centrale de cordemais - Groupe EDF

taires et agroalimentaires (Saupiquet,. Biscuiterie Nantaise…), chimie lourde ..... essais, nous avons donc procédé à des modifications et en novembre. 1982 ...
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CENTRALE DE CORDEMAIS - 40 ANS D’ÉNERGIE Centrale de Cordemais BP 13 44360 Cordemais

www.edf.com

Ouvrage réalisé en 2010 par la centrale de Cordemais (Loire-Atlantique)

à l’occasion de son quarantième anniversaire.

...

... Les agents de la centrale au 30 septembre 2010.

On s’étonne trop de ce qu’on voit rarement et pas assez de ce qu’on voit tous les jours. Comtesse de Genlis

En 1966, Raymond Marcellin, Ministre de l’industrie sous la présidence du Général de Gaulle, autorisait officiellement la création de la centrale de Cordemais. C’était le point de départ d’une aventure collective, humaine autant que technique.

Chacun se rend compte de la mixité de cet espace et des intérêts multiples qui s’y conjuguent  ; c’est pour en préserver l’équilibre que nous travaillons avec nos partenaires : fournisseurs et prestataires de service, riverains, institutionnels et autorité de tutelle.

Parce qu’ « on s’étonne trop de ce qu’on voit rarement et pas assez de ce qu’on voit tous les jours », quarante ans après la production des premiers­ kilowattheures en 1970, je souhaite rendre hommage aux générations qui ont fait de notre centrale un formidable outil qui chaque année, résolument, fait face à une consommation d’électricité en forte croissance, caractérisée­par des pics de consommation toujours plus aigus et exigeants.

En hommage à ce chemin éclairé par nos prédécesseurs, il est de la responsabilité de chacun de mettre ses talents au service de la centrale et de ses clients. Pour cela, les agents EDF sont animés d’un même sens du service. Notre culture est celle des producteurs d’énergie, en prise directe avec les réalités du terrain. C’est cela qui fonde notre volonté d’améliorer les installations, de les rendre plus fiables encore et capables de relever les défis des années à venir.

Toutes générations confondues, ce sont plus de 1 500 hommes et femmes qui ont construit la centrale, en ont assuré le fonctionnement. Agents EDF et partenaires industriels, ce sont encore eux qui l’ont fait évoluer pour la fiabiliser, la rendre toujours plus performante, sûre et respectueuse de son environnement naturel et urbain. Aujourd’hui, la centrale est souvent considérée comme faisant partie du patrimoine industriel de l’estuaire de la Loire, dont la valeur écologique, économique et touristique, n’échappe à personne.

Depuis 1966, ce n’est pas une histoire mais de multiples histoires qui se sont déroulées sur le site de la centrale. En éditant ce livre à l’occasion de notre quarantième anniversaire, nous vous invitons à retrouver ou à découvrir ces souvenirs au fil du temps, au fil des pages, dont beaucoup restent à écrire.

Denis Florenty Directeur de l’Unité de Production de Cordemais

Remerciements Du

projet

en

1966 - 1973 à la

10

mise

service industrielle La construction d’une tranche, c’est toujours une aventure.

1970

Ouvrage réalisé sous la direction de Denis Florenty, Directeur de l’Unité de Production de Cordemais. Coordination : Edith Fiolleau et Catherine Baumann. Ce livre n’aurait pu voir le jour sans la contribution de nombreux témoins. Hommes et femmes, jeunes agents et plus anciens, en activité ou retraités, partenaires ou institutionnels, tous ont bien voulu prendre le temps, quelques instants ou de longues heures, pour fouiller leur mémoire et leurs tiroirs et nous permettre de vous raconter l’histoire de la centrale, leur histoire. Nous leur adressons nos plus chaleureux remerciements pour leur sourire, leur sensibilité, leur disponibilité : leur bon accueil ! Grégory Bazot, Nathalie Bertret, Nathalie Buatois, Philippe Charreyre, François Demoulin, Maxime Deniaud, Serge Doceul, Mathieu Dromard, Estelle Etienne, Philippe Gabriel, Jean-Pierre Guillet, Francis Harrosaren, Henri Jestin, Jean-Louis Kérouanton, Anne Le Déault, Christophe Le Drogo, Patrice Mainguy, Nathalie Mallard, Jean-Marc Maudet, Jean-Yves Menguy, Pascal Nicoullaud, Daniel Pedeau, Alain Péron, Josiane Rabu, Jean Renneteau, Christophe Sey, Elodie Vincelot, Philippe Violin, Jean Voisin. Jean Daubigny, Préfet de la région des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique. Jean-Marc Ayrault, Député de la troisième circonscription de Loire-Atlantique, Maire de la ville de Nantes. Joël Geffroy, Maire de la ville de Cordemais.

1973 - 1985 D’une au

configuration‘‘tout

développement du

fioul’’

charbon

Quand le prix du fioul a monté, le charbon est devenu plus intéressant.

20

Sommaire 56

A partir de 2008

Enjeux et

30

1985 - 1995 Un

perspectives

2010

Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible.

fonctionnement en semi-base et pointe

A. de Saint-Exupéry

Nous faisions ce qu’on appelle de la dentelle.

Loire

1995 - 2008 Des

investissements la sécurité, la santé, au service de

l’environnement

Le site retrouvait les activités de construction qui avaient marqué son histoire pendant près de 20 ans.

38

Conclusion

83

La centrale au fil du temps

84

Sources 

89

Crédits

91

DU pROJET A LA MISE EN SERVICE INDUSTRIELLE | 1966 - 1973

Construction de la table de la turbine (octobre 1967). 10

Du

projet

en

à la

mise

service industrielle La construction d’une tranche, c’est toujours une aventure.

1968 Construction de la première cheminée

23 décembre 1970 Premier couplage de la tranche 1 au réseau

1966 Autorisation officielle de construction

1973

1967 Fondations de la tranche 1 (fioul)

Fondations des tranches 2 et 3 (fioul)

24 mai 1971 Inauguration de la centrale de Cordemais 25 ans du groupe EDF

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 11

DU pROJET A LA MISE EN SERVICE INDUSTRIELLE | 1966 - 1973

La Loire, source indispensable de refroidissement. Les îles de la Calotte (au premier plan) et de la nation (mars 1968).

L

a centrale thermique de Cordemais fut au rang des premières par sa puissance et son niveau de technologie : « avec la centrale de Cordemais, nous passions un palier de puissance » 1. En effet, comme Porcheville mise en service en 1968, la tranche 1 de Cordemais est capable de produire 600 MW. Cette volonté stratégique de développer la production thermique s’inscrit dans un contexte de croissance forte de la demande d’électricité : à la fin des années 60, on estime en effet que la consommation d’électricité en France double tous les dix ans. Il faut impérativement répondre à ce besoin et même anticiper son évolution. Le groupe EDF se lance dans un vaste programme de construction de centrales, réparties sur tout le territoire français. Mds de kWh

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0

1946

1956

1966

1971

Evolution de la production électrique en France de l’après-guerre au début des années 70.

1

12

2

Dans l’Ouest, les villes de Nantes et Saint-Nazaire se développent elles aussi. Par exemple, pour la seule agglomération nantaise, la population est passée de 266 000 habitants en 1930 à 363 000 en 1960. Trente ans plus tard, elle atteindra presque les 500 000 habitants 2. Les besoins en électricité suivent cette croissance démographique, à laquelle les industries contribuent fortement : alimentaires et agroalimentaires (Saupiquet, Biscuiterie Nantaise…), chimie lourde des engrais (Grande-Paroisse, Réno…), métallurgie et construction mécanique, et bien sûr industries énergétiques avec la raffinerie de Donges, le terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne, sans oublier les chantiers navals, à Nantes et Saint-Nazaire. Assez vite, la commune de Cordemais est choisie. Ainsi la future centrale sera aux portes du grand Ouest, à mi-chemin entre Nantes et Saint-Nazaire, à proximité immédiate de son fournisseur, la raffinerie de Donges : à l’époque, le principal combustible des centrales thermiques est le fuel-oil lourd ; le choc pétrolier de 1973 n’a pas encore eu lieu… Sur la commune de Cordemais, l’île de la Calotte et l’île de la Nation accueilleront la construction. Cette insularité va faciliter l’implantation de l’outil, notamment pour tout ce qui concerne les circuits d’eau de refroidissement.

Les citations sont issues des entretiens avec les témoins mentionnés dans les remerciements. Les sources documentaires figurent page 89.

Une position strategique « Le problème avec l’électricité, c’est que ça ne se stocke pas ; et pourtant, tous les clients en veulent jour et nuit. Il faut la produire en temps réel ». Ce témoignage d’un ancien agent EDF résume à lui seul l’enjeu spécifique à la production d’électricité. Implantée entre Nantes et Saint‑Nazaire pour répondre au mieux aux besoins des clients, la centrale thermique de Cordemais assume aujourd’hui encore une position stratégique dans le réseau électrique de l’Ouest.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 13

DU PROJET A LA MISE EN SERVICE INDUSTRIELLE | 1966 - 1973

Tranche de

vie

Jean-Pierre Guillet, agent EDF de 1961 à 1989, d’abord à Cheviré puis à Cordemais. Electricien de maintenance, Jean-Pierre Guillet a été détaché à la direction de l’Equipement d’EDF en 1969 et 1970, pour la construction de la centrale de Cordemais. Je travaillais à la centrale de Cheviré lorsque nous avons entendu parler du projet de la centrale de Cordemais. Comme le bâtiment administratif était en construction, le poste de commandement a dans un premier temps été installé à Cheviré, dans la grande salle de l’ancien tableau  2. Il y avait le chef de centrale, son adjoint, le chef du personnel, les contremaîtres principaux, les chefs de service, les secrétaires. Tout le monde était installé là, à part peut-être le patron qui avait un petit bureau. Cela a duré des mois, peut-être un an. Et pendant ce temps là, le chef de centrale et son équipe embauchaient petit à petit ceux qui allaient être les techniciens de Cordemais. J’ai postulé comme technicien, j’étais alors ouvrier professionnel. Je me suis dit que j’avais toutes mes chances car les chaudières de Cheviré étaient les mêmes, en plus petit, que celle de la tranche qui allait être construite à Cordemais : 250 MW à Cheviré contre 600 MW à Cordemais. J’ai été reçu en entretien par mon patron de l’époque et le premier patron de Cordemais, M. Mossé, et j’ai été retenu. En attendant que les logements soient prêts, nous venions de Cheviré en bus tous les jours. C’était un peu compliqué : quand on fait des essais, on fait du rab, on loupe le bus. Dés que cela a été possible, nous nous sommes installés avec nos familles à Savenay, dans la cité du Prince Bois, dans une petite maison avec un bout de pelouse ; on était bien. 2

14

 l’époque, les commandes centralisées de la chaudière et de la turbine A n’intégraient pas la partie électrique, assurée par un « tableautiste » ou « tableautier ».

23 décembre 1970, premier couplage de la tranche 1 au réseau : « Attention pour couplage. Tranche… couplée ! » 

E

n 1970, la construction des centrales est prise en charge par la direction de l’Equipement d’EDF, des fondations jusqu’aux derniers essais. Chaque élément de la centrale est alors mis en route, testé, monté en puissance progressivement, sous la surveillance des ingénieurs et techniciens qui perçoivent la moindre vibration anormale, le moindre dysfonctionnement. « L’effervescence est particulière : le personnel de l’Equipement est là pour s’assurer que tout

fonctionne bien avant de remettre les clés de la centrale aux exploitants. Et puis à un moment, on entend dire : ‘‘le couplage, c’est pour demain, c’est sans doute pour demain’’ ». La centrale est alors prête à fournir au réseau son premier kilowattheure. Il faut pour cela ‘‘coupler’’ l’alternateur au réseau : pour les agents EDF comme pour les prestataires, c’est un aboutissement, « comme un paquebot qu’on met à l’eau ». Dans la salle de contrôle, c’est l’affluence : « il n’y a pas où passer,­ même si les gens de l’Equipement font un peu la guerre : ‘‘pas trop de monde, pas trop de monde !’’ ». L’opération est délicate car elle nécessite un parfait phasage entre le groupe turboalternateur et le réseau, sous peine de « casser tout le bazar ». Des automatismes existent bien sûr, mais pour le premier couplage, l’opération se fait manuellement. Lorsque l’objectif est atteint (machine à trois milles tours, tension réglée et synchronoscope à zéro), le chef de bloc « appuie sur le bouton » qui ferme un gros interrupteur appelé ‘‘coupleur’’. Avec le couplage de sa tranche  1, la mise en service de la centrale de Cordemais a lieu le 23 décembre 1970 à 10h54. Le palier thermique des 600 MW est alors à la pointe des possibilités techniques françaises. La pleine puissance sera atteinte le 22 janvier de l’année suivante.

