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Lunel (Hérault) et son terroir d’après le compoix de la fin du XIVe siècle

Émilie SCRIPIEC*

Les archives de la ville de Lunel conservent un vaste fond d’actes médiévaux, parmi lesquels un compoix du XIVe siècle. Ce registre fiscal offre la possibilité d’analyser la structure foncière et le paysage agricole autour d’un bourg castral de la plaine du bas Languedoc. La richesse de ce type de source donne l’opportunité d’approfondir plusieurs thématiques au sein de la masse d’informations. En particulier, il s’est avéré indispensable de considérer, au delà des informations proprement agraires, les aspects socio-économiques, afin de replacer cette image instantanée de Lunel à la fin du XIVe siècle. L’un des objectifs de cette étude, consistait à déterminer, à travers l’organisation du territoire autour de Lunel, l’incidence de la ville sur les dynamiques locales : peuplement, communications et ressources, dans un processus enraciné dans le Haut Moyen Âge. Il s’agissait aussi d’observer, à partir de cette prééminence locale, la position de Lunel au sein du réseau régional. The Lunel archives keep a vast collection of medieval documents, among which is a XIVth century land register. This fiscal register makes possible an analysis of the land structure and the agricultural landscape around a castral town in the plain of Lower Languedoc. The richness of this type of sources allows a closer approach to several subjects among so many data. Beyond agrarian information, it proved absolutely necessary to examine socioeconomical aspects, in order to replace this “snapshot” of Lunel at the end of the XIVth century. One of the aims of this study was to determine, through the organization of the territory around Lunel, the impact of the town on local dynamics : population, communication and resources, in a process rooted in the early Middle Ages. It was also to observe, from this local preeminence, the position of Lunel among the regional network. Mots-clés : compoix – réseau castral - Lunel – paysage rural – structure foncière - démographie Key words : Compoix, castral network, rural landscape, land structure, demography

En Languedoc, depuis les années 1950 (Soboul, 1958 ; Ladurie, 1966), les compoix ont donné lieu à de nombreux travaux qui ont permis de préciser et d’affiner les connaissances en matière de structure foncière et de paysage, autant urbain que rural. Pour ne citer que quelques exemples, rappelons les études récentes des compoix médiévaux de Lodève (Demaille, 2000), Castillon-du-Gard (Marc, 2001) ou encore Montpellier (Reboul, 2003). A cela s’ajoutent ces dernières années des colloques (Nîmes : Claveirole, Pélaquier, 2001 ; Bercy : Rigaudière, 2006), une thèse en cours sur les compoix bas-languedociens (1) et un programme de

recherche à l’échelle de la France méridionale (2). Tous témoignent de l’intérêt actuel pour cette source.

ÉLÉMENTS GÉOGRAPHIQUES, HISTORIQUES ET HISTORIOGRAPHIQUES Lunel est situé à égale distance entre Nîmes et Montpellier dans la plaine littorale traversée par le Vidourle. Entre Garrigue et Petite Camargue, le finage lunellois propose des ressources diversifiées : au nord de la ville, les collines caillouteuses offrent un terroir favorable à la viticulture, tandis que les sols limoneux de

* Professeur des écoles, 19 rue du Puits, 34320, Neffiès. (1) B. Jaudon, Les compoix du Bas-Languedoc méditerranéen et du pays de Gévaudan, XIVe siècle-1789, thèse en cours, sous la direction d’Élie Pélaquier (Univ. Montpellier III). (2) Espaces et compoix en France méridionale, programme de recherche des UMR 5136 FRAMESPA et 5608 UTAH, CNRS-Université de ToulouseLe Mirail (2007-2010), dir. J.-L. Abbé et F. Hautefeuille.

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la plaine présentent une richesse agrologique densément exploitée au Moyen Âge comme de nos jours. Au sud, la zone des étangs offre de vastes pâturages ainsi qu’une réserve de pêche, et certains ont même été aménagés comme marais salants dès le Moyen Âge (Dupont, 1958). Cette diversité des milieux associée à une situation géographique favorable entre Cévennes et Méditerranée, non loin d’Aigues-Mortes et de SaintGilles, a permis à Lunel de développer son potentiel économique tout comme son rayonnement local et régional (fig. 1).

désormais ce sont les syndics et leurs conseillers qui régissent la vie de la communauté (3). A la fin du XIIIe siècle, un recensement des feux permet d’évaluer à plus de 5000 habitants la population de Lunel (Thomas, 1908) (4). Sans présumer de l’impact des épidémies et des périodes de disettes, on peut estimer qu’à la fin du XIVe, lorsque fut rédigé le registre, la population restait à peu près équivalente si l’on en juge par le nombre de propriétaires ayant déclarés des biens imposables. En cette fin de Moyen Âge, après une fondation aux abords de l’an Mil, le castrum de Lunel domine sans conteste le peuplement de la basse vallée du Vidourle. Depuis le XIIe siècle, les documents administratifs et fiscaux, autant que la démographie, soulignent la prééminence du bourg castral qui concentre en ses murs le plus gros de la population régionale et impose sa domination politique et économique aux viletas, les villages du plat-pays : Lunel-Viel, Valergues, St-Brès, Lansargues, St-Nazaire, St-Just, Des Ports, Marsillargues, St-Julien-de-Corneillan, Dassargues, St-Estève, St-Jeande-Nozet, St-Paul-de-Cabrières, Vérargues, Gallargues et Villetelle. (Raynaud, 2007) (fig. 2).

La rédaction du compoix, sur laquelle s’appuie notre étude, prend place autour de 1394, au cœur de la guerre de Cent ans. Même si le Languedoc oriental ne souffre pas directement des combats, Lunel, rattachée à la Couronne de France depuis 1295, doit participer à l’effort de guerre par le paiement de subsides. Un autre fait notable concerne l’arrivée du duc de Berry à la tête de la seigneurie en 1386. Lieutenant général du Languedoc, cet homme puissant est connu pour son intransigeance et il va freiner l’accès des Lunellois à l’organisation du consulat, pourtant accordé à Lunel par le roi Charles VI. Malgré tout, les habitants obtiendront gain de cause en 1396 :

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Fig. 1 : situation régionale de Lunel.

(3) Millerot, 1993, 181. (4) D’après l’étude de Thomas, le nombre de feux serait de 1103. Dans le compoix apparaissent 810 feux fiscaux, auquels manquent les non-déclarants. On peut donc considérer que les deux résultats sont proches. Ainsi, si l’on considère qu’un feu représente en moyenne 5 personnes, on obtient environ 5000 habitants.

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Fig. 2 : carte de la seigneurie de Lunel avec les villae qui en dépendent aux XIIIe-XIVe siècles (points noirs) et les communautés voisines (points blancs).

L’historiographie concernant Lunel reste assez limitée. En 1822, Emile Rouet propose un Essai sur la topographie physique et médicale de Lunel, thèse de médecine dans laquelle les origines de la ville sont évoquées par le biais d’hypothèses ne reposant sur aucun document d’archives (Raynaud, 2007). En 1891, Thomas

Millerot réalise une étude plus sérieuse avec Histoire de la ville de Lunel, adossée principalement à l’étude de textes médiévaux dont les archives de la ville sont bien pourvues. Même si l’accent est mis sur les évènements politiques et économiques sur un plan très général, parfois éloigné du sujet, l’ouvrage fait état de nombre

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d’informations sur la société lunelloise et sur la ville elle même. Près d’un siècle plus tard, à la fin des années 1970, M. Gallaud étudie Un aspect de l’activité de Lunel au Moyen Âge : le canal de Lunel, compilation de documents sans réelle analyse (Gallaud, 1976). Quelques années plus tard, l’ouvrage Lunel et son passé (Imbert, Baille 1989) n’apporte aucune connaissance nouvelle sur la période médiévale, se contentant de reprendre longuement les données de Millerot. De manière générale, tous ces travaux ne présentent que peu d’intérêt pour l’étude de la société castrale au Moyen Âge et n’abordent les questions agraires et économiques que de manière superficielle. En définitive, ce sont principalement le paysage agraire et l’habitat antérieur au castrum de Lunel qui ont été traités le plus en détail grâce aux nombreuses recherches archéologiques réalisées au cours des dernières décennies. Les fouilles à Ambrussum, Dassargues, Lunel-Viel ont donné lieu à d’importants travaux portant surtout sur l’Antiquité et le haut Moyen Age (5). Un compoix de la fin du Moyen Age Pour ce qui concerne la fin du Moyen Âge, la ville de Lunel conserve un riche fond d’archives municipales parmi lesquelles on trouve un compoix daté de la fin du XIVe siècle (6). C’est de l’étude de ce compoix dont il est question ici (7). Etudier un compoix, c’est faire ressortir la réalité d’un finage, d’un centre de peuplement, d’une société dans ses dimensions économique et foncière. Les données du compoix ont ainsi permis d’étudier la répartition de la propriété, l’organisation des cultures, l’aménagement du finage tout autant que l’évolution du castrum et de l’occupation du sol. Etudier un compoix c’est aussi le resituer dans un processus plus long, par rapport à un passé dont il porte les séquelles mais aussi par rapport à des tendances qui annoncent l’avenir. Ainsi, après les recherches archéologiques conduites sur l’habitat du haut Moyen Âge (Garnier, Garnotel, Raynaud, 1995), l’étude du compoix permet de mesurer l’ampleur des mutations ayant touché le paysage autour de la ville, ainsi que le peuplement du territoire. Le compoix médiéval de Lunel est bien conservé, malgré quelques traces d’humidité qui rendent illisibles certains items. La lecture est également facilitée par une écriture claire et régulière. Ajoutons à cela l’emploi de l’occitan qui permet une bonne compréhension du document et qui le rend aisément accessible. Le verso de la deuxième de couverture titre en grosses lettres régulières qui n’ont rien de médiéval, Compois de 1300. Le répertoire qui suit confirme cette incursion

