Corticostéroides topiques

Considérations spéciales. L'augmentation du rapport entre la surface corpo- ... O traitement cyclique : deux semaines de traitement en alternance avec une ...
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Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

Dans quel pot trouve-t-on le meilleur onguent ? Hélène Demers et Caroline St-Jacques Vous voulez prescrire un corticostéroïde topique ? Lisez ce qui suit ! Êtes-vous découragé devant le nombre important de corticostéroïdes topiques en pharmacie ? Comment choisir la molécule qui traitera le mieux l’affection du patient ? Devez-vous en prescrire un de faible ou de forte puissance ? En crème ou en gel ? En raison de leur efficacité clinique prouvée contre de nombreuses maladies dermatologiques, les corticostéroïdes topiques représentent habituellement la première ligne de traitement1. Compte tenu du grand nombre de produits sur le marché, il est suggéré de se familiariser avec un ou deux agents de chacune des sept classes. Mais lesquels choisir ? Les étapes de sélection ne devant pas être négligées, lisez ce qui suit !

Tableau I

Affections dermatologiques pour lesquelles l’efficacité clinique des corticostéroïdes est prouvée1,3 Puissance

Affections dermatologiques traitables

D’élevée à très élevée

O O O O O O O O O O

Intermédiaire

O O O O O O

Quelques outils pour vous aider à prescrire… Diagnostic Les corticostéroïdes topiques s’avèrent efficaces en cas d’hyperprolifération cellulaire, d’inflammation ou de réaction immunologique. Ils peuvent soulager les lésions pruritiques ou les sensations de brûlure1. Le tableau I contient la liste des maladies dermatologiques pour lesquelles une efficacité clinique des corticostéroïdes topiques a été prouvée.

O

O O O O O

Faible

Mme Hélène Demers, pharmacienne, exerce à l’UMF-GMF de la Cité de la Santé de Laval. La Dre Caroline St-Jacques, omnipraticienne, exerce à l’unité de médecine familiale et à l’Hôpital Pierre-Le Gardeur, de Lachenaie.

Pelade Dermite atopique résistante Eczéma hyperkératosique Eczéma nummulaire grave Eczéma grave (mains) Dermite grave causée par l’herbe à puce Lichen plan Lichen scléreux (peau) Lichen simplex chronique Lupus discoïde Psoriasis Dermite atopique Dermite de stase Dermite séborrhéique Dermite grave Eczéma nummulaire Eczéma craquelé Gale (après produit antigale) Inflammation périanale grave Intertrigo grave (court terme) Lichen scléreux (vulve) Teigne (à court terme pour réduire l’inflammation)

O

Dermite (paupières, visage) Érythème fessier (dermite du siège) O Inflammation périanale légère O Intertrigo léger O

Véhicule Plusieurs corticostéroïdes topiques sont offerts dans une variété de véhicules : pommade, crème, lotion, gel et mousse1,3. La forme galénique utilisée pour la préparation d’un produit lui procure ses caractéristiques et influe sur sa puissance1 (tableau II). Ainsi, Le Médecin du Québec, volume 46, numéro 3, mars 2011

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Tableau II

Comparaison des différents véhicules des corticostéroïdes topiques3,4 Véhicule

Principales caractéristiques

Indications

Pommade

O O O O

O O O O O

Plaques sèches Plaques croûteuses Plaques épaisses Plaques hyperkératosiques À éviter sur les régions velues ou intertrigineuses*, car il y a un risque de macération ou de folliculite

Crème

O

Véhicule moins puissant que la pommade pour une même teneur de l’ingrédient actif, mais plus que la lotion O Bonne capacité lubrifiante O Véhicule le plus esthétique O Risque de réactions cutanées (agents de conservation)

O O O

Lésions exsudatives (propriétés asséchantes) Régions intertrigineuses* Majorité des dermatoses

Lotion

O O O O

Véhicule le moins puissant Véhicule peu graisseux Véhicule peu occlusif Véhicule qui contient de l’alcool, ce qui peut entraîner une sensation de brûlure (moins présent avec la lotion Cyclocort) O Véhicule qui procure un effet rafraîchissant O Véhicule qui contient de la poudre dans l’eau (doit donc être brassé avant l’application)

O O O O

Lésions suintantes (propriétés asséchantes) Régions velues Grandes surfaces corporelles Prurit (propriétés rafraîchissantes)

Gel

O

Véhicule qui combine les avantages thérapeutiques des pommades et les avantages esthétiques des crèmes O Véhicule peu graisseux O Véhicule peu occlusif O Liquéfaction au contact de la peau

O O O

Lésions suintantes (propriétés asséchantes) Régions velues (séchage rapide) Acné

Mousse

O O

O O

Inflammation Cuir chevelu

Véhicule le plus puissant Véhicule le plus lubrifiant Véhicule le plus occlusif Véhicule peu esthétique

Application très facile Coût plus élevé

* Régions intertrigineuses : aines, aisselles, plis, etc.

les crèmes et les lotions sont considérées comme moins puissantes que les pommades et les gels.

