élection présidentielle 2017 quel plan pour l'afrique

PROPOSITION PHARE. La France devrait allouer 0,7% de son revenu national brut à l'aide au développement d'ici à 2022. Dès 2018, elle devrait augmenter ...
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ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017 QUEL PLAN POUR L’AFRIQUE ? Aujourd’hui encore, une femme vivant au Mali a 73 fois plus de risques de mourir lors de sa grossesse ou son accouchement qu’une femme vivant en France. Un enfant né au Nigeria a 41 fois plus de risques de mourir avant son cinquième anniversaire qu’un enfant né en Norvège. Pourtant l’endroit où l’on naît ne devrait pas déterminer si on peut vivre et si on peut avoir accès à des services essentiels comme l’eau potable ou l’éducation. Une politique de développement ambitieuse est l’outil extérieur le plus puissant pour lutter contre cette injustice. Elle peut favoriser une croissance inclusive et créer les conditions d’un développement stable dans les pays les plus pauvres et les plus vulnérables, en particulier en Afrique. Dans les années à venir, l’Afrique sera l’épicentre des défis et des opportunités sociales et économiques mondiales. En effet si l’Afrique est le continent le plus pauvre, il est aussi et sera le plus jeune et le plus dynamique avec une population qui tend à doubler d’ici à 2050. Cette jeunesse est une opportunité pour le continent, ses voisins et au-delà - à condition de l’accompagner, de s’assurer que ses droits fondamentaux sont respectés et de lui donner des perspectives d’avenir. La politique de développement de la France est là pour répondre à cet enjeu et elle doit être soutenue par des moyens à la hauteur des besoins. L’argent n’est certes pas la seule réponse mais c’est le nerf de la guerre. Sans investissement ni aide directe ciblée vers les pays les plus pauvres et les plus fragiles ainsi qu’une mobilisation des ressources domestiques, le risque est grand d’exacerber encore les inégalités. Cette politique de développement doit aussi redevenir un élément central de la politique extérieure de la France. Elle ne doit pas nous isoler davantage ni être un outil de pression ou pire de répression. Elle doit être le véhicule non seulement de notre vision d’une société ouverte qui respecte les droits humains, mais aussi de nos valeurs républicaines et des ambitions que nous souhaitons porter avec nos partenaires. Construire le monde de demain, c’est se poser les bonnes questions pour un développement qui bénéficie à tous et à la stabilité du monde. Il est temps d’investir intelligemment dans des secteurs d’avenir, mais aussi là où sont les besoins. La France doit voir grand à nouveau. Elle ne doit plus se chercher d’excuses alors que des inégalités flagrantes persistent et qu’on sait comment les combattre. Enfin elle doit reconnaître que l’Afrique fait aussi partie de notre avenir. Dès 2017, le ou la futur-e Président-e doit s’engager pour un renouvellement de notre vision politique et de notre partenariat à long terme avec les acteurs du continent africain.

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Augmenter le budget d’aide au développement de la France, un investissement stratégique L’aide au développement (APD) est le moyen le plus efficace pour lutter contre l’extrême pauvreté, les inégalités et renforcer les Etats. La France, en tant que pays membre de l’Union européenne, s’est engagée à allouer 0,7% de son revenu national brut (RNB) à l’aide au développement il y a de cela plus de 50 ans. Plusieurs pays dans le monde ont atteint cet objectif, comme le Royaume-Uni, le Danemark, le Luxembourg, la Suède, la Norvège ou les Emirats arabes unis. La France elle, n’a alloué que 0,37% de son RNB à l’aide au développement en 2015, contre 0,50% en 20101. Sous le mandat de François Hollande, en 2015, la France a même perdu sa place de 4ème donateur mondial au profit du Japon, une place qu’elle occupait depuis plus de 10 ans derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Le prochain mandat doit être celui qui verra la France enfin tenir cet engagement et reprendre son rang au niveau international pour répondre aux enjeux de développement à long terme et aux besoins humanitaires, notamment pour les réfugiés, à court terme.

PROPOSITION PHARE La France devrait allouer 0,7% de son revenu national brut à l’aide au développement d’ici à 2022. Dès 2018, elle devrait augmenter ce budget et engager une trajectoire régulière et crédible vers cet objectif.

POUR Y PARVENIR, LA FRANCE DEVRAIT : • Allouer 100% de sa taxe sur les transactions financières au développement. Les revenus de cette taxe, estimés à plus d’1,5 milliard d’euros en 2017, permettraient ainsi de financer plus de 20%2 de l’augmentation nécessaire pour atteindre l’objectif des 0,7%. Aujourd’hui, seulement 50% des revenus de cette taxe sont alloués au budget de l’APD3.

• Multiplier par 2,5 les crédits de la mission « aide publique au développement » d’ici à 2022. Les augmentations budgétaires devraient principalement bénéficier à la mission “aide publique au développement” qui représente le cœur de l’aide française (aujourd’hui environ 30 % de l’APD française selon la définition internationale de l’OCDE). Il s’agit de la partie la mieux pilotable et la plus efficace de l’aide qui inclut les subventions pour les pays les plus pauvres et les secteurs sociaux.

