Concurrence sociale des travailleurs détachés en France : fausses ...

18 juin 2016 - Luxembourg pour les entreprises qui détachent des salariés sans établissement ... détachés a fait partie du débat qu'a connu l'Allemagne fin 2014 sur le salaire mini- ..... solidaire des donneurs d'ordre vis-à-vis de leur sous-.
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n° 171 Juin 2016

Concurrence sociale des travailleurs détachés en France : fausses évidences et réalités  Un travailleur détaché est un salarié envoyé temporairement par son employeur sur le territoire d'un autre État membre de l'Union que celui dans lequel il travaille habituellement et où son employeur est implanté. À la différence des travailleurs migrants qui relèvent du principe communautaire de libre circulation des personnes, le détachement de travailleurs s'appuie sur le principe de libre prestation de services.  La France est le deuxième pays d'accueil en Europe après l'Allemagne, avec 229 000 salariés détachés en 2014, soit moins de 1 % de la population active française. La France fait aussi partie des trois pays qui détachent le plus de travailleurs derrière la Pologne et l'Allemagne. Le profil type du travailleur détaché en France est un ouvrier de nationalité polonaise, portugaise, espagnole ou roumaine qui travaille dans le secteur de la construction.  La question d'une éventuelle concurrence fiscale et sociale relative au détachement entre les États membres se pose. En effet, le coût des travailleurs détachés pourrait s'avérer inférieur au coût des travailleurs non détachés en fonction de l'existence ou non de minima salariaux dans le pays d'accueil (les travailleurs détachés étant susceptibles d'accepter une rémunération plus faible si le niveau des salaires dans leurs pays d'origine est inférieur), des écarts de taux de cotisations employeurs et de l'assiette retenue pour leur calcul.  En France, l'existence de minima salariaux limite la concurrence des travailleurs détachés envers les travailleurs non détachés et joue comme un mécanisme de protection : le Smic s'applique à tous les salariés y compris les travailleurs détachés, comme la plupart des conventions collectives qui sont d'application générale en raison de la procédure d'extension quasi-systématique des accords de branche.  Au total, au niveau du Smic, pour un travailleur détaché en France par une entreprise espagnole, polonaise, portugaise ou roumaine, le coût du travail est équivalent à celui d'un travailleur local pour une entreprise française. Le diagnostic pourrait être différent si on se plaçait à des niveaux de rémunérations plus élevés.  Cependant, certaines entreprises, dont la stratégie est de réduire au minimum le coût de la main d'œuvre, profitent de zones grises dans la législation européenne qui peuvent encourager les stratégies d'optimisation et les abus.  Afin de lutter contre ces dérives, des propositions ont été formulées par le Gouvernement français et la Commission européenne. Cette dernière a soumis aux États membres une proposition de révision de la directive sur le détachement de travailleurs actuellement en cours de discussion.

Répartition sectorielle des déclarations en France en 2015

2% 3% Construction 7% 4%

27%

Entreprise de travail temporaire Industrie Autres

16%

Agriculture Intra-groupe 16%

25%

Hôtellerie-restauration Spectacle

Source : Direction générale du Travail (2016), Dossier pour la Commission nationale de lutte contre le travail illégal.

1. Le détachement de travailleurs en France : de quoi parle-t-on ? 1.1 Une mobilité temporaire qui s'appuie sur le différents États membres. principe communautaire de libre prestation de 1.2 Un phénomène en extension dans quelques services secteurs mais qui reste globalement de faible À la différence des travailleurs migrants qui relèvent du prin- ampleur cipe de libre circulation des personnes, le statut des Le nombre de travailleurs détachés dans l'Union travailleurs détachés1 est déterminé par le principe européenne est estimé à 1,9 million4. Au total, les communautaire de libre prestation de services2 : les travailleurs détachés ne représentent que 0,7 % du travailleurs détachés exercent normalement leur activité nombre total d'emplois dans l'Union. Entre 2010 et dans l'État membre d'origine mais leur employeur peut les 2014, le nombre de détachements a augmenté de presque envoyer temporairement et pendant une période en principe 45 %. Ils sont cependant très concentrés dans limitée à 24 mois3, dans un autre État membre de l'Union certains secteurs d'activité. Le secteur de la construction européenne pour assurer une prestation de services. regroupe à lui seul 43,7 % du nombre total de détacheLa directive 96/71/CE a précisé trois types de détachements ments, bien que le recours au détachement soit également auxquels peuvent recourir les entreprises : important dans l'industrie manufacturière (21,8 %), les • le détachement, dans son acception classique, consiste services liés à l'éducation, à la santé et à l'action sociale pour une entreprise établie dans un État membre à (13,5 %) et les services aux entreprises (10,3 %). envoyer ses employés dans un autre État membre pour y En termes de pays d'accueil, plus de 80 % des détafournir un service (dans le cadre d'un contrat commer- chements de travailleurs se font à destination des cial ou de sous-traitance) ; États membres de l'Union européenne les plus • le détachement peut concerner des travailleurs anciens historiquement5. En 2014, selon la Commission employés et détachés par des agences d'intérim ou de européenne, les principaux pays d'accueil de travailleurs détachés étaient l'Allemagne (414 220 travailleurs), la placement ; 6 • le détachement peut être aussi intra-groupe permettant France (190 848 ) et la Belgique (159 753) (cf. graphique 1). ainsi le transfert temporaire de salariés entre des entreprises ou établissements d'un même groupe établis dans Graphique 1 : nombre de travailleurs détachés par pays d'accueil et d'origine (2014) 450 000

400 000

350 000

300 000

250 000

200 000

150 000

100 000

50 000

DE FR BE AT NL CH IT UK ES SE LU NO CZ

FI PL PT DK RO HU SK SI EL HR IE BG EE LT

Pays d'accueil

LV M T CY LI

IS

Pays d'origine

Source : Pacolet J. et de Wispelaere F. (2015), Posting of workers, Report on A1 portable documents issued in 2014, Commission européenne.

(1) Encadré par la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectués dans le cadre d'une prestation de services. (2) Article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. (3) Règlement CE 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale qui fixe la durée maximale de détachement à 24 mois. Dans l'intérêt de certaines catégories de salariés ou de certains salariés, le détachement peut, par exception, se prolonger au-delà de 24 mois, sous réserve d'obtenir l'accord conjoint des organismes compétents de chaque État concerné. En cas de refus, le salarié relève alors de la législation du pays où l'activité est exercée et les cotisations doivent être versées dans ce pays. Cette période de détachement maximale n'est cependant pas précisée dans la directive. Cette absence de limitation aboutit à ce que les employeurs prolongent des situations de détachement de manière exagérée. (4) Pacolet J. & de Wispelaere F. (2015), "Posting of workers, Report on A1 portable documents issued in 2014", Commission européenne. (5) UE15, Europe des Quinze : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Danemark, Irlande, Royaume-Uni, Grèce, Espagne, Portugal, Autriche, Finlande et Suède. (6) Les statistiques publiées par la Commission européenne sont établies sur la base des formulaires A1 et diffèrent des données publiées par la DG Travail à partir des déclarations de prestations de services reçues par les sections d'inspection du travail.

