commentaires et notes de dégustation des experts de la maison artcurial

25 mai 2012 - issu de vignes pré-phylloxériques ; assemblage et cépages inconnu ; ... Année des lots de l'assemblage contenant probablement une forte.
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COMMENTAIRES ET NOTES DE DÉGUSTATION DES EXPERTS DE LA MAISON ARTCURIAL DÉGUSTATION EXCEPTIONNELLE D’UNE BOUTEILLE DE CHAMPAGNE VEUVE CLICQUOT DU DÉBUT DU xixe SIÈCLE (circa 1839) TROUVÉE SUR UNE ÉPAVE EN MER BALTIQUE 2

Vendredi 25 mai 2012 

Dégustation de 8 cuvées sur 3 siècles de la maison Veuve Clicquot, suivi par 3 cuvées servies lors du repas.

Commentaires et note de dégustation de Laurie Matheson

Nous étions conviés par la maison Veuve Clicquot le 25 mai afin de déguster une bouteille portant le n°archéologique A4 de Champagne Veuve Clicquot circa 1839, sauvé de l’épave de la goélette en mer Baltique. 3

Pour cette dégustation historique, l’équipe de Veuve Clicquot était au grand complet auprès du directeur général de la maison, Jean Marc Lacave (2). À la présentation des flacons, trois générations de chefs de cave auprès de Dominique Demarville actuellement en poste, ses prédécesseurs Jacques Peters et Charles Delahaye (4). À leur cotés à la table d’honneur, Richard Juhlin (3) spécialiste du Champagne ayant dégusté toutes les bouteilles sauvées de l’épave et Fabienne Moreau, historienne de la maison venant présenter la découverte et sa datation. Des représentants du gouvernement Alandais étaient également présents, le ministre de la culture Johan Ehn (4), son secrétaire permanent Rainer Juslin, Lina Dumas chargée de projet et Annica Gronlund relations presse d’Åland. Les convives du jour représentaient la fine fleur des journalistes, spécialistes, critiques nationaux et internationaux du champagne. 4

La dégustation était orchestrée crescendo couvrant 3 siècles, passant par 7 millésimes pour la plupart élaborés par les chefs de cave successifs, avant d’atteindre l’ultime : le Champagne de la Baltique du début du xixe siècle. En préambule nous avons ainsi pu déguster (dans cet ordre) : Brut Carte Jaune base 2008 Rosé Non vintage base 2008 (5) La Grande Dame Rosé en magnum La Grande Dame 1962 en magnum Brut Carte Jaune 1953 en magnum (6), (une merveille de fraîcheur et de jeunesse) Vintage Rosé 1947 en bouteille Cuvée 1904 en bouteille (7) (magnifique, avec des arômes proches de ceux que l’on peut trouver dans un vieux Sauternes du même âge, grande minéralité. Après une attaque douce le nez est marqué par la truffe, la noix, la torréfaction, la fumée. Sec et fin. Dégorgé dans les années 1950)

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Veuve Clicquot n°A4 – circa 1839 (photos 1, 8, 9) : Dominique Demarville prend la bouteille, un silence quasi religieux s’installe, on entend le léger bruit du gaz libéré à l’ouverture, un petit« pssshttt ». Une tension incroyable régne dans la salle. Les uns jaugeant les autres dans l’attente que les verres contenant 2 à 3 cl du rare breuvage leurs soit servis. Couleur légèrement tuilée, similaire en teinte au 1904 servi juste avant (voir photos LM). Au nez, un choc, un arôme d’une puissance incroyable. Mon étonnement est grand lorsque je réalise qu’il n’y a aucun arôme d’oxydation. Un nez de cire résineux, de fumée, de fromage (des voisins de table parlent de nez de crottin, d’étable, d’huile de moteur de bateau mélangé à de l’étoupe…). La puissance de ce nez se fera plus discret après quelques minutes d’aération pour laisser place à des notes de miel et d’agrumes, la complexité est bien là. Il garde toutefois ce caractère particulier que je n’avais jamais rencontré avant. En bouche il est ample et puissant, riche, très doux, et agréable. Les arômes en bouche confirment ceux trouvés au nez, avec en plus des notes fraîches et vives, végétales et résineuses. Il ne présente pas d’effervescence, il ne reste en tout cas pas assez de gaz carbonique pour qu’il soit perceptible en bouche. Il en reste certainement en traces infimes étant donné le bruit du bouchon à l’ouverture (je l’ai entendu distinctement me trouvant assise à 1 mètre du guéridon de service). Je suis restée abasourdie de ce que je venais de déguster, c’était un moment incroyable, au milieu d’une assemblée incroyable. Je sais que je n’ai pas encore fini de comprendre ce que j’ai gagné comme héritage olfactif et gustatif grâce à cette dégustation exceptionnelle. Rappel du contexte historique : bouteille de champagne de la baltique n°A4 dégustée ; issu de vignes pré-phylloxériques ; assemblage et cépages inconnu ; probablement élaboré par Mme Clicquot elle-même ; dosage de départ inconnu ; qualité du sucre de dosage inconnu. Année des lots de l’assemblage contenant probablement une forte base de 1839, seul millésime de qualité et de quantité suffisante produit après 1834. Marquage au feu du bouchon utilisé entre 1841 et 1850. Muselet à la ficelle. Travail de recherche historique et archéologique toujours d’actualité en juin 2012. Furent également dégustés de ce jour là lors du repas : La Grande Dame 1990 en jéroboam (une merveille d’équilibre et de jeunesse. Riche, gourmand, solaire) Cave Privée Rosé 1978 La Grande Dame Rosé 1990 en jéroboam Commentaires et note de dégustation de Luc Dabadie :

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C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons pu participer à cette fantastique et unique dégustation qui regroupait des bouteilles exceptionnelles, choisies pour retracer l’histoire de la maison Veuve Clicquot, avec en point d’orgue une des rares bouteilles repêchées en mer Baltique en 2010. Grande Dame rosé 1988, Grande Dame 1962, Brut Carte jaune base 1953 (6), Vintage rosé 1947, Cuvée 1904 (7) et enfin la bouteille de la mer Baltique furent donc débouchées et dégustées avec le plus grand respect par une trentaine de personnes privilégiées dont nous étions. Sans nous étendre sur les autres bouteilles qui furent appréciées à leur juste valeur (notamment l’étonnant 1953 vibrant de jeunesse et le 1904 à l’acidité et la vivacité de «jeune homme»), attardons nous sur la star de cette journée : la bouteille de la mer Baltique dont le millésime est estimé par Fabienne Moreau (historienne de la maison) comme étant sans doute un 1839. L’ouverture et les premières minutes de dégustation se firent dans un silence religieux, chacun cherchant à trouver les mots pour transcrire ses émotions. Ce vin de 170 ans présente un belle robe jaune d’or (8, 9) à peine évoluée ce qui est fantastique. Le nez puissant sur des arômes de rotin mouillé, d’aiguilles de pin, est dans un premier temps surprenant. En bouche, la sucrosité se remarque de prime abord (149 g/l d’après les dosages effectués par Veuve Clicquot). Viennent ensuite des arômes complexes de thé, d’infusions d’herbes (certains dégustateurs évoquent une vieille Chartreuse). Le vin surprend par son extraordinaire longueur qui laisse la bouche parfumée de sa présence pendant de très longues minutes. Au final on médite sur ce Champagne «pré-phylloxérique» si ancien qu’il a sans doute été assemblé par Mme Clicquot en personne, issu de cépages aujourd’hui disparus et qui une fois dégusté n’existera plus que dans nos mémoires. Une expérience unique et inoubliable