A) Physique stellaire

dynamique moléculaire, permettant de traiter les interactions entre particules .... des effets d'accrétion la dispersion importante dans un diagramme Luminosité– ..... rouge et de distance orbitale, nous avons montré que l'orbite du système ...
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Les activités de recherche de l’équipe CRAL-ENS, depuis sa création, se déclinent suivant deux axes majeurs, complémentaires. D’une part des recherches en physique de base, faisant appel à une description physique approfondie de divers processus caractéristiques des intérieurs ou des atmosphères stellaires ou planétaires. D’autre part l’application de cette physique à des problèmes variés d’astrophysique planétaire et stellaire, voire galactique. Depuis peu, un troisième axe majeur en émergence dans l’équipe concerne l’astrophysique numérique, c’est à dire le développement de simulations numériques lourdes, et méthodes mathématiques associées, afin de décrire des processus physiques hautement non-linéaires et/ou anisotropes, comme par exemple les processus (magnéto-)hydrodynamiques ou l’hydrodynamique radiative. Avec des applications à des problèmes astrophysiques complexes tels que couplage convectionpulsation, phases jeunes ou phases avancées de l’évolution stellaire, vents stellaires, formation d’étoiles. Ces trois axes sont brièvement déclinés ci-dessous.

A) Physique stellaire 1) Equations d’état des plasmas denses (G. Chabrier, G. Massacrier, C. Winisdoerffer. Collaboration : S. Mazevet (CEA), A. Potekhin (Ioffe Institute)) Nous poursuivons notre étude de la caractérisation des propriétés thermodynamiques de la matière dense dans les conditions typiques des intérieurs stellaires et planétaires. Ces études incluent plusieurs volets. D’une part, dérivation d’équations d’état basées sur des méthodes dites « chimiques », oú toute espèce moléculaire, atomique ou ionique en présence retient son identification et est caractérisée par un potentiel d’interaction (Chabrier et al. 2006, Potekhin et al. 2006, 2009). En dépit de leurs approximations inhérentes, ces calculs ont pour vertu une relative simplicité, permettant une utilisation aisée dans les problèmes astrophysiques. D’autre part, nous développons des méthodes dites de « premier principe », couplant théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), permettant de décrire les interactions électroniques

(quantiques) dans le plasma, et

dynamique moléculaire, permettant de traiter les interactions entre particules lourdes (classiques) (ions, atomes, molécules). A noter que ces modèles d’équation d’état sont actuellement testables par les expériences de haute pression utilisant les lasers de haute puissance, un outil disponible en France actuellement avec la Ligne d’Intégration Laser (LIL), précursseur du Laser MégaJoule (LMJ) (voir par exemple l’article récent de Eggert et al., 2008, Phys. Rev. Lett., 100, 124503). Par ailleurs, nous étudions également les propriétés des plasmas denses en présence d’un champ magnétique fort, caractéristique des conditions rencontrées dans les étoiles à neutrons (Potekhin et al. 2007, Ho et al. 2008). Le champ magnétique affecte en effet les propriétés quantiques du plasma (niveaux électroniques, dissociation moléculaire, …) et le spectre émergent de l’étoile.

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2) Opacités, diffusion, et forces radiatives (M-C. Artru, G. Massacrier. Collaborations : G. Alécian, F. Delahaye, G. Michaud, F. Leblanc (LUTh, Observatoire de Paris)) Il est généralement admis qu’à la suite des immenses efforts déployés par les deux projets OPAL et OP, les opacités nécessaires aux modèles stellaires sont maintenant bien connues. Si cela est vrai pour les éléments chimiques contrôlant les problèmes de structure ou d’évolution, la situation est quelque peu différente pour les espèces impliquées dans les anomalies d’abondances. Nous avons systématiquement calculé à l’aide du code FAC (Flexible Atomic Code) les données radiatives du scandium. Cet élément présente une sous-abondance caractéristique des étoiles AmFm, avec deux interprétations : son origine est soit sous la zone convective extérieure due à l’ionisation de l’hydrogène, soit sous une zone convective putative créée par accumulation du fer. Pour valider cette idée que l’accumulation d’un élément puisse résulter en une zone convective, le scandium semble le meilleur outil, mais les données disponibles (rien dans OP ni OPAL) ne permettent pas de trancher. Grâce à FAC, nous avons établi les données pour 19 degrés d’ionisation de Sc. Ces tables de transition sont en cours d’inclusion dans les modèles de diffusion. Bien que présentant des sur-abondances atteignant des facteurs 104 ou 105, les éléments terres-rares ont été très peu abordés théoriquement. Une raison simple à cela : l’extrême complexité de leur structure atomique. Toujours grâce au code FAC nous travaillons à une approche raisonnée de cette complexité sur la série des lanthanides. Il s’agit de modéliser 14 éléments (Z=57 à 71) sur une vingtaine de degrés d’ionisation. Le cœur dans son fondamental et les premiers états excités sont traités en détail (couplage JJ) alors que le reste de la structure l’est au niveau configurationnel. Nous en sommes à explorer le mode de représentation des transitions (milliards de raies).

