A Henri Détrie Mon grand père Si tu ne sais pas où tu vas, souviens ...

4 avr. 2015 - plus tard, nous commençons ce travail de longue haleine. Une dame et son fils nous apportent une remorque de terre pour former un tertre.
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A Henri Détrie

Mon grand père

Si tu ne sais pas où tu vas, souviens-toi d'où tu viens. [Proverbe Africain]

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La bataille de Luchy C’est 2.500 morts 4.434 français et 1.800 allemands hors de combat. Des villages du Tarn et Garonne perdent en une après-midi leurs forces vives. La plupart avait 20 ans

Un 22 août 1914

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Le Colonel Henri Détrie

Extraits de lettres, documents, témoignages … Amis lecteurs, chaque livre est à tirage unique, c’est une œuvre collective, participez à son élaboration et envoyez vos documents à [email protected]

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PREFACE

Aujourd’hui, 100 ans après cette bataille effroyable, Anne Marie Lambert en perpétue le souvenir. Voici son témoignage -----------Passant Arrête et salue Laisse un peu de ton cœur A ceux qui sont mort pour toi (stèle Détrie)

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Printemps 1980 Après une longue marche en forêt avec papa, nous faisons une halte à proximité de la stèle du Colonel Détrie. Réchauffés par un soleil printanier, nos pensées convergent vers cet après-midi sanglant du 22 août. Papa s’exprime. « Te rends-tu compte que cette terre chargée d’humus de vie a reçu le sang de tant de jeunes vies voilà plus de 60 ans. » C’est loin et ça reste proche. Notre pensée s’envole vers les traces laissées en terre flamande par un de mes oncles maternels. Nous continuons notre marche et apercevons la stèle de votre aïeul. Papa très contrarié en voyant les lieux s’exprime très violemment. Est-ce possible de laisser se détériorer de tels monuments. Nous avons le devoir de sauver ces stèles, derniers témoins de ce sanglant 22 août 1914. L’élément déclencheur est présent. Quelques jours plus tard, nous commençons ce travail de longue haleine. Une dame et son fils nous apportent une remorque de terre pour former un tertre. Nous le fleurissons et

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pendant plus de 20 ans l’entretenons avec respect et souvenir ; Nous rénovons les 3 autres stèles. Des édiles communaux acceptent cette « lubie » (terme employé par un bourgmestre) mais lorsque nous demandons de l’aide (déplacement d’une stèle) il faut quelques années de réflexion à ces personnes. Décembre 2000

Sous la neige et une bise cinglante, je fais le tour des 4 stèles un dimanche matin. Stupeur ! La stèle disparait sous une avalanche de sapins de Noël. Le terrain alentour est sillonné d’ornières très profondes. Le lendemain, prise de contact avec l’instituteur, les enfants et le bourgmestre. Les enfants sont partie prenante pour mesurer le terrain et réaliser la maquette d’un parc. La stèle sera sauvée. En mai, les parents d’élèves exécutent les travaux pour réaliser ce parc. Les enfants récoltent des plantes chez l’habitant et avec un garde forestier nous récoltons des semis naturels de hêtres, ainsi vient de

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naitre le parc du souvenir avec l’aide oh ! combien efficace des enfants et de leurs parents. Septembre 2011

Avec l’aide de la FTLB (fédération Tourisme Luxembourg Belge) réalisation et implantation du panneau didactique retraçant le mouvement des 2 troupes dans la forêt et la campagne d’Ochamps. Je suis la locomotive, mais d’innombrables wagons de bénévolat s’accrochent pour former le train de solidarité. Mon colonel, je vous imagine bras tendus pour relier vos petits-enfants biologique à vos petitsenfants spirituels de Belgique. Merci mon Colonel, le train de solidarité s’allonge. Anne marie Lambert

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Le Parc Détrie

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LA BATAILLE DE LUCHY (sur le panneau) 3 août : l'Allemagne déclare la guerre à la France Entre le 6 et le 21 août, le sud du pays (BELGIQUE) est sillonné en tous sens par les organes de reconnaissance(s) des deux armées principalement composés de cavalerie et de quelques avions. Quelques escarmouches ont lieu entre cavaliers. Le 20 août, le général français JOFFRE donne l’ordre d'offensive générale aux 3e et 4e armées. On fixe aux différents corps d'armée (ÇA) des objectifs à atteindre. Le 17e corps (général POLINE) vient de Sainte-Cécile et est organisé en 3 colonnes ayant pour objectifs, de gauche à droite, Anloy/Jéhonville/Ochamps. La colonne de droite est composée de la 33e division (DI) qui, par Bertrix, engage la 66e brigade (BI) soit, les 20e régiment d'infanterie (RI) et Ile RI ainsi que le 18e régiment d'artillerie (RAC) sur la route qui mène à Ochamps alors que la 65e BI (7e et 9e RI ) est postée en réserve de corps aux alentours d'Assenois/Blanche-Oreille où se trouve l'état-major (EMF) de POLINE. En face d'eux, le 18e corps allemand composé des 25e ID et 21e ID fait face à Maissin/Anloy (25e ID) est à Ochamps/Libramont (21e ID). La 21e ID a poussé un détachement (87e IR un groupe d'artillerie du 27e régiment) à Ochamps le matin du 22 août tandis que le gros de la division s'installe aux alentours de Recogne/Neuvillers où l'EMA a établi ses quartiers.

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Le matin du 22 août, le mouvement français sur Bertrix est repéré par un avion allemand en reconnaissance, ce qui précipite vers midi l'ordre pour le général VON OVEN de marcher sur l'ennemi par la route Recogne-Fays Les Veneurs. La bataille de Luchy va commencer et s'étaler sur 4 sites différents : Le combat d'Ochamps - Lisière nord de la forêt de Luchv (13h30-17h00) Le 20° RI, avant garde de la 33°Di débouche vers 13h30 de la lisière nord de la forêt de Luchy. Il est accueilli par un feu nourri d'artillerie en provenance de l'est du village (côte 468) et doit faire face à de l'infanterie traversant le village, Malgré de fortes pertes et après avoir contourné les hauteurs de la chapelle par l'ouest, des compagnies du 20e RI les occupent vers 15h. Mais ce combat sans soutien d'artillerie est inégal. L'intervention du 3e bataillon du 87° IR allemand, en réserve derrière la côte 468, qui contourne le village par le nord pour attaquer les positions de la chapelle à raison de la résistance française. Le 20° RI est refoulé vers la forêt en fin d'après-midi. Le colonel DETRIE, les commandants de bataillon FIAMMA et GREGORY, les capitaines NEGRIER ROCCHESANI, SEGUELAS sont parmi les morts. Le combat de Bertrix - Lisière sud de la forêt de Luchv (14h30-16h00)

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La colonne française s'est engagée toute entière dans la forêt sur la route d'Ochamps. Seule la queue de colonne du 18e RAC n'a pas encore pénétré dans la forêt de Luchy lorsque débouchent du bois en provenance de Recogne, les Allemands de la 21° ID. Ceux-ci ont en face d'eux les derniers canons français engagés sur la route forestière et le 2e bataillon du 11° RI qui ferme la marche de la colonne et qui s'apprête à bifurquer sur la route d'Ochamps. La surprise est totale. L'artillerie allemande se déploie à la sortie du bois et met en batterie pour tirer sur l'ennemi à vue. Le 88° IR, en tête de colonne, se déplace également en tirailleurs et s'élance à l'assaut du 11° RI qui s'est déployé à cheval sur la route. La queue de la colonne d'artillerie est détruite sur place encombrant la route.

Le combat sous-bois (14h30-17h00) La longue colonne allemande de la 21° ID sur la route de Recogne va pénétrer dans les bois à droite de la route à la rencontre de la colonne française sur la route d'Ochamps. Le 1/80° l R (Major BONIN), est envoyé sur la petite route de Rossart qui rejoint la ferme de Luchy à Ochamps. Il va s'infiltrer dans la forêt de Luchy dans sa partie nord mais surtout et c'est le but de sa

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mission, faire liaison avec la 87° IR à Ochamps, ce qu'il arrive à faire en fin de journée. Il rencontrera des éléments du 20° RI qui se replient sur Bertrix et d'autres du 1/11° RI qui a été envoyé en soutien du 20° RI mais qui ne dépassera guère la lisière. Le III/11° RI qui encadre la colonne d'artillerie dans la partie sud de la forêt de Luchy va s'opposer aux Allemands en s'engageant dans les bois à droite de la route d'Ochamps. En infériorité numérique, il est refoulé et la colonne d'artillerie est prise d'assaut malgré une résistance héroïque. Quatre batteries du 18e RAC restent sur place soit 16 canons ! Le reste de la colonne s'échappe finalement vers 16h30 par la route qui, de la Croix Morai, se dirige vers Acremont/Jéhonville mais une erreur d'orientation voit la colonne s'engager sur la côte 471 vers Blanche-Oreille où elle est la cible de l'artillerie ennemie. La confusion gagne le reste de la colonne qui s'empêtre dans les clôtures ou dans les marécages en improvisant des voies de fuite. 9 canons sur 36 seulement échappent au carnage de cette journée. Ils rejoindront dans le plus grand désordre Assenois-Blanche Oreille. L'infanterie (11°RI/20°RI) qui se replie sur Bertrix se heurte aux Allemands qui font beaucoup de

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prisonniers. Quelques français erreront dans les bois plusieurs jours voire plusieurs mois après le combat avant de tenter de rallier la France ou les Pays-Bas. Le combat de la Flèche (16h-17h30) A 16h, le général POLINE donne l'ordre à la 65° BI, en réserve, de prendre position sur les hauteurs au nord de Bertrix. Le mouvement s'effectue dans un grand désordre car cette montée au front se heurte simultanément aux nombreux débris de troupes qui se replient. L'offensive manque de cohésion mais se concrétise tout de même par un déploiement des troupes des 7°et 9° RI au-delà des bois jouxtant la voie ferrée. Hélas, forts de leur succès à la lisière sud à la forêt de Luchy, les Allemands ont rapidement avancé des pièces d'artillerie et leur infanterie sur les hauteurs au nord de Bertrix et repoussent définitivement les Français au-delà de la voie ferrée. Ceux-ci tentent bien de se rétablir, mais le cœur n'y est plus et le désordre est trop important. Le repli par Bouillon et Herbeumont s'impose. Bilan des pertes ? Hors de combat Français 4.434 Allemands 1.800

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La maquette

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Les Témoignages Bombe Nelusko Feuilletés

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PUBLIÉ LE 11/11/1999 LA DEPECHE DU MIDI

Tué à leur tête, le plus jeune colonel de France AOÛT 1914 : TARN-ET-GARONNAIS MASSACRÉS Des Tarn-et-Garonnais tués par milliers dès le début de la Grande Guerre. Un carnage étouffé à l'époque. Parmi eux, le Montalbanais Henri Détrie, plus jeune colonel de France. Comme chaque année, est célébré aujourd'hui, dans toutes les communes de France l'armistice du 11novembre 1918-qui met fin à la «Grande Guerre». Un conflit qui a coûté des millions de morts, dont près de 1,3-millions en France. Parmi ces morts, de nombreux Tarn-et-Garonnais, tués notamment dans les premiers jours du conflit, lors de la bataille dite des «frontières». Au milieu de ces milliers d'hommes de notre département fauchés par les mitrailleuses et l'artillerie allemandes, le colonel du 20-e régiment d'infanterie, Henri Détrie. Il est environ 17-heures le samedi 22-août 1914, lorsque ce dernier est frappé mortellement à la tête de ses troupes, au débouché nord de la forêt de Luchy, qui donne accès au village d'Ochamps dans les Ardennes Belges, dernière étape fixée pour le cantonnement de la 33e division de Montauban. Henri

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Détrie était le plus jeune colonel de France. Il avait servi au Tonkin et Madagascar et ses états de service élogieux sont confirmés par le Maréchal Lyautey, le Général Galliéni ainsi que par le général Weygand qui fut le chef d'Etat- Major de Foch. Une hécatombe ! Depuis le début de cet après-midi du 22-août, le colonel placé à la tête de l'avant-garde de la division, avec son 3e bataillon, luttait pied-à-pied contre un ennemi qui avait surpris la colonne française. Les pertes considérables qu'il avait infligé aux nôtres avaient imposé la relève par le 1er bataillon du 20e RI, qui doublant le 3e bataillon, essaya à son tour de déboucher vers Ochamps. Une hécatombe, car les unités françaises n'étaient aidées par aucun appui d'artillerie. Aux morts tarn-etgaronnais s'ajoutaient les 500-victimes du 18e régiment d'artillerie d'Agen (sans compter toutes les autres unités «occitanes» décimées). A Montauban la nouvelle de la défaite de Bertrix ne sera pas diffusée. La veuve du colonel Détrie apprendra le décès officiel de son mari le 9-octobre 1914 ! Combien d'autres veuves à son image ? L'association Mémoire 82présentera sur ces événements et sur la guerre 14-18 en général, entre le 12-et le 19-décembre, une importante exposition à Castelsarrasin, proche de celle présentée à Montauban en novembre 1998-e visitée par plus de 4000-personnes.

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Des morts par milliers en une journée Après les combats du 22 août 1914, les troupes du Sud-ouest avaient été décimées. les chiffres des « disparitions » parlent d'eux-mêmes : - 11e RI de Montauban : 1000-soldats et officiers tués ; -20e RI de Montauban : 1500-soldats et officiers tués, dont le colonel Détrie ; - 18e régiment d'artillerie d'Agen : 500-tués ; - 9e RI d'Agen : 400-soldats tués ; - 7e RI de Cahors : 557-soldats et 14-officiers tués en trois heures ! - 59e RI de Pamiers : le colonel, deux commandants, les deux-tiers des officiers subalterne et le tiers des sous- officiers et soldats tués (sur un total de 3.335-hommes). - 14e RI de Toulouse : 508-soldats et 14-officiers tués. J.-Ph. C

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Derniers moments du colonel Détrie 22 août 1914 A l'orée de la forêt de Luchy, une nouvelle menace surgit, mais à la droite de la ligne française. Vers l'est, la 9e compagnie du 20e RI voit le bataillon Krumm progresser pas bonds en direction de la forêt. De la lisière, la compagnie française fait face à droite. Bientôt, il lui faut soutenir un combat sous bois contre la tête de ce bataillon, qui y perd notamment le capitaine Hirschfeld. Une compagnie du 11e RI vient étoffer l'aile droite française dangereusement exposée. Voilà des renforts bienvenus pour les hommes de Détrie. Le second régiment de la brigade Fraisse est en marche pour épauler le 20e. Aux deux bataillons du 11e RI qui se présentent, le général Fraise a commandé de se porter au secours de la première ligne. Le bataillon Roy (1 er) a pour mission de renforcer le 20e RI à la lisière; le bataillon Wildermuth (3e) doit prolonger le front vers l'ouest. Roy occupe la lisière, à gauche de la route, et y recueille des isolés du 20e. A part des éclats d'obus, il n'est pas en contact avec l'ennemi. Par contre, il assiste à l'échec des tentatives de sortie de la forêt. Tandis que de nombreux blessés du 20e refluent vers l'intérieur des bois, les rescapés du régiment s'agglutinent à la lisière avec les rares officiers survivants. Le colonel détrie est aux premières loges. Il se tient debout à l’orée de

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la forêt, cent mètres à l’ouest de la route, réconfortant et encourageant ses soldats. Il voit tomber près de lui le capitaine Négrier. Le chef de la 1ére compagnie, le capitaine Fauqueux, assiste à la scène : « Quand le colonel se releva, après s'être porté au secours du capitaine Négrier, je lui ai demandé par signes – la fusillade et le canon empêchaient d'entendre – des nouvelles du camarade qui venait de tomber. Par gestes, le colonel me fit comprendre que Négrier était mort ou mourant. Le colonel se releva alors et, lentement, il alla s'adosser à un arbre à la lisière du bois, en pleine vue. Il se croisa les bras sur la poitrine, calme, maître entièrement de lui. C'est dans cette posture que je l'aperçus pour la dernière fois et c’est là qu'il a été frappé, qu'il est tombé sans une plainte, sans se relever (... ) A mon avis, le colonel a cherché la mort, ne voulant point survivre à la destruction de son régiment. » Jean-Claude DELHEZ, Le jour de deuil de l’armée française, n° 1, 2011, 672 pages. Jean-Claude Delhez, 55 Grand-rue, 55600 Thonne-laLong (Fr).

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PUBLIÉ LE 11/11/1998

Le massacre des Tarn-et-Garonnais ! UNE PAGE D'HISTOIRE, 22-AOÛT 1914...

Le massacre des Tarn-et-Garonnais !DDM La guerre achevée le 11-novembre 1918 a commencé par un horrible massacre de soldats français sur les frontières. Au nombre des morts, 2500-hommes du Tarn-et-Garonne, fauchés en cinq heures de bataille, le 22 août 1914 ! On était en août. Les soldats français habillés de tuniques bleues et de pantalons rouges grimpaient en longues colonnes vers le front. La France était en guerre depuis trois semaines, une guerre grosse de quarante ans, de longues années de revanche ressassée. Le siècle était neuf, mais l'armée s'en allait

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au combat avec une vieille idée : attaquer, attaquer... La stratégie la plus simple qui soit. Faisant fi du feu mortel des mitrailleuses entrées dans l'âge adulte, et de l'artillerie à répétition, les canons pouvant tirer jusqu'à douze coups à la minute. Parmi les millions de soldats français, de très nombreux méridionaux vont faire les frais de cette impréparation de l'Etat-major à la guerre moderne. En particulier, au sein du 17-e corps d'armée, le 11e régiment d'infanterie de ligne et le 20e, deux unités d'extraction tarn-et-garonnaise, constituées à Montauban. Partis de la gare de Villenouvelle le 5-août, ils vont franchir la frontière belge le 21, pour prêter main forte aux troupes belges que les allemands décimaient. Ces deux régiments vont donc compléter le 17-e corps d'armée du général Poline, avec le 18e régiment d'artillerie. Le 22-août, sera le jour de leur massacre. En cinq heures, les deux unités du Tarn-et-Garonne vont compter 2500-morts ! Attaquer partout ! Sur cette journée tragique, des témoignages existent. Ils sont sans appel ! Le lieutenant André Mittelhauser, du 11e RI note dans son carnet de route célèbre, nommé Bertrix, (du nom de la ville où les combats meurtriers vont se dérouler) : «Objectif : Ochamps (commune voisine). Mission : offensive sur toute la ligne, attaquer l'ennemi partout où il se trouvera !» Les Français débouchent sur le champ de

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bataille sous la direction de l'incroyable insouciance de leurs chefs. Depuis la veille, les soldats ennemis sont embusqués aux endroits stratégiques, notamment dans la forêt de Luchy et dans les alentours d'Ochamps. Les civils belges ont pourtant mis en garde les officiers français qu'ils croisent sur leur chemin, mais rien n'y fait, pas même l'avertissement d'un capitaine de cuirassiers, revenant de reconnaissance et qui fait remonter l'information au plus haut. Les ordres ne sont pas changés ! A 15heures, le 20e RI s'engage dans la forêt de Luchy. Dans son sillage, suit péniblement la longue colonne du 18e régiment d'artillerie qui traîne ses 75, et son attirail de caissons. Un peu comme à la parade. Le 11e RI ferme la marche, placé en soutien à l'arrière. On imagine le cadre : de belles frondaisons, la douceur de la température, les colonnes qui montent au pas lent des chevaux, tout cela cheminant dans la fausse quiétude de la forêt. Le traquenard Le traquenard allemand va fonctionner à merveille. Le 20e débouche de la forêt, et aperçoit le clocher d'Ochamps. La fusillade éclate, les allemands retranchés, font un massacre des Tarn-et-Garonnais. Les français sont lancés à l'assaut par vagues que déciment les mitrailleuses. Un bataillon du 11e RI est appelé en renfort et tout en se faisant étriller, force les allemands aux dispositions de retraite. Mais ces derniers ont par ailleurs encerclé l'ensemble du dispositif français et l'artillerie s'est faite surpendre en

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pleine forêt, perdant 27-de ses canons, sur 36 ! En ce 22-août 14, les deux régiments montalbanais vont perdre 2500-hommes ! Le colonel Détrie, qui commande le 20e, voyant son régiment se dissoudre sous la mitraille, choisit plutôt la mort... On imagine le champ de bataille ! Partout des morts, des blessés agonisants... Plus que quelques rares survivants qui s'entraident comme ils peuvent, d'autres qui vont survivre isolés dans les forêts ! Le reste est mort ! D'ailleurs les cimetières à croix blanches de cette région de Belgique, qui portent gravés les noms des gars d'ici, témoignent encore de ce massacre. De cette horreur, seul l'Etat-major est coupable et pourtant, il va laisser naître à bon prix la légende de la faiblesse des gens du Midi en première ligne ! «Les méridionaux ont lâché !»... disait-on alors. Joffre, né à Rivesaltes, partageait-il cet avis ? Toujours est-il qu'il changera ensuite beaucoup de képis à feuilles de chêne, dont les errements sur le terrain ont coûté au pays des centaines de milliers de morts en quelques semaines. Finalement, ce sont les allemands qui ont reconnu au moins le courage des gars de Montauban, de Caussade ou de Castelsarrasin, ainsi qu'en témoigne un colonel : «Comment fut-il possible au 20-e RI qui avait subi de si lourdes pertes sous le feu de notre artillerie à la sortie de la forêt de Luchy... ait réussi à tourner notre position d'Ochamps. Si réellement le 20e a combattu seul, il peut être

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doublement fier de ses lauriers !» L'hommage des adversaires est venu bien avant la reconnaissance française du courage des soldats du Midi... J.-Ph. CROS.

Combat d’Ochamps - forêt de Luchy (22 août 1914) mardi 30 décembre 2008.

Cadre du combat Le 20 août 1914, le G.Q.G. français, voyant les armées allemandes défiler d’est en ouest sur le territoire belge, croit que le commandement allemand affaiblit son centre au profit de l’aile droite. Joffre décide de frapper au centre pour couper l’armée allemande en deux tronçons, dans la région des Ardennes belges. Il prescrit à la IVe armée de « porter cette nuit de fortes avant-gardes de toutes armes sur la ligne générale Bièvre - Paliseul - Bertrix - Straimont Tintigny, pour assurer les débouchés de l’armée audelà de la Semois ».

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Le terrain

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Les forces en présence Armée française IVe armée française (de Langle de Cary)

Général de Langle de Cary Collection privée

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17e C.A. (général Poline)

Général Poline (17e C.A.) La guerre du droit

33e D.I. (général de Villemejane)

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Unité 65e brigade

66e brigade

Commandant

Régiments

Huc

7e R.I. (Cahors / Helo) 9e R.I. (Agen / Duport)

Fraisse

11e R.I. (Montauban / Appert) 20e R.I. (Montauban / Détrie) 9e régiment de chasseurs à cheval (un escadron) 18e R.A.C. (Paloque) (trois groupes de 75) Une compagnie du Génie

34e D.I. (général Alby) Unité 67e brigade

68e brigade

Commandant Dupuis

Régiments 14e R.I. (Toulouse / Savatier) 83e R.I. (Toulouse / Bretont) 59e R.I. (Pamiers, Foix / Dardier) 88e R.I. (Auch / Mirande / Mahéas) 9e régiment de chasseurs à cheval (un escadron) 23e R.A.C. (Delmotte) trois groupes de 75 Une compagnie du Génie

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Réserves 207e et 209e R.I. 9e régiment de chasseurs à cheval (quatre escadrons) 57e R.A.C. (quatre groupes de 75) Génie du C.A.

