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Comme d'autres scientifiques, la psy- chologue Melanie .... teur de l'Association pour les droits des non-fumeurs. ...... Chimie du tabac : de la belle vulgarisation.
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numéro 77 mars 2009

Revue pour un Canada sans fumée

L’OMS préconise les emballages neutres

La bataille des paquets est commencée PIERRE CROTEAU

D

epuis le début du 21e siècle, entre autres sur le marché canadien depuis 2005, des cigarettiers ont entrepris de changer l’allure traditionnelle des emballages de leurs produits. Le graphisme, le format, et jusqu’à la texture et au mode d’ouverture des paquets de cigarettes de certaines marques, inchangés durant plusieurs décennies, se sont transformés, et de nouvelles teintes se sont ajoutées, ainsi que parfois un hologramme, pendant que les mots écrits sur les paquets changeaient aussi. Par ailleurs, le 22 novembre dernier, à Durban en Afrique du Sud, les délégués des gouvernements de 129 pays membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont adopté plusieurs cahiers de directives visant la mise en œuvre de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT). La 46e directive d’application de l’article 11 stipule que les pouvoirs publics devraient « limiter ou interdire l’utilisation de logos, de couleurs, d’images de marque ou de textes promotionnels sur les emballages hormis le nom de la marque et celui du nom du produit imprimés en caractères normaux et dans une couleur standardisée (emballages neutres). » La directive précise que des emballages neutres donneraient plus d’efficacité aux mises en garde sanitaires, en

Très gros problème, la contrebande Yves Bolduc admet que le marché noir du tabac mine la lutte contre le tabagisme au Québec. Par ailleurs, le ministre 6 réfléchit à la révision de la Loi, prévue pour 2010.

Sur ce nouvel emballage des Player’s, à gauche, le fumeur accède à ses cigarettes par un tiroir latéral. Dans un paquet neutre, comme dans l’exemple à droite, la mise en garde serait plus grande et plus en évidence, contrairement aux attributs de la marque. empêchant le détournement d’attention des consommateurs. Certaines mesures adoptées dans le cadre de la CCLAT, si elles étaient appliquées au Canada, n’y introduiraient aucune nouveauté dans le paysage réglementaire du commerce du tabac. À l’inverse, des paquets de cigarettes neutralisés changeraient substantiellement les règles du jeu.

L’Ontario régira les cigarillos Pour enrayer la vogue des cigarillos parmi les jeunes, l’Ontario adopte une loi qui bannira les saveurs et imposera des emballages d’au 12 moins 20 unités.

Des cigarettiers offensifs Même dans des endroits comme le Québec et l’Ontario, où les produits du tabac doivent, depuis juin 2008, être soustraits à la vue du public dans les points de vente, un paquet de cigarettes ou un tube à cigare ne termine pas sa « vie » dans un tiroir ou sur une étagère, derrière une surface opaque.

SOMMAIRE Stephen Harper prié d’endiguer le marché noir

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Expansion pancanadienne d’Info-tabac

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Semaine québécoise pour un avenir sans tabac

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Journées annuelles de santé publique

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2 EMBALLAGES NEUTRES

Pour séduire une nouvelle génération de fumeurs, les fabricants multiplient les formats d’emballages et de cigarettes.

Sitôt le produit acheté, son emballage redevient ce qu’il n’a pas cessé d’être pour le fabricant : un emblème, une annonce ambulante, une addition artificielle de « valeur ». L’emballage est destiné à conforter dans sa décision d’achat la personne qui fume, et même à lui procurer un plaisir visuel et tactile, bien avant d’absorber sa dose de nicotine, histoire d’entretenir une fidélité à la marque. L’emballage est aussi conçu pour capter l’attention de nouveaux clients potentiels ou leur envoyer un message rassurant ou invitant, ce qui est particulièrement utile pour un produit dont les fidèles consommateurs ont tendance à mourir plus tôt que la moyenne de leurs contemporains. Dans le cas des paquets de cigarettes, le meilleur paquet en est un qui distrait le plus possible des mises en garde qui doivent y être apposées. Les emballages de cigares et de cigarillos sont soumis à moins de contraintes réglementaires.

Comme d’autres scientifiques, la psychologue Melanie Wakefield, de l’Université de Melbourne, en Australie, et trois chercheurs du Roswell Park Cancer Institute, de Buffalo aux États-Unis, ont pu vérifier les intentions stratégiques des compagnies de tabac dans les documents de l’industrie elle-même, des documents disponibles grâce aux poursuites judiciaires intentées contre elle aux États-Unis. Dans un long article paru dans la revue Tobacco Control en 2002, Wakefield et ses confrères Morley, Horan et Cummings ont montré à quel point le savoir des British American Tobacco, Philip Morris, Brown & Williamson, Lorillard, RJ Reynolds et autres cigarettiers est grand, quand ce savoir sert à manipuler les fumeurs et le public. C’est ainsi que l’industrie a fait réaliser des expériences qui montrent que plusieurs fumeurs déclarent noter des différences de goût entre des cigarettes lorsqu’on leur fait consommer exactement le même produit sous des emballages différents. Les particularités d’un paquet de cigarettes, ce qui y est écrit, et jusqu’à la rigidité plus ou moins grande du carton utilisé, ainsi que la présence de motifs sur le papier d’aluminium à l’intérieur du paquet, ont aussi pour résultat de donner de fausses impressions aux fumeurs sur la « qualité » du produit offert ou sur sa nocivité relative. Plusieurs poursuites judiciaires sont en cours en rapport avec la désinformation systématique dont des fumeurs disent avoir été victimes. Quand ils n’écrivent pas qu’une cigarette est « légère » ou « douce », les cigarettiers savent toutefois qu’ils peuvent recourir à d’autres mots sur le paquet, ou à des chiffres ou à un code de couleurs, pour passer le même message trompeur à de nouvelles générations d’adeptes du tabac. Ainsi, les marques utilisant la couleur bleue sont souvent associées par les fu-

Les nouveaux emballages sont de formes et couleurs variées. meurs à du tabac « plus léger » ou « plus doux » que les marques utilisant le rouge. Au point que sur certains paquets au Canada, la mention « légère », désormais bannie par le gouvernement, a été remplacée par le mot « bleu ». Dans Le Devoir du 10 juillet 2008, en page A4, on trouvait ces propos d’une porte-parole d’Imperial Tobacco Canada, Sophie Alarie : « D’un produit à l’autre, les produits se ressemblent drôlement, alors il faut pouvoir faire la distinction et c’est la couleur qui nous permet de le faire ». Mme Alarie justifiait ainsi l’insistance des compagnies de tabac à pouvoir utiliser la couleur dans leurs annonces, et elle ne parlait pas des paquets. Depuis longtemps cependant, les emballages de produits du tabac, tout comme les annonces, ont servi, avec succès, à associer des marques à un statut social, à des valeurs ou à des styles de vie, une pratique commerciale que des pays comme le Canada proscrivent, mais dans les annonces, et non pas sur les emballages eux-mêmes.

info·tabac .ca no 77, mars 2009 « Plus de la moitié de l’impact d’une marque est dans le design du paquet, par opposition au nom de la marque ellemême », déclarait Adam Spielman, un analyste financier de l’industrie du tabac conseillant le groupe bancaire Citi, à la revue pro-industrie Tobacco Journal International, qui l’interrogeait en septembre dernier sur l’effet qu’aurait une obligation faite à l’industrie d’offrir les cigarettes dans des paquets neutres.

Les États préparent la contre-attaque Dans les assemblées annuelles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève, on a commencé dès 1995 à parler du besoin d’un traité international pour lutter contre l’épidémie mondiale de tabagisme. Cette épidémie fait maintenant environ 5,4 millions de morts chaque année. C’est en 1999, alors que l’OMS était dirigée par la Dre Gro Harlem Brundtland, que débuta le travail de négociation internationale d’une convention-cadre pour la lutte antitabac, sur le modèle de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Cette dernière avait été adoptée à Rio de Janeiro en 1992, et a été à l’origine du célèbre Protocole de Kyoto de 1997.

