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007 Spectre

ça Bond mou

M 01154 - 1041 - F: 3,50 €

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affreux, sales et bruyants

génération zombie

bienvenue dans un monde sans sommeil

Allemagne 4.40 € - Belgique 4 € - Cameroun 3400 CFA – Canada 6.99 CAD – DOM 4.80 € - Espagne 4.30 € - Grèce 4.30 € - Italie 4.30 € - Liban 11 000 LBP – Luxembourg 4 € - Maroc 42 MAD – Maurice Ile 6.30 € - Pays-Bas 5.90 € - Portugal 4.30 € - Royaume-Uni 6.30 GBP - Suisse 6.50 CHF – TOM 960 XPF – Tunisie 7 TNM

No.1041 du 10 au 17 novembre 2015 lesinrocks.com

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cher Robert Ménard par Christophe Conte

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u es prêt à tout pour Béziers. Prêt à tout pour buzzer. Prêt à toutes les bouffonneries extrêmedroitistes d’opérette pour exciter la bien-pensance, pour qu’on te titille le point Godwin et que ta jouissance de traître à la République atteigne sa plénitude. Tu es un peu le pendant masculin, franchouillard et désenchanté d’Afida Turner. Tu exhibes ton antipathie comme elle ses panties, tu te dépoiles idéologiquement un peu plus chaque jour, tes décrets et mesures sont les mamelles outrancières qui nourrissent les réseaux sociaux, la moindre de tes sorties médiatiques relevant

de la psychiatrie ou du fantasme beauf le plus inavouable. Comparés à toi, les autres maires Bleu Marine paraissent bien pâles, comme des Schtroumpfs en leurs villages dont tu serais le Gargamel. La Schtroumpfette elle-même, j’en suis convaincu, s’étonne de n’avoir rien eu à faire pour attirer à elle un si zélé et froid exécuteur de basses œuvres. Voici quelques semaines, les frontistes bas du front – si tu m’autorises ce pléonasme – en ont mouillé leur liquette brune en te voyant, bardé d’une écharpe tricolore à laquelle tu fais honte, débarquer chez des réfugiés entouré de ta milice municipale

pour leur signaler qu’ils n’étaient pas “les bienvenus” dans ton bled. Ton journal de propagande, petit rapporteur sans frontières, hormis celles de l’indignité, titrait d’ailleurs au même moment : “Ils arrivent !”, et illustrait cet appel sournois aux barricades et à l’autodéfense par une photo manipulée, prise en Macédoine. Tel un polichinelle dans le terroir, tu t’es attaqué depuis à une autre prétendue menace, déjà active selon toi : celle du kébab. “La race blanche oui ! La sauce blanche non !”, aurais-tu pensé tout bas, pour embrayer sur les délires de ta récente invitée et afin de stopper l’invasion culinaire des échoppes servant ces sandwichs pas très “judéo-chrétiens”. Les restos chinois ou japonais, c’est pas bien judéo-chrétien non plus, mais ça tu t’en bats les steaks d’origine française parce que ça ne rentre pas dans ta croisade contre la bougnoulerie envahissante. Le fooding identitaire, voilà à quoi tu en es réduit pour qu’on te remarque, narcisse imbécile de la cuisine bien-de-chez-nous, cuistre cuistot des fonds de marmites pétainistes, top chef de la soupe au cochon pour vieux croutons rances de la France repliée. J’espère que sur cette belle lancée, tu ne vas pas t’arrêter en chemin et bannir ainsi les mathématiques, cette invention des Arabes, dans les écoles de ta riante cité. Il te faudra également interdire le shampoing, introduit jadis en Angleterre par un basané ; le café, que l’on doit à un gardien de chèvres éthiopien ; les échecs qui furent imaginés par un Persan et bien d’autres choses encore. Ah oui, ça va pas t’arranger mais il te faudra aussi supprimer les caméras – ainsi baptisées d’après le mot arabe “qamara” –, dont le procédé revient à un physicien nommé Ibn al-Haytham. C’était au Xe siècle, onze siècles avant que ta pitoyable trombine n’en occupe abusivement les focales. Je t’embrasse pas, j’ai un mouton sur le feu. 10.11.2015 les inrockuptibles 3

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No. 1 041 du 10 au 17 novembre 2015 couverture par Philippe Garcia pour Les Inrockuptibles

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billet dur édito debrief recommandé interview express Vincent Dedienne événement régionales de décembre :

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le monde à l’envers nouvelle tête Swann Arlaud la courbe à la loupe démontage futurama style food

Stephan Zaubitzer/Picturetank

quels sont les véritables enjeux ?

