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Programme d’actions pour les temps qui viennent Un futur soutenable : réduire notre empreinte écologique, protéger les biens communs, répondre aux besoins humains fondamentaux 1. Se libérer de la dépendance aux énergies fossiles et au nucléaire 2. Nature, eau, agriculture, alimentation, santé, logement au cœur de notre projet Ce document est une version électronique et sous licence Creative Commons de l’ouvrage publié par Les Petits matins Voir http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr/

Retrouvez le projet EELV sur http://eelv.fr/le-projet

Maquette : Atelier Dazibao Couverture : Thierry Oziel

Merci à l’éditeur. Les petits matins, 31, rue Faidherbe, 75011 Paris www.lespetitsmatins.fr ISBN : 978-2-36383-007-4 Diffusion Seuil Distribution Volumen

Une économie écologique au service des populations et des territoires 1. Libérer l’économie de la finance 2. Relocaliser l’économie pour des emplois durables et de qualité 3. Travailler tou-te-s et travailler mieux 4. Un revenu maximum, un revenu décent… Vers un revenu d’existence 5. Des finances publiques au service de la transition écologique 6. Des territoires solidaires

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Le mieux vivre pour tou-te-s 1. Éducation : pour une « société émancipatrice » 2. Savoirs et recherche : une pollinisation réciproque science/société 3. Vers l’autonomie de la jeunesse 4. Ouvrir des choix à nos aîné-e-s 5. Du sport business au sport pour toutes et tous 6. Pour une écologie de l’art et de la culture 7. La publicité remise à sa place

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Une société ouverte, d’égalité, de droits et d’émancipation 1. Pour un strict respect de l’égalité 2. Une politique des migrations respectueuse des droits 3. Une autre politique pour les Français établis hors de France 4. Une justice équitable, accessible et efficace 5. Mettre l’humain au cœur de la politique de sécurité 6. Prison et peines : la réinsertion, seule solution juste et réaliste

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Une VIe République dans une Europe fédérale 1. La VIe République pour la transformation écologique de la société 2. Relancer le rêve européen

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Vers un monde de paix et de justice 1. Une nouvelle architecture internationale 2. Un monde solidaire et responsable 3. Une réforme radicale de l’aide publique au développement 4. Une politique de défense en accord avec l’écologie politique 5. Une planète pacifiée

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PROGRAMME D’ACTIONS POUR LES TEMPS QUI VIENNENT

Partout les crises sévissent. Partout tentent de s’imposer des issues qui reposent sur l’austérité, la déréglementation, le recul de la puissance publique, la reproduction sans frein de l’ancien modèle de croissance infinie. Ces issues, conformistes et technocratiques, sont autant de contresens. Contresens sur le diagnostic, contresens sur le rôle de la politique et de celles et ceux qui portent la responsabilité démocratique. Que vivons-nous enfin depuis près d’un demi-siècle ? Une inversion incompréhensible de la hiérarchie entre les facteurs humains, économiques et financiers, une aggravation vertigineuse des inégalités, la fin programmée des ressources de notre planète, le désarroi et l’angoisse comme legs aux générations futures. Il ne s’agit plus de prendre des décisions pour quelques années mais de s’interroger sur le long terme, de décider de l’avenir de notre planète en faisant des choix pour plusieurs générations : – soit nous continuons, avec les croyances du passé, à adorer les divinités flétries du gaspillage et de l’inégalité, et nous préparons alors l’aggravation sévère des maux qui nous accablent : épuisement écologique et désordres climatiques, pertes de biodiversité et conséquences sur l’eau, l’air, les forêts, les milieux naturels, l’alimentation et la santé humaine, accroissement de la pauvreté, de 11

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la précarité, du toujours plus pour une minorité de la population ; –  soit nous changeons de modèle, nous faisons décroître notre empreinte écologique, nous pensons « nouvelles solidarités », maîtrise et reconstruction de notre relation à la nature, amélioration de l’environnement de toutes et tous, préservation de l’avenir de notre maison commune. Nous construisons pour cela une autre façon de vivre ensemble, nous donnons une place majeure au bien-vivre, au bien-être, à l’égalité, à la qualité, au partage démocratique de la décision. Ce projet de civilisation porte un nom  : ­l’écologie politique. Qu’est-ce que l’écologie politique ? Une philosophie de réconciliation et de respect par l’humanité de son environnement. La volonté de replacer au centre des débats, des décisions et de l’action collective le temps long et la transmission pour donner un sens à l’exercice démocratique. Un projet de transformation global portant sur l’environnement, l’économie, le contrat social. Un chemin, celui de la conversion écologique de l’économie, pour développer de nouveaux secteurs technologiques, réinvestir les territoires, créer des emplois et remettre sur le devant les valeurs de solidarité, de liens et d’innovation. Ce projet émerge partout et retrouve le sens des combats anciens pour la liberté et pour l’émancipation. Il rejoint le mouvement irrépressible sur tous les continents – et récemment dans les pays arabes – pour plus de démocratie, de dignité, d’égalité. 12

Programme d’actions pour les temps qui viennent

De nombreuses alternatives de vie, des solutions technologiques nouvelles, des expérimentations réussies depuis des années sur tous les territoires, l’enthousiasme né de milliers d’initiatives disent que l’avancée vers une autre société est possible, et même qu’elle est déjà en marche. Pour peu que la politique lui donne le coup d’accélérateur indispensable, pour peu qu’elle aide à lever les obstacles qui se dressent sur son chemin, nous sommes prêt-e-s pour une société plus écologique et plus solidaire. C’est ce que nous proposons… Depuis 2009 et la création d’Europe Écologie, suivie de sa fusion avec les Verts à Lyon en novembre 2010, nous n’avons cessé de porter une approche différente des enjeux d’un programme pour aujourd’hui et le futur. Nous avons choisi d’élargir l’horizon du débat politique français hors des frontières. Nous sommes convaincu-e-s que les institutions ­européennes, et particulièrement le Parlement européen, doivent devenir un lieu démocratique central de débats et de décision. Nous voulons que l’ouverture à la diversité des débats et au monde devienne partie intégrante des processus de décision nationaux. C’est une condition indispensable à l’émergence d’une nouvelle audace démocratique. Nous entendons non seulement faire face aux urgences et réparer les conséquences des mauvaises décisions passées, mais avant tout aller aux causes, anticiper, prévoir. Ce programme d’action écologiste pour les ­années à venir décline en objectifs concrets de 13

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transition les valeurs du Manifeste pour une société écologique1 adopté par Europe Écologie-Les  Verts lors de son congrès de fondation à Lyon. Décrivant un horizon, une démarche et une méthode, il s’organise en six grandes orientations : 1.  Un futur soutenable  : réduire notre empreinte écologique, protéger les biens communs, répondre aux besoins humains fondamentaux. 2.  Une économie écologique au service des populations et des territoires. 3. Le mieux vivre pour tou-te-s. 4. Une société ouverte, d’égalité, de droits et d’émancipation. 5.  Une VIe  République dans une Europe fédérale. 6. Vers un monde de paix et de justice.

1. Manifeste pour une société écologique (2010), Les petits matins.

UN FUTUR SOUTENABLE : RÉDUIRE NOTRE EMPREINTE ÉCOLOGIQUE, PROTÉGER LES BIENS COMMUNS, RÉPONDRE AUX BESOINS HUMAINS FONDAMENTAUX

La poursuite des tendances actuelles de production et de consommation dans les pays industrialisés fait peser sur la planète des risques environnementaux et humains inacceptables. Le réchauffement et la destruction de la plupart des écosystèmes conjuguent d’ores et déjà leurs effets calamiteux. En France, notre empreinte écologique augmente régulièrement. Si nous devions généraliser notre modèle de développement à la population mondiale, cinq planètes y suffiraient à peine. Le Grenelle de l’environnement, qui prétendait s’attaquer à cette situation, a certes permis de mettre en relation l’État, les associations, les syndicats et les entreprises  ; mais il n’a débouché sur aucune véritable inversion des politiques publiques. En cas d’alternance en 2012, et pour ­reprendre la marche stoppée par l’actuel gouvernement, une loi d’urgence adoptée dès la première année ­jettera les bases de la transition écologique. Alors que les besoins les plus fondamentaux de la vie humaine (se nourrir, se soigner et se ­loger) sont mis en cause chez nous aussi, les écologistes entendent bâtir une alternative globale de vie en société.