Une marraine et du champagne A la centrale de Cordemais, les turbines sont toutes associées au nom de leur marraine. Celle de la première turbine se prénommait Josiane. Elle était la plus jeune de l’équipe et c’est la raison pour laquelle le responsable du projet, Monsieur Rousset, l’avait choisie. « J’avais 21 ans, je travaillais au standard et à l’accueil de l’Equipement. Ce n’est qu’au moment du couplage que j’ai appris que je serai la marraine de la turbine ! Le secret avait été bien gardé... J’ai été très surprise, mais aussi très touchée ». La turbine avait également un parrain, un collaborateur de la Compagnie électromécanique (CEM). Après le couplage avec toutes les équipes, la direction de l’Equipement a offert le champagne : « Ce jour là, la fête s’est terminée très tard, vers deux ou trois heures du matin ». Il est possible que cette tradition soit issue de la marine. En effet, les premiers exploitants du thermique classique étaient souvent des anciens de la Marine nationale : « après quinze ans de service, les gars étaient de jeunes retraités. Ils connaissaient les bateaux et leurs chaudières. Les équipements des centrales étaient un peu semblables, en plus gros ! D’ailleurs avant, à l’Exploitation, on parlait de ‘‘chef de quart’’, de ‘‘chef de bloc’’ ; il s’agit là aussi d’expressions issues de la marine ».

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 15

DU PROJET A LA MISE EN SERVICE INDUSTRIELLE | 1966 - 1973

Les fondations (juillet 1967). Ensemble du bloc usine, bâtiment administratif, magasin, ateliers et installations de chantiers.

De gauche à droite : bâtiment administratif, table du groupe turboalternateur et structure support de la chaudière (avril 1968).

L

es fondations sont réalisées en 1967. La construction de la centrale de Cordemais représente à l’époque un investissement de 480 millions de francs. Le tiers des marchés est attribué à des entreprises régionales pour des opérations de génie civil ou la construction de la chaudière (entreprise Babcock-Atlantique).

16

De gauche à droite : deux bacs fioul, cheminée, chaudière, magasin, ateliers et bâtiment administratif (mars 1969).

Septembre 1969.

L’architecte principal du projet est Michel Homberg : déjà architecte de la centrale de Cheviré, il sera membre du groupe de travail sur l’architecture des centrales nucléaires dans le milieu des années 70.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 17

DU pROJET A LA MISE EN SERVICE INDUSTRIELLE | 1966 - 1973

A

près quasiment six mois d’exercice, la turbine a déjà fourni 500 millions de kilowattheures. La centrale compte 120 agents ; elle est officiellement inaugurée le 24 mai 1971 à l’occasion des 25 ans du groupe EDF. Les personnes présentes sont saisies par la démesure de l’équipement : des kilomètres de tuyaux et de tubes, un impressionnant turboalternateur de 50 mètres de long, une chaudière aussi haute que l’Arc de Triomphe (50 mètres), suspendue à 70 mètres de haut, à une charpente de 5 000 tonnes, et du combustible qui arrive de Donges par un oléoduc qui dessert également la centrale de Cheviré, à Nantes.

Le premier groupe de la centrale thermique de Nantes-Cordemais inauguré hier NANTES. — Haute de 150 mètres, la cheminée rouge et blanche de la centrale thermique de Cordemais domine la vallée de la Loire depuis l’île de la Calotte où elle trouve ses assises à 30 kilomètres à l’aval de Nantes. E.D.F. a choisi d’inaugurer ce premier groupe — qui en comportera 6 ou 8 — à l’occasion des fêtes de son 25e anniversaire. Un train spécial a amené hier de Paris à Cordemais d’importantes personnalités du monde économique, qui ont suivi dans une visite instructive MM. Olivier Guichard, mis à l’honneur

Ouest France (25 mai 1971).

18

en tant que premier délégué à l’aménagement du Territoire  ; Delouvrier, président du conseil d’administration d’E.D.F. ; Boiteux, directeur général. Cordemais porte à 5 le nombre des centrales implantées sur le territoire de la région de Nantes. Les autres sont la centrale thermique de Brest (70 mégawatts), la centrale nucléaire des Monts d’Arrée (70 MW), la centrale marémotrice de la Rance (240 MW) et enfin la centrale thermique de NantesCheviré (845 MW). Dans cette dernière, six groupes sont installés dont les deux plus récents mis en service en 1968 et

1969 développent chacun une puissance de 250 MW. On voit à la lumière de ces chiffres le bond réalisé avec le groupe de Cordemais, ce « palier thermique des 600 MW » étant comme on le fait remarquer à l’E.D.F., à la pointe des possibilités techniques françaises. Tout laisse à penser, a déclaré hier M. Delouvrier, que la deuxième tranche de Cordemais — un groupe d’une puissance de 700 MW démarrera en 1972. Une troisième tranche est espérée avant la fin du VIe Plan, elle-même suivie d’autres étapes qui pourraient être à vocation nucléaire.

Construction de la chaudière de la tranche 1 (février 1969).

1970

600 MW La tranche 1 a un bon rendement : il est prévu de lui donner une petite sœur, construite à l’identique. C’est dans cette perspective qu’elle a été dotée d’une salle de contrôle double. Mais en ce tout début des années 70, le prix du pétrole est si bas qu’il est jugé plus intéressant de construire des tranches moins sophistiquées, qui consommeront peut-être un peu plus de fioul mais seront moins onéreuses à la construction. C’est dans cette optique que seront conçus les plans des tranches 2 et 3 de Cordemais, dont les fondations seront posées à partir de mars 1973. Elles devaient être les premières d’un palier de quarante tranches identiques, réparties sur tout le territoire : c’était sans compter le choc pétrolier d’octobre 1973.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 19

D’UNE CONFIGURATION TOUT FUEL AU DEVELOppEMENT DU ChARbON | 1973 - 1985

Parcs à combustibles : au premier plan les bacs fioul, au second plan le parc à charbon (septembre 1981).

20

D’une au

configuration‘‘tout

développement

du

fioul’’

charbon

Quand le prix du fuel a monté, le charbon est devenu plus intéressant. 1976 Mise en service des tranches 2 et 3 (fioul)

1983 Mise en service de la tranche 4

Avril 1981- Novembre 1982 Transformation de la tranche 1 du fioul au charbon

Octobre 1973 Choc pétrolier

1984 1979 Fondations des tranches 4 et 5 (charbon)

Mise en service de la tranche 5

1982 Mise en service du parc à charbon

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 21

D’une configuration tout fuel au dEveloppement du charbon | 1973 - 1985

L

es 16 et 17 octobre 1973, pendant la guerre du Kippour, les pays arabes membres de l’OPEP annoncent un embargo sur les livraisons de pétrole contre les Etats « qui soutiennent Israël ». Leurs revendications portent notamment sur une augmentation spectaculaire du prix du brut (plus précisément, la quote-part du prix leur revenant) et sur le contrôle absolu des niveaux de production afin de maintenir un prix ‘‘de pénu­rie’’. En quelques semaines, le prix du baril de pétrole passe de 3 à 18 dollars, obligeant le groupe EDF comme beaucoup d’autres industries, à revoir sa stratégie de développement. Le destin de la centrale de Corde­mais allait en être changé radicalement. Mais dans l’immédiat, les fondations des tranches fioul ont commencé : la construction des nouvelles unités ira à son terme.

Après les fondations en 1973, la construction des tranches 2 et 3 commence en 1974.

22

Construction de la cheminée des tranches 2 et 3. A gauche, station de pompage (juillet 1974).

Tranche de

Initialement, la tranche 2 devait être prête six à douze mois avant la tranche 3. Mais lors des essais, un problème de rotor contrarie la mise en route : « nous venions de lancer la turbine, elle était montée à 3 000 tours et nous commencions à aimanter le rotor. La tension grimpait correctement, nous étions à 20 000 volts quand tout d’un coup, une alarme s’est déclenchée sur le pupitre : ‘‘Masse rotor’’ ! ». Cette alarme indiquait que la bobine électrique du rotor était ‘‘à la masse’’. Impossible quand on sait que tout est parfaitement isolé… Sur place, les ingénieurs et techniciens n’y croient pas, envisagent toutes les solutions, y compris un problème de réglage des relais. Mais finalement, les électriciens enlèvent les balais graphites pour accéder au rotor, prennent leur magnéto et posent leur diagnostic : « Zéro, il est fichu ». Le rotor quasiment neuf, qui n’avait jamais tourné que pour les essais, était défaillant. « Comme le rotor de la tranche 3 était arrivé mais pas installé, nous l’avons pris pour le mettre dans la tranche 2 ; il a fallu démonter le rotor défectueux, installer le nouveau, et refaire tous les essais… ».

vie

Joël Geffroy, maire de la ville de Cordemais depuis 2003, conseiller municipal depuis 1989, cordemaisien depuis 1973. La construction des tranches 2 et 3, c’était un peu la ‘‘ruée vers l’Ouest’’. C’était une période euphorique au cours de laquelle énormément de personnes sont arrivées sur Cordemais. Vous n’aviez pas un endroit ni une cour de ferme où il n’y avait pas de caravanes ! Tout comme dans les campings. Il a aussi fallu installer des préfabriqués dans les écoles. Il y avait du monde partout ! Tout le commerce vivait très très bien. Dans les fermes, on vendait le lait, les œufs. Il y avait un bazar (qui existe toujours) qu’on appelait « Le p’tit Decré », en référence à la grande surface de Nantes. Il était tenu par Marguerite. Elle y vendait de l’air liquide, des écrous, des boulons… Tout, on trouvait de tout ! Marguerite était quelqu’un d’assez exceptionnel. Elle discutait avec tout le monde : pendant ce temps là, chacun attendait, patiemment. Marguerite racontait sa vie et écoutait la vôtre… Quand vous aviez besoin de quelque chose de particulier, elle montait dans son grenier en disant : « je crois que j’ai ça » et elle revenait effectivement avec ce dont vous aviez besoin. Pour le règlement, elle ouvrait une de ses deux grandes boîtes dans lesquelles se trouvaient tous les carnets à souche des entreprises. Elle notait ce que vous aviez acheté : trois boulons, une bouteille de gaz, etc. et elle envoyait la facture à l’entreprise. Au fil du temps, des amitiés se sont créées entre les nouveaux arrivants et les cordemaisiens ‘‘de souche’’. Mais au début, ce n’était pas si évident. On peut même parler d’un choc culturel : Cordemais était un village rural essentiellement tourné vers l’agriculture. Les premières tranches de la centrale ont complètement modifié sa démographie. Pendant tout un moment, il y a eu un peu un clivage entre les anciens et les nouveaux, entre les cordemaisiens et les agents EDF, qui arrivaient avec leur vision des choses, leur niveau de salaire, et parfois leurs revendications. Le temps et la connaissance mutuelle ont ensuite lissé tout cela. Aujourd’hui, la centrale est parfaitement intégrée dans le paysage et dans la ville… A tel point que je suis souvent obligé de rappeler que Cordemais, ce n’est pas que la centrale…

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 23

D’une configuration tout fuel au dEveloppement du charbon | 1973 - 1985

Ci-dessous et ci-contre, arrivée et déchargement du réservoir chaudière (juin 1974).

C

’est ainsi que les tranches 2 et 3 démarrent à quelques semaines d’intervalle seulement, le 26 octobre­1976 pour la tranche 2 et le 17 décembre pour la tranche 3. Elles atteindront leur pleine puissance le 24 avril et le 9 mai 1977.

24

1976

2000 MW Ci-dessus, tranches 2 et 3 en construction (février 1975).

La pleine puissance ne sera pas le rythme de croisière des tranches fioul. Pour en comprendre les raisons, il faut revenir à l’économie  : en 1974, à la suite de la crise pétrolière, la facture énergétique de la France a été multipliée par quatre : le pays se tourne vers­­l’électricité nucléaire et annonce la construction de treize centrales en deux ans. Dès 1977, la première tranche de Fessenheim (Alsace) est mise en service, l’objectif étant qu’à terme, «  l’électricité soit produite en base par le nucléaire, le charbon venant en complément, essentiellement pour la saison hivernale, le fuel n’étant appelé qu’exceptionnellement, pour passer les pointes de forte consommation ». Mais dans l’Ouest, les projets de Plogoff, du Pellerin puis du Carnet ne se concrétiseront pas, renforçant le rôle stratégique de la centrale de Cordemais dans l’alimentation de la Bretagne et des Pays de la Loire. « La situation géographique de nos régions, excentrées, éloignées des centres de production, les fragilise sur le plan de leur approvisionnement électrique.