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36 cette semaine sur

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addiction aux jeux vidéo, aux réseaux sociaux ou injonction à la performance professionnelle : le sommeil s’efface de plus en plus de nos nuits. Et de nouvelles molécules s’en mêlent… Enquête

50 Sleep de Max Richter

le compositeur germano-britannique est l’auteur d’une pièce de plus de huit heures basée sur les cycles du sommeil. Rencontre

54 James Bond mou

Jonathan Olley/Danjaq LLC/EON/MGM/Columbia

40 génération zombie

Spectre, le dernier épisode de 007, oscille entre noirceur et autocitation. Décryptage sur les traces de The Clash et The Fall, le gang londonien s’apprête à foudroyer le festival les inRocKs Philips. Portrait

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Scarlett Carlos Clarke & Rob Hawkins

60 Fat White Family… en or

62 Arte fête le docu du 15 au 20 novembre, le Festival du documentaire d’Arte regarde le monde en images

66 Svetlana Alexievitch dérange

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cinémas Francofonia, L’Etage du dessous… musiques Perez, Jain, Laurel Halo… livres Joyce Carol Oates, Gilles Deleuze… scènes Bella figura, Le Dibbouk expos la Fondation Aïshti à Beyrouth… médias l’Eglise de scientologie…

ce numéro comporte un supplément “Next festival” jeté dans l’édition abonnés France et l’édition kiosques Nord-Pas-de-Calais

62 Philippe Halsman/Magnum Photos

malgré son Nobel, l’auteur biélorusse fait l’objet d’attaques incessantes dans son pays ou en Russie. Entretien

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Saul sur terre Curieux débat ouvert par nos confrères de Libération (4 novembre) à propos du Fils de Saul. Tels des sportifs se plaçant en bordure du terrain et se plaignant qu’il n’y ait pas de match, Julien Gester, Clément Ghys et Didier Péron regrettaient l’absence de controverse autour du film de László Nemes. Ils sont journalistes et critiques de cinéma, il ne tenait donc qu’à eux de lancer l’assaut. Commentant le contexte plutôt que l’œuvre, ils ont vu un film “aussitôt applaudi et validé comme chef-d’œuvre indiscutable”, omettant la critique cinglante parue dans les Cahiers du cinéma au moment du Festival de Cannes ou n’imaginant pas la possibilité de réserves telles que celles exprimées par Jacques Mandelbaum dans Le Monde (4 novembre). Libération poursuivait en déplorant le “cordon de sécurité” autour de Nemes, formé par les historiens Annette Wieviorka et Christian Delage ou le philosophe Georges Didi-Huberman, tous supposés “embedded” dans le marketing du film. Dénoncer une hypothétique “abdication intellectuelle” tout en disqualifiant ladite parole intellectuelle en la rabaissant à un simple outil promo, c’est un peu gros. Il est vrai que Libé n ’appartient pas au monde impur du commerce et a fait sa couve et son “événement” sur le film uniquement par pure vertu désintéressée. Cependant, Gester, Ghys et Péron touchent un point juste sur le constat. Quelques décennies après les textes d’Adorno, de Jacques Rivette (De l’abjection) et de Serge Daney (Le Travelling de Kapo) sur le lien entre éthique et esthétique, après la controverse de La Liste de Schindler et la suspicion lanzmannienne sur la possibilité de figurer fictionnellement la Shoah, le débat existe encore mais s’est considérablement apaisé. Plutôt qu’un délitement intellectuel, on peut voir dans ce retour au calme le signe d’un changement d’époque. Les rescapés des camps disparaissent et il revient aux artistes (et au public) des générations d’après de s’approprier la transmission de cet événement par d’autres moyens que le témoignage ou le document d’archives. D’autre part, le monde des images a considérablement évolué depuis Rivette et Daney. Prendre leurs textes au pied de la lettre à l’ère de YouTube ou d’Assassin’s Creed

semble légèrement anachronique. Bien sûr, il existe toujours des images dégueulasses mais le curseur a brutalement bougé sous l’effet des clips de Daesh, des home-vidéo d’Abou Ghraib, des selfies-quenelles ou des images militaires qui nous vendent la guerre “propre”, entre autres mille exemples. A cette aune, que l’on apprécie ou pas son film, difficile de voir en Nemes un cinéaste “abject”, pour reprendre la terminologie rivettienne. Plutôt que morale, la question du Fils de Saul nous apparaît plutôt du côté de son utilité, comme le formule Mandelbaum : “Que nous importe de voir Auschwitz ? Et pourquoi le voudrions-nous ? Au nom de quelle nécessité ?” Certes, surtout si on a vu Shoah ou lu quelques livres essentiels sur le sujet. Mieux vaut savoir que voir. Et en même temps, sauf à faire des camps un sanctuaire sacré irreprésentable, pourquoi pas ? Nous qui n’avons pas vécu Auschwitz avons chacun notre représentation intellectuelle et mentale de ce lieu et on ne voit pas qui pourrait prétendre détenir une morale univoque et absolue en la matière. Je n’ai aucune envie de revoir Le Fils de Saul, film éprouvant, impitoyable, non consolateur, mais je n’oublie pas sa rigueur intellectuelle et formelle, sa puissance de confrontation avec le spectateur. Un film plus proche en cela du Salò de Pasolini que de La Liste de Schindler de Steven Spielberg. Loin du spectacle que Libé redoutait sur sa une.

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avoir la folie des glandeurs grâce aux inRocKs La semaine dernière, un valet servile de l’ordre établi, la structure et le système qui absorbent le sujet, le monde qui revient et merci pour rien.

