4 juillet 1915

Page 1. 4 juillet 1915. Cher Edouard. J'ai reçu ta lettre hier soir je te remercie bien des soins que tu donnes à mon jardin en pensant à moi, je partage la ...
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4 juillet 1915 Cher Edouard J’ai reçu ta lettre hier soir je te remercie bien des soins que tu donnes à mon jardin en pensant à moi, je partage la fraternité de tes sentiments, et c’est en vertu de notre bonne amitié que je vais me permettre de t’engueuler [d]ans une lettre que je t’avais envoyé et que tu n’as pas reçu au moment ou tu as quitté l’hopital je t’expliquais déjà que tu avais tord d’avoir des remords de conscience. Je ne pense pas qu’Armand t’encourage dans cette voie ni tes amis. Alors ? quelle idée te fait tu de la guerre actuelle. Ne te base pas sur ce que racontent les journaux, ni sur leurs photos tirées à Vincenne ou en 6e ligne et qui nous font rire, ainsi que leurs rapports et interviews sur les actes, et le moral des troupes tout cela est bêtes et faux, ceux qui les font paraitrent, travail pour endormir la foule, mais ils ne sont jamais venu au feu. Ici, c’est un autre son de cloche tout le monde en a assez. Quand il faut faire la guerre, retranchés derrière les cadavres dégageants une odeur épouvantable, y dormir manger etc 6 jours de suite, ayant des masques contre l’asphixy de la vaseline pour s’enduir le visage et les mains en prévision d’un arrosage de vitriol, être assez près des boches pour se battrent qu’à coup de grenades, sans compter les obus fusants ou percutants, qui tombent ou partent sans arrêt ce n’est pas la guerre, c’est un voyage en enfer, et quand il faut sortir des trous pour marcher contre les mitrailleuses, tout le monde a mal au ventre jeunes et vieux, et chacun ne désir qu’une chose être blessé, même en perdant un membre pour pouvoir sortir de là. Je ne doute pas de ton courage, mais tu te ferais foutre de toi, par les camarades en arrivant sur la ligne, car tout le monde ici n’a qu’un désir revoir les siens, donc toi ne les quittes pas de ton plein gré. Et un de plus ou de moins il y a assez de fils a papa solides gaillards qui se planquent. Dans le bataillon il y a peu de rupins, dans toute l’infanterie c’est la même chose. Je suis toujours au cantonnement nous ne partons pas encore aux tranchées aujourd’hui et bien, c’est la vie de caserne dans toute l’acceptation du mot. Hier, nous avons fait en pleine chaleur (départ à 13h) par un temps lourd une marche militaire le matin il y avait revue de cuirs. Aujourd’hui dimanche revue en tenue de sortie, je suis consigné au cantonnement, tant que la tondeuse n’aura pas transformée mon crâne en tête de veau, j’ai pourtant 2 centimêtres de cheveux sur le devant le tour de ma tête est a ras, esque je ne suis pas bien comme cela pour avoir

la gueule cassée demain ou après. Je m’arette de tout ce que je vient de te dire, j’en ai cent exemples, il y en a que je ne voudrais écrire je te les raconterais, si j’ai le bonheur de rentrer. Tu as une famille, c’est auprès d’elle qu’est ton devoir, cette c’est ton œuvre. Mais la guerre, c’est l’œuvre des autres, qui ne vous valent pas c’est assez quand on est forcé d’y figurer. Crois donc en mes sentiments fraternels qui me dicte ces paroles et dans l’espoir de t’avoir convaincu. Je t’embrasse, embrasse toute notre chère famille pour moi. Ernest