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En termes de pays d'origine, les entreprises de l'UE15 détachent plus de travailleurs que celles des États membres ayant adhéré à l'UE en 2004/2007/ 2013 ou de l’AELE7 (55 % contre 45 %) mais la part de ces dernières augmente régulièrement. En termes absolus, en 2014, les trois pays qui détachent le plus de travailleurs (cf. graphique 1) sont la Pologne (266 745 travailleurs), l'Allemagne (232 776) et, dans une moindre mesure, la France (119 727) qui détache des travailleurs principalement dans les zones frontalières (Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie). 1.3 En France, le profil type du travailleur détaché est un ouvrier de nationalité polonaise, portugaise, espagnole ou roumaine qui travaille dans le secteur de la construction Selon la direction générale du Travail, le nombre de travailleurs détachés s'élèverait à plus de 286 000 en 2015 contre moins de 10 000 en 20008. Bien que leur nombre croisse rapidement9 (cf. graphique 2), les travailleurs détachés en France ne représentent qu’environ 1 % de la population active. En 2015, sept États de l'UE1510 totalisaient 75 % des déclarations effectuées. Cependant les prestations en cascade entre entreprises relativisent les analyses par pays d'origine des déclarations : l'analyse des nationalités des salariés déta-

chés montre que les salariés polonais représentent la première nationalité de main d'œuvre détachée en France (46 816) devant les salariés de nationalité portugaise (44 456). En 2015, l'Espagne devient le troisième pourvoyeur de main d'œuvre détachée en France (35 231), devant la Roumanie (30 594). En termes de niveau de qualification, 83 % des salariés détachés en France sont des ouvriers. Le personnel encadrant ne représente que 5 % du nombre total des salariés détachés. Les secteurs qui ont le plus recours au détachement de travailleurs sont principalement ceux de la construction, du travail temporaire et de l'industrie (cf. graphique de couverture). Les déclarations de détachement dans le secteur de la construction, premier secteur d'activité des travailleurs détachés des États membres adhérant à l'UE en 2004/2007/2013, restent cependant majoritairement le fait des 15 anciens États membres de l'Union européenne qui déclaraient 62 % des interventions en 2014. Dans ce secteur, où les difficultés de recrutement sont importantes (45,4 % des projets de recrutement y sont jugés difficiles par les employeurs contre 32,4 % dans l'ensemble des secteurs11), l'absence de main d'œuvre qualifiée pour l'emploi requis justifierait le recours aux travailleurs détachés.

Graphique 2 : évolution du nombre de travailleurs détachés en France 300 000

286 025

250 000 228 649 212 641

200 000

169 613 150 000

144 411 111 320

100 000

105 490 95 261 68 071

50 000 7 495

16 545

26 466 37 924

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Source : Direction générale du Travail (2016), Dossier pour la Commission nationale de lutte contre le travail illégal du 30 mai 2016.

1.4 Le droit social applicable est par principe celui du pays d'origine et, par exception, celui du pays d'accueil La directive de 1996 relative au détachement des travailleurs avait pour objet d'encourager la concurrence tout en garantissant une protection sociale aux travailleurs détachés. Le travailleur détaché est un salarié. Un lien direct doit donc l'unir à l'entreprise qui le détache. Le salarié continue de

travailler au titre du contrat de travail signé avec l'entreprise qui l'affecte à l'étranger et sous la responsabilité de cette dernière. Juridiquement, les travailleurs détachés sont donc soumis au droit social de l'État où est localisé leur employeur. Cette règle s'applique intégralement pour le droit de la protection sociale en matière notamment de chômage, de retraite ou d'accidents du travail12 (ils ont cependant accès au système de santé du pays où ils sont détachés grâce à la carte vitale européenne). En consé-

(7) Association européenne de libre- échange : Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse. (8) DGT (2016), Dossier pour la Commission Nationale de Lutte contre le Travail Illégal du 30 mai 2016. (9) Cette croissance est pour partie liée à une meilleure efficacité du recouvrement statistique et à un plus grand respect de la règlementation relative au dépôt des déclarations. (10) Espagne, Pologne, Portugal, Allemagne, Roumanie, Luxembourg, Italie. (11) Rodriguez O. (2015), « Le secteur de la construction et ses métiers, Statistiques et indicateurs n°15.03 », Pôle emploi. (12) Règlement 883/2004/CE du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

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quence, les contributions sociales patronales et salariales sont payées dans le pays d'origine où est localisé l'employeur13. Toutefois, en ce qui concerne le droit du travail, la directive prévoit que les travailleurs détachés bénéficient d'un socle de droits fondamentaux minimaux définis dans le pays d'accueil. Il s'agit notamment des dispositions relatives au salaire minimum y compris les majorations pour les heures supplémentaires. Ce socle concerne également les périodes maximales de travail et minimales de repos, la durée minimale des congés annuels payés, les conditions de sécurité, santé et hygiène au travail, les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d'emploi des femmes enceintes ou venant d'accoucher, des enfants et des jeunes, l'égalité de traitement entre

femmes et hommes ainsi que d'autres dispositions en matière de non-discrimination14. Le Code du travail15 précise également les dispositions du droit du travail français applicable aux travailleurs détachés. Il intègre ainsi les éléments précédents énumérés dans la directive. Mais, il ajoute aussi d'autres règles comme celles relatives au respect des libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, aux conditions d'hébergement compatibles avec la dignité humaine ou à l'exercice du droit de grève. Aussi, ne sont pas applicables aux salariés détachés les dispositions du droit du travail français relatives à la conclusion et à la rupture du contrat de travail, la représentation du personnel, la formation professionnelle et la prévoyance. Pour ces différentes matières, le droit du pays d'origine des salariés détachés s'applique.