EMBALLAGES NEUTRES 3 La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), en vigueur depuis février 2005, et ratifiée ou formellement approuvée par 161 pays, pourrait bien de son côté donner lieu à la conclusion prochaine d’au moins un protocole d’application de style Kyoto, lequel concernera la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac. En parallèle, les délégués des pays qui ont ratifié la CCLAT ont jusqu’à présent adopté, après trois sessions de la Conférence des Parties tenues depuis février 2005, diverses directives, notamment sur la protection contre l’exposition à la fumée du tabac, la composition des produits offerts, et les mises en garde sanitaires à apposer sur les emballages. On emploie le mot « Parties » parce que la Communauté européenne, en plus de presque tous ses pays membres, a ratifié la Convention et participe aux sessions. La prochaine session de la Conférence des Parties aura lieu en Uruguay en 2010. Pour qu’un traité international puisse avoir force de loi dans un pays, la signature de ses hauts fonctionnaires, déjà difficile à arracher, doit être suivie d’une ratification par les instances représentatives du pays. Même là où la CCLAT a été ratifiée, comme au Canada dès 2004, il reste du travail à faire pour rendre la réglementation entièrement conforme aux

En vigueur depuis 2005, la Conventioncadre de l’OMS engage 161 pays, dont le Canada.

articles du traité antitabac et aux directives de la Conférence des Parties. Or, dans cette voie, le gouvernement fédéral canadien est gêné par un « processus d’élaboration de la réglementation très lourd », observe Francis Thompson, un analyste des politiques de lutte contre le tabac dans le monde et auteur d’articles à ce sujet dans diverses revues scientifiques. Thompson remarque que « le Brésil en est à sa troisième ronde de mises en garde illustrées à apposer sur les paquets », et que Brasilia a lancé sa politique après Ottawa, qui n’a pas changé depuis 2000 les images imposées.

Emballage neutre, public plus lucide Dans la revue Tobacco Control de décembre 2008, Melanie Wakefield et ses collègues D. Germain et S. J. Durkin rapportent les résultats d’une expérience menée en 2007. À un échantillon de 813 adultes fumant au moins une fois par semaine, les chercheuses ont montré une image d’un paquet de cigarettes et posé des questions par écrit. Ce groupe de fumeurs était représentatif des sexes, des âges, des niveaux de scolarité et des régions de résidence de la population australienne. Il y avait douze paquets différents, mais la mise en garde sanitaire était identique dans les douze cas. Trois des images étaient celles d’un paquet d’une des trois marques de cigarettes les plus vendues en Australie. Trois images montraient un paquet des mêmes trois marques, une marque écrite en gros caractères avec son lettrage distinctif, mais sur un fond brun, uniforme pour les trois paquets. Dans trois cas, on avait uniformisé le lettrage en plus de la couleur du fond. Dans trois autres cas, les paquets étaient identiques, sauf pour la mention de la marque, mais cette fois-ci en petits caractères. On a demandé au fumeur de faire part de sa perception des caractéristiques probables des cigarettes du paquet qu’on lui montrait. Par comparaison avec les fumeurs à qui on montrait un paquet tel que l’industrie en utilise, les fumeurs à qui on montrait un paquet moins « marqué » ont été nettement moins nombreux à déclarer le produit faible en nicotine et en goudron, ou « satisfaisant ». Ils ont aussi été moins nombreux à déclarer que le consommateur « a du style », est viril, sociable, mûr, etc. Sur toutes ces questions, pour chacune des marques, plus le paquet de cigarettes était neutre, moins le fumeur avait tendance à s’en faire accroire.

La réputée revue internationale Tobacco Control titrait sur sa couverture de décembre 2008 : « Emballages neutres : quel pays mènera le monde ? »

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4 BUDGET FÉDÉRAL

Un milliard en taxes perdues

Stephen Harper prié de freiner la contrebande de cigarettes Dans un communiqué émis le 15 janvier, à la veille du budget fédéral, la Coalition canadienne pour l’action sur le tabac (CCAT) a pressé le premier ministre Stephen Harper de préserver les progrès durement acquis dans la lutte contre le tabagisme, en amenant son gouvernement à agir, mieux et davantage, contre le marché noir du tabac. Selon les évaluations, qu’elles proviennent du milieu de la santé ou bien de l’industrie, entre 20 % et 30 % des cigarettes usinées transiteraient maintenant par des réseaux criminels au pays, sans qu’aucune taxe ne soit acquittée. C’est en traitant surtout de pertes fiscales que les défenseurs de la santé ont tenté cette fois-ci d’attirer l’attention du gouvernement conservateur, reporté au pouvoir en octobre 2008 et confronté tant à une crise économique qu’à une opposition parlementaire capable de le renverser. « Des groupes de santé indiquent au premier ministre Harper une façon de recouvrer un milliard en taxes », titre la version française du communiqué. « En ces temps de récession économique, période durant laquelle les gouvernements recherchent désespérément des sources de revenus, il est essentiel qu’Ottawa récupère plus d’un milliard de dollars, un manque à gagner dû aux taxes sur le tabac impayées », avance Garfield Mahood, directeur de l’Association pour les droits des non-fumeurs.

Les cigarettes de contrebande proviennent surtout de quatre réserves autochtones.

La Coalition canadienne pour l’action sur le tabac, qui comprend les principaux organismes de lutte contre le tabagisme au pays, de même que la plupart des associations philanthropiques ou médicales directement concernées (poumon, cœur, cancer, santé dentaire, etc.), a insisté moins que de coutume sur la propagation de maladies causée par l’expansion ou le maintien du tabagisme. Elle a plutôt rappelé que, selon le vérificateur général de l’Ontario, cette province perd chaque année 500 millions $ en raison du marché noir du tabac. Quant à Ottawa, son manque à gagner est d’environ un milliard. En fait, précise la CCAT, les pertes sont beaucoup plus élevées puisque les gouvernements fédéral, ontarien et québécois ont cessé d’augmenter leurs taxations du tabac depuis longtemps, par crainte de la contrebande. Rob Cunningham, analyste principal de politique de la Société canadienne du cancer, un des organismes de la CCAT, indique que le prix élevé des cigarettes est largement reconnu comme étant le moyen le plus efficace de réduire le tabagisme. « En raison d’une grande disponibilité du tabac de contrebande à bas prix, la

prévalence stagne à 19 % depuis trois ans au Canada », déplore-t-il. Les Canadiens sont pénalisés sur le plan de la santé. « Plus de jeunes commencent à fumer, et moins de personnes arrêtent, ce qui se traduit par des coûts de soins de santé plus élevés à court, moyen et long termes », ajoute-t-il. La Coalition canadienne pour l’action sur le tabac rappelle que la Gendarmerie royale du Canada a déjà déterminé les principales sources d’approvisionnement de la contrebande de cigarettes. En premier lieu, il y a le côté américain de la réserve mohawk d’Akwesasne !, près de Cornwall (ON). Les autres sources importantes sont les réserves mohawks de Kahnawake ", près de Châteauguay (QC), et de Tyendinaga #, près de Belleville (ON), de même que la réserve des Six Nations $, près de Brantford (ON). En fait, l’ampleur du marché noir est proportion-

* Voir carte dans Info-tabac no 76, page 2, ou à www.info-tabac.ca/bull76/carte.jpg

Bannière pour Obama Le 19 février, à l’occasion de sa brève visite à Ottawa, le président des États-Unis Barack Obama a été accueilli devant le parlement par une bannière géante l’invitant à arrêter la contrebande de cigarettes venant de son pays vers le Canada. « Nous pressons le président Obama de prendre immédiatement des mesures pour fermer les usines illégales qui violent ouvertement les lois fédérales américaines », de dire Bob Walsh, directeur du Conseil canadien pour le contrôle du tabac, responsable de l’initiative.

info·tabac .ca no 77, mars 2009 nelle à la proximité de ces réserves autochtones, et non pas liée au montant des taxes sur le tabac. Il n’y a presque pas de contrebande dans les provinces de l’Ouest, alors que la taxation provinciale y est presque le double de celle de l’Ontario ou du Québec. Le gouvernement canadien doit accroître ses efforts contre le marché noir du tabac, insiste la Coalition. En conclusion de son communiqué du 15 janvier, elle énumère une série de sept mesures s’articulant autour du contrôle des manufactures situées en territoire autochtone, dont une caution minimale de 5 millions $ par fabricant, le retrait des permis des firmes illégales et l’interdiction de fournir des matières premières à celles-ci.