contemporaine, que l’on doit à une restauration du document et de sa reliure. Les folios suivants, titrés « répertoire », ne sont pas numérotés, ce qui montre qu’ils ont été ajoutés lors de cette réfection, probablement au XIXe siècle. La datation du manuscrit pose un problème majeur car le compoix ne comporte aucun préambule et ne rencontre aucun écho dans les archives, nul document ne mentionnant la décision de procéder à son élaboration. Toutefois, l’étude du document permet d’émettre quelques hypothèses. Au fil des folios apparaissent trois dates : 1394 au folio 259v, 1406 au folio 84v et 1408 au folio 349v. La date la plus ancienne se trouve à la fin d’un alinéa mentionnant un abattement fiscal fait devant témoins et avec l’accord des syndics, le 15 février de l’an 1394. Dans ce paragraphe se trouvent une série de noms : ceux des témoins et ceux des syndics. Ainsi sen Frances Tielha, sen Frances Banalie, maistre Peyre Ynerm, Pons Folquie, sen Raymon Renel et sen Peyre Penrhenat sont cités. Toutes ces personnes déclarent des biens dans le compoix (f° 178r, f° 249v, f° 204v, f° 293r, f°206r). Celui-ci pourrait donc bien dater de 1394, en tous cas du début de la décennie 1390, les syndics étant élus pour deux ans. Ces trois dates permettent de se rapprocher d’une période d’utilisation du compoix, jusqu’en 1408 au moins, par conséquent. Par ailleurs, si l’on considère le compoix comme un acte d’autonomie de la part des communautés, il faut rappeler que depuis le début du XIVe siècle, les syndics multiplaient les sollicitations en vue de former un consulat. Une nouvelle requête fut formulée à cette date précise de 1394 (Millerot, 1993,180-181). Peut être est-ce un indice d’un début d’émancipation des Lunellois à l’égard du seigneur ? Lorsque l’on entre dans le détail du document, on s’aperçoit que des corrections mineures ont été réalisées lors de la restauration (8). En ce qui concerne les « mains médiévales », on distingue la prédominance d’une même écriture tout au long du compoix. L’intervention de scribes postérieurs (au moins trois) est toutefois indéniable. Pour le classement des manifestes qui énumèrent les biens, le choix s’est porté sur une déclaration gache après gache (occ. gachar : surveiller), c’est-à-dire quartier après quartier, gaches dont on trouve la délimitation sur un plan du XVIIIe siècle (ADH, G 1722) (fig. 3). Le changement de gache est annoncé en haut d’un folio recto par un gros titre, parfois agrémenté d’une lettrine travaillée comme celle de la gache de Candurargues au f° 136 bis. Pour la forme générale, aucune logique n’apparaît dans le classement des déclarations, qui n’obéit ni à la richesse (du plus riche au moins possessionné), ni à l’origine des déclarants (une place à part pour les gens du lieu, les forains...).

(5) Favory et al., 1993 ; Garnier et al., 1995 ; Raynaud, 2007. (6) A.M.Lunel, CC1. (7) Cette étude a été réalisée dans le cadre d’une maîtrise à l’Université Montpellier III (co-direction J.-L. Abbé et Cl. Raynaud) intitulée L’organisation du paysage rural autour de Lunel (Hérault) d’après le compoix de la fin du XIVe siècle (Scripiec, 2004). Je remercie d’ailleurs J-L Abbé et Cl. Raynaud pour leur bienveillance et leurs conseils essentiels à l’élaboration de cet article. (8) En effet, une dizaine de folios portent un bis à côté de la numérotation, ce qui rectifie une erreur de pagination au moment de l’élaboration et facilite de fait la consultation du registre.

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(Plan sans échelle) DAO M. Ott-UMR 5140

Fig. 3 : plan de Lunel du XVIIIe siècle avec mentions des gaches et des rues principales : 1. Grand rue Campnau, 2. Rue de la Canestellarié, 3. Rue des Lombards, 4. Rue des Cambis, 5. Rue des Carmes, 6. Rue de la Calade, 7. Rue de la Draparie Rouge, 8. Place Royale, 9. Rue venant du Cimetière, 10. Grand rue (ADH, G1722).

La population du compoix L’étude de l’organisation du territoire à partir d’un compoix doit d’abord se penser en terme de peuplement du sol et de l’exploitation qui en découle. Derrière les riches informations socio-économiques, c’est toute une logique d’aménagement qui se dévoile en filigranes. A Lunel, à la fin du XIVe siècle, on compte 810 déclarants au compoix : femmes, hommes, forains auxquels s’ajoutent les héritiers et les associations de déclarants. La population masculine représente 81% des déclarants du registre : 616 sont des hommes du lieu auxquels s’ajoutent 46 forains. La masse est représentée par des hommes sans distinction particulière, artisans ou simples manants. A Lunel, ces hommes sont mentionnés en priorité par leur patronyme. Nous trouvons par exemple Frances Verargues, Johan Leves ou encore Peyre Magdalen (f° 38r, f° 222v, f° 316v). Le cas lunellois s’oppose ainsi à celui de Castillon-du-Gard où à la même date 43 % des déclarants sont identifiés par un sobriquet, tandis que 14 % seulement le sont par leur patronyme (Marc, 1999). Est-ce parce que Castillon-duGard est un village où tout le monde se connaît tandis que Lunel est une bourgade drainant une large population, ce qui expliquerait l’emploi moins familier du nom de baptême ?

5% seulement des noms sont, de plus, accompagnés d’une mention de métier : Raymon lo sartie (le tailleur, f°239r), Huguet lo carretie (le charettier, f° 241v) ce qui donne un aperçu des différents artisanats et métiers d’alors, tout en témoignant de l’importance d’une condition au sein de la société. L’activité de laurador (laboureur) par exemple, n’est cité que trois fois, ce qui ne manque pas d’étonner : s’agit-il d’une omission du scribe ou bien n’y avait-il effectivement que trois laboureurs à l’époque, c’est-à-dire trois exploitants disposant d’un attelage et de matériel de labour ? Dans le second cas apparaîtrait le statut privilégié de ces hommes par rapport à la masse paysanne, cette dernière n’ayant qu’un accès réduit à la propriété et restant très dépendante. Plus haut dans l’échelle sociale se trouvent les maistres. Ils sont vingt-cinq à déclarer leurs biens dans le compoix, et il semble qu’ici le terme de « maître » corresponde à un titre d’homme respectable, plutôt qu’à celui d’un représentant de corps de métier, même si maistre Thibaut, sartie (tailleur, f° 64r), faisant exception dans la liste des notables, dénote une double appartenance. Les sen (de l’occitan senhor : sieur), mossen, et messie, représentent 2,5% des déclarants masculins et 2 % environ de la population du compoix. Ce sont des nobles et notables laïques ou ecclésiastiques, mais qui déclarent ici des biens roturiers puisque soumis à l’impôt. Les syndics cités dans l’accord de 1394 portent, par exemple, le titre de sen : sen Raymon Renel et sen Peyre Penrhenat. Quelle était la place des hommes dans la maisonnée ? Le compoix permet d’évoquer plusieurs cas de figure. Dans une société où le père possédait un rôle dominant, comment vivait le fils ? Un premier exemple donne le ton : le fils, s’il ne peut s’assumer seul, réside dans la maison familiale et reste sous l’autorité patriarcale, comme par exemple dans la famille Felinas où le père déclare pour son fils porté en début de déclaration Felinas, del filh (f° 174v). Voilà donc l’exemple de la famille élargie où le père préservait ses biens du morcellement tout en accordant un minimum de terres indivises à son fils. L’absence de maison dans la déclaration confirme le fait que le fils Felinas n’avait pas les moyens d’être indépendant ou qu’il attendait peut être de se marier. A l’inverse, d’autres fils disposaient de l’assise économique pour fonder un foyer. Ainsi, Andrinet, filh de maistre Johan Nicholan (f° 22v), déclare ses biens en son nom, et au premier chef sa maison. La position sociale de son père, et peut-être aussi un « beau mariage », étaient probablement à l’origine de cette autonomie. Toutefois, si le scribe mentionne que c’est le « fils de », c’est peut- être simplement dans un souci d’identification. Le gendre avait aussi sa place dans la famille. Dans le manuscrit, ils sont six gendres à déclarer des biens, mais seulement trois mentionnent une maison. D’après le compoix, l’aïeul garde toujours un œil sur son gendre, contrairement au village ariégeois de Montaillou, où à la même époque certains gendres prenaient la tête de la maisonnée à la mort de leur beau-père (Le Roy Ladurie 1975, 284). Jacme Caranon, gendre de Johan Andubert,

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déclare ainsi une maison donnée en dot, per sa molhe, et, bien sûr, dans la déclaration de son beau père qui précède, on retrouve cette maison située dans la gache de Bocarie : l’item est barré et porte la mention es de son gendre (f° 133v). Le gendre de Bernat Thabant a moins de chance par contre car il déclare la moitié d’une maison (f° 202 r). Son beau-père ne faisant pas partie des déclarants, il m’est impossible de vérifier le fait très probable que le gendre et sa femme partageaient l’habitation avec Bernat. Ainsi, à moins d’être aisé, information qui ressort peu d’un compoix, le gendre comme le fils navigue entre une situation de dépendance ou d’autonomie. Les femmes qui déclarent dans le compoix sont elles aussi des propriétaires ou des chefs de famille. Elles sont 98 à déclarer leurs biens, représentant 12% des contribuables. Ainsi, Lunel se situe dans la moyenne régionale, qui oscille entre 10% à Castillon-du-Gard (Marc 2001, 60) et 14% à Lodève (Demaille 2000, 53). Les épouses sont les plus nombreuses à déclarer : on trouve les termes molhe de (femme de) ou uova (veuve). D’autres femmes ne portent aucune distinction particulière si ce n’est le nom féminisé de leur mari : par exemple, Raymon Bligie a pour épouse Bozeta Bligieyra, le lien marital étant identifié grâce à une maison commune aux deux déclarations, ainsi qu’à la mention per sa molhe dans le manifeste du mari concernant cette même maison (ostal ; f° 202v et 215v). On note, par ailleurs, que six déclarantes ne mentionnent aucune maison, ce qui pourrait dépendre de l’importance de la dot. Une fille issue d’une famille relativement aisée aura pour dot une maison, tandis qu’une fille d’origine plus modeste ne pourra apporter qu’une ou deux pièces de terre. On peut adjoindre à ces épouses, les mères et les filles qui déclarent. Celles-ci représentent moins de 5 % des déclarantes et il est difficile de faire la différence entre mère et épouse, les veuves déclarant à part. Toutes ces mères se définissent par rapport à leur fils : Johana Paran, mayre de Johanet Paran (f° 268v). Pourquoi se présenter ainsi ? Pour ma part, je pencherais pour un veuvage, car sans cela la femme se présenterait comme épouse de et non comme mère. Pour les filles, je pense qu’elles déclarent les biens qui seront ensuite donnés en dot. Nous retrouvons d’ailleurs dans la majorité des cas une maison, ce qui confirme l’idée que ce sont des filles de familles aisées qui déclarent en leur nom. Pour compléter les informations sur la situation des femmes par rapport au patrimoine, notons les deux déclarations d’une bru (nora f° 146r, 366r) et d’une belle-mère (suogra f° 367r) sûrement recueillie dans la maison de son gendre (9). Les femmes comptent à Lunel des représentantes honorables. Comme les hommes, ces femmes nobles ou simplement privilégiées représentent 2% de la population totale des déclarants. Ces dona ou na,