2. Dans le cadre d'un détachement régulier, le cadre institutionnel français limite la concurrence sociale Le débat public sur le détachement mêle souvent deux référence le niveau de salaire minimum de leurs pays problématiques : celle du détachement irrégulier d'origine, sont susceptibles d'accepter une rémunéra(cf. point 3) et celle du détachement régulier, conforme au tion plus faible que celles des nationaux dont les salaires cadre fixé par la directive 96/71/CE et le règlement 883/ de réservation16 sont plus élevés. 2004/CE. Dans ce cadre, dans la mesure où les travailleurs • Une allocation de détachement : elle complète le détachés conservent la protection sociale de leur pays salaire de base (prime ou indemnité d'expatriation) et d'origine et compte-tenu de l'hétérogénéité des régimes permet d'atteindre le salaire minimum brut légal ou sociaux dans l'Union européenne, la question d'une évenconventionnel du pays d'accueil. tuelle concurrence fiscale et sociale entre les États membres • Une prise en charge par l'employeur au titre du se pose. Le coût des travailleurs détachés pourrait s'avérer remboursement des dépenses encourues en raiinférieur au coût des travailleurs locaux en fonction de son du détachement ainsi que les dépenses engagées l'existence ou non de minima salariaux dans le pays par l'employeur du fait du détachement (voyage, loged'accueil (2.1), des écarts de taux de cotisations et contriment, nourriture) : elles viennent compenser les charbutions sociales employeurs (2.2) et de l'assiette retenue ges que le salarié n'aurait pas engagées en dehors de pour leur calcul (2.3). l'exercice de sa mission ou s'il l'avait effectuée dans son pays d'origine (surcoûts du détachement). 2.1 L'existence d'un salaire minimum limite la concurrence des travailleurs détachés envers les Selon le Code du travail17 et conformément à la jurisprutravailleurs non détachés et joue comme un dence européenne18, les allocations de détachement sont mécanisme de protection prises en compte pour évaluer si le salaire minimum du pays Le salarié détaché doit être rémunéré au salaire d'accueil est respecté mais pas les indemnités compensant minimum brut du pays d'accueil, hors dépenses les seuls surcoûts du détachement qui ne peuvent pas être encourues au titre du détachement. En France, les mises à la charge du salarié détaché19. Dans la pratique, il travailleurs détachés doivent percevoir un salaire au moins peut se révéler très compliqué pour une entreprise de savoir égal au Smic brut (cf. encadré 1) ou, lorsqu'il est plus favo- quels éléments de rémunération doivent être retenus pour rable que le Smic, au salaire minimum brut prévu par la respecter les dispositions légales ou conventionnelles (cf. encadré 1). convention collective étendue applicable (cf. encadré 2). La rémunération des travailleurs détachés peut En l'absence d'un salaire minimum fixé au niveau national ou dans une convention collective d'applicacomprendre trois composantes : • Un salaire de base : il peut être fixé à un niveau relati- tion générale dans le pays d'accueil, aucun salaire vement bas, car les travailleurs détachés, qui ont pour minimum ne peut être imposé aux travailleurs détachés. Pour la Cour de justice de l'Union européenne, qui a (13) Conformément au règlement (CE) 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004. (14) Selon l'interprétation de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), ce noyau doit être compris de manière restrictive, donc ne peut être élargi par un État membre en ce qui le concerne. Cf. encadré 1. (15) Art. L. 1262-4 du Code du travail. (16) Le salaire de réservation se définit comme le salaire minimal en dessous duquel un chômeur refuse une offre d'emploi. Les tensions sur le recrutement que l'on peut observer notamment dans le secteur de la construction ont pu favoriser une hausse du salaire de réservation. Au-delà, les écarts de parité de pouvoir d'achat et de fiscalité entre les États membres jouent également sur l'offre de main d'œuvre étrangère. (17) Art. R. 1262-8 du Code du travail. (18) CJUE, 12 février 2015, n° C-396/13. (19) CJUE, 12 février 2015, n° C-396/13.

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eu à statuer sur plusieurs cas concernant l'Allemagne et différents pays scandinaves (cf. encadré 2), un salaire minimum fixé par une convention collective non déclarée d'application générale ne peut être imposé à une entreprise étrangère employant des travailleurs détachés. En somme, les juges communautaires ont placé les pays concernés devant un dilemme : soit ils renonçaient à imposer un salaire minimum aux travailleurs détachés, soit ils faisaient évoluer leur modèle social en instaurant un salaire minimum au niveau national ou par des conventions collectives d'application générale. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'Allemagne a commencé à introduire des salaires minima de branche (cf. encadré 3). En effet, l'emploi de travailleurs

détachés dans les pays dépourvus de salaire minimum peut générer des distorsions de concurrence entre pays européens. En France, une telle concurrence des travailleurs détachés envers les travailleurs des entreprises françaises est juridiquement impossible. En effet, le Smic est un minimum légal qui s'applique à tous les salariés y compris les travailleurs détachés. De même, la plupart des conventions collectives sont d'application générale en raison de la procédure d'extension quasi-systématique des accords de branche (plus de 90 % des salariés sont couverts par un accord de branche étendu).

Encadré 1 : Le calcul du salaire minimum dû à un travailleur détaché La directive 96/71/CE prévoit que les États membres veillent à ce que les travailleurs soient rémunérés au « taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires » et que « la notion de taux de salaire minimal est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l'État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché ». En France, ce taux de salaire minimal correspond au Smic horaire brut (9,67 €) ou, lorsqu'il est plus favorable que le Smic, au salaire minimum prévu par la convention collective étendue applicable. Il n'est cependant pas toujours aisé de savoir quels éléments de rémunération doivent être retenus pour vérifier le respect des minima salariaux. 1/ Les éléments de rémunération qui sont pris en compte pour apprécier le respect des minima salariaux ont été précisés par la Cour de cassation et par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) Le juge communautaire a estimé que le soin de définir les éléments constitutifs du salaire minimum pour l'application de la directive 96/71/CE relève du droit de chaque État membre sous réserve que cette définition n'ait pas pour effet d'entraver la libre prestation des services entre États membresa. Le juge communautaire assure ainsi un contrôle sur les éléments du salaire minimum défini au niveau national. La CJUE a ainsi estimé que certaines primes, telle que celle de 13e mois de salaire, font partie du salaire minimum car elles ne modifient pas le rapport entre la prestation du travailleur et la contrepartie que celui-ci perçoitb. Plus précisément, la CJUEc a précisé qu'une indemnité de trajet quotidien et qu'un pécule de vacances font partie du salaire quotidien. En revanche, la prise en charge du logement et des bons d'alimentation ne constituent pas des éléments du salaire minimal. Le juge français, pour déterminer si le salaire de base est au moins équivalent au Smic, prend en compte tous les éléments de rémunération versés en contrepartie du travail du salarié. Aussi, les primes de vacances, de 13e mois, d'inventaire sont considérées par le juge comme une contrepartie du travail. De même, les avantages en nature comme la mise à disposition d'un véhicule ou d'un logement de fonction peuvent éventuellement constituer un élément du salaire de base. Enfin, les pourboires sont à prendre en compte pour s'assurer du respect du Smic. Les éléments de rémunération qui ne sont pas directement liés à la prestation de travail ne constituent pas un élément du salaire de base et ne sont donc pas pris en compte pour contrôler le respect du Smic. Il s'agit par exemple des primes liées à l'assiduité ou à l'ancienneté du salarié, des primes de résultats si elles ne sont pas attribuées eu égard au travail personnel de chaque salarié mais en raison des résultats financiers ou de la production globale de l'entreprise, des primes liées à la situation géographique (insularité, barrages, chantiers) ou à des conditions particulières de travail (danger, froid, insalubrité…), de la participation ou de l'intéressement. 2/ Le difficile respect du salaire minimum prévu par une convention collective Les conventions collectives étendues prévoient diverses formes de rémunération (primes et avantages spécifiques à la branche) en complément du salaire de base, qui composent les salaires minima conventionnels. La complexité de ces éléments rend difficile pour une entreprise de savoir si elle respecte le salaire minimum applicable à un travailleur détaché en Franced. Une clarification serait nécessaire d'autant plus que la directive n°2014/67/UEe pose une obligation d'information : les éléments relatifs au salaire minimum et à sa composition devront être accessibles et transparents pour les prestataires de services d'autres États membres et les travailleurs détachés.