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on cher Inrocks, “les moments de glande sont d’une intensité effarante”, jure Jaco du groupe Odezenne qui fait ta couve. Les sérieux, les besogneux, les rigoureux, les méthodiques, les motivés, organisés, appliqués, ne savent pas ce qu’ils perdent. Ils passeront à côté de l’incomparable volupté que connaît celui qui décide de ne plus se lever le matin. Ils ne connaîtront pas l’ennui délicieux, le temps qui s’allonge, les heures passées devant un match de curling dont on découvre les règles, ou à contempler une botte de carottes qu’on se refuse à éplucher, le cerveau engourdi plus puissamment que par n’importe quelle drogue. Ils ne seront pas touchés par la grâce d’observer le monde qui s’agite et de ne pas en être tout à fait. Je suis chez moi. Je passe du bureau au canapé, du canapé à mon lit, de mon lit au réfrigérateur, et de mon réfrigérateur à mon Inrocks, bien décidé à laisser filer cette journée, à faire le vide, principe zen appliqué rigoureusement à ma nouvelle vie d’inemployé. Une méthode imparable. “Tourner en rond est vraiment une condition pour écrire”, dit Odezenne. Ma chronique viendra. Tout vient à point à qui sait glander. Mais voici que les tentations m’assaillent : “Fais quelque chose de ta journée, Gamelin ! Bouge-toi ! Dresse une liste de tâches ! Bosse, ducon !” Je me mords les doigts et résiste. Penser à Michel Foucault. Ne pas laisser la structure et le système “absorb(er) le sujet” que je suis. Le flic en moi, “valet servile de l’ordre établi”, insiste : “Le travail, c’est la santé. La vie appartient à ceux qui se lèvent tôt. Ressaisis-toi.” Mon bras, mécaniquement, se saisit d’un balai. Mon esprit louche sur ma chronique, ma mauvaise conscience songe aux factures en retard. Arrière ! Il faut s’accrocher, tenir quoi qu’il en coûte sa “démission par rapport à la vraie vie”. Je suis un démissionnaire militant. “Il faut travailler dur pour mériter sa démission”, explique Alix d’Odezenne. Renoncer à ces activités qui structurent nos vies et les étouffent est une entreprise colossale. “Ça demande une certaine forme de résistance de continuer à tout remettre en question après 25 ans.” J’ai 37 ans, et je regarde passer mes impératifs du jour. Je suis le Jean Moulin de la glande. Mais ma paresse vient s’opposer à ma glande. Immense flemme d’affronter les comptes que le monde me réclamera obligatoirement si je me soustrais à mes impératifs : “C’est le bordel chez toi !”, “Vous n’avez pas actualisé votre situation mensuelle !”, “Et où est-ce qu’elle est ma chronique ? On boucle le journal, là…” Le monde revient à moi et me sort de ma douce léthargie. Par paresse, je me mets à la tâche. C’est aussi bien comme ça. Merci le monde. “Merci, merci, merci, merci (…) thank you, grazie, merci beaucoup… Merci pour rien…” (John Giorno) Alexandre Gamelin

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une semaine bien remplie Du 12 au 15 novembre, Paris Photo accueillera plus de 140 galeries de 33 pays dans la nef du Grand Palais, mais se déclinera également en off partout dans la capitale. Notre sélection en 4 photographes et diverses propositions alternatives.

allemagne Brigitte Zieger

courtesy de l’artiste et galerie Odile Ouizeman, Paris

Avec ses “photographies maquillées”, Brigitte Zieger fait coïncider deux imageries a priori incompatibles et deux armes de destruction massive : la féminité d’une part, la violence armée d’autre part. Dans Women Are Different from Men, série réalisée en 2014 et présentée par la galerie Odile Ouizeman, c’est nous, spectateurs, qui sommes tenus en joue par ces femmes rebelles.

Women Are Different from Men 20, 2014

états-unis

courtesy Robert Koch Gallery, San Francisco

Robert Heinecken Culte et méconnu, le Californien Robert Heinecken (1931-2006) se définissait comme “paraphotographe”. Car s’il photographiait parfois, il concevait surtout ses collages et montages à partir d’images de magazines. Subversives, ses œuvres portent une réflexion toujours d’actualité sur la représentation de la femme et de l’homme dans une société consumériste, ou sur l’usage du médium. Ne qualifiaitil pas son travail de guérilla artistique ?

Recto/Verso, 1989

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Trial #2, de la série A Chairman’s Tale, 2015

le best-of du off Foam Talent jusqu’au 20 décembre, Atelier Néerlandais, Paris VIIe, atelierneerlandais.com Photo Saint Germain jusqu’au 22 novembre, festival photo regroupant quaranteneuf galeries à SaintGermain-des-Prés, Paris VIe, photosaintgermain.com Dust jusqu’au 17 janvier, le Bal, Paris XVIIIe, le-bal.fr Katja Stuke & Oliver Sieber jusqu’au 5 décembre, Temple, Paris IIIe, templeparis.com Geoffroy de Boismenu jusqu’au 28 novembre, galerie Art Ligue, Paris IIIe, artligue.fr

courtesy Temnikova and Kasela Gallery, Tallin

Pour les amateurs de livres de photos Polycopies jusqu’au 14 novembre, Berges de Seine, Port de Solferino, Paris VIIe, polycopies.net

france

estonie

Bruno Serralongue

courtesy galerie Air de Paris, Paris

Jaanus Samma Depuis 2007, Jaanus Samma centre son travail sur la mise en scène de la vie des homosexuels dans l’Estonie soviétique. Il a été sélectionné cettte année pour représenter son pays à la Biennale de Venise. Dans sa série A Chairman’s Tale, il retrace la vie d’un président de kolkhoze déchu, emprisonné et banni pour cause d’homosexualité. S’il condamne l’évidente violation des droits des LGBTI, son travail tend aussi à dénoncer toutes les discriminations.