diminutif du latin domina, sont 14 à déclarer leurs biens, et apparaissent souvent citées en confront. Parmi les plus richement pourvues se trouvent Dona Galbos del Paon qui déclare 45 biens (f°8r) et Dona Pagana, qui pour sa part mentionne 24 biens (f°211r). A l’inverse, le cas du mari soumis financièrement à son épouse apparaît aussi dans le compoix avec la mention marit de, à l’exemple de Nodo Soves, marit de Dona Guimar (f°373r). Ces hommes dépourvus de biens accèdent à la propriété en se mariant avec une femme possessionnée. Mais ces cas sont rares, les hommes restant tout de même les propriétaires dominants. D’autre part, pour diverses raisons, des associations de déclarants se forment, nuançant ou au contraire consolidant l’assise du chef de famille. Envisageons tout d’abord les biens déclarés par le père au nom de sa femme ou de ses enfants. Il est vrai que cela représente moins de 2 % des déclarations, mais il y a là un témoignage intéressant quant à la gestion du patrimoine. Deux aspects fondamentaux ressortent des déclarations : d’abord le fait que les membres de la famille se rassemblent autour du noyau parental, et d’autre part l’action du père qui garde la main sur ses biens et contrôle leur attribution. La déclaration du chef de famille pour quelqu’un signale les biens qui, au sein du patrimoine familial sont concédés à la personne citée. Pour une fille, nous l’avons vu, ces biens représentent une partie au moins de la dot. Pour une épouse, cas le plus fréquent, on peut supposer que ce sont les biens donnés par son mari en vue de son veuvage, son douaire (Delort 1982, 101). La part octroyée se situe généralement autour du quart du patrimoine total (Bourin 2000, 39). Si l’on prend le cas d’Andrieu Olinie qui mentionne 23 biens, on trouve une proportion d’un cinquième puisque cinq biens sont déclarés per sa molhe (f°207r). Toutefois, cette concession coûte peu au chef de famille qui au moment de son mariage a reçu des biens dotaux. Ceux-ci apparaissent dans les déclarations : lorsqu’un homme déclare les biens de sa molhe, il fait référence aux terres ou maisons reçues en dot. La gestion des biens apparaît partagée soit après décès du chef de famille, soit après association. Le nombre de déclarants « héritiers de » ne représente qu’environ 2 % du total des déclarants, soit 15 personnes. Ce groupe d’héritiers déclare en général des biens en cours de succession, attribués sur volonté testamentaire de l’aïeul, mais il s’agit parfois de récupérer des biens tombés en déshérence. Il faut distinguer ces hereties de, des enfans de. En effet, il semble que les héritiers déclarent les biens une fois le patriarche décédé, mais il peut s’agir également de l’héritier universel qui reçoit, même avant le décès du père, une part indivisible du patrimoine (Pélaquier 1996, 177). Si l’on suit cette logique, les enfans représenteraient les autres membres de la fratrie dotés

(9) Une remarque concernant le terme de suogra présent dans le compoix : il s’agirait peut être d’un exemple de l’influence catalane dans le milieu notarial, héritage de la domination des rois de Majorque sur Montpellier et sa région. D’autre part le terme de mayrastra apparaît dans la même déclaration au moment de la somme de l’allivrement, posant donc l’ambiguïté sur la signification de « belle-mère » : est-ce la mère de l’épouse, ou la seconde femme du père du déclarant ?

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eux aussi (au cas contraire le testament resterait invalide) mais dans une moindre mesure. A Lunel, tous les enfants jouissent apparemment d’une part commune du patrimoine, ce qui permet de répartir la force de travail tout en maintenant ce premier indivis. Il n’y a que six cas pour l’ensemble des déclarants. Même si la déclaration est commune, chaque enfant précise ses biens. Dans l’exemple des enfants de Johan Rebol, le manifeste est attribué aux enfants mais pour chaque bien est mentionné, en marge, le nom de l’enfant propriétaire (f° 283v). On trouve ainsi es de gileta, es de margarida, es de bernat rebol, les noms étant récapitulés au moment de la somme des biens et de la répartition de l’allivrement. C’est un exemple tout à fait représentatif de la pratique du moment qui conduisait les membres d’une même famille à déclarer en commun des biens pourtant répartis en diverses propriétés. Les deux groupes cités sont des formes de ce que l’on appelle les affrairements ou frérêches. Ces associations de propriétaires peuvent se faire entre frères et sœurs, mais aussi entre oncle et neveu, gendre et beau-père, ou encore entre voisins. Par exemple Johan et Bertian San Peyre, frayres (f° 339r) ou encore Peyre Caneirayre et Gervays Cambrados pour qui le mystère demeure : sont-ils voisins, est-ce le beau-père qui déclare avec son gendre (f° 256r) ? Même si ce type d’affrairement ne représente que 1% des déclarations, il témoigne de la difficulté d’être propriétaire. Le compoix comporte, par ailleurs, des manifestes d’étrangers, forains qui possèdent des biens dans le territoire de Lunel mais n’y résident pas. Cela se traduit généralement par l’absence de maison dans les déclarations, mais pas toujours. A Lunel on comptabilise 46 forains, soit 6 % des déclarants. Ils ne sont pas appelés forains dans le manuscrit, mais portent le nom de leur localité d’origine, où l’on distingue deux groupes. Tout d’abord, les forains habitant à moins de dix kilomètres de la ville. Ils viennent des villages de la seigneurie lunelloise : de Saint-Nazaire, Saint-Just, Saint-Julian, Montels ou Vérargues. Si l’on observe leurs manifestes, on se rend compte qu’ils déclarent une ou plusieurs maisons à Lunel et/ou des biens se trouvant à proximité de leur lieu de résidence. Par exemple, Gilon Penrhenat de San Nazari (f° 312v) déclare des biens à Saint-Pierre-des-Ports et à Saint-Nazaire, Guilhem Gausant de San Just possède des biens à la Pérille et à Saint-Pierre-des-Ports également. Pourquoi les distinguer du groupe précédent ? Il semble que ces hommes, poussés par la conjoncture alternativement favorable ou défavorable, s’assuraient un logement en ville tout en gardant une résidence et des biens à la campagne, comme cela est connu en Biterrois au début du XIVe siècle. Dans une phase de dynamisme économique, les notables des villages étaient attirés pour leurs affaires vers le centre économique le plus proche (Bourin-Derruau, 1987, 83). Il y avait certainement d’autres raisons. Posséder un logement en ville, c’était pouvoir se protéger en cas d’attaque des bandes armées ou de routiers, c’était aussi continuer d’être au centre de la vie économique en temps de crises frumentaires. Résider au village, c’était au contraire un moyen de s’isoler en cas de peste et d’épidémie, et surtout de

contrôler régulièrement l’état des cultures. Ainsi, ces hommes ne sont pas des forains au sens premier du terme. Ils résident dans la baronnie de Lunel, et de ce fait participent directement à la vie économique, voire politique de la ville. L’autre groupe se compose, lui, des personnes habitant à plus de dix kilomètres de Lunel : treize déclarants venant de Montpellier, six d’Aigues-Mortes, et un de Frontignan. Les seules précisions sociologiques concernent les forains de Montpellier parmi lesquels se trouvent un especiayre (épicier) et trois sen, ce qui précise le fait que les forains sont suffisamment aisés pour entretenir des terres éloignées de leur domicile. Notons qu’Arnaut Berenguie de Montpelhier (f° 271v) déclare recevoir un droit d’usage sur ses biens à Lunel, ce qui montre qu’il loue certaines de ses terres comme l’illustre la mention per sos usages que ha en esta vila (« pour ses usages qu’il a dans cette ville »). Les forains de Montpellier ou d’Aigues-Mortes possèdent eux aussi des maisons à Lunel : soit on se retrouve dans le même cas de figure que précédemment, à savoir que la maison de ville constitue une place de premier ordre dans la vie économique, soit l’on tient compte du fait que certains de ces hommes déclarent des usages, ces maisons étant louées à des Lunellois. Notons que sen Quarle Donat de Montpelhier déclare seulement la moitié d’un ostal et son pertenement, une maison et ses dépendances, et que ce lieu se nomme lescola de juis, l’école des juifs. Doiton penser, à cette évocation de la communauté juive, à son maintien local en dépit des expulsions réitérées au cours du XIVe siècle, ou bien faut-il seulement envisager le souvenir d’une époque révolue ? Pour terminer, évoquons les traces d’une immigration antérieure, que l’on décèle à travers les surnoms qui renvoient à une région éloignée : lo lombart, lo gascon, lo limousin (f° 274v, f° 246v, f° 236r). La venue de maind’œuvre italienne est un phénomène récurrent au Moyen Âge en bas Languedoc. La présence d’un Gascon et d’un Limousin éclaire, quant à elle, une immigration difficilement perceptible hors de l’anthroponymie. Enfin, il ne faut pas oublier ceux qui encadrent la population, au niveau politique comme au niveau religieux, même s’ils ne sont pas déclarants. Les informations contenues par les confronts sont à ce sujet décisives. Rappelons que depuis la fin du lignage des Gaucelm, seigneurs de Lunel depuis le XIe siècle, et le rattachement de la baronnie à la Couronne en 1295, de nombreux représentants se sont succédés à la tête de la seigneurie. Durant la période qui nous intéresse, c’est le duc de Berry qui est seigneur de Lunel depuis 1386. Il n’est pas nommé dans le compoix, mais le terme suivant cité fréquemment, le senhor (f° 314v), pourrait désigner la fonction de seigneur de la ville. On trouve également le senhor de Sant Just (f° 41r bis), le senhor de Ports (f° 30v) et le senhor de Cayla (le Caylar f° 376v). La présence ecclésiastique ainsi que celle des établissements d’assistance sont également éclairées par les confronts. Charités, églises, hôpitaux et couvents font partie du paysage et indirectement ou directement de la

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vie quotidienne des Lunellois. Il nous faut évoquer les couvents dans un premier temps. Le couvent des frères mineurs, frayres menos, aurait été crée par Louis IX vers 1226 mais une étude spécifique reste à réaliser sur l’origine et la localisation de ces ordres (Imbert, Baille, 1989). Le compoix ne permet pas de situer exactement le couvent, même si la doga de frayres menos, la douve des Frères Mineurs (f° 44r) citée comme lieu, nous oriente vers un espace hors les murs ou proche des remparts de la ville. Le deuxième couvent, dont la présence fait écho dans le compoix, est le couvent des Carmes, qui aurait été fondé du vivant de Raymond Gaucelm IV, soit dans la première moitié du XIIIe siècle (ibid.). Son existence au XIVe siècle est attestée dans les textes, notamment par des lettres patentes de Jean le Bon en novembre 1361 (ibid.) et dans le compoix par la mention de carme ou carme vielh, sans précision sur son emplacement (f° 269v, f° 294r). Pour sa part, le couvent des sœurs d’Arboras, las morgas d’Arboras, est mentionné plusieurs fois en confront avec par trois fois la condamina de las donas morgas (f° 23v, 83v, 339r). Ce terme de condamine renvoie à une donation seigneuriale, le couvent d’Arboras ayant été richement doté par Gaucelm IV dans son testament établi en 1215 (Millerot 1891, 439-443). L’existence d’un faire-valoir direct, opéré par un personnel propre au couvent, expliquerait l’absence de terres louées, donc d’usages et donc de déclaration dans le compoix. Ainsi se maintiendrait un fonctionnement seigneurial. La commanderie des Hospitaliers de Saint-Christol, localisée au nord-est du finage, apparaît une seule fois en confront d’un bien. Même si cette mention est unique, le voisinage des moines-hospitaliers n’était pas négligeable, comme en témoigne le conflit qui opposa la commanderie aux syndics de Lunel vers 1370, à propos du droit de dépaissance aux abords du mas de Ginestel, appartenant à l’ordre des Hospitaliers (Millerot, 1891, 182). Les Lunellois ou les pèlerins miséreux et malades pouvaient compter sur des charités, des hôpitaux, ainsi que sur une léproserie, bénéficiaires de redevances et cités en confront : la caritat magie de Lunel ou lespital (f° 236v, 282v, 352v). Notons que, la plupart du temps, ces établissements d’accueil étaient situés hors de la ville, le long des routes principales, afin de recevoir les pèlerins. La léproserie, quant à elle, est attestée par des legs de Raymond Gaucelm IV dans la première moitié du XIIIe siècle (Millerot, 1891, 439-443). Au nord-ouest de la ville, le lieu-dit les Malautières, témoigne de son ancien emplacement (occitan malaut, malade).