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CJUE, 7 novembre 2013, aff. C-522/12, Isbir. CJUE, 14 avril 2005, aff. C-341/02, Commission des communautés européennes c/ Allemagne. CJUE, 12 février 2015, aff. C-396/13, Sähköalojen ammattiliitto ry c/ Elektrobudowa Spólka Akcyjna (ESA). Lhernoud J.-P. (2015), « Détachement transnational vers la France : comment calculer le salaire minimal dû au salarié détaché ? », Revue Droit social. Article 5 alinéa 4 de la directive n°2014/67/UE du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la directive 96/71/CE : « Lorsque, conformément au droit, aux traditions et aux pratiques nationales, dans le respect de l'autonomie des partenaires sociaux, les conditions de travail et d'emploi visées à l'article 3 de la directive 96/71/CE sont fixées par des conventions collectives conformément à l'article 3, paragraphes 1 et 8, de ladite directive, les États membres veillent à ce que ces conditions soient mises, de manière accessible et transparente, à la disposition des prestataires de services d'autres États membres et des travailleurs détachés, et sollicitent la participation des partenaires sociaux à cet égard. Les informations pertinentes devraient, notamment, inclure les différents taux de salaire minimal et leurs éléments constitutifs, la méthode de calcul de la rémunération due et, le cas échéant, les critères de classification dans les différentes catégories de salaire ».

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Encadré 2 : Trois arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne ont précisé les règles relatives aux travailleurs détachés Les faits : Dans l'affaire Lavala, une entreprise lettone, après avoir gagné un marché en Suède pour construire une école, y avait détaché des salariés lettons. Malgré les négociations avec les syndicats suédois, l'entreprise lettonne a refusé de signer la convention collective du bâtiment suédois qui imposait des salaires minima. Le syndicat suédois a, en réaction, engagé une action collective prenant la forme d'un blocus sur l'ensemble des chantiers de Laval en Suède. À la suite de l'interruption des travaux, la société Laval a fait faillite. Dans l'affaire Rüffertb, un Land allemand avait attribué à une entreprise allemande un marché de construction d'un établissement pénitentiaire. Le contrat contenait l'engagement de respecter le salaire minimum en vigueur dans la convention collective. L'entreprise allemande a eu recours aux services d'un sous-traitant établi en Pologne qui a détaché des salariés polonais sans respecter le salaire minimum de la convention collective. En réaction, le Land a résilié le marché. Dans ces deux affaires, la Cour de justice de l'Union européenne a donné raison aux entreprises qui recouraient à des travailleurs détachés. Dans l'affaire dite Luxembourgc, la Commission a engagé un recours en manquement contre le Luxembourg concernant la transposition de la directive 96/71/CE. En particulier, la Commission estimait que l'obligation de désigner un mandataire résidant au Luxembourg pour les entreprises qui détachent des salariés sans établissement stable au Luxembourg, constituait une restriction à la libre prestation de services. L'impact juridique de ces trois affaires : 1/ Une convention collective qui n'est pas d'application générale ne s'applique pas aux travailleurs détachés Dans les arrêts Laval et Rüffert, la Cour considère que les dispositions des conventions collectives ne s'appliquaient pas aux travailleurs détachés dans la mesure où elles n'étaient pas d'application générale. Seules les dispositions de la loi ou d'une convention collective d'application générale peuvent s'appliquer aux entreprises établies dans un autre État membre. 2/ Le droit de grève peut être soumis à des restrictions au nom de la libre prestation de services Dans l'arrêt Laval, la Cour reconnaît que le droit de mener des actions collectives (grève) est un droit fondamental qui doit être concilié avec les autres libertés fondamentales garanties par les Traités (notamment la libre prestation de services) de sorte que son exercice peut être soumis à des restrictions. La Cour a estimé que l'action collective n'était pas justifiée au nom de la protection des travailleurs. En effet, elle considère que l'absence de salaires minima au niveau national ou via des conventions collectives d'application générale montre que l'État n'attachait pas un intérêt général suffisant au respect de ces salaires minima dans la mesure où ces derniers ne s'appliquaient pas à tous les employeurs établis dans cet État. 3/ La Cour vérifie que les règles administratives supplémentaires imposées aux entreprises détachant des travailleurs sont justifiées et proportionnées au principe de libre prestation de services Dans l'arrêt Luxembourg, la Cour a vérifié que les exigences administratives imposées aux entreprises recourant à des travailleurs détachés, dans la mesure où elles portent atteintes au principe de libre prestation de services, sont justifiées et proportionnées à l'objectif recherché. La Cour a estimé disproportionnées les règles administratives supplémentaires relatives à la désignation d'un mandataire résidant au Luxembourg au nom de la lutte contre les abus ainsi que sur la nécessité d'un contrôle efficace.

a. C-341/05 Laval un Partneri Ltd contre Svenska Byggnadsarbetareförbundet, Svenska Byggnadsarbetareförbundets avdelning 1, Byggettan et Svenska Elektrikerförbundet, arrêt du 18 décembre 2007. b. C-346/06 Dirk Rüffert, agissant en qualité d'administrateur judiciaire d'Objekt und Bauregie GmbH & Co. KG contre Land Niedersachsen, arrêt du 3 avril 2008. c. C-319/06, Commission des Communautés européennes contre Luxembourg, arrêt du 19 juin 2008.