1. Ces chiffres sont ceux de l’OCDE. Si on ne prend pas en compte les allègements de la dette, la France a alloué 0,36% de son RNB à l’APD en 2015, contre 0,44% en 2010. 2. Il faudrait augmenter l’APD de 10,5 milliards d’euros environ pour atteindre les 0,7% en 2022. Avec son apport de 2,2 milliards supplémentaires, la taxe sur les transactions financières (TTF) contribue donc à fournir 20% de cette augmentation. Veuillez noter que l’augmentation d’APD ne correspond pas à 100% à un effort budgétaire, à cause de l’effet de levier des prêts. 3. La TTF élargie aux opérations intra-journalières et allouée à 100% au développement permettrait de rapporter 3 milliards d’euros à l’APD française (estimation très stricte), au lieu de 800 millions aujourd’hui (PLF 2017). Cet apport de ressources permettrait donc d’augmenter l’APD de 27% par rapport au niveau de 2015.

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Cibler en priorité les pays les plus pauvres et les plus fragiles L’aide est le premier outil dont nous disposons pour aider les pays les plus pauvres et fragiles dans le monde, des pays qui, en plus, n’ont accès qu’à très peu d’autres financements extérieurs. L’aide française, pour lutter efficacement contre l’extrême pauvreté, devrait donc cibler en priorité ces pays pour financer des services essentiels, comme la santé, l’éducation ou la sécurité alimentaire, et créer les conditions d’un développement stable pour tous ses habitants, y compris les réfugiés et déplacés internes qu’ils accueillent4. Or, 70% des pays les moins avancés (PMA) et plus de la moitié des Etats fragiles sont concentrés dans une seule région du monde : l’Afrique. Et la population de ce continent tend à doubler d’ici à 2050. L’Afrique doit donc être une priorité car cette région représente un défi mais aussi de nombreuses opportunités pour ses habitants et ses partenaires comme la France. Par ailleurs, l’aide au développement doit particulièrement cibler les populations doublement marginalisées : les femmes et les filles qui subissent de plein fouet la pauvreté et les discriminations. Par exemple, en Afrique subsaharienne, le taux d’analphabétisme est de 24% plus élevé chez les femmes que chez les hommes.

PROPOSITION PHARE La France devrait doubler la part de l’aide allouée aux pays les plus pauvres et fragiles d’Afrique d’ici à 2022, notamment pour renforcer les secteurs sociaux comme la santé, l’éducation et la sécurité alimentaire. Seuls 29% de l’aide française totale sont aujourd’hui alloués à cette catégorie de pays.

POUR Y PARVENIR, LA FRANCE DEVRAIT : • Allouer au moins 50% de l’APD à des projets qui contribuent activement à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes dans les pays en développement, c’est-à-dire à des projets ayant comme objectif principal ou significatif (définition de l’OCDE) la réduction des inégalités femmes-hommes. Aujourd’hui, moins de 23% de l’aide française financent des projets avec l’un de ces deux objectifs, dont seulement 0,2% avec comme objectif principal la réduction des inégalités femmes-hommes5.

• Allouer au moins 50% des financements climat pour l’adaptation (définition de l’OCDE) aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables6



qui sont les moins responsables du changement climatique, et pourtant les plus touchés. Aujourd’hui, seuls 25% de l’aide française pour l’adaptation sont alloués à cette catégorie de pays7.

4. Les Etats fragiles sont en effet particulièrement touchés par les phénomènes migratoires : aujourd’hui 9 réfugiés sur 10 proviennent d’un Etat fragile. 5. Chiffres de l’OCDE qui concernent l’APD bilatérale de la France en 2015, en décaissements bruts, prix courants. 6. Les pays les plus vulnérables aux changements climatiques sont les pays les moins avancés (PMA), les petits États insulaires en développement (PEID) et les États fragiles. 7. Chiffres de l’OCDE qui concernent l’APD bilatérale de la France.

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Renforcer la transparence et la gouvernance pour lutter contre l’évasion fiscale et la corruption Les pays les plus pauvres souffrent aussi d’une fuite de leurs ressources domestiques qui pourraient leur permettre de financer leur développement. Au moins mille milliards de dollars s’échappent chaque année des pays en développement par le biais d’actes de corruption tels que des accords opaques liés à l’exploitation de ressources naturelles, l’utilisation de sociétés écrans, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale8. Or, si ces sommes étaient taxées, elles pourraient être réinvesties dans la mise en place de services publics performants.  La transparence financière doit permettre de lutter contre ce fléau en exerçant un effet dissuasif sur les acteurs responsables de tels actes et permettre aux citoyens, à la société civile et aux journalistes de tenir les gouvernements et multinationales responsables de leurs actes et décisions. Cela doit aussi s’accompagner d’un renforcement de la gouvernance et des administrations fiscales des pays en développement. Cela permettra de mobiliser durablement des ressources domestiques pour investir dans les secteurs sociaux essentiels tels que la santé et l’éducation.

