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Entre le 20 et le 27 septembre, 60 % des omni- praticiens ont voté par voie électronique et ont approuvé l'entente à 96 %. « C'est un mandat sans équivoque », a souligné le Dr Louis Godin, président de la Fédération. La nouvelle entente, qui a permis de régler plusieurs dossiers importants, donne une certaine latitude à la ...
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CONSEIL DE L A FÉDÉRATION UNE NOUVELLE ENTENTE POUR LES MÉDECINS DE FAMILLE Le conseil de la Fédération, qui s’est réuni le 30 septembre dernier, a ratifié l’entente de principe destinée à régir la rémunération et les conditions de pratique des médecins de famille. Emmanuèle Garnier h

Photo : Emmanuèle Garnier

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D’où viendra l’argent ? Il s’agit de sommes que le gouvernement doit déjà aux omnipraticiens. En 2014, l’État leur avait demandé d’étaler sur huit ans les augmentations qu’il avait accordées pour 2014, 2015 et 2016, selon l’ancien accord-cadre.

D Louis Godin r

Le conseil général de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a accepté à l’unanimité l’entente de principe conclue en juillet avec le gouvernement provincial. Les médecins de famille ont ainsi un nouvel accord-cadre qui régit leur rémunération et leurs conditions de pratique. La décision des délégués du conseil reflétait celle de leurs membres. Entre le 20 et le 27 septembre, 60 % des omni­ praticiens ont voté par voie électronique et ont approuvé l’entente à 96 %. « C’est un mandat sans équivoque », a souligné le Dr Louis Godin, président de la Fédération. La nouvelle entente, qui a permis de régler plusieurs dossiers importants, donne une certaine latitude à la FMOQ. Elle pourra devancer plusieurs mesures. « Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour accorder les augmentations et faire les versements le plus tôt possible », a indiqué le président.

L’ÉTALEMENT Le premier grand pan du nouvel accord-cadre dont les mé­ decins de famille verront les effets concrets est le dossier de l’étalement. Ainsi, une somme rétroactive sera rapide­ ment versée : h aux cliniciens qui devaient bénéficier de la rémunération mixte et aux médecins d’urgence qui devaient avoir une augmentation en 2014 ;

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aux praticiens qui ont pris leur retraite en 2014-2015 et en 2015-2016, et pratiquaient jusqu’alors ; à tous les omnipraticiens en pratique en 2014-2015 et pendant au moins une partie de 2015-2016 : ils recevront une hausse touchant l’ensemble de la facturation de cette période.

Le Médecin du Québec, volume 52, numéro 11, novembre 2017

La nouvelle entente prévoit donc un nouveau calendrier pour le remboursement de l’argent qui aurait dû être versé aux omnipraticiens en hausses de 2014 à 2016. Même s’il s’étend jusqu’en 2023-2024, le nouvel échéancier permet la remise plus rapide de la majorité de la somme à recevoir. Ainsi, très bientôt, dès 2017-2018, un premier versement sera effectué sous la forme d’une rétroactivité ou d’un paiement forfaitaire sur la base des années de pratique de 2014-15 et 2015-16 d’abord. L’argent dû sera donc remboursé, mais le gouvernement doit aussi reprendre les augmentations qu’il a suspendues. À cause de ce gel, certaines mesures, comme l’entrée en vigueur du mode de rémunération mixte, ont été retardées. Le gouvernement a déjà recommencé à accorder quelques hausses. La nouvelle entente permet aux médecins de famille d’obtenir le reste plus tôt que prévu. En 2018-2019, ils bénéficieront, grâce à l’utilisation de sommes non récurrentes, d’une augmentation qui totalisera le reste des hausses qu’ils devaient encore avoir.

LES FUTURES MESURES Le nouvel accord-cadre devrait par ailleurs permettre aux omnipraticiens d’obtenir de nouvelles sommes. Comment sera utilisée la nouvelle enveloppe ? « Nous allons faire un premier blitz le 1er avril 2018. Chacun des présidents d’association sera consulté pour établir une liste de priorités. Quels sont les grands dossiers ? Quels sont les plus importants à mettre de l’avant à court terme ? », a indiqué le président. La FMOQ envisage, sans qu’aucune décision définitive ne soit prise, plusieurs manières d’employer les sommes à venir :

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INCORPORATION En juillet dernier, le ministre des Finances du Canada, M. William Morneau, présentait de nouvelles stratégies de planification fiscale utilisant des sociétés par actions privées. Il annonçait entre autres des modifications touchant des avantages h

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Augmentations paramétriques. Les présidents d’association ont déjà commencé à donner leur avis sur certains points. « Il en ressort qu’il y aura certainement des hausses paramétriques, c’est-à-dire qui s’appliqueront sur l’ensemble des tarifs pour tous les médecins de famille. » CHSLD. Le nouvel accord-cadre prévoit une révision globale du dossier des CHSLD pour améliorer l’accès aux soins et leur continuité. La Fédération et le ministère de la Santé ont déjà commencé à étudier le dossier. « Nous discutons de façon sérieuse de certaines propositions », a indiqué le Dr Godin. Soins à domicile. Certaines mesures pourraient être mises sur pied pour valoriser les soins à domicile et assurer l’accès à ce service. Travail médicoadministratif en établissement. La loi 10* a accru le travail médicoadministratif. Certains omnipraticiens en font les frais : ils doivent s’acquitter de tâches pour lesquelles ils ne sont pas rétribués. « Nous allons corriger la situation. Est-ce que l’on va adopter les mêmes mesures que les spécialistes ? Nous allons étudier la question. Nous avons des réalités différentes comme médecins de famille. Nous allons donc regarder quelles tâches sont plus importantes à rémunérer et surtout à quelle hauteur il faut le faire. » Prise en charge. La prise en charge des patients reste une priorité pour la FMOQ. « Nous n’avons pas arrêté la manière dont nous allons la favoriser. Allons-nous augmenter le tarif des visites ou les forfaits ? Nous allons nous pencher sur les suggestions des différentes associations. »

ÉQUITÉ AVEC LES OMNIPRATICIENS ONTARIENS La nouvelle entente comporte un gain qui pourrait se révéler particulièrement important : l’engagement écrit du gouvernement à étudier l’écart de rémunération entre les omnipraticiens québécois et leurs confrères de l’Ontario. L’Institut canadien * Le véritable nom de la loi est : Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales.