Notre territoire est ainsi une zone de tension du point de vue énergétique . [...] La centrale de Cordemais a encore de beaux jours devant elle » : c’est en ces termes que s’exprimait Jean‑Marc Ayrault, député de la circonscription, maire de Nantes, le 16 septembre 2010 à l’occasion du quarantième anniversaire de la centrale. En attendant la mise en service des ­centrales du parc nucléaire, et pour faire face à l’augmentation de la consommation, les tranches fioul ‘‘assurent le relais’’, bientôt aidées par les tranches charbon. En effet, dans les années qui suivent, la c ­entrale de Cordemais oriente ses équipements d’exploitation vers la production charbon, et lance pour cela de nombreux chantiers : la mise en construction de deux tranches charbon (novembre 1979) et du parc à charbon (octobre 1980) ; le lancement de travaux de modification de la tranche 1 pour qu’elle puisse fonctionner elle aussi au charbon (avril 1981).

Plogoff, Le Pellerin, Le Carnet : « meme combat ». Du milieu des années 1970 à 1997, la Loire-Atlantique et le Finistère sont le terrain d’une mobilisation forte : pétitions, enquêtes publiques repliées dans des camionnettes baptisées "Mairie annexe", et protégées par des garnisons de CRS, registres d’enquête publique brûlés, démissions de conseils municipaux, fêtes anti-nucléaires… Les projets seront abandonnés les uns après les autres : Plogoff en 1981 puis le Pellerin en 1983 et enfin le Carnet en 1997. Mais les besoins en électricité demeurent : la production de la centrale thermique à flamme de Cordemais y répond en partie.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 25

D’une configuration tout fuel au dEveloppement du charbon | 1973 - 1985

Ci-dessus, construction des tranches 4 et 5  (1982).

Le parc à charbon est « une grande étendue à ciel ouvert, avec des milliers de tonnes de charbon acheminés jusqu’aux chaudières par un jeu d’aiguillages, de tapis et de roues pelles ». D’une capacité de 600 000 tonnes et d’une superficie de 7,168 hectares, il est un peu plus grand que neuf terrains de football ! Les travaux commencent fin 1979, sur la base de plans réalisés par les services Ingénierie d’EDF. En janvier 1982 ont lieu les premiers essais : « il y avait forcément un peu de décalage entre le modèle théorique tel qu’il figurait sur le plan, et sa traduction dans les faits. Après les essais, nous avons donc procédé à des modifications et en novembre 1982, nous étions prêts à accueillir le premier train de charbon ». En haut, construction de la salle des machines de la tranche 4 (novembre 1980). Ci-dessus, construction de la station de pompage des tranches 4 et 5 (septembre 1981).

26

« Le charbon, il faut le sentir. » Quel que soit le combustible, l’électricité est produite par la force de la vapeur, elle-même produite par la combustion de fioul ou de charbon. Pas de différence fondamentale à première vue, mais à première vue seulement. Dans les faits, le charbon nécessite quelques manipulations : avant d’être brûlé, il est broyé et réduit en farine, puis mélangé à de l’air (on parle de ‘‘charbon pulvérisé’’). Selon son origine, ses caractéristiques varient : il n’a pas le même pouvoir calorifique, est plus ou moins dur, produit davantage ou moins de résidus, etc. « Il faut tenir compte de ces paramètres pour les opérations de broyage, de mélange et de chauffe. Les gars du charbon ont l’habitude : par exemple, si le mélange est trop mouillé et qu’il se colle aux parois des broyeurs, ils en reconnaissent le bruit. » Fin de la construction du parc à charbon (juin 1982).

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 27

D’une configuration tout fuel au dEveloppement du charbon | 1973 - 1985

Le charbon livré à la centrale vient d’Amérique ou d’Afrique, via Montoirde-Bretagne, à quelques kilomètres. Il est tout d’abord acheminé par rail à raison de 1 500 tonnes par train. Ensuite « comme la capacité des trains ne suffisait plus, un appontement charbonnier a été installé, mi-1984 ». Dès lors, le fleuve prend l’avantage sur le rail. Outre une capacité supérieure (5 000 tonnes pour une barge contre 1 500 pour un train), ces conditions d’acheminement sont également plus faciles à gérer.

Roue pelle du parc à charbon (avril 1982). 

Entre avril 1981 et novembre 1982, la tranche 1, tranche historique de la centrale, est arrêtée pour être transformée en tranche charbon : « la combustion au charbon réclame des chambres de combustion bien plus importantes que la combustion au fioul  ; mais techniquement, la tranche 1 pouvait supporter une telle modification. Il a donc été demandé à BabCok-Atlantique, le constructeur, de procéder à cette reconversion. Tous les brûleurs fioul ont été remplacés par des brûleurs charbon ; des broyeurs ont été ajoutés (pour pulvériser le charbon) ainsi que la partie contrôle commande qui allait avec ». L’ensemble du site est impacté : les structures d’acheminement du charbon ainsi que le circuit de récupération des cendres sont créés pour desservir la tranche 1. Locotracteur au parc à charbon (juillet 1982). L’approvisionnement par barge sera privilégié à partir de 1984. 28

1984

3110 MW

Beaucoup d’entreprises sont mobilisées ; le chantier est colossal et réserve quelques surprises : « quand on a relancé au charbon, l’alternateur a explosé ! On en a repris pour six mois… ». Finalement, après un an et demi de travaux, « les hommes ont réalisé une véritable prouesse technique » et la tranche 1 est en ordre de marche. Après la mise en place du parc à charbon et la transformation de la tranche 1 en 1982, les tranches 4 et 5 sont mises en service en novembre 1983 et octobre 1984. Avec 3 110 MW de puissance installée, la centrale thermique à flamme de Cordemais est alors la plus importante de France ; elle représente environ 15% de la puissance du parc thermique classique EdF.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 29

UN FONCTIONNEMENT EN SEMI‑bASE ET pOINTE | 1985 - 1993

30

Un

fonctionnement en semi-base et pointe Nous faisions ce qu’on appelle de la dentelle.

12 janvier 1987 Effondrement du réseau sur le grand Ouest

Novembre 1990 Vingtième anniversaire de la centrale de Cordemais

1985 Année charbon

1993

1986 Fermeture de la centrale thermique de Cheviré

Cap du milliard de kWh franchi par la centrale de Cordemais

1991 Record de production (9,6 TWh) de la centrale de Cordemais

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 31

UN FONCTIONNEMENT EN SEMI‑bASE ET pOINTE | 1985 - 1993

E

1985 : ANNEE ChARbON En raison du coût du combustible, les tranches charbon sont démarrées avant les tranches fioul. 1985 est dite « l’année charbon », avec 1 600 000 tonnes de charbon consommées, deux fois plus que l’année précédente. Cela se traduit par une très nette réduction de l’utilisation des tranches 2 et 3.

32

n 1985, le nucléaire et l’hydraulique ‘‘au fil de l’eau’’ représentent déjà 81% de l’électricité produite et fonctionnent en permanence  : c’est la base. Le thermique est positionné sur les besoins de semi-base et pointe  ; il fonctionne lorsque la demande des clients est supérieure à la production de base.

car les trois années qui suivent ‘‘l’année charbon’’, la production globale de Cordemais ne cesse de diminuer. La part relative de la production fioul décline elle aussi : pour les équipes fioul, les interrogations quant à l’avenir sont encore plus fortes.

Cette évolution se traduit dans les programmes de production : les tranches sont désormais appelées, arrêtées, redémarrées en fonction de la demande : « nous faisions ce qu’on appelle de la dentelle  ; c’était une nouvelle façon de travailler, plus exigeante pour le matériel qui, à la base, n’était pas prévu pour ça ».

PRODUCTION NETTE DE CORDEMAIS ET PART DU FIOUL DANS CETTE PRODUCTION

Elle se traduit également dans le mode de fonctionnement des agents du thermique  : « notre raison d’être, c’est d’être disponibles et réactifs quand on nous appelle. Si les tranches tournent, c’est qu’on a besoin de nous pour que des gens ne soient pas dans le noir. Il faut donc que nous soyons prêts le jour et le moment où on nous appellera. A certaines périodes de l’année, c’est une tension permanente : nous devons être capables de nous mobiliser très vite pour faire face à n’importe quel coup dur pour que la production soit assurée. » Mais cet engagement et ce fonctionnement en « mode pompier » ou « mode héroïque » n’empêchent pas les hommes de se poser des questions,

Production nette annuelle en GWh 10 000

7 500

5 000

2 500

0 1983

1984

1985

Production nette

1986

1987

1988

1989

1990

1991

Part du fioul

Après l’année charbon, tandis que la production d’énergie nucléaire augmente de 50%, la production globale de Cordemais diminue. La courbe repartira à la hausse en 1989 jusqu’en 1991, en raison d’une « politique volontariste à l’exportation et d’une croissance importante de la consommation d’électricité ».

C’est dans ce contexte qu’en 1986, la centrale de Cordemais comme d’autres centrales du parc EDF, intègre de nouveaux agents. Ils viennent d’horizons différents mais tous ont un point commun : le fait d’avoir vécu le déclin voire la fermeture de leur outil de travail. Au plan national, tout d’abord : certaines industries comme les Charbonnages de France, sont en difficulté. Les établissements d’extraction ferment les uns après les autres : afin de favoriser la mobilité du personnel, différentes mesures sont proposées dont des reconversions à EDF. Au même moment (1982 et années suivantes), au sein de l’entreprise, le palier des tranches 125 MW (fioul et charbon) est progressivement mis à l’arrêt. Dans la région nantaise, le site de Cheviré est concerné : les derniers agents le quitteront entre 1985 et 1986. Globalement, un tiers des agents de Cheviré rejoindra la centrale de Cordemais.

Au plan régional, c’est aussi à ce moment là que se tourne une page de l’histoire de la construction navale nantaise, avec en 1987 le départ du Bougainville, dernier bateau construit par les chantiers Dubigeon. On imagine aisément l’état d’esprit de ces nouveaux agents, empreint de regret et de nostalgie, au moins dans un premier temps. « Leur arrivée à la centrale de Cordemais ne relevait pas d’un choix. Bien souvent, ils sortaient d’une période où l’activité sur leur site d’origine était ralentie. Nous, nous étions sur notre production, avec un outil plus moderne. Cela n’a pas toujours été facile ». C’est donc dans une certaine inquiétude liée à l’activité même, et avec un collectif différent, que la vie de la centrale se poursuit avec ses traditions et moments de fête, mais aussi ses coups durs.

La vieille centrale Poème rédigé en 1985 par un ancien chef de bloc de la centrale de Cheviré, Henri Guillet « Arrachés un à un à la vieille centrale Qui pour eux, du progrès, était la cathédrale. Ils s’en vont à regret vers d’autres horizons Tirés par l’avenir, poussés par la raison. Car de notre Maison, les plus hautes instances Ont mis, de Cheviré, un terme à l’existence En alléguant, pour mieux justifier l’abandon, Sa vétusté, son coût, le succès des neutrons… » Une centrale et ses hommes, histoire de Cheviré. Editions ACL Centrale thermique de Cheviré (1965). CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 33

un fonctionnement en semi-base et pointe | 1985 - 1993

L

e 12 janvier 1987 par exemple… Depuis quelques jours, une vague de froid s’est abattue sur la France ; il est 11h00 ce lundi matin et soudain, dix-neuf départements de l’Ouest se retrouvent sans courant. Dans le jargon des électriciens, c’est ce qu’on appelle un black out. Pour certains, cela durera jusqu’à 20h00. Raymond Calle, alors chef de la centrale, s’exprimait en ces termes : « en trois quarts d’heure, de 10h30 à 11h15, nous avons cumulé tous les pépins. Le froid, et surtout le vent glacial, nous ont fusillés. Mais la vraie poisse, c’est que sur les cinq tranches, deux ont ‘‘déclenché’’ à cause du froid, et les trois autres pour des raisons techniques, totalement indépendantes ».

En effet, la tranche 5 avait déclenché 3 la veille en raison du gel d’une bouche d’alimentation en eau ; puis ce fut le tour de la tranche 2, toujours à cause du gel, celui d’un capteur. Pourtant, les agents n’économisent pas leur peine : « on y a passé des jours et des nuits avec des chalumeaux, des moyens de production de chaleur, pour essayer de réchauffer les niveaux. Mais à l’époque, les installations n’étaient pas calorifugées à l’extérieur : les circuits gelaient ». Ensuite, des ennuis techniques sans lien avec le froid provoquent l’arrêt des tranches 1 et 3 : explosion du coupleur

34

3

de la tranche 1 et incendie sur la tranche 3, provoqué par une fuite de fuel sur des tuyauteries. Devant les sollicitations excessives, la tranche 4 finit elle aussi par déclencher : la protection de l’alternateur a fonctionné.