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Un futur soutenable

1. SE LIBÉRER DE LA DÉPENDANCE AUX ÉNERGIES FOSSILES ET AU NUCLÉAIRE Les écologistes annoncent depuis longtemps la rareté à venir, la décroissance proche et rapide de la ressource en énergie fossile et en pétrole, tout comme ils l’avaient fait pour le réchauffement climatique –  parfois sous les moqueries. Mais tout cela est désormais avéré. La prise de conscience étant acquise, il est temps de passer à l’étape de la transition vers un autre modèle énergétique fondé sur quatre piliers : la sobriété, l’efficacité, le développement des renouvelables, la lutte contre la précarité énergétique. NOS OBJECTIFS POUR LE PAYS Sobriété et efficacité énergétique

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OBJECTIF 2020

OBJECTIF 2050

- 15 % d’énergie finale par rapport à 2009 - 50 % d’énergie finale - 20 % d’énergie par rapport à 2009 primaire

Développement des énergies renouvelables

40 % de la production d’électricité 35 % de la chaleur

Proche de 100 % de toutes les consommations

Sortie du nucléaire (part du nucléaire dans la production d’électricité)

40 % puis 0 % en 2031

0 %

Réduction des émissions de CO2

- 30 % par rapport à 1990

- 85 % par rapport à 1990

I. Une transition à l’échelle internationale et européenne Une politique énergétique crédible en France ne peut ni attendre que les autres aient commencé, ni être isolée d’une politique internationale de lutte contre les gaz à effet de serre (GES). La relance des négociations pour prolonger et compléter le protocole de Kyoto est une impérieuse nécessité. L’Union européenne doit passer au minimum à un objectif de 30 % de réduction des émissions de GES en 2020 avec une fiscalité incitative et redistributive. Face aux dysfonctionnements des marchés actuels, déresponsabilisant le Nord et favorisant la spéculation au Sud, une réduction des émissions de GES compatible avec l’objectif de réchauffement moyen inférieur à 1,5 °C en 2100 est absolument indispensable. Cela passe par le déploiement d’outils internationaux permettant de financer l’accès aux technologies et énergies propres. Pour y parvenir, les écologistes proposent : – d’encadrer et de réformer les marchés carbone, et en particulier les mécanismes de développement propre. Le soutien à d’autres mécanismes d’action publique tels que les projets de gestion communautaire doit devenir prioritaire afin d’intégrer des objectifs comme la protection des peuples premiers, la préservation de la biodiversité, la souveraineté alimentaire et des solutions innovantes (ville en transition…). Ces systèmes innovants alternatifs pourraient à terme se substituer au système de marché carbone ; 19

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– d’engager la taxation des transports internationaux (aériens et maritimes) afin de limiter leurs émissions ; – d’amorcer la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières de l’Union européenne afin d’empêcher la concurrence environnementale déloyale. Les recettes seront reversées aux pays exportateurs par l’intermédiaire d’un fonds vert soutenant les investissements dans les meilleures technologies afin de réduire les émissions de GES chez nos partenaires économiques ; – de faciliter les transferts de technologies dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables du Nord vers le Sud. Le droit de la propriété intellectuelle ne doit plus être un frein à ces transferts.

II. Une programmation nationale pour les économies d’énergie Une politique de gestion prudente et responsable de la ressource nous pousse à réduire la consommation tout en améliorant les services à la population. L’objectif est d’atteindre en 2020 une consommation finale inférieure de 15 % à sa valeur en 2009. Un plan systématique d’économies d’énergie, accompagné de mesures réglementaires et tarifaires, permettra d’atteindre cet objectif : – une tarification progressive de l’électricité, du gaz et de la chaleur consommés (les premiers kilowattheures sont peu chers et le prix augmente avec la consommation). Ainsi sera garanti à toutes et tous un accès aux services énergétiques, tout en décourageant les gaspillages ; –  un renforcement de la réglementation interdisant les pratiques de surconsommation, les usages inutiles et énergivores (panneaux 20

Un futur soutenable

­ ublicitaires électriques, véhicules publicitaires…) p et le chauffage électrique direct dans le neuf, avec substitution dans l’ancien. Réforme et renforcement du bonus-malus, accélération de l’application des normes ; –  un audit systématique dans l’industrie et dans les entreprises, avec un programme de remplacement des moteurs actuels par d’autres plus efficaces, un recours aux technologies ­performantes et un meilleur dimensionnement des unités ; –  des certificats d’économies d’énergie renforcés et profondément réformés ; –  un accompagnement des ménages, des TPE-PME et des collectivités. Cette politique fera baisser les factures énergétiques et permettra d’améliorer la situation des plus modestes. III. Des investissements forts dans la réhabilitation des bâtiments En 2009, le bâtiment représentait 43  % de la consommation d’énergie finale. Quatre à cinq millions de familles françaises étaient en précarité énergétique, dont 3,4  millions dépensaient plus d’un dixième de leurs ressources en factures d’énergie, d’autres n’ayant même pas les moyens de chauffer leur logement mal isolé. L’objectif est de rénover thermiquement d’ici 2050 l’ensemble des bâtiments et d’imposer aux nouveaux une réglementation exigeante de « facteur 4 ». En 2017, 500 000 logements par an devront être rénovés. À partir de 2020, 950 000 par an 21

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et 28 à 30 millions de mètres carrés dans le tertiaire. Les bâtiments publics et les logements des ménages à revenus modestes seront prioritaires. Les écologistes proposent : – des bâtiments publics exemplaires, avec une rénovation de niveau « facteur 4 » d’ici 2030 ; – une action systématique contre la précarité énergétique dotée de moyens spécifiques et adaptés (ingénierie sociale, chèques verts…) ; – des financements innovants pour une montée en puissance de la rénovation au niveau Bâtiment basse consommation (BBC), en améliorant les dispositifs actuels (éco-PTZ et surtout crédit d’impôt). Des sociétés de tiers financement accompagneront la rénovation en anticipant les gains de la réduction des dépenses énergétiques, ainsi que des fonds de garantie pour la participation des TPE-PME aux contrats de performance énergétique ; – une obligation de rénovation niveau BBC à partir de 2020 à l’occasion de toute vente d’un logement. Si la rénovation ne peut être réalisée, il sera possible de consigner un budget correspondant au montant des travaux ; – l’adoption d’un cadre juridique favorable (copropriétés, isolations extérieures, mutualisation des risques en cas d’augmentation de l’énergie, transfert de charges pour les propriétaires non occupants, obligation de branchement sur un réseau de chaleur…) et de nouveaux documents contractuels (bail vert, contrat de performance énergétique…) ; – la généralisation de la formation à l’isolation thermique avec des modules « rénovation BBC » ajoutés aux formations initiales et continues. Un accord de branche sera établi pour assurer la montée en puissance de la rénovation de haute qualité d’ici 2020.

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Un futur soutenable

IV. Une réorientation de la politique des déplacements Les transports sont responsables d’une part prépondérante et croissante de la consommation d’énergie fossile, et des émissions de GES et autres polluants. Notre objectif  : un accès au transport pour toutes et tous, la diminution du nombre et de la longueur des déplacements carbonés. Pour cela, les écologistes proposent : – que les régions deviennent des autorités organisatrices de la mobilité durable : chefs de file dans la coordination des transports publics voyageurs et fret, elles seront dotées pour cela d’un financement pérenne. Elles dynamiseront les opérateurs ferroviaires de proximité pour le fret. Le remaillage ferroviaire de nos territoires, la modernisation des lignes existantes, la réouverture d’anciennes lignes accompagneront l’arrêt des projets autoroutiers et aéroportuaires (Notre-Dame-des-Landes), et le moratoire sur la construction de nouvelles lignes à grande vitesse. Un effacement de la dette de RFF s’accompagnera d’un pilotage coordonné avec la SNCF ; – que les investissements soient réorientés vers les transports de proximité : développement des transports en commun de proximité, bus, trams urbains, cars départementaux, TER, tram-trains. Mise en place d’une stratégie nationale vélo pour rattraper le retard français, tarification minime au sein des villes en transition et au sein des bassins de vie ; – que la fiscalité intègre les coûts d’usage des véhicules : renforcement du dispositif bonus-malus et péages autoroutiers en fonction des normes de pollution. Alignement des taxes gazole sur celles de l’essence. Renégociation de la privatisation des autoroutes ; 23

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– que la vitesse soit réduite en général : pour réduire les consommations de carburant, réduction de 10 à 20 kilomètres-heure des vitesses limites de circulation. Diminution de la place de la voiture en ville, avec des zones 30 ou partagées ; – que personne ne soit à plus de dix minutes d’un service public de transport : l’équité territoriale passe par une desserte des territoires ruraux et un désenclavement des territoires urbains sensibles (bus, transport à la demande, covoiturage, taxis collectifs).