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dont se prévalent les médecins. Au cours du conseil, le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, a expliqué les démarches qu’il a faites dans le cadre des consultations organisées par le gouvernement fédéral. « Nous avons remis un document très technique, fait par des fiscalistes, qui explique dans le fin détail toutes les conséquences et surtout l’iniquité que peut produire le fait de retirer certains avantages de la loi de l’impôt aux corporations créées par les médecins. Nous avons mentionné en particulier la question de l’imposition des sommes accumulées. » Dans la lettre qui accompagnait le mémoire, le Dr Godin expose au ministre la situation particulière de ses membres. « Nous croyons notamment que certaines orientations doivent être revues au nom de l’équité, notamment eu égard à la possibilité pour les médecins de se constituer un fonds de retraite ayant un quelconque lien avec la rémunération touchée durant leur carrière active, comme les juges ou les hauts fonctionnaires, par exemple, qui ont bien souvent accès à un régime complémentaire de pension. » On peut consulter le mémoire sur fmoq.org.

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Une fois les chiffres en main, la Fédération et le gouvernement négocieront ensuite pour déterminer l’écart à corriger en tenant compte de différents facteurs. Si les parties ne s’entendent pas au bout de deux mois, un processus de médiation qui durera lui aussi deux mois s’enclenchera. Puis il y aura, au besoin, le recours à un arbitre, un atout important. « Le système d’arbitrage sera semblable à celui dont disposent les juges au Québec. Cela nous donne les meilleures garanties possible pour obtenir un résultat », a mentionné le président.

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d’information sur la santé (ICIS) sera chargé de chiffrer la différence de rétribution. L’organisme vient d’ailleurs tout juste de rencontrer les responsables de la FMOQ pour commencer ses travaux. Il a jusqu’en septembre 2018 pour remettre son rapport.

Délégué du conseil général de la FMOQ

ÉCART AVEC LES SPÉCIALISTES Le nouvel accord-cadre permet également une percée cruciale. « L’élément le plus important de la nouvelle entente, à mon sens, concerne l’écart de rémunération entre les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes », a souligné le Dr Godin. Les travaux pour définir la différence de revenus entre les deux groupes commenceront en septembre 2019. À titre d’avance, le gouvernement accordera une augmentation de 1 % le 1er avril 2017 et une hausse de 1,4 % le 1er avril 2019. Mais l’écart avec les spécialistes ne risque-t-il pas de s’accroître à nouveau une fois que ces derniers auront renégocié leur propre entente ? « Nous avons obtenu des garanties pour nous assurer que la réduction de l’écart ne sera pas annulée par différentes mesures ultérieures », a indiqué le président. Par ailleurs, la différence de rémunération entre médecins de famille et spécialistes sera comparée non seulement de

manière globale, mais aussi dans des secteurs de pratique précis. « Nous allons regarder la rétribution de tâches similaires faites par un médecin de famille et par un médecin spécialiste. Nous analyserons également la rémunération des différents secteurs de la médecine familiale en tenant compte des frais liés à la pratique de ces activités et du moment où elles sont faites, particulièrement le soir, la nuit et la fin de semaine. » Dans l’ensemble, la nouvelle entente a permis de régler plusieurs dossiers importants. « Les enjeux de ces négociations, outre l’engagement du gouvernement à effectuer deux études sur l’écart de rémunération, étaient de devancer le remboursement de l’étalement, tout en obtenant une avance de 2,4 % pour la correction de l’écart », résume pour sa part M. Denis Blanchette, directeur des Affaires économiques à la Fédération. //

NOUVEAU MEMBRE ÉMÉRITE DR CLAUDE SAUCIER

Au cours de ses 23 ans de syndicalisme, dont 17 en tant que membre du bureau, le Dr Saucier a vu les médecins de famille faire des gains. « Ça n’a pas toujours été facile et ça ne s’est pas fait tout seul, a affirmé le clinicien. Les défis sont encore grands quand on regarde ce que l’on vit en ce moment. On pourrait dire que l’on subit un certain acharnement. Mais notre force réside principalement dans la relation que nous établissons avec nos patients et dans la qualité de l’acte médical que nous leur prodiguons. »

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Le Médecin du Québec, volume 52, numéro 11, novembre 2017

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Ancien président de l’Association des médecins omnipraticiens de Laval et ex-deuxième vice-président de la FMOQ, le Dr Claude Saucier a été nommé membre émérite. La Fédération tenait à souligner qu’il a « été un modèle de médecin de famille, apprécié autant de ses patients, de ses collègues que du personnel ». Doté d’un esprit d’entrepreneuriat et d’idées avant-gardistes, le Dr Saucier a œuvré comme gestionnaire pour que la population soit bien servie et que la tâche des médecins soit facilitée. Il s’est également « investi avec passion et conviction dans l’administration et l’organisation du réseau de la santé. » Sur le plan syndical, il a été un président d’association rassembleur et à l’écoute de ses membres.