1985 : UN HIVER DEJA RIGOUREUX

Dès lors, les choses vont très vite : pour satisfaire la demande d’électricité (en période de grand froid…), il manque désormais les 3 110 MW de Cordemais. Sur le réseau de distribution, la fréquence passe de 50 à 49 hertz : un hertz de différence qui nécessite une coupure d’électricité pour 20% du pays, le seul moyen pour EDF de mettre en sécurité le reste du réseau. « Le délestage EDF de lundi : c’était l’Ouest où la panne générale », titrait Ouest France deux jours plus tard. Lorsque ces incidents surviennent, un mouvement de grève est en cours : «  mais à l’Exploitation, nous étions grévistes sans l’être  : s’il y avait un incident, on y allait. Le 12 janvier 1987, nous étions tous dans la salle de commande de la tranche 1 quand les incidents ont commencé : nous avons pu réagir tout de suite ». Dans les mois qui suivront, un véritable plan d’actions correctives sera déployé, pour un montant global de 30 millions de francs.

On dit d’une tranche qu’elle déclenche lorsqu’elle se découple du réseau.

Station de pompage de la tranche 1. A l’arrière-plan, bac fioul.

Une panne d’une telle ampleur ne s’est jamais reproduite mais aujourd’hui encore, lorsque les grands froids arrivent, la vigilance est permanente : chacun sait qu’il doit réagir vite. Dans l’Ouest, en amont des périodes hivernales, un plan de coordination est mis en place par les autorités préfectorales. Avant l’hiver et ses pics de consommation, le Préfet de la zone de défense réunit les représentants des producteurs d’électricité, du transport et de Météo France. Chacun explique son organisation interne, ses schémas d’alerte et procédures d’urgence. Si la situation le nécessite, c’est également le Préfet qui pilote l’action, en s’appuyant sur les responsables de chaque site.

Zone de defense Il existe sept zones de défense. A leur tête se trouvent les préfets de zone (également préfets de la région et du département chef-lieu de la zone). Les zones de défense ont notamment pour mission l’élaboration des mesures non militaires de défense et la coopération avec l’autorité militaire, ainsi que la coordination des moyens de sécurité civile.

BASSE NORMANDIE

Hte NORMANDIE

BRETAGNE

CORDEMAIS

PAYS DE LA LOIRE

CENTRE

La centrale de Cordemais est établie sur la zone de défense Ouest, qui comprend les vingt départements des régions Bretagne, Pays de la Loire, Centre, Haute-Normandie et Basse-Normandie. Equipements pris dans la glace.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 35

un fonctionnement en semi-base et pointe | 1985 - 1993

Une tradition qui a marquE la mEmoire collective : la Saint Eloi Dans les centrales, le travail du métal est omniprésent. C’est la raison pour laquelle les agents ont longtemps fêté Saint Eloi, patron des chaudronniers, forgerons, serruriers, armuriers, orfèvres, maréchaux-ferrants… qui tous travaillent le métal. A la centrale de Cordemais, la Saint Eloi n’est plus célébrée comme par le passé. Les fêtes organisées ont néanmoins laissé dans la mémoire collective de vifs souvenirs et beaucoup de nostalgie... « Nous allions ouvrir les coquilles Saint-Jacques le matin pour le soir. Au début, tout le monde venait faire la fête, c’était comme une grande famille. Et puis petit à petit, le site s’est agrandi et il est devenu plus difficile de retrouver cet état d’esprit ». D’après sa Vita rédigée par Saint Ouen, Saint Eloi serait né vers 588 à Chaptelat, près de Limoges. Au service de Bobbon, orfèvre du roi, il se voit confier la réalisation d’un trône d’or orné de pierres précieuses pour le roi Clotaire II, père de Dagobert. « Eloi se hâta de commencer l’ouvrage, y travailla avec ardeur et le termina en peu de temps. Mais il arriva que l’or qu’on lui avait confié pour un seul ouvrage servit à en faire deux. […] Clotaire fit paraître une grande admiration et demanda au jeune orfèvre comment il avait pu accomplir ces deux ouvrages avec la matière destinée à un seul. Et comme Eloi laissait percer beaucoup d’esprit dans ses réponses, le prince lui dit que désormais on pourrait avoir confiance en lui pour de grandes choses… ». La Saint Eloi est inscrite au calendrier le 1er décembre.

36

E

n 1989, 90 et 91, en raison d’une politique volontariste à l’exportation et d’une croissance importante de la consommation d’électricité, la courbe de production de la centrale est à nouveau à la hausse, en grande partie tirée par le charbon (cf. schéma page 32). C’est dans ce contexte, plus favorable, que la centrale fête ses 20 ans, en novembre 1990. Pour l’occasion, et pour la première fois, ses portes s’ouvrent. Expositions photos, réalisation de vidéos et diaporamas, visites commentées du site, démonstrations d’utilisation de matériel : tous les services sans exception se sont organisés pour présenter leur savoir‑faire : «  chacun avait sorti son matériel et préparé des panneaux explicatifs. On avait même réquisitionné la locomotive utilisée normalement pour tracter les wagons d’huile, pour mettre en place un circuit en train autour du parc à charbon ». 3  000 visiteurs étaient attendus, ils seront finalement 11 000, famille et amis d’agents ou voisins de la centrale. « Un trait d’union entre le monde industriel et celui de la vie quotidienne des gens alentours » : c’est ainsi que s’exprimait alors Christian Uselle, directeur de la centrale, pour parler de cette journée qui a indéniablement marqué la mémoire collective.

Aux portes de la centrale, en attendant la visite.

Stand du métier Chaudronnerie.

Galets broyeurs des tranches 4 et 5.

Cordemais, vingt annees, c’est… Extrait d’un poème rédigé pour l’occasion par René Fontaine (ingénieur exploitation) « Cordemais, vingt années, c’est… Un trois mâts situé sur l’estuaire Modelé au fil des ans par l’équipage Pour le meilleur et pour le pire. Une équipe de 600 durs à souder Mais, qui, dans des circonstances difficiles Sait ce que Cordemais veut dire. Plus de la moitié d’une vie professionnelle Huit directeurs Une fierté lorsque tout marche Des moments difficiles De la colère Mais aussi De la joie. »

M algré tout, les inquiétudes demeurent, comme le traduit cet extrait d’un article de Presse Océan paru le 22 novembre 1990, quelques jours avant l’événement : « Vingt ans déjà, et dans vingt ans ? Techniquement, la longévité d’une centrale de ce type oscille entre trente et cinquante années. Techniquement mais théoriquement, car joue ici l’usure engendrée par les arrêts et redémarrages des unités de production […]. Comment se fera l’approvisionnement en charbon dans les années à venir, à quel prix sera le fioul  ? Les inconnues sont de plusieurs ordres, à commencer sans doute par celle du Carnet : le nucléaire est appelé à remplacer rive sud le classique. L’échéance n’est pas connue. Mais Cordemais entend bien entretenir sa flamme le temps qu’il faudra pour passer le relais ». L’avenir fera mentir ces propos mais en 1993, avec 2 000 GWh et un effectif de 616 agents, la production tombe en-deçà du niveau de celle de 1983. Les bonnes performances du parc nucléaire et une stagnation relative de la consommation électrique expliquent en partie ce fléchissement… Heureusement, la même année, le site de Cordemais retrouvera le second souffle qu’il attendait.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 37

DES INVESTISSEMENTS AU SERVICE DE LA SECURITE, DE LA SANTE ET DE L’ENVIRONNEMENT | 1995 - 2008

2007 38

Des

investissements la sécurité, la santé, au service de

l’environnement

Le site retrouvait les activités de construction qui avaient marqué son histoire pendant près de 20 ans. 1997

9 août 2004

Arrêt de la tranche 1 et mise sous cocon de la tranche 3

1999 Mise en service de la désulfuration (tranches 4 et 5)

1996 Vote de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie et publication de la première norme ISO 14000

Transformation du statut d’EDF (de l’EPIC, Etablissement public à caractère industriel et commercial, à la SA, Société anonyme)

15 octobre 2007 Remise en service de la tranche 3

2008 1997 Première ouverture du marché français de l’électricité

2002

2006

Mise en service de la dénitrification (tranches 4 et 5)

Certification OHSAS 18001

Certification ISO 14001

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 39

Des investissements au service de la sEcuritE, de la santE et de l’environnement | 1995 - 2008

L

e programme d’investissements annoncé en 1993 se traduit en 1995 par la construction de la désulfuration des tranches charbon. Ce premier chantier marque un tournant pour la centrale de Cordemais avec l’installation « non plus de tranches supplémentaires, mais de moyens de dépollution pour améliorer le fonctionnement de celles qui existent ». En janvier 1995, lorsque les travaux commencent, Olivier Lecointe, alors directeur de la centrale, s’exprime en ces termes : «  l’unité de désulfuration permettra de diviser par dix les rejets des deux tranches les plus sollicitées de Cordemais. C’est une première nationale par la taille de l’installation (liée au volume de fumées traitées) qui fera du centre de production thermique de Cordemais un site de référence, point d’appui pour le développement international d’EDF dans ce domaine ».

« La désulfuration, une usine dans l’usine ! » Après avoir été dépoussiérées, les fumées passent dans une tour de lavage (l’absorbeur). Les dioxydes de soufre y rencontrent de l’eau calcaire. Le calcaire associé au soufre se transforme alors en gypse. De cette façon, 90% des dioxydes de soufre sont retenus : la fumée peut être évacuée par la cheminée. Ci-contre, construction de l’installation de désulfuration. 40

RESEAU DE SURVEILLANCE DE LA QUALITE DE L’AIR DES PAYS DE LA LOIRE EN 2009

MAYENNE

SARTHE

Laval

Le Mans St-Denis d'Anjou

LOIRE ATLANTIQUE

Angers

Saint-Nazaire

Nantes

MAINE-ET-LOIRE

TYPOLOGIE DES SITES

Cholet

urbaine trafic rurale régionale rurale nationale périurbaine météorologie industrielle

Yeu La Roche-sur-Yon

la Tardière

VENDEE 0

25

50

Kilomètres

Fonctionnant 24 heures sur 24, le dispositif de surveillance d’Air Pays de la Loire est constitué de trente‑deux sites de mesure : principales agglomérations, zones industrielles et zones rurales. S’y ajoutent des moyens mobiles et des systèmes de modélisation pour les secteurs non couverts par le réseau permanent.

En effet, dans les années 90, les exigences de l’Etat en matière d’environnement se renforcent avec notamment la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (loi Laure) votée le 30 décembre 1996. Ce texte reconnaît à chacun « le droit de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé et d’être informé de la qualité de l’air qu’il respire ». Il impose une surveillance de la qualité de l’air depuis le 1er janvier 1998 pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants, depuis le 1er janvier 2000 pour l’ensemble du territoire. En 1996 est également publiée la première série de normes ISO 14000. La norme ISO 14001, qui concerne le management environnemental, est la

plus utilisée. Elle repose sur le principe d’amélioration continue et concerne en premier lieu ce qui est mis en place pour réduire les effets dommageables des activités sur l’environnement. C’est dans ce contexte que s’inscrit le programme d’investissements du groupe EDF. L’objectif est d’anticiper les contraintes réglementaires pour mener les changements techniques dans de bonnes conditions, plutôt que de les subir. Mais pour l’heure, fin 1995, la centrale et la France toute entière, vont traverser un moment de tension sociale forte…

La preoccupation environnementale : avant les annees 90 L’augmentation des contraintes réglementaires a indé‑ niablement incité les industriels à renforcer leur prise en compte de l’environnement. Pour autant, à la centrale de Cordemais, cette préoccupation était déjà présente et intégrée aux outils dès que la technique le permettait. Par exemple, en 1975, une dizaine de capteurs mesurant la qualité de l’air était déjà installée dans un périmètre de quinze kilomètres autour de la centrale : « ces capteurs constituaient un réseau de contrôle. A l’époque, chaque industriel avait son propre réseau jusqu’à la création de Loirestu’Air en 1980 (aujourd’hui Air Pays de la Loire). A ce moment là, tous les capteurs ont été repris pour constituer le réseau de Loirestu’Air ». En 1984, quand les tranches 4 et 5 ont été mises en service, elles ont été équipées de dépoussiéreurs. Dès 1992, avec l’équipement des cheminées des tranches 4 et 5, toutes étaient désormais dotées d’appareils de mesure, en continu, des émissions d’oxydes d’azote et de soufre. La même année, les analyseurs de poussières ont tous été rénovés ou remplacés.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 41

Des investissements au service de la sEcuritE, de la santE et de l’environnement | 1995 - 2008

Gaines fumées de la désulfuration.

42

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Des investissements au service de la sEcuritE, de la santE et de l’environnement | 1995 - 2008

15

novembre 1995 : Alain Juppé, alors premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac, vient d’annoncer un plan de réforme de la Sécurité sociale. Celui-ci concerne notamment la retraite des régimes spéciaux (allongement de la durée de cotisations de 37,5 à 40 ans) et les modalités de gestion de la Sécurité sociale. Dans les jours qui suivent commence un mouvement social de grande ampleur, dont le paroxysme sera atteint le 12 décembre, lors d’une manifestation qui réunira deux millions de personnes. Le 15 décembre, le gouvernement retire sa réforme sur les retraites et maintient ses orientations sur la Sécurité sociale, dont le budget sera dorénavant voté au Parlement (fin de la gestion paritaire syndicats-patronat).