V. Sortir du nucléaire d’ici 2031 La sortie du nucléaire s’impose pour de multiples raisons : le risque inacceptable d’un accident majeur comme à Tchernobyl ou à Fukushima, des déchets radioactifs extrêmement dangereux pour des milliers d’années, une production d’électricité extrêmement centralisée, sécuritaire et non démocratique, l’utilisation et la diffusion de techniques permettant la prolifération d’armes nucléaires, la dépendance aux importations d’uranium, notamment en provenance de pays pour lesquels l’exploitation se fait au détriment des populations et de l’environnement (Niger, Kazakhstan…). À ces risques s’ajoutent des raisons économiques : la poursuite onéreuse du programme nucléaire français bloque les politiques d’économies d’électricité, freine le développement des renouvelables et empêche les mutations industrielles indispensables à la transition énergétique et à notre avenir économique.

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Un futur soutenable

Les écologistes proposent : – l’arrêt immédiat de la production du plutonium et de celle du MOX, du retraitement ainsi que des transports induits de matières nucléaires. Le stockage en profondeur sera définitivement arrêté et les combustibles irradiés seront stockés de manière à assurer leur réversibilité. La Hague et Marcoule seront reconvertis pour participer au stockage ; – l’arrêt progressif mais définitif des 58 réacteurs nucléaires français. Le démantèlement aura lieu de façon régulière à partir de 2012, sur la base de trente années de fonctionnement par réacteur, en commençant par les installations les plus dangereuses, comme la centrale de Fessenheim ; – l’arrêt immédiat des projets en cours : EPR de Flamanville et de Penly, et projet Astrid. La construction d’ITER et d’HIPER, dont les coûts ne cessent d’augmenter, doit être arrêtée au profit des projets de recherche et de développement français et européens dans le domaine de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables ; – la création d’une filière de démantèlement des installations nécessite des techniques de pointe, du personnel qualifié et une forte protection sociale et sanitaire. Ces nouvelles activités tiendront compte des transmissions de compétences et des reconversions nécessaires, en concertation avec les organisations syndicales ; – le renforcement des moyens dédiés à la sûreté nucléaire et le développement d’une expertise pluraliste.

VI. Développer les énergies renouvelables Les énergies renouvelables assureront 40 % de la production d’électricité totale en 2020. La transition se fera par un recours limité au gaz naturel (20  % de la production d’électricité, 25

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en cycle combiné et cogénération). La baisse des émissions de GES de la France sera atteinte grâce à la fermeture des centrales à charbon et aux politiques d’économies d’énergie. Pour la production de chaleur, l’objectif est d’assurer 35 % des besoins en 2020 à partir des énergies renouvelables telles que la biomasse ou la géothermie. La priorité sera donnée à la production locale intégrée de fait au réseau électrique, instrument de mutualisation et de solidarité. Le réseau sera rendu intelligent et renforcé par des moyens de stockage. Pour les écologistes, les principales dispositions sont : – la simplification des tarifs, des procédures et du cadre réglementaire, avec un alignement sur le modèle allemand. Les tarifs de rachat devront être justes, prévisibles et concertés. L’autoconsommation sera soutenue par des tarifs d’achat ad hoc ; – un droit à l’investissement citoyen dans les renouvelables : épargne orientée, droit à des prises de participation au capital de projets, coopératives ; – la réforme de la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui finance les tarifs d’achat, pour inclure l’ensemble des énergies renouvelables dans son assiette ; – la création de la Contribution au service public de la chaleur renouvelable (CSPCR), pour alimenter les tarifs d’achat de la chaleur renouvelable. Le Fonds Chaleur sera maintenu et sa dotation triplée en attendant la CSPCR. Les écologistes agissent pour que le développement des énergies renouvelables s’effectue en cohérence avec leurs objectifs de protection de la nature : paysage et bruit pour le parc d’éoliennes, respect des rivières et de la faune pour l’hydroélectricité… 26

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VII. Organiser et financer la transition énergétique L’action publique en matière d’énergie nécessite une gestion planifiée et décentralisée. Les écologistes soutiennent ainsi une compétence énergie pour les régions et communautés d’agglomération ou urbaines, avec un appui des services déconcentrés de l’État et des agences (ADEME). Elle inclura des missions de promotion et de financement, au moyen d’agences locales qui constitueront ainsi un véritable service public local. Ainsi : – aux communautés urbaines et d’agglomération sera attribuée la compétence d’autorité concédante des réseaux de distribution (gaz, électricité, chaleur). À ce transfert sera associé un financement dédié, notamment au travers d’une dotation de fonctionnement « climat » assurant la péréquation des recettes issues de la mise aux enchères des quotas européens sur les émissions de CO2 ; –  les schémas régionaux Climat Air Énergie seront renforcés et dotés de moyens financiers adaptés ; –  les entreprises de transport et de distribution d’énergie (RTE, GRT, ERDF, GRDF…) doivent devenir indépendantes des entreprises de production d’énergie (EDF, GDF  Suez, Total…) et leurs capitaux être entièrement publics. En ce qui concerne la distribution d’électricité, la réglementation assurera la transparence et l’équité des négociations de concession des activités de distribution des énergies de réseau par les autorités concédantes. En tant que bien commun, la production d’énergie ne doit pas être monopolisée par le secteur privé et relève d’une forte régulation publique. 27

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En outre, des moyens de production décentralisés et portés par des investissements citoyens et coopératifs seront encouragés. L’accès aux services énergétiques doit être garanti pour toutes et tous. Une nouvelle fiscalité environnementale favorisera la transition énergétique ainsi que la limitation des risques et des impacts sociaux. La Contribution Climat-Énergie (CCE) sera créée. La CCE reposera sur une triple assiette  : énergie primaire, gaz à effet de serre et risques environnementaux et sanitaires (dont nucléaire). Le triple taux de la CCE évoluera selon des règles stables sur plusieurs décennies afin d’offrir aux investisseurs et aux ménages la visibilité ­nécessaire pour anticiper les coûts futurs liés aux consommations d’énergie. La CCE alimentera un Fonds national de conversion écologique, chargé d’alimenter l’ensemble des dispositifs décrits par ailleurs.

2. NATURE, EAU, AGRICULTURE, ALIMENTATION, SANTÉ, LOGEMENT AU CŒUR DE NOTRE PROJET I. Protéger et restaurer la nature, respecter l’animal La biodiversité constitue le tissu vivant de la planète avec deux dimensions indissociables : la richesse du catalogue –  très incomplet  – des formes du vivant, la complexité et l’organisation des interactions entre toutes les espèces ainsi qu’entre ces espèces et leurs milieux naturels. La perte de nature et les dégâts causés aux écosystèmes risquent d’être irréversibles. La nature rend pourtant gratuitement un nombre considérable de services  : pollinisation, épuration, paysages, protection contre de nombreux risques… 40 % de l’économie mondiale repose sur ces services et 60 % d’entre eux sont en déclin. Dans l’Union européenne, ce déclin se manifeste sous la forme de l’effondrement des stocks halieutiques, de l’appauvrissement des sols, de dégâts dus aux inondations et de la disparition de la vie sauvage. La France possède un «  capital naturel  » exceptionnel, notamment en Outre-Mer. Elle est au huitième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées. 50 à 75 % des nappes et rivières sont fortement dégradées, 27 % de ses eaux sont à jamais déqualifiées. Mais elle a d’ores et déjà pris un retard considérable  : des dizaines de milliers d’hectares de milieux naturels disparaissent chaque année. Le changement climatique vient perturber en profondeur cet agencement biologique déjà fortement déséquilibré. 29