Puissance À l’intérieur des quatre groupes de corticostéroïdes topiques (très puissant, puissant, intermédiaire et faible), sept différentes classes ont été créées en fonction de leur puissance relative. La classe I est la plus puissante et la classe VII, la moins puissante (tableau III). Par exemple, le propionate de clobétasol (classe I) est environ mille fois plus puissant que l’hydrocortisone à 1 % (classe VII)3. Les agents de forte puissance sont habituellement réservés aux problèmes graves ou aux régions anatomiques à faible absorption tandis que

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Dans quel pot trouve-t-on le meilleur onguent ?

les produits de moins forte puissance s’avèrent utiles pour les régions où le potentiel d’absorption est élevé, pour une utilisation à long terme ou sur de larges surfaces corporelles afin de réduire au minimum l’absorption générale1.

Région anatomique Comme nous l’avons mentionné précédemment, le potentiel d’absorption cutanée d’un corticostéroïde topique varie selon la région anatomique où il est employé (tableau IV). Par exemple, la peau recouvrant la paume de la main est plus épaisse que celle des paupières et nécessitera donc un produit de puissance supérieure1. Pour les organes génitaux, il

Classification des différents corticostéroïdes topiques offerts en pharmacie1-3 Véhicule Puissance

Classe

Dénomination commune

Nom commercial

C

P

L

Très élevée

I

O

Dipropionate de bétaméthasone à 0,05 % (application facilitée par la présence de propylène glycol) O Propionate de clobétasol à 0,05 % O Propionate d’halobétasol à 0,05 %

O

Diprolene Glycol, Topilène, générique

x

x

x

O O

Dermovate, générique Ultravate

x x

x x

O

O

Cyclocort, générique

O

O

Amcinonide à 0,1 % (application facilitée, par la présence de propylène glycol) Dipropionate de bétaméthasone à 0,05 % Désoximétasone à 0,25 % Désoximétasone à 0,05 % Fluocinonide à 0,05 %

O

Halcinonide à 0,1 %

O

Diprosone, Topisone, générique Topicort Topicort Lidex, Lyderm Lidex, Topsyn Halog

O

Amcinonide à 0,1 % Dipropionate de bétaméthasone à 0,05 % Valérate de bétaméthasone à 0,1 % Désoximétasone à 0,05 % Fluocinonide à 0,05 % (base émolliente) Halcinonide à 0,1 % Furoate de mométasone à 0,1 % Acétonide de triamcinolone à 0,5 %

O

Valérate de diflucortolone à 0,1 % Acétonide de fluocinolone à 0,025 % Valérate d’hydrocortisone à 0,2 % Furoate de mométasone à 0,1 % Acétonide de triamcinolone à 0,1 %

O

Dipropionate de bétaméthasone à 0,05 % Valérate de bétaméthasone à 0,1 % Désonide à 0,05 % Valérate de diflucortolone à 0,1 % Acétonide de fluocinolone à 0,025 % Valérate d’hydrocortisone à 0,2 % Prednicarbate à 0,1 % Acétonide de triamcinolone à 0,1 %

O

Élevée

II

O O O

III

O O O O O O O

Intermédiaire

IV

O O O O O

V

O O O O O O O O

Faible

VI

VII

O

O O O O

O O O O O O O

O O O O O O O O O O O

Cyclocort, générique Diprosone, générique Betaderm, Valisone, générique Topicort doux Lidemol, Tiamol, Topactin Halog Elocom, générique Aristocort C Nerisone Synalar, Fluoderm, générique Westcort, Hydroval Elocom Aristocort R, Kenalog, générique Diprosone Betaderm, Valisone, générique Valisone, générique Nerisone, Nerisone huileuse Desocort, générique Westcort, Hydroval Dermatop Aristocort R, générique

x

x

x x

x

x

x x x x x x

x x

x

x x x x x

x x x

x x x x x x x

O

Betaderm, générique O Desocort, Tridesilon, générique O Synalar Solution O Derma-Smoothe/FS

x x

O

O

O

O

x x x x

Emo-Cort, Barriere-HC Emo-Cort, Sarna HC O Hyderm O Neo-HC

x

x x

Valérate de bétaméthasone à 0,05 % O Désonide à 0,05 % O Acétonide de fluocinolone à 0,01 % O Acétonide de triamcinolone à 0,025 % Hydrocortisone à 1 % Hydrocortisone à 2,5 % O Acétate d’hydrocortisone à 1 % O Acétate d’hydrocortisone à 2 %