*

– par Denis Côté

lecture

Rapport de l’INSPQ Protéger contre la fumée, prévenir l’initiation au tabac, taxer le produit, soutenir le fumeur qui veut arrêter : toutes ces politiques sont familières aux lecteurs d’Info-tabac. Mais ont-elles des résultats ? Dans Monitorage du Plan québécois de lutte contre le tabagisme 2007, on trouve les données essentielles pour surveiller l’évolution du tabagisme, identifier les diverses stratégies utilisées et voir venir les problèmes. Publié en juin 2008 par l’Institut national de santé publique du Québec, ce document de 115 pages est le premier du genre. Il offre une perspective historique saisissante sur la lutte au tabagisme et ses échos. Accès au rapport via www.info-tabac.ca/liens77

5

% % % % % % Expansion

pancanadienne d’Info-tabac ' ' Vous avez probablement remarqué notre nouveau logo en couverture. À compter de cette édition, votre « bulletin pour un Québec sans tabac » est devenu votre « revue pour un Canada sans fumée ». Fondé en 1996, notre périodique mérite le titre de revue, d’autant qu’il est imprimé tout en couleur depuis 2004, est abondamment illustré et comporte de la publicité (un peu). L’autre transformation est le territoire d’intervention, qui passe du Québec à l’ensemble canadien. Ceci coïncide avec notre projet de lancer un magazine pancanadien en langue anglaise qui sera publié en parallèle d’Info-tabac. En outre, dans le sous-titre, le terme « sans fumée » remplace « sans tabac », pour éviter la répétition du mot tabac et parce que la fumée cause l’ensemble des maladies liées au tabagisme. Le but du futur magazine anglophone est de contribuer à la lutte contre le tabagisme à l’échelle du pays, soit une population quatre fois plus grande. Les deux publications seront asymétriques, un peu à la manière de la Société Radio-Canada qui n’est pas la version française de la CBC. Dans notre cas, nous prévoyons qu’environ la moitié des textes des deux revues seront des traductions intégrales, alors que l’autre moitié sera constituée de nouvelles régionales ou provinciales, en fonction des populations desservies. Puisque 91 % des francophones du Canada sont concentrés au Québec, la revue pancanadienne française Info-tabac ressemblera beaucoup à la publication que vous connaissiez. Le bulletin Info-tabac rapportait déjà des nouvelles des scènes fédérale canadienne, américaine et internationale, de même qu’il traitait de l’industrie du tabac et de recherches médicales. La nouvelle revue Info-tabac fera de même, tout en continuant à accorder une place de choix à la dynamique québécoise. Cette transformation a pour but d’accroître notre apport à la réduction du tabagisme, tant au Québec que dans l’ensemble du pays. Elle facilitera notre financement, notamment de la part de Santé Canada et d’entreprises pharmaceutiques impliquées dans l’arrêt tabagique. Des économies d’échelle seront réalisées, lesquelles permettront d’améliorer nos services. Le titre anglais n’est pas arrêté. Il sera lancé lorsque nous aurons obtenu le soutien requis. Les trois instances les plus concernées ont approuvé cette expansion pancanadienne, laquelle n’est pas un choix politique mais un choix stratégique et pratique, pour mieux servir notre cause. Ces appuis sont ceux du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, de notre comité de rédaction et de notre conseil d’administration. Bonne lecture ! Denis Côté, fondateur et coordonnateur, Info-tabac Population canadienne selon les deux principales langues parlées à la maison, recensement 2006, Statistique Canada

Dans ses pages régionales, la future revue pancanadienne anglaise couvrira notamment les actualités de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta, qui regroupent 77 % des anglophones du pays.

Provinces

Info-tabac continuera d’accorder une place de choix au Québec, puisque 91 % des francophones canadiens y habitent.

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6 TAXATION DISSUASIVE

Lutte contre le tabagisme au Québec

« Le plus gros problème, c’est la contrebande », dit Yves Bolduc PIERRE CROTEAU

L

e ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr Yves Bolduc, croit que la taxation est la méthode « la plus efficace » pour combattre le tabagisme, et juge que « la contrebande, qui fournit des cigarettes à bas prix à toute une population », est au Québec le plus gros problème de la lutte contre le tabac. D’autre part, le Dr Bolduc, qui est devenu ministre à la fin de juin 2008, poursuit sa réflexion sur les renforcements à la Loi sur le tabac qu’il pourrait proposer en 2010, au moment d’une mise à jour législative prévue par la loi elle-même, mais il n’est pas disposé à partager dès à présent les premiers fruits de cette réflexion. Même attitude provisoirement réservée du ministre au sujet d’une éventuelle disponibilité de la nicotine médicinale hors des pharmacies. En revanche, le ministre québécois, et député de Jean-Talon depuis septembre 2008, n’a besoin d’aucune période de réflexion additionnelle avant d’exprimer

son désaccord total avec le refus d’embaucher des fumeurs que pratiquent certains employeurs. Enfin, le Dr Bolduc conçoit que les futurs reculs du tabagisme au sein de la population québécoise et le progrès des saines habitudes de vie iront de pair avec la réduction des inégalités, particulièrement en matière d’éducation et d’emploi. Yves Bolduc s’est ouvert sur ces questions lors d’une interview qu’Info-tabac lui avait demandée et qui a eu lieu le 6 février à son bureau de Montréal. Le ministre s’est révélé fort au courant des sujets couverts par la revue mais ne connaissait pas à l’avance les questions formulées ce jour-là par le coordonnateur d’Info-tabac, Denis Côté, et par le reporter.

Contrebande : terrain difficile Le ministre québécois de la Santé explique ainsi « les stratégies » du gouvernement contre le marché noir : « Premièrement, c’est judiciaire. La contrebande n’est pas un acte légal. Au niveau de la Justice,

Docteur Bolduc Vers 1989, des années avant la Loi sur le tabac, au temps où il était médecin de famille à Alma, Yves Bolduc se souvient que « les gens fumaient dans les urgences » et d’avoir été un fervent partisan de l’élimination de la fumée. « Dans ma pratique, à mes patients fumeurs, sans les harceler, je rappelais que c’est important de ne pas fumer. Et j’ai eu d’excellents résultats, juste en leur faisant penser que c’est important », mentionne-t-il. Le Dr Bolduc voyait que certains fumeurs ont besoin de plusieurs tentatives avant de réussir à rompre avec le tabac, et doivent être encouragés à recommencer. Il n’approuvait pas ceux de ses confrères qui menacent des patients de ne plus les soigner pour les pousser à renoncer au tabac. Son avis n’est pas changé en 2009 : « Ce n’est pas la bonne façon ».

Selon le ministre Bolduc, la contrebande du tabac est aussi difficile à combattre que le tabagisme en tant que tel. et puis de la Sécurité publique, il faut voir ce qu’il est possible de faire pour diminuer le phénomène, et pour cela nous avons des contraintes particulières avec les réserves. La réalité, c’est celle-là. » Deuxièmement, on peut faire la promotion de la santé publique et « on avertit les gens qu’avec la contrebande, ils achètent un produit illégal ». Le ministre Bolduc ajoute de luimême que « malgré tout ça, les gens sont capables de s’en procurer à bas prix », et considère que « la contrebande est aussi difficile à combattre que le tabagisme en tant que tel ». Le ministre de la Santé est un homme de 51 ans qu’on ne surprendra pas en train d’imaginer des solutions rapides et faciles à de complexes problèmes de société. Yves Bolduc assure que son ministère peut « informer les gens, essayer de les raisonner », et qu’il le fait. Au vu de médias régionaux qui parlent plus souvent des dépanneurs, dont les ventes sont réduites par la contrebande, que des maladies causées par la consommation accrue de tabac, le ministre de la Santé a cette réaction au sujet du marché noir : « Moi, je ne dirai pas que cela diminue le revenu des dépanneurs, parce que [ce type de revenu], j’aimerais l’éliminer. J’aimerais qu’il n’y ait pas de fumeurs au Québec. Mais une fois que tu as dit cela [et expliqué en quoi la contrebande est nuisible], je crois que tu as fait pas mal le maximum. Je pense que c’est surtout du côté judiciaire qu’il faut regarder, et des mesures en place pour diminuer la contrebande ».