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La biodiversité agricole est particulièrement importante pour le maintien d’une agriculture de qualité, pour la protection des sols et de l’environnement rural en général. Pourtant, le budget 2011 prévoyait une réduction de moitié du montant du crédit d’impôt dont pouvaient bénéficier les agriculteurs convertis en agriculture biologique. L’état d’urgence doit être déclaré ! C’est maintenant qu’il faut réorienter en profondeur les politiques publiques en intégrant la biodiversité dans toutes les politiques sectorielles, notamment les infrastructures de transport, l’urbanisme, l’agriculture, l’eau, etc. À l’opposé d’une vision purement utilitariste de la nature, en France comme ailleurs, les êtres humains doivent redéfinir leur place dans l’équilibre du monde vivant. Cela passe par un Plan national stratégique pour la biodiversité. Les écologistes proposent : – un moratoire sur les OGM et les gaz de schiste ; – des outils législatifs et réglementaires en faveur de la protection, de la restauration et de la gestion durable de la biodiversité, rendant effectifs les aspects positifs de la réglementation européenne (Natura 2000, eau, forêts, etc.) et conditionnant tout nouvel aménagement à une analyse de son impact sur la biodiversité ; – le caractère opposable des trames Vertes et Bleues à tout projet d’aménagement. Les milieux aquatiques seront gérés de manière plus rigoureuse, en particulier dans les zones humides ; – une action forte en faveur de la biodiversité agricole : mise à l’écart des biotechnologies et des produits phytosanitaires, instauration de critères de sélection et de production 30

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de semences fondés sur l’adaptation aux écosystèmes locaux et la durabilité, soutien aux semences paysannes, soutien à l’élevage herbager s’appuyant sur une refonte des schémas de sélection et des actions d’appui aux races locales… ; – une fiscalité et des mécanismes financiers favorables à la biodiversité : bio-conditionnalité de toutes les aides publiques, intégration des critères environnementaux dans le calcul d’une partie de la Dotation globale de fonctionnement pour les collectivités disposant d’espaces naturels. Révision de la taxe sur les espaces naturels sensibles. La valeur des services rendus par la nature ainsi que l’impact des activités sur les écosystèmes seront évalués notamment via une expertise propre organisée au sein du secteur de la recherche. La transposition du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques permettra de sauvegarder les savoirs traditionnels des communautés autochtones et locales, et de préserver la nature ; – un renforcement de la capacité d’expertise et de recherche publique (mesure des impacts économiques des dégradations, recommandations budgétaires et fiscales) soit au sein du ministère de l’Écologie, soit par la création d’un Institut français de recherches en environnement, soit par la création d’une Agence nationale de la nature. Véritable vitrine de la biodiversité, celle-ci pourrait renforcer le dialogue environnemental et les règles de transparence et de participation ; – la réforme des établissements publics (ONCFS, ONEMA, Agences de l’eau, ONF, etc.) : composition de leurs conseils d’administration et de leurs directions au profit des représentants des collectivités locales, des personnels et des usagers, des écologues et environnementalistes, titularisation des contractuels et précaires des offices et agences ; – l’instauration d’une police et d’une justice spécialisées contre les délits environnementaux ; – une loi sur les droits et la protection des animaux sera proposée au Parlement : elle définira un nouveau statut de 31

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l’animal dans le Code civil. Il passera du statut de « bien meuble » ou « immeuble » à celui d’être vivant. Elle agira contre le trafic d’animaux et mobilisera pour cela les forces de police (douanes, gendarmerie, police). Le bien-être animal sera pris en compte dans les politiques thématiques (transport, abattage et bâtiments en agriculture, animaleries, cirques) et les pratiques brutales, cruelles et indignes seront proscrites. L’expérimentation sur les animaux fera l’objet d’un débat pour la repenser et la réformer en profondeur ; – une remise en ordre de la législation sur la chasse. La chasse s’accompagne trop souvent de pratiques inacceptables, voire délictueuses : déterrage, occupation privative d’espaces naturels, dérive dans la régulation de la faune. Des efforts ont été faits dans le milieu et certaines fédérations de chasse ont pris un tournant positif en matière de gestion de protection de l’espace et de la faune. Reste qu’un certain nombre de réformes sont indispensables : statuts et financement des fédérations, fiscalité, octroi des permis, réexamen de la notion de « nuisibles », partage de l’espace entre usagers, jour de non-chasse, droit de nonchasse et de retrait des propriétés du domaine chassable, extension des règles de la protection animale à la faune sauvage (contre les chasses particulièrement cruelles) ; – un dispositif permanent d’éducation à la nature et à l’environnement à destination de plusieurs publics : Éducation nationale, chaînes TV pour spots aux heures de grande écoute, fonction publique, élus, établissements publics.

II. Une eau de qualité pour tou-te-s Dans le monde, 88 % des maladies ont pour origine une consommation d’eau non potable, des installations sanitaires inadéquates ou encore une mauvaise hygiène. Chaque jour, ce ne sont 32

Un futur soutenable

pas moins de 2 millions de tonnes de déchets qui sont déversés dans des cours d’eau. Dans les pays développés, 70  % des eaux usagées d’origine industrielle sont déversées dans la nature sans être traitées. Dans 60 % des villes européennes de plus de 100 000 habitants, l’eau souterraine est utilisée à une vitesse supérieure à son renouvellement. Appropriées par les grands groupes transnationaux du secteur, causes de conflits entre États, victimes de pollution du cœur des océans jusqu’à la sortie de notre robinet, l’eau et sa gestion à l’échelle globale sont un enjeu majeur au xxie siècle. L’eau, bien commun par excellence, doit être protégée des prévarications et des pollutions. Ainsi, les écologistes promeuvent : – la reconnaissance de l’eau comme patrimoine commun de l’humanité et la garantie de l’accès à l’eau potable pour chacun-e ; – le soutien de projets d’assainissement, de production et de distribution d’eau dans les pays qui en sont démunis par un partenariat « public-public » qui exclut toute recherche de rapport de domination ; – le refus de tout type de « solidarité » comme prétexte pour ouvrir des marchés aux entreprises françaises de l’eau ; – la suppression de l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS), qui a fait entrer l’eau dans le domaine marchand et qui, avec le FMI, impose aux pays exploités d’avoir recours aux entreprises privées pour bénéficier de l’aide internationale ; – la perspective d’un « contrat mondial de l’eau », reconnu sur le plan international et dont le respect soit garanti par une organisation internationale appropriée ; 33

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– la création d’une Autorité mondiale de l’eau (AME) indépendante et intégrée aux Nations unies, en sus et place de l’actuel Conseil mondial de l’eau, mis en place par Veolia et la Lyonnaise des Eaux.

Chez nous, une nouvelle politique de l’eau, écologique et publique, est nécessaire. Chaque citoyen doit pouvoir bénéficier d’une eau non polluée au moindre coût, en renforçant la gestion publique et en préservant l’environnement. Une nouvelle loi sur l’eau devra voir le jour et remplacer celle de 2006. Elle aura pour fondements : – la protection de la qualité de l’eau, en appliquant de façon rigoureuse les lois en faveur de la protection des milieux aquatiques, en renforçant l’arsenal législatif et en se dotant des moyens humains et matériels de faire appliquer les lois et règlements ; –  l’arrêt du gaspillage de la ressource en eau, en généralisant les programmes d’économie, en créant un double réseau pour l’utilisation des eaux potables ou non, en limitant les pompages afin d’assurer la protection des nappes ; –  l’interdiction de construire en zone inondable, l’application stricte des PPRI (plans de prévention du risque inondation), la réduction de l’enrochement et la reconquête des champs d’expansion des crues ; –  la mise en place d’une gestion de l’eau et de l’assainissement publique et démocratique, par un retour à la régie directe des services d’eau et d’assainissement par les municipalités. Il faut développer les commissions locales de l’eau 34

