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réclamée, conformément à l'article 114 al.2 de la Loi sur les normes du ... [4] En 2007, les défendeurs Jean-François D'Amour ("D'Amour") et Sonia Dubois.
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2011 QCCQ 12060

COUR DU QUÉBEC CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE LONGUEUIL « Chambre civile » N° :

505-22-016709-091

DATE : 22 août 2011 ______________________________________________________________________ SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.

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COMMISSION DES NORMES DU TRAVAIL Demanderesse c. JEAN-FRANÇOIS D'AMOUR SONIA DUBOIS Défendeurs ______________________________________________________________________ JUGEMENT ______________________________________________________________________

[1] La Commission des Normes du Travail ("la Commission") réclame aux défendeurs, pour le compte d'une salariée, Adeltrudes De Belen1 ("De Belen"), la somme de 2 969,57$, à titre de salaire, temps supplémentaire, congé férié et indemnité de congé annuel impayés, ainsi que la somme de 593,91$, soit 20% de la somme réclamée, conformément à l'article 114 al.2 de la Loi sur les normes du travail ("la Loi").

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JD 2786

L'utilisation des seuls noms ou prénoms dans le présent jugement a pour but d'alléger le texte et il ne faut y voir aucune discourtoisie à l'égard des personnes concernées.

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Commission des normes du travail c. D'Amour

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[2] Les défendeurs reconnaissent devoir certaines sommes dues à De Belen, mais allèguent que celle-ci leur doit du salaire payé en trop : ils demandent que compensation soit faite entre cette réclamation et celle de la Commission. Question en litige [3] Il s'agit de déterminer si les réclamations sont fondées de part et d'autre, et dans l'affirmative, si les défendeurs peuvent ou non opérer compensation. Les faits [4] En 2007, les défendeurs Jean-François D'Amour ("D'Amour") et Sonia Dubois ("Dubois") sont à la recherche d'une aide familiale pour s'occuper de leurs enfants. [5] Le 15 décembre 2007, Dubois signe le contrat d'emploi que D'Amour a préparé, sur un formulaire du Gouvernement du Québec2, relativement à De Belen. [6]

[7]

Ce contrat contient notamment les éléments suivants : -

description de tâches : "take care of children, do housework, prepare meals";

-

horaire de travail : 40 à 50 heures par semaine, de 8 à 18 heures (l'horaire peut varier selon l'horaire des parents);

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congés : samedi et dimanche;

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frais de déplacement : l'employeur convient de payer un billet aller simple de Séoul, résidence de De Belen, à Montréal; il est prévu expressément que l'employeur ne peut retenir quelques montants que ce soit sur le salaire de l'employée pour payer ces frais de déplacements.

Le 20 février 2008, De Belen accepte ces conditions et signe le contrat.

[8] Le 8 septembre 2008, elle arrive chez D'Amour et Dubois, et dès le lendemain, elle commence son emploi; comme prévu au contrat, elle prend soin des jumelles du couple, alors âgées de huit mois, s'occupe de tâches ménagères et prépare les repas. [9] Le 26 novembre 2008, elle quitte son emploi et le domicile de D'Amour et Dubois: elle déclare avoir été congédiée par ses employeurs, alors que ces derniers déclarent qu'elle a quitté volontairement.

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Pièce P-6

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505-22-016709-091 La réclamation de la Commission se détaille ainsi3: -

salaire régulier et salaire supplémentaire pour la période du 9 septembre au 25 novembre 2008 : congé férié (action de grâce 13 octobre 2008) : congé annuel (vacances) : 20% du montant réclamé :

2 674,03$; 68,00$; 227,54$; 593,91$.

[11] De Belen n'a pas été payée pour le temps supplémentaire qu'elle déclare avoir effectué, pour toute la période d'emploi, et n'a pas reçu de salaire régulier ni supplémentaire pour la période du 8 novembre au 25 novembre 2008. [12] D'Amour et Dubois reconnaissent devoir à De Belen le salaire régulier pour la période du 8 novembre au 24 novembre 2008, le montant dû pour le congé férié, et le congé annuel. [13] Ils nient que De Belen ait effectué du temps supplémentaire pour toute la période de son emploi avec eux; ils allèguent qu'elle a travaillé souvent moins que quarante (40) heures par semaine, et estiment qu'ils lui ont payé soixante-sept (67) heures en trop, pour la période du 9 septembre au 8 novembre 2008. Analyse et décision [14] Le Tribunal est d'avis que l'ensemble de la preuve démontre, par prépondérance, le bien-fondé de la réclamation de la Commission. [15] Les heures considérées par la Commission, autant pour le salaire régulier que pour le temps supplémentaire, reposent sur le témoignage de De Belen, et les notes consignées à son agenda4. [16] Le témoignage de De Belen à l'audience, est clair et convaincant; le contreinterrogatoire par D'Amour et Dubois n'y a rien changé. [17] L'agenda dans lequel elle a noté quotidiennement les heures passées à travailler, même s'il n'y a pas en soi de force probante, permet néanmoins au Tribunal d'en tirer certaines présomptions de fait, dont l'exactitude des heures déclarées par De Belen et relevées par la Commission5.

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Pièce P-1 Pièce P-5 Commission des Normes du Travail c. Haillot et al. REJB 1999-16141; Commission des Normes du Travail c. Restaurant Fal inc. AZ-98039011; Commission des Normes du Travail c. Salon de Billard L'Agathois inc. 700-22-000834-977; Commission des Normes du Travail c. 9105-2803 Québec inc. et al, 455-22-000816-025.