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Le ministre insiste sur trois éléments de stratégie anti-contrebande : empêcher ceux qui la font d’en profiter autant, agir pour que le simple revendeur cesse ses activités, et faire en sorte qu’il n’y ait plus d’acheteurs pour qu’il n’y ait plus de vendeurs. Ambitieuses missions, surtout la troisième, dont la réussite un jour dispensera le gouvernement de se soucier des deux autres. Mais s’il pense volontiers en termes de stratégies, Yves Bolduc fait plus penser à un lieutenant qu’au général. Quand le coordonnateur d’Info-tabac cherche à savoir si le gouvernement considère que les réserves indiennes, en tant que sources d’approvisionnement du marché noir, sont intouchables, sont un tabou, le ministre Bolduc répond que non et se fait modeste : « Il faut être pragmatique. Il y a des enjeux autres que le tabagisme là-dedans. Ce n’est pas mon dossier à moi. C’est à la Justice et à la Sécurité publique de regarder cela. Je n’ai pas l’intention de m’impliquer là-dedans comme ministre de la Santé. C’est à un autre niveau. »

Législation : le ministre réfléchit Questionné sur la possibilité de bannir les arômes dans les cigarillos, d’interdire de fumer à la terrasse d’un restaurant, ou d’interdire d’enfumer les enfants à bord d’une automobile, le ministre québécois de la Santé dit vouloir continuer sa réflexion et dévoiler ses couleurs plus tard. Le ministre Bolduc ne sera pas étonné si des groupes s’ajoutent à l’Association pulmonaire du Québec pour réclamer en 2010 la protection des enfants à bord des véhicules contre la fumée secondaire, mais il reste curieux de savoir quels seront les résultats de l’expérience que l’Ontario a commencée en ce sens le 21 janvier.

TAXATION DISSUASIVE 7 Pour sa part, l’Association canadienne des dépanneurs en alimentation (NCSA/ ACDA), un groupe de marchands de tabac animé par Dave Bryan et Michel Gadbois, réclame aux gouvernements fédéral et provinciaux qu’ils rendent illégale aux mineurs la possession de tabac. Le ministre de la Santé et des Services sociaux ne cache pas sa réticence envers cette approche. « Il faudrait que j’y pense, parce qu’il ne faut pas tout criminaliser. Je serais très prudent par rapport à cela. On a fait un grand pas par l’interdiction de la vente de tabac à des mineurs », souligne le ministre québécois. Le Dr Bolduc n’aime pas l’idée qu’on « créerait tout un mécanisme judiciaire » ou l’idée qu’on pourrait traiter un mineur de 15 ans en possession de tabac de la même façon que le possesseur d’une drogue qui est illégale pour tout le monde.

Inclusion et facteurs défavorables au tabagisme Le ministre Bolduc n’est pas du tout d’accord avec le refus de certains employeurs d’embaucher des fumeurs. Aller dans cette voie signifie de gérer des affaires délicates, fait valoir le Dr Bolduc. « Des gens vont commencer à mentir pour avoir des emplois », prédit le député de Jean-Talon, qui estime que dans notre société, la tendance est plutôt à la recherche de moyens d’inclure des gens en emplois, dont ceux qui ont des handicaps physiques ou des difficultés d’employabilité. Le ministre s’oppose à une politique de pénalisation des fumeurs et de « ghetto ». « Aux États-Unis, le système est différent », remarque Yves Bolduc, qui explique qu’outre-frontière « c’est un assureur privé qui assume les coûts de santé » et calcule les primes en fonction du risque de déboursés. Les employeurs « se disent que si les gens ne fument pas, cela va me coûter moins cher », constate le Dr Bol-

Yves Bolduc préfère une approche inclusive pour les fumeurs. Pas question de leur refuser un emploi à cause de leur tabagisme. duc. « Si la personne ne travaille pas et continue à fumer », ce n’est plus un employeur en particulier qui assume le coût, « mais il y a quelqu’un dans la société qui l’assume », rappelle le ministre québécois. Les employeurs américains évitent les frais en les refilant à d’autres, sans s’attaquer aux causes, observe Yves Bolduc, qui juge que « le système public québécois est mieux fait pour cela, car le système en général travaille pour diminuer le taux de tabagisme ». Bien s’alimenter, faire de l’exercice régulièrement et ne pas fumer sont la base de saines habitudes de vie aux yeux du ministre de la Santé. Ce dernier sait aussi que le tabagisme se concentre de plus en plus parmi les personnes pauvres et moins scolarisées. « Plus les gens sont à faible revenu, ou plus ils sont sans emploi, plus ils ont un risque d’avoir de mauvaises habitudes de vie », et moins ils sont en santé, croit le ministre, qui favorise un système social où l’éducation et l’emploi seraient encore plus valorisés que maintenant.

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8 SEMAINE QUÉBÉCOISE

Quand le discours antifumée se fait attendrissant Le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), tout en misant sur une formule de base déjà éprouvée ces dernières années, a décidé d’ouvrir plus grand que jamais les vannes de l’émotion pour la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac, du 18 au 24 janvier 2009. Seize visages bien connus de la télévision québécoise, dans autant de courts métrages de trente secondes diffusés du 10 au 24 janvier sur huit chaînes de télévision, ont servi de saisissants appels personnels en faveur de la vie et de la santé, et contre le tabagisme. S’adressant à un interlocuteur hors champ et muet, qui est tantôt un parent décédé, tantôt un enfant bien vivant, tantôt un conjoint, une maman, un papa, un ami, toujours un proche, chacune des seize personnalités, sur le ton de la confidence ou de l’amitié, remercie, félicite, supplie ou salue l’être cher. Le message est livré avec un arrière-fond sonore de piano mélancolique. La séquence des images fait alterner les couleurs chaudes et les couleurs bleutées, tête parlante et visage songeur.

Jack Hackel, qui n’en est pas à ses premières armes en matière de publicité sociétale, a signé la série de capsules-témoignages, qu’il a réalisée avec la collaboration de Janette Bertrand, qui n’en est pas non plus à ses premières audaces télévisuelles.

L’émotion en renfort de la raison Lors de la conférence de presse annonçant le lancement de la Semaine, le 15 janvier, le directeur national de la Santé publique du Québec, le Dr Alain Poirier, a déclaré avoir eu les larmes aux yeux en visionnant les seize capsules en rafale et il n’était pas la seule personne à réagir ainsi dans la salle -, et il s’est réjoui que les sentiments viennent en renfort des statistiques pour faciliter le changement des comportements et prévenir les maladies. Devant la presse, le Dr Poirier a aussi réaffirmé à quel point les pouvoirs publics ne peuvent pas s’opposer efficacement aux méfaits sanitaires de la pollu-

Extraits des messages télévisés

(...) C’est la plus belle décision que j’ai prise dans ma vie. D’arrêter de fumer, mais aussi d’avoir des enfants. Je vous ai offert ma petite maison sans fumée. Ça, j’en suis fière. Antoine, MarieJeanne, je vous aime. – Annie Brocoli, SRC

(...) Vous m’avez toujours encouragé de ne pas fumer. Mes deux soeurs, mon frère, moi-même, nous sommes aujourd’hui en santé grâce à vous. Maman, même si vous n’êtes plus là, je ne vous remercierai jamais assez. Je vous aime. – Jacques Demers, TQS

(...) Je mets toutes les chances de mon côté pour te voir grandir longtemps, longtemps. Je veux que ton coeur et tes poumons restent purs comme ils le sont présentement. Lambert, mon petit garçon, je t’aime. – Joël Legendre,TVA

(...) Tu m’as dit : “jamais je ne vais donner la permission à mes enfants de se rendre malade”. C’était pas un oui, c’était par un non. Mais cela a fait en sorte que je n’ai jamais fumé. Merci. Maman, je t’aime. – Pascale Tremblay,TQc

Dr Alain Poirier, directeur national de la Santé publique, au lancement de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac 2009 tion de l’air sans reconnaître en premier lieu les immenses ravages de la fumée du tabac et chercher la réduction du tabagisme. Car même dans un monde pollué de mille façons, les non-fumeurs s’avèrent moins souvent souffrants et s’avèrent profiter plus longtemps de la vie que leurs concitoyens qui fument. En plus de jouir du soutien financier du ministère de la Santé et des Services sociaux et de ses agences régionales, la campagne annuelle du CQTS pour un avenir sans tabac récolte l’appui, entre autres organismes, de six ordres professionnels du monde de la santé et de trois fondations charitables associées à la prévention des maladies et au financement de la recherche scientifique. La Semaine québécoise pour un avenir sans tabac profite aussi de l’engagement et du soutien sans cesse renouvelés de plusieurs télédiffuseurs. Sous le thème « Parce que je t’aime, je veux t’offrir un monde sans fumée », le CQTS a aussi produit des affiches, des textes pour un journal d’entreprise, des cartes de vœux, des modèles de courriels et un bandeau promotionnel animé pour un portail internautique. La porte-parole de la Semaine, la comédienne Mireille Deyglun, a réinvité la population à exprimer son amour à des personnes qui ont cessé de fumer, qui ont essayé d’arrêter, qui n’ont jamais commencé, qui évitent d’exposer les autres à la fumée, ou qui encouragent les jeunes à ne pas commencer à fumer. – par Pierre Croteau