Un futur soutenable

(consommateurs et associations de protection de l’environnement) en renforçant la présence des associations d’usagers et de citoyens ; –  l’instauration d’une équité entre utilisateurs, en supprimant les tarifs dégressifs accordés aux industriels et les coefficients de collecte et de prélèvement des redevances, qui établissent une discrimination à l’encontre des consommateurs domestiques. Il faudra faire contribuer les agri­culteurs en fonction de leurs prélèvements en eau et en pollutions ; –  la mise en place d’une politique sociale de l’eau, afin de faire respecter le « droit à l’eau pour tous » inscrit dans la Constitution, en assurant la gratuité de l’accès à l’eau par la suppression des parts fixes et abonnements, et en instaurant une tarification sociale progressive ; –  la démocratisation des instances, en réformant en profondeur les Agences de l’eau, qui devront avoir une politique essentiellement préventive, et les comités de bassin, qui devront être réellement représentatifs de la contribution des usagers ; – la création d’un Haut Conseil de l’eau et de l’assainissement, en charge du conseil aux services publics locaux de l’eau et du contrôle de l’équité entre utilisateurs. III. Une forêt mieux protégée, gérée durablement La forêt de France, c’est 30  % du territoire, une grosse partie du stock national de biomasse, la moitié des espaces classés Natura 2000, un poumon social irremplaçable. C’est 450 000 emplois dans la filière. C’est surtout un rôle ­écologique 35

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­ ssentiel de retenue des sols, d’écrêtage des e crues, de retenue des avalanches, de filtration de l’air et des eaux… En plus d’un financement public misérable et d’une gestion de plus en plus concentrée entre les mains des technocraties et des entreprises industrielles, les menaces qui pèsent sur la forêt sont importantes : destruction, arbres OGM, offensive des planteurs de résineux, etc. Une nouvelle loi forestière devra permettre : – de conserver en permanence en forêt au moins 25 % de la production biologique annuelle ; – d’améliorer la qualité et la fiabilité des documents de gestion (et en particulier des études préalables) et d’abaisser le seuil d’obligation pour un plan simple de gestion à 10 hectares ; – de financer directement les apports environnementaux et sociaux de la forêt (stockage de CO2, eau, air, stabilisation des sols, etc.) ; – de donner un cadre nouveau à la gestion des forêts publiques. L’Office national des forêts, orienté sur les missions de base, doit être financé directement par l’État et rompre avec sa dérive commerciale (en particulier, les produits du domaine et les ventes de bois ne doivent plus faire partie des ressources de l’ONF), afin de garantir ses missions de service public, dont celle de protection et de restauration de la nature ; – d’améliorer le Code forestier en précisant de nouvelles contraintes directes ; – de restaurer l’ingénierie forestière française autour du pôle École de Nancy-Forêt de Fontainebleau, berceaux de la foresterie. Les politiques publiques encourageront une gestion forestière des sylvicultures plus respectueuse des 36

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équilibres, avec des objectifs de production de bois de qualité permettant, de façon simultanée, d’augmenter le volume de vieux bois mort en forêt, d’augmenter la diversité et la richesse biologique, de différer le relargage du carbone pendant plus d’un siècle, de mieux valoriser financièrement les produits pour le propriétaire.

IV. Un pacte pour une agriculture écologique et paysanne Notre horizon  : rétablir une alimentation saine, redonner sens au métier d’agriculteur, protéger les ressources naturelles et revivifier les territoires ruraux. Les caciques de l’agriculture française poursuivent un projet d’après-guerre largement dépassé. Ce modèle a généré une artificialisation des milieux (produits chimiques de synthèse, semences standards, races animales productives et standardisées élevées hors sol), la dégradation des ressources en eau, une consommation croissante d’énergie, la concentration des moyens de production (mécanisation exacerbée, agrandissement, endettement, diminution du nombre d’emplois agricoles, etc.). Ce modèle profite avant tout aux géants de l’agrochimie et de l’agroalimentaire, et seulement en apparence au consommateur : les marges sont essentiellement captées par l’amont ou l’aval. Il est en revanche coûteux pour le contribuable en termes d’aides publiques agricoles et de coûts de réparation sanitaires et environnementaux. L’objectif est de passer d’un modèle productiviste et industriel à un modèle conçu avec les ­paysans par et pour les consommateurs 37

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­ uro­péens, et non plus pour l’exportation sur des e marchés mondiaux artificiels et perméables à la spéculation financière, destructeurs pour les économies paysannes des pays en développement. Au niveau international, il faut reconstruire l’accord sur l’agriculture de l’OMC sur le droit ­inaliénable des peuples à produire leur propre alimentation, donc sur la souveraineté alimentaire, par une protection efficace à l’importation. Cela stabilisera les prix à un niveau rémunérateur pour les agriculteurs familiaux, avec une régulation inter­nationale interdisant la spéculation. Au niveau européen, nous défendrons une PAC écologique et cohérente avec les enjeux climatiques, favorisant l’emploi et la production de biens communs, via une redistribution des aides plus équitable, plafonnées par actif et en renforçant les mesures vertes du « 1er pilier ». Nous défendrons une réévaluation de l’aide aux petites fermes ainsi qu’un niveau d’aide convergent pour les pays de l’UE à l’horizon 2020. La France renoncera à l’utilisation de référence historique à l’hectare, inégalitaire, et s’efforcera de faire adopter par l’UE des aides « contracycliques », réduites lorsque les prix sont élevés et relevées quand ils sont bas. Elle renoncera également à autoriser la culture de tout OGM et apparenté sur le sol européen (hors recherche médicale confinée). Au niveau français, nous porterons une loi d’orientation agricole instaurant un nouveau pacte entre agriculture et société, et abrogeant l’actuelle loi. Le gouvernement garantira le pluralisme syndical et l’ouverture à la société civile dans les inter-professions, et repensera la gouvernance 38

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de l’ensemble des institutions agricoles dans ce sens  : enseignement, recherche, ministères, chambres, SAFER, CDOA, etc. Cette loi comprendra : – une réforme des aides publiques fléchées vers l’emploi, l’environnement, l’autonomie des systèmes, la qualité, l’élevage extensif, la diminution de l’élevage industriel ; – le soutien à l’installation agricole par des plans locaux incitant au remplacement d’un départ par l’installation d’un nouvel agriculteur et par des prêts sans intérêts pour les projets créateurs d’emplois ; – une réforme de la gestion foncière : création de schémas de cohérence agricole et alimentaire régionaux organisant l’interrelation des zones urbaines et de l’agriculture locale avec déclinaison dans les SCOT. Le non-démantèlement de sièges d’exploitations viables sera garanti, la consommation de terres agricoles sera limitée, la diversification des productions et les circuits courts seront organisés ; – le soutien à l’agriculture biologique, notamment en incitant les collectivités à atteindre 20 % de leur surface agricole en AB, par acquisitions foncières publiques ou associatives (type Terre de liens), baux environnementaux ou « gel » des surfaces déjà en bio. Les acquisitions foncières seront notamment financées par une taxe renforcée sur l’urbanisation des terres agricoles ; – la mise en place d’un plan protéines afin d’atteindre l’autonomie d’ici 2020, incluant des cultures de légumineuses dans les rotations comme condition d’aides directes communautaires ; – l’incitation à l’usage d’aliments AB dans la restauration scolaire via des partenariats avec les producteurs locaux ; – des mesures pour juguler la captation de la plus-value par les distributeurs/transformateurs ; – une fiscalité encourageant l’agroécologie et appliquant le principe pollueur-payeur : taxe sur les nitrates, redevances 39

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fortes sur les pesticides et sur l’irrigation, TVA favorable aux produits écologiques et défavorable aux polluants, réduite sur les produits alimentaires bio ; – le soutien à la production d’agromatériaux (chanvre, paille…) et aux bioressources de deuxième et troisième génération pour la chimie sans concurrencer les besoins agronomiques et alimentaires, l’abrogation des aides aux agrocarburants de première génération, l’arrêt de leur importation. En outre, nous orienterons massivement la recherche agronomique, l’enseignement et le développement vers l’agroécologie en termes d’organisation et de contenu, notamment par une recherche participative valorisant les savoirs paysans.

