Armance BUOT DE L'EPINE, 2014 PLOUF!!!!!! - Museum de Toulouse

Surtout en servant de déjeuner à la bête qui, maintenant j'en suis sûr, me tient ... Et la « bête » me pose sur le sol. Bon, tant pis ... remets à pleurer de plus belle.
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PLOUF Armance BUOT DE L'EPINE, 2014

PLOUF!!!!!! Je me sens très secoué, j’ai l’impression d’être tombé de très haut (ce qui est peut-être le cas), mais pour l’instant je ne sais pas où je suis. Cela fait bien un mois que je refuse de sortir de mon œuf. Mes frères et sœurs ont même essayé de le fissurer à ma place! L’atmosphère n’est pas la même que d’habitude, on dirait que...que je... je suis dans l’eau! Tout d’un coup je me sens submergé par la peur et j’ai la vague impression que quelqu’un ou quelque chose vient de prendre mon œuf pour l’emmener je ne sais où, peut-être pour me manger? Mon but était de devenir un faucon adulte sans jamais quitter mon œuf : je ne peux pas mourir maintenant! Surtout en servant de déjeuner à la bête qui, maintenant j’en suis sûr, me tient dans sa gueule. Tiens, serions-nous sortis de l’eau? Je suis sûr que nous avons rejoint la terre. Et la « bête » me pose sur le sol. Bon, tant pis pour ma première vocation, je me décide à sortir. La curiosité n’est pas une qualité, paraît-il, mais cela ne m’arrête pas. Je mets bien une heure à casser mon œuf, je manque d’entraînement. Quand enfin je sors, la première chose que je vois sont deux énormes yeux globuleux. Je me dépêche de rentrer dans mon œuf. Puis tout s’éclaircit dans mon esprit et je sais qu’il ne peut s’agir que de ma maman. Maintenant rassuré, je retente une sortie : ma mère est toute verte avec la peau toute dure et des gros yeux jaunes. Au début je me dis qu’elle malade, mais en voyant mes frères et soeurs... je frôle la crise cardiaque... Ma mère a rendu toute la famille malade!!!

Je ne sais quel mal les frappe, mais je décide d’aller chercher quelque herbe aromatique en vue de les guérir tous et surtout pour ne pas tomber malade moi aussi. C’est à ce moment-là que je réalise que je ne suis pas à l’air libre mais dans une... grotte. Quand j’ai une idée en tête, je ne la lâche pas. Je me mets donc en quête de trouver la sortie. J’avance un moment puis me heurte à de l’eau. Impossible de passer! Voyant mes frères et sœurs qui me suivent de

2 près, je veux leur dire de ne pas aller plus loin, mais trop tard! Ils s’enfoncent déjà tous dans l’eau, si loin que je ne les voie plus. Je me mets à pleurer toutes les larmes de mon corps : ils étaient trop jeunes pour mourir et je venais à peine de les connaître! Quelques minutes après, ma mère arrive et sans écouter mes cris d’alarme, prend le même chemin qu’eux. Je me remets à pleurer de plus belle. Je veux me jeter dans l’eau, moi aussi, pour les suivre dans l’au-delà, quand je vois soudain la tête de ma mère revenir à la surface. Submergé d’émotion, je m’évanouis. Quand enfin je me réveille, ma faim est féroce et je dévore goulûment la nourriture qui est apparue entretemps, comme par magie, à mes côtés. Je suis toujours dans la grotte, et peu de temps après mes frères et soeurs reviennent, accompagnés de ma mère. Je décide d’établir un premier lien avec eux en leur parlant, ils me répondent, certes, mais pas dans la langue que je connais!!!! Ils parlent une langue bizarre accompagnée de grognements. Je raisonne : soit, vu que je suis le petit dernier je ne parle pas encore très bien, soit ce sont eux qui ont un problème, mais je doute des deux propositions. Ma première hypothèse est impossible! Mes frères et sœurs m’ont donné des cours de langue à travers la coquille. La deuxième hypothèse ne va pas non plus, puisque que ma mère parle exactement comme eux. Je commence à douter. Est-ce là ma vraie famille? Comme il semble que ce soit la seule que j’ai, je décide de la garder. Elle m’a accueilli, logé, câliné et je pense qu’elle le fera toujours, alors...

Je commence mon apprentissage au sein de mon étrange famille. Toute ma première année, je reste dans la grotte. Impossible de sortir, je n’ai pas le don de mes frères et soeurs qui peuvent rester longtemps sous l’eau sans respirer. À la fin de ma première année, non sans avoir beaucoup essayé auparavant, je réussis enfin à plonger et ressortir à la surface hors de la grotte avec l’aide de ma mère. Pendant toute cette année, j’ai rêvé du soleil, mes frères et soeurs me le décrivent à chaque fois qu’ils reviennent d’une de leur petite excursion. Et moi je

3 le dessine. J’ai un an et cela fait bien un mois que je parle couramment leur langue (à part quelques mots qui ne s’utilisent pas couramment). À deux ans et demi, j’arrive à sortir de la grotte sans l’aide de ma mère et je peux me nourrir seul. Mes frères et sœurs ont quitté la grotte familiale depuis longtemps mais reviennent régulièrement me rendre visite. Mais je ne peux partir comme eux, je suis toujours trop faible. J’ai tous les ans de nouveaux frères et sœurs. Je m’occupe d’eux comme un père... ou une mère, car je ne sais toujours pas de quel sexe je suis, c’est horrible. Ma mère ne peut m’aider. Chez les crocodiles, jamais on a vu un enfant comme moi. N’en pouvant plus, je décide un jour de prendre les choses en main. Je dis adieu à ma mère, qui me laisse partir en pleurant. Une fois sorti de l’eau, mon premier souci est de me construire un abri. Je ne rentrerai pas à la maison tant que je n’aurai pas compris pourquoi je suis différent. Suis-je d’une autre race, comme je l’ai pensé un moment le jour de ma naissance? Je m’auto-exile. J’apprends à voler en beaucoup moins de temps qu’il ne m’en a fallu pour apprendre à nager. Si je suis bien d’une autre race, cela doit être naturel parmi les miens. J’observe les êtres qui m’entourent, et comprends que je suis un oiseau. Peut-être suisje tombé d’un nid? Je cherche sa trace aux environs de la rivière qui coupe la grotte de la terre. Rien!!!!!!! Un jour d’exploration, je découvre en haut d’une montagne voisine les vestiges d’un nid. Bien sûr, comment n’ai-je pas pensé plus tôt à explorer les hauteurs! Je décide de ne pas quitter ce nid avant d’en avoir rencontré l’un des occupants. Ce n’est pas peine perdue. Bientôt un oiseau arrive sur moi à folle allure mais stoppe net en me voyant. J’ai droit à tout un interrogatoire. En échange, il m’apprend que je suis un faucon et mâle, comme lui. Il a connu ma famille, mais elle a quitté la région depuis longtemps. Je lui montre où je vis pour qu’il sache où me prévenir s’il a un jour des nouvelles à m’apprendre. Après son départ, je laisse éclater mes larmes. C’est alors qu’une jeune crocodile inconnue s’approche de moi, me console, et me demande pourquoi je pleure. Je lui conte mon histoire et à la fin elle pleure avec moi à chaudes larmes. Cela nous fait rire, toutes ces larmes pour un

4 crocodile, et c’est le coup de foudre. De notre union est né voici quelques jours le plus beau dragonneau qui soit... Ses grandsparents crocodiles se battent pour l’accueillir, le loger, le câliner...