Armée allemande IVe armée allemande (duc de Wurtemberg)

Duc de Wurtemberg Collection privée

18e C.A. (général von Schenck)

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Général von Schenck (18e C.A.) Collection privée

21e division (von Oven) Unité

Commandant

Régiments

41e brigade

Nassauisches InfanterieRegiment Nr. 87 (Mainz) Nassauisches InfanterieRegiment Nr. 88e (Mainz, Hanau)

42e brigade

Füsilier-Regiment Nr 80 Infanterie-Regiment Nr. 81.

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Unité

Commandant

Régiments Thüringisches UlanenRegiment Nr 6 Nassauisches Feldartillerie-Regiment Nr. 27 Nassauisches Feldartillerie-Regiment Nr. 63 Nassauisches PionnierBataillon Nr. 21 (une compagnie)

21e Feldartillerie Brigade

25e division (général Kühne) Unité

Commandant

Régiments

49e brigade

Leibgarde InfanterieRegiment Nr.115 Infanterie_Regiment Nr.116

50e brigade

Infanterie-Leibregiment Nr. 117 Infanterie-Regiment Nr. 118e Magdeburgisches Dragoner-Regiment Nr. 6

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Unité

25e FeldartillerieBrigade

Nassauisches compagnies)|

Commandant

Régiments Grossherzogliches Hessisches FeldartillerieRegiment Nr. 25 Grossherzogliches Hessisches FeldartillerieRegiment Nr. 61

Pionnier-Bataillon

Nr.

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(deux

Un tiers de régiment de Fussartillerie (artillerie lourde). 27e escadrille d’aviation.

20 août Le duc de Wurtemberg, commandant de la IVe armée allemande, donne ses ordres de marche pour le 21 août. 1. Plusieurs C.A. français se sont mis en marche aujourd’hui à l’aube de la région de Hirson Charleville dans une direction nord. 2. L’aile gauche de la IIIe armée allemande restera probablement près de Ciney ; l’aile droite de la Ve armée près d’Etalle. La 3e D.C. restera aujourd’hui près de Habay-la-Neuve.

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3. La IVe armée atteindra le 21 la ligne Wanlin Libin - Recogne. Le 6e C.A. restera aux alentours de Léglise. 4. Le 7e C.A. atteindra de bonne heure, avec le gros, le secteur de la rivière l’Homme : Grupont - Smuid. Q.G : Saint-Hubert ... Le 8e C.A. poussera sur la ligne Eschweiler - Donkholz - Harlingen, son avant-poste se portant à 6h jusqu’à Hemroulle, au nord-ouest de Bastogne. Q.G. : Bastogne. 5. Le 18e C.A. poussera avec ses avant-gardes sur la ligne Libin - Ochamps - Neuvillers. La route Anlier Fauvillers - Chaumont - Hompré sera franchie à 7h. 6. La 21 D.R. atteindra Fauvillers, avec son avantgarde à Ebly... 7. Le 6e C.A. serrera vers Léglise - Mellier. Le commandement de l’armée restera à Bastogne jusqu’à 10h.

21 août 7h25 : Joffre prescrit au général de Langle de Cary (IVe armée) d’entamer son offensive le jour même en direction de Neufchâteau. L’ordre dit :

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« Orientez vos colonnes dès aujourd’hui, en mesure de déboucher au nord de la Semois. Demain 22, le mouvement se poursuivra en direction du nord, votre droite marchant par Rulle - Léglise - Nives. La 3e armée marchera en échelon refusé à votre droite. L’ennemi sera attaqué partout où on le rencontrera ». Dans l’après-midi Les avant-gardes du 18e C.A. allemand entrent en contact près de Longlier avec les 4e et 9e D.C. françaises, appuyées par le 87e R.I. En soirée : La IVe armée française occupe une ligne générale sur la Semois depuis Alle jusqu’à Tintigny. L’ordre du général de Langle de Cary pour la journée du 22 fixe les objectifs suivants : 17e C.A. : Jéhonville, Ochamps. 12e C.A. : Recogne, Libramont. C.A. colonial : Neufchâteau 2e C.A. : Léglise via Tintigny, se tenant en liaison avec le 4e C.A. (gauche de la IIIe armée), qui marchera sur Etalle. 9e C.A. : avec sa seule D.I. débarquée, Bièvre, Houdremont, couvrant en échelon la gauche du 11e C.A. C.C. : reconnaîtra les mouvements allemands au sud de la ligne Recogne - Libin - Beauraing, soit la partie ouest du front de l’armée. Si la bataille s’engage, il devra couvrir l’aile gauche du 11e C.A.

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22 août En matinée : Du côté français A l’aile droite de la IVe armée française se trouve le 11e C.A., qui marche en une seule colonne vers le nord par Tintigny et Mellier, sur Léglise. Son flanc droit est couvert par le 4e C.A. de la IIIe armée. A sa gauche marche la 3e division coloniale par Bellefontaine, Rossignol et Les Fosses vers Neufchâteau. Plus à gauche, la 5e brigade coloniale doit marcher de Les Bulles par Suxy, également vers Neufchâteau. A côté, le 7e C.A. doit pousser de la région de Chassepierre - Florenville vers celle de Grandvoir, Petitvoir. Le 17e C.A. (général Poline) doit marcher avec sa 33e division sur Ochamps et sa 34e division sur Jéhonville. Le mouvement s’effectue sur trois colonnes : A droite, la 66e brigade (général Fraisse) marche par Sainte-Cécile - Herbeumont - Bertrix - Ochamps. Au centre, la 67e brigade doit avancer par Fontenoille, Cugnon, Blanche-Oreille.

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A gauche, la 68e brigade doit avancer par Muno, Dohan, Fayt-les-Veneurs et Offaigne. Les avant-gardes doivent franchir la ligne Paliseul - Bertrix - Strimont à 9h. La 65e brigade doit marcher comme flanc-garde de droite vers SaintMédard. Cette brigade doit occuper la région de SaintMédard jusqu’à ce qu’elle soit relevée par l’avantgarde du 12e C.A. (général Roques). Ce C.A. est à une demi-journée de marche en arrière.

Du côté allemand Le 18e C.A. doit pousser avec sa 25e division sur la ligne Transinne - Anloy. La 21e division est laissée vers Libramont. Le général von Schenck, commandant de corps, ordonne à la 25e division de se tenir prête près de Villance-Glaireuse. La 21e division doit occuper avec son gros les hauteurs au nord et au nord-ouest de Neuvillers et, avec un détachement mixte (87e R.I. et groupe du 27e régiment de feldartillerie), les hauteurs à l’est d’Ochamps.

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Ligne de tirailleurs allemands Collection privée La 27e D.I. (général major von Oven) progresse de Saint-Pierre vers le point culminant 500 m à l’ouest de Recogne. La division prend position à cheval sur la route Recogne - Fayt-les-Veneurs. Pendant la matinée, les nouvelles arrivent, faisant état de la marche de grandes masses de troupes françaises vers le nord. 05h : La 65e brigade française est dans la position prescrite. Le premier groupe du 18e R.A.C. occupe un couvert à environ 1,5 km en arrière de la côte 444, à l’ouest de Saint-Médard. Un brouillard impénétrable couvre la région. Brusquement, celui-ci se dissipe et l’on constate que, du nord-est, du nord, dans la direction de Warmifontaine, et de l’ouest, en direction

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de Bretrix, les troupes allemandes sont visibles de toutes parts. L’horizon est barré par la forêt de Luchy. La position du I/18e R.A.C. a été mal choisie, elle est visible à des kilomètres de distance. En conséquence, les batteries se reportent derrière la crête 444. 08h : Le détachement von der Esch (87e I.R. et le 1e groupe du 27e Régiment de Feldartillerie) se mettent en marche, du carrefour de Recogne vers Ochamps, en se faisant couvrir par des éclaireurs sur la ligne Maissin - Paliseul - Offagne. Le gros se rassemble sur la grand’route Bertrix - Recogne, la tête au carrefour de Recogne. 08h45 : Une patrouille de cavalerie annonce au général von Oven que Bertrix est occupé par la cavalerie française, puis que deux escadrons français sont arrivés à Acremont et Jéhonville. 10h30 : La situation des troupes françaises est la suivante : Les II et III du 18e R.A.C., qui sont partis d’Herbeumont à 06h, intercalés dans le 11e R.I. suivent la route de marche de la 66e brigade dans la direction de Bertrix - Ochamps. Les troupes reçoivent l’ordre de s’arrêter avant de franchir la crête entre Bertrix et la lisière sud de la forêt de Luchy. Les batteries font halte à Bertrix et les commandants de batterie se portent en reconnaissance vers la crête pour

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pouvoir parer à une attaque provenant de la forêt de Luchy. L’artillerie reçoit du général Fraisse, commandant de brigade, l’ordre de pénétrer dans le bois où vient de s’engager le 20e R.I. Les groupes se remettent en marche, deux pelotons d’infanterie du 11e R.I. se trouvant entre les batteries. Un officier de liaison apporte au colonel Picheral, commandant de l’artillerie, l’ordre de reconnaître des positions vers la cote 471, à 2 km au nord-est de Blanche-Oreille pour le cas où Ochamps serait occupé. Acremont Jéhonville est déjà atteint par la colonne de gauche, la 24e division. Le général Fraisse (66e division) donne l’ordre de ne pas faire suivre l’artillerie dans la forêt, afin de faciliter ce déplacement vers la gauche. 13h : Le général von Oven apprend qu’une forte colonne française de toutes armes est en marche de Bertrix vers le nord. 13h15 : Aucun renseignement précis n’est parvenu au commandant de la 33e division française, qui prend sous son commandement la 66e brigade, formant la colonne de droite. On sait que le régiment de tête, le 20e R.I., marche dans la forêt de Luchy, en direction d’Ochamps. Un officier de cavalerie signale que la forêt de Luchy est vide et la lisière nord libre, alors

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qu’en fait l’infanterie allemande a déjà atteint Ochamps. 13h30 : L’avant-garde du 12e C.A. arrive et, peu après, les 7e et 9e R.I. sont relevés. Ils se rassemblent près de Saint-Médard et se mettent en marche vers Bertrix. De là, ils doivent marcher vers Blanche-Oreille, un peu au nord d’Assenois, pour devenir réserve de C.A. Par contre, le I/18e R.A.C. doit prendre place dans la colonne de marche de la 66e brigade, devant le dernier bataillon du 11e R.A. Les habitants signalent que le nord de Bertrix est bourré d’Allemands, mais l’on croit que ces bruits sont exagérés. On entend un tir d’artillerie dans la direction est, vers Grandvoir, Petitvoir et Neufchâteau. C’est la 5e brigade coloniale qui se heurte au 18e C.A.R. allemand (combat de Rossignol). 13h35 : Un feu de mousqueterie éclate dans le bois en direction d’Ochamps et peu après, le feu de l’artillerie s’y mêle. Dans cette situation, le lieutenant-colonel Picheral propose au général Fraisse de chercher une position sur une petite colline, à la partie ouest de la lisière nord de la forêt de Luchy. Le général donne son accord et l’artillerie trouve une position de tir. Le 20e R.I. est déjà tombé sous le feu. La 12e compagnie, avant-garde, commence à se déployer à

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cheval sur la route qui conduit à Ochamps et cherche à atteindre la lisière nord de la forêt de Luchy. A sa droite intervient la 9e compagnie et à sa gauche la 10e. La 11e suit à une distance de 200 m environ. Elle ouvre un feu violent sur un détachement allemand qui occupe un dos de terrain à 600 m environ à l’extérieur de la forêt, la hauteur de la Chapelle. 13h45 : La 21e D.I. allemande reçoit l’ordre de se porter en avant. 14h : L’artillerie allemande ajuste ses tirs pour empêcher le débouché du 20e R.I. français. Ce dernier, malgré ses efforts, ne parvient pas à déboucher de la forêt.

Batterie d’obusiers allemande

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Collection privée Du côté français Le général Fraisse donne ordre à deux bataillons du 11e R.I. de se porter en avant pour soutenir le 20e R.I. Au moment où les deux bataillons attaquent dans la direction du sud-ouest, on entend des coups de feu venant du sud-est et du sud, ainsi que dans le flanc droit. Une partie de la 21e D.I. active allemande, débouchant de la grand’route Recogne Fayt-les-Veneurs, attaque la 66e brigade au sud-ouest et au sud. Les deux bataillons du 11e R.I. ne continuent pas leur progression et doivent se tourner contre ce nouvel assaillant. L’artillerie qui se trouve sur la route Bertrix Ochamps s’y entasse, canons et caissons pêle-mêle. Certaines batteries ont fait demi tour et sont tournées vers le sud, dans la direction de Bertrix, car le général Villeméjane avait donné l’ordre de retourner sur la crête entre Bertrix et la forêt de Luchy. Le 1e groupe d’artillerie, qui avait rejoint la 66e brigade, obstrue le débouché sud de la route Bertrix - Ochamps, est attaqué par de l’infanterie allemande. La 1e batterie perd tous ses canons et toutes ses voitures. Le capitaine Grandcolas parvient à sauver 118 hommes de la 2e batterie mais tous les canons restent sur place. La troisième batterie a perdu 250 hommes et 350 chevaux, tous ses canons et presque tout son charroi. La 9e batterie, qui se trouvait immédiatement en avant, perd également tous ses canons. Un officier en reconnaissance signale au

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colonel Paloque, qu’il a trouvé un chemin offrant la possibilité de se retirer dans la direction de Jéhonville (ouest). Le deuxième groupe du 18e R.A.C. reçoit en conséquence l’ordre de prendre ce chemin.. Du 3e groupe, les 7e et 8e batteries sont encore intactes et doivent également être retirées dans la direction de l’ouest. Le 2e groupe prend le chemin vers Jéhonville mais se trompe de direction à la croisée des chemins à l’est du village, débouche trop au sud et galope vers Blanche-Oreille. Ce chemin passe par la cote 471 visible au loin et immédiatement tout le groupe est soumis à un violent tir d’artillerie qui le détruit presque complètement.

Train d’artillerie en marche Collection privée

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La 7e batterie du 3e groupe remarquant encore à temps que le 2e groupe est tombé sous le tir de destruction allemand, pivote et s’embarrasse dans les fils de fer qui bordent les chemins. Seuls deux canons peuvent être sauvés. La 8e batterie échappe au tir de destruction allemand mais s’embourbe dans un marécage et doit abandonner tout son matériel à l’exception d’un canon et de six caissons. Entretemps, le combat d’infanterie continue à faire rage dans la forêt de Luchy. La 65e brigade s’engage d’après les ordres du commandant de C.A. : tout d’abord le 7e R.I. puis le 9e R.I., mais les deux régiments ne parviennent pas à redresses la situation. La brigade doit se retirer sur Herbeumont puis, durant la nuit, sur la Chiers, dans la région de Tétaigne et de Wé. La 66e brigade sauve ses débris vers Bouillon. Le 20e R.I., qui marchait en tête, a perdu 1.363 hommes et le drapeau est tombé dans les mains allemandes. Du 11e, environ 1000 hommes sont restés sur le terrain. Les débris se retireront vers Mouzon, sur la Meuse. Du côté allemand Le détachement von der Esch (87e R.I. et le groupe du 27e régiment de Feldartillerie) se trouve en position d’attente à exactement un kilomètre d’Ochamps lorsqu’ arrive la nouvelle que l’infanterie française débouche de la forêt au sud d’Ochamps et qu’elle a atteint la hauteur de la chapelle à la lisière ouest du village. L’artillerie, qui se trouve à la cote 468 ouvre immédiatement le feu. Commence alors un

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combat d’infanterie contre le 20e R.I. français. Le 4e escadron du 6e uhlans reçoit l’ordre de se porter vers la droite pour assurer la protection du flanc droit. 15h20 : Le général-major von der Esch ordonne au 2e bataillon d’attaquer vers Ochamps. Le 1e bataillon reçoit l’ordre de pousser de l’avant au nord d’Ochamps et de se rendre maître de la ligne de hauteurs au nord-ouest de cette localité. Le 1e bataillon entoure le village d’Ochamps par le sud-est. Le général von der Esch a reconnu que l’infanterie française était supérieure en nombre et en mitrailleuses mais ne possédait pas d’artillerie. Comme l’artillerie fait défaut aux Français, le général von der Esch décide de prendre la hauteur de la Chapelle d’assaut. Les batteries d’artillerie, au nordest d’Ochamps, appuient l’attaque du 3e bataillon. 16h : La 3e batterie du 1e groupe du 63e régiment de Feldartillerie arrive sur une position à la lisière ouest de la forêt de Luchy. Elle peut de là bombarder une position de tir découverte de l’artillerie française (probablement le 1e groupe du 18e R.A.C.). Fin de l’après-midi Les Allemands conquièrent la supériorité du feu et le 20e R.I. français doit battre en retraite. Comme les Français se retirent vers la forêt de Luchy,

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l’artillerie allemande reçoit l’ordre de progresser par échelons jusqu’à la hauteur de La Chapelle. Les troupes engagées de la 21e division comprennent à ce moment : L’avant-garde : Le 88e I.R. Le 1e groupe du 61e régiment de Feldartillerie Le gros : Le 81e I.R. Le 2e groupe du 27e régiment de Feldartillerie Le 80e I.R. Les 5e et 8e compagnies du 81e I.R. marchent comme flanc-garde le long de la voie ferrée Recogne Bertrix. Lorsque le 1e bataillon du 88e I.R. atteint les parties boisées au nord de Rosais, sa dernière compagnie essuie brusquement sur son flanc un violent tir d’infanterie. Le 2e bataillon, qui suit le 1e , pivote vers la droite et commence à se déployer face à la lisière du bois. Le 3e bataillon fait volte-face et cherche à progresser vers la route Ochamps - Bertrix. Sur ces entrefaites, la batterie Reden (5e batterie) s’avance au galop sur la route et commence à assaillir les Français par un tir rapide. Les Français doivent commencer à retraiter. La route Ochamps - Bertrix est atteinte et le 88e I.R. se heurte au 1e groupe du 18e R.A.C. Les batteries françaises sont complètement détruites.

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Le11e R.I. français doit reculer et des fractions du 88e I.R. le poursuivent jusqu’au-delà de la voie ferrée Bertrix - Assenois. La poursuite n’est interrompue qu’au cours de la nuit. Le 88e I.R. a perdu 457 hommes. Le 81e I.R. marchait en tête du gros. Comme le régiment entend la fusillade à l’avant-garde, il appuie vers le sud et commence à se déployer à 800 m environ au sud de la route Recogne - Fays-lesVeneurs. Les 5e et 8e compagnies du 2e bataillon du 88e I.R. , percevant à leur tour le bruit d’un combat, obliquent vers le nord et prolongent le 3e bataillon du 81e I.R. La 7e compagnie se déploie pour couvrir l’artillerie et progresse à travers la forêt. Lors d’un combat, elle réussit à s’emparer de douze canons français. Le 80e I.R., qui marche en queue de colonne, perçoit le bruit du combat. Le milieu du régiment se trouve à ce moment vers le hameau de Luchy. Le colonel Hake, en tête du régiment ordonne « le régiment Gersdorff en avant au pas de course ». Les compagnies se précipitent vers la prairie de la clairière, baïonnette au canon et drapeaux déployés. Le combat dans la forêt épaisse élimine toute influence des officiers sur la conduite de l’action. Les troupes allemandes se heurtent à l’infanterie française. Les 2e et 3e bataillons attaquent les Français sur le flanc gauche et le flanc droit. Ils assaillent la 4e batterie du 27e R.A.C. Il faut peu de temps pour immobiliser les batteries françaises, tous les attelages étant abattus.

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Les Français se retirent vers Ochamps et les 10e et 11e compagnies s’avancent à cheval sur la route Rossart - Ochamps. L’infanterie française (20e R.I.) est repoussée dans la direction de Jéhonville mais la victoire coûte cher au 80e I.R. : 550 hommes, parmi lesquels de nombreux officiers, sont mis hors de combat. 17h : Le 88e I.R. atteint le bois situé à 2 km au nordest de Bertrix. L’attaque ne sera suspendue qu’à la tombée de la nuit et le régiment se rassemblera à la croisée des chemins Recogne - Fayt-les-Veneurs. 18h : Tout le 1e groupe du 63e régiment de Feldartillerie se porte à la croisée des chemins à 1 km au nord-ouest de Bertrix, avec direction de tir vers l’ouest et le sud de Bertrix et canonne surtout l’infanterie française. 18h30 : Une demande pressante de renfort de la 25e D.I. parvient au général von der Esch : elle se déclare engagée dans un combat difficile près d’Anloy, mais le général ne peut donner suite à cet appel de secours car il a besoin de ses forces. 19h30 :

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L’infanterie française s’est retirée dans la forêt de Luchy et le 1e groupe du 27e régiment de Feldartillerie reçoit l’ordre de prendre position à l’ouest d’Ochamps et de soutenir le combat difficile de la 25e D.I. près d’Anloy. Après que le combat ait pris fin, le général von der Esch rassemble le 87e I.R. sur les hauteurs près d’Ochamps, à proximité immédiate de la Chapelle. Les avant-postes de combat sont poussés vers l’ouest. La route Ochamps - Bertrix est tenue par une forte grand’garde installée là où la route pénètre dans la forêt. Le 4e escadron du 6e uhlans reçoit l’ordre de partir en pleine nuit en exploration sur la route Ochamps - Jéhonville et la route Ochamps - Bertrix, et d’établir la liaison à droite avec la 16e division de réserve (7e C.A.R.) qui a atteint le champ de bataille à marches forcées et s’est engagée pour soutenir la 21e division. En soirée : Le 80e R.I. est scindé en deux groupes de combat, l’un près de Bertrix et l’autre près d’Ochamps. Le 6e régiment de uhlans , recevant l’ordre de progresser vers Bertrix, pénètre peu après dans la ville qui brûle en deux endroits. Les Allemands sont maîtres du terrain.

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Conclusion

Le combat d’Ochamps et de la forêt de Luchy se termine par une catastrophe pour l’artillerie française : l’infanterie allemande s’empare de nombreux canons qui n’ont pas pu être mis en batterie et réussit à en détruire d’autres par des tirs d’artillerie. Suite à cet engagement, l’ordre de retraite doit être donné. Archive for 020 ème Rég. Inf. Français

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Général Poline, commandant du 17éme Corps d’Armée Française, sur Luchy le 22 août 1914 By michel ( novembre 29, 2011

Nommé avant la mobilisation à la tête du 17 ème Corps d’Armée à Toulouse, le général Poline reçoit des instructions d’offensive dans les Ardennes belges dès le 6 Août 1914. Le plan d’attaque est intégré dans la stratégie de la 4ème Armée Française du général Langle de Cary.

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Le 17ème corps du général Poline progresse en direction de Neufchâteau, dans les Ardennes belges. Alors qu’une présence ennemie très importante est signalée, l’ordre est donné d’attaquer l’ennemi, malgré l’absence de son artillerie de support qui est en retard sur cette position. Les Allemands, bien organisés et blottis dans la forêt dense de Luchy, engage un véritable pilonnage d’artillerie sur les troupes françaises du 17ème corps et les tirs incessants des mitrailleuses ennemies provoquent d’énormes pertes et de nombreux blessés. Cette situation dramatique engendre la destitution de commandement du général Poline à la tête du 17ème corps et il est transféré au commandement de la 9ème Région militaire de Tours. L’ensemble des forces françaises présentes dans les Ardennes belges subissent le même sort et la déconvenue est générale

Extraits de « Histoire illustrée de la Guerre de 1914″ Le 17ème Corps avait reçu le 21 à 18h00 l’ordre de se porter en avant.