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B) Astrophysique stellaire et planétaire 1) Astérosismologie (I. Baraffe, C. Mulet-Marquis, A. Stoekl, C. Winisdoerffer) Nous poursuivons nos études préalables sur les pulsations stellaires. Nous avons en particulier mis en évidence l’existence de pulsations non-radiales dans les étoiles variables de type Céphéides( Mulet-Marquis et al. 2007). Ce résultat est nouveau et la détection de ces modes non-radiaux fournirait une contrainte supplémentaire, par rapport à celle déjà apportée par la détection des modes radiaux bien connus de ces objets, sur leur structure interne. A. Stoekl, post-doc financé grâce à une ANR, a par ailleurs développé un modèle original de convection dépendant du temps permettant d’étudier l’interaction entre la convection et la pulsation dans les étoiles pulsantes de type RR Lyrae et Céphéides (Stoekl 2008; Nardetto et al. 2008). Enfin, en collaboration avec des collègues de l’Université d’Exeter, nous commençons une analyse systématique de la précision que l’on peut obtenir sur les paramètres fondamentaux stellaires (masse, luminosité, rayon) à partir d’observations astérosismologiques. Cette étude est motivée par le fait que l’incertitude sur les propriétés des exoplanètes en transit (masse et rayon) dépend essentiellement de l’incertitude sur les paramétres fondamentaux de l’étoile parente. Nous basons notre étude sur les performances prévues (précision des fréquences d’oscillations mesurées) des projets spatiaux en cours et futurs (CoRoT, Kepler et PLATO) (Mulet-Marquis et al. 2009). 2) Atmosphères d’étoiles, naines brunes et planètes géantes. (F. Allard, B. Freytag) Nous continuons nos travaux sur le transfert radiatif et les atmosphères, spectres synthétiques et couleurs photométriques des étoiles de faible masse et des naines brunes. Ces spectres synthétiques et couleurs ont permis la détermination de l’échelle de température des étoiles de faible masse, et l’identification des premières naines brunes découvertes. Ces modèles d’atmosphères fournissent par ailleurs une condition limite externe cohérente aux profils de structure interne, permettant des calculs d’évolution et des propriétés observationnelles (couleurs, spectres, magnitudes) cohérentes avec les propriétés fondamentales (masse, age, Teff, rayon) des objets concernés. Nous avons constitué une banque d’opacités largement utilisée sur le plan international pour le calcul de modèles de formation planétaire ou d’enveloppes stellaires. Nous avons étendu ces calculs aux cas des planètes extrasolaires de type gazeuses. Nous avons développé un modèle de formation de nuages pour les atmosphères d’étoiles de faible masse et naines brunes (Allard et al. 2007, Helling et al. 2008) pour lequel des modèles de simulation d’hydrodynamique radiative 2D ont été entrepris, afin de déterminer l’efficacité du mélange turbulent en fonction de la profondeur atmosphérique (élément essentiel

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permettant l’apport de matière condensable compensant la sédimentation gravitationnelle des grains). Ces calculs ont mené à la mise en évidence d’ondes de gravité, générées à l’interface de la zone convective interne, qui seraient responsables de la formation des nuages et du mélange de molécules (N2 et CO) observées dans les spectres des naines brunes (Freytag et al., en préparation). Nous avons par ailleurs développé un simulateur en ligne (http://phoenix.ens-lyon.fr/simulator/) permettant à la communauté d’accéder aisément à ces modèles d’atmosphère.