V. Contre la faim et la malbouffe, manger tou-te-s et manger mieux

Boire et se nourrir sont les premiers besoins de l’être humain. Dans toutes les civilisations, s’alimenter est un plaisir ; les repas structurent le temps social. La population mondiale vient d’atteindre 7 milliards d’habitants et atteindra 9 milliards en 2050. À l’heure actuelle, 1 milliard souffre de la faim, 1 milliard – dont nous faisons partie – de « suralimentation ». Les émeutes en 2008 et la nouvelle flambée des prix en 2010-2011 sont dues non seulement à des épisodes liés au changement climatique, mais aussi à la raréfaction des denrées alimentaires du fait de l’occupation importante de terres agricoles par des cultures industrielles de type agro­ carburants ou destinées au bétail. Le système alimentaire mondial est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Il faut 10 40

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à 15  fois plus de terres pour produire un kilo de protéines animales que pour un kilo de protéines végétales. Pour nourrir la planète, il conviendrait donc de diminuer en France de 50 % la part des produits d’origine animale au profit des protéines végétales. Les écologistes prônent une politique qui réponde aux besoins nutritionnels de la population en tenant compte de la capacité de la planète à y répondre, des ressources en terres agricoles, de la préservation des milieux naturels et du bilan énergie-carbone des aliments, qui repose sur une meilleure utilisation des protéines végétales, une réorganisation de la production au plus près des lieux de consommation et le développement de l’agriculture biologique. Chez nous, il faut lutter contre le gaspillage, qui atteint 40 % de la production. La restauration scolaire génère des déchets considérables. Le bilan énergie-carbone des cultures sous serre, des produits surgelés, transformés, transportés, importés, est très mauvais. La production de nos aliments consomme dix fois plus d’énergie que ce que nous apporte leur digestion. Alors que nos traditions culinaires, la variété et la qualité de nos produits ont permis d’élever la gastronomie française au rang de patrimoine de l’humanité, les problèmes de santé (diabète, obésité, cancers, maladies cardiovasculaires, déficits, etc.) liés à une alimentation de mauvaise qualité ne cessent de croître. Ces maux ont pour cause l’industrialisation de la production, de la transformation et de la distribution  : excès de sel, de sucre, de gras, de viande, d’alcool, de colorants et de conservateurs, 41

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de résidus d’engrais et de pesticides, OGM, déficit de sels minéraux ou de fibres. Les enfants et les adolescents, influencés par la publicité, prennent de plus en plus tôt des habitudes de « malbouffe ». Les personnes âgées souffrent de problèmes spécifiques. Les classes modestes, les personnes précaires sont les plus touchées par les inégalités sociales de santé liées à l’alimentation. Celles et ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté peinent à acheter de quoi manger. L’activité des organisations d’aide alimentaire, avec leurs dizaines de milliers de bénévoles, tente de parer à la carence des politiques publiques. Pour contrecarrer toutes ces tendances négatives, les écologistes proposent cinq séries de mesures : – en restauration collective (établissements scolaires, hôpitaux, maisons de retraite, entreprises, milieu carcéral…), proposer au moins un repas végétarien hebdomadaire. Éduquer les enfants et sensibiliser les adultes à la diminution de la consommation de produits carnés. Accroître la part des produits de l’agriculture biologique dans la restauration collective, passer à 100 % dans les crèches et les écoles maternelles. Favoriser la réinstallation des cuisines dans les établissements en liaison chaude. Lutter contre le gaspillage ; – financer un programme national de recherche en nutrition, légitimer les résultats des enquêtes épidémiologiques constatant les méfaits de l’alimentation « moderne », introduire des normes de qualité minimale pour l’agroalimentaire et la grande distribution, interdire les produits nocifs pour la santé et poser les bases d’un programme d’éducation et de formation à l’alimentation. Exiger la stricte indépendance des experts intervenant dans l’élaboration des directives gouvernementales ; 42

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– réglementer la publicité en direction des enfants et les interventions des lobbies en milieu scolaire et universitaire. Améliorer et simplifier les étiquettes ; – soutenir les initiatives des collectivités et des associations telles qu’Amap, ateliers cuisine, potagers collectifs, ouvriers, d’insertion, de pied d’immeuble. Inciter les collectivités à préserver des espaces pour la production locale. Soutenir la structuration des filières du bio, des circuits courts, de la distribution des produits frais, notamment par la commande publique ; – faciliter l’accès des plus démunis aux produits frais et de qualité, et aider à l’approvisionnement des organisations de l’aide alimentaire, notamment en leur attribuant les surplus agricoles au lieu de les détruire.

VI. Une politique de santé contre l’épidémie de maladies chroniques Avec celles du climat, de l’énergie et de la biodiversité, la crise sanitaire est le quatrième volet majeur de la crise écologique. Les principales causes de mortalité et de souffrance modernes sont dues à des maladies corrélées aux modes de vie et à l’environnement : au rythme et aux caractéristiques de la vie actuelle, aux comportements, aux pollutions, à la mauvaise qualité des relations entre les humains… Les maladies de civilisation progressent plus vite que les progrès de la médecine : diabète, obésité, cancers, asthme, allergies, maladies neurologiques, souffrance au travail, souffrance psychique, alors que la connaissance des facteurs de risque indique que la plupart seraient évitables. L’accumulation de déchets nucléaires ou chimiques engage l’avenir pour des siècles ou des millénaires et dépasse la dimension des politiques humaines. 43

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Si la longévité des personnes âgées augmente encore actuellement (pour longtemps  ?), notre pays est connu pour l’importance de la mortalité prématurée, en particulier des hommes, pour les inégalités hommes/femmes, pour les écarts régionaux et pour l’ampleur des inégalités sociales de santé. Une réelle politique d’éducation et de promotion de la santé, la santé environnementale et au travail constituent, avec la politique de soins, le trépied majeur d’une politique de santé qui n’est plus centrée exclusivement sur le médical ou l’hôpital. A. Les priorités de l’éducation pour la santé et la promotion de la santé

Promouvoir une alimentation plus saine, diversifiée, locale, de saison. Rétablir la part de végétal nécessaire à un bon équilibre nutritionnel, sélectionner viandes et produits laitiers selon un mode de production de qualité respectant le bienêtre animal, promouvoir l’éducation à l’équilibre alimentaire, les produits bio… Organiser un véritable service régional d’éducation et de promotion en s’appuyant sur les instances régionales d’éducation et de promotion de la santé, la santé scolaire et la Protection maternelle et infantile. S’appuyer sur les populations elles-mêmes : mettre en place des services de soutien à la fonction parentale, favoriser la capacité des jeunes à protéger leur santé, développer l’information et faciliter l’accès à la contraception, favoriser la santé communautaire orientée vers la qualité des relations entre jeunes, entre hommes et femmes, entre générations, offrir un soutien à l’autonomie des personnes âgées à domicile… 44

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La lutte contre le VIH-sida et les MST en général sera renforcée, en termes de prévention, de soins et d’accompagnement des malades. Cet effort s’appuiera en particulier sur le réseau des associations communautaires. B. La santé environnementale et au travail

L’action visera en premier lieu l’objectif qu’aucun parent de jeune enfant ne soit contaminé par les perturbateurs endocriniens. Elle se fixera notamment comme buts : – de créer un Institut national de recherche en santé environnementale et un Institut de veille environnementale, en assurant l’indépendance des médecins du travail, de manière à anticiper sur les risques liés à la diffusion de produits dont la dangerosité est suspectée ou établie ; – de réduire les pollutions électro­magnétiques. Le seuil maximal d’exposition du public ne doit pas excéder 0,6 volt par mètre. L’électro-hypersensibilité (intolérance aux champs électromagnétiques) sera reconnue comme pathologie. Les nouveaux accès Internet ADSL seront réalisés à partir de technologies ne présentant aucun risque sanitaire, à savoir les connexions filaires ou fibre optique, le câble réseau classique ; – de protéger les « lanceurs d’alerte » professionnels. Une nouvelle réglementation assurera leur protection et la suite donnée à leurs alarmes, la garantie d’indépendance (vérification des déclarations d’intérêt et des protocoles), la médiation en cas d’expertises contradictoires.