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Il progresse en divisions accolées, celle de gauche, la 34ème division, vers Jéhonville et celle de droite, 33ème division, vers Ochamps. Les 4ème et 9ème divisions de cavalerie opèrent au nord de Neufchâteau après avoir, dans l’après-midi du 20 Août, provoqué le déploiement de la majeure partie de 2 divisions ennemies ( 21ème du XVIIIème corps et 24ème du XIXème corps) aux abords de Longlier, se sont établies pour la nuit du 20 au 21, dans les zones de Paliseul, Offagne, Fays-lesveneurs( 4ème division) et Herbeumont ( 9ème division). On peut ainsi croire que le 17ème corps d’armée du général Poline est bien renseigné et bien protégé. Pour le lendemain, il est prévu que les unités de cavalerie présentes doivent patrouiller dans la forêt de Luchy jusqu’au sud de l’axe Recogne, Libin, Beauraing vers Saint-Hubert. Si l’ennemi est présent dans ce secteur, on saura bien le repérer. De l’étude des documents allemands, il résulte que le XVIIIème corps allemand a dû très probablement progresser par le nord-ouest et l’ouest de Neufchâteau. Le 17ème corps d’armée française du général Poline se sent en sécurité et progresse vers Ochamps et Jéhonville. Porté franchement en avant et

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réellement découvert sur son flanc droit, le corps d’armée marche, précédé par le 9ème régiment de chasseurs à cheval. A droite, partant d’Herbeumont et se dirigeant vers Ochamps, la 66ème brigade d’infanterie conduite par le général Fraysse avec deux groupes d’artillerie divisionnaire de la 33ème division. Près d’elle, la 65ème brigade commandée par le colonel Huc, avec un groupe de l’artillerie divisionnaire, débouche, à 4h00 du matin, à la lisière Est de la forêt d’herbeumont, se dirigeant vers SaintMédard et Orgéo. Ces deux brigades forment la 33ème division d’armée française commandée par le général de Villeméjane. La 65ème brigade doit attendre que le 12ème corps ait débouché pour se porter sur Bertrix par Saint-Médard. Les deux colonnes de gauche sont formées de la 34ème division du général Alby, la 67ème brigade du général Dupuis et la 68ème brigade du colonel Bertaux; la première marche sur Jéhonville et l’autre sur Offagne. Le général POLINE, commandant du 17ème corps d’armée, marche au centre, en tête de la 67ème brigade.

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Le brouillard est dense et favorise les mouvements. Le 17ème corps traverse la Semois, la progression n’est pas rapide. Vers 14h00, la 34ème division rend compte qu’Offagne est occupé. Ayant atteint le village de Fays-les-Veneurs, le général Poline ordonne une préparation d’artillerie sur Offagne afin de lancer une attaque et, une heure plus tard, Offagne est repris. Aussitôt la marche est ordonnée sur Jéhonville et Assenois. Pendant ce temps, le général Fraysse, qui progresse sur la droite, éprouve d’énormes difficultés au coeur de la forêt de Luchy jusqu’à l’entrée d’Ochamps, l’artillerie et les mitrailleuses ennemies font un carnage et notamment sur le convoi d’artillerie de la 33ème division surprise sur la route vers Ochamps.

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Le Lieutenant Emile Pascal du 20ème R.I. tombé à Ochamps le 22 Août 1914 By michel 020 ème Rég. Inf. Français, Ochamps

Le

lieutenant PASCAL appartenait au 20ème régiment

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d’infanterie française, 2ème bataillon, 11ème compagnie. Pour mieux définir le contexte des évènements tragiques du 22 Août, vous pouvez surfer dans les différents articles liés aux communes d’Ochamps et Bertrix ainsi qu’à la bataille de Luchy , lesquelles constituent le coeur de cette sanglante bataille

Ici est tombé Le 22 Août 1914 à la tête de sa section. Le lieutenant Emile PASCAL né à Nîmes Gard. 20è Rég. D’Inf. française chevalier de la Légion d’Honneur. Avec une dizaine de braves ils furent exhumés dans un cimetière de la Chapelle

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Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ont droit pour leur cercueil, la foule vienne et prie Entre les plus beaux noms, leur nom est le plus beau Toute gloire près d’eux passe et tombe éphémère et comme ferait une mère, la voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau.

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Le lieutenant PASCAL est inscrit sur la plaque commémorative du monument de MANDUEL

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Précisions sur le drame de ces combats Des extraits du Journal Militaire des Opérations durant la journée du 22 Août 1914 apportent des précisions sur le drame de ces combats catastrophiques en pertes françaises…

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Paul Vacquery, soldat au 20ème Rég. d’inf. Français, tombé à Ochamps By michel ( août 11, 2010 at 23 h 14 min) · Filed under 020 ème Rég. Inf. Français, Bertrix, Ochamps La sépulture de Paul Vacquery se dresse fièrement à proximité du stade de footbal du village d’Ochamps. L’endroit se trouve à la sortie de la forêt de Luchy, théâtre des lourds combats du 22 Août 1914

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Le Colonel DETRIE à la Bataille de Luchy (Ochamps- Bertrix) By michel ( janvier 17, 2010) 20 ème Rég. Inf.

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S’étant porté dès le début de l’engagement en lisière du bois, presque en première ligne, pour surveiller le déroulement de l’action, le colonel Detrie exhortait les hommes, leur rappelant 1870, les gloires du 20e. Par sa présence, il ranimait les courages. Vers 16h25, le capitaine Négrier, commandant la 3e compagnie, qui venait se mettre en liaison avec son camarade commandant la 1ère compagnie, le capitaine Fauqueux, fut atteint d’une balle à la poitrine et tomba inanimé. Tandis que le combat faisait rage, que les fusils et les mitrailleuses crépitaient, que la mitraille

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des obus s’abattait sur le bois en le hachant, le colonel Detrie se précipita vers le capitaine Négrier, et, s’étant agenouillé pour le panser, fit signe que tout secours était inutile. Ayant l’atroce vision de la mort décimant ses unités, sentant que tout effort était vain et que son régiment tout entier engagé là il ne reviendrait que des débris, le colonel se releva très calme, parfaitement maître de lui, alla s’adosser à un arbre, à la lisière du même bois, en pleine vue. Là, les bras croisés sur la poitrine, il tomba en héros.

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Documents relatifs à la mort du Colonel Henri Détrie le 22/08/1914. 4°Armée, 17° Corps, 33° Division, 66° Brigade, 20° Rég. d'Infanterie (52 officiers, 3315 hommes, 171 chevaux) LETTRES ET DOCUMENTS FAMILIAUX 5/12/1901. Le Général Commandait le 150 Corps d'Armée, Cabinet, lettre signée du Général Metzinger à Madame Gévelot répond à une demande de renseignements en vue du mariage d'Henri Détrie avec Suzanne Anger: Les renseignements que je peux vous donner sont excellents. Au point de vue santé, éducation, caractère, conduite, il me paraît difficile de trouver mieux. Quant à l'avenir militaire il est superbe. C'est le généralissime de 1918, si toutefois il y a encore une armée française à cette date. 31/05/13. La France Militaire, page 1. Annonce par décret du 28/3/13 de la nomination d'lI.D comme colonel du 200 RI. Rappel de la carrière.

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18/06/13. Suzanne Paul Détrie (SPD) à sa mère Arrivée d'Henri à MONTAUBAN et l'accueil qui lui a été fait (nomination le 28/3/13). On a échangé des toasts et le LieutenantColonel lui a dit entre autres choses: 'Mon Colonel vous étiez arrivé ici précédé d'une réputation de chef permettez-moi de vous dire que nous n'avons pas trouvé seulement un chef en vous, mais encore un camarade et un ami. 20/09/14. SPD à son mari Paul Détrie (au front), frère d’Henri.: Suzanne a eu la terrible secousse de recevoir une lettre de Madame Poline (femme du Cdt de Corps d'Armée) qui lui disait: "maintenant qu'il n’y a malheureusement plus de doute possible, permettez moi de venir m'associer à votre immense douleur." Renseignements pris, Mme Poline ne savait rien d'officiel... Voici quelques passages qu'elle a reçue du capitaine trésorier de Marmande : "la dernière pièce reçue du 20° est du 12 Août ! depuis nous n'avons reçu aucun mot de service militaire. Nous savons que le 20°, son chef en tête, a soutenu pendant plusieurs jours un choc terrible, mais nous ignorons tout officiellement de ce choc. Des officiers blessés ont donné des renseignements contradictoires: les uns

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affirment que le Colonel a été fait prisonnier le soir du 22 Août, d'autres qu'il avait été grièvement blessé". 04/10/14. Suzanne Henri Détrie (SHD) à son beau frère ignore le sort d'HD, mais a eu des échos du combat. H. ne voulait pas marcher, trouvant que c'était folie de lancer son régiment dans un bois qui n'avait pas même été exploré... Il a fallu 3 ordres formels pour le décider, et un de ses généraux lui aurait dit: "vous avez donc peur?".. C'est alors qu'il aurait dit 'je vous emmène à la boucherie" Crois-tu qu'après tout cela je puisse encore espérer ?... Il est tombé dans une obéissance suprême, à la première bataille, un tel chef adoré de son régiment! Général FRAYSSE à S.H.Détrie reçue le 04/10/44 Condoléances pour la mort glorieuse d'H.D. La disparition du Colonel H.D, coup fatal porté non seulement à son Régiment mais aussi à sa Brigade. Votre mari est tombé avec le dédain du danger, la crânerie que nous lui connaissions tous, il avait du reste de qui tenir et une réputation redoutable à soutenir... 09/10/14. Emile Cordonnier, époux de Cécile, sœur d'Henri et de Paul Détrie à ce dernier. … a reçu une carte de la Croix Rouge il n'est plus possible de douter, demande d'annoncer la nouvelle à

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la mère d'HD. Oncle Aine part le lendemain pour Montauban afin de prévenir S.Détrie … lundi S. H.Détrie à Paul Détrie (papier deuil) …relate la visite de l'Oncle Aine venu apporter le papier de la Croix Rouge selon lequel un Détrie Henri serait inhumé à OCHAMPS. Une date inexacte, un n° de matricule ('jamais donné aux officiers) lui laissent encore un peu d'espoir bien que le nom de Détrie soit peu répandu et que la lettre du Général FRAYSSE lui soit parvenue. 28/10/14. S.H. Détrie à P.Détrie Je sais que vous pleurez avec moi celui que nous aimions tous tant il était bon... il me laisse de si tendres souvenirs ...Mais j'ai aussi des regrets, celui de ne pas être venue à Marmande l'embrasser une dernière fois, on m'a dit qu'il avait tant regretté de ne pas voir ses enfants au moment de partir.. .11 a gagné, dans une suprême obéissance qui a dû tant lui coûter, le bonheur éternel.. 29/10/14 Journal Officiel : Citation à l'Ordre de l'Armée 170 Corps d'Armée. Détrie, Colonel commandant le 20° Régiment d'Infanterie: "le 22 Août, commandant l'avant garde de la 66° brigade, a engagé lui-même deux bataillons de son régiment pour essayer de déboucher de la lisière d'une forêt. S'est constamment

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tenu à la première ligne, sous les balles et les schrapnells, donnant à tous l'exemple du courage le plus calme et du dédain le plus héroïque de la mort. Est tombé glorieusement en montrant aux siens l'ennemi à atteindre." 1/11/14. L'Echo de Paris p.3 Annonce de la mort d'H. Détrie, le plus jeune des officiers de son grade 08/11/14. S.H. Détrie à S.P. Détrie Retour des 3 cantines, aucune nouvelle de ses 2 chevaux, reparle du grand sacrifice de sa vie 10/11/14. Cdt ESPINET à sa femme: J'ai retrouvé aujourd'hui un homme qui a vu tomber le Colonel Détrie à Ochamps. C'est un nommé Vergé (?)... de la 4° compagnie qui était auprès de lui comme agent de liaison. D'après ses dires le colonel était à environ 50 m à l'Ouest du débouché du chemin central de la foret de Luchy. Personnellement je l'avais quitté quand il était environ à 15 mètres du chemin vers i. Pendant ma mission il avait donc été plus à l'Ouest, là ou j'ai marqué une croix mais en deçà de la mare. Ce soldat prétend que le Colonel était debout, regardant à la jumelle dans la direction de la chapelle. A ce moment nos troupes repoussées de la chapelle étaient poursuivies par les Allemands. Le Colonel tomba subitement en avant, la face contre le

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sol. Un caporal, le Caporal Carrier, tué depuis, essuya de le ramener vers lui, de la lisière dans l'intérieur du bois, mais il fut obligé de l'abandonner. Sous le feu des mitrailleuses, nos soldats ramenés à la lisière furent contraints de se replier dans le bois puis toujours d'après le soldat nos troupes se replièrent complètement. Notre digne et vaillant et méritant colonel, ce chef adoré, adulé par tout son corps d'officiers, par tous ces hommes était laissé sur le champ de bataille. 16/11/14. Adjt BOURGES du 2° RI. Lettre dans laquelle BOURGES dit répéter son récit du 23/08 au Lt Cl DIZOT et au Commandant ESPINET. 21/11/14. L'Echo Français de Mexico En 10 page "le père et le fils" une photo d'Alexandre Détrie, datant de 1863 alors qu'il était commandant (devenu général par la suite) et de Henri Détrie, colonel mort au champ d'honneur en 1914.

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l8/12/l4. S. H. Détrie à P. Détrie: J'ai rencontré l'autre jour Madame de Villemejane, la femme du général de division qui nous a parlé longuement de BERTRIX et de mon pauvre Henri, mais la version du Générai de V ne correspond pas aux autres, selon lui, H. serait tombé au moment même où il relevait Fauqueux. Mi1han l'adjudant d'H. m 'a écrit hier qu'il avait quitté mon pauvre H. vers 3 heures pour porter un ordre au Colonel Dizot (ce qui prouve que Dizot ne l'a pas vu tomber) il se dirigeait alors sur le CT Grégorv. Un sous officier a dit à Milhan au moment de la retraite que le colonel était à la lisière de la forêt en un point où les mitrailleuses allemandes concentraient tous leurs feux, debout regardant à la jumelle les positions

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de l'ennemi. Puis lors du moment de la retraite il croyait l'avoir vu tomber mais sans préciser. Il est affreux de ne rien savoir de précis et ce doute qui malgré tout plane sur sa mort, les circonstances de sa mort, ajoute encore à mon chagrin. 2/03/1915. Lettre de Paul Détrie à sa femme: Je viens de voir l'ancien cycliste d'Henri : Lassagnet et j'en ai profité pour le questionner sur les circonstances de la disparition de notre pauvre frère. Au moment de la disparition de son Colonel, ce cycliste avait été envoyé par Henri au Général de Brigade pour lui dire que son régiment était débordé de toutes part. Mais il m'a déclaré qu'Henri était entouré de ses sapeurs qui l'avaient suivi sur la première ligne et il affirme que personne ne peut dire qu'Henrt a été tué, car les sapeurs interrogés prétendent qu'il n'a été que blessé. D'après eux Henri se serait affaissé à un moment donné, puis se serait ensuite redressé pour s'asseoir et s'appuyer à un arbre. Il aurait alors allumé une cigarette qu'il aurait allumée et c'est dans cette situation qu'ils auraient du le quitter. Ils croient qu'Henri aurait été blessé à la jambe... 04/04/15. Extraits des lettres du Capitaine Fauqueux à S.H.D: Le croquis ci-inclus, vous indiquera le point où est tombé le Colonel Détrie qui a été frappé vers 17H15.

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C'est vers 16 H, alors que pour la seconde fois je reportais en avant quelques hommes (débris de toutes les compagnies d'avant garde) repêchées par moi dans l'intérieur du bois, que je rencontrais le Colonel qui exhorta lui-même les quelques individualités, que je ramenais sur la ligne de feu, à faire leur devoir jusqu 'au bout. Il rappela à ces hommes les gloires passées du 20°, il leur parla du drapeau, de la patrie. Le Colonel vint avec moi jusqu'a la lisière Nord du bois d'où il sortait quelques minutes après pour porter secours au Capitaine Négrier...Il regagnait alors la lisière du bois et s'adossait à un arbre. A ce moment 17H15 environ 2 compagnies d'infanterie et 3 mitrailleuses ennemies nous inondaient de projectiles. Nous étions encore une douzaine de Français. Je n'ai pas vu moi-même tomber le Colonel. Ce n'est que dans la soirée au 22, alors que nous étions déjà au pouvoir des Allemands que mon Lieutenant en premier me déclara avoir vu le corps du Colonel qu'il reconnut à sa vareuse d'un bleu particulier à l'endroit même ou je l'avais vu avant sa mort. Le Colonel dont je n'étais éloigné que de 4 ou 5 mètres a dû être tué sur le coup. Il n 'a pas dû souffrir car je ne l'ai entendu pousser ni plainte, ni gémissement Je croyais même qu'il avait pu échapper à l'encerclement de nos ennemis et surtout à la mort

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car je ne l'avais point revu pendant notre retraite précipitée (vers 17H30) ni au dépôt des prisonniers sur le champ de bataille. Pour ne point aviver une douleur cruelle j’avais jusqu'ici omis certains détails relatifs à la mort héroïque du Colonel Détrie, me réservant de vous communiquer dans quelques temps l'exacte vérité. Mais puisque le Capitaine Tramond (nom mentionné par le Général Paul Détrie dans la lettre du 8/12/57, citée plus loin) vous a déjà raconté une partie des détails douloureux qui ont précédé la mort du Colonel et que vous me demandez ce que je connais touchant ces détails, je ne veux point tarder davantage. A mon avis le Colonel a cherché la mort ne voulant pas survivre à la destruction de son régiment Quand le Colonel se releva, après s'être porté au secours du Capitaine Négrier, je lui demandais par signes (la fusillade, le canon empêchaient de s'entendre par paroles) des nouvelles du camarade qui venait de tomber. Par gestes le Colonel me fit comprendre que Négrier était mort ou mourant Le Colonel se releva alors et lentement il alla s'adosser à un arbre de la lisière du bois en pleine vue. Il se croisa les bras sur la poitrine, calme, maître entièrement de lui.

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C'est dans cette position que je l'aperçus pour la dernière fois et c'est là qu'il a été frappé, qu'il est tombé sans une plainte, sans se relever. Je persiste à croire que le Colonel a du être tué sur le coup et qu'il ne s'est point déplacé vers la gauche dans la direction du bataillon Grégory. En effet, Si le Colonel avait changé de place, mon lieutenant, lors de notre retraite n 'aurait pu voir une tunique " comme celle du Colonel" attendu que nous nous sommes jetés sous bois droit derrière nous pour profiter au plus tôt du couvert des arbres pour nous mettre à l'abri de la grêle des projectiles qui nous inondait. D'autre part, d'après ce j’ai entendu dire, à l'heure où le Colonel était frappé le 2° Bataillon s'était déjà replié. Nous n'entendions plus en effet, vers notre gauche que quelques coups de fusil isolés. Je ne crois pas que le Colonel ait eu, avant de succomber la douleur d'apprendre la prise de notre drapeau. Le Lieutenant porte-drapeau prisonnier avec moi à ? m'a raconté que notre emblème sacré n’était tombé au pouvoir de l'ennemi qu'après 18 H. Le Colonel, jusqu'au moment de sa mort n'avait reçu aucune blessure. Quand je lui ai parlé pour la dernière fois, c'est à dire quelques minutes avant le décès du Capitaine Négrier, il était encore sain et sauf Ce que je puis affirmer c'est que jusqu'au

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dernier moment, le Colonel est resté sur la ligne de feu même, nous donnant à tous un magnifique exemple de calme, de courage, d'intrépidité. 11/04/15. S.H. Détrie à P. Détrie: J'ai été très touchée de recevoir à l'instant ta bonne lettre(datée du 4 Avril /915). Merci de tout cœur, mais je reste persuadée qu'Henri s'est fait tuer, à cause même de son caractère. Comment veux-tu qu'un homme comme lui, une âme de soldat comme la sienne, portant si haut sa responsabilité de chef et de son honneur de soldat ait pu survivre à son régiment. J'ai eu par ailleurs par le Capitaine Fauqueux, revenu malade d'Allemagne et fait prisonnier à Bertrix la confirmation de la.? Voilà ce qu'il m'écrit: "à mon avis le Colonel a cherché la mort, ne voulant pas survivre à la destruction de son régiment ". ...Dans une précédente lettre il m'avait dit qu'ils étaient restés seulement une dizaine d'hommes à cette lisière du bois, inondée de projectiles par 3 mitrailleuses ennemies. Ce n'était donc plus pour entraîner son régiment qu'Henri s'exposait ainsi, c'était bien pour ne pas survivre à tous les siens, un chef comme lui ne peut admettre de survivre et il reste sur le même champ de bataille que son drapeau. Je comprends ce sacrifice immense sublime qui le grandit tellement et pourtant il y a en moi de

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tels cris de révolte, il y a une telle douleur devant l'acceptation du sacrifice quand je devrais m’incliner et admirer. Ah mon cher Paul, appelle cela de la jalousie, car réellement je m'aperçois aujourd'hui bien seulement que j'étais jalouse de l'amour qu'il portait à son régiment, pour lui je savais qu'il remplaçait tout. Et je te le répète, je le comprends, je comprends ce geste d'un chef j'admire, mais mon cœur saigne d'une douleur infinie. C'est tellement dur pour une femme. pour une femme qui aime et qui sent que son amour n a pas suffi à le sauver. Et puis je me reproche de ne pas être venue à Marmande, lui dire un dernier adieu. Peut-être en a t'il souffert et s'il m'avait vue là ...avec mon petit André, peut-être ne se serait-il pas sacrifié. Aussi m'a t'il cru indifférente en voyant que je n'avais pas risqué ce voyage... Mon cher Paul, pardonne-moi cette longue lettre, je te confie ma douleur, songe que je n 'ai personne à qui la dire, mes petits... (6 enfants de 12 ans à quelques mois) ne comprennent pas, tous les miens sont là-haut..." 13/3/16. Note ministérielle du 17° Corps d'Armée...66° brigade. Acte de disparition

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Aucun témoin n'avant pu certifier la matérialité du décès il n'a pas été possible de dresser un acte de décès régulier...il y a lieu de présumer qu'il est décédé. Acte de décès transcrit à la Mairie du 8° Arrondissement de Paris le 7/8/16. 24/3/16. Avis de décès de la Croix Rouge appuyé sur la déclaration d'un prisonnier Laiguillon Carmille Août 16. L'Echo Français de Mexico p.35 sous le titre "Un ami des français du Mexique" rappel qu'Henri Détrie avait été parmi les membres de la mission militaire envoyée par le Gouvernement français pour assister aux fêtes du 1° Centenaire de l'Indépendance du Mexique en 1910 03/03/19. TOULEMONDE, Instituteur d' OCHAMPS A pu découvrir l'endroit exact où H. Détrie est tombé, la tombe provisoire où il a été déposé. renvoie l'alliance dans laquelle son nom est gravé. Celle-ci a été recueillie par l'ouvrier qui a procédé à l'exhumation des cadavres en 1916, lorsque les allemands ont relevé les corps pour procéder à un travail d'identification et former les cimetières qui....Restes déposés dans un cercueil et conduits au cimetière d'Ochamps derrière la chapelle.