Atmospheric distribution of dust and gas in the atmosphère of a brown dwarf, calculated with the radiation-hydrodynamics code CO5BOLD (Bernd Freytag) and the gas and grains (Mg2SiO4) opacities from our radiative transfer code Phoenix, with a cloud model (dust size distribution), nucleation, condensation, coagulation rates and sedimentation velocities according to Rossow (1978). Green scale : entropy, which illustrates the behaviour of convective patterns ; Red scale : dust mass density. Notre programme de recherche pour les années à venir concernant la modélisation des atmosphères, propriétés spectrales et photométriques des objets froids et denses vise pour objectifs principaux: 1) la modélisation hydrodynamique radiative 3D avec nuages et rotation pour le cas des naines brunes froides (afin d’expliquer la variabilité et la polarisation observée, et la transition spectrale M-L-T-Y) et des planètes, 2) l’interprétation des observations (GAIA, CoRoT, KEPLER, Spitzer, et SPHERE entre autres), et 3) la poursuite de la diffusion des résultats via un simulateur de calcul en ligne. 3) Etoiles de faible masse et naines brunes (I. Baraffe, G. Chabrier, J. Gallardo) Nous poursuivons nos travaux sur la modélisation des étoiles de faible masse et naines brunes, les modèles que nous développons étant largement utilisés par la

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communauté nationale et internationale pour interpréter les observations dans ce domaine. Nous avons suggéré que le champ magnétique et la rotation affectaient la structure interne d’objets en systèmes binaires à éclipse, en inhibant l’efficacité du transport convectif. Ces effets expliquent le désaccord entre le rayon observé et celui prédit par la théorie pour les objets de faible masse et naines brunes actifs magnétiquement et/ou en rotation rapide (Chabrier et al. 2007). Dans le cadre de la thèse de Jose Gallardo, nous avons étudié les effets d’accrétion sur les objets jeunes de faible masse (étoiles et naines brunes). Une des motivations de cette étude est d’expliquer par des effets d’accrétion la dispersion importante dans un diagramme Luminosité– Température effective (diagramme HR) observée pour les objects appartenant à des amas très jeunes (quelques millions d’années) (Gallardo et al. 2009). Notre idée s’avère être correcte et nous suggérons un scénario basé sur une phase d’accrétion épisodique permettant d’expliquer la majeure partie de la dispersion observée (Baraffe et al. 2009). 4) Exoplanètes. Ouverture vers l’exobiologie. (I. Baraffe, G. Chabrier, J. Paillet, J. Leconte. Collaboration : Y. Alibert (Besançon), F. Selsis (Bordeaux), T. Barman (Lowell observatory)) Depuis quelques années, nous développons une expertise sur la modélisation de la structure interne, des atmosphères et de l’évolution de planètes extrasolaires de quelques masses terrestres à quelques masses de Jupiter. Ces modèles servent de base d’étude à la communauté nationale et internationale et permettent d’étudier les propriétés physiques des exoplanètes découvertes en grand nombre actuellement, en particulier celles qui transitent devant leur étoile et dont le rayon et la masse peuvent être déterminés (Baraffe et al. 2008; Leconte et al. 2009). En collaboration avec Yann Alibert (Besançon), nous couplons de façon cohérente modèles de formation planétaire, dans le cadre du modèle dit « d’accrétion de cœur » (core-accretion), et modèles d’évolution. Nous avons suggéré que les “Neptunes chauds”, des exoplanètes de masse proche de celle de Neptune et orbitant à courte distance de leur étoile, ont subi des effets d’évaporation importants et se sont formés avec des masses initiales beaucoup plus grandes (Baraffe et al. 2006). D’autre part, ces modèles formation-évolution cohérents ont permis d’expliquer la formation et les propriétés du système planétaire HD69830, formé de trois Neptunes orbitant à moins de 0.6 AU de leur étoile parente (Alibert et al. 2006). Afin d’expliquer le rayon anormalement grand d’une fraction importante d’exoplanètes en transit, nous avons suggéré l’idée que le transport convectif dans les intérieurs de planètes géantes était beaucoup moins efficace que supposé dans les modèles existants. La présence d’un gradient de poids moléculaire, hérité de la phase d’accrétion de planétésimaux durant la formation, pourrait en effet produire le phénomène de convection en couche (ou convection doublement diffusive), qui limite l’efficacité du

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transport convectif. Phénomène observé dans certaines parties des océans terrestres (convection thermohaline). L’effet est de limiter l’évacuation du flux de chaleur et donc de ralentir la contraction de la planète, ce qui pourrait expliquer les rayons anormalement élevés d’un certain nombre de planètes (voir ci-dessous).