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Les ados deviennent accros au tabac plus vite qu’on pensait En plus de présenter des témoignages, le CQTS avait jugé bon, pour lancer la Semaine de 2009, de faire état des progrès récents dans la connaissance du tabagisme, et d’inviter pour parler de cela l’épidémiologiste Jennifer O’Loughlin, professeure au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal et chercheuse scientifique de renommée internationale. La chercheuse québécoise explique que depuis la publication du rapport de l’hygiéniste en chef des États-Unis en 1994, l’histoire naturelle de la consommation de cigarettes chez une personne était souvent perçue comme une progression en cinq étapes : la préparation, durant laquelle l’intérêt envers le tabac est éveillé, l’essai, l’usage irrégulier, l’usage régulier, puis, après deux ou trois ans, une dépendance physiologique à la nicotine. « Notre étude révèle au contraire que les symptômes de dépendance à la nicotine, y compris les états de manque, apparaissent rapidement [rapidement après la première bouffée de fumée de tabac], bien avant la consommation hebdomadaire et quotidienne », affirme la professeure O’Loughlin, qui a observé depuis 1999 les habitudes de vie d’une cohorte de plus d’un millier de jeunes Québécois, lesquels commençaient cette annéelà leur cours secondaire. Après la première bouffée de fumée de cigarette, il faut en moyenne 2 mois pour que survienne la première inhalation, 5 mois pour éprouver la première envie de fumer et 12 mois pour éprouver les premiers symptômes d’un manque. Le nouveau fumeur fait ses premières tentatives sérieuses d’arrêter de fumer, après seulement 3 mois en moyenne, suivant la première bouffée de fumée, et commence à avouer son manque de confiance d’y parvenir, seulement 21 mois après la première bouffée. La consommation par le jeune d’au moins une cigarette par semaine n’est atteinte en moyenne qu’au 19e mois, et la consommation d’au moins une cigarette par jour arrive au 23e mois. On peut lire ces résultats de recherche dans un article de J. O’Loughlin, A. Gervais, E. Dugas et G. Meshefedjian, paru en juillet 2008 sur le site internautique de l’American Journal of Public Health. Le lancement de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac a aussi permis à la professeure O’Loughlin de rappeler des faits maintenant établis rigoureusement et qui risquent d’intéresser hautement les ados et leurs parents : les filles qui fument ne profitent d’aucun effet amincissant ; les garçons qui fument, en revanche, grandissent moins que les autres garçons. (Info-tabac a relaté cette découverte dans son numéro 74, juillet 2008, en pages 12 et 13.)

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Mettre une loi en œuvre : un aperçu des moyens qui sont pris Réclamer des interdictions de fumer est facile. Mais empêcher l’émission de fumée de tabac dans 225 000 lieux de travail ou lieux publics où fumer est interdit, incluant 1750 établissements de santé et de services sociaux, 3150 écoles, 8000 bars et 18 000 restaurants : voilà un défi. Et ce n’est que l’un des défis de l’application de la Loi sur le tabac dont la responsable du Service de lutte contre le tabagisme (SLCT) du ministère québécois de la Santé, Marjolaine Imbeault, a entretenu les participants des Journées annuelles de santé publique (JASP), en novembre dernier à Québec (voir note 1). Pour mettre en œuvre la Loi sur le tabac, le SLCT a produit des guides explicatifs, que l’on peut trouver en ligne, et qui ont aussi été imprimés et distribués avec des affiches, des autocollants, des sousverres pour les bars, etc., ... à la tonne. Et c’est sans compter l’espace et le temps d’antenne achetés dans les médias par le Ministère, quand des éléments particuliers de la Loi entraient en vigueur. Renseigner la population en général ne suffisant pas à assurer le respect de la Loi partout, le personnel du SLCT, qui compte 56 personnes, dont 38 inspecteurs, doit aussi rester à l’écoute, au téléphone, des demandes de renseignements et des plaintes du public; former et mobiliser des inspecteurs locaux; organiser et réaliser des visites d’inspection; et parfois servir des avertissements, ainsi que des constats d’infraction assortis d’une amende. Entre le 1er avril et le 30 septembre Grâce à la Loi sur le tabac et 2008, par exemple, le SLCT a servi 488 à la vigilance du Service de constats d’infraction à des personnes qui lutte contre le tabagisme, fumaient dans des bâtisses ou des espale Québec respire mieux. ces extérieurs où c’est interdit. Le responsable d’un de ces lieux peut aussi écoper d’une amende pour avoir toléré qu’une personne fume là où c’est interdit. 120 constats ont été émis à ce titre durant ces mêmes mois, pendant que huit autres ont été émis pour des exploitants ayant omis d’indiquer adéquatement les endroits où il est interdit de fumer. Globalement, du 31 mai 2006 au 30 septembre dernier, 82 % des constats d’infraction délivrés à un exploitant concernaient l’usage du tabac dans un lieu sous sa gouverne, et 18 % ont été remis à des détaillants de produits du tabac ayant bafoué les règles sur la vente ou la promotion. – par Pierre Croteau Note 1 : La présentation de madame Imbeault, de même que celles de sept autres conférenciers de la sesssion sur le tabagisme, peuvent être téléchargées via www.info-tabac.ca/liens77. Organisées par l’Institut national de santé publique, les 12es JASP eurent lieu au Palais des Congrès de Québec, du 17 au 20 novembre 2008.

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10 12es JASP

L’interdiction partielle de fumer était impraticable

Le fédéral parvient à sortir le tabac de ses pénitenciers Depuis l’été 2008, le gouvernement canadien parvient à faire respecter une interdiction de fumer dans les prisons sous sa juridiction, et cela autant dans l’enceinte extérieure des établissements de détention que dans les bâtisses. Et si le Service correctionnel du Canada (SCC) y réussit, c’est en partie parce que c’est un peu moins difficile à faire que de seulement empêcher de fumer à l’intérieur des bâtiments carcéraux. Voilà peut-être une leçon à tirer du récit que faisait le directeur adjoint aux opérations de la prison de Donnacona, Jean Simard, aux participants des Journées annuelles de santé publique (JASP) de novembre à Québec. À partir de janvier 2006, le SCC avait interdit partiellement de fumer dans les prisons sous son autorité : le personnel et les détenus étaient autorisés à fumer à l’extérieur des bâtisses. L’application de cette règle causa cependant des soucis et alimenta des griefs de la part des gardiens et des détenus, concernant l’exposition à la fumée secondaire. Pour s’assurer qu’un détenu puisse fumer dehors mais ne tente pas de fumer à l’intérieur, il fallait gérer l’entreposage des articles pour fumeur (tabac, pipes, briquets, etc.). La manipulation quotidienne de ces objets favorisait leur introduction et usage à l’intérieur, de même que des vols. Le SCC constatait tout cela et devait imposer aux fautifs des peines appropriées à la gravité et la fréquence des infractions. « On ne peut pas mettre en prison quelqu’un qui y est déjà », souligne Jean Simard. Les saisies de tabac,

Depuis mai 2008, le tabac est banni des pénitenciers fédéraux, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. assez fréquentes, donnaient parfois lieu à des « incidents ». Au bout du compte, le SCC annonçait en juin 2007 une prochaine interdiction totale de fumer, une règle qui allait s’appliquer environ 11 mois plus tard. Jean Simard dit que « le SCC était conscient qu’une interdiction totale de fumer dans ses établissements serait mal accueillie par une portion de la population carcérale », surtout les détenus ayant un

