceux proposés par les Cris. Nous demandons également que le gouvernement attribue un statut provisoire de protection aux vastes territoires du lac Evans et de la rivière Broadback tel que proposé par les Cris. À moyen terme, nous demandons au gouvernement de profiter de l'imminente réforme de la Loi sur les mines pour revoir en profondeur ce mode archaïque d’attribution des concessions minières qu'est le free-mining. Patrick Nadeau, directeur général de la SNAP Québec Sophie Gallais, chargée de projets Aires protégées à Nature Québec