Dr Claude Saucier

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE DES BOIS-FRANCS

SUGGESTIONS D’AUGMENTATIONS Le 5 octobre dernier, les médecins de l’Association des médecins omnipraticiens des Bois-Francs tenaient leur assemblée générale annuelle à Drummondville.

Emmanuèle Garnier

payer les sommes qui étaient dues en 2014–2015 et au cours d’une partie de 2015–2016. »

SUGGESTIONS DES MEMBRES

Photo : Emmanuèle Garnier

Les médecins de famille des Bois-Francs se sont prononcés en grand nombre par voie électronique sur le nouvel accordcadre. « On peut être fiers, parce que 69 % de nos membres ont voté, a indiqué le Dr Sylvain Labbé, le président de l’AMOBF. Ils ont approuvé l’entente à 99 %. » Par comparaison, 60 % des omnipraticiens de l’ensemble du Québec ont voté et ont accepté l’entente à 96 %.

D Sylvain Labbé r

L’entente de principe qui renouvelle l’accord-cadre des omnipraticiens a maintenant été entérinée. Une nouvelle phase commence. « On arrive à la deuxième étape. Il faut déterminer la manière dont nous emploierons l’enveloppe budgétaire que nous avons négociée avec le gouvernement. Nous sommes à la phase de priorisation », a expliqué le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, aux membres de l’Association des médecins omnipraticiens des Bois-Francs (AMOBF) qu’il rencontrait à l’occasion de leur assemblée générale annuelle. La Fédération sollicite donc ses membres. « Je demande à chaque association de nous faire part d’ici la fin octobre des priorités de son milieu. Nous analyserons ensuite toutes les suggestions. Celles qui reposent sur de nouvelles idées pourront être plus longues à évaluer. Je vais laisser le soin à votre nouveau conseil d’administration de déterminer comment il procédera », a indiqué le Dr Godin. Dans l’immédiat, cependant, la FMOQ désire verser le plus tôt possible aux omnipraticiens l’argent des hausses que le gouvernement leur avait demandé en 2014 de réétaler. « Il y a deux ans et demi, lorsque l’on a accepté par vote l’étalement, il avait été convenu que l’argent serait remis à tous les médecins alors en pratique, même si certains allaient prendre leur retraite. Compte tenu des sommes disponibles, nous allons

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L’Association attend maintenant les suggestions de ses mem­ bres. « Si vous pensez individuellement ou en groupe à des mesures prioritaires que l’on devrait bonifier ou à de nouvelles mesures, faites-en part aux responsables locaux de votre association, et nous les transmettrons au bureau de la FMOQ et au Dr Godin », a indiqué le Dr Labbé. Plusieurs membres avaient déjà commencé à communiquer leurs idées. Certains, par exemple, aimeraient une augmen­ta­tion du nombre d’heures rémunérées pour le travail médi­co­­ad­ mi­nis­tratif dans les groupes de médecine de famille (GMF). Deux ou trois heures sont accordées par médecin hebdomadairement alors qu’on peut facilement en faire cinq, six ou même huit. Nous sommes au début de la cueillette de suggestions, mais c’est un point qui revient », a expliqué le Dr Labbé plus tard en entrevue. Peut-être pourrait-on aussi créer une visite qui serait l’équivalent de l’ancien examen complet majeur. « Nous avons des patients qui ne sont pas vulnérables, mais qui ont plusieurs problèmes médicaux. Il s’agit de personnes hypertendues, dyslipidémiques, qui présentent plusieurs maladies chroni­ ques. Leur visite nous prend plus de temps que celle pour le suivi d’un patient en bonne santé, parce qu’il faut refaire le bilan de santé, represcrire les médicaments. Ce qu’on a actuellement pour facturer ce travail, c’est une visite du suivi ou l’intervention clinique. Y aurait-il lieu d’avoir un nouveau type de visite ? » La rétribution des médecins enseignants, que ce soit dans les unités de médecine familiale ou les GMF, a aussi fait l’objet

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de propositions. « Le forfait accordé par demi-journée passée auprès d’un résident ou d’un externe pourrait-il être bonifié ? Cela permettrait d’encourager l’enseignement dans tous les milieux », a mentionné le Dr Labbé.

OBJECTIF D’INSCRIPTION PRESQUE ATTEINT

À Drummondville, les médecins ont pris en charge 85 % de la population et quasiment vidé le GAMF. À Victoriaville, lieu de pratique du Dr Labbé, le taux d’inscription atteint 82 %. « Nous étions autour de 78 % au début de l’été. Nous avons augmenté la cadence. Notre vitesse de croisière est actuellement de 0,6 % par mois, de sorte qu’on devrait être rendu à 85 % en décembre si la tendance se maintient. Notre GAMF qui comprenait 8500 personnes il y a un an, en compte maintenant quelque 3000. Si on continue à ce rythme-là, notre guichet devrait être vidé en mai 2018 ou peut-être avant. »

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Un grand pourcentage de la population des Bois-Francs, région qui comprend trois pôles, a maintenant un médecin de famille. « Nos collègues de Thetford ici peuvent être fiers. Ils ont le second plus grand taux d’inscription : au-delà de 90 % de la population de leur territoire est inscrit, et leur guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF) est presque vide », a annoncé le Dr Labbé. Dr Louis Godin

L’un des facteurs qui ont aidé les médecins des Bois-Francs est l’arrivée de nouveaux omnipraticiens. En outre, peu de cliniciens ont pris leur retraite cette année. « On a eu un ajout net sur le territoire, et cela paraît dans nos chiffres. Cela nous donne un peu d’oxygène à tous », a affirmé le président de l’AMOBF. L’avenir augure ainsi bien pour l’association créée en 1962. Ses membres ont d’ailleurs fêté son 55e anniversaire par un cocktail au cours de l’assemblée générale annuelle. //

PRIX JEAN-PIERRE DESPINS À FEU LE DR GUY DUMAS Le prix Jean-Pierre Despins a été décerné à titre posthume au Dr Guy Dumas décédé en avril dernier. Créée il y a douze ans, cette distinction récompense l’ensemble de la carrière d’un médecin de l’Association des médecins omnipraticiens des Bois-Francs et souligne son engagement dans la pratique, l’enseignement, son milieu ainsi que dans les activités hospitalières et syndicales.