problème de santé mentale, et ceux usant du tabac comme monnaie dans l’économie souterraine des prisons. Les détenus, en forte majorité des fumeurs, furent « encouragés à discuter de leur préoccupation quant à la mise en œuvre » de la politique, laquelle prévoyait aussi l’interdiction de posséder du tabac en prison. En janvier 2008, le SCC fournit aux fumeurs des renseignements sur les aides pharmacologique et psychologique à l’arrêt tabagique offertes sans frais à compter de février, trois mois avant et trois mois après la mise en vigueur prévue du règlement. Le 21 avril, l’ébauche du nouveau règlement fut transmise au personnel, aux détenus et à diverses associations « afin d’obtenir leurs commentaires quant au contenu et au langage de la politique ». Environ 92 % des détenus fumeurs profitèrent des aides offertes, et le SCC dépensa près de 2,3 millions de $ en nicotine médicinale et en Zyban, dans les six premiers mois de 2008 (voir note 1). L’interdiction totale de fumer et de posséder du tabac en prison est d’abord entrée en vigueur dans les prisons à sécurité maximale, le 5 mai; puis dans celles à sécurité moyenne le 20 mai; et le 2 juin dans le reste des établissements. Les détenus de Springhill en Nouvelle-Écosse et de Warkworth en Ontario invoquèrent le nouvel interdit parmi plusieurs motifs d’un refus de travailler ou de participer à des programmes, mais ils restèrent calmes et finirent par reprendre leurs activités normales, à Warkworth le 4 juin et à Springhill le 23 juin. Dans deux prisons au Québec, Cowansville et Drummond, des détenus refusèrent de regagner leurs cellules le 2 juillet, et « certains ont tenté de causer des dommages aux biens de l’État », mais sans succès, raconte Jean Simard. Certains prisonniers refusèrent par la suite de travailler durant quelques semaines. Chaque mois, de nouveaux détenus et des visiteurs pénètrent dans l’enceinte d’une prison, et y introduisent parfois du tabac. En novembre dernier dans les prisons du SCC, une blague de tabac de 50 grammes pouvait se vendre clandestinement plus de 700 $, révèle Jean Simard. Le tabac était devenu plus rare, mais le désir d’en posséder subsistait. – par Pierre Croteau Note 1 : Depuis la fin d’août, seule la gomme de nicotine est accessible à la cantine des détenus, afin d’éviter la répétition d’incidents liés au mauvais usage souvent volontaire de timbres transdermiques.

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12es JASP 11

30 mois après l’interdiction de fumer

La majorité des tenanciers de bars ne voudraient pas revenir en arrière Il est rare qu’un propriétaire de bar agisse comme expert invité dans un colloque médical. Voilà le défi qu’ont relevé avec brio les organisateurs des 12es Journées annuelles de santé publique, tenues à Québec en novembre dernier, et Renaud Poulin, propriétaire d’un bar à Châteauguay et président de la CPBBTQ, la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec. Lors d’une séance portant sur la législation et la réglementation en tabagisme, M. Poulin a résumé les actions de sa Corporation concernant l’interdiction de fumer dans les lieux publics au Québec, dont les restaurants et les bars, une mesure entrée en vigueur en mai 2006. L’exposé du tenancier révèle les sentiments contradictoires qu’ont vécus et que vivent encore ses collègues du secteur des bars. Selon M. Poulin, il n’y avait aucun conflit entre la clientèle fumeuse et la clientèle non fumeuse avant la loi. Dans la plupart des établissements, on retrouvait environ 40 % de fumeurs ; parmi les employés, c’était entre 60 et 65 %. « Toute cette faune cohabitait dans l’harmonie. Il faut bien comprendre que les gens viennent dans les bars pour se divertir et non pas pour débattre des grandes orientations de la société », se souvient-il. Malgré cette note de mélancolie, le président de la CPBBTQ est aujourd’hui satisfait de la transformation de son industrie. Selon lui, la plupart des tenanciers ne voudraient pas revenir en arrière. « La qualité de l’environnement que nous avons obtenue au travail valait les sacrifices financiers que la loi a nécessités, admet-il. Assez rapidement, nous avons réalisé l’impact des produits toxiques qui se dégageaient de la cigarette, lorsqu’on constate la propreté de nos plafonds et de nos murs. Auparavant, ils jaunissaient presque à vue d’œil. »

Collaboration avec le Ministère Dans son exposé, M. Poulin rappelle que sa Corporation s’était d’abord opposée au projet de loi, notamment en com-

Renaud Poulin aux 12es Journées annuelles de santé publique mission parlementaire. Mais, après que la loi fut adoptée en juin 2005, et que l’ancien ministre Philippe Couillard ait accordé quelques concessions mineures (dont le droit aux terrasses et aux fumoirs extérieurs), la Corporation a changé son fusil d’épaule. De manière à faciliter le respect de la mesure controversée, elle a contribué à une campagne médiatique, à une tournée provinciale et à des envois postaux. Le logo de la Corporation fut même apposé sur certains documents publicitaires gouvernementaux, avec celui de l’Association des restaurateurs du Québec, laquelle s’était rangée du côté de la santé deux années auparavant.

L’homme d’affaires indique que la période estivale était appropriée pour l’implantation de la loi, puisque les clients pouvaient aller fumer dehors plus facilement. La première année de la réforme fut quand même difficile. Les tenanciers ont écopé d’une baisse de revenus importante, mais non catastrophique. Les recettes des appareils de loterie vidéo ont baissé de 17 %, après douze années de croissance. Pour l’alcool, la réduction s’est chiffrée autour de 7 à 8 %, mais celleci peut s’expliquer partiellement par les mesures contre l’alcool au volant et la diminution constante de consommation dans les bars depuis plusieurs années. C’est le secteur des discothèques qui aurait été le plus touché, en particulier par la fin « d’énormes commandites venant de l’industrie du tabac, dont les cigarettes girls ». Certains fumeurs se sont sentis offusqués dans leurs droits et ont utilisé le boycott des bars pour se faire entendre, croit Renaud Poulin. Les tenanciers qui ont adopté une approche positive ont mieux traversé cette période difficile. – par Denis Côté

Travail des médias M. Poulin signale que la plupart des tenanciers de bars ont utilisé le matériel adéquat fourni par le Ministère pour sensibiliser leur clientèle. « Mais le gros du travail a été fait par les médias qui ont couvert massivement l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, se rappelle-t-il. Aucun Québécois, fumeur ou non-fumeur, ne pouvait ignorer qu’il était interdit, à partir du 31 mai 2006, de fumer dans les endroits publics. Ce qui nous a facilité énormément la tâche. »

Le 31 mai 2006, les restaurants et bars québécois sont devenus sans fumée, en vertu d’une loi adoptée en juin 2005.

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12 LÉGISLATION

L’Ontario décide de frapper un grand coup contre les cigarillos En Ontario, il sera bientôt interdit de mettre en marché des cigarillos aromatisés et de vendre les autres cigarillos dans des emballages de moins de vingt unités. Ces interdictions ont été ajoutées à la Loi favorisant un Ontario sans fumée par l’Assemblée législative provinciale, en décembre dernier. Leur date d’entrée en vigueur n’est pas encore connue. Le nouveau texte de loi donne une définition passablement inclusive de ce que peut être un cigarillo, et stipule qu’il est aromatisé quand il contient un agent aromatisant, ou quand il est présenté comme étant aromatisé par son emballage, sa publicité ou autrement.

Sus aux « cigarettes brunes » Aux yeux de la nouvelle loi ontarienne, un cigarillo est un produit du tabac prenant la forme d’un rouleau ou d’un tube, formé d’une cape ou robe contenant du tabac en feuilles naturel ou reconstitué; et qui pèse moins de 1,4 gramme ou qui est muni d’un filtre fait notamment de cellulose ou d’acétate. Ce peut être aussi un autre objet vendu comme étant un cigarillo. Et pour éviter que les fabricants ou les distributeurs de cigarillos commencent à jouer avec les mots, n’importe quel autre produit du tabac que le gouvernement ontarien « prescrit » comme étant un cigarillo sera aussi un cigarillo. Pour Heidi Rathjen, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), un organisme qui a réclamé depuis des années aux autorités fédérale et québécoise une réglementation plus sévère contre les cigarillos, « la loi ontarienne est un modèle à suivre ». La directrice de campagne de la CQCT note que