G

Info-comprimée

Tableau III

x

x x x Huile

x

x x

Légende : C = crème ; P = pommade ; L = lotion ; G = gel

Le Médecin du Québec, volume 46, numéro 3, mars 2011

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rables. Il est donc recommandé de réduire considérablement la dose, la puissance du produit1 et la durée de traitement. Par exemple, les enfants devraient recevoir de 20 % à 40 % de la dose d’un adulte3.

Tableau IV

Pénétration cutanée relative des corticostéroïdes topiques3,4

Partie du corps

Pénétration cutanée relative*

Classes à privilégier

Plante du pied

0,14 %

I – IV

Paume de la main

0,83 %

I – IV

Avant-bras

1%

IV ou V

Dos

1,7 %

IV ou V

Cuir chevelu

3,5 %

IV ou V

Front

6%

IV ou V

Mandibule

13 %

VI ou VII

Organes génitaux

42 %

VI ou VII

Paupières

42 %

VII

* Interprétation : plus le chiffre est bas, plus le corticostéroïde pénètre mal et, par conséquent, plus la puissance de la molécule doit être élevée.

sera toutefois préférable d’en employer un de faible puissance. Bien que la vulve puisse tolérer des produits de puissance intermédiaire (ex. : pour le lichen scléreux), la peau du scrotum, quant à elle, est aussi fragile que celle des paupières.

Pénétration cutanée Plusieurs facteurs influent sur la pénétration cutanée des corticostéroïdes topiques et, conséquemment, sur leur efficacité et sur le risque d’effets indésirables. Ainsi, l’absorption sera grande lorsque la température et le degré d’hydratation de la peau sont élevés, s’il y a une inflammation ou encore si la peau présente des abrasions4. Pour favoriser une absorption optimale, les corticostéroïdes doivent être appliqués sur une peau humide (ex. : après le bain)1,3,4 et en quantité suffisante (l’application en couche mince ne réduit pas les effets indésirables, mais peut nuire à l’efficacité du traitement).

Considérations spéciales L’augmentation du rapport entre la surface corporelle et le poids chez les enfants et la fragilité accrue de la peau des personnes âgées rendent ces groupes de patients plus susceptibles de présenter des effets indési-

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Dans quel pot trouve-t-on le meilleur onguent ?

Les pièges à éviter… Choisir le mauvais véhicule En raison des différentes propriétés des véhicules (tableau II), un produit mal choisi peut retarder la réponse thérapeutique, voire empirer le problème, même si sa puissance est adéquate3. Par exemple, l’application d’une pommade sur une lésion suintante pourrait causer une folliculite due aux propriétés occlusives de ce véhicule3. Le choix du véhicule devrait être guidé par la règle de base suivante : une lésion sèche doit être humidifiée tandis qu’une lésion humide doit être asséchée.

Prescrire une durée de traitement inappropriée La durée du traitement devrait être inversement proportionnelle à la puissance du produit. Ainsi, un corticostéroïde topique de très forte puissance devrait être utilisé pendant au plus trois semaines contre douze semaines consécutives pour un autre de puissance faible1,3. Pour le visage et les régions génitales et intertrigineuses (aisselles, aines, etc.), la durée de traitement ne devrait pas dépasser deux semaines d’affilée, peu importe la puissance3. Certaines maladies chroniques nécessiteront un traitement plus long. Les stratégies ci-dessous permettront de limiter l’exposition à long terme2,3 : O traitement cyclique : deux semaines de traitement en alternance avec une semaine d’arrêt ; O traitement intermittent : application du corticostéroïde topique d’une à deux fois par semaine afin de prolonger la phase de maintien. Pour réduire les risques de récidive à l’arrêt du traitement, une bonne stratégie consiste à diminuer graduellement la fréquence d’application (ex. : 2 f.p.j. pendant sept jours, 1 f.p.j. pendant quelques jours et ainsi de suite) ; O réduction graduelle de la puissance du corticostéroïde topique : commencer par un produit de forte puissance pour maîtriser la phase inflammatoire, puis poursuivre avec un autre de puissance infé-

Ce que vous devez retenir… O

Le choix d’un corticostéroïde topique doit tenir compte du type de dermatose à traiter, du siège anatomique de la lésion, du véhicule et de la puissance.