Une société encadrée. Les usages : typologie et fréquence Le compoix est avant tout un document fiscal. En ce sens, en plus d’indiquer l’allivrement, il renseigne sur le type, le nombre et le montant des usages, c’est-à-dire de l’ensemble des redevances payées pour un ensemble de biens. 2456 paiements d’usage sont recensés, ce qui signifie que seulement 34% des biens déclarés est soumis à cette redevance. C’est faible et il faut donc considérer que dans le compoix ne seraient mentionnées que les redevances influant de manière significative sur l’allivrement. Malgré tout, il est important de signaler que la majorité des compoix ne font pas mention des usages seigneuriaux ce qui donne aux mentions lunelloises un intérêt non négligeable. Toutefois le cas de Lunel n’est pas isolé puisque les compoix lodévois, par exemple, précisent eux aussi les différents usages et leur nature dans les manifestes (Demaille, 2000). Cens en argent, cens en nature La principale redevance est le cens. Avec l’abondance et l’importance accrue de la monnaie à partir du XIIIe siècle, le paiement des redevances se faisait de plus en plus souvent en numéraire. A Lunel, en cette fin de XIVe siècle, c’était effectivement le cas. La part des cens payés en argent s’élevait à 56%, ce que l’on pourrait expliquer par la monétarisation croissante de l’économie. Ainsi, les paiements en nature concernent 35% des cens, tandis que les redevances mixtes restent minimes (2%). L’unité monétaire la plus employée était le denier (56%), le sou représentant 23% de l’ensemble des monnaies utilisées, tandis que les monnaies à forte valeur comme le florin ou le gros n’apparaissent quasiment pas. Il faut noter aussi le paiement à part de fruit, forme de champart, en huitaines, seizaines, douzaines et vingtaines, essentiellement associées à des céréales et parfois accompagnées de deniers ou de sous. Les céréales dominaient les paiements en nature, l’orge venant en tête (62,5%), suivi du blé (17 ,4%) et du froment (7%) (10). La cire (sera) comptée en livre et l’huile d’olives (oly), le poivre (pobre f° 200v) et le gingembre (gengibre f° 372r) complétaient ces versements, en bien des points analogues à ceux trouvés à Lodève (Demaille 1997, 133, 149). Au total, le paiement en argent reste majoritaire pour toutes les cultures, ce qui confirme les chiffres précédents. Parmi les céréales prélevées, l’orge est prédominante en ce qui concerne les jardins, les vergers et la vigne. Au contraire, les champs reçoivent toutes les formes de paiement. De plus, le paiement en blé semble s’imposer comme dans les redevances associées aux maisons. Ces données se situent dans la moyenne régionale, à l’instar des associations observées en Biterrois (Bourin- Derruau, 1987, 268).

(10) Au Moyen Age, il n’y a généralement pas de distinction entre le blé et le froment, qui représentent la même céréale. Dans le compoix, les deux termes sont cités (blat et froment) sans qu’il y ait d’éléments pour les caractériser. Il semble qu’il y ai tout de même une différence entre les deux puisqu’à plusieurs reprises, sont déclarés pour la même personne des usages en blé et en froment : pour Pons Thabant on a 1 emina de blat et 3 setiers de froment (f° 89r).

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Tasta et pradage Les redevances proportionnelles pouvaient prendre d’autres formes. On a évoqué plus haut le paiement en huitaines, seizaines et vingtaines. Il existe aussi d’autres unités de paiement proportionnel : ainsi Frances Verargues déclare un champ et mentionne pour l’usage auquel il est soumis qu’il paye una quartiera deste camp (f° 38v). On peut donc penser ici à un paiement proportionnel à la récolte. Le déclarant ou le scribe précise fréquemment que pour telle surface, il paye telle quantité. Par exemple, 1 cartayrada fa 1 setier d’orgi, ou bien 1,5 cartayrada fa 1 émina de blat (f° 267r, f° 146v). Il était donc tout à fait possible que l’orge ou le blé prélevés soient cultivés dans le champ acensé. La mention suivante est tout aussi parlante : le cens est payé avec 2 eminas de sus seriehas (2 émines de ses céréales). Mais ici, le bien soumis à redevance n’est pas un champ mais une vigne. Certes, notre Frances possède de nombreux champs et se trouve donc en mesure de payer en nature, mais l’idée d’une redevance proportionnelle à la récolte n’est pas envisageable dans ce cas précis. Peuton trouver d’autres formes de redevance proportionnelle dans le compoix ? Deux éléments permettent de répondre. Le premier c’est la tasque, nommée tasta dans le compoix (f° 15r) et qui correspond à la même réalité que le champart. Il y a huit mentions de tasque et sur ces huit mentions quatre concernent des vignes, trois des champs et la dernière un pré. Pour toutes ces cultures, la ponction sur la récolte est possible. Le pradage constitue quant à lui le deuxième élément de réponse et pourrait signifier champart, d’autant plus que le foin était lui aussi considéré comme une « part de fruit » (Duby 1975, 557). Cette explication convient tout à fait au cas de Lunel et ce d’autant plus que les biens concernés sont soit des prés (92%), soit des bois. Dans ce dernier cas, la part ponctionnée était certainement du petit bois ou une part des cueillettes. Le souquet et le capagi Le souquet (suquet) un impôt municipal sur la vente du vin dont le prélèvement fut autorisé par Charles VI lors de sa visite à Lunel en janvier 1390 afin de payer les dettes de la ville (CC61, AML). Cet impôt s’est largement diffusé dans tout le Languedoc oriental et ce, dès les années 1350 (11). Le principe en est clair : 1/4 du vin vendu au détail, et 1/10 du vin en gros sont prélevés. Ce qui est étonnant c’est que des déclarants comme Durant Meian, Gili Bolon ou encore Raymon Renel, qui payent cet impôt, possèdent pourtant peu de vigne, ce qui invite à s’interroger (f° 16v, f° 236v, f° 295r). S’agit-il d’une ponction faite sur leur production ou sur un achat massif de vin dans le cas où ils seraient commerçants, par exemple? Nulle précision ne permet de conclure sur ce point ni de lever l’ambiguïté : dans le cas lunellois est-ce une taxe sur la production ou sur la vente de vin ?

Bâti sur le substantif cap, la tête, le terme de capagi fait penser à la capitation, impôt sur la personne qui concernait généralement les plus pauvres. Dans le compoix, on aurait pu supposer que la mention de capage fut un moyen détourné pour que les plus démunis apparaissent dans le compoix afin d’être allivrés eux aussi. Mais cette hypothèse n’est pas recevable pour la simple et bonne raison que les personnes concernées ne sont pas des pauvres et apparaissent par ailleurs dans le compoix : Johan Danbays, Raynant de la Fiordelis (une auberge), et Quiquandon, la mention per son capagi apparaissant après chaque nom (f° 184v). Les trois noms sont barrés et il n’y a aucune trace d’allivrement. On sait par ailleurs que pour aider au paiement de la rançon du roi Jean, prisonnier des Anglais, les nobles de Lunel furent doublement imposés et obligés de déclarer leurs biens. La date avancée est celle de 1356 et le nom de cet impôt particulier est capage (CC60, AML). Th. Millerot affirme que cette imposition exceptionnelle équivaut à un subside de guerre (Millerot 1891, 147). Une imposition similaire est redemandée en 1404 par le roi. Se nommet-elle encore capagi ? On ne possède aucune précision mais la période couverte par le compoix correspond. De plus, les noms des personnes imposées sont barrés, ce qui pourrait découler du caractère exceptionnel et éphémère de cet impôt, le compoix étant le document le plus approprié pour recevoir mention de ces paiements particuliers. Mais l’absence d’allivrement reste à éclaircir. Le capagi pourrait-il désigner une responsabilité particulière ? C’est une hypothèse qu’il faudrait approfondir. Gardia et pension Le cas de Raymon Renel mérite d’être souligné (f° 295r). Pour un de ses prés il paye 2 denies de gardia, ce qui renvoie à de nombreux actes conservés aux archives pour la période qui nous intéresse où il est fait mention d’officiers désignés pour différentes missions de garde, concernant la voierie, les denrées ou les cultures (AML et Millerot 1993, 180). D’autre part, le mot messie, qui désigne le garde des moissons, est présent dans le compoix. Ainsi, Peyre lo messie (f° 73v) était chargé de veiller aux cultures, de sorte que nous pouvons penser que le droit de gardia était destiné à ses émoluments. Le terme de pension, qui apparaît peu lui aussi, pose un autre problème d’interprétation, comme on l’a déjà observé à Lodève (Demaille 1997, 148). D’une part, si l’on se base sur la définition donnée par P. Cayla, le mot pension serait lié aux prêts financiers accordés, par des personnes fortunées, aux paysans ou aux artisans afin qu’ils puissent cultiver certaines terres. La pension serait la somme annuelle versée en remboursement du capital, en vin, en blé ou en argent (Cayla 1964, 550). La deuxième définition correspond à celle que nous employons de nos jours, à savoir la pension comme une somme d’argent donnée en échange de nourriture ou de gîte pour une personne et pour une durée déterminée.

(11) Définition extraite du site htpp:/www.mailxxi.com/ (site proposant un glossaire de fiscalité médiévale), rédigée par M. Bochaca.