Avec ses arômes enjôleurs, le cigarillo s’avère une nouvelle et populaire forme d’initiation au tabagisme. Figurant non fumeur

l’interdiction de tous les arômes par la loi ontarienne ne s’appliquera qu’aux cigarillos, mais elle juge que cette mesure « combattra de manière efficace le phénomène extrêmement préoccupant qu’est la popularité de ces produits, surtout auprès des jeunes ». Heidi Rathjen considère que l’obligation de vendre les cigarillos au nombre minimal de vingt unités est aussi une mesure importante. Au grand dam de groupes canadiens de lutte contre le tabagisme, dont notamment les Médecins pour un Canada sans fumée et l’Association pour les droits des

non-fumeurs, la réglementation fédérale qui touche la vente des produits du tabac fait la partie beaucoup plus facile aux cigares, et aux « petits cigares », comme Ottawa appelle les cigarillos, qu’aux cigarettes. En vertu de la réglementation fédérale canadienne, les cigarettes doivent être vendues en paquets de vingt ou plus; une mise en garde sanitaire illustrée doit couvrir au moins 50 % de chacune des deux grandes surfaces du paquet; la liste des composants chimiques de la fumée doit être imprimée sur le côté du paquet; et un message d’information sanitaire doit aussi être glissé à l’intérieur. En revanche, les cigarillos, qui ne valent pas mieux que les cigarettes pour la santé, peuvent être vendus au Canada sans liste de composants de la fumée émise et sans message glissé dans le paquet. Lorsque les cigarillos sont vendus dans un emballage de plusieurs unités, une mise en garde sanitaire doit être apposée sur le paquet, où celle-ci occupe entre 13 % et 27 % de la surface, en toute légalité. Cette mise en garde peut n’être visible que sur un seul côté de l’emballage. Un cigarillo peut aussi être vendu à l’unité et aucune des obligations que l’on vient d’énumérer ne s’applique alors à lui. Au Québec, où un règlement oblige à débourser un minimum de 5 $ pour acheter un ou des produits du tabac autres que des cigarettes, des paquets de trois cigarillos sont offerts et vendus à 5,01 dollars. À partir du 1er juillet prochain, l’adepte des cigarillos ne pourra plus s’en procurer légalement sans débourser au moins 10 $. La réglementation québécoise ne parle toutefois pas de l’emballage du produit, ni d’une interdiction de la vanille, du chocolat, de la pêche ou de quelque arôme que ce soit. Les groupes de lutte contre le tabagisme considèrent les cigarillos comme un puissant instrument de recrutement d’une jeune clientèle par l’industrie du tabac, parce que ces produits favorisent l’expérimentation. Une fois piégé par le tabac, ce qui survient très vite, le jeune qui juge trop onéreuse sa consommation de cigarillos pourra préférer consommer des cigarettes, tout simplement.

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La consommation des « petits cigares » Les détaillants de tabac n’ont pas le droit de vendre des cigarillos aux personnes mineures. La contrebande des cigarillos semble un phénomène plus que marginal. Pourtant, les cigarillos se retrouvent aux lèvres de nombreux jeunes, y compris des mineurs. En marge de l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESUTC), l’agence Statistique Canada s’intéresse distinctement à la consommation de « petits cigares » depuis 2007. Les dernières estimations de l’agence fédérale, lesquelles sont basées sur des déclarations recueillies durant les mois de février à juin 2008, ont révélé qu’au Canada, 7 % des personnes âgées de 15 à 17 ans ont fumé un « petit cigare » aux cours des derniers trente jours, comparativement à 14 % des personnes de 18 et 19 ans, à 14 % de celles de 20 à 22 ans, et à 11 % de celles de 23 et 24 ans. Quand elle regarde au-delà des trente derniers jours, l’ESUTC donne le portrait suivant : 33 % des jeunes de 15 à 19 ans ont déjà essayé le cigarillo. Cette proportion atteint 50 % chez leurs aînés âgés d’entre 20 et 24 ans, mais seulement 37 % dans l’ensemble de la population de 15 ans et plus. Un an plus tôt, dans la même enquête, les proportions atteignaient 31 % chez les 15 à 19 ans, 46 % chez les 20 à 24 ans, et 37 % dans l’ensemble de la population de 15 ans et plus. Voilà pour les cigarillos. Or, la population de 20 à 24 ans est la seule chez qui la proportion des fumeurs de cigarettes a augmenté depuis 2006, bien qu’on ne soit pas encore certain que ce soit de façon vraiment significative. Selon les statistiques que nous a transmises Philippe Laroche, relationniste à Santé Canada, les ventes de « petits cigares » au Canada sont passées de 53 millions d’unités en 2001 à 276 millions en 2006 puis à 403 millions en 2007. Le nombre de « petits cigares » consommés en 2007 était donc 7,6 fois plus grand que six ans plus tôt, alors que le nombre de cigarettes vendues légalement au Canada est passé de 42,1 milliards à 28,7 milliards durant la même période. Reste à voir si l’interdiction depuis juin 2008 des étalages de produits du tabac au point de vente dans les deux provinces les plus populeuses du Canada aura pour effet de freiner significativement les achats impulsifs de produits du tabac, et en particulier les achats de cigarillos. – par Pierre Croteau

Sur cette photo prise par la CQCT, des cigarillos se confondent avec des friandises et des tubes de baume à lèvres.

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14 BRÈVES

Recul du tabagisme 18 % de la population de 15 ans et plus au Canada fume la cigarette. Au Québec, c’est 19 % qui en fait autant. Voilà quelles sont les dernières estimations produites par Statistique Canada grâce à l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESUTC). Ces estimations de prévalence du tabagisme, les plus basses depuis que cette enquête est menée, sont basées sur des réponses données dans la première partie de 2008 (février à juin), et sont disponibles sur le site de Santé Canada depuis le 19 janvier. De tels résultats, précis à plus ou moins 1,6 point près, pourraient apaiser un peu le vent de pessimisme qui a soufflé dans le monde de la lutte contre le tabagisme en 2008, après la publication des résultats de 2007. L’état de la situation est nettement moins sinistre qu’au 20e siècle, en particulier au Québec. Les politiques pour prévenir l’acquisition de la dépendance au tabac et favoriser l’arrêt tabagique ont un effet. Parmi les jeunes Québécois de 15 à 19 ans, la proportion de fumeurs de cigarettes est passée de 36 % en 1999 à 17 % en 2008. Aucune autre province n’affiche une telle diminution. La dépendance à la fumée du tabac tient cependant encore prisonniers 4,9 millions d’hommes et de femmes au Canada, dont 1,3 million au Québec : le tabagisme demeure donc un problème majeur de santé publique, sachant que l’inhalation fréquente de fumée du tabac débilite physiquement et raccourcit la vie.

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Pourcentages des 15 ans et plus qui fument la cigarette, Canada (en rouge) et Québec (en bleu), de 1999 à 2008

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Pourcentages des 15 à 19 ans qui fument la cigarette, Canada (en rouge) et Québec (en bleu), de 1999 à 2008

* Pour 2008, phase 1 seulement – Source : ESUTC, Santé Canada

À Toronto, on ne joue plus avec la fumée Le conseil municipal de la cité de Toronto a adopté en janvier une résolution pour interdire de fumer à proximité (neuf mètres) de ses terrains de jeu, ses pataugeoires et ses jeux d’eau récréatifs. L’interdiction entrera en vigueur quand le gouvernement provincial aura fixé le montant des amendes possibles.

Fumer accroît le risque de cancer colorectal

* Pour 2008, phase 1 seulement – Source : ESUTC, Santé Canada

Fumer régulièrement augmente de 18 % le risque d’une personne d’être atteinte de cancer colorectal et de 25 % son risque d’en mourir. C’est ce qu’ont établi l’épidémiologue Edoardo Botteri, de l’Institut européen d’oncologie de Milan, et d’autres scientifiques italiens et américain, au terme d’une méta-analyse de 121 études réalisées auprès d’un total de 40 000 personnes atteintes de la maladie et de 100 000 personnes qui ne l’étaient pas. Les résultats de la méta-analyse sont parus le 17 décembre dernier dans le Journal of the American Medical Association (JAMA). Une consommation régulière d’alcool; une alimentation à forte teneur en viande, graisses et protéines; et un manque d’exercice continuent de figurer parmi les autres facteurs de risque de cancer colorectal.

Chimie du tabac : de la belle vulgarisation La composition des cigarettes ou la composition de la fumée de tabac vous intrigue ? Vous voudriez qu’un être cher comprenne en quelques minutes les effets de la fumée sur la santé du corps ? Depuis la mi-janvier, Santé Canada met en ligne de courtes explications illustrées et animées sur ces sujets, à l’adresse www.hc-sc.gc.ca/hl-vs/tobac-tabac/fact-fait/smokefumee1-fra.php#cont (accès facile via www.info-tabac.ca/liens77 ). Le petit cours se divise en trois sections, qu’il est préférable de regarder dans l’ordre où elles sont proposées : Du plant de tabac à la cigarette, Que se produit-il quand le tabac brûle ?, et Le tabagisme, votre corps et vous ! À conseiller notamment aux personnes qui croient que le tabac est un poison à cause des produits chimiques « ajoutés »…

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BRÈVES 15

Yves Archambault à la retraite

On ne remonte pas la pente en fumant Aux stations de ski alpin de Mont-Ste-Anne, de Mont St-Sauveur et de Stoneham, les amateurs d’air pur ne se font plus enfumer, nulle part. Les nouveaux règlements en vigueur cette saison-ci interdisent non seulement de fumer dans les bâtiments et les télécabines, mais aussi dans les files d’attente des télésièges.