O

Il faudra utiliser les stratégies mentionnées précédemment pour limiter la durée de l’exposition aux corticostéroïdes topiques et ainsi réduire au minimum les effets indésirables.

O

Les tableaux récapitulatifs vous guideront vers le meilleur choix possible et feront de votre traitement un succès !

Utiliser l’occlusion de façon inappropriée Parce qu’elle accroît de dix à cent fois la pénétration du corticostéroïde topique, l’occlusion par une pellicule plastique ou un pansement ne devrait être réservée qu’aux cas réfractaires1,3,4. De plus, la molécule utilisée ne devrait pas être de forte puissance et l’occlusion ne devrait pas dépasser douze heures par jour afin d’éviter tout risque de surinfection bactérienne ou fongique4.

Je fais une réaction : est-ce que ce sont mes crèmes ? Les effets indésirables cutanés associés au recours inadéquat aux corticostéroïdes topiques sont très bien connus : atrophie cutanée, télangiectasies, vergetures, hypopigmentation, rosacée, acné, etc.1,3. Les agents les plus puissants (classes I à III) peuvent causer de tels problèmes après seulement de deux à trois semaines d’application quotidienne. Certains de ces effets se dissipent plusieurs mois après l’arrêt du traitement tandis que d’autres s’avèrent irréversibles1,3. Quant aux effets sur l’ensemble de l’organisme, les corticostéroïdes topiques peuvent entraîner une suppression de l’axe hypothalamohypophysaire à une dose aussi faible que 2 g/j pendant deux semaines ou plus3. L’utilisation prolongée, un produit de forte puissance et tous les facteurs qui augmentent la pénétration cutanée du produit prédisposeront à cette suppression. Les corticostéroïdes topiques peuvent également causer une hyperglycémie ou faire apparaître un diabète latent3. Enfin, pour éviter le risque de tachyphylaxie, les stratégies énumérées au point précédent doivent être envisagées.

Info-comprimée

O

rieure jusqu’à la résolution des lésions ; autre traitement : remplacer le corticostéroïde topique par un inhibiteur de la calcineurine (voir notre chronique d’Info-Comprimée de septembre 2010, intitulée : « La dermite atopique au-delà des corticostéroïdes topiques ».

Est-ce sur la liste ou pas ? Tous les génériques sont remboursés par la RAMQ. Certaines assurances remboursent aussi le produit d’origine, tandis que d’autres ne le couvrent que partiellement. Le patient devra alors payer l’excédent. Bien que le générique coûte moins cher, il peut être beaucoup moins puissant que le produit d’origine. De plus, la composition du véhicule peut être fort différente, ce qui peut modifier la réponse au traitement. Voilà donc un autre point à considérer avant de prescrire un corticostéroïde topique2,3. 9

Bibliographie 1. Ference JD, Last AR. Choosing topical corticosteroids. Am Fam Physician 2009 ; 79 (2) : 135-40. 2. Habif TP. Clinical Dermatology. A color guide to diagnosis and therapy. 4e éd. Philadelphie : Mosby Inc. ; 2004. p. 23-40. 3. UpToDate. Treatment of atopic dermatitis (eczema). UpToDate. Site Internet : www.uptodate.com/online/content/topic.do?topicKey=dermatol/ 17750&selectedTitle=1%7E150&source=search_result#H1 (Date de consultation : le 14 octobre 2010). 4. Comparison of topical corticosteroids. Pharmacist’s Letter 2009 ; 25 (12) : 2551225.

Les auteures tiennent à remercier la Dre Elizabeth Guay, dermatologue, pour ses précieux commentaires au moment de la révision de cet article.

Et le prix ? Le prix pour un format de 30 grammes est d’environ 10 $ pour un générique et de 15 $ à 20 $ pour le médicament d’origine.

Avant de prescrire un médicament, consultez les renseignements thérapeutiques publiés par les fabricants pour connaître la posologie, les mises en garde, les contre-indications et les critères de sélection des patients. Le Médecin du Québec, volume 46, numéro 3, mars 2011

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