Bras de fer entre la Ville et un expert rue des Phocéens

212 000 euros à la SAS ZAZ. Celle-ci va devoir revoir ses plans et vendre son bien. D.C. et M.Ri. L'immeuble insalubre de. Plombières enfin préempté !
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jeudi 7 mars 2019 / La Marseillaise

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PROVENCE

Bras de fer entre la Ville et un expert rue des Phocéens MARSEILLE Un expert judiciaire confirme le risque d’effondrement d’un immeuble haussmannien. La Ville ignore l’alerte et lève l’interdiction d’occuper.

HABITAT INDIGNE

A

lain Marhely, un des 15 experts judiciaires mobilisés depuis le 5 novembre, et Christophe Suanez, le chef du service prévention et gestion des risques à la Ville de Marseille, se livrent depuis des semaines à un inquiétant bras de fer. En cause, la sécurité de l’immeuble haussmannien du 24, rue des Phocéens, à la Joliette. « J’informe les parties présentes que le risque d’effondrement existe et peut être immédiat du fait des pathologies relevées et qu’il est impératif d’étayer en urgence les planchers des étages, depuis le sol de la cave », écrit le 25 janvier, Alain Marhely, non désigné dans ce cas par le tribunal administratif mais mandaté par le propriétaire ICF Habitat (SNCF Immobilier). Le bailleur social fait reloger 17 des 19 locataires, deux refusent tant que le péril n’est pas affiché par les services de la Ville. Contacté, le directeur d’ICF n’a pas voulu s’exprimer. Courant décembre 2018, les services de gestion du bailleur ont constaté des fissures intérieures et des affaissements de plancher. Puis des fissures obliques sur toute la hauteur des

Le collectif du 5 novembre propose d’élire Mister Élu Indigne

Les caves et les cinq étages du 24, rue des Phocéens sont entièrement évacués et étayés. Le glissement des sols affecterait plusieurs immeubles du 14 au 28 de la rue des Phocéens. PHOTO DR

façades, des portes qui se fermaient difficilement. L’expert Marhely décide d’appliquer les mesures conservatoires d’étaiement total des planchers et des caves. Il diffuse le 26 janvier une demande d’arrêté de péril grave et imminent.

Abrogé sans motivation

La Ville dépêche le 30 un technicien puis Christophe Suanez se déplace en personne. Aujourd’hui Marhely accuse ce dernier, que nous avons tenté de joindre, d’avoir bloqué la procédure de péril. La Ville prend un arrêté d’interdiction

d’occupation le 30 janvier « dans l’attente de la nomination d’un expert désigné par le tribunal administratif ». Cet arrêté a été abrogé sans la moindre motivation le 18 février et sans que la procédure d’arrêté de péril n’ait été diligentée, suscitant l’incompréhension de l’expert. L’étude géotechnique qu’il a commandée confirme la fragilité du sol, son affaissement. « Tout l’îlot d’immeubles de la rue des Phocéens est bâti sur des pieux de bois et ces immeubles sont dépourvus de fondation », écritil. De préciser : « Ces immeu-

bles ont 150 ans d’où le risque important et manifeste d’être déstabilisés et par la suite de subir un risque de tassement différentiel, voire d’effondrement partiel ou total. » Il lie ces désordres à l’altération des pieux de bois, à la modification de l’écoulement naturel de l’eau de ruissellement dans le sous-sol de ce qui était un ancien bras de mer. Et pointe une origine possible, la reprise en sous-œuvre il y a 7 ans des fondations du NH Hôtel Group au 37, boulevard des Dames. Marius Rivière et David Coquille

« La compétition en cette saison automne/hiver est rude cette année ! », ironise le collectif du 5 novembre sur un site web qu’il dédie à l’élection de Mister Élu Indigne. Le collectif propose aux internautes de voter entre quatre candidats : Xavier Cachard, propriétaire d’un des appartements situés au 65, rue d’Aubagne, élu LR à la Région, Bernard Jacquier, propriétaire d’un bien déclaré insalubre à la Belle-de-Mai, élu LR à la Métropole, Thierry Santelli, propriétaire d’un taudis à Saint-Mauront, frappé d’un arrêté de péril, élu LR au Département et administrateur de Marseille Habitat, et enfin André Malrait, propriétaire d’un garage rue Breteuil, transformé en un 17m² insalubre, loué à 520 euros par mois, adjoint au maire LR chargé du Patrimoine. Le résultat sera donné dimanche 10 mars à midi, place des Capucins. M.Ri

L’immeuble insalubre de Plombières enfin préempté ! IMMOBILIER L’Établissement public foncier Paca va acquérir le 69, boulevard de Plombières. Racheté à un marchand de sommeil, il avait été vendu aux enchères le 7 février pour 212 000 euros... a grande boucle de l’insaL lubrité est bouclée. L’immeuble situé au 69, boulevard

de Plombières (3e), composé de huit appartements et d’un local commercial, revient, enfin, dans le giron public après avoir été refilé de marchands de sommeil en marchands de sommeil pendant des années

(lire La Marseillaise du 4 et du 8 février). L’Établissement public foncier Paca a décidé de préempter le bien, a annoncé la Ville. « Considérant que les biens vendus, objet d’un arrêté d’insalubrité remédiable, à usage principal d’habitation, ne sont plus adaptés au vu de leur situation et de leur configuration à de l’habitat, leur reconfiguration doit être envisagée au vu d’un projet d’aménagement d’ensemble et de renouvellement urbain. » Doux euphémisme tant l’immeuble est dégradé.

Taudis à louer

Petit retour en arrière pour comprendre jusqu’où doit passer un bien avant d’être préempté par les autorités. En juin 2015, Christophe Laroussi ra-

chète l’immeuble à un certain Norbert Elbaz, qui l’avait acquis en 2000 pour 160 000 euros à une SCI parisienne. En février 2017, celui-ci a été condamné à 2 ans de prison avec sursis, 50 000 euros d’amende et confiscation des loyers saisis pour « soumission de personnes à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ». Seulement en février 2018, patatras, l’immeuble est finalement saisi par la banque pour 327 000 euros de créances. Il y a un mois, il est mis aux enchères par le tribunal de grande instance de Marseille à 15 000 euros et est adjugé à 212 000 euros à la SAS ZAZ. Celle-ci va devoir revoir ses plans et vendre son bien. D.C. et M.Ri

« L’acquéreur devra faire son affaire personnelle de la levée de cet arrêté d’insalubrité, des travaux à réaliser et des frais de relogement des locataires », disait l’avis d’adjudication. PHOTO D.C.