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Dans le compoix figurent dix mentions de pension, en céréales ou en argent, le montant pouvant aller jusqu’à 1 florin, monnaie de forte valeur. Les personnes concernées sont de petits propriétaires, comme Johanet Sabbatie (f° 71v) ou bien des personnes aisées, à l’instar de Dona Pagana ou maistre Peyre Molinie (f° 328r et 264r). Les biens concernés par ces paiements correspondent pour moitié à des maisons et pour moitié à des champs. Les surfaces des champs restent relativement réduites, toutes en carterées, et parmi les maisons on peut remarquer un obrador, c’est-à-dire un ouvroir. Dona Pagana paye 1 florin ala odra et ala caritat, soit « à l’œuvre et à la charité ». Cette dame noble payait-elle une pension à la charité pour une personne qu’elle lui avait confiée ? Les autres personnes concernées déclarent uniquement des terres en nombre réduit ; il est donc tout à fait possible pour leur part qu’elles remboursent un prêt. De plus, deux d’entre elles sont des artisans (f° 71v et 234r), ce qui correspond bien à la définition donnée ci-dessus. Les propriétaires d’usages 52 déclarants possèdent des usages. Qui sont-ils ? Sept d’entre eux font partie des plus aisés, peut-être des nobles possédant des terres roturières en location et soumises à redevance. Le propriétaire d’usage le plus important est Nicholan de Montifalco qui totalise 10 usages regroupés et annoncés par le titre Usages (f° 165v). Roberta Symona et Florensa Peyreponsa déclarent quant à elles 7 et 10 usages (f° 324v ; f° 121r). Concrètement, les item concernés commencent par ly fa dusage, « il lui est fait d’usage », suivi du nom du locataire, du montant de la redevance et parfois du type de terre acensée. Les parcelles concernées sont de nature variée: vigne, champs, jardins et sont généralement peu fertiles et éloignées, tandis que la plupart des maisons sont louées. Enfin, comme pour les usages en général, la part des redevances payées en argent paraît la plus importante (65%). L’orge arrive également en tête des céréales (76,4%). Les églises et les établissements d’assistance sont aussi des propriétaires d’usages. Ce sont avant tout des propriétaires fonciers, mais la nature des redevances montre qu’ils ont instauré un rapport particulier avec leurs locataires. Un exemple est fourni par la caritat magie, la charité majeure. Les charités peuvent être fondées par des laïcs ou par des institutions religieuses, voire même à la demande d’une municipalité. Le rôle nourricier de la charité est confirmé dans le compoix par la nature des redevances perçues : par deux fois, ce sont six pains (6 pans) qui font office de règlement (f° 256r et 307v), une autre redevance étant payée en blé (f° 236v), céréale essentielle pour la fabrication de pain ou autre bouillie à la base de l’alimentation. Ainsi, même sous la

contrainte, les hommes soumis à cette redevance participent indirectement à l’effort d’assistance. Peutêtre en étaient-ils conscients, peut-être l’idée d’aider son prochain donnait-elle une légère coloration positive au paiement lourd et obligatoire de la taxe ? Autre lieu, autre redevance. Il m’a paru intéressant d’aborder le cas de la lumenaria de madona, c’est-à-dire le luminaire de l’église Notre-Dame de Lunel (f°256r). D’autres exemples sont mentionnés dans le compoix : la lumenaria de Ports (f° 213v), des églises Notre-Dame et/ou Saint-Pierre Desports, au Sud et la lumenaria de Sant-Julian (f° 113v) à Saint Julien de Corneillan, près de Marsillargues. Par ailleurs, deux locataires d’une maison appartenant à la charité majeure payaient aussi une redevance pour le luminaire (f° 256r). Peyre Caneirayre et Gervays Cambrados doivent 1 livre de sera (cire) a la lumenaria de madona pour un champ, participation qui permet à l’église d’entretenir son luminaire. Par ailleurs, la présence d’un luminaire indique que l’église est fréquentée, précision intéressante lorsque celle-ci se trouve à près de 2 km de la ville, dans un établissement alors en déclin ou déserté, comme la villa Des Ports ou celle de Saint-Julien : en réalité, le départ des habitants n’avait pas éteint la fréquentation des églises rurales qui, pour certaines, purent rester en usage jusqu’aux destructions liées aux guerres du XVIIe siècle. Le compoix renvoie donc une image classique de la société médiévale, hiérarchisée et fortement régie par tout un ensemble de redevances. En corrélation avec ce constat, le manuscrit témoigne également d’une répartition contrastée de la propriété, en termes de surface, de type de culture et de localisation des terres.

LA STRUCTURE FONCIÈRE : RÉSULTATS ET INTERPRÉTATION Répartition de la propriété Le fait premier qui s’impose à la lecture du registre d’imposition est le morcellement de la propriété. A Lunel, avec une multitude de micro-propriétés dont la surface est inférieure à 7 sétérées (12), le compoix permet de distinguer trois grandes catégories : les petits propriétaires qui disposent de moins de 20 sétérées, soit un peu moins de 4ha environ, qui représentent 94 % des déclarants, les propriétaires « moyens » possédant pour leur part entre 20 et 40 sétérées (de 4ha à 8ha) et correspondant à 5 % des personnes imposées. Enfin, les gros propriétaires sont pourvus de plus de 40 sétérées (plus de 8ha), soit seulement 11 personnes représentant 1,5 % des déclarants mais rassemblant à eux seuls 10 % de la surface totale déclarée (fig. 4). Chaque type de propriété présente ses particularités (fig. 5). La petite et la micro-propriété souffrent à

(12) Il n’y a pas d’équivalence précise entre les surfaces médiévales et les mesures actuelles. Je me suis donc basé sur des équivalences du XVIIIe siècle utilisées dans la table du compoix de Lunel-Viel où une sétérée correspond à 20 ares (Raynaud 2007, 128). Les mesures données ici se fondent sur cette correspondance, mais demeurent incertaines et sont destinées à guider le lecteur.

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800 e

gu

rri

Ga

Lunel (Boc (Bocarie)

Dassargues

maison et jardi jardin

700

champ et vigne

ain

e

rtie : 4 biens artie ot, sartie Guiot, sétérées 1 2 sétérée 1,25

Pl

600

Saint Nazaire de Pezan vigne

500 400

e

gu

rri

Ga

Lunel maisons

Dassargues

J. De Grion Vila : sétérées enss - 32 sétér 21 biens

champ

Peyre Fiche champs

Prada de Ports

200

St Julien de Corneillan

Pl

ain

e

300 champs et vignes

prés

100

e

igu

rr Ga

St Paul de Cabrières vignes et olivettes

Vinha Marie

Lunel

vignes nes

maisons

0

Endrausse

Fig. 4 : histogramme du nombre de déclarants (en ordonnée) pour chaque type de propriété : petite propriété d’une surface inférieure à 20 sétérées, moyenne propriété entre 20 et 40 sétérées et enfin grande propriété correspondant à des exploitations de 40 à 70 sétérées.

l’évidence d’un manque d’espace mais comportent aussi bien des céréales que de la vigne. L’inconvénient majeur de ces exploitations réside dans l’éloignement des parcelles. Prenons l’exemple de Guiot lo sartie, le tailleur, qui déclare quatre biens pour une surface totale de 1,25 sétérée soit environ 25 ares (f° 84r). Il possède un jardin et une maison dans la gache de Bocarie, une vigne à Saint-Nazaire-de-Pézan et une parcelle complantée en champ et en vigne à Dassargues. Mais Guiot est un artisan : il ne vit pas seulement de la terre, mais peut tirer de ses quelques sétérées de quoi améliorer son quotidien. Toutefois, ses biens ne sont pas concentrés en un terroir et cela représente une contrainte pour l’accès et l’entretien régulier des cultures. La moyenne propriété concerne 42 personnes dans le compoix. Elle est caractérisée par de plus grandes parcelles, mais aussi par la présence d’oliviers, de plantiers et de prés, ce qui dénote une certaine souplesse économique. Johanin de Grion Vila possède 21 biens sur une surface totale de 32 sétérées, environ 6 ha. Les champs dominent largement avec dix parcelles qui se situent en plaine à Dassargues, Saint-Julien-deCorneillan ou encore Peyre Fiche. La vigne occupe seulement deux parcelles mais il faut noter la présence d’un plantier, jeune vigne qui témoigne d’un investissement, comme c’est le cas par ailleurs pour l’oliveraie. En effet, celui qui plante la vigne doit mettre

champs

e

de 40 à 70 sétérées

ain

de 20 à 40 sétérées

Pl

< 20 sétérées

Dassargues

Penrhenat rhenat nat at (frères) (frè (fr (frèr : 777 biens biien iens - 66,7 sé ie sétérées

champs

St Julien de Corneillan Prade Mage

plantier

prés

Fig. 5 : schéma présentant pour chaque type de propriété le nombre de biens, la surface d’exploitation et la disposition des cultures, en ville (grisé), côté garrigue ou côté plaine (Cl. Raynaud, E. Scripiec).

au second plan la culture des céréales et doit bénéficier d’une situation suffisamment stable pour faire face en cas de difficultés. On retrouve cette aisance relative avec la déclaration de deux prés. Posséder un pré sous-entend que l’on peut l’entretenir et surtout que l’on dispose d’un cheptel que le compoix ne mentionne pas. Autre trait positif, contrairement à l’exemple précédent, les parcelles de Johanin sont regroupées dans un quart sudest du finage, c’est-à-dire dans la plaine fertile. La « grande » propriété bénéficie d’une tout autre assise avec de véritables zones de monoculture, situées sur les meilleures terres, tandis que la présence d’usages dans les déclarations confirme le caractère éminent de la propriété dont certains lopins peuvent être loués sans que le gros de la structure ne soit déstabilisé. Johan et Jaumes Penrhenat sont les déclarants les plus possessionnés avec 77 biens répartis sur 66,7 sétérées (13 ha environ). Leur propriété présente en outre deux particularités : la moitié du four de Saint-Jean-de-Nozet, ancienne villa au Nord Est de Lunel, ainsi qu’une parcelle de vinha mustadela, une vigne de muscat, cépage de qualité et de basse productivité encore peu répandu à la fin du Moyen Âge et donc synonyme d’innovation et de pari sur l’avenir. Tout confirme la position privilégiée des deux hommes. Dans cette propriété, les champs, c’est-à-dire les terres labourables, sont majoritaires, les prés, les vignes, les oliviers et les

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bois complétant les possessions. Si la toponymie ne permet pas de localiser tous les tènements, on peut dire cependant que nombre de parcelles de même culture se situent au même endroit avec une adéquation entre la culture et le vocable du terroir : des champs à Dassargues, des vignes à Vinha Marie et des prés à la Prada de Ports. L’horizon commercial est aussi à envisager, car ces grandes propriétés pouvaient dégager un surplus de récoltes par rapport aux besoins réels de la famille concernée. Mais c’est là une question que le compoix ne permet pas de cerner (fig. 4).