Evolution du rayon (haut) et de la luminosité (bas) en fonction du temps d’une planète de 1 masse de Jupiter orbitant une étoile de type solaire à 0.05 AU. Les courbes pleines et tiret-point montrent les effets de la convection en couche avec 100 et 50 couches diffusives, respectivement. Les courbes en pointillé et longs tirets correspondent à des modèles complètement convectifs et adiabatiques, ayant différents niveaux d’enrichissement en éléments lourds (voir les détails dans Chabrier & Baraffe 2007).

Dans une étude systématique, nous avons caractérisé les incertitudes des modèles actuels de structure interne et d’évolution de planètes tenant compte d’un enrichissement en éléments lourds (Baraffe et al. 2008). Nous avons aussi récemment étudié les objets ayant des masses intermédiaires entre le domaine des planètes et celui des naines brunes. L’objet en transit CoRoT-Exo-3b, récemment découvert par la mission CoRoT, fait partie de ces objets avec une masse de 22 MJup (Leconte et al. 2009). Nous montrons que l’identité de cet objet (planète ou naine brune) reste ambigüe, étant donnée la barre d’erreur importante sur le rayon observé, mais que la relation masse-rayon procure un diagnostique observationnel puissant pour distinguer naines brunes de planètes dans le domaine de masse commun. Nous avons également contribué à l’interprétation de mesures spectroscopiques obtenues sur des Jupiters chauds en transit et à la détection de vapeur d’eau (Tinetti et al., Nature 2007) et d’hydrogène énérgétique (Holmstrom et al., Nature 2008). Nous avons par ailleurs étudié d’autres aspects de la physico-chimie des Jupiters Chauds (Erkaev et al., 2007, Penz et al., 2008, Levrard et al., 2007). Nous avons également développé l’étude de l’évolution primordiale de l’atmosphère terrestre (Zahnle et al., 2007, Martin et al.

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2006), et un travail prospectif sur la détection de planètes riches en volatiles par transit et vitesse radiale (Selsis et al., Icarus 2007). A la suite du recrutement de Franck Selsis, nous avons développé une jeune thématique dédiée à la modélisation et la caractérisation des planètes extrasolaires habitables. Nous avons réalisé une étude sur l’habitabilité des planètes, dans un cadre général (Gaidos & Selsis PPV) ainsi que dans le système particulier de Gl581 (Selsis et al. AA, 2007). Nous avons aussi participé a plusieurs études sur le lien entre habitabilité et échappement atmosphérique notamment autour d’étoiles M (Scalo et al. ; Lammer et al.; Kodachenko et al. ; 2007). Un axe de travail connexe concerne la possibilité de détecter des signatures spectroscopiques de la présence de vie sur des exoplanètes habitables. Sur ce thème, J. Paillet a effectué sa thèse sur la synthèse de spectres d’exoplanètes telluriques (Selsis, Kaltenegger & Paillet, 2008) et sur la recherche de biosignature dans les spectres d’exoplanètes obtenus durant le transit primaire (Ehrenreich et al., 2006). Nous sommes par ailleurs impliqués dans un proposal de la mission Darwin (Cockell et al., 2008). Nous pousuivons une collaboration étroite avec Franck Selsis (Bordeaux) autour de ce thème, afin de caractériser les propriétés spectrales attendues des « exo-Terres », dont la détection directe représente un des défis majeurs de l’astronomie de la prochaine décade, en particulier avec les projets DARWIN et TPF ou leurs progéniteurs. Nous projetons en particulier de coupler transfert radiatif et photochimie (prenant en compte par exemple l’influence du rayonnement UV de l’étoile parente ou de la présence de sols ou d’océans) afin de caractériser les effets dûs à la présence d’une biosphère sur la distribution spectrale d’énergie des ces exo-Terres.