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10/07/33 avis du Ministère des Pensions à S.H.D l'exhumation des restes d'H.D. reposant au cimetière d'Ochamps est prévue pour le 11 Août 33 12/10/55. Attestation du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, Direction du Contentieux, de l’Etat Civil et des Recherches, bureau des sépultures Henri Détrie mort pour la France repose dans le cimetière communal de Bruyères à Anloy, carré militaire 08/12/57. Général P. Détrie au Colonel MALCOR: Paul Détrie, s'est rendu avec S.H. Détrie dès la fin de la guerre 14-l8 sur les lieux, a pu le faire exhumer par le Belge qui l'avait enterré. La tête était traversée, des balles plein la poitrine et le bassin. Il n y' avait aucun doute possible, car il avait encore ses galons et quelques petits objets personnels. Donne son analyse des événements, confirme que des ordres impératifs ont été donnés 26/12/57. Réponse du Colonel MALCOR: Ce que vous me dites de la journée du 22 Août corrobore tout ce que j'en sais et l'insistance de votre frère correspond à l'initiative du commandement de l'artillerie divisionnaire demandant à préparer par le feu le débouché de l'infanterie au Nord du bois de Luchy - pour se faire répondre par un pauvre diable de

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type. "comme vous êtes agité ! Mais nous entrerons là dedans comme dans du beurre! "Ce pauvre diable en est mort d'ailleurs, peu après de chagrin. Il a cherché et trouvé la mort après avoir enjoint à son fils d'éviter pour son. avenir cette effroyable responsabilité des hommes à conduire. 26/11/62. Général Weygand à Roger Détrie, colonel d’aviation, fils d'Henri Détrie: Henri Détrie était un des officiers supérieurs les plus brillants de l'armée de 1914 et serait devenu un de ses grands chefs s'il n'avait été tué à l'ennemi dans les premiers jours de la guerre. 26/08/64. Lassus à R. Détrie: Roger Détrie prend contact avec Lassus à la suite de son article dans Sud Ouest le 21/08/64. Lassus lui adresse une lettre dans laquelle il rassemble ses souvenirs. Bibliographie 29/10/1885. livret matricule d'homme de troupe d'Henri Détrie 25/02/1901 Ordre signé Lyautey 2/03/1901. Ordre Général signé Galliéni

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Ministère de la Guerre : Etats de service d'Henri Détrie (consultation des Archives de l'Année de terre à Vincennes. Historique du 20° Régiment d'Infanterie 0.8-11. Carte revue Militaire Française Lt-Col Pugens : du rôle joué par le terrain à la bataille des Ardennes le 22/8/1914 matin Au Combat de BERTRIX 22/08/14 par le sousLieutenant P.G. Une Division française aux prises avec l'Armée du Duc de Wurtemberg par M.A. de Benguy d'Hagerne, fille de la Sainte Vierge. Notre Dame du Luxembourg (?) PUBLIÉ LE 17/04/2008 11:41

Un Montalbanais sera le... soldat inconnu de Belgique HISTORIQUE . 94 ANS APRÈS LA SANGLANTE BATAILLE DE BERTRIX, LE CORPS D'UN MILITAIRE D'ICI DÉCOUVERT IL Y A PEU.

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Un Montalbanais sera le … soldat inconnu de Belgique Les champs de batailles continuent, au fil du temps, de donner un peu plus d'âme et d'histoire aux lieux qui ont servi de théâtre à ces grandes et sanglantes tragédies. Bertrix dans les Ardennes belges en est une des plus cruelles illustrations. En une caniculaire après-midi d'août 1914-celle du 22l'armée Française (1) y compta 15 000 tués ou disparus. Et à quelques mois de la commémoration du quatre-vingt-dixième anniversaire de la fin de ce premier conflit mondial, les feux de l'actualité viennent de se rebraquer sur Montauban qui paya un très lourd tribut dans cette bataille où elle comptait deux régiments engagés : le 20e et le 11e RI. Michel Florens qui est le président de l'association « Mémoire 82 », en habitué et chercheur de tout ce qui a trait à ce conflit surtout dans cette

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région proche de la frontière a été averti de la découverte. A quelques centaines de mètres de la chapelle d'Ochamps qui surplombait le champ de bataille un couple de jeunes Belges a fait construire une maison Et il y a peu Nicolas Arnould et Florence Otjacques ont voulu décaisser la partie avant de leur terrain pour installer un système d'évacuation des eaux usées. Ils ont commencé à creuser un trou et à juste quarante centimètres de profondeur ils sont tombés sur un squelette parfaitement conservé. Mort sous la mitraille Le corps du soldat était facilement identifiable quand à l'origine de son régiment par des lambeaux d'uniforme, mais aussi à cause de ses brodequins à lacets, un reste de plat à quatre que les militaires portaient dans le dos et d'une Rosalie qui est une baïonnette cruciforme. Il appartiendrait à la douzième compagnie du régiment du capitaine Campistrou, celle qui fut le plus en pointe ce jour-là. Il a été mis au dépositoire de la nécropole Anloy-Bruyère la localité proche de ce champ de bataille et où sont inhumés des centaines de soldats morts dans cette offensive traquenard. Et dont les corps gonflés par la chaleur furent enterrés au plus près dans les jours qui suivirent la débâcle de l'armée Française. Pour Michel Florens le soldat est bien du 20e RI. Sa position sur le champ de bataille corrobore les récits historiques faits autour du régiment stationné à la Hire. Qui livra en Belgique une sauvage bataille presque centimètre carré par centimètre carré autour de ce petit lieu de culte

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surplombant la forêt de Luchy. Les combats dans ce secteur étaient terribles. Outre le feu nourri de l'artillerie et des mitrailleuses, les soldats Français et Allemands s'affrontaient au corps à corps pour conquérir le site de la Chapelle. Le secrétariat d'État aux Anciens Combattants a été mis au courant et le 24 août prochain lors des cérémonies annuelles du souvenir aux tués de Bertrix on rendra un hommage au soldat inconnu de Montauban. Qui risque de le rester, comme d'ailleurs des milliers d'autres soldats Français tombés au champ d'honneur. Et dont les cadavres avant d'être récupérés, se voyaient dépouiller de leurs plaques. La plupart du temps arrachées par les soldats allemands. (1) Dans la bataille de Bertrix et Ochamps le 17e corps d'armée de Toulouse était engagé avec pas loin de 30 000 hommes. La 33e division avec d'abord la 65e brigade (7e RI de Cahors et 9e RI d'Agen + 3 régiments d'artillerie de campagne-chevaux et canons de 75- du 18e RAC d'Agen). Puis la 66e brigade composée des deux régiments de Montauban (11e RI +20e RI). Et la 34e division comportant au sein de la 67e brigade : le 14e RI de Toulouse, le 83e RI de Toulouse/Saint-Gaudens et trois groupes de 75 du 23e RAC de Toulouse et au sein de la 68e brigade le 59e RI de Pamiers/Foix et le 88e RI d'Auch.

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Au mois d'août voyage à Bertrix Comme chaque année une délégation Tarn-etGaronnaise partira dans les Ardennes belges pour le pèlerinage et l'hommage sur les lieux de cette sanglante bataille qui dans les premiers jours d'août 1914, fit presque plus de victimes dans les départements du sud que le reste du conflit. Michel Florens et son association « Mémoire 82 » organisent un voyage en autocar qui partira de Montauban le 23 août (retour le 26) pour se rendre sur les lieux des combats de Bertrix, Ochamps, forêts d'Herbeumont et surtout de Luchy. En août 2008 les cérémonies auront encore plus d'impact et de fibre émotionnelle que les années précédentes. Car elles coïncideront avec le quatrevingt-dixième anniversaire de l'armistice de 1918 et la fin de cette Grande Guerre qui fit rien qu'en France plus de 1,3 million de tués.

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Jour de deuil dans l'histoire du 20e RI Normalement le 20e RI était en presque en totalité stationné à Montauban en ville basse à la caserne de la Hire, avec d'autres cantonnements à Marmande et Casteljaloux. Dans la campagne 19141918 deux dates marquent deux faits bien différents dans l'histoire de ce régiment Tarn-et-Garonnais. Le 22août 1914 en Belgique le régiment participait à la retraite de l'armée Française, battue matériellement et encaissant de très lourdes pertes en un seul après-midi autour de Bertrix-Ochamps. Et le 9novembre 1918 ayant chassé l'ennemi du sol meurtri des régions du Nord, le 20e, le premier de toute la première armée Française franchissait la frontière et reprenait sur le même sol Belge l'éclatante et ultime revanche du combat initial, contraignant les troupes germaniques à demander l'armistice. Pour en revenir à la tragique journée du 22 août 1914 il faut savoir que le 20e à l'effectif de 50 officiers et 3 315 hommes de troupe ont débarqué le 8 août dans les gares de Suippes et Cuperly avant de monter vers la Meuse et la Chiers et de franchir la frontière Belge le 21 à Sainte-Cécile pour aller à la rencontre des armées allemandes qui ont envahi le pays. Le régiment vers Bouillon tire sur un avion allemand qui survole la colonne à basse altitude et l'abat. Puis la troupe pénètre dans la forêt de Luchy qui va de Bertrix vers Ochamps. Des fusillades importantes éclatent et l'ennemi avec des mitrailleuses positionnées stratégiquement fauche les soldats.

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Plusieurs officiers sont tués ainsi que le colonel Detrie patron du régiment. en fin de journée dans un ciel rougeoyant d'incendies, le repli des troupes se transforme en retraite générale vers Mouzon.26 officiers et 1 350 hommes manquent à l'appel… Et la retraite se poursuivra jusqu'à la bataille de la Marne (13 septembre 1914) qui changea heureusement le cours de l'histoire. J-P.F

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PUBLIÉ LE 11/11/2008 14:31

Mélancolie

Mélancolie Statue de Flavio De Faveri érigée à Anloy Bruyéres Belgique dédiée aux soldats du Midi tombés en Aout 14.

Grande Guerre. La nécropole de la bataille de Bertrix profanée ON A VOLÉ EN BELGIQUE LA STATUE TÉMOIGNANT DU SACRIFICE DES SOLDATS DE MONTAUBAN.

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Ce bronze du sculpteur montalbanais Flavio de Faveri pesant plus de 300 kg a été arraché de son socle.Photo DDM, M.FCe bronze du sculpteur montalbanais Flavio de Faveri pesant plus de 300 kg a été arraché de son socle.Photo DDM, M.F C'était une très belle statue en bronze intitulée « La Mélancolie » (1). Œuvre de l'artiste montalbanais Flavio de Faveri. Elle était depuis le 22 août 2000 au cœur de la nécropole Franco-Allemande d'Anloy, le cimetière militaire « Les Bruyères » dans les Ardennes Belges. Région boisée de triste mémoire pour les combattants de la guerre 14-18. Au milieu du socle portant cette représentation stylée d'un peu plus de 300 kg de bronze une plaque de cuivre avec une inscription : En mémoire des soldats du Sud-Ouest

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appelés en Belgique « Les cadets de Gascogne et du Quercy » tombés en Ardennes Belges le 22 août 1914. Et qu'elle n'a pas été la désagréable surprise des personnes qui ont la charge et l'entretien de cette nécropole de voir que l'on avait dérobé cette statue à juste quelques heures des cérémonies marquant le quatre-vingt-dixième anniversaire de l'armistice de 1918. Un socle abîmé par les voleurs qui ont dû garer à proximité sur la route traversant le cimetière un engin motorisé pour emporter le butin qui a une valeur symbolique énorme. Comme le souligne Michel Florens nouveau président du Souvenir Français en Tarn-et-Garonne, mais surtout historien et président de l'association Mémoire 82 qui fait œuvre de témoignage sur la Grande Guerre. Il fait en l'occurrence référence plus particulièrement la terrible saignée d'août 14 qui se solda par des milliers de victimes en un seul après-midi de combats aux portes de Bertrix dans les Ardennes belges. C'est à la demande de Michel Florens et de l'association « Mémoire 82 » que Flavio de Faveri avait réalisé cette « Mélancolie ». L'artiste d'ailleurs était du voyage inaugural d'août 2000 en compagnie de très nombreuses personnalités du département dont Roland Garrigues député-maire de Montauban. Le consul de France en Belgique Serge Mucetti est venu se recueillir sur les lieux du vol sacrilège qui offense la mémoire de milliers de familles du grand Sud qui ont vu un des leurs tomber au champ. Et qui ne comprennent pas cette recrudescence de vol et profanations commises dans des lieux du souvenir.

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Un autre mémorial d'ailleurs à Bastogne toujours en Belgique a lui aussi été vandalisé. Et il y a peu dans la grande nécropole de Notre-Dame-de-Lorette, plus particulièrement vers le carré dédié aux victimes allemandes, c'est un portail en bronze de 1,2 T qui a été dérobé. Ce qui ne peut qu'encore plus indigner et inquiéter tous ceux qui veulent perpétuer le devoir de mémoire. (1) La statue d'une valeur d'environ 6 500 €a été réalisée grâce à des dons des mairies de Montauban, Castelsarrasin, Finhan, Agen, Marmande, Cahors, Pamiers ainsi que le conseil général de Tarn-etGaronne et le conseil régional de Midi-Pyrénées.

Déjà deux plaintes déposées. Pour le vol de la statue et la profanation de cette nécropole du souvenir (Franco-Allemande d'ailleurs car les dépouilles des soldats des deux camps s'y trouvent inhumés) deux plaintes ont été déposées par Anne Laffut bourgmestre de l'entité administrative Anloy-Luchy-Bertrix et le ministère des armées français et son secrétariat aux anciens combattants .

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Toute la région endeuillée par ce carnage. Le 17e corps d'armée du général Poline après l'ordre de mobilisation générale du 1er août 1914 à 15 h 30 à Montauban embarque dès le 5 août pour rejoindre en trains spéciaux la frontière belge. Deux divisions le composent. La 33e division qui comprend le 7e RI de Cahors, le 9e RI d'Agen, le 11e RI de Montauban, le 20e RI de Montauban et Marmande ainsi que trois groupes de canons de 75 du 18e RIAC d'Agen. De son côté dans la 34e division on trouve des régiments d'Auch, Mirande, Foix-Pamiers (le 59e RI), Toulouse et Saint-Gaudens. Les unités débarquent à Suippes et le PC jusqu'au 19 août est installé à Valmy. Les unités ne progressent vers la Belgique et Herbeumont-Bertrix que le 20 août. Les troupes progressent dans la forêt de Luchy et débouchent dans des prairies vers Ochamps où elles essuient des violents tirs des mitrailleuses ennemies installées sur des hauteurs. C'est le début d'un carnage, de combats au corps à corps qui en l'espace de cinq heures va se solder du côté français par des milliers de victimes (morts, blessés ou prisonniers). À titre d'exemple il ne reste au 11e RI que 524 hommes sur les 3 348 qui ont quitté Montauban le 4 août. Le 7e de Cahors perd 572 hommes dans ce désastre. Et les jours suivants c'est la population belge martyrisée par les troupes d'occupation allemande qui doit enterrer en toute hâte hommes et chevaux (474) tant la chaleur les avait gonflés et noircis.

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PUBLIÉ LE 11/11/2009 10:58

Il y a 95 ans, se déroula la sanglante bataille de Luchy «MÉMOIRE 82». UN APRÈS-MIDI D'AOÛT 1914 PLUS DE 800 SOLDATS MONTALBANAIS FURENT TUÉS EN BELGIQUE .

Depuis le début de ce siècle cette statue symbolise en terre belge le sacrifice des milliers de Cadets de Gascogne tués autour de Bertrix. Photo DDM, M.F.DDM En ce jour de célébration du quatre-vingt onzième anniversaire de l'armistice de 1918, il n'est pas inutile de se remettre en mémoire le terrible tribut

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que payèrent les régiments de Montauban et du SudOuest dans les premiers jours de la Grande Guerre en août 1914 -il y a juste 95 ans. Et ce dans la province belge de Luxembourg qui jouxte le Grand-duché et les Ardennes Françaises. La bataille de Luchy entre Bertrix et Ochamps eut lieu le 22 août 1914. Dans une forêt dense, le XVII e corps d'armée de Toulouse s'engage avec près de 30 000 hommes dont la 66e brigade composée des régiments de Montauban (11 e et 20e des casernes de la Hire, Guibert, Doumerc et Pompone). Dès 13 h 15 le 20e RI est accueilli en lisière des bois par des feux nourris d'infanterie des Allemands déployés sur les hauteurs. Les combats sont féroces et la bataille s'achève vers 19 heures.

«Mélancolie» pour toujours Les deux unités montalbanaises (1) laissent des centaines de morts dans cette bataille. Plus de 1000 disparus pour le 11 e RI et 1 500 pour le 20e aux quels s'ajoutent les 700 disparus dans le 18e d'artillerie venu d'Agen. L'ensemble des régiments français comptera 2 500 tués. La mémoire reste vivace et est chaque année honorée au cœur du cimetière d'Anloy-Bruyères où fut érigé en août 2000 un monument à la gloire des Cadets de Gascogne. Ciselée dans le bronze par le sculpteur Montalbanais Flavio de Faveri, intitulée « Mélancolie » cette statue fut profanée et volée une nuit de novembre 2008. Sûrement par quelques voleurs de métaux véreux...Mais l'outrage ne pouvait perdurer et surtout

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profiter à ceux qui voudraient faire du 11 novembre autre chose qu'un temps fort mémoriel patriotique et républicain. Une nouvelle statue, moulée à l'identique dans une matière moins rémunératrice a retrouvé sa place sur le socle de pierre. « Mémoire 82 » et son président Michel Florens pourront continuer à tisser des liens ténus entre ce morceau de terre Belge qui est celui du repos éternel pour des centaines de militaires de Tarn-et-Garonne et Montauban qui ne peut oublier... .En effet dans le cimetière de Bertrix-Luchy ils sont 212 Français inhumés, dans celui de Jéhonville-Bois : 219 des deux régiments de la cité d'Ingres, on en dénombre encore 47 à JéhonvuilleCroix-Morai, 92 à Ochamps-Différebnd et 229 à Ochamps-Chapelle. Dans ces deux dernières nécropoles ce ne sont que des combattants du 20e Régiment d'Infanterie de Montauban et Marmande. (1) La commune de Libin en Belgique vient de publier un ouvrage de 200 pages, grand format richement illustré. Dans lequel plusieurs dizaines de pages sont consacrées avec de remarquables documents à Maurice Vernet, aux sanglantes batailles et à la Mélancolie de Flavio de Faveri. On peut se le procurer contre un chèque de 20 € libellé à l'ordre de « Mémoire 82 « et adressé à « Mémoire 82 » 878C, avenue Jean-Moulin 82000 Montauban

Le tragique destin de Maurice Vernet. Maurice Vernet est né en juin 1891au numéro 6, de la rue Fraîche à Montauban. Son père François

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est dépositaire des quotidiens régionaux dans son magasin du 33 rue de la Comédie. Maurice Vernet a choisi le métier d'instituteur et en 1911 il est nommé instituteur-adjoint à La magistère. Militaire au 11e RI , après son instruction à la caserne Guibert, il est incorporé en octobre 1912 comme soldat de troisième classe, le 1er octobre 1 913 il est nommé sergent, et c'est avec ce grade qu'il participe aux combats de Luchy. Au massacre de cet après-midi d'août 1914.Il est rescapé de ces combats, puis en 1915 avec le 417e d'infanterie il combat dans la Somme à Estrée avant de succomber le 10 septembre 1916, toujours dans ce secteur à Moreuil -Lespinoy suite à «une plaie pénétrante de la poitrine par éclat d'obus». Il meurt au combat comme son ami Henri Blanc instituteur lui aussi, capitaine de l'équipe de rugby du 11e RI et de l'USM où ils jouent l'un et l'autre. Maurice Vernet a laissé des carnets de bataille fort émouvants et notamment un très long poème intitulé « Bataille de Luchy », écrit en novembre 1914 du côté de «Maubeuge» - un lieu-dit d'une grosse ferme proche de Luchy-Ochamps où huit des rescapés du régiment vivent en reclus dans une cabane forestière. Ils s'en évaderont en direction de la Hollande, de l'Angleterre ensuite avant de revenir en France du côté d'Abbeville en février 1915. On peut lire d'ailleurs dans « La Dépêche» du 9 février 1915 : « Vendredi dernier vers midi deux rescapés - Maurice Vernet et un camarade de régiment rentrèrent à Montauban et se rendirent à la caserne pour se faire porter rentrants. Les parents du sergent Vernet étaient

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sans nouvelle de leur fils depuis le mois d'août 1914. On conçoit avec quelle joie ils accueillirent leur enfant qui, pour des motifs que nous ignorons, n'avait pu les prévenir de son arrivée. » Le nom de Maurice Vernet est gravé dans le marbre de cinq monuments : celui de Bourdelle au cours Foucault, celui de l'école normale, à l'intérieur de l'église Saint-Jacques sa paroisse, sur une plaque à Lamagistère et sur sa tombe dans la somme au cimetière de Montdidier dans la Somme . J-P.F

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1918-2008

De Maurice Vernet au mémorial « La Mélancolie » ou les liens d’amitié entre Montauban et Libin

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1918-2008 De Maurice Vernet au mémorial « La Mélancolie » ou les liens d’amitié entre Montauban et Libin Nonante ans après l’Armistice de 1918, alors que les derniers poilus ont disparu, la déflagration de la Grande Guerre qui a causé dix millions de morts ne cesse de remonter à la surface, particulièrement par la publication de témoignages, journaux ou lettres de soldats. Le C.H.T.L. souhaite se joindre à cette démarche et raconter comment un soldat français, poète à ses heures, a contribué à tisser des liens d’amitié, à travers le temps, entre la France et la Belgique 1. Un destin tragique, une correspondance, des rencontres amicales, l’érection d’un mémorial à Anloy, voilà le fil conducteur de cette histoire singulière inscrite dans celle de la guerre 1914-1918.

Un destin tragique… celui de Maurice Vernet, sergent au 11e Régiment d’Infanterie de Montauban, jeune instituteur à Lamagistère 2, pris dans la 1

Ce récit est le fruit du dépouillement des documents rassemblés essentiellement par Michel Florens, de Montauban, et communiqués à Clotilde Benoit-Duchêne, de Libin, laquelle est la fille de Juliette Degand. 2 Commune du département de Tarn-et-Garonne.

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tourmente de la bataille de Luchy, le 22 août 1914, et bloqué à l’arrière des lignes ennemies. Il erre dans les bois avec quelques camarades d’infortune pendant plusieurs semaines puis est secouru par la population locale, notamment par le garde-chasse Nicolas Philippe, les religieuses d’Ochamps et la famille Degand installée à Maubeuge. En février 1915, il passe par la Hollande et regagne la France via l’Angleterre. De retour à Montauban, il repart pour le front, est blessé à Estrée, en pleine bataille de la Somme, et décède à Moreuil dans l’ambulance 13/6, en 1916. Une fin dramatique, semblable à celle de milliers de ses compagnons sacrifiés. Une vie brisée à la fleur de l’âge, et qui aurait pu tomber dans l’oubli. C’était sans compter sur les liens intimes tissés avec la population ardennaise pendant les quelques semaines d’errance dans les bois. En fait, Maurice a tout noté sur un petit carnet confié à Juliette Degand en espérant le récupérer après la guerre. Un petit calepin jauni dans lequel le soldat a rédigé quelques poèmes, dont un relate la bataille de Luchy. Après l’Armistice, Juliette n’a pas oublié le sympathique soldat et tente de reprendre contact avec lui. Elle apprend le décès de son protégé par une lettre écrite de la main d’une maman éplorée. Dans une seconde missive tout aussi émouvante, Madame Vernet lui propose de conserver le carnet de son fils, devinant qu’il tenait une place particulière dans le cœur de Juliette.