Une culture syndicale forte La centrale de Cordemais a toujours eu la réputation d’être syndicalement très active. « Le premier blocage du site a eu lieu dans les années 70, en soutien à des salariés de Babcok-Atlantique, le constructeur de la chaudière ».

44

Au plan national, la mobilisation décroît mais à la centrale de Cordemais, le mouvement se durcit. Des préoccupations locales se sont greffées sur les préoccupations nationales : à la retraite et à la Sécurité sociale s’ajoute l’externalisation de la prestation de gardiennage. L’accès au site est restreint ; les relations sont plus que tendues. Seuls les grévistes sont autorisés à pénétrer dans

l’enceinte de la centrale. L’encadrement s’organise malgré tout pour assurer une présence sur site en continu, nuit et jour. Les tranches tournent au minimum de leur puissance ; les agents en grève effectuent la surveillance technique. Dans les équipes, il y a les grévistes et les non-grévistes  : « après, quand on s’est retrouvé dans l’atelier ou au vestiaire, c’était un peu tendu  ». Ce conflit, particulièrement dur, laissera longtemps des traces : « dans un conflit de ce type, tout le monde souffre ; que l’on soit gréviste ou pas, que l’on soit du côté des syndicats ou de la direction, ça laisse des traces ». Le conflit s’achèvera courant janvier 1996. Au plan local, le service de gardiennage sera progressivement externalisé, au fur et à mesure du renouvellement des effectifs. A près ce conflit, le plus dur dans l’histoire de la centrale, la production et le programme de construction reprennent leur cours avec l’unité de désulfuration des tranches charbon et les équipements qui lui sont liés, mais aussi l’unité de traitement des eaux cendreuses et le bâtiment d’accueil. Ces actions s’ajoutent à celles déjà engagées pour limiter l’impact sur l’air : rénovation des

En 1998, la construction du bâtiment d’accueil et la mise en place du système de badges marquent l’entrée de la centrale dans une démarche de sécurisation du site et des hommes. Ici, passerelle entre le bâtiment d’accueil et les unités de production.

installations existantes, remplacement du fuel lourd haute teneur en soufre par un fioul très basse teneur en soufre, surveillance continue automatisée des fumées (teneurs en soufre, oxydes d’azote et cendres volantes)... Moins directement lié à la production, un autre investissement impactera néanmoins le quotidien des agents : il s’agit de la construction du bâtiment d’accueil. Elle sera suivie peu après par la mise en place d’un système de badges, d’abord pour les prestataires puis pour les agents : « avant, il y avait bien un système de gardiennage mais les règles étaient moins draconiennes. J’ai même vu des ouvriers qui venaient chercher du travail directement sur les chantiers, un peu comme le faisaient les ouvriers agricoles sur la place des villages. Alors quand nous avons fermé le site et contrôlé les accès, c’était vraiment un changement de culture. Nous avons commencé par les prestataires, puis est venu le tour des agents. Aujourd’hui, c’est complètement rentré dans les mœurs et il est naturel de ‘‘badger’’ ».

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 45

Des investissements au service de la sEcuritE, de la santE et de l’environnement | 1995 - 2008

P

arallèlement à cette ‘‘vie de chantier’’, les tranches 2 et 3 vont progressivement moins tourner et la tranche 1 sera arrêtée. Sur les tranches fioul, les effectifs sont peu à peu réduits : « à partir de 1995, 96, 97, on a commencé à nous demander de réfléchir à ce qu’on voulait faire. Les agents des services maintenance étaient également concernés. Ces moments là n’étaient pas faciles à vivre : contrairement à maintenant, on n’avait pas de visibilité sur les investissements qui pouvaient venir après et qui concerneraient le fioul ». L’une des solutions était de passer sur les tranches charbon. C’est ce que la plupart ont fait : « ce n’était pas évident… D’accord, une centrale thermique, c’est toujours une centrale thermique : on y fait de l’électricité avec de la vapeur, qu’elle soit produite avec du fioul ou du charbon. Mais les circuits sont complètement différents ; il faut tout réapprendre, se remettre en question. Ceci dit, ceux qui l’ont fait ne l’ont pas regretté ». D’autres ont préféré « descendre du quart » pour intégrer les services qui avaient besoin de renfort pour mener à bien les nombreux chantiers en cours. D’autres encore ont rejoint le nucléaire, notamment la centrale de Chinon : « dans le nucléaire, ils étaient preneurs des compétences des agents du thermique, qui savaient

parfaitement faire tourner la turbine, la partie classique de la centrale nucléaire ». Ceux qui n’ont pas souhaité changer sont restés sur la tranche 2 ou en surveillance de la tranche 3 lorsqu’elle a été mise ‘‘sous cocon’’. En 1999, les unités de désulfuration des tranches 4 et 5 sont mises en service et en 2000, alors que les installations de dénitrification n’en sont qu’au stade de projet, la centrale s’engage dans un processus de certification ISO 14001.

1999

2600 MW

La certification n’est jamais définitivement acquise. Elle est renouvelée tous les trois ans.

46

Le système de management environnemental s’appuie sur une prise en compte de toutes les zones de risque liées à l’activité de la centrale : l’eau et les effluents, les combustibles et coproduits, la combustion et la production d’énergie, les produits dangereux, les déchets, les turbines à combustion. Au terme de deux ans de préparation, la première certification est obtenue en février 2002. En 2004, deux ans après l’obtention de la certification ISO 14001 (environnement), la centrale s’engage dans un processus de certification OHSAS 18001 : il s’agit cette fois de sécurité. Les travaux de construction des unités de dénitrification vont bientôt commencer et il est primordial de renforcer la maîtrise des risques. La première certification OHSAS (Occupational Health and Safety Assesment Series) sera obtenue le 17 mai 2006 et reconduite trois ans plus tard.

Tranche de

vie

Francis Harrosaren, agent EDF depuis 1975, à Cordemais à partir de 1991. F. Harrosaren a été le chef du service Qualité, Santé, Sécurité, Environnement (Q2SE) jusqu’à juin 2010. En matière de sécurité, trois points sont capitaux et incontournables pour atteindre l’objectif Zéro accident et préserver la santé et la sécurité de tous. Le premier, c’est l’engagement de la direction : si vous n’avez pas ça, vous ne pouvez pas faire Zéro accident, c’est impossible. Et cet engagement doit se traduire dans les faits : le discours ne suffit pas, il faut le faire vivre. Concrètement, à la centrale de Cordemais, lors de la réunion hebdomadaire du comité de direction, le premier thème traité est celui de la santé, de la sécurité et de l’environnement. Les questions de sécurité sont abordées en premier lieu, avant toute autre chose : ça donne le ton. Autre exemple : sur le terrain, les membres de l’équipe de direction réalisent 150 visites de sécurité par an. C’est exigeant mais c’est porteur. L’exemple donné par la direction doit donner du sens à ce qui est demandé sur le terrain. Ce niveau d’exemplarité est une des clés de la réussite. Le deuxième point, important lui aussi, c’est le principe fondamental de l’amélioration continue : c’est le noyau central et vertueux du système de management Q2SE. En fonction des objectifs de l’entreprise, vous planifiez des actions de maîtrise des risques et vous les mettez en place aux échéances prévues. Ensuite, vous en contrôlez l’efficacité et la pertinence, et vous corrigez si nécessaire. Il est évidemment essentiel d’engager des actions réalistes et assimilables par l’organisation de l’unité de production. Le troisième point, c’est l’engagement des personnels exposés aux différents risques : les agents, sur les chantiers, sont les mieux placés pour maîtriser les risques inhérents à leur activité. Ce sont eux qui doivent mettre en place les actions de maîtrise des risques ; leur engagement est complémentaire à celui de la direction et conditionne lui aussi l’atteinte du Zéro accident. L’équivalent de la norme OHSAS 18001 pour les petites et moyennes entreprises (PME) est un standard allégé, le standard MASE (Manuel Assurance Sécurité Entreprise). Pour travailler sur nos chantiers, nous privilégions les entreprises certifiées MASE : c’est une spirale positive qui incite celles qui veulent travailler avec nous, à renforcer la vigilance de leurs équipes. CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 47

Des investissements au service de la sEcuritE, de la santE et de l’environnement | 1995 - 2008

Site de Brennilis. A partir de janvier 2000, les turbines à combustion (TAC) de Brennilis et Dirinon ainsi que la centrale de Cordemais, constituent une même unité de production. Les turbines à combustion sont des équipements de production ‘‘d’extrême pointe’’, capables de produire de l’électricité vingt minutes seulement après leur démarrage.

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DIRINON BRENNILIS

BASSE NORMANDIE

Hte NORMANDIE

BRETAGNE

CORDEMAIS

Site de Dirinon.

PAYS DE LA LOIRE

CENTRE

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 49

Des investissements au service de la sEcuritE, de la santE et de l’environnement | 1995 - 2008

A

partir de 2005, la vie de chantier reprend de plus belle. L’activité est intense, rythmée par d’importants travaux, à commencer par l’installation des équipements de dénitrification sur les tranches 4 et 5. « Des oreilles qui poussent sur les grandes tours de la centrale ». C’est en ces termes qu’est présentée la construction des unités de dénitrification des tranches charbon dans le bulletin municipal de la ville de Cordemais, en octobre 2006. « Après les poussières et les dioxydes de soufre, EDF s’attaque aujourd’hui aux oxydes d’azote, ou Nox. L’opération consiste à installer des équipements de 5  000 tonnes en sortie de chaudière, entre 60 et 100 mètres de haut ! ».

A la sortie de la chaudière, de l’ammoniac est vaporisée dans les gaz de combustion. L’ammoniac et les oxydes d’azote réagissent et se transforment en un gaz neutre non toxique. 80% des oxydes d’azote sont ainsi captés, sans produire de résidu. Ci-contre, équipement de dénitrification de la tranche 5. Au premier plan à droite, dépoussiéreur.

50

Grâce à cet investissement (100 millions d’euros en 2007 et 2008), les tranches  4  et  5 répondaient dès 2008 aux exigences de la réglementation post 2015. Mises en service au début des années 80, elles étaient ainsi au niveau des meilleures centrales européennes, souvent plus récentes. Cela illustre un des enjeux pour les années qui suivront : faire évoluer les équipements pour en prolonger la durée de vie et anticiper les évolutions des exigences en matière d’environnement. Initialement prévue pour être mise en service à l’automne 2007, la dénitrification sera opérationnelle pour la tranche 5 dans le courant de l’été 2007, et cela malgré un accident spectaculaire survenu au début du chantier, heureusement sans conséquence humaine mais qui a marqué la mémoire collective. Pour la tranche 4, le raccordement interviendra un an plus tard.

Le risque toujours present La vie de la centrale a malheureusement été affectée d’accidents, parfois dramatiques. Cet ouvrage est l’occasion de rendre hommage aux victimes ainsi qu’à leur famille.

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Des investissements au service de la sEcuritE, de la santE et de l’environnement | 1995 - 2008

Tranche de

vie

Philippe Gabriel, agent EDF depuis 1975, à Cordemais, au service électrique. Il était à la centrale le jour où une grue est tombée. L’accident s’est produit le matin du 8 décembre 2006, vers 8h30. Il faisait encore nuit. Les conditions climatiques étaient exécrables, tant et si bien que les agents et prestataires retardaient un peu leur prise de poste. La construction de la dénitrification était en cours avec son lot d’engins de chantier, dont une grue. Le grutier est monté à son poste et quand il a vu qu’il y avait trop de vent, il est redescendu. Bien lui en a pris : à peine avait-il touché terre que la grue se couchait. Il y a eu un grand bruit sourd et immédiatement après, comme un bruit d’avion qui vole à basse altitude : une tuyauterie avait rompu sous le choc. Je suis sorti du bâtiment Maintenance et j’ai croisé le chef du projet de construction de la dénox : il était livide, il revenait en courant du bâtiment administratif. Je suis allé voir le chantier et j’ai vu la grue. Elle était tombée sur les convoyeurs à charbon (les tapis qui acheminent le combustible du parc à charbon jusqu’aux tranches 4 et 5) : moi qui ai participé à la construction du parc, quand j’ai vu tous ces tapis coupés, ça m’a fait quelque chose… Les sirènes se sont mises en route pour appeler tous les agents aux points de regroupement. Normalement, nous nous regroupons sur le site mais là, il y avait tellement de bruit que nous sommes tous allés au bâtiment d’accueil pour procéder au comptage. A midi, nous savions qu’il n’y avait personne en-dessous ; nous savions aussi qu’un gros travail nous attendait. A ce moment là, j’étais loin de penser que nous repartirions aussi vite : la tranche 5 a été remise en service le 8 janvier 2007, suivie de la tranche 4 le 2 février. On s’est vraiment retroussé les manches : Cordemais, en situation de crise, on n’est pas mal ! Ci-dessus, grue avant sa chute.