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5) Objets compacts 5a) Refroidissement et propriétés observationnelles des étoiles à neutrons. (G. Chabrier. Collaborations : A. Potekhin, A. Kaminker, D. Yakovlev (Ioffe Institute)) En nous basant sur les calculs d’équation d’état et les profils thermiques calculés dans le §A.1, nous avons calculé des modèles de refroidissement complets d’étoiles à neutrons. Ces calculs incluent (i) la présence de différents éléments (H, He, C, O, Fe) accrétés soit du milieu interstellaire, soit du reste de la supernova, (ii) le rôle des neutrinos et des processus de refroidissement associés (processus URCA), (iii) le rôle du champ magnétique, dont la présence affecte à la fois les propriétés thermodynamiques du plasma et les propriétés de radiation. Ces calculs cohérents permettent d’expliquer le refroidissement des étoiles à neutrons observées, en particulier des « magnétars », étoiles à neutrons caractérisées par des champs magnétiques intenses (> 1014 Gauss) (Chabrier et al. 2006, Potekhin et al. 2006, Potekhin et al. 2007, Ho et al. 2008, Kaminker et al. 2009). 5b) Binaires compactes (I. Baraffe. Collaborations : S. Littlefair (Sheffield), T. Marsh (Coventry)) Avec des collègues anglais, nous avons découvert une Variable Cataclysmique (système binaire compact constitué d’une naine blanche et d’un objet de faible masse) qui se serait formé à partir d’un système binaire initial constitué d’une étoile de masse > 1 M  et d’une naine brune. Ce type de système binaire est très rare, peuplant ce que l’on appelle “le désert des naines brunes”. Cette découverte impose des contraintes sur la statistique et la formation des systèmes binaires étoiles-naines brunes (Littlefair et al. 2007). D’autre part, nous avons étudié des Variables Cataclysmiques à courte période détectée par le projet SLOAN. Ces observations montrent un désaccord entre rayon observé et prédit par nos modèles pour le secondaire de faible masse. Nous montrons qu’en prenant en compte les effets combinés de la déformation géométrique du secondaire remplissant son lobe de Roche et les effets de tâches en surface, dues à l’activité magnétique, on peut réconcilier observations et modèles (Littlefair et al. 2008).

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C) Simulations numériques en astrophysique 1) Disques proto-planétaires (Jean-François Gonzalez, Guillaume Laibe. Collaborations : C. Pinte (Exeter), F. Ménard (LAOG, Grenoble), L. Fouchet (Bern), S. Maddison (Melbourne), P. Chainais (ISIMA, Clermont-Ferrand), R. Speith, C. Schäfer et R. Geretshauser

(Tübingen,

Allemagne). Nous poursuivons notre étude de l’évolution spatiale de grains de poussière en tenant compte de leur interaction avec le gaz sous l’effet de la friction dynamique au travers de simulations tridimensionnelles globales de disques protoplanétaires avec notre code hydrodynamique SPH. Nous avons ainsi pu mettre en évidence l’effet simultané de la sédimentation verticale et de la migration radiale de la poussière, dont l’efficacité varie avec la taille des particules (voir rapport d’activité précédent et [B3]). La connaissance de la distribution des grains dans le disque constitue la première étape pour comprendre les mécanismes de coagulation de ces derniers et à terme de formation des planétésimaux. Nous collaborons avec F. Ménard (LAOG) et C. Pinte (Exeter) afin de produire des images en lumière diffusée à partir de nos distributions spatiales des grains de poussières en fonction de leur taille. La comparaison de telles images aux observations de disques à plusieurs longueurs d’onde constitue un outil puissant pour sonder la stratification. Nos résultats montrent que l’effet de la sédimentation est mesurable et reproduit assez bien les observations, en particulier dans le cas du disque circumbinaire de GG Tau [A1,B3]. Nous avons étudié la formation de sillons dans les disques par une planète déjà formée. Nous considérons deux types de disques : le cas des étoiles T Tauri et la nébuleuse solaire de masse minimale (MMSN). Dans les deux cas, la planète ouvre rapidement un sillon dans le disque de poussière, d’autant plus que les grains sont gros ou la planète massive. Les structures résultantes varient fortement avec la taille des particules et les sillons planétaires sont beaucoup plus marqués que dans le gaz, les rendant plus faciles à détecter avec ALMA que ce qui était attendu d'études précédentes supposant gaz et poussière parfaitement mélangés [A2,A3,A5,B1,B3]. Nous produisons des images synthétiques de ces disques avec sillons aux longueurs d’onde submillimétriques (voir Fig. 1) afin de préparer les observations avec ALMA et d'en tirer des contraintes sur la sédimentation et la croissance de la poussière dans les disques observés [A6]. Afin de traiter la croissance des grains de poussière, nous avons introduit dans le code un mécanisme d’évolution de la taille des particules au moyen d’une prescription analytique. Dans un premier temps, nous avons utilisé un modèle simple de croissance dans lequel les particules se collent parfaitement lors de collisions. Nos simulations montrent que les grains de poussière subissent plusieurs étapes de croissance à cause de l'interaction complexe entre la friction gaz-poussière, la dynamique de la poussière, et sa croissance [B2,B4]. Les particules grossissent d'abord rapidement pendant qu'elles