Dr Guy Dumas

lemedecinduquebec.org

« Le Dr Dumas était un ardent défenseur de la médecine familiale, des médecins de famille et de leurs patients. Il croyait que la prise en charge globale du patient resterait toujours la base de la médecine familiale. Il était très empathique envers ses patients et très apprécié », a raconté le Dr Paul Pépin, médecin retraité qui a travaillé avec le lauréat. Le Dr Dumas a d’ailleurs pratiqué pendant 40 ans. « Son engagement social était aussi évident. C’était un leader, un visionnaire avec un sens politique pour canaliser toutes les ressources nécessaires pour réaliser ses projets. Sa ténacité venait à bout de tout, malgré son énorme handicap physique. »

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LES DME SONT FIABLES, MAIS JUSQU’À QUEL POINT ? CAS DE POURSUITES On commence à voir apparaître les différentes failles que peuvent avoir les dossiers médicaux électroniques et à mieux connaître les erreurs associées à leur utilisation. Les poursuites, surtout aux États-Unis, sont très éclairantes. Emmanuèle Garnier

Photo : Emmanuèle Garnier

12 % des 420 réclamations et poursuites pour faute professionnelle liées à un problème de DME qu’a reçues la CRICO de janvier 2011 à janvier 20163. Dans un cas, par exemple, un dossier électronique a marqué comme lu un résultat de test qui ne l’avait pas été. Le patient n’a donc pas eu de diagnostic de cancer du foie et n’a été traité que pour sa tumeur au poumon. Dans un autre cas, un patient est décédé parce que l’ordonnance de fentanyl a été modifiée d’une décimale.

Me Christiane Larouche

Dans les dossiers médicaux électroniques, la source d’une erreur n’est pas toujours à 60 cm de l’écran. Le coupable n’est pas nécessairement l’utilisateur. Parfois, c’est le système luimême qui fonctionne mal. Les profondeurs de l’informatique peuvent comporter elles aussi des failles. Aux États-Unis, 58 % des réclamations de la Controlled Risk Insurance Company (CRICO) liées à un dossier médical électronique ont été causées par un problème de système : technologie, conception ou questions de sécurité1. La banque de données de cette compagnie d’assurance contient plus de 400 000 cas venant entre autres de 165 000 médecins. Dans les registres de la Doctors Company, un autre assureur contre les fautes professionnelles médicales, le système est en cause dans 42 % des cas2. Ces erreurs engendrées par le système sont toutefois très rares. Moins de 1 % des cas de la CRICO et de la Doctors Company. Mais ces dérapages se produisent. Et certains ont été très graves, même mortels. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné dans tous ces cas ? Il s’agissait de défauts de conception du système ou du logiciel dans

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Parfois, les données sont mal acheminées. « Une prescription de sang a tardé à parvenir au laboratoire. Le patient est mort avant l’arrivée du sang », racontent dans leur étude le Dr Mark Graber et ses collaborateurs, qui ont analysé les 248 cas relatifs à un dossier médical électronique soumis à la CRICO entre janvier 2012 et janvier 20151. Les problèmes de routage représentaient 9 % des cas qu’ils ont recensés. Dans 8 % des dossiers étudiés par les chercheurs, c’est le système en tant que tel qui a mal fonctionné. Par exemple, dans une urgence, un médecin a été incapable de voir les notes de l’infirmière au triage et n’a donc pas donné le traitement adéquat à un patient atteint d’une infection à virus Ebola. Le malade est mort d’une hémorragie sous-arachnoïdienne. Les problèmes d’intégration des systèmes ou d’incompatibilité représentaient 6 % des dossiers. Par exemple, un médecin de première ligne n’a pas eu accès, au moment de la consultation, au rapport de radiologie d’un patient atteint d’un cancer du poumon. Croyant qu’il pourrait regarder les résultats par ordinateur, le personnel a classé la version papier sans que le clinicien la voie. Parfois, ce sont les alertes, les alarmes et les aides à la déci­sion qui sont en cause. C’est survenu dans 6 % des cas analysés par l’équipe du Dr Graber. Ainsi, un médecin n’a pas reçu d’alerte quand un rapport de pathologie indiquant la présence d’un adénocarcinome est arrivé avec retard dans le dossier de son patient. Ce dernier était d’ailleurs déjà sorti de l’hôpital. Cette situation a fait en sorte que son diagnostic a été posé tardivement.

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« Une des choses qui me frappent, c’est qu’on s’aperçoit que le logiciel peut engendrer des erreurs alors qu’on le croyait infaillible. Il s’agit d’un constat important. Les médecins doivent bien le comprendre, parce que cela va aussi arriver au Québec. Même si on a des dossiers médicaux électroni­­ ques (DME) homologués et certifiés, cela ne veut pas dire que des erreurs de logiciel ne surviendront pas », indique Me Christiane Larouche, avocate à la FMOQ.