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Non loin de Maubeuge se trouve, sur le territoire d’Anloy, le moulin de La Rochette. Lorsque les armées allemandes livrent bataille le 22 août 1914, la famille d’Eugène Benoit occupe la ferme et la scierie avec ses enfants Paul, Alvis et Arthur. La ferme est incendiée. Ses habitants et quelques voisins sont maltraités. Plusieurs sont tués. D’autres n’ont survécu que peu de temps à ce drame3. Le jeune Alvis a été marqué par cet épisode et a souvent raconté – pour que personne n’oublie – toutes ses souffrances. Après la guerre, en 1921, il épouse Juliette Degand qui, comme Maurice Vernet, rédige ses souvenirs personnels et ceux de son mari dans un cahier qu’elle transmet à sa fille Clotilde. Les familles Benoit et Degand, meurtries dans leur chair, n’ont rien oublié. 3

Clotilde et Ernest BENOIT, « Le drame du moulin de La Rochette, en août 1914 – Témoignage d’Alvis Benoit recueilli par son épouse Juliette Degand », Aux Sources de la Lesse – Libin, un Terroir et des Hommes, n° 7, (2006), pp. 37-42.

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Clotilde Benoit-Duchêne a conservé précieusement, comme des reliques, tous ces écrits en hommage à ces personnes marquées par le destin. En 1994, dans le cadre du quatre-vingtième anniversaire des sanglantes journées de la bataille de Luchy, une première exposition est organisée à Ochamps par un groupe de bénévoles rassemblés autour d’Annie Lambert. Le récit de Maurice Vernet y est présenté et Clotilde est heureuse d’exhiber l’original 4. Elle apprend que, lors des manifestations du souvenir, des enfants des écoles d’Ochamps sont invités à lire ou à déclamer le récit-poème. L’année suivante, le Cercle d’Histoire et de Traditions de Libin (C.H.T.L.) voit le jour. Il rassemble une vingtaine de personnes sous la présidence de Christian Dewez et prépare une nouvelle exposition dans le cadre des Journées du Patrimoine de 1996. Le thème couvre à nouveau les journées des 22 et 23 août 1914 et s’étend sur les combats d’Ochamps, d’Anloy et de Maissin. Guidés par Émile Catinus, les membres s’activent à rechercher un maximum de documentation5 : témoignages, photos, matériel militaire, armes, uniformes, cartes, etc. Le carnet de Vernet prend place dans une vitrine à côté du képi d’un de ses 4

Une version recopiée avec des erreurs a été transmise au chanoine Jean-Servais Schmitz qui l’a présentée dans la fiche n° 82 (A.É.N., Fonds Schmitz). 5 « Les événements des 22 et 23 août 1914 à Ochamps », Cahier du Cercle d’Histoire et de Traditions de Libin, (1996). « Les événements des 22 et 23 août 1914 à Anloy », Cahier du Cercle d’Histoire et de Traditions de Libin, (1996).

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compagnons de combat, Raphaël Riffaut6. On regrette de ne pouvoir y joindre un portrait de Vernet. C’est alors que Clotilde décide de s’adresser par courrier à la mairie de Montauban dans le but d’obtenir une photo, d’en savoir plus sur ce soldat montalbanais et d’enrichir sa documentation sur la bataille de Luchy. Sa demande est transmise à Michel Florens7, co-fondateur et secrétaire de « Mémoire 82 »8, une association qui a pour objectif d’organiser des manifestations patriotiques et historiques. Créée en 1997, elle est présidée par un artiste sculpteur, Flavio de Faveri, et vient, elle aussi, d’organiser une exposition à Montauban. Les ponts entre l’Ardenne et le Tarn-et-Garonne sont désormais jetés. Une belle histoire d’amitié commence. Très rapidement, Michel Florens répond à Clotilde : « Je suis loin d’être un historien mais, le 30 septembre 1996, en rédigeant votre lettre, vous m’avez communiqué un virus redoutable qui me pousse à chercher. Les faits de vie de Maurice Vernet me passionnent autant que vous… Ainsi nous sommes condamnés à cheminer ensemble à la recherche de cet homme ». Ce long cheminement

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Ce képi est conservé par Ernest Benoit. Michel Florens est fonctionnaire territorial au Conseil Général de Tarn-et-Garonne. Il assure la présidence de « Mémoire 82 » depuis le 19 décembre 1998. 8 Les membres fondateurs de « Mémoire 82 » sont Robert Renaud, Jean Prunet, Flavio de Faveri, Michel Florens et Bernard Bladanet. 7

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a été fructueux. La Bataille des Frontières9, longtemps méconnue en France, a fait l’objet de nouvelles recherches qui ont abouti à des publications. Des liens amicaux se sont noués, des échanges culturels ont été organisés et le cimetière d’Anloy-Bruyères s’est enrichi d’une magnifique sculpture « La Mélancolie »… dont nous sommes orphelins aujourd’hui ! Cette histoire mérite donc d’être contée.

Maurice Vernet Sa famille Le 12 juin 1891, Marie Albin met au monde Pierre, François, Maurice, Albert Vernet, au numéro 6 de la rue Fraîche à Montauban. Son père François tient une librairie-papeterie, non loin de la Place nationale aux larges arcades de briques roses où Maurice et son jeune frère Gabriel se rendront fréquemment. François est dépositaire de plusieurs quotidiens régionaux. Le magasin se trouve au 33 de la rue de la Comédie. Une carte postale de l’époque nous en restitue l’ambiance lorsque les parents de Maurice tenaient leur librairie. Les commerces s’alignent au rez-de-chaussée et les appartements occupent les étages supérieurs. L’église Saint-Jacques se dresse au fond de la rue. Les vitrines de la librairie sont encombrées de journaux et de revues illustrées. 9

Trop courte et surtout peu glorieuse pour les Français, la Bataille des Frontières a été négligée dans les livres d’histoire. Malgré les importantes pertes en vies humaines et les forces considérables engagées, elle ne constitue, pour les historiens classiques, qu’une étape vers la Bataille de la Marne.

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L’instituteur Maurice Vernet a choisi le métier d’instituteur. À cette époque, deux épreuves sont organisées pour être admis à l’École Normale. La première permet d’être inscrit sur une liste d’admissibilité puis, la seconde, sur une liste d’admission définitive. Le détail du programme prouve que la littérature tient une place privilégiée. Les candidats doivent indiquer notamment une liste de dix morceaux empruntés aux meilleurs prosateurs ou poètes des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, liste qui doit servir à l’épreuve de récitation prévue par le programme. En plus, ils doivent mentionner cinq œuvres littéraires sur lesquelles portera la conversation prévue avec les examinateurs. Une bonne connaissance littéraire est donc requise avant d’être admis à l’École Normale. On comprend aisément qu’après une telle formation, Maurice Vernet ait pu présenter en vers son récit de la bataille de Luchy. Le 1er octobre 1910, après trois années d’études, il reçoit son brevet de capacité. Sur une notice individuelle rédigée le 1er août 1911 à sa sortie de l’École Normale, le directeur écrit : « Fera, je crois, un très bon maître » (Encadré 1). Fort de son diplôme, il est pressenti pour enseigner à Labastide-de-Penne comme élève-maître. Le 31 août 1911, il sollicite

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pourtant le poste d’instituteur-adjoint à Lamagistère10 auprès de l’inspecteur d’Académie de Tarn-etGaronne. Il souhaite se rapprocher de la maison paternelle pour aider ses parents à tenir la comptabilité et, au début de sa carrière, profiter des conseils d’un directeur. Il termine sa requête par : « Mes connaissances musicales me permettent d’espérer que je ferai bonne figure dans un poste où la musique n’est pas dédaignée ». Sur sa lettre de candidature, l’inspecteur note en apostille : « Il faut, autant que possible, un des bons numéros de l’École Normale ». Il sera l’heureux élu !

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Une plaque commémorative a été dévoilée par Michel Florens sur le mur de l’école, le 11 novembre 1999.

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L’élève Vernet Notice individuelle à sa sortie de l’École Normale Caractère : Du sérieux et de bons sentiments. Sous des dehors un peu espiègles, un grand fond de timidité. Conduite : Conduite régulière. Tenue assez correcte ; manières un peu gauches. Intelligence et jugement : Esprit vif et pénétrant, mais d’une étourderie difficile à corriger. Jugement assez droit quand la réflexion ne fait pas défaut. Travail : À peu près régulier mais un peu mou. Instruction : Moyenne ; assez bien assimilée Valeur pédagogique : N’a pas toute l’autorité désirable dans la classe parce qu’il manque encore de calme et d’assurance. Enseigne avec goût et bonne humeur et fait preuve, par moment, d’une certaine ingéniosité pédagogique ; il reste cependant audessous de lui-même, par suite d’oublis ou de maladresses qui déconcertent l’attention et rendent les leçons languissantes. Zélé, parfois mal réglé, mais consciencieux et empressé. Aptitudes musicales : passables. Rang de sortie : 7e sur 11 élèves ; 8e sur 15 élèves aux auditions. Observations résumées du directeur sur la valeur intellectuelle et morale : Fera, je crois, un très bon maître après quelques années d’expérience, mais a encore besoin d’être guidé et encouragé.

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Le militaire Maurice Vernet est de la classe de 1911 et appartient au 11e Régiment d’Infanterie, sous le matricule 774. Le signalement porté sur son État Signalétique des Services Militaires est assez laconique : « Cheveux et yeux châtains, front vertical de hauteur moyenne et grande largeur, nez moyen, visage ovale, taille : 1,66 mètre et, comme marque particulière, une légère cicatrice au coin de l’œil gauche ». Après son instruction à la caserne Guibert, il obtient son brevet d’aptitude militaire en 1912 et est incorporé, le 10 octobre suivant, comme soldat de troisième classe. Nommé caporal le 11 février 1913, puis sergent le 1er octobre, c’est avec ce grade qu’il combat à Luchy. Après son retour en France, via Abbeville, il passe au 417e d’Infanterie le 9 mars 1915. Le 1er septembre, il devient adjudant, combat à Estrée dans la Somme et succombe à Moreuil, le 10 septembre 1916, dans l’ambulance11 13/16 à « une plaie pénétrante de la poitrine par éclat d’obus ». Maurice a vingt-cinq ans et laisse des parents éplorés et un frère traumatisé par la guerre qui mourra, aliéné, quelque temps plus tard.

Le sportif Maurice aime le sport et, comme beaucoup de jeunes du Sud-Ouest, il s’adonne au rugby, plus particulièrement au sein de l’Union Sportive de 11

Ambulance : hôpital de campagne.

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Montauban où il brille rapidement au point d’apparaître sous la plume des chroniqueurs comme une « révélation » (carte de membre datée du 23 novembre 1913). Il est repris dans l’équipe de son régiment lors de son incorporation. Le seul portrait qui nous soit parvenu est extrait de la photo de cette équipe12. Les maillots roses arborent un écusson frappé d’un 11 qui rappelle le numéro de son régiment d’infanterie. De ces quinze gaillards aux solides épaules et à la moustache virile, bien peu rejoindront leur ville natale. Le club montalbanais perdra d’ailleurs quarante-quatre de ses joueurs entre 1914 et 1918. Maurice Vernet se trouve à la droite de son ami et capitaine, Henri Blanc qui pose, le ballon sur les genoux. L’un et l’autre instituteurs, les deux amis ont été tués à quelques jours d’intervalle près de MoreuilLespinoy, au cours de la Bataille de la Somme.

Au son des tambours – Préparatifs de guerre Nous sommes en juillet 1914. L’Europe s’est embrasée. Le jeu des alliances a poussé la France dans cet épisode sanglant qui va se prolonger quatre longues années. Au cœur de cet été, le soleil est généreux, tant à Montauban qu’en Ardenne. La mobilisation bat le rappel des troupes. Le carnet de route de Maurice Vernet est trop laconique pour Extrait de Union sportive Montalbanaise –Didier BLANC, « 1903-2003 – Un siècle de rugby ». 12

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appréhender cette période. Suivons le parcours d’un autre Montalbanais, Jean Florens, le grand-père de Michel. Depuis le 10 octobre 1913, Jean Florens a quitté l’atelier de mécanique générale où il était employé comme ajusteur pour rejoindre le 11e R. I. Marié depuis peu à une Montalbanaise, Juliette Verlhac, il est le père d’un bambin de dix-huit mois prénommé Pierre. Le jour du grand départ, Jean a pu rejoindre son épouse, son enfant Pierre et ses parents pour les adieux. Le silence fait place aux mots inutiles. Les baisers dans les pleurs sont ponctués de promesses de se revoir. Sur le chemin qui le mène au combat, il narre, à l’intention de sa famille, quelques anecdotes : « Il m'est arrivé un petit accident avant d'arriver à Issoudun. J'ai voulu couper une barre de la fenêtre des wagons à bestiaux pour passer la tête. Une fois coupée, j'ai regardé s'il n'y avait personne mais " crac !", mon képi est parti en voyage. Il devait se plaire dans ce pays. J'ai continué la route ainsi, nous sommes passés à Saint- Florent où on nous a donné de l'eau de menthe. C’est une petite ville dont la moitié des femmes œuvrent pour la Croix Rouge. Puis, c’est l’arrivée par le train à une gare proche de la frontière qui n’est éloignée que de six kilomètres. C'était le matin, nous sommes descendus. Moi, sans képi toujours… Alors, j'ai vu un type qui en posait un pour se débarbouiller. Comme nous allions monter dans le wagon (...), j'ai pris le képi, je me le suis mis sur la tête et me voilà embarqué avec le calot !

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Je voudrais bien vous donner pas mal de détails sur ce qui se passe ici à Suippes13, mais on nous l'a défendu. Nous ne devons même pas dire ou nous sommes. Or, je compte sur votre discrétion, ne le dites à personne, car il m'en coûterait cher ! Aujourd'hui, 9 août, nous sommes allés à la messe. On nous a distribué des médailles en tissu du Sacré-Cœur. Puis à 8 heures, nous avons eu droit à la Bénédiction spéciale. Le curé est bien aimable. On m'a trouvé un emploi : je suis cuisinier de la section ! Il se passe de grands événements que nous ne connaissons pas. Nous sommes survolés par des aéroplanes. La nuit dernière, un dirigeable nous observait avec un projecteur. On ignore à quelle puissance il appartenait. Enfin, je vous dirai que je suis en bonne santé et j'espère que c'est de même à la maison. Je vous envoie cette seule lettre pour tous car, pour la rédiger, nous sommes obligés de nous cacher. Or j'espère, ma chère Juliette, que tu feras ton possible pour la faire parvenir à tous ! Tu embrasseras toute ma famille pour moi, ainsi que les enfants chéris. Surtout, n'oublie personne car on m'accuserait de négligence ! Je compte sur toi. Ton mari ne cesse de songer à ceux dont il est éloigné. Jean Florens »14. Le carnet de route de Maurice Vernet nous dévoile l’itinéraire qu’il a emprunté avec le 11 e R. I. Pendant la dernière semaine du mois de juillet, il se trouve dans le Larzac. D’abord à Saint-Juéry, puis à Villefranche-de-Panat, à Saint-Rome-de-Tarn et enfin à Nant. Il rentre ensuite à Montauban, le 30 juillet, 13 14

Commune du département de la Marne. Archives familiales de la famille Florens, de Montauban.

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après avoir embarqué la veille à l’Hospitalet15. Le soldat ne donne pas de précisions sur son emploi du temps mais, après l’attentat de Sarajevo, on peut penser que les recrues subissent un dernier entraînement dans les centres précités. DE MONTAUBAN À LUCHY Matraqués par une idéologie de la victoire développée à la fois par le gouvernement, les militaires et la presse, les soldats partent persuadés que cette guerre sera une promenade et qu’ils seront de retour avant Noël. La défaite de 1870 n’a pas servi de leçon ! Le 11e Régiment d’Infanterie auquel appartient Maurice Vernet est intégré avec la 66 e Brigade de la 33e Division dans le XVIIe Corps d’armée de la IVe Armée du général de Langle de Carry. Ce XVIIe Corps est transporté, entre le 6 et le 10 août, dans la région à l’est du camp de Châlon. Son état-major débarque à Valmy le 8, est envoyé à Suippes le lendemain, puis à Senne le 11, à Grand-Pré le 13 et à Fossé le 14. Les ordres donnés pour la journée du 16 le dirigent vers Mouzon. Le 19, la division traverse la frontière belge, acclamée par la population, et son état-major s’installe à Herbeumont le 21, à 0 h 15 (Encadré 2).

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Carnet de Maurice VERNET, p. 42.

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Impressions de Belgique

« Nous atteignons le village de Bertrix. Ce fut pour nos yeux de Méridionaux un émerveillement. On connaît de réputation la méticuleuse propreté belge ; mais il faut, en vérité, avoir vu soimême ces coquettes et riantes maisons où le moindre objet est soigneusement lavé, nettoyé, poli, rangé, et dont l’extérieur même est si bien entretenu que l’ensemble évoque la devanture d’un joaillier. On astique jusqu’au trottoir. Et le cœur de ces braves gens n’est pas moins séduisant que leurs demeures. Leur accueil fut affable, empressé, généreux. Nous pûmes boire du vin, ce qui nous fut une grande joie, car cela ne nous était plus arrivé depuis Châlon. » (Témoignage recueilli auprès d’un lieutenant du 17 e Régiment et publié, le 3 novembre 1914, dans le journal La Dépêche, un quotidien régional du Sud-Ouest dont le père de Maurice Vernet était dépositaire.)

ENCADRÉ 2

Le carnet de route de Maurice Vernet précise l’itinéraire. Le jour de la mobilisation, le 2 août, il passe par le poste de police et, dès le 5 août, il rejoint Suippes (Marne) où il existe encore actuellement un camp militaire. Le 7 août, les hommes sont installés en cantonnement d’alerte et des sentinelles disposées – sous la pluie – aux endroits stratégiques. La vingtaine de kilomètres, pour traverser la plaine de manœuvre, prend une journée de marche et les conduit à Fontaine-en-Dormois où ils arrivent en fin de matinée, le 11 août.

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Les deux étapes suivantes sont plus longues – trente kilomètres – pour rejoindre Buzancy le 15, puis Mouzon (Meuse) le lendemain où le régiment loge à la Ferme de la Poste jusqu’au jeudi 19. Maurice y croise les premiers prisonniers allemands. Le départ est donné pour rejoindre la frontière belge. Il prend du repos à l’école de Sachy, passe par Messincourt avant de faire halte à Sainte-Cécile, le 21 août en fin de journée. Il sait que maintenant il est en première ligne. Il reste à son régiment à traverser le versant sud de la forêt ardennaise pour s’élever vers le plateau de Bertrix et le bois de Luchy. 16 Dès 6 heures, le matin du 22, la troupe reprend sa progression vers le nord en négligeant les signalements répétés d’ennemis à proximité. Un épais brouillard couvre la région. Le XVIIe Corps d’armée se partage en trois colonnes. Celle de droite, sous les ordres du général Fraisse, commandant de la 66 e Brigade, a pour objectif Ochamps où elle doit se rendre en passant par Bertrix. Les premiers contacts avec l’armée française sur une ligne de front Charleroi-Ochamps-Neufchâteau-Longuyon datent essentiellement de l’après-midi du 22 août. Maurice Vernet subit alors, à Ochamps, le terrible destin de son régiment montalbanais LES FORCES EN PRÉSENCE En Belgique, les soldats se préparent au pire après la violation du territoire dès le 3 août et les bombardements des forts liégeois deux jours plus tard. 16

Ibidem, pp. 42 et 43.

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L’armée belge oppose une résistance saluée par tous mais les forces en présence sont inégales. Elle n’aligne que sept divisions dont une de cavalerie. Les troupes allemandes forcent le passage de la Meuse, encerclent puis prennent Namur. La voie est libre. Un rapide coup d’œil sur une carte dévoile les forces en présence. L’aile droite allemande, composée de la Ie Armée commandée par von Kluck et de la IIe Armée de von Bülow, fait face à la Ve Armée française emmenée par le général Lanrezac. Von Bülow reçoit le commandement et accomplit un raid à travers toute la Wallonie pour dépasser l’aile gauche française et parvenir ainsi à l’envelopper. Pendant ce temps, von Hausen, à la tête de la IIIe Armée, marche sur la Meuse qu’il traverse le 23 août. Au sud, le Kronprinz de Prusse quitte le grand-duché de Luxembourg et livre bataille à Virton. Quant aux autres régiments, notamment le XVIIIe Corps de la IVe Armée commandée par Albert de Wurtemberg, ils s’engagent vers le massif ardennais entre Gedinne et Neufchâteau à la rencontre des troupes du général de Langle de Cary, à la tête des IIIe et IVe Armées françaises.

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Disposition générale la veille de la bataille de Luchy Les ordres donnés le 21 août au 17e Corps du général Poline ont été transmis à la IVe Armée. Celle-ci comprend sept Corps échelonnés du sud-est au nord-est et disposés dans l’ordre suivant : le 2e Corps à droite, puis le Corps colonial, le 12e, le 17e, le 11e, le 9e et une division de réserve. En tout ,près de 300 000 hommes qui partent au matin du 22 août à la rencontre des Allemands. Cette grande armée s’étendait sur un front considérable : 80 kilomètres. Et ceci est à retenir, chacun des Corps d’armée était séparé des autres par un espace considérable, et sur ce terrain boisé, difficile, les communications entre unités parfois impossibles. (Ext. L’abbé J. Chanson, « Extraits de Bertrix », Souvenir et récits, Collection des carnets de routes célèbres, Paris, n° 7) ENCADRÉ 3

Dès le 18 août, l’ordre de marche est donné à l’armée allemande. Entre le 20 et le 22, le gros des troupes exécute sa concentration puis son déploiement et entame sa marche d’encerclement. Les reconnaissances effectuées au préalable par les éclaireurs leur apportent une bonne connaissance de la topographie des lieux et des mouvements des régiments français. Les 87e, 88e, 115e et 118e Régiments repris dans les 21e et 25e Divisions allemandes sauront en profiter dans tous les combats. Dans les endroits stratégiques, ils creusent des tranchées, installent des batteries d’artillerie et des

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postes de mitrailleuses en attendant, soigneusement dissimulés, les troupes françaises. Du côté français, le plan de concentration du général Joffre groupe les forces en cinq armées qui s’échelonnent de Belfort à Mézières. L’ordre est bien clair : « En tout état de cause, se porter, toutes forces réunies, à l’attaque des armées allemandes ». Le but à poursuivre est d’acculer à la Meuse, entre Dinant, Namur et l’Ourthe, toutes les forces adverses qui se trouvent dans cette région. Le 17 août, la IVe Armée du général de Langle de Cary, établie sur le front Sedan-Montmédy, garde la ligne de la Meuse et envoie des patrouilles jusqu’aux environs de Maissin. Le 20, de Langle reçoit l’ordre d’orienter ses six corps17 dans la direction générale de LonglierNeufchâteau où la cavalerie française s’est heurtée au XVIIIe Corps allemand. La progression commence la nuit. Le matin du 22 août, à près de mille kilomètres de leur région, Maurice Vernet et ses compagnons du 11e R. I. franchissent la Semois. Vers 13 heures18, accompagnés des 2e et 3e batteries du 18e Régiment d’Artillerie, ces soldats croisent l’état-major et échangent quelques propos avec la population bertrigeoise qui leur prodigue des boissons chaudes. Ils prennent pour exagérées les déclarations que « les bois sont farcis d’Allemands depuis quelques jours »19. Ils essuient même les réprimandes d’un Sept corps d’après l’abbé CHANSON. Vers 10 heures pour le chanoine Jean SCHMITZ. 19 La 4e Division de Cavalerie du général Sordet sillonne la région de Maissin-Libin dès le 11 août. Malgré quelques escarmouches, ces éclaireurs n’ont pas mesuré l’extraordinaire activité de la cavalerie ennemie, notamment autour de Libramont 17 18

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colonel qui leur reproche de n’avoir enlevé ni les couvre-bouches, ni les couvre-culasses de leur artillerie. C’est dans cet état d’esprit et sous une chaleur étouffante que le colonel Detrie s’engage à la tête de ses soldats du 20e Régiment d’Infanterie, en avant garde, dans le bois de Luchy20 (Encadré 3).

où les Allemands préparent un solide point d’appui stratégique et de ravitaillement. L’occupation de la route Recogne-Bertrix a permis d’isoler les troupes françaises engagées dans le bois de Luchy. 20 Chanoine Jean SCHMITZ et dom Norbert NIEUWLAND, Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg, 6e partie, tome VII, Bruxelles, (1924), 302 pages.