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sédimentent dans le plan médian, puis subissent une migration radiale rapide en grossissant peu à travers l'essentiel du disque, et enfin s'accumulent dans le disque interne où elles grossissent plus efficacement et atteignent le décimètre en 105 ans (voir Fig. 2). Nous montrons également que les particules solides survivent à la phase de migration rapide, un problème potentiel pour la formation planétaire qui était souvent avancé par certains auteurs, et continuent à grossir par la suite [A4,B5]. Nous avons étudié l’influence de nombreux paramètres, tels que taille initiale des grains, rapport initial gaz/poussière, ou structure du disque, sur la croissance de la poussière [A7]. Dans un disque contenant une planète, la croissance des particules est fortement amplifiée sur les bords du sillon, favorisant la formation d’autres planètes [A8]. Nous travaillons à l’amélioration du modèle de croissance grâce à une collaboration avec l’équipe de R. Speith (Tübingen) qui modélise les collisions de corps sphériques poreux grâce à un code SPH étendu à la mécanique de l’état solide. Nous leur fournissons un jeu de valeurs typiques de vitesses relatives tirées de nos simulations qui leur serviront dans leur étude à venir de l’issue de collisions dans un large espace de paramètres. Un traitement complet de la turbulence dans notre code SPH serait prohibitif. On se propose de l’introduire sous la forme d’un bruit adapté, qui aurait les propriétés de corrélations spatiales et temporelles voulues. Dans ce but, nous avons récemment initié une collaboration avec Pierre Chainais (Clermont-Ferrand), spécialiste de la synthèse de ce type de bruit par des cascades infiniment divisibles.

Images synthétiques d’un disque avec sillon creusé par une planète de 1 MJ, convoluées par le faisceau ALMA dans sa configuration la plus large, à λ=350, 850, 1300 et 2700 µm, de gauche à droite. Haut : gaz et poussière parfaitement mélangés. Bas : gaz et poussière séparés par la friction aérodynamique.

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2) Collisions et vents stellaires. (R. Walder. Collaborations : D. Folini (CRAL+ETHZ), S. Shore (Pisa), Georges Meynet, Cyril Georgy (Observatoire de Geneve)) Le système binaire RS Oph est un des principaux candidats supposés progéniteurs de supernovae Ia. En collaboration avec Doris Folini (CRAL, ETHZ) et Steve Shore (Pisa), nous avons simulé la phase d'accrétion de ce système pour déterminer le taux d'accretion et l’évolution de l’orbite du système. Pour des conditions spécifiques de vent de la géante rouge et de distance orbitale, nous avons montré que l'orbite du système décroit et que les deux étoiles collisionnent à une échelle de 106 ans. Par ailleurs, dans ce cas, toute la masse accretée n’est pas éjectée : une partie contribue à augmenter la masse de la naine blanche au cours des cycles d'explosions de type nova. Nous avons entrepris de calculer une grille de paramètres qui couvrent l'espace des possibles pertes de masse de la géante rouge et orbites du système. Nous avons également commencé à simuler l'explosion de la nova dans ce système. En collaboration avec Georges Meynet, Cyril Georgy et Doris Folini nous développons des simulations visant à déterminer l'impact des pertes de masse des étoiles massives sur le millieu interstellaire. Certains amas d’étoiles gardent l’empreinte de l'évolution des étoiles massives au travers de l'évolution de leur masse, de la composition des éléments et de la forme des zones d'interaction entre les vents stellaires et les explosions des supernovae et le millieu interstellaire. D’une part, ceci permet d'explorer l'évolution stellaire avec des observations indépendantes des observations stellaires. D’autre part, cela permet d’étudier l'évolution des éléments chimiques dans le milieu interstellaire et l'enrichissement en éléments de la Galaxie. Par ailleurs, ceci nous permet d’étudier l'impact énergétique des vents et des supernovae sur le milieu interstellaire. Enfin, ces bulles d'interaction sont probablement le lieu d'origine des rayonnements cosmiques. Avec Andrei Bykov (Ioffe Institute) nous avons entrepris une étude afin de vérifier cette dernière hypothèse.