Offprint jusqu’au 15 novembre, Beaux-Arts de Paris, Paris VIe offprintparis.com

Lessive dans le squat de l’ancienne usine Galoo Littoral (rebaptisée “Fort Galoo”) peu de temps avant son évacuation, Calais, mercredi 15 avril 2015

La “jungle” de Calais compte désormais près de 6 000 migrants. Bruno Serralongue documente depuis 2006 cette situation intenable. Il y est arrivé après la fermeture de Sangatte par Nicolas Sarkozy, y est retourné en 2008 et cette année encore, alors que l’afflux massif de réfugiés amplifie et aggrave la situation. Ses images réalisées à la chambre donnent à voir sans concession ce qu’il appelle un “bidonville d’Etat”. 10.11.2015 les inrockuptibles 11

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Pascalito

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“j’ai une basket dans la modernité, l’autre dans le désuet” Sur scène au Café de la Danse, Vincent Dedienne nous parle de son amour pour Hervé Guibert, du maire de Fréjus et de ses chroniques sur France Inter et Canal+.

u arrives nu sur scène au début de ton spectacle… Vincent Dedienne –  Ça me faisait rire, ce côté mise à nu. La frontière entre pudeur et impudeur me passionne, elle est très fine, un rien peut faire chavirer le navire. Arriver nu et s’habiller sur scène, ça raconte un peu aussi mon expérience du théâtre. Quand un acteur arrive, il s’habille, il se coiffe, il s’apprête… Ce spectacle existait déjà. D’où est venue l’envie de le reprendre au Café de la Danse ? L’année dernière, on a joué au Théâtre du Petit Hébertot, et après on a fini avec trois dates exceptionnelles au Café de la Danse. On a trouvé que c’était une belle salle et qu’elle allait bien avec le spectacle. Il y a du charme, on a eu les moyens de faire de belles lumières, et puis elle n’est pas du tout étiquetée “stand-up”. C’est une production de Laurent Ruquier. Comment l’as-tu rencontré ? Grâce à François Rollin, que j’ai lui-même rencontré par hasard, gare de Lyon. Les autres producteurs me disaient : “II faut ajouter 25 rires.” ou bien : “T’es pédé, il faut faire des blagues sur les pédés, c’est rigolo !” On ne me parlait pas du tout de mise en scène ou de théâtre, on me parlait d’efficacité. Puis Ruquier a vu la vidéo et il m’a dit l’inverse des autres : qu’il ne fallait le jouer que dans des théâtres, que c’était très hybride et que c’était ça qu’il fallait creuser. L’angle autobiographique, c’est venu naturellement ? Oui, car je n’écrivais pas du tout, sauf dans mes journaux intimes. J’ai toujours eu un journal, un truc qui n’est pas fait pour être lu. J’ai commencé à écrire pendant que je jouais un spectacle sur Hervé Guibert, où j’avais adapté son dernier journal d’hospitalisation. Ça a dû contaminer mon écriture. Ton journal intime ne l’était plus trop quand tu l’as lu devant Christiane Taubira sur France Inter… C’était vraiment ta page ?

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“j’aime bien faire miroir : Taubira, comme elle m’émeut, je fais miroir, et je l’émeus” Oui ! D’ailleurs, après la première du spectacle, ma régisseuse, après avoir bu trois mojitos, m’a avoué que Christiane Taubira avait appelé la production pour dire qu’elle viendrait, mais elle a annulé au dernier moment. Ça aurait été énorme. Sur Inter, tu dois rebondir sur l’actu, alors que dans ton spectacle, tu n’en parles pas. Tu préfères quel exercice ? Je ne suis pas du tout un gourmand d’actu. Sur France Inter, plus ça va, plus je me permets de ne pas y coller. Bientôt, j’aimerais faire un truc sur Anémone. On ne peut pas dire que ce soit une actualité brûlante ! Mais, sur Inter, je peux parler de ce que je veux alors que sur Canal, je suis obligé de parler de l’invité. Prendre la relève de Stéphane De Groodt, ce n’était pas trop de pression ? Si, un peu. J’ai dit au programmateur : “Je pense que les gens vont me haïr.” Mais je suis tellement incapable d’écrire comme lui que j’avais au contraire toute la place pour être moi. Ce qui a été plus compliqué, c’est de me trouver, moi. Je n’avais jamais écrit autant, je n’avais jamais fait de télé… Tu n’es pas méchant avec les invités. Mais parfois ça accroche, comme avec le maire de Fréjus. Dans ce cas, ça répond à la violence que le Front national agite en moi. J’aime bien faire miroir : Taubira, comme elle m’émeut, je fais miroir, et je l’émeus. David Rachline, comme il me violente extrêmement, je ne suis pas contre l’idée d’être plus agressif. Mais j’aime bien que ce ne soit pas frontal. Tu as grandi avec quelles influences politiques ? Je sentais juste que mes parents avaient une sensibilité de gauche. Je viens d’un tout petit village au milieu des vignes, avec des parents “institut éduc”, donc on m’a fait lire des livres assez tôt. On n’allait pas au théâtre, on allait très peu au cinéma. Les deux seuls films que j’ai vus étaient Pocahontas et Beethoven. On écoutait de la chanson française sur Nostalgie… Tu cites beaucoup Muriel Robin, Pierre Palmade et Sylvie Joly. Tu ne te sens pas proches de tes contemporains ?