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services technologiques et entreprendre un processus d’en­ quête », affirme l’avocate. Il faut se demander si l’erreur s’est produite dans un seul dossier. Y a-t-il eu des modifications dans d’autres ? Le clinicien devra recourir à des techniciens pour faire la lumière sur la question et effectuer les vérifications nécessaires. « Il doit s’investir dans le processus et rester au courant de la situation jusqu’à la résolution complète de l’énigme. Il doit savoir exactement ce qui est arrivé, pourquoi et si les données ont été récupérées. »

Aux États-Unis, des firmes d’avocats n’ont pas tardé à repérer ce filon. La Bowling Law Firm, par exemple, explique sur son site comment les faiblesses des dossiers électroniques peuvent causer des fautes professionnelles en médecine. « En Par prudence, il faut tout consigner : l’apparition du problème, fin de compte, il semble que les dossiers de santé électro- les démarches entreprises, la raison de l’anomalie, la solution nique n’ont pas éliminé les erreurs médicales, mais ont plutôt trouvée. « En cas de plainte ou de poursuite, on doit pouvoir montrer que l’on a fourni tous les efforts qui créé le potentiel d’en avoir de nouvelles à la s’imposaient pour corriger la situation ou place », écrit la société. Elle n’hésite d’ailleurs retrouver les données », indique Me Larouche. pas à proposer ses services. « Si vous ou un « Une prescription membre de votre famille avez subi des blesde sang [envoyée sures graves ou une maladie à cause d’une Les médecins qui pratiquent dans une clipar un DME] a erreur dans un dossier de santé électronique, nique doivent par ailleurs savoir qu’ils ont tardé à parvenir communiquez avec la Bowling Law Firm une responsabilité particulière. « Au Québec, au laboratoire. Le pour discuter de votre cas. » hors établissement, c’est le médecin qui est patient est mort avant le gardien des informations consignées dans l’arrivée du sang. » le dossier de son patient. S’il y a un problème, LES PRÉCAUTIONS À PRENDRE - Dr Mark Graber il en assume forcément une part de responComment se prémunir contre les conséet ses collaborateurs quences du mauvais fonctionnement d’un sabilité », précise Me Larouche. dossier médical électronique ? « Même si le médecin n’est pas un informaticien, il Certaines précautions sont donc nécesse doit d’avoir des connaissances de base acceptables sur saires. La première est de choisir un DME homologué ou la manière dont fonctionne son DME et demeurer vigilant, certifié. Même si rien ne garantit son fonctionnement parfait, estime Me Larouche. Il doit savoir ce qui peut clocher. Et si ce dossier respecte certains critères testés par la Direction générale des technologies de l’information du ministère de cela se produit, il doit réagir. » la Santé et des Services sociaux. Par exemple, si une erreur de données survient, quelles me­ sures doit-on prendre ? « Si le médecin note que des données Le médecin doit ensuite s’assurer que le contrat avec son manquent, se sont déplacées, sont altérées ou ne sont pas fournisseur de DME comporte les garanties requises. « Il bien classées dans son dossier médical électronique, il doit faut obtenir des protections contractuelles pour être sûr que absolument en aviser sans délai ses fournisseurs de DME et de le fournisseur prend toutes les précautions pour réduire le risque de perte ou de modification des données des patients. lemedecinduquebec.org

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Le contrat doit ainsi prévoir des mesures comme la journalisation (qui permet une mise à jour en continu et la récupération des informations les plus récentes en cas d’arrêt du système) et la redondance des données. Ces mesures contractuelles constituent une manière pour le médecin de s’acquitter de ses obligations », affirme l’avocate.

FAIRE DES VÉRIFICATIONS On ne peut donc se fier aveuglément à un dossier électronique. « Les fournisseurs de soins seraient bien avisés de se méfier des situations où l’information est incomplète ou peut-être inexacte », avertissent le Dr Graber et ses collaborateurs. Toute donnée qui fait sourciller devrait être vérifiée ou revérifiée. Les chercheurs recommandent également de prendre les mesures appropriées pour confirmer l’exactitude des données, de faire au moment adéquat le suivi des tests prescrits et de s’informer lorsque des services ou des produits semblent en retard. En fait, il faut prendre les mêmes précautions qu’à l’époque des dossiers papier. « On doit avoir un système qui nous permet de savoir que l’on n’a pas reçu les résultats des analyses prescrites ou que le sang demandé n’est pas arrivé. La responsabilité médicale demeure la même sur le plan du suivi qu’avec le dossier papier », précise Me Larouche. Dans les cliniques, les médecins ne doivent pas, par ailleurs, négliger certaines précautions de base. Par exemple, avoir une connexion sûre. « En principe, on doit avoir deux liens Inter­net distincts pour éviter de se retrouver en panne », mentionne l’avocate.

LES ERREURS DE L’UTILISATEUR Dans de nombreux cas, la source de l’erreur dans un dossier électronique est bel et bien à 60 cm de l’écran. L’utilisateur a été en cause dans 63 % des poursuites et des réclamations liées à un dossier électronique qu’a traitées la CRICO de 2011 à 2015. Les chiffres de la Doctors Company sont similaires. Dans certains dossiers, la faute était directement imputable à l’utilisateur. Dans un cas, par exemple, un médecin a oublié d’inscrire la warfarine dans l’ordonnance électronique de sortie de l’hôpital d’un patient. Celui-ci a ensuite été réhospitalisé pour un accident vasculaire cérébral. Ce type d’erreurs constituait 17 % des réclamations liées à un dossier électronique dans la dernière mise à jour des données de la CRICO, soit de janvier 2011 à janvier 2016. Dans 16 % des cas, le problème venait de la saisie d’une information incorrecte. Ainsi, un clinicien qui voulait prescrire du Flonase a sélectionné accidentellement le Flomax dans le menu déroulant. La saisie de renseignements erronés est particulièrement fréquente dans les urgences, ont constaté le