(35% de la surface totale complantée), au plantier (17%) ou encore au pré (19%). Leur affectation n’est pas précisée dans les déclarations, même si la nature des cens permet de penser que le froment et l’orge étaient cultivés en majorité. Au nord-est de la ville, à Dassargues, 98 parcelles sur 125 sont des champs, pour une surface totale de 97,6 séterées, soit environ 19 ha. Au sud de la ville, les terres fertiles de la plaine littorale concentrent elles aussi des tènements à dominante céréalière : les Aires Vieilles, Cantadu, Caucadisse, Saint-Just ou encore Endrausse.

Trois types de propriétés, trois façons d’exploiter le terroir, trois rapports à la terre différents. Les contrastes observés donnent déjà des éléments pour une lecture de l’organisation du terroir. Certains tènements cités de nombreuses fois et localisables aisément participent à l’élaboration d’un canevas où se dessinent des zones encore peu délimitées, mais caractérisées par des fonctions agricoles homogènes. Finage et aménagement de l’espace

Au nord de la ville, les collines caillouteuses regroupent les vacants et les communaux, notamment autour du village de Vérargues. Mais la vigne y trouve aussi un terrain privilégié, occupant 31% de la surface cultivée, partagée entre vigne (28%) et plantier (3%) ce qui dénote un ancrage déjà ancien de cette culture. La vigne occupe souvent le terrain avec un champ ou bien avec des oliviers, cas bien connu de « l’alliance méditerranéenne » (Durand 2003, 342). Concentrée au nord du finage, la vigne occupe les terrasses des puech comme Pioch ferrat et le Pioch Bonnet.

Il est difficile de cartographier précisément le finage médiéval, tout simplement parce que les toponymes désignant les quartiers de cultures ont évolué ou disparu. Sur 420 noms de tènements, de chemins ou de rue donnés par le compoix, concernant à la fois l’espace urbain et rural, 115 lieux sont localisés aujourd’hui, soit seulement 27% de l’ensemble. Malgré ces lacunes, le compoix, localisant les biens par quartiers et en fonction des chemins, offre la possibilité d’embrasser l’ensemble du finage castral.

Le compoix comptabilise 183 olivettes, soit 3% de la surface cultivée, ce qui est peu même si leur présence au sein des complants est non négligeable avec 10 % de la surface complantée. Notons qu’à Castillon-du-Gard, l’olivier occupait une place bien plus conséquente puisque dans 82% des cas, ce sont des oliviers qui sont déclarés en complant, la différence pouvant s’expliquer par la nature du sol, l’exposition et une configuration du terrain plus appropriés à la culture de l’olivier (Marc 1999, 93).

Les zones de cultures

Les prés représentent 8 % des parcelles déclarées et 7,6% de la surface totale cultivée, ce qui témoigne d’une activité d’élevage qui ne transparaît pas autrement dans le compoix. Le Cartulaire du Livre Blanc des Gaucelms corrige partiellement cette lacune, mentionnant des aze (ânes), des buons (bœufs), des moton, agnyel et cabrit, des porcs ou encore des juments et leurs poulains (cavalles et polines) (13). En ce qui concerne la localisation des prés, on distingue un large croissant du sud au sud-est, entre le Mas Desports et Marsillargues.

La polyculture reste une réalité, indice d’une lutte contre les aléas climatiques, économiques et épidémiques, mais aussi témoin d’un souci commercial pour certains et en général d’un aménagement « raisonné » du terroir. Les céréales sont les plus cultivées, schéma classique, même si la vigne occupe une place tout à fait notable. Jardins et vergers représentent les cultures de proximité : 81 orts (jardins) et 107 verdier (vergers) sont déclarés dans le compoix, chaque catégorie représentant moins de 2% des biens en termes de surface cultivée. Le contenu exact des parcelles n’est pas mentionné, quant aux autres données du compoix, notamment la nature des redevances, elles restent muettes. Notons que les vergers et les jardins prennent place dans un espace proche de la ville : foras lo portal Montpelhier, le terme foras renvoyant à un espace hors les murs (f° 18v), ou encore doga de portal martin (f° 137 bis). Cette proximité s’explique principalement par l’entretien quotidien que nécessitent ces cultures. Les camps (champs) occupent 53,3 % de la surface cultivée, mais ils sont fréquemment associés à la vigne

Les bois font eux aussi partie des biens déclarés mais représentent 1% seulement des parcelles et 2% de la surface totale. Ils sont relativement disséminés, formant essentiellement de petits bosquets même si, à Campluheyre, il y a 22 parcelles et 99% de bois sur 17 sétérées. Ce quartier concentre un boisement encore important, épargné par les défrichements et l’approvisionnement en combustible, problème majeur des populations languedociennes (Pélaquier 1996, vol. 1, p. 425-444). Seules 18 parcelles sont déclarées en friche. Le terme d’erm est le plus employé, mais on trouve aussi terra erma. Pour se rendre compte de la véritable place des

(13) Les actes concernés sont des inventaires de marchandises destinés au paiement d’une taxe et se présentent sous forme de listes (AM de Lunel, AA.1., 1229-1522, f° 31v, 34r).

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LUNEL (HÉRAULT) ET SON TERROIR D’APRÈS LE COMPOIX DE LA FIN DU XIVe SIÈCLE

friches, il faut ajouter les 166 parcelles devenues des friches pour diverses raisons, postérieurement à la première élaboration du compoix. Ces parcelles sont signalées dans le manuscrit par la mention es erm, qui suit l’item barré de la première déclaration. Tout en se groupant essentiellement dans la partie nord du finage, les parcelles non cultivées restent éparses, comme en témoigne la diversité des lieux dits : Puech Bonnet, Transieyras, Cabrières, Garriga, Nozet ou encore Villetelle (fig. 6). « La cohérence du finage » Si l’on considère avec Monique Bourin « qu’il n’y a pas dans les régions d’habitat groupé de village durable sans finage cohérent » (Bourin 2000, 132), peut-on parler à Lunel d’un finage cohérent, au regard des informations du compoix ? Dans les régions méditerranéennes, l’organisation des cultures se fait souvent en couronnes ou en ceintures culturales. Hors de l’enceinte villageoise, la première ceinture est formée par les jardins et les vergers. A Lunel c’est effectivement le cas, les orts et verdier étant déclarés près des portes de la ville et des fossés. Dans la deuxième auréole culturale, ce sont les champs qui dominent, puis vient la troisième ceinture composée en majorité de prés, de bois, de friches, et regroupant généralement les vacants (fig. 6). Le modèle se vérifie donc : la garrigue qui s’étend au nord de Lunel, jusqu’à Villetelle, est un lieu de dépaissance privilégié, comme les palus le sont au sud, au-delà du Mas Desport. C’est également dans les collines du nord que l’on trouve le plus de friches, et c’est en marge de la plaine fertile au sud que se situent les prés. L’image d’une organisation concentrique doit par contre être nuancée à l’ouest et à l’est où l’on ne trouve pas de trace d’une troisième ceinture, tout simplement parce que, de Lunel-Viel au Vidourle, on se trouve dans une plaine profondément et anciennement humanisée. Il y a effectivement une logique, une certaine cohérence dans l’organisation du paysage rural lunellois, mais il faut tenir compte des zones particulières et des points de rupture. Un finage cohérent, ce n’est pas seulement une disposition réglée des cultures, c’est aussi une organisation du terroir en fonction de besoins précis. Il faut avant tout tenir compte de l’originalité de l’espace étudié. A l’instar des anciens terroirs des villae intégrés dans le nouveau finage castral, les défrichements ont marqué le paysage. Les toponymes du compoix nous mettent sur la piste : le quartier du Fag (hêtraie) qui n’accueille plus que des champs est un indice révélateur, tout autant que les nombreux lieux-dits nommés le Bost (bois) ou le Bosquet (bosquet) où aucun bois n’est déclaré. Le lieudit la Garrigue témoigne de cet état antérieur, défriché, aménagé pour installer de nouvelles cultures où la vigne occupe 70 % des parcelles (f° 70v). La nature du sol et le relief favorisaient cette culture : les cailloutis qui parsèment la terre ainsi que la sécheresse du sol repoussaient de même une culture céréalière, tandis que les faibles reliefs des puech offraient aux pieds de vignes un ensoleillement privilégié. On doit aussi se demander dans quelle mesure la vigne pouvait se développer en

fonction d’une demande et dans un but commercial. Quelques parcelles suffisant à satisfaire la consommation personnelle, l’augmentation des surfaces et des parcelles révèle ainsi un dynamisme économique, tout comme la présence de parcelles de plantier, jeunes vignes dont le rapport devait attendre quelques années. Afin de diversifier leurs ressources, les Lunellois avaient donc aménagé les collines et la garrigue, autrefois réservées à l’activité pastorale. Dans les régions méditerranéennes, la vigne peut occuper deux positions distinctes dans le paysage rural. Si elle reste parfois un élément ponctuel du paysage autour d’un village, à l’inverse autour des villes, elle peut représenter l’élément dominant de la « deuxième ceinture ». Ainsi à Montpellier, l’étude des compoix des années 1380 et 1450 montre que la vigne couvrait 60% de la surface (Reboul 2000, 62). A Narbonne, la localisation des parcelles de vignes autour du centre urbain apparaît aussi significative (Larguier 1996). Ainsi, la localisation et l’étendue de la surface occupée par la vigne permettent de caractériser le paysage agraire et le pôle de peuplement auquel il renvoie. Un paysage composé en majorité par les labours et réservant à la vigne un place ponctuelle ou isolée serait donc caractéristique des bourgs ruraux. A Lunel, l’espace décrit par le compoix n’a rien d’un paysage urbain même si la bourgade s’avère dynamique et établi au centre d’un solide réseau de communications. Pourtant les Lunellois considéraient Lunel comme une ville, le compoix en témoigne avec les termes en esta vila employés pour parler du centre (f° 271v), tandis que les villages du plat pays étaient désignés sous le nom de viletas. Le réseau de communication Le vocabulaire topographique du registre permet en premier lieu de classer les voies et les chemins. De la ville aux champs, des champs au lointain, se déploie un réseau dense. Le terme carrieyra est uniquement employé en ville, portant souvent le nom du personnage notable du quartier, par exemple la carrieyra de Peyre Lombart (f° 141v bis), ou bien témoignant de la particularité de la rue : la carrieyra de canastelies soit la rue des paniers (f° 239v). La carrieyra dessert donc un espace intramuros et est citée 325 fois dans le compoix. Les carrayrons constituent le réseau secondaire de communication reliant la ville à sa campagne, entre les grands axes. On en compte une centaine dans le manuscrit. Tous ont pour destination un terroir : lo carrayron dels plans (f° 148v), lo carrayron de las cabanas (f° 36v) par exemple. Empruntés par les paysans pour aller aux champs, ils tissent une toile autour de la ville, ouvrant sur l’espace extérieur immédiat. Le mot via est cité 33 fois dans le compoix, toujours comme confront. Ce terme semble associé à la plus petite forme de chemin, la moins praticable dans la mesure où la majorité des mentions restent vagues et interviennent souvent en deuxième confront, ce qui dénote une moindre importance. La via garde « un usage très

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Golfe d'Aigues-Mortes

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Fig. 6 : localisation des principaux villages cités dans le compoix et répartition des différentes cultures.