Encadré 3 : L’exemple de la concurrence de la filière porcine allemande L'industrie agroalimentaire et, plus spécifiquement, la filière de la découpe de la viande de porc, ont pour caractéristique d'être des industries à forte intensité de main d'œuvre, où les principaux pays membres de l'UE sont producteurs, ce qui en fait un exemple particulièrement pertinent pour rendre compte des tensions entre la concurrence et les droits sociaux au sein de l'Europe. L'Allemagne est devenue, en une dizaine d'années, le premier producteur de porc avec 1/5e de la production européennea en 2010, grâce à une stratégie industrielle offensive, fondée sur une réduction des coûts de production et des gains de de compétitivité. Si plusieurs facteurs expliquent le renforcement de la compétitivité allemande (concentration des structures d'élevage…), cette stratégie s'est notamment appuyée sur une baisse du coût du travail via un recours massif aux travailleurs détachés. Ces travailleurs d'origine polonaise, roumaine ou bulgare peuvent représenter jusqu'à 90 % des employés de certains établissements allemands d'abattage. 75 % des effectifs des abattoirs allemands seraient concernés, selon le syndicat des abattoirs allemands (NGG). En l'absence de salaire minimum dans la branche, les travailleurs détachés pouvaient être rémunérés à un niveau inférieur à celui des travailleurs non détachés. En outre, l'Allemagne a connu plusieurs scandales d'abus du statut de travailleurs détachés au point que la presse allemande a pu parler de montages mafieuxb avec, par exemple, des retenues exorbitantes sur salaire pour le logis et le couvert ou des conditions de vie déplorables. Motivée par la perception de distorsions de concurrence résultant des pratiques allemandes qu'elle considérait comme non conformes aux règles communautaires, la Belgique a saisi la Commission européenne en mars 2013. Face à ces scandales sur les conditions de rémunération et de vie des travailleurs détachés dans le secteur de l'abattage et de la découpe de viande, la situation des travailleurs détachés a fait partie du débat qu'a connu l'Allemagne fin 2014 sur le salaire minimum. Celui-ci s'est conclu par l'introduction d'un salaire minimum horaire de 8,50 € brut au 1er janvier 2015 applicable à tous les salariés non couverts par des conventions collectives. Ainsi, dans le secteur de la viande, le syndicat des abattoirs allemands NGG et la fédération patronale ANG ont conclu début 2014 un accord salarial qui prévoit l'introduction dans la branche d'un salaire minimum horaire (brut) de 7,75 € au 1er juillet 2014 progressant par étape pour atteindre 8,75 € au 1er décembre 2016. Ce niveau, proche des 9,67 € du Smic français, devrait réduire en partie l'écart de compétitivité. Cet accord a été élargi de façon obligatoire à l'ensemble des salariés de la branche par décret du ministère fédéral du travail (soit environ 100 000 personnes, salariés travaillant sous contrats de mission compris).

a. Roguet C. et Rieu M., (2012), « Essor et mutation de la production porcine dans le bassin nord-européen : émergence d'un modèle d'élevage transfrontalier inédit ». b. Die Fleisch-Mafia, reportage d'ARD (première chaîne publique allemande), 2015.

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2.2 Les mécanismes d'exonération de cotisations sociales sur les bas salaires limitent l'avantage économique du recours à des travailleurs détachés Les écarts de taux de contributions patronales entre les pays contribuent aux écarts de coût du travail entre travailleurs détachés et non détachés à niveau de rémunération équivalent. Le régime de protection sociale des travailleurs détachés restant celui du pays d'origine de l'entreprise qui les détache, les contributions sociales sont payées dans le pays d'origine en fonction des règles et des taux en vigueur, appliqués au salaire brut défini selon les règles du pays d'accueil. Alors que les contributions salariales sont déduites du salaire brut, les contributions patronales s'y ajoutent : les contributions salariales influent sur le salaire net reçu par le salarié détaché, tandis que les contributions patronales jouent sur le coût du travail pour l'employeur. En France, le taux de contributions employeurs est en moyenne parmi les plus élevés d'Europe, mais, au

niveau du Smic, il se situe en-deçà de la moyenne européenne en raison des exonérations ciblées (le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique et la Hongrie disposent de politiques similaires mais de moindre ampleur20). D'après une étude de la Commission européenne, les travailleurs détachés sont souvent au bas des grilles de classification conventionnelle21. En l'absence d'information détaillée, on suppose que, compte-tenu de leurs qualifications et de leur ancienneté (faibles), une grande partie des travailleurs détachés perçoivent une rémunération proche du Smic. Or, depuis 2015, le taux de contributions sociales employeurs applicable en France au niveau du Smic est inférieur à la moyenne UE28 en raison des allègements de cotisations sur les bas salaires mis en œuvre notamment dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité et des allègements généraux (cf. graphique 3). À ce niveau de rémunération, les contributions sociales employeurs dues par les entreprises localisées en Pologne, au Portugal et en Roumanie22, sont supérieures à celles localisées en France en 2015.

Graphique 3 : taux de contributions employeurs au 1er janvier 2015 (le point rouge matérialise les cotisations employeurs pour un salarié rémunéré au Smic)

40%

30%

20% Charges patronales au niveau du Sm ic

10%

0%

Source : Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (Cleiss). Graphique : DG Trésor.

2.3 Les stratégies de minimisation de l'assiette des cotisations patronales ne suffisent pas à rendre le coût du travail des travailleurs détachés d’Espagne, de Pologne, du Portugal et de la Roumanie moins élevé que celui des salariés des entreprises localisées en France pour des rémunérations à hauteur du Smic Chaque État membre reste libre de déterminer l'assiette des contributions sociales et peut donc décider d'exclure totalement ou partiellement l'allocation de détachement de l'assiette des contributions patronales. Ainsi, pour les entreprises localisées en Espagne, au Portugal ou en Roumanie, l'allocation de détachement n'est pas soumise à cotisation.

Sous l'hypothèse que l'employeur cherche à minimiser le coût du travail, il versera au travailleur détaché un salaire de base correspondant au salaire minimum (757 € en Espagne, 589 € au Portugal et 218 € en Roumanie au 1er janvier 2015) sur lequel seront assises les contributions patronales, complété par l'allocation de détachement permettant d'atteindre le salaire minimum du pays d'accueil. En Pologne, il est fait référence à un salaire notionnel fictif servant de base au calcul des contributions qui équivaut au salaire moyen, soit 955 € environ pour 2015 (plus du double du salaire minimum de 410 €)23. En France, l'assiette des contributions sociales correspond au Smic brut, soit 1 458 € au 1er janvier 2015.

(20) OCDE (2015), « Perspectives de l'emploi ». (21) Lhernould J.-P., Coucheir M., Fisker S., Madsen P.-G. & Voss E. (2016), "Study on wage-setting mechanisms and minimum rates of pay applicable to posted workers in accordance with Dir. 96/71/EC in a selected number of Member States and sectors", Commission européenne. (22) Cf. § 1.3. (23) Cette règlementation vise à éviter une situation où les allocations de détachement auraient permis de réduire trop significativement le montant de l'assiette minimum du calcul des contributions sociales et donc les recettes afférentes.