Je suis très inspiré par Alex Lutz, Laurent Lafitte, François Morel, Chris Esquerre, et François Rollin évidemment. Mais c’est avec Muriel Robin que j’ai appris l’existence de ce métier et que j’ai senti que ça me faisait battre le cœur. J’étais très amoureux d’elle, je voyais quand elle redoublait d’énergie sur scène pour masquer des failles. Je n’ai jamais eu de snobisme sur les choses “ingrates” et sur les choses “nobles”. Il y a des choses très nobles dans les textes de Robin, et des choses très grossières chez Marguerite Duras, dont le rire ouvre mon spectacle. Tu n’as bizarrement que 6 000 abonnés sur Facebook et 7 000 sur Twitter. Pourtant, on a l’impression de te voir partout. Comment l’expliques-tu ? J’ai l’impression d’être assez confidentiel, ce qui me va très bien. Sur les réseaux sociaux, je ne fais pas de vannes et je ne parle pas de l’actu. Pour tweeter, il faut être dans le coup. Moi, je suis un peu ringard. On dirait que tu as une espèce de complexe d’illégitimité à être là, à prendre la parole… J’ai l’impression qu’on est venu me chercher pour ça. J’ai une basket dans la modernité, l’autre dans le désuet. J’ai du mal à m’insérer dans une logique de showman… Là, je fais mon spectacle et mes chroniques sur France Inter et Canal, mais demain je ferai autre chose. Tu voudrais faire quoi, après ? Depuis peu, j’habite à côté d’un cinéma, du coup je deviens un peu cinéphile. Je n’avais jamais rêvé de cinéma mais plus je vois de bons films, plus je me dis que c’est idiot de ne pas être dedans ! Les derniers qui m’aient marqué, sont Vice Versa… Valley of Love, aussi, de Guillaume Nicloux, et La Loi du marché de Stéphane Brizé. Je suis fou du cinéma de Brizé, comme j’étais fou du cinéma d’Alain Resnais. propos recueillis par Maxime de Abreu et Marie Turcan S’il se passe quelque chose… jusqu’au 30 décembre (en alternance), Paris (Café de la Danse) lire l’intégralité de l’entretien sur 10.11.2015 les inrockuptibles 13

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Romuald Meigneux/Sipa

La “Versaillaise” (Valérie Pécresse) contre le “baron du 9-3” (Claude Bartolone), c’est le duel annoncé enIl e-de-France. Rosny-sous-Bois, mai 2015

les régionales en questions Alors qu’une vague bleue, voire Bleu Marine, devrait submerger les régions socialistes, quels sont les véritables enjeux de l’échéance de décembre ?

L

e 6 décembre, la France métropolitaine passera de vingt-deux régions à treize “super-régions”. Alors qu’il y a cinq ans, la carte de l’Hexagone était devenue presque exclusivement socialiste, il s’agira pour le PS cette année de sauver les meubles. Les Républicains (LR), alliés avec l’UDI, surfent sur leur statut de grand favori et tentent de faire oublier leurs divisions internes en vue de la primaire de 2016. Mais surtout, pour la première fois, le Front national est en tête des sondages dans deux collectivités et va pouvoir installer des conseillers régionaux dans la quasi-totalité des assemblées. Alors que l’abstention s’annonce encore une fois record, tour d’horizon des enjeux, grands et petits, du scrutin.

où est la gauche ? Face à l’impopularité du gouvernement et à la montée des extrêmes, l’objectif pour la gauche est clair : sauver les meubles et conserver – au moins – trois régions. Restait à s’entendre sur un obstacle quasi-infranchissable : l’union. Le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a beau avoir écrit dans une tribune du Monde que “l’unité de la gauche est maintenant acquise”, cela ressemblait davantage à de la méthode Coué qu’à un état de fait. Ni Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV), ni le Front de gauche n’ont souhaité faire liste commune au premier tour, dénonçant tour à tour la “macronisation de la gauche” ou la “commedia dell’arte” de l’union. Mais à gauche de la gauche, l’accord est aussi difficile à trouver. EE-LV, en plein psychodrame après le départ de

plusieurs de ses cadres, se lance seul dans plusieurs régions, en espérant créer la surprise et surfer sur l’effet COP21. Le Front de gauche, tiraillé par des guerres intestines entre communistes et Parti de gauche, part divisé dans trois régions. “Les gens n’y comprennent rien”, s’est énervé Jean-Luc Mélenchon au micro de RTL. Reste la délicate question du second tour face au FN : front républicain, fusion des listes ou maintien ? Là, au moins, tout le monde est d’accord : “On verra après le premier tour”, disent tous les partis.