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Ci-dessous en haut, sous l’amas de ferraille, le bâtiment de traitement d’eau. Ci-dessous en bas, convoyeurs à charbon effondrés.

Visuel Sécurité : la fleur dotée de tous ses pétales signifie qu’aucun accident avec arrêt n’est survenu sur le site durant les 12 mois écoulés. En 2009, le nombre de ces accidents impliquant des prestataires a été divisé par deux (six accidents). Parmi les agents, aucun n’a été à déplorer.

Sirenes et pompiers Issus de différents services, vingt-deux agents EDF dont quatre femmes sont volontaires et formés comme les pompiers du même nom pour secourir les blessés et intervenir en cas d’incendie ou de pollution (troisième degré incendie et secouristes en équipe). « Lorsqu’un incident survient dans la journée, l’alerte est déclenchée et les membres de l’équipe sont ‘‘bipés’’. Ils rejoignent le local pompier toute affaire cessante et se préparent à intervenir. Ils sont qualifiés pour prendre en charge la situation, en attendant l’arrivée des secours extérieurs si besoin est ». Ce système est en place à la centrale depuis les années 80. Les agents du service Exploitation, présents 24 heures sur 24, sont également secouristes du travail et formés au troisième degré incendie. Les relations avec les pompiers de Saint-Etienne-de-Montluc, Savenay et Campbon sont régulières : « ils viennent s’entrainer chez nous et en cas de problème, nous sommes complémentaires : eux connaissent bien les techniques d’intervention et nous, nous les aidons sur les spécificités du site ». La formation au secourisme est systématiquement proposée aux nouveaux embauchés  ; 70% des agents de la centrale sont titulaires du PSC1, Premiers secours civiques 1, qui s’obtient au terme d’une formation de quatre jours, après validation des acquis par un médecin.

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Des investissements au service de la sEcuritE, de la santE et de l’environnement | 1995 - 2008

Bassin de récupération des eaux de pluie, primé lors des trophées du développement durable du Groupe EDF en juin 2010. 54

C

’est également en 2008 que sera construit un nouvel équipement environnement : le bassin de récupération des eaux de pluie, à l’initiative d’agents de la centrale : « notre projet consistait à collecter les eaux de pluie sur le parc à cendres, pour pouvoir les réutiliser sur ce même parc, plutôt que d’utiliser un système d’arrosage classique avec pompage en Loire ». Entre 1995 et 2008, avec la désulfuration et la dénitrification, plus de 300 millions d’euros ont été investis. Aujourd’hui, les équipements retiennent 90% des oxydes de soufre, 80% des oxydes d’azote et 99% des cendres volantes contenus dans les fumées de combustion du charbon. Derrière ces chiffres, l’ambition est de prendre de l’avance sur les exigences qui seront imposées par la réglementation, pour préparer l’avenir.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 55

ENJEUX ET pERSpECTIVES | A partir de 2008

La centrale en 2010. Au premier plan, convoyeurs à charbon. 56

Enjeux et

perspectives Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. Antoine de Saint-Exupéry

2009 Rénovation du système de contrôle commande de la tranche 2

2010

...

Grignotage de la cheminée de la tranche 1 et début du chantier de la tranche 0

Juin 2010 15 octobre 2007

Obtention des certifications ISO 9001 et SA 8000

Remise en service de la tranche 3

Juin 2009 Ouverture du Centre d’information du public (CIP)

2011 Mise en place du prototype Bas Nox de la tranche 3

Septembre 2010 Quarantième anniversaire de la centrale de Cordemais

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 57

ENJEUX ET PERSPECTIVES | A partir de 2008

Tranche de

vie

Denis Florenty, agent EDF depuis 1992, a débuté sa carrière à la centrale de Cordemais ; il y a travaillé jusqu’en 1996 puis y est revenu pour prendre la direction de l’unité de production en avril 2009. Quand je suis arrivé, tout jeune ingénieur en 1992, je dois reconnaître que j’éprouvais une certaine fierté. J’avais fait des stages dans des PME, des organisations plus petites, mais là… J’étais ébloui par la taille des structures, avec une curiosité technique qui me poussait à me balader partout dés lors que c’était ouvert, à poser des questions : on a beau être ingénieur, on ne peut pas tout comprendre tout seul… Quand je suis revenu en 2009, treize ans après avoir quitté la centrale, j’ai été impressionné par ce qui avait été fait. Certes je reconnaissais des visages mais les installations avaient complètement évolué : bâtiment d’accueil, équipements de dépollution, tranche 1 à l’arrêt… Deux choses n’avaient toutefois pas changé : le rôle stratégique de l’unité de Cordemais dans l’alimentation du grand Ouest ; son mode d’exploitation en semi-base et pointe. Ces éléments incontournables se traduisent en trois impératifs qui s’imposent à tous au sein de la centrale : construire des équipes compétentes et au service des clients ; garantir la fiabilité et la réactivité des moyens de production ; conserver et renforcer la bonne intégration de la centrale dans son environnement.

58

E

n 1970, la centrale de Cordemais a été construite pour faire face à une augmentation forte de la demande d’électricité. Quarante ans après, les besoins continuent de croître : « en Bretagne, les pics de consommation sont chaque hiver plus prononcés ». Compétence des équipes, fiabilité et réactivité des moyens de production, intégration de la centrale dans son environnement : c’est autour de ces trois axes qu’est organisée la feuille de route pour les années à venir.

Tranche 5, turbine corps basse pression.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 59

ENJEUX ET PERSPECTIVES | A partir de 2008

Construire des équipes compétentes et au service des clients.

E

ntre 1970 et 2010, la composante humaine de la centrale de Cordemais a évidemment beaucoup évolué. Le collectif des quinze premières années est souvent évoqué sur un ton de nostalgie, avec les écoles de métiers dont étaient issus les nouveaux agents, les maisons et le célibatorium de la cité Prince-Bois à Savenay, où ils étaient logés, mais aussi les Saint Eloi, les sorties du week-end, etc. Depuis, la centrale a grandi, passant d’une à cinq puis quatre tranches. Les nouveaux arrivants ne viennent plus des écoles de métiers  ; les cités ont été revendues à des sociétés immobilières et le marché s’est ouvert à la concurrence. La politique suivie en matière de ressources humaines accompagne ces changements : « aujourd’hui, notre politique est orientée vers la diversité, non pas pour satisfaire à un effet de mode ou de charte, mais parce que nous sommes convaincus que, pour

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un groupe comme le nôtre, l’avenir passe par cette ouverture sur des populations différentes, des diplômes différents, et un ascenseur social qui fonctionne en interne ». Pour toutefois unir ces profils autour d’un projet commun, les nouvelles recrues suivent un parcours d’intégration, un cursus d’un an au terme duquel elles laissent la place à la promotion suivante. Dans le même temps, « chaque personne embauchée est personnellement suivie par un tuteur, avec lequel elle peut échanger régulièrement ». Ce souci de l’intégration est particulièrement marqué sur les populations plus fragiles : stagiaires, intérimaires, apprentis, personnes handicapées. Tant et si bien qu’au sein de la direction des ressources humaines, une personne est chargée de leur suivi individuel.

Tranche de

c’est le taux d’emploi de personnes handicapées à la centrale de Cordemais en 2010.

L’intégration du handicap : pas seulement au moment de l’embauche Intégrer des personnes handicapées nécessite une adaptation des outils et façons de faire tout au long du parcours professionnel de la personne. Par exemple, avant d’accueillir une personne malentendante, une intervenante explique à ses futurs collègues comment communiquer avec elle, les difficultés susceptibles d’être rencontrées, etc. Lors des réunions du personnel, un interprète est désormais présent pour permettre à ces personnes d’y participer vraiment. « Nous avons la chance d’être dans une grande entreprise qui permet de structurer toutes ces démarches : nous progressons pas à pas sur l’aménagement des postes, les doubles écrans, téléphones à l’oreille... »

vie

Bruno Sorin, agent EDF depuis 1979, travaille à la centrale de Cordemais depuis cette date. Tout d’abord affecté à l’Exploitation puis au service Automatisme, il était également engagé dans le syndicalisme jusqu’en 2000  ; il a depuis rejoint la direction des ressources humaines où il a notamment en charge, les missions d’insertion-solidarité. Quand on fait de l’insertion, par définition, on travaille pour accueillir des personnes en situation difficile : jeunes en rupture avec l’école et parfois aussi avec leur famille, personnes souffrant de handicap ou dont la situation nécessite une reconversion professionnelle. Pour les connaître, il est nécessaire de s’appuyer sur un réseau car ce type de population pense souvent qu’une entreprise comme EDF ne leur est pas accessible. Nous sommes donc en relation avec les collectivités, des écoles, des lycées professionnels et des structures d’insertion comme Handisup, CAP Emploi, AGEFIP, etc. En interne, lorsqu’on accueille quelqu’un en situation difficile, les managers et leur équipe sont prévenus. Si besoin, le niveau d’exigence et l’accompagnement de la personne accueillie sont adaptés : pour un jeune, pour peu qu’il n’ait jamais vu ses parents travailler, on peut par exemple se limiter à la découverte de l’entreprise et de ses contraintes. L’insertion n’est pas toujours facile mais quand ça fonctionne, tout le monde y trouve son compte : ceux qui transmettent leurs connaissances autant que ceux qui sont formés. Nous avons par exemple accueilli une femme en contrat de professionnalisation : arrivée avec un CAP de couture, elle est repartie avec plusieurs licences soudure, qualifiantes et reconnues par la profession. Pour que ça fonctionne, il ne faut pas verser dans la démagogie : il faut bien évaluer le profil que l’on va aider et tenir compte des contraintes et difficultés des gens du terrain, ceux qui l’accueilleront. De temps en temps, il faut aussi savoir imposer : avoir un bon réseau en interne et connaître les gens, ça facilite les choses.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 61

ENJEUX ET PERSPECTIVES | A partir de 2008

C

ette intégration des nouveaux arrivants ne résout pas la question du développement et de la transmission, parfois immatérielle, de savoir-faire. Pour cela, en complément de la formation continue (entre 6 et 7% de la masse salariale selon les années), des chantiers école sont en place depuis 2008. Il s’agit de chantiers réels pour lesquels les délais d’exécution sont moins contraints, afin de permettre à un agent expérimenté de transmettre à quelques jeunes sa compétence et le geste technique. Déchargement des pétroliers (nouvel automate), distribution électrique sur la tranche 0 , dépannage d’un brûleur … Selon les périodes, dix à vingt chantiers peuvent être actifs. Dans le même objectif de transmission, des compétences ont été repérées, qui ne relèvent ni de la formation classique ni de chantiers école. Il peut s’agir par exemple de localiser une fuite de vapeur dans une chaudière… Dans ce cas de figure, un agent de la centrale est capable de repérer à l’oreille l’origine de la fuite, parce qu’il connaît très bien le matériel, la chaudière, le bruit de la combustion : autant de connaissances qui, pour être transmises, doivent être vécues. C’est la raison pour laquelle deux jeunes agents ont été identifiés : chaque fois qu’un problème de fuite vapeur est détecté, ils interrompent leurs travaux pour accompagner le plus ancien sur le terrain et ‘‘hériter’’ de son savoir. Parcours d’intégration, tutorat, chantiers école, transmission de compé62

tences à des ‘‘héritiers’’… De jeunes agents résument les bénéfices de ces différents dispositifs : «  quand on a besoin d’un coup de main, on sait qu’on a les anciens qui sont là pour nous épauler ; on apprend tous les jours ». La gestion des compétences et la transmission des savoir-faire sont des sujets d’autant plus importants qu’entre 2008 et 2013, en l’espace de cinq ans, 50% des effectifs de la centrale auront été renouvelés sous le seul effet de départs à la retraite. En outre les métiers du thermique sont techniques et la bonne exploitation de la centrale nécessite l’intervention de compétences de précision.

+ légende

Installé en 2010, le simulateur permet aux équipes de conduite de se former aux divers scénarii d’exploitation.

Salle de commande des tranches 4 et 5.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 63

ENJEUX ET pERSpECTIVES | A partir de 2008

REPARTITION DES EFFECTIFS DE LA CENTRALE PAR SERVICE (2010) Les équipes de conduite pilotent les tranches 24 heures sur 24 pour alimenter en électricité le réseau national  ; elles pilotent également à distance les turbines à combustion de Brennilis et Dirinon (Bretagne). Les agents de maintenance, particulièrement sollicités pour les arrêts annuels programmés, entretiennent l’outil industriel tout au long de l’année de manière préventive et curative (électricité, automatismes, essais, mécanique, chaudronnerie, robinetterie…). Les équipes d’ingénierie assistent les équipes de conduite et de maintenance ; elles s’appuient sur l’analyse du comportement des matériels, l’expertise des services nationaux et l’expérience des centrales similaires pour améliorer l’outil de production. Les chimistes analysent régulièrement les coproduits ainsi que la qualité de l’air, de l’eau, mais aussi le débit et la température des eaux rejetées en Loire. Le service Qualité, santé, sécurité et Environnement met en place et veille à la bonne application des règles ; il intervient aussi auprès des entreprises extérieures pour que leurs interventions se déroulent dans de bonnes conditions de sécurité.