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LUNEL (HÉRAULT) ET SON TERROIR D’APRÈS LE COMPOIX DE LA FIN DU XIVe SIÈCLE

général, indifférencié, et le plus souvent sans complément pouvant l’identifier » (Abbé 2006, 516). Fait exception la via publica, citée à trois reprises dans le compoix et qui pourrait correspondre à la voie Domitienne, ancien axe majeur de circulation qui passe 3 km au nord de la ville (f° 141r). Il faut la distinguer du camin vielh de Montpellier, mentionné en tant que tel dans le compoix (f° 1r), qui fut la voie principale au Moyen Age (Raynaud, 2007). Trente-deux camins constituaient l’ossature des communications régionales, reliant Lunel aux villes plus éloignées. Leur nom indique généralement leur direction : camin de Montpelhier, camin de Someyre (Sommières), camin de Masselhargues ou encore camin de Melguer (Mauguio). On trouve aussi deux chemins célèbres échappant aux relations de proximité : le camin romieu qui conduisait les pèlerins à Saint-Jacques (f° 52r), et le camin salinie qui servait au transport du sel en longeant les étangs, de Sète à Saint-Gilles vers Nîmes et la vallée du Rhône. Le registre mentionne aussi quelques valats, fossés que l’on aurait tort de réduire à une fonction de drainage. En effet, les fouilles de la villa de Dassargues ont montré que l’un d’entre eux, le valat vuidie, avait fait l’objet d’un aménagement destiné à favoriser l’accostage des barques (Garnier et alii 1995, 47-48). D’autres cours d’eau, comme la Capouillère de Saint-Julien, faisaient à la même époque l’objet de curages et d’entretien, afin de faciliter la circulation venant ou allant vers les étangs (cart. Psalmodi, f° 89). La partie sud du terroir de Lunel, autour du Mas Desport, était désignée par le vocable palus et correspondait à une zone palustre de l’étang de Mauguio. C’est dans cet espace lagunaire que fut creusé le canal de Lunel dès le Moyen Âge (Raynaud 2007). Le compoix mentionne un tènement de robina, qui renvoie au canal aussi nommé canal de la Robine. Un tel aménagement ne manquait pas de guider les Lunellois dans leur perception de l’espace. Le terroir lunellois est ainsi aménagé et organisé en fonction des ressources propres à chaque espace, mais aussi en fonction des besoins de la population. Toutefois, sans le centre urbain à l’origine de toutes les dynamiques, une telle structuration de l’espace n’aurait pas lieu d’être.

L’HABITAT EN LUNELLOIS La ville à travers le compoix (14) La première observation qui ressort de la structure du compoix c’est le découpage en gacha, quartier qui se rapportent au « guet ». Ce découpage n’est pas

seulement voué à la sécurité, les gaches étant aussi associées au calcul et à la collecte de l’impôt qui se fait quartier par quartier. La ville communique avec l’espace qui l’entoure : elle revêt certes un rôle défensif, mais l’ouverture et les rapports avec l’extérieur lui sont essentiels. La plupart des portes sont associées à une gache qui est aussi bien lieu de vie que de culture : gacha et portal de Montpelhier, de Bocarie, de Caturargues, Seguin, Martin, de Campnau et Condamina. Le compoix fait aussi mention de deux portes sans gache correspondante : portal pame (f°39r) et portal saldon (f°41r). L’aspect défensif est rappelé par les mentions d’aleya de portal, désignant le chemin de ronde de la porte, reconverti puisqu’il supporte des habitations (f° 17r). Au-delà de l’enceinte, les dogas (douves) ceinturent la ville tout en faisant office d’extrême limite de l’espace urbain. Elles représentent le deuxième élément défensif, même si les Lunellois se sont approprié leurs berges pour cultiver leurs jardins et leurs vergers. Notons qu’au XVIIIe siècle la topographie de la ville était analogue à celle présentée dans le compoix du XIVe siècle : le grand fossé, les gaches, les portes et les rues principales continuent de structurer l’espace urbain tel qu’il apparaît sur un plan détaillé (ADH, G 1722) (fig. 3). Ainsi, en cette fin de Moyen Âge, on peut estimer que l’extension de la ville avait atteint un périmètre qui s’est stabilisé. Le bâti urbain et périurbain Ostals, cazals et mas composent la typologie des bâtiments déclarés dans le registre. Il est difficile de se faire une idée précise de ces maisons, qui ne sont pas décrites dans le compoix (15). 1179 ostals sont déclarés seuls et 33 accompagnés d’un jardin ou d’une cour. Une seule mention de maison comporte un étage (occ. solie ; f° 161v), qui pouvait servir de chambre ou de grenier. Le terme de cazal est lui aussi présent (f° 84v) dans les déclarations, désignant vraisemblablement un petit bâtiment de stockage d’outils, attenant à une maison, à un jardin, à un verger, ou même à une aire à dépiquer. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la quasitotalité des mas déclarés dans le compoix, soit 33, se situent en ville, parfois dans une des rues principales (f° 172v), associés à des vergers ou des maisons, ce qui est paradoxal par rapport à l’idée habituelle que l’on se fait du mas comme étant une exploitation rurale et isolée. Le registre présente la mention suivante : un ostal que es mas (f° 134v bis) avec la précision en que es son molin d’olivas. Toutefois, l’idée de mas comme habitat isolé et rural n’est pas à exclure, car le compoix mentionne deux mas qui d’après les confronts ne se situent pas en ville. Le mas den Marges, au nom évocateur, se compose d’un ostal et de vignes, le seul confront cité étant une via

(14) Dans le travail de maîtrise que synthétise cet article, j’avais fait le choix de ne pas traiter toutes les informations du compoix évoquant la ville. En effet, la multitude d’éléments précis (concernant les rues et le bâti intra-muros) pourrait constituer à elle seule un travail de recherche. L’étude urbaine exposée ici n’est donc qu’une première ébauche. (15) Il existe tout de même quelques exceptions de maisons à vocation particulière ou de groupes de bâti significatifs, dont les exemples sont déclinés plus loin dans le texte.

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(f° 110r). D’autre part, les parcelles de vigne qui entourent le bâtiment appartiennent toutes à des propriétaires différents : en l’occurrence, se peut-il qu’un ancien domaine foncier ait été démantelé à la suite d’évènements conjoncturels ou successoraux, ou bien doit-on abandonner l’image du domaine d’un seul tenant ? Le mas del Templi est composé d’un bâtiment appelé mas et de parcelles de vignes et d’oliviers (f° 5v). Sa localisation hors de la ville ne fait aucun doute car il confronte la garriga, au nord du finage. Il serait là aussi question d’un ancien mas, dont le corps de ferme et les terres environnantes auraient été divisés à un moment donné. Peut-être appartenait-il aux templiers, comme le laisse supposer le nom du lieu ? Toujours concernant l’habitat isolé, il faut mentionner le lieu-dit la bastida, cité comme tènement mais aussi comme lieu d’habitation : messie Peyre Gleyas déclare en effet une maison nommée la bastida (f° 28v). Dans le Biterrois, les bastides sont assimilées à de grandes fermes, comprenant des bâtiments et des terres. Plus largement, en Languedoc central et oriental comme en Provence, elles sont caractéristiques de l’habitat dispersé de la fin du Moyen Age (Durand 2003, 205). L’habitat isolé en Lunellois demeure un élément ponctuel du paysage plutôt qu’un groupe de bâtiments et de terres bien structuré. Les mas et bastida cités à l’instant font figure d’exception et confirment que la population se concentre bel et bien en ville ou dans les villages, l’habitat dispersé restant exceptionnel en cette fin du XIVe siècle. Les prospections archéologiques confirment d’ailleurs sa discrétion dans la plaine. Les faubourgs Le compoix ne fait pas la distinction entre la ville et d’éventuels faubourgs. A Lunel, rien ne permet d’identifier une extension de l’habitat hors des murs, le terme de barri n’apparaissant jamais dans nos sources. N’y a-t-il aucun faubourg à Lunel au XIVe siècle ? Aux alentours du portal montpelhier sont pourtant déclarés 4 ostales et 6 cazals, avec des jardins ou des vergers (f° 207v). Th. Millerot, après étude des archives, formule l’hypothèse qu’en 1247 l’ancienne enceinte a été agrandie au nord, « où se trouvaient déjà les anciens faubourgs », mais cette interprétation reste mal fondée (Millerot 1993, 61). Ces faubourgs auraient été englobés par la nouvelle fortification, ce qui expliquerait qu’un siècle plus tard il n’y ait plus de trace de faubourgs, sauf peut être un groupe de maisons près des portes. Un équipement adapté aux étapes du travail agricole L’équipement du finage apparaît largement consacré à l’agriculture, et plus précisément aux céréales. Les Lunellois sont nombreux à déclarer une aire et ils en possèdent parfois deux à des endroits différents. Peyre Gent et Peyre Lombart (f° 4v et f° 150r), placés en tête des déclarants les plus possessionnés du compoix, s’assurent ainsi deux lieux de battage au plus près de