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Dr Graber et ses collaborateurs. Selon leurs données, ce type de faute constituait 20 % des cas de poursuites liées à un DME dans ces milieux. Le préremplissage automatique des informations et le copiercoller peuvent également causer des erreurs : ils sont susceptibles d’entraîner l’inscription ou la répétition de données incorrectes ou périmées. « Les signes vitaux d’un patient peuvent indiquer une détérioration, mais le préremplissage des notes avec les résultats de la veille peut la masquer », signalent les chercheurs. Ce type d’erreurs constituait 14 % des cas de réclamations de la CRICO liées à un DME. On ne soupçonne pas toujours l’ampleur que peut prendre ce genre d’inexactitude. « Une fois inscrites dans le dossier de santé électronique, les informations erronées sont facilement perpétuées et disséminées », prévient pour sa part le Dr David Troxel, directeur médical et membre du conseil d’administration de la Doctors Company, dans un article2.

CE QUE LE TRIBUNAL SAURA Devant un tribunal ou un ordre professionnel, des informations inexactes, même à cause d’un copier-coller ou de champs préremplis, donnent une très mauvaise impression. Aux ÉtatsUnis, un interniste qui avait commis ce genre d’erreur a été interrogé sans ménagement. « L’avocat du plaignant lui a posé ces questions : Donc, est-ce que l’information dans ce dossier est exacte ou non ? Est-ce que vous prenez la peine de regarder vos dossiers ? Si ces champs “préremplis” sont incorrects, peut-on se fier à quoi que ce soit dans ce dossier ? Est-ce que les soins que vous donnez sont du même niveau que votre tenue de dossier ? », écrit le représentant de la Doctors Company sur le site de la firme4. Les notes cliniques, si importantes pour se justifier, sont d’ailleurs parfois négligées à cause de certaines fonctions facilitantes des dossiers électroniques : menus déroulants, préremplissage, copier-coller, gabarits préétablis, cases à cocher. Le recours à certains gabarits, par exemple, peut poser un problème, souligne Me Larouche. « Si, dans le cadre d’un examen, le médecin ne fait que cocher une case après avoir ausculté telle partie du corps sans jamais devoir noter sa démarche clinique, on n’aura aucune idée de ce qu’il a réellement fait et surtout pensé. Il faut donc des notes. L’utilisation du DME ne devrait pas dénaturer la démarche du médecin ni l’inciter à mettre de côté son jugement clinique. » Il faut également employer avec discernement les différents raccourcis du DME. « On ne doit pas automatiser sa démarche au point de se reposer complètement sur le système. Il faut que ce soit le médecin qui articule sa pensée clinique et que le DME la traduise adéquatement. Si ce n’est pas le cas, c’est un problème », estime l’avocate.

D O S S I E R

Le praticien doit par ailleurs savoir que tout ce qu’il fait dans un dossier électronique laisse des traces. Des données cachées, les métadonnées, enregistrent tout. En cas de recours devant les tribunaux, la poursuite aura accès à ces informations. « Les avocats vont demander les métadonnées du dossier médical électronique qui indiquent le moment du début et de la fin de la connexion, ce qui a été revu et pendant combien de temps, quels changements ou ajouts ont été effectués et quand ils l’ont été », explique le Dr Troxel4.

LES DANGERS DE LA TRANSITION

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Que faire ? Il faut établir un plan de transition. On doit définir qui va faire quoi : le nouveau fournisseur de DME, l’ancien et le médecin. « Il faut que le contrat prévoie clairement le rôle de chacun. Les médecins ne doivent pas attendre passivement qu’on transfère simplement leurs données d’un DME à l’autre. Ils doivent surveiller le processus, s’informer, savoir où il en est rendu. » Le Dr Graber et ses collègues conseillent, de leur côté, d’aviser le personnel soignant des progrès et des retards de la transition ainsi que des fonctionnalités précises touchées. « Il faut rappeler régulièrement aux fournisseurs de soins que ces périodes de transition créent un risque accru et que les données nécessaires pour prodiguer des soins sûrs au patient peuvent manquer ou être incorrectes. »

Les métadonnées peuvent aussi révéler les alertes qui sont apparues pendant que le médecin utilisait le DME. On a ainsi su qu’un des cliniciens couverts par la CRICO en a reçu une au moment où il prescrivait de l’amoxicilline à un patient qui y était allergique. « Si, pour un motif ou un autre, on ne tient pas compte « On s’aperçoit d’une alerte, il faut que la note clinique perque le logiciel peut mette d’en comprendre la raison », indique engendrer des erreurs Me Larouche. alors qu’on le croyait Certains médecins, lassés des alarmes in­ cessantes, les désactivent. « Ce n’est pas un geste anodin. On se prive de l’intelligence du système. Et tout ce qu’on fait dans un DME laisse une trace. On va donc savoir exactement qui a désactivé l’alerte et quand », dit l’avocate.

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infaillible. Il s’agit d’un constat important. Les médecins doivent bien le comprendre, parce que cela va aussi arriver au Québec. »

Une fois le transfert des données fini, il faut procéder à une vérification. « Il existe des tests pour déterminer si une migration est réussie ou non. On ne devrait pas cesser d’avoir accès à son premier DME sans une garantie que le processus de migration a été un succès et répond à toutes les normes », affirme Me Larouche.