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C. Soigner autrement

La logique actuelle privilégie les cliniques privées à but lucratif et augmente le «  reste à charge » des usagers. De plus en plus nombreux sont celles et ceux qui renoncent à se soigner. Des territoires entiers se désertifient. Les composantes d’une autre politique de soins sont les suivantes : – assurer à toutes et à tous l’accès aux soins : augmenter le niveau de prise en charge des soins par l’assurance-maladie, supprimer les franchises ; – assurer la couverture du territoire par les soins de premier recours. Définir une véritable « mission de service public » de la médecine générale afin de coordonner les soins. Établir avec la profession les nouvelles missions : suivi et synthèse du dossier médical ainsi que des avis spécialisés, coordination avec les intervenants sanitaires et sociaux, participation à des actions de prévention et d’éducation. Expérimenter un nouveau mode d’exercice et la rémunération à la fonction, en commençant par les territoires déficitaires. Créer des maisons de santé (ou pôles de santé) et de l’autonomie, qui comprendront également les autres professionnels de santé et un poste spécialisé en éducation pour la santé et santé environnementale. Déléguer certains actes et certaines responsabilités aux sages-femmes et aux infirmières ; – soutenir et moderniser l’hôpital public, faire cesser la concurrence déloyale avec les cliniques privées. Maintenir le personnel soignant en nombre suffisant, rompre avec la notion d’« hôpital entreprise », qui n’a pas de sens, et mener un bilan approfondi de la T2A ; – sortir de l’impérialisme de l’industrie du médicament. Promouvoir les médicaments génériques. Assurer aux médecines non conventionnelles l’application des mêmes 46

Un futur soutenable

règles que celles de la médecine officielle, ce qui implique de leur appliquer les mêmes exigences ; – abroger la loi du 5 juillet 2011 instaurant des soins sans consentement à domicile, assimilant psychiatrie et répression, et développer la prévention non stigmatisante, les alternatives à l’hospitalisation et la politique de secteur.

D. Prévenir les dépendances

En sus des soins et des accompagnements adaptés, il s’agit de mettre en place une politique de prévention des dépendances pragmatique et efficace, reposant sur l’éducation pour la santé et la création d’environnements sociaux, économiques et commerciaux favorables à la santé. S’agissant des drogues, les écologistes préconisent de dépénaliser pour mener une vraie politique de réduction des risques et de tranquillité publique. La guerre à la drogue sous forme de répression systématique des usagers a échoué partout où elle a été menée, particulièrement dans le domaine sanitaire. En plus du renforcement des trafics qui gangrènent l’économie et de la constitution d’organisations criminelles qui régentent des territoires et menacent la démocratie, on enregistre en France une des consommations les plus élevées ­d’Europe, malgré une des législations les plus sévères. L’usager de drogues n’est pas un délinquant. L’arsenal répressif doit être réorganisé en privilégiant la protection de la population, y compris les usagers. Si nous voulons mener une vraie politique d’accompagnement et de soins des usagers de drogues, la première condition est la dépénalisation de l’usage de toutes les drogues. 47

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Les écologistes proposent : – pour le cannabis et ses dérivés, la dépénalisation de la consommation, de la détention et du transport en quantité limitée, et de la production individuelle ou collective à but non lucratif. Nous lancerons une réflexion pour déterminer les modalités d’une légalisation de la production, de la distribution et de la consommation, conformément à la recommandation de nombreux rapports internationaux. La prescription de cannabis thérapeutique sous toutes ses formes sera évaluée ; – pour les autres stupéfiants (cocaïne, héroïne, crack, speed, etc.), de multiplier les dispositifs de consommation à moindre risque, et de mettre un terme à la politique injuste et contre-productive qui conduit à l’incarcération des usagers de ces substances ; Plus généralement, nous renforcerons la prévention des addictions, y compris celles liées à la consommation de jeux, et surtout de tabac et d’alcool – responsables de plus de 100 000 morts par an. Nous lancerons également un programme d’accompagnement spécifiquement dédié à l’entourage des usagers problématiques.

E. Combattre les lobbies

Les scandales à répétition – sang contaminé, amiante, Mediator aujourd’hui  – s’ajoutent aux pressions habituelles des industries de la « malbouffe », du tabac, de l’alcool, du médicament, etc. et montrent que la logique purement commerciale est à bout de souffle. Au-delà de la dénonciation, il faut mettre en lumière les causes des dysfonctionnements avec : –  une restriction des budgets publicitaires en réduisant le prix des médicaments, afin de 48

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­ égager les budgets publics servant à développer d une politique publique de recherche, d’information et de formation médicale ; –  la sortie de la confusion entre l’expertise technique et les intérêts industriels dans les cabinets ministériels, dans les agences de l’État ou les commissions d’experts ; –  le rattachement de la Direction générale de l’alimentation au ministère de la Santé afin de l’éloigner des pressions des producteurs ; –  la décentralisation et la démocratie sanitaire : il faut donner un réel pouvoir dans la gestion à des organisations d’usagers, leur offrir des moyens de représentation et d’expertise. VII. Un logement pour chacun-e, l’habitat choisi pour tou-te-s Il manque aujourd’hui plus de 900 000 logements en France. 3,6  millions de personnes sont mal-logées ou sans logis, dont 600 000 enfants. L’habitat est devenu un facteur majeur de précarisation du fait de la hausse incontrôlée des prix et du renchérissement du coût de l’énergie. La logique du «  tous propriétaires  » est un leurre qui endette les ménages, creuse les inégalités et aggrave l’étalement urbain. Les écologistes prônent un habitat choisi où chacun-e, selon ses aspirations et son parcours, puisse devenir propriétaire ou locataire. A. Face à l’urgence : un logement, c’est un droit !

De l’hébergement au logement… Nous ­revendiquons l’accueil inconditionnel dans les 49

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s­ tructures d’hébergement, en maintenant les capacités d’accueil tout au long de l’année. La suppression des places d’hébergement ne doit se faire qu’au rythme de l’extinction de la demande d’hébergement. Pour un passage serein vers un logement adapté, l’accompagnement social doit être encouragé (pensions de famille…). Nous ne laisserons personne à la rue. Nous interdirons les expulsions sans relogement. Nous développerons «  l’intermédiation locative  » à grande échelle, c’est-à-dire au prix du marché si nécessaire, aboutissant impérativement à la mise en œuvre d’une solution de logement durable (sans remise à la rue). Nous logerons les 20  000  personnes prioritaires au DALO (Droit au logement opposable), par la construction de logements très sociaux et la captation de logements dans le parc privé. Nous éradiquerons l’habitat indigne et mobiliserons le parc vacant en faisant adopter à l’échelle communale un plan d’éradication de l’habitat indigne et en renforçant les crédits de l’ANAH. Nous appliquerons systématiquement la loi de réquisition. Nous augmenterons la taxe sur les logements et les bureaux vacants et, dans toutes les grandes villes, nous aiderons à la reconversion de bureaux en logements. B. Face à la pénurie de logements, construisons plus et mieux !

– 500 000 logements par an, dont 160 000 logements sociaux. La priorité aux logements les plus sociaux avec la construction d’au moins 30 000 PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration) familiaux et en ­limitant les agréments PLS (prêt locatif social) à 50

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10 %. Leur financement sera garanti par le Livret A, des financements publics et de l’Action Logement ; – des logements « spécifiques » : 12 000 logements sociaux neufs par an pour les jeunes. Aide à la mobilité résidentielle des personnes âgées. Rénovation des foyers de travailleurs migrants et démocratisation de leur gestion ; –  des aires d’accueil des gens du voyage manquantes et renforcement des sanctions pour les communes en infraction ; –  par l’habitat participatif, notamment les coopératives d’habitants. C. Garantir un meilleur accès au parc social

Notre volonté, c’est de : –  maintenir la spécificité et la vocation du logement social en augmentant les financements publics. Arrêt des injonctions à vendre le patrimoine social ; –  renforcer la transparence et l’égalité des demandes de logement via des dossiers anonymes et la généralisation des systèmes de cotation des dossiers ; –  réformer l’Action Logement par la création d’une collecte universelle dans les entreprises, en évitant la concurrence des collecteurs, en transférant les contingents de réservation aux commissions d’attribution territoriales. Évaluer mieux l’utilisation des fonds du 1 % logement. Les crédits en faveur du développement de l’offre de logements devront être orientés vers les logements les plus sociaux. D. Réguler le parc locatif privé, faire baisser les prix