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[18] Les circonstances dans lesquelles De Belen a montré cet agenda à Danièla Radu, enquêteure de la Commission chargée du dossier, dès le début de cette enquête, les détails qu'on retrouve à cet agenda concernant son humeur, certaines dépenses effectuées, des personnes rencontrées, écartent l'argument de fabrication récente, soutenue par D'Amour et Dubois dans leur témoignage. [19] Quant à D'Amour et Dubois, ils ne tenaient pas de registre des heures travaillées par De Belen, alors que la Loi l'exige; par ailleurs, leur témoignage à l'audience était vague, et souvent en contradiction avec des documents qu'ils ont produits, ou avec leur propre témoignage. [20] Par exemple, pour soutenir leur affirmation que De Belen ne pouvait avoir travaillé toutes les heures qu'elle déclare, ils soutiennent qu'elle n'avait aucun travail domestique à faire, puisqu'ils engageaient une autre personne pour ce faire; or, les travaux ménagers faisaient partie des exigences posées dans le contrat d'emploi. De plus, dans son témoignage D'Amour lui-même déclarait qu'il y avait fort à faire dans la maison. [21] Les défendeurs affirment que dans la semaine du 14 au 21 novembre, alors qu'ils sont en vacances, De Belen n'a travaillé que vingt heures : cependant, ils n'en n'ont aucune connaissance personnelle, et n'ont fait entendre aucun témoin à ce sujet. [22] Dans les circonstances, considérant la jurisprudence qui est à l'effet d'accorder plus de valeur probante au témoignage du salarié qu'à celui de l'employeur lorsque ce dernier a contrevenu à la Loi6, le Tribunal est d'avis que la Commission a fait la preuve des allégations au soutien de sa réclamation. [23] Par ailleurs, le Tribunal est d'avis que D'Amour et Dubois n'ont pas réussi à prouver l'existence d'une entente entre eux et De Belen, en vertu de laquelle celle-ci aurait consenti à leur rembourser les frais de déplacement, si elle ne demeurait pas à leur emploi pendant toute la durée du contrat. [24] Malgré la fin prématurée de son contrat d'emploi, De Belen conteste devoir, en tout ou en partie, les frais de déplacement assumés par D'Amour et Dubois.

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Commission des Normes du Travail c. Gakman C.Q. Montréal 500-02-001825-863, jugement 15 février 1988; Commission des Normes du Travail c. 132555 Canada inc. C.Q. Montréal 500-02041653-853, jugement 16 juin 1987; Commission des Normes du Travail c. Gilles Clément C.Q. Saint-François 450-02-001906-80, jugement 4 mars 1982; Commission des Normes du Travail c. Cholette et al C.Q. Montréal 500-02-054924-837, jugement 30 octobre 1985; Commission des Normes du Travail c. Italienne Shoes Ltd. C.Q. Montréal 500-02-020986-837, jugement 27 février 1987, Commission des Normes du Travail c. Restaurant Fal inc. AZ-98039011, Commission des Normes du Travail c. Salon de billard L'Agathois inc. C.Q. Terrebonne 700-22-000834-977, jugement 25 mars 1998.

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[25] Ceux-ci invoquent le courriel que leur a adressé De Belen, le 28 août 20087. Or, De Belen ne s'y engage pas purement et simplement à les rembourser si son contrat se termine avant échéance : elle s'engage à honorer le contrat à moins qu'une raison sérieuse ne l'incite à le terminer. [26] En l'instance, la fin de l'emploi de De Belen chez les défendeurs fait l'objet d'une preuve contradictoire : elle prétend qu'ils l'ont congédiée, ceux-ci prétendent qu'elle les a quitté de son plein gré. [27] Le moins que l'on puisse affirmer, eu égard à la preuve, est que la créance que prétendent avoir D'Amour et Dubois n'est ni certaine ni exigible, alors que la compensation qu'ils réclament s'opère de plein droit seulement lorsqu'il y a deux créances certaines, liquides et exigibles8. [28] De plus, la Commission n'est pas le mandataire de l'employée au nom de laquelle elle réclame le salaire, congés et indemnité de vacances; celle-ci détient son mandat de la Loi sur les normes du Travail ; aucune cession de créance ne s'est opérée entre De Belen et la Commission. Or, la compensation doit s'opérer entre des personnes qui sont débitrices et créancières l'une de l'autre, ce qui n'est pas le cas ici9. [29] Considérant la jurisprudence claire à l'effet de refuser à un employeur le droit d'opérer compensation dans les circonstances semblables10, le Tribunal ne peut accueillir la défense de D'Amour et Dubois à ce chapitre.

[30]

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : ACCUEILLE l'action de la demanderesse; CONDAMNE solidairement les défendeurs Jean-François D'Amour et Sonia Dubois à payer à la demanderesse la somme de 3 563,48$ répartie comme suit:

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2 969,57$ avec intérêts conformément à l'article 114 de la Loi sur les normes du Travail, à compter du 25 mai 2009;

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593,91$ avec intérêts au taux légal de l'assignation;

Pièce D-5 Art. 1672 du Code civil du Québec Commission des Normes du Travail c. Cousineau C.Q. Hull 550-22-005773-021, jugement du 5 octobre 2004. Commission des Normes du Travail c. Urgel Bourgie 1999-15508; Commission des Normes du Travail c. Cousineau déjà citée; Commission des Normes du Travail c. Cayer 2010 QCCQ 1883.

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__________________________________ MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.

Me Guillaume Provencher Rivest Fradette Tellier Procureur de la demanderesse

Jean-François D'Amour Sonia Dubois Personnellement

Date d’audience : 11 mars 2011

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LE TOUT avec dépens.