et si l’Ile-de-France basculait à droite ? C’est la “Versaillaise” contre le “baron du 9-3”. En Ile-de-France, le duel est ultraserré entre Valérie Pécresse (LR) et Claude Bartolone (PS), ancien président du conseil général de Seine-Saint-Denis

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et président de l’Assemblée nationale. Pécresse, qui s’appuie sur son alliance avec l’UDI et le Modem, fait pour l’instant la course en tête. Mais les scores au second tour risquent d’être très serrés. L’enjeu est crucial pour les deux partis : poumon économique du pays et région la plus peuplée, l’Ile-de-France est la vitrine de leur victoire. Les deux prétendants très médiatiques ont éclipsé leurs rivaux. Les lancers de boules puantes ont déjà commencé. Début octobre, l’équipe PS s’émeut de la présence de tracts de campagne de Pécresse au sein de la mairie de Lizy-sur-Ourcq (Seineet-Marne). Quelques jours plus tard, Valérie Pécresse fait sponsoriser un de ses tweets (ce qui est interdit par le code électoral) pour relayer un extrait tronqué d’une déclaration de Claude Bartolone sur Tariq Ramadan. Plainte en diffamation de Bartolone Les deux géants vont probablement devoir faire face à une triangulaire au second tour, le FN de Wallerand de Saint-Just semblant assuré de revenir

ni Europe EcologieLes Verts, ni le Front de gauche n’ont souhaité faire liste commune avec le PS au conseil régional. Le Front de gauche, emmené par Pierre Laurent, mise quant à lui sur 10 %. Pendant que la liste EE-LV emmenée par Emmanuelle Cosse est pour l’instant créditée de 8 %.

le problème COP21 On appelle ça pudiquement “un problème d’agenda”. Les deux tours des élections régionales se déroulent les 6 et 13 décembre. Pile au même moment que la COP21, qui s’étale du 30 novembre au 11 décembre. D’aucuns, comme Julien Bayou, d’EE-LV, se réjouissent de cet “alignement des planètes”. Mais la coïncidence ne fait pas que des heureux à gauche. Car l’immense conférence pour le climat va

accueillir les délégations de 195 pays. Tout autant de convois officiels qui risquent de bloquer les rues de Paris… et le chemin des électeurs vers les urnes. Claude Bartolone et Anne Hidalgo craignent aussi des pics de pollution et plaident pour la gratuité des transports en commun. Mais pour l’instant, silence radio du côté du gouvernement.

la conquête du Nouveau Monde ? L’appellation fait sourire. “Nouveau Monde – En commun”, c’est le nom de baptême de l’une des seules alliances réussies à la gauche de la gauche, aux régionales de 2015. Dans le rôle du conquistador du Languedoc-RoussillonMidi-Pyrénées, Gérard Onesta pilotera la liste où EE-LV et le Front de gauche dans son intégralité (Parti de gauche, Parti communiste et Ensemble) ont réussi à s’accorder. Nouveau Monde tiendra un meeting commun le 12 novembre où Jean-Luc Mélenchon et Cécile Duflot s’afficheront ensemble – une première depuis leur brouille après une tribune de Duflot dans Libération intitulée “L’Allemagne n’est pas notre ennemie”,

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le 19 mai. La dernière fois, c’était en janvier pour soutenir Syriza. Cette alliance quasi unique en France (il faut ajouter la région Paca) recueillerait entre 11 % et 16 % au premier tour. Elle devra faire face à onze autres listes dont celle du FN menée par Louis Aliot. Le numéro 2 du FN est placé en tête des sondages pour le premier tour avec 27 % à 29 % des intentions de vote. Ses cibles préférées : les Républicains et le PS. Le parti de Nicolas Sarkozy a envoyé un petit nouveau, Dominique Reynié (entre 20 % et 26 %), pour une première bataille qui s’annonce rude. L’ancien politologue a été accusé d’inéligibilité car non inscrit sur la bonne liste électorale et a subi la démission de sa directrice de campagne. Du côté de la rue de Solférino, l’ancienne secrétaire d’Etat Carole Delga (entre 19 % et 22 %), favorite pour la victoire au second tour, va devoir lutter avec la dissidence du maire de Montpellier, Philippe Saurel (entre 6 % et 11 %), disciple de Georges Frêche.

Le Drian, phare breton du gouvernement La règle est pourtant claire. Ou du moins, elle semble l’être. François Hollande la répète à l’envi : “La règle, je l’ai posée : c’est celle du non-cumul. Jean-Yves Le Drian la connaît parfaitement.” Le président de la République a accepté que son populaire ministre de la Défense engage la bataille des régionales en toute connaissance de cause. La Bretagne reste l’une des rares régions qu’espère conserver le PS, avec le Languedoc-RoussillonMidi-Pyrénées et Aquitaine-LimousinPoitou-Charentes. En cas de victoire, Le Drian quittera-t-il le gouvernement ? Fin octobre, il déclarait, laconique :

Pour l’instant, Marion MaréchalLe Pen fait la course en tête en Paca. Circuit du Castellet, septembre 2015

Boris Horvat/AFP

derrière la stratégie de Nicolas Sarkozy fleurit l’idée de détruire le parti de François Bayrou