Simulation 3D de l'accrétion du système binaire RS Oph. Gauche: vent de la géante rouge, rédistribué sous l'effet de la gravitation de la naine blanche. Le flot de masse éjecté du système est indiqué en blanc, le flot accrété est indiqué en bleu. Droite: détails

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du processus d'accrétion avec une résolution 104 plus grande, réalisé avec la grille adaptative de A-MAZE. Echelle de couleur de densité (échelle logarithmique): blanc (1010 particule/cm3)-rouge-vert-bleu-noir (10 particule/cm3 ) 3) Formation d’étoiles (G. Chabrier, B. Commerçon, A. Joos de Ter Beerst, C. Mulet-Marquis. Collaborations : P. Hennebelle (LERMA), E. Audit, R. Teyssier (SAp, CEA Saclay)) Une des nouvelles thématiques majeures au sein de l’équipe CRAL-ENS concerne la formation d’étoiles. Nous abordons ce sujet sous deux angles complémentaires. D’une part d’un point de vue purement théorique. En collaboration avec Patrick Hennebelle, nous avons récemment étendu la théorie statistique dite de Press-Schechter (1974) largement utilisée en cosmologie, permettant de déterminer analytiquement, à partir des fluctuations statistiques d’un champ de densité, le spectre de masse des halos de matière noire s’effondrant sous l’action de la gravité au sein de l’univers primordial. Cette théorie a connu un succès énorme et permet analytiquement de prédire la distribution des premières structures dans l’univers, servant ainsi de point de comparaison à la fois aux observations et aux simulations numériques. Cependant, le champ de densité au sein d’un nuage moléculaire géant, site de la formation d’étoiles, est loin d’être uniforme, comme dans l’univers primordial, mais lognormal (distribution gaussienne en termes de logarithme de la densité). Ceci complique de façon appréciable l’extension du formalisme de Press-Schechter à la problématique de la formation d’étoiles. Notre théorie est basée sur le champ de fluctuations de densité générées par la turbulence à grande échelle et, couplée à un critére de Jeans pour l’instabilité gravitationnelle, produit un spectre de masse (fonction de masse initiale des étoiles) en excellent accord avec les déterminations observationnelles (Hennebelle & Chabrier 2008). Nous démontrons par ailleurs que la turbulence a, globalement, un effet négatif sur la formation d’étoiles, en diminuant fortement l’efficacité. Cette approche procure un fondement théorique essentiel à une formalisation moderne de la formation d’étoiles et de naines brunes par fragmentation gravo-turbulente d’un nuage. Nous avons récemment étendu ce formalisme au cas d’un gaz non-isotherme (Hennebelle & Chabrier 2009). Par ailleurs, nous abordons également la description de la formation d’étoiles d’un point de vue numérique. D’une part au travers de simulations numériques 1D permettant de caractériser le choc d’accrétion sur un cœur pretsellaire, au travers de la résolution des équations hydrodynamiques radiatives (RHD). D’autre part, avec le code magnétohydrodynamique à grille adaptative RAMSES (Teyssier 2002), prenant en compte les effets du champ magnétique dans l’approximation MHD dite « idéale » (champ magnétique gelé avec le fluide) (Fromang et al. 2008). Nous avons tout d’abord exploré de façon exhaustive les avantages et inconvénients des méthodes sur grille (type RAMSES) et des méthodes particulaires (type SPH) dans le cadre de l’effondrement

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d’un nuage et montré que, bien que les deux méthodes convergent ultimement vers des résultats similaires, l’investissement en temps calcul est beaucoup plus prohibitif avec le SPH, à résolution équivalente (Commerçon et al. 2008). Nous avons récemment inclus une équation d’énergie, sous forme d’une équation de diffusion, dans RAMSES. Ceci permet de prendre en compte correctement le refroidissement du gaz lors de l’effondrement, avec des conséquences importantes sur la fragmentation. Dans un futur proche, nous projetons de tenir compte du rayonnement des cœurs prestellaires lors de la fragmentation (radiative feedback). Par ailleurs, nous avons commencé à inclure les termes diffusifs (diffusion ambipolaire, diffusion ohmique) dans RAMSES, conduisant ainsi ultimement à une description générale correcte des équations RMHD lors des premier et second effondrements d’un nuage prestellaire. Ceci nous permettra à terme d’examiner et caractériser en détail les effets du refroidissement radiatif lors des chocs et du champ magnétique sur la formation d’étoiles et sur la fonction de masse initiale stellaire.