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Mais cette stratégie de minimisation de l'assiette des contributions sociales est en partie contrebalancée par : • le respect du Smic (ou des minima conventionnels) et la prise en charge des frais liés au détachement24 (cf. 2.1) ; • le faible taux de contributions sociales patronales au niveau du Smic pour les travailleurs des entreprises localisées en France (cf. 2.2).

Au total, en termes de coût du travail, pour un emploi rémunéré au Smic, recourir dans un cadre légal à un travailleur détaché en France par une entreprise localisée au Portugal, en Roumanie, en Pologne ou en Espagne est équivalent à faire appel à la main d'œuvre d'une entreprise localisée en France, pour une prise en charge des dépenses encourues au titre du détachement qui s'élèverait seulement à 100 € par mois (hypothèse qui paraît faible) (cf. tableau 1 et graphique 4).

Tableau 1 : comparaison du coût du travail en France entre travailleurs locaux et travailleurs détachés d’Espagne, de Pologne, du Portugal et de Roumanie pour une rémunération équivalente au Smic mensuel sur la base de 35h travaillées

France Smic Salaire de base

(1)

Salaire minimum brut au 1er janvier 2015 (source : Eurostat)

Espagne Pologne Portugal Roumanie

1 458 €

757 €

955 €

589 €

218 €

1 458 €

757 €

410 €

589 €

218 €

701 €

503 €

868 €

1 240 €

1 458 €

1 458 €

1 458 €

1 458 €

100 €

100 €

100 €

100 €

Allocation de détachement

(2)

Rémunération brute hors prise en charge des dépenses liées au détachement

(3)=(1)+(2)

Prise en charge des dépenses liées au détachement (voyage, logement et nourriture)

(4)

Rémunération totale brute

(5)=(3)+(4)

1 458 €

1 558 €

1 558 €

1 558 €

1 558 €

Assiette des cotisations sociales

(6)=(1)

1 458 €

757 €

955 €

589 €

218 €

Contributions sociales employeur au 1er janvier 2015

(7)=(6) x te

223 €

231 €

199 €

140 €

61 €

Taux de contributions employeurs en % (source : Cleiss)

te

15 %

31 %

21 %

24 %

28 %

Coût du travail

(8)=(5)+(7)

1 681 €

1 788 €

1 756 €

1 697 €

1 619 €

1 458 €

Calculs : DG Trésor. Étude de cas élaborée à partir du questionnaire Cese/Dares, DAEI (2015), « Le travail détaché : synthèse des contributions en 30 questions », Contributions des services économiques . Graphique 4 : comparaison du coût du travail en France entre travailleurs locaux et travailleurs détachés d’Espagne, de Pologne, du Portugal et de Roumanie pour une rémunération équivalente au Smic mensuel sur la base de 35h travaillées 2 000 €

1788 €

1 800 €

1756 € 1697 €

1681 €

1619 €

1 600 €

Smic brut

1 400 €

1 200 €

1 000 €

800 € Prise en charge des dépenses liées au détachement (voyage, logement et nourriture)

600 €

Contributions sociales employeur au 1er janvier 2015

400 €

Allocation de détachement 200 € Salaire de base - € France Smic

Espagne

Pologne

Portugal

Roumanie

Calculs : DG Trésor (cf. tableau 1), Étude de cas élaborée à partir du questionnaire Cese/Dares, DAEI (2015), « Le travail détaché : synthèse des contributions en 30 questions» , Contributions des services économiques.

Le coût du travail de la main d'œuvre française pourrait être estimé à un niveau encore plus faible si le calcul prenait en compte le Crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) dont

les employeurs de travailleurs détachés ne peuvent bénéficier et qui correspond à 6 % des rémunérations brutes versées pour les salaires ne dépassant pas 2,5 fois le Smic.

(24) Art. R. 1262-8 du Code du travail, transposant en droit interne les dispositions de l'article 3 de la directive 96/71/CE.

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Mais, le diagnostic pourrait être différent si on se plaçait à des niveaux de rémunérations plus élevés25 : • D'une part, pour des rémunérations supérieures au Smic, mais de même niveau entre travailleurs détachés et locaux, le taux de contribution employeur en France est moins avantageux.

• D'autre part, il est probable que, à qualification égale, la rémunération des travailleurs locaux soit plus élevée que celle des travailleurs détachés qui ne bénéficient notamment pas des primes et compléments de salaires, ni de l'avancement à l'ancienneté prévus par les accords d'entreprise.

3. Ce système présente des zones grises qui peuvent encourager les abus et laissent la place à des formes de dumping social26 S'appuyant sur un certain flou juridique, le statut des européen, permet de minimiser l'assiette des contritravailleurs détachés peut conduire à des stratégies d'optimibutions sociales et donc le prélèvement social. Ainsi, sation sociale parfois abusives voire frauduleuses dont le but l'Agence nationale de l'administration fiscale est de réduire au maximum le coût de la main d'œuvre27 28. roumaine a reproché aux sociétés d'intérim Ces irrégularités peuvent porter le différentiel de coût du roumaines d'avoir organisé une fraude dans le calcul travail à un niveau bien supérieur à ce qu'il serait pour un du prélèvement social en minorant le salaire contracdétachement régulier. Les critiques sont d'abord venues du tuel (et donc l'assiette des cotisations sociales) et en mouvement syndical qui dénonçait des formes d'exploitation servant des indemnités substantielles aux intérimaires des travailleurs détachés. Elles ont ensuite été relayées par le détachés pour atteindre les salaires minima des pays patronat au nom d'une concurrence déloyale29. d'accueil32. (iii)Le non-respect de la réglementation du pays 3.1 Un système dévoyé entre optimisation sociale, 30 d'accueil. Des contrats de travail en apparence abus et fraude légaux peuvent receler de nombreuses illégalités Un rapport récent du Haut conseil du financement de la permettant de rémunérer les travailleurs détachés à 31 protection sociale distingue trois types d'irrégularités : un niveau inférieur aux minima légaux et conventionnels : le nombre d'heures travaillées est supérieur au (i)La qualification abusive de détachement. C'est nombre d'heures payées ; les heures supplémentaires, notamment le cas des entrepreneurs qui choisissent si elles sont payées, ne sont pas majorées ; les durées leur pays d'implantation en fonction du faible coût des maximales du travail ne sont pas respectées ; le salaire contributions sociales pour bénéficier de la législation minimal est réduit des dépenses encourues en raison sur le détachement ce qui leur procure un avantage du détachement (frais de transport et d'hébergeconcurrentiel parfois très important par rapport aux ment… ). D'après une étude de la Commission euroentreprises locales. L'activité de ces entreprises dans péenne, dans certains secteurs, notamment celui du leur pays est très faible, on parle alors d'entreprises transport routier, les travailleurs détachés perce« boîte à lettres » ou de « coquilles vides ». vraient une rémunération jusqu'à 50 % inférieure à (ii)Le non-respect de la réglementation du pays celui des travailleurs locaux33. Des atteintes aux d'origine quant au versement des contributions conditions de vie et de travail permettant aux à la Sécurité sociale. En effet, la distance introduite employeurs de réduire le coût de la main d'œuvre ont par le détachement entre l'administration de sécurité aussi été relevées : logement à bas coût dans des sociale et le lieu de travail peut rendre difficile le conditions de confort insuffisantes, voire indignes, contrôle du paiement complet effectif des cotisations. embauche de travailleurs détachés ayant usé de leur En outre, l'absence de régime légal d'allocations de liberté de circulation pour se rendre à leurs frais dans détachement et d'indemnités de défraiement dans le pays d'accueil en détachement, etc. certains États membres, et d'harmonisation au niveau