“Je connais les règles sur le cumul des mandats.” Son entourage précisait à Europe 1 : “L’hypothèse de son départ est tout à fait réaliste, mais aussi celle de son maintien. On ne peut pas laisser le ministère à quelqu’un d’inexpérimenté dont le cabinet découvrira les dossiers de la Syrie ou de l’Irak.”

le FN et la menace Marion MaréchalLe Pen sur la région Paca Le Front national a engagé plusieurs de ses forces vives pour les régionales. Aliot dans le Sud-Ouest et Philippot à l’Est n’ont quasiment aucune chance de l’emporter au second tour. Les regards se tournent surtout vers la région Paca, où Marion Maréchal-Le Pen défend sa candidature face au maire de Nice, le candidat Les Républicains Christian Estrosi. La nièce de Marine Le Pen cristallise toutes les craintes du gouvernement. Au ministère de l’Intérieur, chargé de l’organisation matérielle des scrutins, de la préparation et du suivi du droit électoral, on reconnaît “avoir plus peur de céder la région Paca au FN que le Nord”. Marine Le Pen ira y défier Xavier Bertrand (LR) et une alliance Parti de gauche/Les Verts dont le PS se serait bien passé. La présidente FN devra aussi faire face à la fronde des grands industriels. Bruno Bonduelle, ancien président du groupe de légumes en conserve qui porte son nom, a écrit une tribune titrée “No Pasarán” dans le mensuel économique régional Eco 121, dans laquelle il met en garde contre “le repli sur soi”. Même son de cloche du côté de la chambre du commerce et de l’industrie de Lille qui redoute une fermeture des frontières voulue par le parti d’extrême droite, ou du côté

de la CGPME (Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises) : son président, François Asselin, avait répété en avril que le programme du FN n’était “pas compatible avec la bonne santé économique de la France”.

Sarkozy/Bayrou : je t’aime moi non plus Le temps semble loin où Nicolas Sarkozy (LR) déclarait à propos de François Bayrou (MoDem) :“Il est comme le sida… Quiconque le touche meurt !” Ces propos – rapportés à l’époque par Le Parisien et démentis par la communication de feu l’UMP – ne dataient pourtant que du printemps. Sept mois plus tard, ces deux chefs de parti qui ont beau se détester et ne jamais s’adresser la parole ont laissé entendre qu’ils pourraient s’allier à l’occasion de cette échéance électorale. C’est ainsi, par exemple, que Yann Wehrling, porte-parole du MoDem, est en troisième position sur la liste parisienne de Valérie Pécresse (LR) en Ile-de-France. En Aquitaine, Virginie Calmels a laissé au MoDem les têtes de liste départementales dans les Pyrénées-Atlantiques et les Landes. Mais personne n’est dupe. Derrière cette stratégie à court terme du président des Républicains, fleurit l’idée de détruire petit à petit, de l’intérieur, le parti centriste de François Bayrou. Nicolas Sarkozy n’oublie pas que le maire de Pau avait appelé à voter contre lui en 2012. Enfin, il y a un mois, Bayrou rappelait publiquement qu’il ne voulait pas qu’on “se retrouve dans l’impasse ou devant la triple impasse : Hollande, Sarkozy, Le Pen”. Une “trêve” de très courte durée. Julien Rebucci et Cerise Sudry-Le Dû

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Alessandro Bianchi/Reuters

Le pape François occupe un modeste appartement d’environ 60 m2. Ici au Vatican, 21 octobre 2015

les incuries de la curie De nouvelles révélations, dues à un prélat espagnol et à une laïque italienne, font trembler les fondations du Vatican. Mais ne soulignent qu’une infime partie de la corruption et des privilèges qui régissent l’Eglise catholique.

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ême les scénaristes hollywoodiens n’auraient pas osé “pitcher” une histoire pareille. Pensez donc : deux arrestations au cœur du Vatican. Celle d’un prélat espagnol, Lucio Angel Vallejo Balda, proche de l’Opus Dei, cette “prélature personnelle” si puissante en Amérique latine, et celle de Francesca Immacolata Chaouqui, franco-italiano-marocaine, jeune attachée de presse vaticane. Le tout couronné par la parution de deux brûlots qui reviennent avec insistance sur la gabegie, la corruption et les traitements de faveur qui semblent depuis trop longtemps régner au Vatican et qui ont déjà eu raison d’un pape : Benoît XVI. Ces turpitudes sont-elles le propre de l’Eglise catholique ? Non, on pourrait même arguer qu’elles sont le propre de toute religion. Même les bouddhistes ne sont pas à l’abri : en 2013, une vidéo sur YouTube montrait trois moines à bord d’un jet privé lors d’une “mission religieuse”, lunettes de soleil dorées et clinquantes sur le nez et sac Vuitton entre les genoux. Et souvenez-vous du recteur Boudjedi, imam de la mosquée de Nanterre, heureux propriétaire d’une Jaguar, d’une BMW et d’une Mercedes, condamné en octobre 2014 à trois ans de prison, dont dix-huit mois ferme, pour avoir “sciemment détourné” 530 000 euros provenant des fidèles et d’un organisme parapublic. Il a bien sûr fait appel.