Louis Gauvin et Heidi Rathjen honorés Louis Gauvin et Heidi Rathjen, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, ont été honorés à titre de « Non-fumeur de l’année 2008 » par l’Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF). Le 11 décembre dernier à Montréal, en reconnaissance d’une « contribution remarquable à la santé publique », un parchemin leur a été remis par Garfield Mahood, directeur de l’ADNF, et son lieutenant québécois, François Damphousse. Mme Rathjen, directrice de campagne de la Coalition, et M. Gauvin, coordonnateur et fondateur, étaient ravis d’être ainsi récompensés par leurs pairs, MM. Mahood et Damphousse étant eux aussi des pionniers réputés dans la réduction du tabagisme. Parrainée par l’Association pour la santé publique du Québec, la Coalition fut lancée en 1996 pour appuyer la législation québécoise contre le tabac. Elle s’est distinguée en établissant une plateforme de revendications, maintenant endossée par plus de 700 organismes. D’ailleurs, une mise à jour complète de cette plateforme s’effectue actuellement, compte tenu des progrès substantiels réalisés dans la lutte antitabac. Mme Rathjen et M. Gauvin sont fréquemment invités à titre de conférenciers experts de cette spécialité, non seulement au Canada mais aussi à l’étranger.

François Damphousse, Heidi Rathjen, Garfield Mahood et Louis Gauvin, lors de la remise du titre de « Non-fumeur de l’année 2008 »

Professionnel au Service de lutte contre le tabagisme du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, Yves Archambault prendra sa retraite à la mi-mars. Sage et discret, M. Archambault est le doyen de son département, spécialisé en tabagisme depuis une vingtaine d’années. Au début des années 1990, il était même le seul fonctionnaire du Ministère à traiter du sujet, à temps partiel de surcroît. Depuis lors, le personnel et le budget de son secteur se sont fortement accrus. Travaillant dans l’ombre du chef de service, Yves Archambault détient une connaissance approfondie des dossiers du tabagisme. C’est souvent lui qui préparait les allocutions de ses patrons, quand ce n’est celles du ministre. À la rencontre des intervenants tabac de juin 2008, animée par le Ministère, il s’était permis une présentation plus personnelle, non officielle, brossant le tableau de ce que pourrait être la lutte antitabac durant la prochaine décennie. L’organisme Info-tabac se joint à ses partenaires afin de remercier M. Archambault pour l’ensemble de son action, et lui souhaiter une agréable retraite si méritée.

Yves Archambault, aux Journées annuelles de santé publique, à Québec en novembre 2008

La vague anti-étalage emporte l’Acadie Depuis le 1er janvier, il est interdit d’exposer les produits du tabac à la vue du public dans les points de vente de la province du Nouveau-Brunswick. Le Territoire du Yukon a déjà voté une loi en ce sens qui entrera en vigueur le 15 mai. Parmi les dix provinces et trois territoires de la fédération canadienne, il ne restera alors que Terre-Neuve-et-Labrador qui autorisera encore cette pratique commerciale. Mais probablement pas pour longtemps.

De la nicotine propre dans les dépanneurs La province de Terre-Neuve-et-Labrador a procédé dans les derniers mois de 2008 à une consultation sur son projet d’interdire prochainement l’étalage des produits du tabac aux points de vente. Le document de consultation du ministère provincial de la Santé a ouvert la possibilité qu’une législation soit en vigueur dès le 1er septembre 2009. Le gouvernement terre-neuvien propose aussi d’interdire la vente de produits du tabac dans des endroits consacrés au loisir, de restreindre la publicité dans les points de vente, et que les détaillants de tabac vendent aussi des timbres transdermiques, de la gomme, des pastilles et des inhalateurs de nicotine, afin de favoriser les tentatives de renoncement au tabac.

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info·tabac .ca no 77,BRÈVES mars 2009

Info-tabac est publié avec l’appui de

10e Défi « J’arrête, j’y gagne ! » C’est à compter du 1er mars, et pendant six semaines, que les participants du 10e Défi « J’arrête, j’y gagne ! » doivent obligatoirement s’abstenir de fumer. Les inscriptions ont pris fin le 28 février. Parmi les quelque 260 000 participants des neuf éditions annuelles antérieures, environ les deux tiers respectaient leur engagement, selon des sondages indépendants. Au bout d’un an, la proportion de non-fumeurs s’élève entre 25 et 30 %, ce qui demeure un taux très élevé, comparativement aux tentatives solitaires, qui réussissent dans moins de 5 % des cas. L’équipe d’Acti-menu, instigatrice du Défi, compte sur l’entraide entre les participants pour obtenir un sevrage réussi, qu’il s’agisse de duos de fumeurs qui s’épaulent, ou d’un fumeur parrainé par un nonfumeur. Elle rappelle que, selon une étude parue dans le New England Journal of Medicine au printemps 2008, les risques de rechute sont diminués de 67 % si le conjoint arrête en même temps, de 36 % s’il s’agit d’un ami et de 25 % pour un parent. Renseignements sur www.defitabac.ca.

Ce certificat de « 1 an sans fumer ! » peut être téléchargé depuis le site du Défi.

Info-tabac en Inde

Possession de tabac par un mineur Publié cinq fois l’an par l’organisme sans but lucratif du même nom, Info-tabac est distribué gratuitement aux médias, parlementaires et groupes de santé du Canada français (principalement au Québec). La revue est aussi disponible sur www.info-tabac.ca en formats HTML et PDF. Ce site Web dispose d’un moteur de recherche couvrant tous nos textes depuis le premier numéro en 1996. Dépôts légaux : Bibliothèque nationale du Québec ; Bibliothèque nationale du Canada, nov. 1996. ISSN 1480-1833. Imprimé en 5 000 exemplaires par Impart Litho, Victoriaville QC. Commentaires et suggestions : Pierre Croteau, journaliste ([email protected]). Révision : Karine Tessier. Publicité et partenariats : Denis Côté, coordonnateur ([email protected]). Téléphone : (514) 525-7025. Télécopieur : (514) 525-6044. Abonnements : [email protected] ou www.info-tabac.ca/abonne.htm Voyez notre site Web, entièrement rafraîchi au printemps 2007 :

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Depuis la mi-janvier 2009, l’Association canadienne des dépanneurs (CCSA/ACDA) de Dave Bryans et de Michel Gadbois réclame des gouvernements provinciaux ce qu’elle réclamait l’an passé du gouvernement fédéral : rendre illégale la possession de tabac par un mineur. Pour étayer sa prise de position, l’ACDA cite une étude parue dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health en octobre 2008 et basée sur une expérience dans des villes américaines. Heidi Rathjen, directrice de campagne de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), réaffirme qu’une telle approche serait contre-productive, en plus d’être coûteuse à appliquer. La CQCT pense que de rendre la possession du tabac illégale pour un mineur ajouterait à l’affaire un aspect de risque et d’interdit qui est justement ce qui attire des adolescents susceptibles de fumer : se rebeller contre l’autorité. La possession de tabac par les jeunes de moins de 16 ans a été illégale entre 1908 et 1993, et durant ces années, le taux de tabagisme chez les mineurs a fluctué indépendamment de la loi, atteignant plus de 50 % en 1974, rappelle Heidi Rathjen. La directrice de campagne de la CQCT observe que les ressources suffisent à peine pour veiller à l’application de la législation actuelle dans des points de vente légaux, lesquels sont immobiles et beaucoup moins nombreux que les jeunes qui fument au pays. Miser sur des enquêtes de police, les tribunaux de la jeunesse et des sanctions pénales, pour régler un complexe problème de toxicomanie, est une stratégie perdante, aux yeux d’Heidi Rathjen, et « punir les jeunes tombés dans un piège, plutôt que réduire l’attrait du tabac, n’est pas non plus une solution éthique ».

Poste-publications

Pierre Croteau et Denis Côté couvriront la 14e Conférence mondiale sur le tabac OU la santé, qui se tient à Mumbai, en Inde, du 8 au 12 mars. Voyez leur reportage dans nos deux prochaines éditions.

Les vues exprimées dans cette revue ne représentent pas nécessairement la position officielle du MSSSQ.