(25) Cf. annexe IV de l'étude d'impact de la proposition de révision de la directive 96/71/EC qui obtient des écarts de coûts du travail de l'ordre de 20 % à 30 % en faveur des salariés détachés polonais, roumains et portugais dans le secteur de la construction ; le calcul intègre l'hypothèse que les travailleurs détachés sont rémunérés au minimum conventionnel tandis que les salariés français le sont au salaire moyen et ne prend pas en compte la prise en charge des dépenses encourues au titre du détachement dans le coût du travail. (26)En 2006, le Cese définissait le dumping social comme « une pratique consistant à enfreindre, à contourner ou à restreindre des droits sociaux légaux et à utiliser ces écarts afin d'en tirer un avantage qui s'assimile à une concurrence déloyale ». Marteau D. (2006), « Enjeux et concurrence internationale : du dumping social au mieux-disant social », avis du Cese, brochure n°20. (27) Grosset J. & Cieutat B. (2015), « Les travailleurs détachés », Avis du Cese. (28) Maslauskaite K. (2014), « Travailleurs détachés dans l'UE : état des lieux et évolution réglementaire », Policy paper n°107, Notre Europe-Institut Jacques Delors. (29) Freyssinet J. (2014), « La directive européenne sur les travailleurs détachés », Note Lasaire n°42. (30) Pataut E. (2014), « Détachement et fraude à la loi. Retour sur le détachement des travailleurs salariés en Europe », Revue de droit du travail. (31) Cytermann L. (2014), « Le détachement des travailleurs au sein de l'Union européenne », Éclairage II, 3e rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale. (32) DAEI (2015), Questionnaire Cese/Dares, Le travail détaché : synthèse des contributions en 30 questions, Contributions des services économiques régionaux des ambassades (Portugal, Pologne, Roumanie). Ces pratiques sont contraires au code fiscal roumain, qui limite à 2,5 salaires le montant des indemnités que peut percevoir un salarié et au-delà duquel ces indemnités sont assimilées à des compléments de salaire et réintégrées dans l'assiette du prélèvement social et fiscal. (33) Cf. note 23 op. cit.

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3.2 Un contrôle rendu difficile par la complexité des situations sur le terrain Les irrégularités et pratiques de dumping social sont d'autant plus fréquentes que l'inspection du travail est confrontée à de nombreux obstacles au cours de ses interventions. D'une part, le contrôle de l'inspection du travail peut être entravé par le manque de collaboration entre les différents acteurs du détachement. La directive 96/71 impose de mettre en place des bureaux de liaison dans chaque État membre, destinés à échanger des informations sur les détachements posant des difficultés. La législation communautaire ne fixe cependant pas de délai de réponse. Les délais de traitement des dossiers peuvent ainsi s'avérer longs et peu en phase avec la durée de certains chantiers ou la brièveté de la

mission du salarié détaché. En outre, l'inspection du travail peut être confrontée à des barrières de langue et à une main d'œuvre vulnérable, pas toujours coopérative. D'autre part, les montages de plus en plus sophistiqués avec des sous-traitants en cascade permettent de contourner les règles du détachement. Ces chaînes de sous-traitance complexes impliquant des entreprises locales et étrangères peuvent opacifier les relations contractuelles au point de rendre parfois très difficile l'identification de l'employeur juridique des salariés détachés. Enfin, la directive relative aux travailleurs détachés ne prévoit aucune garantie de protection en termes de représentation collective des salariés détachés, ce qui ne facilite pas le respect de la législation et de la règlementation sociale pour ces travailleurs.

4. Le détachement des travailleurs doit être mieux encadré et rendu plus transparent qui détachent des salariés, notamment création d'une 4.1 La transposition française de la directive dite obligation de déclaration « par voie dématérialisée » ; d'exécution de 2014 renforce la lutte contre la fraude et la protection des travailleurs détachés • la responsabilité du donneur d'ordre est élargie à toute la chaîne de sous-traitance i) au regard des Au niveau européen, la France a soutenu la mise en œuvre obligations de déclaration de détachement, ii) en cas de d'une nouvelle directive34 dite d'exécution qui non-paiement du salaire minimum et iii) en cas de nonrenforce la lutte contre la fraude et la protection des respect de la législation du travail et des conditions de salariés détachés, notamment dans les cas de sousvie concernant l'hébergement collectif ; traitances en cascade. Adoptée en 2014, la directive 2014/67/UE qui doit contribuer à lutter contre le « dumping • la réalisation de la prestation de services peut social » comporte des avancées majeures. dorénavant être suspendue pendant un mois si l'inspection du travail constate des manquements graves aux Elle clarifie les critères du détachement : une liste non « droits fondamentaux » des travailleurs détachés sans exhaustive de critères d'évaluation est soumise aux autorités préjudice pour les salariés (pas de pertes de rémunéracompétentes pour déterminer si les conditions liées au détation notamment) ; chement sont remplies en matière d'activité réelle de l'entreprise dans l'État où elle est établie35 (lutte contre les • l'action en substitution des syndicats à la défense des travailleurs détachés devient possible « sans avoir à entreprises « boîte à lettres ») et de caractère temporaire justifier d'un mandat de l'intéressé ». du détachement. Elle demande aux États membres de mettre à disposition des acteurs du détachement une information 38 à la fois claire, complète et accessible (notamment 4.2 Le projet de loi « Travail » vient parachever traduite en plusieurs langues) par le biais d'un site internet l'ensemble des mesures contre le détachement national officiel. Elle renforce la coopération et les illégal de travailleurs contrôles du respect des obligations énoncées dans la Le Gouvernement poursuit la lutte contre le détachement directive 96/71/CE entre États membres. Elle permet aux illégal de travailleurs avec le projet de loi visant à instituer de salariés détachés de faire valoir leurs droits plus efficace- nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. ment. élargit l'obligation de déclaration Elle met en place un mécanisme de responsabilité Il solidaire des donneurs d'ordre vis-à-vis de leur sous- « dématérialisée » aux donneurs d'ordre à l'égard de traitant direct dans le secteur du bâtiment lorsque celui-ci tous les sous-traitants directs ou indirects qu'ils agréent, si le prestataire employant des salariés détachés ne n'a pas respecté ses obligations en matière salariale. l'a pas fait. 36 La France a transposé rapidement cette directive 37 dans les lois dites « Savary » et « Macron » . Les nouvelles Les possibilités de suspendre la prestation de dispositions vont au-delà de la directive pour renforcer les services internationale sont étendues aux cas sanctions à l'encontre des entreprises qui contournent les d'absence de déclaration de détachement, à l'issue du délai de 48 heures laissé au donneur d'ordre de procéder luirègles du détachement : • les formalités de détachement sont renforcées et même à la déclaration subsidiaire de détachement. complétées pour faciliter le contrôle des entreprises (34) Directive 2014/67/UE du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. (35) C. trav. L. 1262-3 et cf. Conseil d'État, 21 avril 2016, n° 398782. (36) Les États membres ont jusqu'au 18 juin 2016 pour transposer la directive. (37) Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, complétée par le décret n°2015-364 du 30 mars 2015, et renforcée par la loi n° 2015-990 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 7 août 2015. (38) Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.