NE PAS BAISSER LA GARDE

Le dossier médical électronique facilite bien des aspects du travail médical, en plus de comporter des garde-fous comme des alertes et un outil de pharmacovigilance. « Il peut être intelligent et utilisé afin d’éviter des erreurs », estime Me Larouche. Selon certaines études, le nombre de poursuites pour faute professionnelle aurait d’ailleurs diminué avec l’arrivée du dossier électronique.

- Me Christiane Larouche

Dans la vie d’une clinique ou d’un établis­ sement de soins, une période est particulièrement délicate : le passage du dossier papier au dossier électronique. Cette transition était en cause dans 13 % des cas de poursuites liées à un dossier électronique, selon les dernières données de la CRICO. Il y a ainsi eu le cas d’un enfant qui a reçu de l’ampi­cilline à l’urgence malgré son allergie à ce médicament : l’information était inscrite dans le dossier papier, mais pas dans le dossier électronique. « Le risque d’erreur associé à la transition du papier à l’électronique est bien documenté. C’est la raison pour laquelle on ne devrait pas demeurer avec deux systèmes. Il faut donc procéder le plus rapidement possible », dit Me Larouche.

Néanmoins, il ne faut pas baisser la garde. « Quand on utilise un DME, on doit demeurer vigilant, critique et ne pas se fier entièrement à la technologie. Et surtout, on doit réagir quand on constate une déficience du système. On ne doit pas non plus cesser de s’interroger. Les logiciels de pharmacovigilance et les alertes ne suppléent pas au jugement clinique », résume l’avocate. En fin de compte, il faut que ce soit l’être humain qui contrôle l’ordinateur, et non l’inverse, estime-t-elle. //

BIBLIOGRAPHIE Cela est aussi vrai pour le changement de DME. « C’est une source d’erreurs importante parce que les logiciels ne sont pas configurés exactement de la même façon et que le transfert de toute l’information ne se fait pas toujours bien. Durant le changement de système, il y a ainsi non seulement le risque de ne pas avoir accès aux données, mais aussi de perdre des informations ou de les retrouver modifiées. Le MSSS recommande par ailleurs de ne pas prendre plus de 20 jours pour faire la transition », indique l’avocate.

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1. Graber ML, Siegal D, Riah H et coll. Electronic health record-related events in medical malpractice claims. J Patient Saf 2015 Nov 6. (D’abord publié en ligne). 2. Troxel DB. Analysis of EHR contributing factors in medical professional liability claims. Mich Med 2015 ; 114 (3) : 16-7. 3. Greenberg P, Ruoff G. Malpractice risks associated with electronic health records. Site Internet : www.rmf.harvard.edu ou https://tinyurl.com/y9ms2t5g (Date de consultation : le 16 octobre 2017). 4. Troxel DB. Electronic health record malpractice risks. Site Internet : thedoctors.com (Date de consultation : le 16 octobre 2017).

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DOSSIERS MÉDICAUX ÉLECTRONIQUES AU CANADA POURSUITES ET PLAINTES CONTRE DES MÉDECINS Entre janvier 2012 et décembre 2016, l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) a reçu de la part de médecins 165 demandes d’assistance dans lesquelles un dossier électronique jouait un rôle déterminant. Emmanuèle Garnier

cause dans huit demandes d’assistance faites auprès de l’ACPM. « Il s’agit ici de notes qui n’ont pas été rédigées au sujet d’informations communiquées par le patient ou sa famille. Si le médecin omet, par exemple, d’inscrire une allergie, cela devient un problème de communication. Cet oubli peut avoir des conséquences sur la prescription de médicaments ou mener à un diagnostic erroné. »

Dossiers médicaux électroniques et dossiers de santé sont de plus en plus répandus. Et, au Canada, ils commen­ cent aussi à être au cœur de poursuites contre des médecins, de demandes d’enquête devant un ordre professionnel ou de reproches dans les hôpitaux. Entre janvier 2012 et décembre 2016, l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) a reçu de la part de médecins 165 demandes d’assistance dans lesquelles un dossier électronique avait un rôle déterminant. « Les décisions cliniques dans les dossiers médicolégaux reposent sur plusieurs éléments, notamment sur la qualité de l’outil utilisé – le dossier médical – pour noter l’information pertinente et les orientations cliniques », explique la Dre Lorraine LeGrand Westfall, directrice des Affaires régionales et chef de la protection des renseignements personnels de l’ACPM.

nistratif. « Ce peut être, par exemple, le choix d’une option de prescription dans le menu déroulant qui n’était pas appropriée pour un patient ayant une insuffisance rénale. Le problème pouvait également venir de l’emploi de la fonction copier-coller d’une donnée erronée, ce qui perpétuait une erreur », explique la Dre LeGrand Westfall.

Dans quelques autres cas, le problème lié au dossier électro­nique relevait de la communication entre collègues. « Par ex­emple, le consentement verbal d’un patient n’a jamais été inscrit dans le dossier, ce qui a mené à une intervention incomplète. Dans un autre cas, un courriel a été envoyé au mauvais destinataire. »

Que s’est-il passé pour qu’il y ait eu des plaintes ou des recours juridiques liés à un dossier électronique ? Dans 12 % des demandes d’aide recensées par l’ACPM, le problème était associé à l’utilisation ou à la tenue du dossier sur le plan admi-

Dans 7 % des cas, le problème venait d’un dossier déficient ou inadéquat. « Par exemple, une donnée de laboratoire pouvait avoir été envoyée au mauvais endroit. Ou encore, elle n’était pas accessible au moment où le médecin a rencontré le patient, ce qui a pu l’empêcher de poser un diagnostic précis. »

L’ACPM a reçu de ses membres des demandes d’aide liées à un dossier électronique dans trois types de situations : des poursuites judiciaires, des demandes d’enquête auprès d’un ordre professionnel et des plaintes dans un hôpital.