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Luchy, souvenir de bataille « Nous étions tout à fait inexpérimentés. Nous avons payé cher notre apprentissage de la guerre. Nous sommes tombés tête baissée dans un guet-apens soigneusement préparé. On s'imaginait naïvement qu’on allait se trouver face à face avec l’ennemi et lutter avec lui à visage découvert. De toutes parts, au contraire, une grêle de projectiles s’était abattue sur nous, lancés par des êtres obstinément, désespérément invisibles. Car il n’y eut même pas de leur part une tentative de poursuite, il leur suffisait de nous décimer de loin. Le soir, quand on rassembla ce qui restait des troupes engagées, on fut épouvanté du chiffre total des pertes – disparus ou blessés – tant en officiers qu’en soldats. La leçon a été dure. Du moins n’a-t-elle pas été inutile, car depuis lors, tout le monde se montre plus circonspect, plus scrupuleux observateur des recommandations des chefs. On avait marché toute la nuit. Au matin, la retraite générale commença. »

(Ext. La Dépêche, 4 novembre 1914.)

ENCADRÉ 4

140

LA BATAILLE DE LUCHY VUE PAR LES MILITAIRES21 Dans cette forêt dense, entre Bertrix, Ochamps et Paliseul, le XIe (général Eydoux) et le XVIIe Corps d’armée (général Poline) reçoivent comme objectif le front Jéhonville-Libramont et marchent parallèlement en trois colonnes. Malheureusement, ils perdent le contact. Le XVIIe Corps de Toulouse s’engage avec près de 30 000 hommes. Les combattants sont issus de la 33e Division avec la 65e Brigade (7e R. I. de Cahors et 9e R. I. d’Agen). S’y ajoute la 66e Brigade (11e et 20e R. I. de Montauban). L’ensemble de ces unités d’Infanterie est épaulé par un escadron du 9 e Régiment de chasseurs à cheval et par le 18 e Régiment d’Artillerie de Campagne d’Agen sous les ordres du général Paloque. L’aile droite du XVIIe Corps de Toulouse se trouve déjà presque cernée dans le bois de Luchy par le XVIIIe Corps allemand (41e et 42e Brigades de la 21e Division), commandé par le général von Tchenk. Le 3e Bataillon du 20e R. I. arrive en vue du clocher d’Ochamps. La bataille est brève, le choc extraordinairement sanglant. Dès 13 h 15, le 20e R. I. est accueilli à la lisière nord du bois par des feux nourris d’infanterie et par des salves de shrapnels. À l’inverse des Français, les Allemands ont pu déployer Le récit détaillé de la bataille n’étant pas le propos de cet article, je renvoie aux récits récoltés par SCHMITZ et NIEUWLAND (désormais cité sous cette forme) ainsi qu’à ceux de l’abbé CHANSON, du colonel PALOQUE et, le plus étayé, celui d’André MITTELHAUSER (Collection des carnets de routes célèbres, Paris, n° 7). 21

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leur artillerie sur les hauteurs de Roumont, près du village, et fauchent tout ce qui sort des boqueteaux et des bois. Arrivé à 14 h 30, le général de Division prend la direction du combat. Il entreprend de déborder la position par l’ouest, en y envoyant, en renfort au 20e Régiment, deux bataillons du 11e. Le point culminant de la chapelle Notre-Dame de Lourdes est disputé avec férocité. Vers 15 h 30, la brigade est soudain attaquée sur son flanc sud-est et au sud de la forêt de Luchy. Si les unités qui se trouvent à gauche du 20e ont tenu bon, la liaison fait défaut dès le début avec le 12e Corps. L’ennemi s’y glisse pour attaquer le flanc droit des Français. À 15 h 50, le 7e Régiment, puis le 9e, sont envoyés en renfort. En arrivant vers le milieu du bois, le colonel Detrie constate que l’unique allée, percée entre d’impénétrables taillis, est encombrée par l’artillerie. Les voitures sont en désordre, la route complètement embouteillée22. À 16 h 50, l’ordre de repli général est donné pour toute la Division car l’artillerie allemande couvre de son feu les dernières colonnes qui se sentent cernées. Vers 18 heures, un dernier retour offensif des restes des 7e et 9e Régiments vers le champ de combat se transforme en échec tant est violente la pluie d’obus. La retraite est générale sous le feu des fantassins et des cavaliers allemands embusqués qui, au sud, barrent tout passage pour sortir du bois. L’hécatombe se poursuit. Les deux unités montalbanaises laissent des centaines de morts en un après-midi : plus de 1 000 disparus pour le 11e R. I. et 1 500 pour le 20e auxquels s’ajoutent 700 Général PALOQUE, 1914 – Bertrix, Charles-Lavauzelle et Cie, É. Militaires, Paris, 1928, 33 pages. 22

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disparus dans le 18e d’Artillerie23. Quant au 7e R. I. de Cahors et au 9e d’Agen qui constituaient la 65e Brigade, plus de 800 hommes manquent à l’appel. À 19 heures, le combat terminé, les Allemands rentrent au village en hurlant puis retournent leur rage sur les civils (Encadrés 4, 5 et 6). Contre l’aviation, les canons et les Uhlans allemands, l’artillerie française n’a pas fait le poids. Elle n’a pas pu se déployer. On sait que les premières défaites d’août 1914 ont été de véritables boucheries. Ochamps n’a pas échappé à la règle. Les combats livrés le 22 août dans la province de Luxembourg ne forment qu’une seule grande bataille formée de multiples « combats de rencontre ». Tous se soldent par des victoires allemandes à l’exception de Maissin. Cette bataille, Maurice Vernet nous la fait vivre dans ce poème écrit quelques temps plus tard, alors qu’il se terre avec ses amis au plus secret de cette maudite forêt.

23

SCHMITZ et NIEUWLAND, op. cit., pp. 129-130 et Général PALOQUE, op. cit., pp. 16-25.

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Témoignage de Pierre Latière de Villeneuve-sur-Lot « À ce moment-là, je suis blessé par des éclats d’obus ainsi que trois ou quatre de mes camarades. Je crois bien que nous sommes tombés les premiers du 20e R. I. puisque nous étions en avant. L’obus m’a fait tourner comme une toupie. Sur le coup, la douleur a été grande et je reste évanoui par terre un bon moment. J’ai deux trous au genou droit, un à la cuisse gauche et un dans le dos. Je souffre beaucoup. Les obus pleuvent. Je ne sais comment je n’en reçois pas davantage. Je me lève. Mon fusil me sert d’appui. Je rejoins la route et suis le fossé. Une balle brise le fût de mon fusil. Je passe devant un groupe d’artillerie du 18e qui est fait prisonnier peu après. Enfin, je rejoins les brancardiers ; ils me placent sur un brancard et battent en retraite. Une demi-heure après, nous sommes faits prisonniers par les Allemands qui avançaient, car nos troupes sont complètement en déroute. On nous laisse là jusqu’au soir ; ensuite, on nous conduit un peu plus haut dans un pré où nous passons la nuit dans le brouillard. Nous avons froid. C’est un jour plus tard, le 23 août, vers le soir, que les ambulanciers viennent nous prendre et nous conduisent pas loin de Bertrix, dans une ambulance de campagne. » (Ext. de presse : Pierre DUMAS, Sud Ouest, le 22 août 1964.) ENCADRÉ 5

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LA BATAILLE DE LUCHY, POÈME ÉCRIT PAR MAURICE VERNET Souvenirs de bataille24 « Le régiment s'est mis en chemin à l'aurore. Aucun de nos soldats n'a vu le feu encore, Aussi plaisantent-ils gaiement tout en marchant. Pourtant les chefs ont dit : « L'objectif est Ochamps ! » Et si nous rencontrons l'ennemi sur la route, Il nous faut l'attaquer de flanc coûte que coûte. Mais nos joyeux pioupious, quand ils ont su ces mots, Ont senti le lourd sac s'alléger sur le dos, Car ils brûlent d'envie au cours de la bataille De lancer des brocarts aux éclats de mitraille. Le canon sourdement tonne dans le lointain. Nos petits fantassins n'ont depuis le matin Pris qu'un quart de café et qu'une croûte, et dame Depuis quelques instants leur estomac réclame. 24

Carnet de Maurice VERNET, pp. 71-74.

Une première version extraite du Fonds Schmitz, n° 82 (A. É. N.), a été publiée par Luc HIERNAUX, « Les reclus de Graide », De la Meuse à l’Ardenne, n° 14, (1992), p. 25. Une variante corrigée, datée du 15 novembre 1914, a été présentée dans le courrier des lecteurs : « Et ceux qui dans leur sang agonisent et meurent », De la Meuse à l’Ardenne, n° 38, (2006), p. 156. Cette version correspond à celle retrouvée dans le carnet de route de Maurice Vernet et propriété de Clotilde Benoit.

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Soudain, volant très haut dans le ciel nuageux, Deux avions ennemis, oiseaux majestueux, Planent en tournoyant au-dessus de nos troupes. Voilà la faim calmée et l'heure de la soupe Aussitôt oubliée. On s'attarde aux avions. Bientôt, pour voir plus nettement nos positions, Un des aviateurs, plein d'une rare audace, Aborde imprudemment une zone trop basse. Immédiatement partent de tous côtés De nombreux coups de feu des soldats arrêtés Et bientôt on peut voir le vaste aéroplane Atteint dans son moteur, victime d'une panne, Faire de grands efforts en vain pour tenir l'air Et aller se poser en quelque endroit désert. Mais une balle au front a tué le pilote Et l'appareil oscille, atterrit et capote. Nous reprenons la marche et trouvons un village. C'est Bertrix dont les gens vont sur notre passage Nous offrir en riant et nous encourageant Du pain, du café chaud, du tabac – sans argent – De la bière ou du lait, des tartines de beurre ; Et de petits drapeaux que nos soldats sur l'heure Arborent avec joie au bout de leur fusil, Faisant ainsi flotter en guise de merci, Le rouge, jaune et noir de la noble Belgique À côté des couleurs de notre République. Français, n'oublions pas ce chaleureux accueil. Et si Dieu nous permet de châtier l'orgueil De ce triste empereur qui n'est qu'un bien triste homme

146

Et ne vaut certes pas qu'en des vers on le nomme Nous pourrons expliquer chez nous à nos enfants Que, si nous avons pu revenir triomphants, C'est grâce à la vertu, au courage héroïque Des amis que la France a trouvés en Belgique. Midi. Les hommes cependant ne pensent pas Qu'il est déjà grand temps de prendre leur repas. Ils vont réconfortés par cette aimable fête Que la population en passant leur a faite. La route de nouveau poudroie au long des champs. L'ordre est enfin donné de cesser tous les chants. On s'arrête, on repart et l'on s'arrête encore. Plus d'un prend un biscuit qu'à la hâte il dévore Car il se pourrait bien qu'avant la fin du jour On trouvât les Prussiens dans les bois d'alentour. Pourtant dans la forêt le bataillon pénètre. Le vingtième de Ligne est devant et peut-être On pourra traverser sans encombre le bois. Mais voilà qu'on entend en trois ou quatre endroits Quelques coups isolés puis une fusillade. « Le bal va commencer », me dit un camarade. – Halte ! commande-t-on, « serrez dans le fossé ! » Et notre général sur ses étriers dressé Passe au triple galop de sa monture grise Pour aller pallier l'effet de la surprise. Derrière lui, sa suite est lancée au grand trot. Au tournant du chemin voici presque aussitôt Les robustes canons que notre artillerie Sans perdre un seul instant va mettre en batterie. Car ces soixante-quinze à l'air inoffensif

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Pourront semer la mort au moment décisif. Mais on avait compté sans l'ennemi qui veille Et dont les gros canons pointés depuis la veille Dessus nos artilleurs ont bien vite craché. – « Ils n'ont dans leurs obus que du papier mâché », Dit avec un sourire éclairant sa figure Un jeune lieutenant qui passe à toute allure. Cependant le combat devient rude, acharné ; Nous pénétrons sous bois et l'assaut est donné ; Ils sont quatre contre un. Leurs canons nous acculent, Mais devant notre ardeur leurs bataillons reculent. Les balles en passant sifflent lugubrement Et les éclats d'obus pleuvent à tout moment. Nombreux sont les sapins dont la cime est fauchée Et dont une maîtresse branche est arrachée ; Et nombreux sont aussi les soldats que la mort, Sans leur laisser le temps de finir leur effort, Fait soudain chanceler et s'écrouler à terre. La gueule des canons semblable à un cratère Crache et vomit sans cesse au-dessus des guerriers Et de la fonte, du fer et du plomb meurtriers. Bientôt, avec le soir, le crépuscule arrive. La lutte continue, aussi âpre, aussi vive, Mais le nombre triomphe et nos braves soldats Sont enfin obligés de rompre le combat. Avec la rage au cœur, ils battent en retraite Se défendant encore à coups de baïonnette, Livides, affamés, pâles, blessés, hagards. Un courage farouche enflamme leurs regards. Les Prussiens à leur tour poussant des cris sauvages

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Avancent. Leurs canons font d'horribles ravages Dans nos rangs décimés. Malgré de grands efforts Les nôtres sont noyés sous l'afflux des renforts Que l'adversaire lance à droite par la route Afin de transformer notre échec en déroute. Du vingtième de Ligne, il ne reste plus rien, Et notre bataillon qui luttait en soutien, Débordé, pris de flanc, attaqué par derrière, Ne pouvant déjà plus revenir en arrière Résiste dans le bois et combat sans espoir… La nuit vient, nuit sans lune enveloppant de noir Et les monceaux de morts, et les blessés qui pleurent Et ceux qui dans leur sang agonisent et meurent. » Maubeuge, le 15 novembre 1914.

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Guet-apens « Il fallait traverser un bois assez épais tapissé de hautes fougères [Luchy]. Prudemment, le régiment d’infanterie s’engage. Au loin, tout est tranquille, rien ne bouge. À son tour, l’artillerie pénètre dans le bois, encadrée et suivie par d’autres fantassins. Déjà l’avant-garde débouche. Un terrible feu de salves l’arrête. La fusillade est nourrie, ininterrompue. Plus de doute, l’ennemi est là devant, en nombre. Impossible de mettre les canons en batterie pour le balayer. Force est donc de se replier. Mais les chemins sont obstrués par les arrivants. Il faut d’abord les dégager pour livrer passage à l’artillerie, d’où un flottement, un peu de désordre à l’arrière, un peu de confusion à l’avant où, dans l’impossibilité de reculer, les soldats sont obligés de s’éparpiller pour se mettre, autant que possible, à l’abri des balles qui pleuvent. Et voici qu’à notre droite, dans le bois même et pas très loin de nous, des crépitements sinistres se font entendre. Blottis dans les fougères, les Allemands nous canardent à plaisir. Des hommes et des chevaux tombent… nombreux. Pour comble d’astuce, ils avaient çà et là appendu à des branches des hardes qu’on entrevoyait dans le lointain. La plupart de nos coups de fusil s’égarèrent sur ces pantins. Il n’y avait pas à hésiter : il fallait battre en retraite et le plus promptement possible. Ce fut une débandade générale. » (Témoignage recueilli auprès d’un lieutenant du 17 e Corps d’armée et publié, le 3 novembre 1914, dans le journal français La Dépêche.)

ENCADRÉ 6

150

LA RETRAITE Le jour n’est pas tombé qu’il faut battre en retraite. Et pourtant, au cours des combats, les généraux qui voient l’ensemble de la situation n’ont pas l’impression que la retraite générale s’impose. Tout au contraire, les généraux de Langle de Cary et Ruffey songent à reprendre l’offensive et donnent leurs ordres en conséquence. Mais avant qu’ils ne soient reçus, la retraite est entamée sur presque tout le front25. Ce que confirme le militaire A. Poncin, de Ciboure, qui écrit : « De la forêt, nous avons vu des hommes s’enfuir à pied, à cheval ; des avant-trains sans pièce. C’étaient des batteries du 18e d’Artillerie qui étaient tombées dans une embuscade. Nos officiers sont revenus. Nous sommes allés mettre en batterie dans la plaine, en arrière. Dans la soirée, nous nous sommes repliés. On devine avec quel moral, au milieu des centaines de morts ! Au début, les combattants indemnes et les secouristes essayent de relever les blessés. Beaucoup sont abandonnés, dont quelques-uns atteints aux bras ou à la face refluent seuls vers l’arrière. Les autres restent cloués au sol. Mais les brancardiers sont bientôt submergés dans leur besogne. Aussi, la mort dans l’âme, ils laissent sur le terrain les corps qui ont fini de souffrir. Beaucoup sont tombés sans avoir vu un Allemand. Nuit tragique, nuit unique. La vie et la mort se disputent les hommes écrasés, râlants, agonisants, désespérés d’être abandonnés »26.

25 26

SCHMITZ et NIEUWLAND, op. cit., p. 21. Sud Ouest, le 22 août 1964.

151

De nombreuses lettres racontent cette angoisse de l’abandon. Toutes emploient des mots identiques, décrivent les mêmes sentiments. Un gars de Montauban écrit : « Je m’étais traîné dans un fossé à l’abri des balles, résolu à attendre du secours. De vingt heures à deux heures du matin, ce fut le silence. Les Allemands, devant la fougue de nos assauts, persuadés que nos réserves étaient considérables, n’osèrent nous poursuivre. Prudents, ils reculèrent comme nous-mêmes, chacun de son côté. Aussi le champ de bataille devint un désert. Nulle ombre debout, mais seulement des hommes rampant et implorant »27. Menacé sur sa droite par la IIIe Armée allemande qui s’est emparée de Dinant, informé de la chute de Namur et du recul, sur la Meuse, de la IVe Armée de Langle de Carry, le général Lanrezac donne l’ordre de repli sur la ligne Givet-Maubeuge. La retraite générale s’effectue méthodiquement en disputant pied à pied le terrain à l’ennemi. Les régiments repassent la Semois puis la Chiers et enfin la Meuse. Tandis que les premières lignes contiennent l’ennemi par une résistance acharnée, les secondes creusent des tranchées, sans repos ni trêve. Puis la première ligne se porte à l’arrière où elle accomplit, à son tour, la même besogne. Grâce à ces précautions, on arrête momentanément le flot de l’invasion. Étonnamment, les ennemis marquent le pas et les poursuivent à peine. Le 5 septembre arrive l’ordre du général Joffre : offensive sur tous les fronts ; se faire tuer,

27

Ibidem.

152

mais ne pas céder un pouce de terrain. Une autre bataille commence.28 OCHAMPS VICTIME ALLEMANDS

DES

CRIMES

AU SOIR DU 23 AOUT 1914… CIVILS TUES MAISONS INCENDIEES OCHAMPS

5

10

ANLOY

49

32

GLAIREUSE

2

5

VILLANCE

4

14

LIBIN

1

4 (HANGARS)

MAISSIN

9

74

JEHONVILLE 7

17

BERTRIX

10

7

ENCADRÉ

7

D’après le témoignage recueilli auprès d’un lieutenant du 17 e Régiment, et publié le 4 novembre 1914 dans le journal La Dépêche. 28

153

Malgré leur victoire sur tout le front, les troupes allemandes essuient leurs premiers déboires. Les pertes subies, l’hostilité des civils et le retard imprévu engendré par les troupes régulières françaises, les irritent. L’envahisseur fait retomber sa déconvenue et sa colère sur la malheureuse population. Anloy, Maissin et Ochamps n’échappent pas à la règle. Spectateurs et victimes, leurs habitants paient un lourd tribut à l’ennemi. Le Livre Blanc29 qui, plus tard, devait recueillir, en guise de justifications tardives, les accusations proférées contre les civils, ne comporte aucune mention plausible pour Ochamps. Seuls les chefs d’accusation, commodes et peu crédibles ont été notés : « On a tiré du clocher ; on y a installé une mitraillette ; on a fait des signes aux Français » ou « On a arraché ou crevé les yeux ; on a coupé les doigts ou la langue aux blessés allemands », etc. « Si vous témoignez encore de l’amitié aux Français, vous serez fusillés », dit un soldat à Libin. Par leur conduite inqualifiable, les soldats allemands font preuve d’autant de férocité que d’ingéniosité à se montrer inhumains. À Ochamps, ils tuent cinq civils et incendient dix maisons. Pendant le déroulement de la bataille, les habitants se terrent dans les caves.

29

Cet ouvrage, imaginé par les Allemands, devait recueillir les commentaires et les justifications des différentes actions entreprises contre les populations civiles.

154

Mais, dès la fin du combat, les soldats mettent le feu aux maisons des familles de Joseph Hardy, de Georges Martin, de Gabriel Jérouville et de Joseph Collard. Marie-Adélaïde Ansiaux, voulant sortir de sa maison en flammes, est tuée d’un coup de baïonnette. Joseph Hardy subit le même sort alors qu’il voulait sauver son cheval de l’écurie en flammes. Entretemps, les Allemands pillent le presbytère, brutalisent l’abbé Dujardin et l’enferment dans l’église avec le bourgmestre, des prisonniers français et quelques autres habitants. Trois d’entre eux, Joseph Plennevaux, Joseph et Albert Jérouville, seront déportés en Allemagne. Dans la soirée du 23, un convoi de ravitaillement est pris sous le feu, probablement d’un soldat français isolé. De nouvelles représailles commencent et le feu est bouté aux maisons de Joseph Théatre, de Jean-Baptiste Foucher, de la veuve Trigalet, de Léon Charles et d’Isidore Grandjean, ainsi qu’à un hangar de Jules Toussaint et au fournil contigu à la maison de la famille Collignon. Cette nuit-là, le bourgmestre, Alphonse Jérouville, est assassiné dans l’église ainsi que deux jeunes cultivateurs, Jules Toussaint et Jean-Baptiste Guillaume qui essayaient de récupérer les bêtes d’Henri Toussaint, le frère de Jules30. L’annonce de l’incendie de toutes ces maisons provoque la panique. Les gens se sauvent. Le 25, sur ordre d’un officier allemand, le curé est obligé de leur adresser une invitation à rentrer chez eux et à s’occuper des inhumations (Encadré 8). Le défilé des troupes commence le 23 au matin et se prolonge pendant trois jours (58 000 hommes du XVIIIe Corps d’armée du duc 30

Extrait et fortement résumé de SCHMITZ et NIEUWLAND, pp. 132-134.

155

de Wurtenberg) pendant que les habitants sont réquisitionnés pour enterrer les morts31. Le village reste pendant de longs mois sous l’effet d’une panique que rien ne peut apaiser et pourtant, certains téméraires trouvent assez de courage pour venir en aide à quelques rescapés français32. Soldats français enterrés dans les cimetières voisins de Luchy Bertrix-Luchy : 212 Français des 7e, 11 e, 20 e, 50 e R. I. et 18 e R. A. C. Jéhonville-Bois (Sapins) : 219 Français des 11e et 20e R. I. Jéhonville-Croix-Morai : 47 Français des 11e et 20e R. I. Ochamps-Différend : 92 Français du 20e R. I. Ochamps-Chapelle : 229 Français du 20e R. I. (Communication de Marie-Thérèse Pipaux) ENCADRÉ 8

UNE VIE DE RECLUS Dans la débandade de la bataille de Luchy, plusieurs soldats sont séparés de leur régiment et se 31

Les dépouilles mortelles sont regroupées dans les cimetières provisoires de Roumont, de La Chapelle, du bois du Différend, de La Croix-Morai, d’Anloy-Bois, de Jéhonville et des Sapins. 32 D’après SCHMITZ et NIEUWLAND, pp. 132-137.