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leurs terres. La majorité des aires sont situées près de la ville mais on en trouve aussi au centre du terroir céréalier, par exemple au lieu-dit Cros Redon (f° 28v) situé près des Fourches de Saint-Julien et de Cantadu, non loin d’un lieu-dit on ne peut plus parlant : les Ayras Vielhas. La toponymie est en cela très révélatrice, puisqu’un autre lieu voisinant Cantadu se nomme Caucadisse, mot formé à partir du verbe occitan caucar qui signifie « fouler », le caucadisse étant le « lieu où l’on foule ». Trente-trois aires sont déclarées à Lunel mais leurs surfaces sont rarement précisées. Quand c’est le cas, elles varient de 0,5 carterée à 2 sétérées, c’est-àdire de 2 à 40 ares. A côté de l’aire se plaçait parfois le moulin, cité une seule fois dans le compoix (f° 259r). Par ailleurs, le compoix offre peu d’indications concernant les fours, sept seulement étant mentionnés parmi lesquels trois sont déclarés comme biens. Le seul que l’on puisse situer est le forn de Nozet, certainement proche de SaintJean-de-Nozet, et qui témoigne peut-être d’une population résiduelle dans l’ancienne villa carolingienne. Le stockage des récoltes s’opère généralement en ville, d’après les informations du compoix qui signale les lieux de conservation : le palhe (grenier à paille, à fourrage et à grains), le trinal (ou tinal, cave à vin) et le selie (le cellier). La dernière étape, le maillon final de cette chaîne économique, c’est la vente. Le compoix distingue deux types de magasins : les boutiques (botiguas) et les ateliers ou ouvroirs (obradores) qui sont réservés à l’artisanat. Trois boutiques et sept ouvroirs sont déclarés dans le manuscrit, sans plus de précision. Leur localisation permet de deviner la particularité de la rue ou du quartier dans lequel ils se trouvent: par exemple la Frucharie (f° 326r) le marché aux fruits, ou encore la Draparie (f°264r) qui renvoie à l’artisanat du tissu et du drap. Le compoix de la fin du XIVe siècle comporte les vestiges d’une série de transformations, tant au niveau du peuplement que de la structuration du terroir. A partir du XIe siècle, le castrum Lunellum s’impose comme un centre de décision et de pouvoir. Son dynamisme économique va attirer une population croissante venant des villages alentour, qui n’évoluent pas tous de la même façon et conservent des statuts distincts. Les informations du compoix offrent un truchement intéressant pour étudier cette évolution. L’évolution des anciennes villae On peut distinguer deux tendances. La première concerne des villages, anciennes villae pour la plupart, qui restent sous la juridiction de Lunel au XIIIe siècle depuis une date inconnue mais en relation avec l’apparition du castrum féodal. Il s’agit de Lunel-Viel, Saint-Nazaire-de-Pézan, Marsillargues, Saint-Just, Saint- Julien de Corneilhan, Villetelle, Obilhon, Montels, Lansargues, Saint-Sériès et Saint-Denis-de-Ginestet (fig. 8). Ces villages endossent un statut particulier en devenant des viletas, forme occitane du mot villa. Ce terme de villette est cité deux fois dans le manuscrit par deux déclarants qui mentionnent des terres alas viletas, terme générique qui désigne en définitive l’ensemble du « plat pays » (f° 68r, f° 171v). En plus de témoigner

LUNEL (HÉRAULT) ET SON TERROIR D’APRÈS LE COMPOIX DE LA FIN DU XIVe SIÈCLE

Tènements Dassargues Saint-Andrieu Saint-Jean-de-Nozet Saint-Estève Cabrières Aires-Vieilles Saint-Paul-de-Cabrières

Nbre de mentions 125 111 74 49 26 25 4

140

Vilettes Saint-Just Saint-Julien-de-Corneillan Saint-Nazaire-de-Pezan Lunel-Viel Viletelle Marsillargues Saint-Denis-de-Ginestet Montels Obilhons Saint-Sériès Lansargues

Nbre de mentions 56 53 46 32 28 22 10 10 7 5 2

120 100 80

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Dans le compoix, le terroir des villettes est pris en compte dans sa globalité, les tènements concernés étant d’ailleurs désignés par le nom du village dont ils dépendent, sans mention de lieu-dit. Parmi les plus densément exploitées par les Lunellois, se trouvent les terres de Saint-Julien-de-Corneilhan et de Saint-Nazairede-Pézan au sud de Lunel, celles de Lunel-Viel à l’ouest et enfin celles de Villetelle au nord. Ces villages ont pourtant résisté à l’attraction du castrum, car ils étaient déjà solidement implantés et c’est seulement une faible part de leur finage qui ressort de propriétaires lunellois, l’essentiel des terroirs étant exploité par les villageois. Les trois premiers sont des villages de plaine, regroupant depuis l’Antiquité la majorité de la population. Il s’agissait donc de terroirs attractifs, humanisés et

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d’une évolution de l’ancien statut carolingien de villa, le compoix introduit ici une dimension du quotidien où la langue vernaculaire fait désormais autorité. Ces vilettes participaient à la vie politique de la seigneurie puisque chacune disposait d’un syndic, deux pour Lunel-Viel, syndics élus et siégeant aux côtés des syndics de Lunel. Ce partenariat décisionnel se doublait d’accords et d’échanges commerciaux divers. Dans le plat pays, ces villages relayaient l’autorité, mais aussi le dynamisme économique du centre urbain, même s’ils restaient sous sa domination (16).

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Fig. 7 : nombre de mentions des anciens sites alto-médiévaux cités comme tènements dans le compoix.

Fig. 8 : nombre de mentions des villae devenues villettes.

équipés, atouts toujours actifs à la fin du XIVe siècle. Selon les mentions textuelles et les données archéologiques, Villetelle correspond par contre à une création plus récente, peut-être contemporaine de celle du castrum, s’inscrivant dans la dynamique démographique qui a poussé les populations à défricher la garrigue pour s’installer dans des terroirs jusqu’alors peu fréquentés (Raynaud, à paraître). La mise en valeur de ce terroir de garrigues a pu être stimulée par l’élevage dans un premier temps, puis grâce à la vigne, culture dominante à Villetelle dès le XIVe siècle, comme le montre le compoix de Lunel. L’autre tendance concerne les anciens habitats ou habitats intercalaires qui d’après les fouilles archéologiques, se sont peu à peu vidés de leur population, particulièrement aux XIIe et XIIIe siècles. Dans le compoix, les sites concernés sont Saint-Jean-deNozet, Dassargues, Desport, Obilhion et Saint-Paul-deCabrières (fig. 7). Les données archéologiques témoignent de la désertion progressive de ces anciennes villae au profit du castrum (Granier et allii, 1995). L’ancien terminium a ainsi été absorbé par le territoire castral, les traces d’une occupation antérieure subsistent

(16) Th. Millerot présente dans son ouvrage la transcription d’une transaction entre Rosselin II, seigneur de Lunel et les habitants des villettes de la baronnie, qui présente l’ensemble des privilèges et des obligations des villettes au XIIIe siècle (Millerot 1891, 456-464).

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ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 25 - 2007

à travers les noms des villae conservés dans le compoix, sous leur forme occitane. Les églises qui complétaient les établissements du Haut Moyen Âge subsistent parfois, derniers vestiges des anciennes paroisses : c’était le cas pour Desport avec Madona de Ports et Sant Peyre de Ports et Dassargues avec une église devenue prieuré : lo prio de Dassargues. A Dassargues, les fouilles ont montré en effet que l’église, au cœur des installations agricoles et de bâtiments désertés, restait fréquentée au XIVe siècle. Anciens ressorts de la dîme, ces églises conservaient ainsi une place dans le finage castral, position qu’elles gardèrent souvent jusqu’à la fin de la période moderne. Le manuscrit renvoie à des tènements densément exploités, ce qui était déjà le cas durant le Haut Moyen Age. Ici encore, terroirs attractifs et exploitation séculaire ont garanti l’adaptation des anciennes structures foncières au finage médiéval. CONCLUSION Document fiscal ayant pour vocation première d’organiser la levée de la taille, le compoix autorise, par la précision des données rassemblées ainsi que par la diversité des biens qu’il énumère, de multiples approches. L’analyse des biens déclarés permet de mesurer les disparités sociales, de recenser les usages et les diverses redevances, d’appréhender un accès à la propriété peu homogène, autant d’éléments qui constituent la trame socio-économique de la population castrale de Lunel. Au-delà des informations concernant la société, ce sont les aspects défensifs, économiques et politiques de la ville qui sont mis en relief grâce au système de communication et d’aménagement du territoire, dont les éléments structurants étaient bien identifiés par les contemporains. Les données du compoix permettent également une étude de la composition et de l’organisation du finage lunellois ainsi que de son mode d’exploitation, étude qui ne se limite pas à une image figée mais intègre les traces multiples de l’héritage alto-médiéval, qui exerçait une réelle influence sur la mise en valeur du terroir. Grâce au manuscrit, on distingue l’aboutissement du processus castral qui voit l’émergence d’un bourg au sein du plat pays qui l’entoure. D’un point de vue démographique, on peut retenir deux aspects. Tout d’abord, il faut noter le maintien d’une partie de la population du finage lunellois en lieu et place des anciens habitats du Haut Moyen Âge, devenus des villages-relais, les villettes : Lunel-Viel, St-Just, StNazaire, Valergues, Lansargues... Pour les villae proches du castrum, on constate l’absorption des populations par le centre urbain lunellois, qui se manifeste par une mention du lieu-dit uniquement comme lieu de culture et non plus comme lieu de vie. Aussi, du point de vue agraire, peut-on constater que les anciens sites altomédiévaux occupent une place non négligeable dans le paysage rural : c’est la cas de Dassargues, SaintAndrieu, Saint-Jean-De-Nozet, ou encore Saint-Estève qui se révèlent être des espaces densément exploités encore au XIVe siècle.

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D’autre part, les données du compoix offrent un aperçu du phénomène urbain et de son dynamisme vers la fin du XIVe siècle. Lunel devient alors un centre urbain d’importance locale, avec une population qui oscille autour de 5000 habitants. Le territoire est organisé et traversé par des axes de communication majeurs, mais on peut se demander si la structuration du terroir castral dénote un statut « urbain » ou si au contraire il reste dans une situation rurale ? A Montpellier, à la même époque, la ville est entourée à 60% de vignes, de même qu’à Narbonne où la surface occupée par le vignoble est également majoritaire. A Lunel, malgré une forte présence de la vigne, cette culture reste minoritaire aux abords du castrum. Par ailleurs, les données concernant les terres en friche confirment que la viticulture connaissait alors des difficultés : sur 180 parcelles déclarées en friche dans les années 1390, 87% étaient des vignes. Certes, le terroir lunellois n’est pas celui que l’on observe autour des grandes villes du bas Languedoc. Malgré son essor indéniable et sa prééminence au sein du peuplement local, Lunel reste donc au seuil de la classe des agglomérations urbaines. Le niveau démographique ne suffisant pas à faire passer la viticulture de marché devant les cultures vivrières, Lunel conserve un paysage rural, dominé par la diversité des cultures et l’émiettement de la propriété. De même, intra muros, la composition sociologique révèle l’absence de métiers organisés et reste dominée par une écrasante majorité d’agriculteurs. A bien des égards, l’instantané socio-économique offert par le compoix de la fin du XIVe siècle offre l’image d’un aboutissement. En effet, l’agglomération atteint alors l’extension et le cadre qui restèrent les siens jusqu’au début du XIXe siècle, de même que sa population qui ne s’élèvera guère au delà de 5000 habitants. Après le départ -forcé- de la population juive un siècle auparavant, Lunel a perdu l’essentiel de son capital intellectuel, restant désormais confinée à ses fonctions de bourg rural, de ville du plat pays.

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LUNEL (HÉRAULT) ET SON TERROIR D’APRÈS LE COMPOIX DE LA FIN DU XIVe SIÈCLE

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Site internet : http:/www.mailxxi.com/fiscalitat/Glossairelist.asp ; ce site propose un glossaire de fiscalité médiévale en ligne, concernant surtout l’Occident méditerranéen et répertoriant un millier de termes pour l’instant. Pour chaque type d’impôt, une définition complète ainsi qu’un renvoi bibliographique sont donnés.

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