* Le total excède 165, parce que certains cas comprenaient une parturiente et son ou ses nouveau-nés.

La communication entre le médecin et le patient, ou sa famille, est également en

Dans plusieurs cas, le patient a subi un préjudice. Dans vingt affaires, il est resté avec une invalidité importante et dans 24, il est même décédé. Toutefois, 72 des patients n’ont pas eu de séquelles, et 53 n’ont conservé qu’une légère incapacité physique*.

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Dre Lorraine LeGrand Westfall

Dans quelques cas, la plainte liée au dos­ sier électronique portait sur un diag­nos­tic. Le médecin n’avait pas bien éva­lué ou suivi adéquatement l’état du pa­tient. « Si des données comme la pression artérielle ne sont pas inscrites dans le dossier, il peut y avoir des répercussions sur le diagnostic et les traitements », indique la porte-parole de l’ACPM.

Le Médecin du Québec, volume 52, numéro 11, novembre 2017

DIFFÉRENTS TYPES DE PLAINTES

Parmi les cas liés à un dossier médical électronique traités par l’ACPM, 19 % concernaient une poursuite devant les tribunaux civils. Comment se sont-ils

D O S S I E R

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terminés ? En cinq ans, l’Association a dû verser une compensation au demandeur dans 23 dossiers, soit dans 72 % des cas. Les autres ont été rejetés ou abandonnés.

un médecin de famille. Si le dossier ne permet pas à un clinicien d’effectuer adéquatement son travail, cela peut éventuellement mener à des problèmes médicolégaux. »

Les demandes d’aide pour des plaintes devant un ordre professionnel de médecins au Canada ont été beaucoup plus nombreuses : 118. Les critères dans ces dossiers sont moins contraignants. Lors d’une poursuite judiciaire, le demandeur doit prouver qu’il y a eu à la fois une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux. « Devant un ordre professionnel, par contre, il n’est pas nécessaire de montrer que le patient a subi un dommage. Une plainte peut être déposée, par exemple, pour un problème de communication qui n’a pas causé de préjudice physique au patient », explique la Dre LeGrand Westfall.

Ensuite, l’interface est-elle conviviale ? Il faut qu’elle soit adaptée à la façon dont travaille le praticien. « Elle doit permettre de passer facilement d’un écran à l’autre et d’accéder aisément aux données pertinentes. Il ne faut pas se retrouver dans un gigantesque labyrinthe de fenêtres ouvertes pour obtenir les informations. Parce que c’est là qu’il y a très souvent un risque d’erreur. Le médecin ne pourra pas transférer une information ou n’aura pas accès aux données, car le système sera trop lent. »

Dans 81 % des dossiers, l’ordre professionnel a imposé au médecin, après enquête, une formation sur un sujet comme les communications, la tenue de dossier ou le suivi d’examens de laboratoire. Dans 14 % des cas, les médecins n’ont pas eu de reproches ou n’ont reçu que des recommandations. Très peu ont eu à faire face au conseil de discipline. Dans les hôpitaux, par ailleurs, il n’y a eu que huit cas de plaintes au sujet d’un médecin et de son dossier électronique. Dans six de ces dossiers, les praticiens ont dû suivre une formation pour corriger un problème clinique ou une difficulté de communication, de tenue de dossier ou de gestion de la pratique. Les 165 demandes d’aide liées à un dossier électronique qu’a recensées l’ACPM sur une période de cinq ans constituent en tout un très faible pourcentage des quelque 130 000 demandes d’assistance qu’elle a reçues de 2012 à 2016. Environ 0,001 % des cas. Très peu de ses 97 000 membres ont ainsi été touchés.

TROIS FACTEURS IMPORTANTS « Pour moi, il y a trois éléments importants qui sont réguliè­ rement en jeu », indique la Dre LeGrand Westfall. Il y a d’abord la conception du système. « Le dossier répond-il bien aux be­soins du médecin ? Il y a des dossiers médicaux électroni­ ques qui conviennent très bien à un cardiologue, mais moins à

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Le troisième point est la formation. « Le médecin doit être bien formé pour pouvoir utiliser efficacement le dossier électronique », estime la Dre LeGrand Westfall. C’est ce qu’a aussi constaté, aux États-Unis, le Dr Andrew Gettinger, directeur général du Bureau de la qualité et de la sécurité cliniques du bureau du coordonnateur national. Lui-même a dirigé la mise en œuvre du dossier médical électronique à Dartmouth, au Massachusetts. Aux yeux du Dr Gettinger, cité sur le site FierceHealthcare.com, un médecin qui emploie un dossier médical électronique sans formation est comme un pilote qui ne s’est pas entraîné sur un simulateur. « Si j’avais à faire à nouveau notre déploiement à grande échelle, j’investirais beaucoup plus de temps dans la création de simulations pour l’utilisation de dossiers médicaux électroniques ainsi que dans la configuration de notre logiciel. Je m’assurerais que nos cliniciens ont essayé davantage le système avant d’y recourir pour soigner les patients. » Le dossier médical électronique est ainsi un outil clé dont l’utilisation ne doit pas être prise à la légère. « Qu’il soit en papier ou électronique, il constitue la pièce centrale de la communication et des informations sur les soins aux patients. S’il n’est pas adéquat ou géré de manière appropriée, il peut entraîner des conséquences sur le diagnostic, la prescription, le traitement et la communication avec les autres professionnels de la santé », indique la Dre LeGrand Westfall. //

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