Ce qui rend l’affaire des mécomptes du Vatican si exceptionnelle, ce n’est pas tant le récit – digne d’un polar – des tentatives des uns (la curie) pour résister aux réformes des autres (le pape François) que l’accumulation de signes extérieurs de richesse et de frivolité, qui portent, en plus, sur un sujet que tous les citadins comprennent immédiatement : l’immobilier. Prenez un simple papier daté du 5 novembre et publié par La Stampa dans ses pages “Cronache” (“Faits divers et société”). L’article illustre parfaitement cet effet d’accumulation dévastateur : on y apprend que l’ancien secrétaire d’Etat de la curie, le cardinal Tarcisio Bertone, s’est récemment installé au dernier étage du palais San Carlo au Vatican. Appartement avec terrasse, refait entièrement pour lui, et dont on discute encore s’il mesure 700 ou seulement 500 mètres carrés.

les mécomptes portent sur un sujet que tous les citadins comprennent : l’immobilier

Et ainsi de suite : Raymond Leo Burke, patron de l’Ordre souverain de Malte ? 417 mètres carrés. Le cardinal américain William Joseph Levada ? 524 mètres carrés. Le cardinal canadien Ouellet ? 500 mètres carrés. Le cardinal Sergio Sebastiani ? 424 mètres carrés. Le cardinal Domenico Calcagno, dit “monseigneur Rambo” pour sa passion des armes ? Lui mérite une mention spéciale : comme son immense appartement romain de fonction ne suffisait plus, il s’est offert une sorte de retraite campagnarde de 20 hectares avec appartement et une ferme aux alentours de Rome. Evidemment, le contraste avec les 50 ou 70 mètres carrés de la résidence Sainte-Marthe – où le pape François a décidé de s’installer après son élection en 2013 – n’en est que plus effarant. Mais c’est surtout l’écart avec le quotidien des Romains qui est violent. Rome est une des villes d’Italie où se loger est le plus cher et le plus difficile. La désinvolture de ces prélats y est donc particulièrement insupportable. Le seul à se réjouir de ces affaires d’argent et de train de vie luxueux est le Premier ministre italien, Matteo Renzi. Depuis plusieurs mois, il essaie de faire passer une version light du mariage gay (et du divorce civil), malgré la sourde opposition des catholiques de l’Assemblée. Pour lui, c’est le moment ou jamais, et il le sait. Anthony Bellanger

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Swann Arlaud Ce garçon sec au jeu tranchant est de plus en plus courtisé par le cinéma français.

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on visage émacié oscille de la froideur reptilienne d’un Billy Drago à la note plus juvénile d’un Paul Dano et l’a, souvent, amené à incarner des méchants dans la panoplie de seconds rôles qu’il a interprétés ces dernières années – en 2015, Ni le ciel, ni la terre de Clément Cogitore ou Les Anarchistes d’Elie Wajeman. Dans ce film en costumes, son jeu, comme celui de ses partenaires, fait l’objet d’une chimie à mi-chemin entre rendu d’époque (la fin du XIXe) et sonorité contemporaine (les intonations quasi banlieusardes). “Elie voulait quelque chose d’assez moderne. Gommer le vocabulaire d’aujourd’hui mais garder notre mode d’expression naturel.” Rebelote dans Une vie, l’adaptation de Maupassant par Stéphane Brizé (La Loi du marché), qu’il tourne actuellement. A 34 ans, Swann Arlaud se réjouit de ces rôles plus importants qui s’offrent à lui, mais tient à rester en mouvement pour échapper aux catégorisations. On le verra prochainement dans La Prunelle de mes yeux d’Axelle Ropert, et dans une multitude d’autres projets que, “par superstition”, il préfère garder secrets. Theo Ribeton photo Audoin Desforges pour Les Inrockuptibles lire aussi la critique des Anarchistes p. 70

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les cœurs sur Twitter

les gens qui crient “à poil” dans les concerts

retour de hype

retour de bâton

hype

buzz

pré-buzz “hé dis, tu veux pas m’offrir le tricot de Kurt Cobain pour Noël ?”

“moi, les prix littéraires, ça me fait le même effet que le mercato d’hiver”

Ugo Rondinone au Palais de Tokyo

“parfois, j’regrette de ne pas être Kanye West”

Karim Benzema Flavien Berger au festival les inRocKs Philips

le nouvel album de DIIV

les tampons la soupe au potimarron

“j’sais pas comment m’y prendre pour que les Brangelina m’adoptent”

Frédéric Cuvillier à The Voice

Etienne Daho

l’Espace B

“Hé dis, tu veux pas m’offrir le tricot de Kurt Cobain pour Noël ?” Le cardigan que portait Cobain lors du MTV Unplugged va être vendu. Mise à prix : 20 000 dollars. Le nouvel album de DIIV Prévu pour le 5 février, Is the Is Are promet d’être sublime. Frédéric Cuvillier à The Voice Tête de liste PS dans

le Nord-Pas-de-Calais, il a poussé la chansonnette contre Marine Le Pen. La soupe de potimarron Parce que c’est bon. L’Espace B Ce haut-lieu indie-rock du nord de Paris ferme ses portes. Tristesse. Etienne Daho Sortie d’un best-of et d’un docu (diffusé le 21 novembre, à 22 h 20, sur Arte). C. B.

tweetstat La présentatrice de L’amour est dans le pré doit trouver un nouveau générique pour son émission. Suivre

KariQH/H0DUFKDQG @KarineLMOff

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