PROPOSITION PHARE La France devrait œuvrer, au niveau européen, pour un reporting pays par pays public des multinationales. Ce reporting signifie la publication des informations comptables9 de base des multinationales en format de données ouvertes et centralisées, et doit couvrir tous les pays où elles exercent une activité afin de savoir si elles paient leurs impôts dus, notamment dans les pays en développement.

LA FRANCE DEVRAIT ÉGALEMENT : • Doubler le montant de l’aide au développement destinée au renforcement de la gouvernance (code 150 de l’OCDE), notamment l’aide destinée au renforcement des administrations fiscales. Ces investissements concernent les administrations publiques, le système judiciaire, les parlements nationaux, les administrations fiscales, les médias et les organisations de société civile. Aujourd’hui, la France n’alloue que 141 millions d’euros au renforcement de la gouvernance dans les pays en développement10.

• Mettre en place en Europe des registres publics des informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et des trusts dès 2017, en format de données ouvertes. A l’agenda de l’Union européenne, cette mesure permettra de lutter contre le blanchiment d’argent et les sociétés écrans, qui sont impliquées dans 70% des plus grands scandales de corruption dans le monde et dont une grande partie est domiciliée en Europe.

8. Rapport de ONE, le Casse du siècle, 2014. 9. Les informations demandées sont les suivantes : leur(s) dénomination(s), la nature de leurs activités et leur localisation géographique, leur chiffre d’affaires, le nombre de leurs salariés sur une base équivalent temps plein, la valeur de leurs actifs et le coût annuel de la conservation desdits actifs, leurs ventes et leurs achats, le bénéfice (la perte) avant impôt, le montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables, le montant des impôts sur les bénéfices acquittés, les subventions publiques reçues et une liste des filiales actives dans chaque État membre ou pays tiers, ainsi que les données pertinentes, pour les entreprises mères. 10. Chiffres de l’OCDE qui concernent l’APD bilatérale de la France en 2015, en décaissements bruts, prix courants.

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Affirmer son leadership à l’international pour promouvoir une politique de développement efficace pour les plus pauvres et les plus vulnérables. La France est membre permanent du Conseil de sécurité, membre du G7 et du G20 et l’un des membres fondateurs de l’Union européenne. En tant que grande puissance mondiale, elle doit exercer ce leadership aussi en matière de développement, montrer l’exemple et ne pas se priver de ses leviers d’influence. Elle doit œuvrer pour la mise en place d’une politique internationale et européenne de développement mieux adaptée aux crises actuelles et qui s’attaque aux causes profondes de la fragilité et de l’extrême pauvreté. Pour cela, elle doit s’assurer que, quelles que soient les initiatives proposées par ses partenaires, celles-ci ciblent en priorité les pays les plus pauvres et les plus vulnérables, principalement en Afrique. Elle doit aussi garantir que les engagements internationaux pris ne restent pas des paroles en l’air, mais sont tenus et que la société civile peut en faire le suivi.

PROPOSITION PHARE La France devrait s’assurer que le G20 allemand de 2017 permette de renforcer les partenariats avec les Etats africains, notamment les plus pauvres et les plus fragiles. Le G20 devrait conclure des accords de partenariats notamment avec les Etats africains qui en ont le plus besoin. Ces partenariats ne devraient pas se baser seulement sur les investissements privés mais également prévoir des investissements publics massifs dans des secteurs tels que l’éducation et la gouvernance, en soutenant la feuille de route de l’Union africaine pour la jeunesse.

LA FRANCE DEVRAIT ÉGALEMENT : • S’assurer que l’aide européenne allouée à l’Afrique augmente de manière significative, notamment pour les pays les plus pauvres et les plus fragiles, et ce malgré l’impact du Brexit sur le budget européen. Cette priorité donnée à l’Afrique doit être mise en œuvre à travers le prochain Cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, dans son Plan d’investissement extérieur ainsi que par la taxe sur les transactions financières européenne, qui doit être ambitieuse et solidaire, et dont 100% des recettes doivent être affectées au développement. Ces trois processus sont tous en cours de discussion.

• S’assurer que l’objectif principal de l’aide au développement reste la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté tel que le stipule le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne de 2012 (article 208). C’est

seulement en gardant cet objectif que l’aide pourra être efficace et ainsi contribuer à la stabilité du monde. Cette orientation de l’aide doit être respectée dans les politiques françaises de développement mais aussi au sein des Cadres de partenariat pour les migrations de l’Union européenne et au niveau de l’OCDE. La France doit également se porter garante du respect des droits des réfugiés, en lien avec la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et les textes internationaux en vigueur, notamment le droit d’asile qui doit être garanti pour chaque personne fuyant la persécution ou les conflits. Les réfugiés font partie des personnes les plus vulnérables de la planète et la France doit donc s’assurer que leurs besoins, peu importe leur pays d’origine, soient satisfaits sur son territoire et œuvrer pour qu’ils le soient aussi partout dans le monde.