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Enfin, une contribution sur les détachements de salariés pour compenser les coûts administratifs engendrés par le détachement est par ailleurs prévue. Son montant sera déterminé par décret en Conseil d'État. 4.3 La Commission européenne promeut le principe d'une rémunération identique pour un même travail effectué au même endroit en proposant une révision de la directive européenne de 1996 À la suite de la demande de sept États membres (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas et Suède), la Commission européenne a présenté le 8 mars 2016 une proposition de révision de la directive sur les travailleurs détachés. L'initiative a pour but de garantir des conditions de rémunération équitables et des conditions de concurrence égales tant pour les entreprises détachant des travailleurs que pour les entreprises locales dans le pays d'accueil. La réforme proposée pourrait introduire des changements dans trois grands domaines : (i)La rémunération des travailleurs détachés. La référence au « taux de salaire minimal » est remplacée par la notion plus large de « rémunération, y compris les taux majorés pour les heures supplémentaires ». Les employeurs de travailleurs détachés devraient donc verser les primes et indemnités d'application générale, qu'elles soient d'origine

légale ou conventionnelle. La directive prévoit également la possibilité pour les États membres d'obliger les entreprises à ne sous-traiter qu'à des entreprises qui accordent aux travailleurs certaines conditions de rémunération, y compris celles résultant de conventions collectives d'application non générale. Il s'agit de respecter le principe « À travail égal, salaire égal » dans les chaînes de sous-traitance. (ii)Les règles sur les entreprises d'intérim. Le projet de révision prévoit que les travailleurs mis à disposition par une entreprise de travail intérimaire bénéficient des mêmes conditions que celles garanties aux travailleurs intérimaires mis à disposition par une entreprise établie dans l'État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté. (iii)La durée du détachement. Elle sera limitée à deux ans en droit du travail (comme c'est déjà le cas en matière de sécurité sociale pour le paiement des cotisations dans le pays d'origine). Pour les détachements dont la durée excède 24 mois, les conditions prévues par la législation du travail des États membres d'accueil devront être appliquées. Les discussions entre les États membres et la Commission ont commencé avant une première présentation du texte prévue au Conseil Emploi et Affaires sociales de juin.

Marine CHEUVREUX, Rémy MATHIEU

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Le contrepoint de...

Jacques Freyssinet

La question des travailleurs détachés incite à une réflexion sur les relations qui s'établissent entre les normes juridiques et les phénomènes économiques auxquels elles s'appliquent. En premier lieu, rappelons que le Traité de Rome se donne comme objectif la libre circulation des travailleurs, des marchandises et des capitaux. Dans le premier domaine, le principe est l'égalité de traitement, dans chaque État membre, des travailleurs appartenant aux États de la communauté. Le détachement des travailleurs, du point de vue de l'analyse économique, est indiscutablement un phénomène de circulation des travailleurs. Cependant, le droit communautaire le fait relever de la libre prestation de services donc échapper à la règle d'égalité de traitement. Cette règle est totalement écartée pour la protection sociale ; elle ne peut s'appliquer que par exceptions limitativement énumérées en ce qui concerne le droit du travail. Un boulevard est ouvert pour contourner le principe fondateur. En second lieu, soulignons que la directive de 1996, toujours en vigueur, a été préparée dans une Communauté de douze États et qu'elle a été adoptée juste après l'élargissement à quinze en 1995. Cette composition rendait crédible la promesse d'une harmonisation vers le haut qui était depuis l'origine au cœur du message européen. La perspective d'une concurrence fondée sur les coûts salariaux n'était pas prégnante ou n'était perçue que comme un problème transitoire. Aujourd'hui, les mêmes règles s'appliquent dans une Union à vingt-huit où la Cour de justice, au nom de la libre prestation de services, protège le droit de certains États à utiliser les écarts de coûts salariaux comme avantage concurrentiel. Enfin, on peut s'interroger sur la pertinence d'un corps de règles unique pour trois modes de gestion de maind'œuvre hétérogènes. La directive s'applique d'abord à la circulation au sein des firmes multinationales d'une maind'œuvre hautement qualifiée ; en règle générale, ces salariés ont intérêt à conserver le statut du pays de départ. Elle s'applique, ensuite, à des travailleurs provenant de pays à faibles niveaux de salaires et de protection sociale qui occupent majoritairement des postes non qualifiés ; ils auraient intérêt à bénéficier du statut qui s'applique au lieu de travail. Elle est mise à profit, enfin, par des entreprises d'intérim dans une stratégie d'optimisation fiscale et/ou sociale.



Jacques Freyssinet Économiste, professeur émérite à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne Président du Conseil scientifique du Centre d’études de l’emploi

Éditeur :

n°170. Comment expliquer la faiblesse de la productivité en Italie ? Hela Mrabet

Ministère des Finances et des Comptes publics et Ministère de l’Économie de l’Industrie et du Numérique

Directeur de la Publication : Michel Houdebine Rédacteur en chef : Jean-Philippe Vincent (01 44 87 18 51) [email protected] Mise en page : Maryse Dos Santos ISSN 1777-8050 eISSN 2417-9620

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Ce document a été élaboré sous la responsabilité de la direction générale du Trésor et ne reflète pas nécessairement la position du ministère des Finances et des Comptes publics et du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique.

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