156

retrouvent isolés. Certains se cachent dans les bois à proximité d’Ochamps, d’autres au plus profond de la forêt de Luchy et du bois du Différend. Pendant les premiers jours, ils se nourrissent seulement des vivres qu’ils trouvent dans les havresacs des soldats tués pendant les combats. Maurice Vernet note, pour les 29, 30 et 31 août : « Marche hésitante dans la forêt » et pour le 1er septembre : « Retour à la forêt de Luchy ; pommes de terre ». Les vivres ne manquent pas encore. Le 7 septembre, il écrit : « Beefsteak aux pommes, biscuits au beurre – le champ de bataille rapporte de plus en plus ». La tourmente passée, sept rescapés se regroupent autour de Vernet. Il s’agit d’Albert Marty, Alphonse Jamont, Benjamin Amadieu, Marcel Lafon, Raphaël Riffaut et Daniel Sié. Les habitants d’Ochamps se chargent de les ravitailler en attendant de les aider à repasser la frontière. Le 3 septembre, ils se construisent une cabane de fortune. Maurice nous la décrit le 13 novembre 1914 : Villa des rêves sombres « Humide, basse et sombre, accrochée aux sapins, Cette étrange cabane est notre humble demeure. Et l’heure lentement passe en vain après l’heure, Sans qu’il nous apparaisse aucun visage humain. Le jour qui luit pour nous : hier, aujourd’hui, demain, S’écoule tristement sans qu’un espoir nous leurre

157

De retrouver jamais un être cher qui pleure Ou du pays natal reprendre le chemin. Chaque soir, étendus sur nos lits de fougères, Songeant aux draps de toile où nous couchions naguère, Des noires visions hantent notre sommeil. Et le matin, transis par une froide bise, Pour obtenir du ciel un rayon de soleil, Nous récitons tout bas une prière apprise33. » La collecte de nourriture, sur le champ de bataille, rapporte de moins en moins. Les contacts avec la population deviennent indispensables mais doivent rester discrets. Les premiers secours viennent des religieuses enseignantes d’Ochamps et du château de Roumont où l’on soigne les blessés. Puis l’aide vient de la population. Seules les fermes isolées peuvent, sans trop de danger, accueillir les rescapés. Celle de Maubeuge, occupée par la famille Degand-Hardy, est de celles-là. Située à proximité de la forêt, à mi-chemin entre Ochamps et Anloy, elle est la propriété du baron 33

Carnet de Maurice VERNET, p. 79. En apostille, on peut lire : « Fourré de sapin de Maubeuge, le vendredi 13 novembre, en l’honneur de notre baraque ».

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Coppée34. Le garde-chasse, Nicolas Philippe, se charge du ravitaillement des pauvres bougres et leur signale les mouvements des ennemis. On raconte… que Nicolas avait capté la confiance d’un officier allemand, nommé Müller, qui lui avait confié, lors d’une partie de chasse, un fusil et des cartouches. Quand il savait que les Allemands étaient loin, le garde-chasse organisait avec les Français des battues au lapin et les cartouches de Müller servaient à procurer du gibier à nos braves35 ! Le mauvais temps ne les épargne pas. Vernet signale des jours de pluie du 10 au 21 septembre. Étrangement, alors qu’il subit ces pluies incessantes, il note : « Les bonnes nouvelles que nous avons nous aident à supporter les intempéries ». Le lendemain, 22 septembre, fête de saint Maurice : « Le soleil semble me souhaiter la fête. D’autre part, nous découvrons une nouvelle source d’approvisionnement. Vous voyez que la Saint-Maurice, décidément, nous est propice ». Le lendemain, il écrit : « Notre baraque, qui s’était effondrée, est maintenant relevée, agrandie et aménagée. Toujours sans nouvelles de mes parents qui doivent sûrement me croire mort. Quant aux nouvelles de la France, elles sont si peu sûres qu’il n’y faut ajouter presque aucune foi ». L’inquiétude quotidienne transparaît dans le carnet. Le jeudi 24 : « Peur de deux Prussiens, lors d’une chasse dans la forêt. Fuite au galop ! » et le 30, « Fusillade dans le bois ». Malgré le danger, des 34

Le domaine de Roumont était très giboyeux. Aussi, le gouverneur von Bissing et plus tard son successeur von Falkenhausen y séjournent dès 1915 pour y organiser des parties de chasse. 35 L’Avenir du Luxembourg, 3 juillet 1920.

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contacts se nouent avec les habitants et les religieuses d’Ochamps. Elles prêtent à Maurice une Histoire de Belgique qu’il résume dans son carnet de notes36. Il reçoit des livres, fabrique un cadran solaire, s’occupe à de menus travaux et propose son aide au fermier de Maubeuge. Les rescapés reçoivent des hôtes dont Maurice garde l’anonymat. Le 24 septembre : « Visite inattendue autant que précieuse et réconfortante » et, les jours suivants, « Visite de M. M. » puis « Visite de Me M. ». Dès le mois d’octobre, le groupe des sept s’aventure au village et y déguste… quelques « petits verres » ! Comme on peut l’imaginer, l’entente n’est pas toujours parfaite. L’oisiveté forcée, l’angoisse quotidienne et la promiscuité créent des tensions : « Le soir, petit incident qui aurait failli apporter la discorde. Mais je réussis à étouffer cette effervescence ». Le lendemain, le 6 décembre, des doutes s’insinuent : « Le canon, qui avait donné pendant le jour, ne s’entend plus que faiblement. Serions-nous battus ? C’est avec angoisse que nous attendons le résultat de cette formidable bataille ». Le carnet de Maurice Vernet ne nous livre plus aucun autre renseignement sur son quotidien. Les pages qui suivent sont consacrées à d’autres sujets et plus particulièrement aux poèmes. C’est probablement pendant cette période qu’il lie connaissance avec Juliette et sa famille. Au cœur de l’hiver, les pauvres Français viennent chercher, de temps à autre, chaleur et réconfort dans ce foyer dont les membres risquent 36

Carnet de Maurice VERNET, pp. 45-51.

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leur vie pour leur apporter un peu d’humanité37. Passer six mois d’hiver reclus dans une cabane forestière est une lourde épreuve physique, mais aussi mentale. L’ennemi, c’est le froid, la faim… mais aussi le temps qui passe. Que faire ? Maurice se rappelle qu’il existe à Montauban une Académie des BellesLettres. Pour combattre l’inactivité et s’occuper l’esprit, il versifie à chaque occasion, chaque fête qui lui rappelle les siens : Toussaint, Noël et Nouvel An.

Noël 1914 « Cette année, il faut rompre avec notre habitude. Pas de messe de minuit, même pas de réveillon, Pas de cloche non plus dont les gais carillons De nos joyeux Noël étaient le gai prélude. C’est qu’on se bat toujours et que la lutte est rude. C’est que sur tout le front, nos mâles bataillons Ne peuvent avancer que sillon par sillon. Et que tous nos soldats veillent sans lassitude. Ils pensent tous au Dieu qui naît en cette nuit. Et loin de tout autel, ils auront à minuit Pour cloche le canon et pour encens la poudre. 37

Une lettre de Raphaël Riffaut, rédigée en 1919, laisse penser que le père de Juliette a été l’objet d’une dénonciation.

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Mais espérant quand même, en ce triste Noël, Sans souci des obus plus brillants que la poudre, Ils laissent s’envoler leur credo vers le ciel 38. »

Nouvel an « En ces temps de sombres malheurs, Si l’on pouvait parler de fête, Nous vous présenterions, complète, L’énumération de nos vœux les meilleurs. Chacun de nous, du fond du cœur, Voudrait votre existence faite De joie ineffable et quiète, D’espoirs réalisés et de riants bonheurs.

Mais festoyer, on ne peut guère, Avant la fin de cette guerre Qui dans chaque maison fait répandre des pleurs. Mais l’an prochain lorsque avec gloire 38

La Dépêche, 25 décembre 1998.

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Auront triomphé nos couleurs, Nous saurons vous fêter en fêtant la victoire 39. » Le 2 décembre, il rédige un sonnet : « Invocation » où il sollicite l’intercession de Dieu et de la Vierge puis un autre « À Marguerite » pour le compte d’Alphonse Jamon qui partage le même sort que lui40. Le moral du soldat Vernet ne semble pas trop atteint malgré les épreuves : vivre en reclus dans une promiscuité forcée, subir le froid, l’humidité, l’inaction prolongée, la honte de son inutilité avivée à la pensée de tous les camarades qui luttent et meurent pour la France. Le front s’est stabilisé sur la Marne et la guerre de tranchées commence. Pour le reclus de Luchy, c’est le moment de la réflexion : Qui est le coupable ? Il nous livre ses sentiments sur la conduite de la guerre dans ces alexandrins intitulés :

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Commission des archives des Services patriotiques, copie du 21 juin 1920. Maurice Vernet manifeste son optimisme et croit en la victoire. Soulignons que c’est le 20e R. I. qui, le 9 novembre 1918, franchit le premier la frontière belge en libérateur. Belle revanche pour les soldats de Montauban ! 40

Carnet de Maurice VERNET, pp. 47-75.

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Le carnet de Maurice Vernet Le calepin toilé, de 18 cm sur 12, compte cent pages. Il ne contient pas que les poèmes mais aussi, pêle-mêle, de multiples informations : -

horaires de chemins de fer dates d’anniversaires liste de livres lus consignes militaires vocabulaire règles de grammaire alphabet morse renseignements climatiques leçons de gymnastique règles d’orientation terminologie militaire histoire de Belgique notes géographiques proverbes etc. Plus surprenant, il contient de nombreuses parties écrites en sténographie. Les essais de transcription sont restés vains… des deux côtés de la frontière ! ENCADRÉ 9

Pourquoi donc avez-vous déclaré cette guerre ? « On se battait : fusils, canons et mitrailleuses Avaient fait jusqu’ici des victimes nombreuses. Maintenant, pour finir, on poussait les assauts Où les soldats français, farouches lionceaux Lancent furieusement leurs fines baïonnettes ; Et, à coups de leur crosse, ensanglantent les têtes. Nous avançons sous bois, nous mettant à genoux Pour tirer. Les balles sifflaient autour de nous.

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Comme nous arrivons tout près d’une clairière, Je vis quelques blessés qui se trouvaient à terre. L’un d’eux, un Bavarois connaissant le français Poussa un gros soupir quand je passais. Je m’approchai de lui. Il me dit : « Je veux boire ». Je voulus lui offrir un fruit ; oui, une poire. « Non » dit-il. « J’ai bien soif ; un peu d’eau seulement ». Je saisis mon bidon et, sans perdre un moment, Je remplis d’eau son quart. Il y porta ses lèvres Et but avidement, tout frissonnant de fièvre. Puis il se souleva d’un effort douloureux. Et mettant dans ses yeux un regard malheureux, Il me dit lentement, sans haine et sans colère : « Pourquoi donc avez-vous déclaré cette guerre ? » Je ne pus retenir un mouvement de rage. Quoi ! On avait besoin pour tenir leur courage De cacher à ces gens la triste vérité Et au crime hideux, joindre la lâcheté ! « Détrompez-vous », répondis-je au blessé ; « Le coupable, C’est l’immonde empereur qui forgea cette fable ». Comprit-il ? Je le crois. Sa tête retombe Et je courai reprendre mon poste de combat. Ah ! Votre Majesté a dû faire répandre Le bruit que l’Allemagne avait à se défendre Et défendre avec elle un siècle de progrès Contre des ennemis qu’on tuerait sans regrets. « Il faut », avez-vous dit, « écraser ces barbares ». De France et de Paris, la ville aux mille tares. Non ! Votre immense orgueil restera impuissant, Sire, et quand vous aurez bien fait couler le sang,

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Lorsque vos officiers, sombres brutes infâmes, Auront assez brûlé, tué, violé nos femmes, Vous sentirez peut-être, ineffaçable affront, Le rouge de ce sang monter à votre front. Et quand arrivera pour vous l’heure suprême, Honteux, muet de peur, lâche, la face blême, Vous reverrez alors dans leur atrocité Tous vos crimes commis et votre iniquité ; Et des fleuves de sang roulant des millions d’hommes, De femmes et d’enfants, pareils à des fantômes, Viendront vous submerger, emportant en passant Votre femme et vos fils dans leur flot incessant ; À vos pieds s’ouvriront quelques sombres abîmes Où vous verrez surgir vos nombreuses victimes ; Vous tremblerez le jour et d’affreux cauchemars, La nuit, défileront devant vos yeux hagards. Sans cesse vous reverrez votre œuvre ; et sans cesse Vous craindrez que sur vous un stigmate apparaisse. Et lorsque ces visions d’incendie et de morts, Lorsque dans votre cœur, d’implacables remords Auront pendant longtemps troublé votre existence, Il restera pour vous encore … la potence41. » Maurice Vernet ne peut oublier la guerre. Des informations circulent apparemment. Il sait que traverser les lignes ennemies serait hasardeux. Il doit donc prendre patience. S’il s’exprime sur la guerre, il est aussi sensible à la générosité de ses protecteurs et rédige des acrostiches en leur honneur. Il laisse à 41

Carnet de Maurice VERNET, p. 71. Étrangement, sur la page qui précède, un acrostiche « Merde pour les Allemands » est écrit et signé de la main de Juliette Degand.

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Nicolas Philippe et à son épouse Philomène, ses dédicataires, les vers suivants : Jamais, dût en souffrir votre humble modestie, En un autre pays, nous n’aurions pu trouver Aucun homme qui fit, au péril de sa vie, Notre cause, la sienne, et voulut nous sauver. Ne vous défendez point, vous fûtes en danger Impossible pour alléger notre souffrance, Comme aussi, bien souvent, pour nous encourager. O puissions-nous un jour rentrer dans notre France, Là-bas, vers le midi, qu’ils n’ont pu saccager, Afin de vous prouver notre reconnaissance, Simple devoir que nous ne pouvons négliger. Pour cela, il faut voir l’Allemagne, orgueilleuse, Honteuse, battue et domptée désormais. Il faut que nous voyons la France victorieuse, Laisser à la Belgique un sol libre à jamais. Ingrat celui de nous qui, après la victoire,

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Pourrait vous oublier vous et votre maison. Parents, enfants, amis apprendront notre histoire Et se joindront à nous pour bénir votre nom : Jean Nicolas Philippe. »

Prenez pour vous, Madame, un peu de ces promesses. Hélas, c’est tout ce que nous pouvons vous offrir. Il faudra bien qu’un jour, après notre détresse Le destin nous permette enfin de les tenir. O ! nous n’ignorons pas que toutes vos largesses, Madame, ont pour seul but notre plus grand plaisir. Et c’est précisément ce qui fait que, sans cesse, Nous garderons de vous un profond souvenir En nos cœurs aujourd’hui si remplis de tristesse. »

Avant de quitter Luchy, Maurice Vernet confie son carnet de notes à Juliette Degand, de crainte qu’il ne tombe entre les mains des ennemis. Il y joint une enveloppe fermée en recommandant de ne l’ouvrir qu’après son départ. Juliette découvre ce dernier acrostiche où il laisse parler son cœur :

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J’aime une jeune enfant d’un amour qu’elle ignore. Un autre plus heureux a captivé son cœur. Le lui dire, jamais, et pourtant je l’adore. Il ne m’est pas permis d’atteindre ce bonheur. Elle est si belle, ô Dieu, et si pleine de grâce. Tout en elle est si pur et si beaux sont ses yeux. Tant pis. En voyageant, le souvenir s’efface, Et je pars dans l’espoir d’être un jour plus heureux. LE DÉPART Immédiatement après l’occupation allemande, des comités provinciaux de ravitaillement se sont organisés. Le baron Coppée préside celui de Luxembourg. C’est lui aussi qui aide financièrement les sept Français à rejoindre leur pays comme l’atteste cette reconnaissance de dette : « Ochamps, le 22 janvier 1915. Nous soussignés, Marty Albert, adjudant, 11e Infanterie à Montauban Vernet Maurice, sergent, 11e Infanterie à Montauban Sié Daniel, caporal, 11e Infanterie à Montauban Jamont Alphonse, caporal, 11e Infanterie à Montauban

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Anadieu Benjamin, soldat, 11e Infanterie à Montauban Lafon(t) Marcel, soldat, 11e Infanterie à Montauban Riffaut Raphaël, soldat, 11e Infanterie à Montauban, reconnaissons avoir reçu de Monsieur Nicolas Philippe, chef garde de Monsieur le Baron Coppée, la somme globale de 100 F (cent francs) destinée à notre rapatriement en France »42. L’adjudant Albert Marty a, par la suite, fait parvenir à sa famille cet engagement de remboursement : « Je soussigné Marty Albert, adjudant au 11e de Ligne à Montauban déclare avoir reçu à titre de prêt la somme de cent francs de la part de Monsieur Jean Nicolas Philippe, chef garde de Monsieur le Baron Coppée. Je m’engage à rembourser cette somme à la fin des hostilités. En outre, je recommande cette dette à ma famille, dont l’adresse est la suivante – Monsieur Marty, Chef de Brigade en retraite à Lempdes (Haute Loire) le chargeant de la rembourser au cas où le malheur viendrait à me frapper à la guerre ». Deux officiers, Eudes et Magne, aidés par des Belges dont le docteur Lifrange, Paul Biémont, régisseur de Roumont, et le chef garde, Nicolas D’après un document archivé au château et publié dans Édith et Jacques BERTIN, Évence Coppée III, 1882-1945, Bruxelles, (1991), p. 150. 42

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Philippe, entreprennent de les ramener en France via la Hollande. Pour cette action, Nicolas Philippe a reçu la Croix de Guerre française des mains du maréchal Pétain. DERNIER COMBAT L’évasion des rescapés de Luchy réussit. Le journal La Dépêche, dont le père de Maurice est dépositaire, la relate dans sa parution du 9 février 1915 : « Le sergent Vernet et un de ses camarades, après d’émouvantes péripéties, purent se réfugier en Hollande, d’où ils s’embarquèrent pour l’Angleterre, et de là ils furent rapatriés en France, en direction d’Abbeville. Vendredi dernier, vers midi, ces deux évadés rentrèrent à Montauban et se rendirent à la caserne pour se faire porter rentrants. Les parents du sergent Vernet étaient sans nouvelles de leurs fils depuis le mois d’août. On conçoit avec quelle joie ils accueillirent leur enfant qui, pour des motifs que nous ignorons, n’avait pu les prévenir de son arrivée ». Son dernier combat, Maurice le mène sur la Somme43. Une bataille qui se déroule au même moment que celle de Verdun et qui va se poursuivre, contre toute raison, pendant quatre mois et demi, du 1er juillet au 19 novembre 1916. Une bataille sordide avec des ensevelis vivants, tant la terre était boueuse. Une bataille peu glorieuse parce que, à la suite de son échec, deux des plus grands chefs de l’armée

La Bataille de la Somme s’est soldée par un million de morts anglais, français et allemands mais aussi belges. D’après Pierre MIQUEL, Les oubliés de la Somme, lieu, éd. Tallandier, (2001). 43

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française, Joffre et Foch, vont être mis à l’écart ... momentanément ! Dans le registre de la nécropole de Montdidier on peut lire : « Pierre Vernet, adjudant – 417e R. I. Mort pour la France, le 10-09-1916. Tombe 2529 ». Ainsi donc, Maurice Vernet repose plus près de Libin que de Montauban. Dans une correspondance adressée à Juliette Degand, en mars 1919, Raphaël Riffaut signale qu’il est le seul survivant du groupe des sept reclus de Luchy. Il précise que l’adjudant Marty a succombé dans les derniers jours de la guerre à des éclats d’une bombe lancée par un avion. Pour sa part, il a été blessé trois fois. La dernière blessure, il l’a subie en Belgique, à Westende. Cette dernière missive fait allusion à une dénonciation dont aurait été victime le père de Juliette. À la lecture de ce courrier, on comprend mieux que des liens très étroits s’étaient noués entre les reclus et la famille Degand.

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Le champ de bataille de Luchy

Visite du 4 mai 1918 « Le champ de bataille, c’est la lande de genêts qui précède la forêt. Aujourd’hui, ce qui attire le regard ce sont les croix blanches à perte de vue, au milieu des genêts. Nous en comptons 160 avec Jean Dauby. Les terre-pleins des tombes sont entourés de clôtures de piquets garnis de guirlandes, les croix enlacées de couronnes rustiques. Des rosiers fleurissent même sur quelques tertres. Sur la route blanche, des taches de terre foncée. Ce sont les fossoyeurs qui l’ont jetée là par pelletées afin de couvrir le sang des chevaux qui détrempait le chemin : 250 chevaux français attelés encore aux caissons, avec les harnachements tout neufs, encombrant la route sur une longueur d’un demi-kilomètre. Nous nous arrêtons au bord d’un trou de carrière à regarder les dépouilles qui achèvent, çà et là, de pourrir : sacs de fantassins, lambeaux d’uniforme ou de linge, débris d’armes, crosses ou canons de fusil, épars ou amassés en tas. Nous pénétrons dans le bois pour juger, aux arbres mutilés, des effets de l’artillerie, où nous comptons les troncs foudroyés, puis abattus et alignés à droite et à gauche du chemin. Le Frère directeur en compte plus de 200. Le plus grand nombre de fosses se remarque à droite, entre la route d’Ochamps et celle de Libramont. Il y en a de dix, vingt et trente mètres de long, sans parler des trous immenses où gisent les chevaux qu’on dut enfouir avec leur harnais neufs. Des tombes sont perdues encore dans le bois. » (Ext. Carnet du Frère Mémoire – École Normale de Carlsbourg) ENCADRÉ 10

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LES COMMÉMORATIONS Les Montalbanais ont payé un lourd tribut à la guerre de 1914-1918. Ils ne sont pas tous morts à Verdun ! La Bataille des Frontières est bien mal connue en France. Elle ne fut pas longue mais particulièrement meurtrière. Depuis nonante ans, son souvenir ne s’est pas effacé et au cours des nombreuses manifestations patriotiques, le nom du soldat Vernet est évoqué des deux côtés de la frontière. Les monuments À Montauban Après la guerre, chaque village de France a souhaité honorer ses victimes de guerre par de nombreuses stèles commémoratives. Le nom de Maurice Vernet est gravé sur le monument aux morts de Montauban, œuvre du sculpteur montalbanais Antoine Bourdelle, sur celui de l’École Normale, sur une plaque à l’intérieur de l’église Saint-Jacques, sa paroisse, sur une plaque à Lamagistère et sur sa tombe à Montdidier. Plus récemment, en 1999, la ville de Montauban a confié la réalisation de deux nouveaux monuments à Flavio de Faveri : l’un en hommage aux combattants d’Afrique du Nord, situé au Cours Foucault, l’autre représentant Jean Moulin. À Ochamps Un monument est élevé au centre du village, à l’emplacement de l’ancienne église. Les noms des

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victimes civiles et militaires y sont gravés et chaque année, après une cérémonie religieuse, on procède à « l’appel aux morts ». Les victimes militaires ont été rassemblées dans un cimetière à Luchy et une stèle rappelle le sacrifice du colonel Detrie à l’entrée du bois, presque à l’emplacement où il fut abattu44. D’autres croix souvenirs rappellent le sacrifice de Paul Vacquery, Émile Pascal et René Pargala. Elles sont régulièrement fleuries et entretenues par des bénévoles d’Ochamps. Les fêtes patriotiques À Montauban Ils sont quatre mille anciens combattants, rassemblés au sein de quarante-neuf associations, à perpétuer le souvenir des soldats morts dans les différents conflits mondiaux et à marquer par leur présence ponctuelle, lors des cérémonies sur les différents lieux de mémoire, leur attachement aux valeurs de la République. Chaque année, des commémorations sont organisées et mettent en exergue l’un ou l’autre combattant. À Libin Chaque année, des célébrations sont organisées. Les monuments et les cimetières sont fleuris et les anciens combattants se retrouvent pour l’appel aux morts après un office religieux. Suivant les circonstances, les cérémonies prennent plus ou moins 44

Un enclos y a été aménagé lors des Journées du Patrimoine en 2001.