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14 24 16 6 Direction Contrôle de gestion, Ressources humaines, Communication

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Qualité, Santé, Sécurité et Environnement Appui Process

43

120

Combustibles - Logistique industrielle Ingénierie et méthodes Exploitation (Centrale et TAC)

166

Réalisation

Environ 200 salariés d’entreprises prestataires travaillent chaque jour aux côtés des agents EDF. En période d’arrêt de tranche, ce nombre peut être multiplié par quatre.

Le pôle Combustibles assure la réception et le stockage des combustibles (fioul et charbon) ainsi que la gestion des coproduits issus de la combustion. Les fonctions supports (logistique industrielle, approvisionnement, contrôle de gestion, ressources humaines, communication) appuient les services techniques dans l’exercice de leurs missions.

La certification SA 8000 Après l’environnement en 2002 et la sécurité en 2006, les équipes de la centrale ont obtenu en juin 2010 les certifications SA 8000 (responsabilité sociétale) et ISO 9001 (qualité). La norme SA 8000 a pour objectif de garantir le respect des droits fondamentaux des travailleurs. Elle est fondée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, la Convention internationale des droits de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et sur différentes conventions de l’Organisation internationale du travail. Elle couvre huit domaines : travail des enfants, travail forcé et obligatoire, hygiène et sécurité, liberté d’association et droit à la négociation collective, discrimination, mesures disciplinaires, temps de travail et rémunération. Dans le cadre de la SA 8000, toute personne œuvrant sur le site peut produire une réclamation sur l’un de ces thèmes, par l’intermédiaire de deux correspondants qui sont une voie de recours supplémentaire, « une nouvelle porte ouverte pour les agents et prestataires qui souhaitent déposer une réclamation ». Pour être certifiée SA 8000, la centrale et ses prestataires, cosignataires de la charte, doivent répondre aux exigences de la norme. Inclure les prestataires dans le dispositif est une spécificité de la SA 8000 : « on ne peut pas se contenter de passer commande et faire un chèque sans se soucier des conditions dans lesquelles travaillent nos prestataires…

surtout quand on cherche à stabiliser la relation, à inscrire dans le temps le recours à leurs compétences ». C’est en ces termes que Denis Florenty a lancé le débat sur la SA 8000, lors d’une table ronde organisée à l’occasion des quarante ans de la centrale. « Selon les périodes, ce sont entre 200 et 800 prestataires qui exercent chaque jour au côté des agents EDF. Si notre modèle social est plutôt satisfaisant, il peut être en décalage avec celui de nos prestataires. Dans la durée, a fortiori en temps de crise, un écart peut se creuser et engendrer un risque social réel : c’est l’une des motivations de l’équipe dans la mise en œuvre de la SA 8000 ». Pour Philippe Violin, gérant de l’entreprise Violin SARL, la certification SA 8000 s’inscrit dans la continuité de la démarche initiée en juin 2008 par Jean-Luc Pueyo, alors directeur de l’Unité de Production de Cordemais. Une Commission Inter-Entreprise Sécurité et Conditions de travail (C.I.E.S.C.T.) avait été mise en place ; elle est aujourd’hui intégrée au système de suivi des réclamations exprimées dans le cadre SA 8000 : « cinq entreprises siègent à cette commission, avec les organisations syndicales et la direction de la centrale. On y parle de sujets très concrets comme l’accès au site, la sécurité». La démarche n’en est qu’à ses débuts  ; elle se traduira sur le terrain par l’amélioration des structures d’accueil des prestataires, leur accès au restaurant d’entreprise ou encore la mise en place, à leur intention, de formations à la sécurité et aux process spécifiques à la centrale.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 65

ENJEUX ET PERSPECTIVES | A partir de 2008

Electricité.

QUELQUES METIERS DE LA CENTRALE DE CORDEMAIS

Manutention.

Chaudronnerie.

Performance. 66

Chimie.

Exploitation des tranches.

Mécanique.

Automatismes.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 67

ENJEUX ET PERSPECTIVES | A partir de 2008

Garantir la fiabilité et la réactivité des moyens de production.

L

a souplesse et la réactivité sont la raison d’être du thermique au sein du parc EDF. C’est ce qui motive, en 2005, la décision de sortir de son cocon la tranche 3, dont la remise en service aura lieu le 15 octobre 2007 après plus d’un an de travaux : « réveiller une tranche qui est en sommeil, c’était vraiment une bonne nouvelle, que ce soit pour l’emploi ou pour les mégawatts que cela allait nous permettre de produire. Par contre, ça a été un sacré travail car pendant son sommeil, la tranche 3 avait servi de magasin pour la tranche 2 : quand cela était nécessaire, des pièces étaient tout simplement prélevées pour faire fonctionner sa sœur jumelle. Donc au début du chantier, il manquait beaucoup de choses ». Ces travaux sur la tranche 3 sont aussi l’occasion de préparer la rénovation du système de contrôle commande des trois autres tranches fioul du palier 700 MW (tranche 2 de la centrale de

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Cordemais en 2009, mais aussi les tranches 1 et 2 d’Aramon dans le Gard). En effet, les systèmes sont en partie obsolètes : « il fallait les changer pour prolonger la durée de vie des tranches ». Un nouveau système numérique de contrôle commande (SNCC) est donc mis en place : informatisé, complètement différent de ce qui existait et de dernier cri : « un vrai motif de fierté d’utiliser un tel système qui, jusqu’à présent, n’existait que sur le nucléaire ». La rénovation est dite ‘‘partielle’’ car les automatismes séquentiels n’ont pas tous été remplacés  ; la majorité reste constituée de relais électromécaniques. Mais les bénéfices sont bien réels  : commandes sur écrans, conduite automatisée, récupération et partage en temps réel des données, ce qui permet d’analyser et d’optimiser le fonctionnement de la tranche.

R

éveil de la tranche 3, rénovation des systèmes de commande des tranches fioul, ces chantiers illustrent la nécessité stratégique d’entretenir les équipements actuels, pour en améliorer la fiabilité et en prolonger la durée de vie . « On en revient toujours à notre rôle dans l’alimentation du grand Ouest : avoir des équipements en bon état de marche est impératif car la centrale joue un rôle majeur. En permanence, indépendamment des arrêts décennaux, nous agissons pour fiabiliser les outils, nous repérons les points de fragilité pour les traiter avant tout incident : c’est ce que l’on appelle la maintenance préventive. Par exemple, nous venons de changer les réchauffeurs tubulaires du circuit eau‑vapeur : ils permettent de réchauffer l’eau avant de l’envoyer en chaudière, pour en assurer un fonctionnement optimal ». En 2009, avec quatre tranches en service et une puissance de 2600 MW, la centrale de Cordemais et ses 450 agents produisent 25% de la consommation annuelle des Pays de la Loire.

Aujourd’hui installé sur les tranches fioul, le système numérique de contrôle commande (SNCC) est plus fiable et plus compact. Un projet d’installation sur les tranches charbon est en cours. CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 69

ENJEUX ET PERSPECTIVES | A partir de 2008

Dans les hauteurs d’une tranche... 70

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 71

ENJEUX ET PERSPECTIVES | A partir de 2008

2010

2600 MW

A

l’approche de ses quarante ans, la décision est prise de déconstruire l’historique tranche 1.

Dans un premier temps, la déconstruction ne concerne que certains éléments : la cheminée, grignotée durant le premier semestre 2010, puis les dépoussiéreurs. Avant d’aller plus loin dans la déconstruction, il est nécessaire de transférer les auxiliaires de site : « la tranche 1 comporte des ‘‘communs de site’’ indispensables au fonctionnement de toutes les tranches. Pour la déconstruire dans de bonnes conditions de sécurité, il faut les supprimer de la tranche 1 et les reconstruire à neuf, dans une tranche 0 ». Ensuite, la tranche 1 sera mise en îlot et prête à être déconstruite, le moment venu. « Même si notre objectif est de prolonger au maximum la durée de vie des tranches aujourd’hui en service, il faut dans le même temps préparer

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l’avenir. Or, du fait de notre implantation sur une île, notre marge de manœuvre est restreinte : si nous voulons préserver nos capacités d’évolution, il faut donc faire de la place. Parallèlement au projet Tranche 0, nous étudions en permanence des scénarii différents, sans nous enfermer dans l’un ou l’autre. Le moment venu, l’arbitrage qui sera fait par la direction du groupe EDF tiendra compte : des évolutions de la réglementation en matière d’environnement ; des progrès technologiques qui  détrôneront forcément les solutions qui aujourd’hui, nous paraissent les plus modernes ; mais aussi de la configuration du marché de l’électricité… C’est un réel travail de prospective qui exige que nous étudiions toutes les solutions possibles, sans fermer aucune porte et qui se prépare aussi sur le plan humain ». Trois robots ont été hissés sur une plate-forme à 150 mètres de haut. Etude de risques à l’appui, sept opérateurs ont découpé le fût de béton rouge et blanc au rythme de trois mètres par jour. Les panneaux de béton ont été poussés à l’intérieur de la cheminée. Après extraction des métaux, les 4 000 m3 de gravats seront concassés puis recyclés en remblai, utilisé sur le site. Le métal sera quant à lui recyclé par les prestataires en charge du chantier. « Une telle opération de déconstruction sur un site industriel en activité est une première en France ».

« Nous ne construisons pas seuls notre avenir.» Exigences environnementales, progrès technologiques, évolution du marché : la production d’électricité s’inscrit dans un contexte en permanente évolution. Ainsi en est-il du projet de loi pour une Nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME). Ce projet est nourri pour une grande part des travaux de la commission Champsaur, créée en octobre 2008 à la demande du gouvernement français, à la suite de procédures engagées par Bruxelles à l’encontre des tarifs réglementés proposés par EDF aux entreprises. L’une des recommandations de la commission est d’ «  attribuer à tout fournisseur un droit d’accès à l’électricité de base, à un prix régulé reflétant les conditions économiques du parc nucléaire historique ». En d’autres termes, il pourrait s’agir pour EDF de revendre à ses concurrents et à prix coûtant, l’électricité produite par son parc nucléaire… Cette loi n’est pas sans susciter des interrogations au sein du Groupe.

CENTRALE DE CORDEMAIS – 40 ANS D’ÉNERGIE | 73

ENJEUX ET PERSPECTIVES | A partir de 2008

QUARANTIEME ANNIVERSAIRE DE LA CENTRALE (SEPTEMBRE 2010) Le patrimoine industriel transformé en écrans géants le temps de quelques nuits.

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Etape « Point de vue » du son et lumière.

De gauche à droite : Dominique Lestrade, Déléguée régionale EDF Pays de la Loire ; Patrick Mareschal, Président du Conseil général de Loire-Atlantique ; Jacques Auxiette, Président du Conseil régional des Pays de la Loire ; Jean Daubigny, Préfet de la région des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique ; Jean-Marc Ayrault, Député de la troisième circonscription de Loire-Atlantique, Maire de la ville de Nantes ; Joël Geffroy, Maire de la ville de Cordemais, et son épouse ; Denis Florenty, Directeur de l’Unité de Production de Cordemais.

E

n attendant, nous sommes en 2010 et la centrale s’apprête à fêter ses quarante années d’existence. Pour l’occasion, des événements ont été organisés à l’attention des agents bien sûr, mais aussi des institutionnels locaux et du grand public.

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Conserver et renforcer la bonne intégration de la centrale dans son environnement. Célébration du vingtième puis du quarantième anniver­saire, ouverture du Centre d’information du public, visites guidées… Ces rencontres traduisent la volonté d’ouverture de la centrale de Cordemais. Leurs succès sont le reflet de l’intérêt du public et du niveau d’intégration des installations dans l’environnement. Quarante ans après sa mise en service, on entend souvent dire que la centrale « fait partie du paysage ». Elle inspire de nombreux artistes, notamment locaux, tels les peintres Yvon Labarre et Serge Doceul (pages 88 et 90).

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2010

Des visites libres du dimanche matin… Depuis toujours, la centrale suscite la curiosité. Dans les années 70, des visites étaient organisées le dimanche : « le matin, le gardien balisait le circuit jusqu’à la tranche 1 et l’après-midi, les gens de l’extérieur venaient. Il y avait une salle visiteurs le long du parcours avec une exposition de photographies. Ils allaient ensuite jusqu’à la salle de commande de la tranche 1 ». Avec le temps, les consignes de sécurité ont été renforcées et l’accès au site davantage encadré. En 2001, après les attentats du 11 septembre, le plan Vigipirate a été activé : son application a renforcé encore les consignes de sécurité.