Carte de température (haut) et densité (bas) du l’effondrement 3D d’une structure d’1 Msol magnétisée (en MHD idéale) en rotation avec le code RAMSES. La colonne de gauche montre le résultat obtenu avec un traitement du tranfert radiatif (équation de diffusion avec limiteur de flux), alors que la colonne de droite illustre le cas où le transfert est approximé par une équation d’état barotropique. Les contours solides correspondent à des profondeurs optiques τ=1 (extérieur) and τ=5 (intérieur). Ces calculs illustrent l’impact d’un traitement correct du refroidissement radiatif, qui conduit à la fragmentation avec formation d’un disque alors que dans le cas barotropique il n’y a pas de fragmentation, du fait des températures trop élevées. On notera aussi que l’approximation

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barotropique décrit de façon incorrecte la transition entre régions optiquement minces et optiquement épaisses.

4) Hydrodynamique stellaire. Développement de méthodes et outils numériques. (I. Baraffe, C. Mulet-Marquis, A. Stoekl, M. Viallet, R. Walder, C. Winisdoerffer. Collaboration : E. Lévêque (laboratoire de physique, ENS-Lyon) Dans le cadre d’un projet financé par une ANR (responsable I. Baraffe, acronyme “Star multi-D”), nous développons depuis début 2006 un code numérique multidimensionnel implicite en temps. Le but principal est de développer dans notre équipe une expertise en évolution stellaire multi-D par le biais de la simulation numérique de processus hydrodynamiques caractéristiques de la physique stellaire longs devant le temps hydrodynamique. Une des principales difficultés de la simulation multi-D appliquée à l'évolution stellaire est la résolution temporelle, qui nécessite une méthode implicite en temps, étant données les échelles de temps caractéristiques longues devant le temps imposé par la condition de Courant-Friedrichs-Lewy. Notre premier objectif est la simulation de la convection dans les étoiles pulsantes (type Céphéides), un problème crucial dans le domaine de l'astérosismologie. Un tel outil permet aussi de multiples applications (phases avancées, phases pre-séquence principale) et ouvre une voie nouvelle et prometteuse à long terme vers le développement de nouvelles générations de modèles stellaires. Nous avons construit un code eulérien sur grille résolvant les équations de conservation en coordonnées sphériques (r, θ, ϕ). Pour la résolution du système d’équations de manière implicite en temps, nous avons implémenté un solveur public MUMPS (MUlti frontal Massively Parallel Solver), développé par l'INRIA et spécialement conçu pour la résolution de systèmes linéaires creux de grande taille. Nous avons terminé en début d’année 2009 la phase de tests nécessaire à la validation d’un code numérique (test de Sedov, Barenblatt, Noh, etc...). Toute la micro-physique nécessaire à la description de structures stellaires (opacités, équation d’état) est implantée dans le code. Nous travaillons actuellement sur la première application physique du code, à savoir la simulation de la convection dans une envelope stellaire d’étoile de masse intermédiaire (5 M). Par ailleurs, nous sommes en cours de développement du code numérique A-MAZE. Ce project envisage de construire des modules numériques capables de simuler les processus physiques complexes ayant lieu en astrophysique. Nous avons déja developpé danc ce code des modules permettant de calculer (1) les équations de la magnétohydrodynamique (MHD) de façon explicite, et (2) le transfert radiatif en milieu optiquement mince. Ce code inclut par ailleurs un traitement en grille adaptative (en temps et en espace). Nous prévoyons (1) d’améliorer la parallélisation du module MHD

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en grille adaptative, (2) de développer un module de diffusion, (3) de développer un système de mailles général (différentes géométries, maillage évolutif, etc…) et d’adapter les solveurs MHD à ces systèmes de mailles.

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