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de lustre. Comme en 2008, par exemple. En avril, à quelques mètres de la chapelle d’Ochamps qui surplombe le village, Nicolas Arnould, occupé à des terrassements près de sa nouvelle maison, a retrouvé le squelette d’un soldat facilement identifiable par les lambeaux de son uniforme, ses brodequins et la forme crucifère de sa baïonnette. Ce soldat aurait appartenu à la 12e Compagnie du régiment du capitaine Capistrou caserné à La Hire (Montauban). Lors des cérémonies commémoratives de 2008, rehaussées par la présence du Consul général adjoint de France et par une importante délégation montalbanaise, les restes exhumés du corps de cette victime de la guerre ont été enterrés avec les honneurs dans le cimetière militaire d’Anloy-Bruyères. Un grand moment d’émotion pour tous ! Expositions Lors de certains anniversaires, des expositions sont organisées pour transmettre aux générations les faits militaires et les drames humains de ces journées d’août 1914. Elles se sont multipliées ces dernières années à Montauban et à Libin grâce aux échanges des derniers souvenirs. Rappelons les plus récentes. À Montauban En décembre 1996, une première exposition consacrée à la guerre 1914-1918 est organisée à la préfecture de Tarn-et-Garonne par la Direction départementale des Anciens Combattants avec déjà comme maître d’œuvre Michel Florens. Elle complète les collections du musée de la Résistance qui regroupe

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de nombreux objets et documents relatant partiellement cette terrible époque et de façon plus complète la Résistance de 1939-1945. Elle a connu un large succès et a été prolongée d’une semaine. Deux ans plus tard, une seconde exposition est accueillie à la Maison de la Culture. Laissons la parole au chroniqueur de La Dépêche : « Un parcours initiatique émaillé de portraits : l’as de l’aviation montalbanais, Léon Bourjade ; l’épopée du soldatpoète, instituteur à Lamagistère, Maurice Vernet, tué en 1916 ; le parcours du soldat Paul Boissières, instituteur à Malause, tué, lui, dès décembre 1914 ; des témoins qui ont laissé des textes poignants sur les tristes heures de ce conflit. Beaucoup d’autres témoignages de soldats montalbanais, de nombreuses photographies qui font revivre les régiments, des affiches d’époque, une rétrospective sur l’évolution des armements et des techniques. La Grande Guerre, vue à travers la grande Histoire, mais lue en chaussant des lunettes de mille témoignages ordinaires et modestes, laissés par de simples soldats qui l’ont vécue, et dont les noms ornent aujourd’hui les monuments aux morts, reliquaires des hécatombes, plantés au début du siècle »45. Puis, en décembre 1999, dans la salle Descazeaux à Castelsarrasin, un public nombreux se presse pour découvrir l’exposition « 1914-1918 – Les Castelsarrasinois dans la guerre »46. À Ochamps La Dépêche – Tarn-et-Garonne, 30 octobre 1998. Une grande partie du matériel d’exposition a été fournie par Jean Prunet. 45 46

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En 1994, pour marquer le 80e anniversaire de la bataille, le village d’Ochamps se mobilise autour d’Annie Lambert, Eddy Toussaint, Michel Plennevaux et Eddy Pierson pour commémorer les cinq victimes civiles et quelque 2 500 soldats décédés au cours des tragiques journées des 22 et 23 août 1914. Ces bénévoles organisent une promenade guidée sur les lieux des combats, une exposition rassemblant quelques souvenirs de guerre, une conférence et une cérémonie du souvenir devant le monument. C’est là que Gabrielle Duroy, veuve de Joseph Jérouville, le fils du bourgmestre assassiné le 23 août, a récité de mémoire le récit-poème de la bataille de Luchy de Maurice Vernet. Elle avait déjà déclamé ce poème en 1920, lors de l’inauguration de « La Piétà », le monument situé à l’emplacement de l’ancienne église d’Ochamps. Un moment émouvant pour toute l’assemblée… et point de départ des recherches sur Maurice Vernet. En août 1996, dans le cadre des Journées du Patrimoine, le C.H.T.L. organise à Anloy une exposition. Plusieurs témoignages inédits d’anciens soldats français retracent leur séjour et leur combat dans la région libinoise et bertrigeoise. Une visite commentée emmène les nombreux participants sur les champs de bataille d’Anloy, de Maissin et d’Ochamps. Des cartes commentées sont publiées. En novembre de la même année, le C.H.T.L. poursuit cette activité en exposant à nouveau des archives inédites et puise dans la collection d’Arthur

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Duchêne47 – un photographe-imprimeur libinois – pour présenter au grand public la fin de la Grande Guerre et particulièrement la rencontre du roi Albert Ier avec le roi d’Italie et le maréchal Pétain. Après avoir été reçu au château de Roumont par Pétain entouré de son état-major, le roi d’Italie s’était rendu non loin du château pour y rencontrer le roi des Belges. Les troupes françaises, italiennes et belges, victorieuses depuis quelques jours, avaient alors défilé devant les souverains48. Deux ans plus tard, « Mémoire 82 » et le C.H.T.L. s’unissent pour présenter au public une exposition plus complète. Plusieurs pièces exposées à Montauban trouvent place dans les vitrines du local communal d’Anloy. Liens culturels Sollicité dès 1997 par Michel Florens, le président du C.H.T.L. adresse une lettre au collège communal de Libin pour étudier l’éventualité de mettre en place des réseaux ou des jumelages de sites porteurs d’une histoire commune. L’initiative débouche sur un échange culturel mais le transfert entier de l’exposition montée à Montauban est jugé trop onéreux. Lors de sa visite en juin, Michel Florens remet, au nom du député-maire Roland Garrigue, la médaille de la ville de Montauban à André Guillaume, « Arthur Duchêne – 1871-1958 », Aux Sources de la Lesse – Un terroir et des Hommes, n° 4, (2002), 160 pages. 48 L’Avenir du Luxembourg, 13 novembre 1998. Lire à ce propos : Augustin KREIT, « La fin de la 1re guerre mondiale à Libin et les fastes militaires du 21 décembre 1918 en présence du roi d’Italie », Aux Sources de la Lesse – Libin, Un Terroir et des Hommes, n° 6, (2005), pp. 117-140. 47

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bourgmestre de Libin. En retour, un fanion aux armes de Libin est offert à Montauban. Ces symboles scellent la collaboration entre les deux entités et marquent le début d’échanges concrets. D’abord la plantation d’un arbre du souvenir. Philippe Malempré prélève un jeune plant d’épicéa à l’endroit même où le colonel Detrie a rendu son dernier souffle. Ce dernier commandait le 20e Régiment d’Infanterie parti depuis la caserne La Hire de Montauban. Ce sapin du souvenir a été replanté à quelques pas de la stèle qui, au débouché du Cours Foucault, rappelle aux Montalbanais les combats de Verdun. Germe alors l’idée d’assurer, en retour, une présence symbolique de la ville de Montauban au cœur d’un cimetière où reposent les premiers Montalbanais fauchés en août 191449. Tous ces échanges mettent en contact les présidents des chorales de Montauban et de Villance qui décident d’organiser ensemble des concerts. Emmenés par Dana Roqueplo, les quarante-cinq membres de la chorale La Schola du Moustier accompagnent la délégation de Montauban et séjournent à Libin du 24 au 28 août 2000. Leurs journées sont bien remplies : accueil par les autorités communales, concerts à Ochamps, Redu et Villance, commémorations patriotiques, inauguration de la statue « La Mélancolie », visites culturelles et parcours des champs de bataille. Deux mois plus tard, du 28 au 31 octobre, c’est au tour de La Cantalesse de Villance de se rendre sur les rives du Tarn. La Une initiative du même genre a été prise à Maissin, lorsqu’en 1932, un calvaire breton fut transféré du Tréhou (Bretagne) jusqu’au cimetière militaire Pierre Massé. 49

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réception est chaleureuse : accueil cordial par le maire, cérémonie patriotique rehaussée par la présence de plusieurs régiments, messe chantée à la cathédrale, concert à l’église de Sapiac, découverte du musée Ingres, du Pont Neuf… et de nombreux échanges cordiaux qui ne sont pas près d’être oubliés. « LA MÉLANCOLIE » Tué à 25 ans, avec au cœur tant d’alexandrins à naître, dans un champ… avec ou sans bleuets, Maurice Vernet n’est pas tombé dans l’oubli. Sa mémoire a survécu à travers ses poèmes. Ils ont été retranscrits par les petits élèves de l’école communale d’Ochamps, récités de mémoire lors des commémorations, publiés dans la revue De la Meuse à l’Ardenne, exposés ou évoqués lors de manifestations patriotiques à Montauban et à Libin. Son carnet est respectueusement conservé par Clotilde Benoit à Libin ; son corps repose à Mondidier ; sa maison paternelle, son école, les dernières traces d’archives sont à Montauban. Il est devenu le trait d’union entre Montauban et Libin. Rien d’étonnant à ce que le rapprochement de ces deux localités se soit concrétisé par le projet d’installer au cœur du cimetière Anloy-Bruyères le symbole de cette amitié : un mémorial en hommage aux Cadets de Gascogne et du Quercy tombés en Ardenne, une stèle surmontée d’une statue représentant une mère attristée et empreinte de dignité. Ue mère… qui avait dit à son fils en pleurant : « Mon petit, fais ton devoir » et qui, brisée, vient

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d’apprendre le tragique destin de son enfant50. Cette sculpture baptisée « La Mélancolie » est l’œuvre de l’artiste Flavio de Faveri, le président co-fondateur de « Mémoire 82 ». Le monument est inauguré avec faste en août 2000 en présence d’une délégation conduite par Michel Marty, représentant le Conseil Régional de MidiPyrénées, le Conseil Général de Tarn-et-Garonne ainsi que de nombreux représentants de la ville de Montauban. Certains descendants, venus se recueillir sur les tombes d’un grand-père, d’un grand-oncle, se sont mêlés aux autorités civiles et militaires. La Schola du Moustier de Montauban s’est jointe à ces retrouvailles. C’est elle qui, au moment de dévoiler la statue, entonna La Marseillaise. Un moment d’intense émotion aussi, lorsque le chœur fit retentir les accents de La Montalbanaise, œuvre d’Armand Saintis en souvenir de tous ces soldats occitans « couchés en terre belge ». Les festivités se sont terminées par un banquet champêtre qui a rassemblé plus de trois cents personnes : autorités franco-belges, représentants du Sud-Ouest, chorales montalbanaise et villançoise et invités des quatre coins de France : Paris, Brest, Blagnac, Remiremont, Tarbes, Bordeaux, etc.

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Pierre DUMAS, dans un article rédigé pour le journal Sud Ouest et qu’il intitule « Bertrix, nuit des mères », relate les nombreux témoignages de combattants frappés par « les appels désespérés et les cris de la nuit belge : Maman ! Maman ! ». Preuve évidente pour l’auteur que les combattants de Bertrix et de Luchy furent les plus jeunes Français des classes actives.

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En écho aux poèmes écrits par Maurice Vernet, ces vers de Charles Defossé51 ont ajouté l’émotion au recueillement, affirmant encore plus l’amitié francobelge : « Ils étaient venus de Gironde, Et des lointains mas de Provence, Jetés dans la sanglante ronde De la guerre et de sa démence. Tuniques bleues, pantalons rouges, Coquelicots, bleuets de France, Tragiques bouquets de souffrance Éclos à Luchy, à Outrouge. Ils sont tombés à la française, Tels furent à Austerlitz, leurs pères, Baïonnettes hautes dans la fournaise Dans une furia éphémère. Dormez chez nous, Français, nos frères, À l’abri des sapins austères. Dormez, bercées ombres très chères Par le friselis des bruyères. Sur vos tombes croît en permanence La fleur de l’immortalité. Et que Dieu orne en immanence De sa gloire votre éternité… » Depuis, chaque année, lors des cérémonies patriotiques, les participants déposent des fleurs et se 51

Charles Defossé est domicilié à Bertrix. Sa famille est originaire de Villance.

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recueillent au pied de « La Mélancolie ». En 2008, de nombreux Montalbanais sont encore venus se joindre aux groupements patriotiques belges pour honorer les restes du dernier soldat inconnu exhumés quelques semaines auparavant à Ochamps. DERNIER OUTRAGE Et malheureusement, le scandale survient. Une nouvelle victime montalbanaise tombe au champ du… déshonneur ! Par une sombre nuit de novembre 2008, quelques jours avant les festivités de l’Armistice, la statue en bronze est volée. Geste lamentable de vandales appâtés par le gain et insensibles à sa valeur symbolique et artistique ! De quoi entraîner l’émoi, la révolte et la consternation. Un scandale pour tous ceux qui, patiemment, ont entretenu la mémoire des combattants de Luchy. « Luchy, Anloy, Maissin appartiennent à l’Histoire. » À ces propos de Michel Florens, un des principaux artisans de ce récit, ajoutons : ce vol n’arrêtera pas notre devoir de mémoire. « La Mélancolie » renaîtra ! Tout comme… les poèmes de Maurice Vernet, restés dans l’oubli pendant de longues années, ont ressurgi pour resserrer les liens d’amitié entre les rives du Tarn et celles de la Lesse. Le sacrifice de sa vie sert de fil conducteur à ce récit mais, derrière son témoignage, se cachent en filigrane toutes les jeunes victimes de Gascogne et du Quercy, tombées notamment au cours de la terrible Bataille des Frontières. Jean-Claude LEBRUN

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PUBLIÉ LE 25/12/1998

Le sapin de Libin EN SOUVENIR DES COMBATS DE BERTRIX En cette période de Noël, les agents du service parcs et jardins sous la direction de Jean-Luc Roubelet ont planté en compagnie de Michel Florens président de l'association Mémoire 82, un petit sapin offert par la ville Belge de Libin. Tout un symbole ! En effet, c'est à Libin que se sont déroulés le 22-août 1914, les terribles combats dits de «Bertrix» (grande commune voisine) au cours desquels des milliers de soldats tarnet-garonnais ont trouvé la mort en quelques heures (voir notre page spéciale du 29-octobre). Ce sapin a été enlevé à la terre belge par M.Philippe Malampre, en forêt de Luchy, à l'endroit même où fut tué le 22-août 1914, le colonel Detrie qui commandait le 20-e régiment d'infanterie parti depuis la caserne La Hire à Montauban. Cette plantation d'arbre du souvenir, à quelques pas de la stèle qui au débouché du cours Foucault rappelle les combats de Verdun clôture l'année 1998-de l'assocation Mémoire 82, dont le point fort des activités aura été la remarquable exposition consacrée à la «Grande Guerre». Une rétrospective qui a reçu plus de 4500-visiteurs, ainsi que 300-enfants des écoles primaires du département. L'association est donc désormais présidée par Michel Florens, depuis le 19-décembre, date à laquelle le

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bureau l'a élu à l'unanimité en remplacement de M.Flavio de Faveri. Pour 1999, l'association envisage de rechercher les financements pour ériger une stèle à Bertrix, et étudie un projet d'exposition 14-18-à Castelsarrasin. Pour l'horizon 2000, une exposition à Montauban sur la 2e guerre mondiale. Le Noël de Vernet Ce sapin est aussi une occasion rappeler le nom de l'instituteur montalbanais Maurice Vernet, acteur des combats de Bertrix, tué en 1916, et également poète, dont on a pas oublié le nom à Libin, puisque chaque année, les écoliers récitent ses poèmes, à l'heure de la commémoration de l'armistice du 11-novembre. Maurice Vernet qui vécut au milieu des bois, y rédigea un certain nombre de vers, parmi lesquels ce poème de Noël.... Noël 1914 Cette année, il faut rompre avec notre habitude Pas de messe à minuit et même pas de réveillon Pas de cloche non plus dont les gais carillons De nos joyeux noëls étaient le gai prélude. C'est qu'on se bat toujours et que la lutte est rude C'est que sur tout le front, nos mâles bataillons Ne peuvent avancer que sillon par sillon Et que tous nos soldats veillent sans lassitude Ils pensent tous au Dieu qui naît en cette nuit Et loin de tout autel, ils auront à minuit Pour cloche le canon et pour encens la poudre

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Mais espérant quand même en ce triste Noël Sans souci des obus plus brillants que la poudre Ils laissent s'envoler leur credo vers le ciel. J.-Ph. C.

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Jean Grognet C’est à peu près au même endroit que Jean Grognet, son gendre, mon père, fut fait prisonnier. (extrait du journal de guerre de Jean Grognet 19391941 du même auteur) --------------------------------… En parvenant au bois de Pays les Veneurs les escadrons du 12ème (Champellier et Mazin(?)) font demi-tour, je cherche à passer. Impossibilité devant les chars et motos. Alors vers 21 heures, je décide d'abandonner les chevaux dans le bois, et à 22 heures nous traversons la ligne allemande en nous repérant la nuit à la boussole - Passage de route entre des convois - Passage d'un ruisseau, enfin arrivée au lever du jour dans un bois épais de sapins où au lever du jour le peloton Bridoux nous trouve après quelques minutes d'émotion, je conserve ce peloton avec moi. ce sera toujours un renfort pour une action possible au retour. Et nous restons la journée cachés dans le bois entouré d'allemands qui paraissent deviner notre présence. Des A.M. et quelques motocyclistes circulent autour. A la tombée du jour nous repartons pour essayer de franchir la Semoy au gué de Matehay. Malheureusement l'itinéraire très tortueux dans les

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bois nous fait aboutir au coude d'un ruisseau affluent de la Semoy et nous force d'attendre une journée. Pendant l'après-midi, le Maréchal des Logis Garder et le Brigadier Parât vont reconnaître le gué sur la Semoy. ils reviennent vers 18 heures 30 et nous partons à 20 heures. Pendant la reconnaissance des allemands circulent autour de l'escadron. Passage de la Semoy par le gué entre les postes allemands à 0 heures 15. Une colonne motorisée se dirige vers Bouillon et nous empêche de continuer pendant trois quarts d'heure. Nous parvenons au jour en pleine forêt pour nous reposer mais nous devons nous porter plus loin, les allemands restant à proximité. Nous poussons jusqu'à la Florenville Bouillon. Pendant la journée, reconnaissance d'un passage. La route est sillonnée sans arrêt par des armées, infanterie, artillerie, ravitaillement. L'escadron repart à 21 heures. Nous ne pouvons passer qu'à 1 heure 30. Jeudi 16 mai 1940

Nous continuons par le sud, le Château des Ameroys, passons à proximité du ………… et nous arrêtons au lever du jour à côté du Grand Hey.

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Prisonnier 17 mai 1940

Au lever du jour, corvée d'eau. J’ai le pressentiment que nous serons découverts. Une heure après, nous sommes entourés par deux colonnes et sommés de nous rendre. Les hommes sont épuisés, quatre jours sans manger. Je refuse de lever les mains et un officier allemand (Capitaine)...

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Décorations

- 15 janvier 1898

Chevalier de la Légion d'Honneur

- ??

Officier de la Légion d'Honneur

- 11 décembre 1890

Officier du Nichiam Iftikar

- 17 mars 1896

Médaille Coloniale

- 9 mai 1898

Chevalier du Cambodge et du Dragon d'Annam

- 28 septembre1902

médaille du Tonkin

- 6 février1903

Officier des Palmes Académiques

- ??

médaille de Madagascar

- 30 juillet 190 3

Chevalier du mérite Agricole

- ??

Croix de guerre

29/10/14

Citation à l'Ordre de l'Armée

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Remerciements

Anne-Marie Lambert qui perpétue la mémoire de mon grand-père Michel Florent de Mémoire 82 Jean-Claude Lebrun de Libin …………………………..

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ANNEXE

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Août 2000 La famille

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Le Parc Détrie

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A la place d’honneur entre M. et Mme Fallières, S.M. le Roi et S.M. la Reine[lesquels?] MENU Melon frappé au Porto Truites de Rivière à la Gelée de Champagne Cœurs de Filet Masséna Croustades de Ris de Veau à la Régence Ortolans à la Lucullus Granit à la Mandarine Punch au Kirsch Poulardes du Mans truffées Parfait de Foie gras au Marsala Cœurs de Romaine à la Française Petits Pois à la Parisienne Fonds d’Artichauts à la Barigoule Bombe Nelusko Feuilletés 14 juillet 1910

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Table des matières

PREFACE ............................................................................ 4 Printemps 1980 ............................................................. 5 Décembre 2000 ............................................................. 6 Septembre 2011 ............................................................ 7 Le Parc Détrie .................................................................... 9 Les Témoignages ............................................................. 16 Tué à leur tête, le plus jeune colonel de France .............. 21 Des morts par milliers en une journée ............................ 23 Derniers moments du colonel Détrie .............................. 24 Le massacre des Tarn-et-Garonnais ! .............................. 26 Combat d’Ochamps - forêt de Luchy (22 août 1914)....... 30 20 août..................................................................... 38 21 août..................................................................... 39 22 août..................................................................... 41 Conclusion .............................................................. 56 Général Poline, commandant du 17éme Corps d’Armée Française, sur Luchy le 22 août 1914 .............................. 57 Extraits de « Histoire illustrée de la Guerre de 1914″ ..... 58 Le Lieutenant Emile Pascal du 20ème R.I. tombé à Ochamps le 22 Août 1914 ............................................................... 62

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Précisions sur le drame de ces combats .......................... 69 Le Colonel DETRIE à la Bataille de Luchy (OchampsBertrix) ............................................................................ 79 Documents relatifs à la mort du Colonel Henri Détrie le 22/08/1914. .................................................................... 85 Un Montalbanais sera le... soldat inconnu de Belgique 101 Au mois d'août voyage à Bertrix.................................... 105 Jour de deuil dans l'histoire du 20e RI ........................... 106 Mélancolie..................................................................... 108 Grande Guerre. La nécropole de la bataille de Bertrix profanée ........................................................................ 108 Déjà deux plaintes déposées. ........................................ 111 Toute la région endeuillée par ce carnage. ................... 112 Il y a 95 ans, se déroula la sanglante bataille de Luchy . 113 «Mélancolie» pour toujours .......................................... 114 Le tragique destin de Maurice Vernet. .......................... 115 Maurice Vernet Sa famille ............................................. 124 L’instituteur ............................................................... 125 Le militaire ................................................................ 128 Le sportif ................................................................... 128 Au son des tambours – Préparatifs de guerre ............... 129 Noël 1914 .................................................................. 160 Nouvel an .................................................................. 161 Le sapin de Libin ............................................................ 184

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Jean Grognet ................................................................. 191 Décorations ................................................................... 194 Remerciements ............................................................. 195 ANNEXE ......................................................................... 196

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