… au Centre d’information du public (CIP) En 2009, la centrale a inauguré son Centre d’information du public  : sur 300  m2, les animations ludiques et interactives du CIP sont « l’occasion pour les visiteurs et surtout pour les jeunes, de découvrir la centrale thermique, ses métiers, et de mieux comprendre les moyens de production d’électricité ».

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P

our autant, cette intégration n’est pas le fruit spontané de l’histoire ; elle est également le résultat d’un travail sur les équipements pour limiter au minimum les impacts environnementaux. Sur ce terrain, l’objectif est d’anticiper et d’aller au-delà des exigences attendues, ce qui fait dire à un agent : « à chaque nouvelle norme, on fait mieux que le minimum imposé. C’est un vrai élément de fierté ».

Des relations de proximite avec l’environnement immédiat La centrale est en interaction permanente avec son environnement. Ses représentants siègent dans différentes instances locales, départementales ou régionales  : Commission locale de l’eau ou Conseil de développement du grand port maritime de Nantes – Saint-Nazaire. Au plan local, les relations avec les riverains se traduisent dès que nécessaire, par des échanges, des rencontres ou des visites du site. D’une manière générale, cette connaissance mutuelle ainsi qu’une écoute sincère favorise la compréhension et la prise en compte des enjeux, contraintes et requêtes des uns et des autres.

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Il en sera ainsi des installations de la tranche 3 : « une directive européenne est parue dans le courant de l’été 2010. En cours de déclinaison en droit français, elle devrait abaisser les seuils réglementaires de rejet d’oxydes d’azote au 1er janvier 2016. Pour nous inscrire dès maintenant dans cette perspective pourtant lointaine, nous expérimenterons en 2011 des brûleurs ‘‘Bas NOx’’ pour améliorer la combustion de la tranche 3 et réduire les émissions d’oxydes d’azote (NOx). Si l’expérimentation est probante et si le contexte s’y prête toujours, l’opération pourrait être dupliquée sur les autres tranches fioul du parc EDF : huit tranches sont concernées ». L’activité de la centrale est ainsi encadrée par les Pouvoirs publics et nécessite un suivi quotidien. L’équipe Chimie surveille continuellement l’impact de la production sur l’environnement, en particulier les émissions atmosphériques et les eaux de rejets (qualité et température). Le

site est régulièrement contrôlé par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) dont les inspecteurs veillent au respect de la législation en vigueur. Pour les riverains, comme le dit Joël Geffroy, maire de la ville de Cordemais, «  la cohabitation se fait en bonne intelligence. Des nuisances ponctuelles existent mais j’ai le sentiment qu’elles sont réduites autant que faire se peut, surveillées et assumées par EDF ». En effet, lorsqu’une tranche fioul est démarrée pour répondre à un pic de la demande en électricité, des particules peuvent s’échapper de la cheminée et se déposer aux abords immédiats de la centrale ; elles sont susceptibles d’abîmer ce sur quoi elles se déposent. « Ce type d’incident reste rare mais peut se produire en dépit de toutes les précautions que nous prenons, lorsque l’installation est à l’arrêt depuis longtemps et que certaines conditions climatiques sont réunies (froid, humidité et vent) ». La centrale est également équipée de soupapes, des systèmes de sécurité qui se déclenchent en cas de surpression dans les chaudières, afin de protéger les hommes et les installations. Dans ce cas de figure, qui heureusement reste rare lui aussi, le bruit émis est bref (de quelques secondes à quelques minutes) mais d’un niveau sonore élevé, qui peut surprendre les nouveaux riverains.

En aval du processus de production, des solutions sont également mises en œuvre pour valoriser les coproduits, c’est-à-dire ce qui reste après la combustion, lorsque l’électricité a été produite. Les cendres par exemple : les 200 000 tonnes issues chaque année des tranches charbon possèdent des propriétés voisines du sable et peuvent être valorisées dans l’industrie cimentière ou pour combler des tranchées dans lesquelles passent des canalisations (gaz, alimentation électrique) ou encore en remblai, lors de la construction de routes.

Le gypse, quant à lui, provient de l’unité de désulfuration des tranches charbon. C’est un élément qui existe par ailleurs à l’état naturel, sous forme de roche sédimentaire et qui intervient dans la composition du plâtre. Mais il faut alors l’extraire de mines ou de carrières souterraines. Le gypse de Cordemais est disponible en quantité et facilement accessible  ; issu de la réaction chimique entre le calcaire et le soufre (on parle de sulfogypse), il est en outre particulièrement pur et valorisé dans les industries du bâtiment.

Stockage du gypse : en 2009, 50 000 tonnes de gypse ont été produites et recyclées.

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C

’est également dans l’objectif de recycler les coproduits que la centrale a été associée à une démarche initiée par la communauté de communes Cœur d’Estuaire, qui fédère le Temple-de-Bretagne, Saint‑Etienne‑deMontluc et Cordemais. Joël Geffroy, maire de Cordemais, explique : « nous souhaitons créer une zone d’écoactivités avec des artisans, des PME et PMI, en utilisant les gisements de matières disponibles localement  : les coproduits de la centrale mais aussi les fonds de marais, la rouche (herbe du marais)… Nous avons lancé un partenariat de recherche avec une école d’agronomie et de chimie de Toulouse, partenariat auquel nous avons proposé à la centrale de s’associer ». Les pistes d’action sont nombreuses, comme par exemple la fabrication de plaques de plâtre particulièrement résistantes à partir des fibres de la rouche provenant des marais, et du sulfogypse provenant de la centrale.

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Ci-contre , avec sa fondation EDF Diversiterre, la centrale est partenaire de l’Observatoire créé en 2007 par l’artiste japonais Tadashi Kawamata à Lavau-sur-Loire, dans le cadre de l’opération Estuaire. « Nous nous sommes appropriés cette centrale. Son architecture, pourtant industrielle, est intégrée à notre imaginaire aussi bien qu’à notre réel. Quand un artiste lui ajoute un pylône qui devient un amer supplémentaire, il nous démontre que la réalité la plus concrète peut être au service de nos rêves. » Jean Daubigny, Préfet de la région des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique (16 sept. 2010, quarantième anniversaire de la centrale) Ci-dessous, l’œuvre de l’artiste japonais Tatsu Nishi, installée au bout de l’île de la Nation depuis l’été 2009 ; elle s’inscrit dans le cadre de la biennale artistique Estuaire.

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En 2010, quarante ans après la production de son premier kilowattheure, avec 2600 MW de puissance installée, la centrale thermique de Cordemais est la plus importante de France. Chaque jour, ses 445 agents assurent l’entretien et le fonctionnement des installations. Quadragénaire moderne, la centrale innove encore et toujours pour soutenir, en acteur responsable, le développement des terres de l’Ouest.

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1966

Autorisation officielle de construction

24 mai 1971

Inauguration de la centrale de Cordemais 25 ans du groupe EDF

Novembre 1982

Remise en service de la tranche 1 (charbon)

Novembre 1983

Mise en service de la tranche 4 (charbon)

1993

Cap du milliard de kWh franchi par la centrale de Cordemais

Octobre 1984

Mise en service de la tranche 5 (charbon)

23 décembre 1970 Premier couplage de la tranche 1 au réseau

1996

1968

Construction de la première cheminée

Vote de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie et publication de la première norme ISO 14000

1985

Octobre 1973

Année charbon

Choc pétrolier

Octobre et décembre 1976

1991

Mise en service des tranches 2 et 3 (fioul)

Record de production de la centrale de Cordemais (9,6 TWh)

1982

1996

Première ouverture du marché français de l’électricité

Mise en service du parc à charbon

Novembre 1982

1986

Premier train de charbon

Fermeture de la centrale de Cheviré

Vingtième anniversaire de la centrale de Cordemais

Mi-1984

Mise en service de l’appontement charbonnier

12 janvier 1987

Effondrement du réseau sur le grand Ouest

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Novembre 1990

1997

Arrêt de la tranche 1 et mise sous cocon de la tranche 3

Quarante ans d’énergie Au fil du temps

Septembre 2010

Quarantième anniversaire de la centrale de Cordemais

1998

Construction du bâtiment d’accueil

Juin 2010

...

Obtention des premières certifications ISO 9001 et SA 8000

1999

Mise en service de la désulfuration (tranches 4 et 5)

2002

Juin 2009

Obtention de la première certification ISO 14001

Ouverture du Centre d’information du public (CIP)

9 août 2004

Transformation du statut d’EDF

2006

Obtention de la première certification OHSAS 18001

2010 2009 15 octobre 2007

Remise en service de la tranche 3

2008

Mise en service de la dénitrification (tranches 4 et 5)

Rénovation du système de contrôle commande de la tranche 2

Grignotage de la cheminée de la tranche 1 et début du chantier de la tranche 0

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Construction de la cheminée de la tranche 1, bétonnage de la semelle (juin 1968).

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« Cordemais d’hier et d’aujourd’hui ». Huile sur toile 80 x 80 cm du peintre Yvon Labarre (1993). Collection Mairie de Cordemais.

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Sources Cordemais en estuaire

Presse OcEan

Itinéraires du Patrimoine 104 – 1996 Jean-Louis Kérouanton et Yves Le Maître. Photographies : Denis Pillet Direction régionale des affaires culturelles. Service régional de l’inventaire général.

Editions des 22 novembre 1990 et 19 septembre 1997

Chevire, une centrale et ses hommes

Editions de mars 1993, décembre 1994,novembre 1995, juin 2000, octobre 2006 et octobre 2009

Groupe de recherches historiques de la centrale de Cheviré, ACL Editions (1987)

L’agglomeration nantaise : récits d’acteurs Jacques Floch, Editions de l’Aube (1996)

Nantes et son agglomeration Cahiers du Centre nantais de recherche pour l’aménagement régional, nos 33-34 (1989-1990)

L’atome civil, trente ans deja

Frédéric de Monicault, Historia no 676 (avril 2003)

L’equipement des français en biens durables fin 1968 Economie et statistique no 3 (juillet-août 1969)

Ouest France Editions des 24 mai 1971, 13, 14, 17 et 28 janvier 1987, 22 novembre 1990

Parfum d’estuaire Regards d’artistes, Cordemais (2007)

Magazine de la ville de Cordemais

Sur la toile edf.com webcdf.brgm.fr (site des Charbonnages de France) interieur.gouv.fr (site du Ministère de l’intérieur, de l’Outre mer et des collectivités territoriales) ina.fr

Documents internes a la Division production et ingénierie thermique (DPIT) Notre thermique, novembre 2006 Rapport d’activité, 2009

Documents internes à la centrale DE cordemais Editions du journal interne Editions de la lettre électronique hebdomadaire Comptes-rendus des Forums Dossiers de presse

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« L’année 2000 Cordemais » Huile sur toile 60 x 30 cm du peintre Serge Doceul Collection privée. 90

Crédits MEDIATHEQUE EDF

PHOTOTHEQUE CENTRALE DE CORDEMAIS

S. Legoupi – Couverture. Page 3. Page 9. Page 42. Page 44. Page 50. Page 54. Page 55. Page 58 (grand format). Page 63. Page 66. Page 67. Page 68. Page 70. Page 72. Page 73. Page 75. Page 76. Page 79. Page 80. P. Eranian – Page 38. G. Huguet – Page 81. Direction des Services Partagés – Groupe Archives / Archives Historiques EDF : M. Brigaud – Page 27. M. Crépin – Page 30.

Page 6. Page 23. Page 34. Page 35. Page 36. Page 47. Page 48.Page 52. Page 53. Page 58 (vignette). Page 61. Page 62. Diazzo – Page 74. ICI (Image - Communication - Impressions) – Page 88. X. Trochu – Page 90.

ARCHIVES MUNICIPALES DE RENNES Fonds Heurtier – Page 33 (350Fi40-2)

ARCHIVES DE LA CENTRALE DE CORDEMAIS Droits Réservés – Page 8. Page 10. Page 12. Page 14. Page 16. Page 17. Page 18. Page 86. M. Blond – Page 20. Page 22. Page 24. Page 26. Page 28. Page 40. Y. Soulabaille – Page 49.

CONCEPTION, ENTRETIENS, REDACTION ET GESTION DU PROJET Agnès Laurent – Contact : [email protected] CREATION GRAPHIQUE ET REALISATION DeuxPointDeux Contact : www.deuxpointdeux.com IMPRESSION Achevé d’imprimé en décembre 2010 à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) sur les presses de l’Atelier Des Couleurs

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Retrouvez quarante ans d’énergie dans le DVD page suivante.  ilm réalisé par Première Image et présenté à F l’occasion du quarantième anniversaire de la centrale. Album photos de l’événement. E tape « Histoire » du son et lumière conçu et réalisé par Cap Image à l’occasion du quarantième anniversaire de la centrale.

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