–  Maîtriser les loyers en les encadrant à la relocation, en alignant les premiers loyers au 51

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niveau du quartier et en plafonnant les prix au mètre carré. Décréter immédiatement un moratoire de trois ans sur les loyers. Créer un « miroir des loyers  » pour constituer un référentiel des loyers pratiqués ; –  sécuriser la location par l’instauration d’une véritable garantie des risques locatifs généralisée et non réservée aux plus aisés. Supprimer les congés pour vente ; – rétablir la rétroactivité des allocations logement et supprimer le mois de carence ; –  à la place du dispositif Scellier, créer un investissement locatif solidaire aidé fiscalement, en échange de contreparties (loyers modérés, construction écologique) ; –  imposer aux investisseurs institutionnels un quota de logements locatifs encadrés ; –  réformer le régime des copropriétés, dont les règles de majorité, et imposer la constitution d’un fonds travaux ; – instaurer une déclaration préalable de mise en location, dans laquelle le bailleur livre un diagnostic sur l’état de son logement ; –  créer un service public de l’information immobilière et une autorité de régulation des agences immobilières, afin d’assainir la profession. Interdire les « agences de listes ». E. Instaurer une nouvelle organisation urbaine pour une ville verte

Cela nécessite de : –  renforcer la loi SRU en passant l’obligation de construction à 25 % de logements sociaux et à 30  % en Île-de-France, et en augmentant les sanctions financières pour les communes récalcitrantes ; 52

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–  décentraliser l’action publique. Les communautés d’agglomération doivent devenir les autorités organisatrices du logement, dotées de pouvoirs accrus (aides à la pierre, définition du PLU-PLH (plan local d’urbanisme-programme local de l’habitat), délivrance des permis de construire…). Créer des établissements publics fonciers régionaux et garantir une péréquation financière équitable entre territoires ; –  enrayer la spéculation. Utiliser la fiscalité pour faire baisser les prix en renforçant la taxation des plus-values, en intégrant la taxe d’habitation dans le calcul de l’impôt sur le revenu et en instaurant une contribution de solidarité urbaine sur les revenus locatifs et les loyers imputés des propriétaires occupants. Supprimer le prêt à taux zéro dans l’ancien ; –  prévenir les situations de surendettement et les pièges du crédit facile. Limiter la durée des crédits immobiliers à vingt-cinq ans et renforcer les règles de prudence bancaire ; – respecter un seuil minimum de densité dans les PLU, notamment aux abords des zones les mieux desservies par les transports en commun ; –  associer les habitants à l’élaboration des documents d’urbanisme mais aussi de toutes les opérations de transformation des ­quartiers (opérations ANRU, grosses réhabilitations, écoquartiers) ; –  soutenir le secteur associatif d’accompagnement vers et dans le logement par des subventions publiques pérennes et revalorisées. Faciliter l’information sur la prévention des expulsions auprès de la population, généraliser les universités des copropriétaires. 53

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VIII. Déchets : réduire, recycler, réutiliser En France, le traitement des déchets est dominé par les filières en mélange (incinération et enfouissement), les valorisations organiques et matières ne représentant qu’un tiers environ de la production. Cette politique industrielle est une impasse écologique et une rente économique scandaleuse. Elle vise un accroissement constant des volumes à l’intérieur d’un marché captif. Les déchets industriels spéciaux éventuellement dangereux sont gérés dans une totale opacité sur les volumes, les conditions de transport et de traitement. Une politique écologique des déchets vise tout au contraire la décroissance du volume global selon une logique de sobriété énergétique et d’arrêt progressif des gaspillages. Elle s’oppose au système pervers de l’obsolescence programmée des objets ou produits et à la rente industrielle de leur traitement en fin de vie. Elle s’efforce de recréer la réciprocité culture/nourriture nécessaire aux cycles de l’azote et du carbone entre les villes et les terres agricoles. Pour passer d’une politique de traitement à une politique d’évitement, nous proposons : – En amont, au niveau des producteurs : • la prévention des déchets par l’éco-conception des objets, par exemple l’extension de la durée légale de garantie de sept à dix ans pour les objets ou biens éco-conçus ; • le soutien aux industriels qui maintiennent la disponibilité des pièces détachées pendant vingt ans, afin de rallonger la durée d’utilisation des produits de consommation 54

Un futur soutenable

et d’encourager le secteur de la réparation ; • l’extension de la durée légale de garantie de sept à dix ans pour des produits de consommation durables ; • une contribution des industriels à Éco-Emballages à la hauteur du prix global du recyclage des emballages (collecte, tri et communication). – Au niveau des industriels du traitement : • l’arrêt des marchés globaux et de délégation de service public au profit de marchés publics de prestation de service par lot ; • la consolidation des différentes filières de recyclage et la pérennisation des entreprises en garantissant des mécanismes de régulation des prix des matières traitées ; • la promotion de la méthanisation des fermentescibles issus de collectes sélectives ; • la promotion de la filière des combustibles de substitution issus d’un tri spécifique ; • la sortie de l’incinération au fur et à mesure de la montée en puissance des filières alternatives et la fermeture ou la transformation des incinérateurs ; • la limitation de l’enfouissement aux seuls déchets ultimes expurgés des fermentescibles et des combustibles ; • le contrôle de l’application des règles européennes d’utilisation, de transport et d’élimination des produits toxiques, des matériaux dangereux et des déchets de soins ; • l’interdiction progressive de toute exportation de déchets. – Au niveau du client-consommateur-citoyen-contribuable : • l’organisation systématique de collectes sélectives, celles de fermentescibles dans des conditions adaptées à la densité de l’habitat étant prioritaires ; • la généralisation des incitations financières au tri par la redevance incitative avec correctif social ; • le soutien des collectivités à la création et à la stabilisation économique du réseau de recycleries/ressourceries, généralisant la réparation et le réemploi.

UNE ÉCONOMIE ÉCOLOGIQUE AU SERVICE DES POPULATIONS ET DES TERRITOIRES

La croissance du PIB, dont nous contestons au demeurant la valeur comme indicateur pertinent de la richesse collective, n’est ni un objectif ni une condition de mise en œuvre de notre projet. Notre but n’est pas d’augmenter la taille d’un gâteau de plus en plus empoisonné pour les êtres humains comme pour la planète, mais au contraire d’augmenter l’utilité sociale et écologique de la production, l’intensité en emplois des activités, la qualité du travail, d’inventer des formes de consommation plus confortables, plus sobres et plus conviviales, de parvenir à une plus grande égalité dans la répartition. Pour stabiliser l’emploi dans nos pays, particulièrement en France, et pour éviter aux pays en voie de développement d’être durablement réduits au rôle d’« usines du monde », la relocalisation et la transition industrielle de notre économie sont les deux pistes majeures prônées par les écologistes. En même temps, ils invitent nos concitoyens à un réexamen global de la place du travail et de l’activité dans notre société. Les slogans qui enjoignaient de « travailler plus pour gagner plus » se sont révélés une véritable arnaque. Ils ont laissé au bord de la route celles et ceux, toujours plus nombreux, qui attendent en vain que leur tour arrive enfin. 59

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Le principal défi sera au contraire à l’avenir de « travailler mieux et moins » pour « travailler tou-te-s ». «  Mieux  » par la réduction de la souffrance au travail et l’extension de la démocratie au sein des entreprises. « Mieux » également par la nature des activités, la reconquête de leur sens et de leur utilité, l’extension du troisième secteur d’utilité sociale et écologique. « Tou-te-s » par la réduction de la durée du travail tout au long de la vie, l’application du droit à la retraite à 60 ans. Enfin, dans le contexte des crises actuelles, le discours libéral sur la dette publique présente l’austérité et la réduction de la dépense publique comme les seules méthodes pour y faire face. Pour les écologistes, qui raisonnent sur le long terme, il est certes important de consolider nos finances, de réduire les déficits publics et de maîtriser l’endettement privé. Mais pas à n’importe quel prix ni au détriment des plus faibles. À la règle d’or, qui est une solution en trompel’œil, les écologistes opposent la justice sociale, la réduction des inégalités, la prévention et la réduction des coûts énormes induits par la réparation sans fin des dégâts environnementaux et sociaux de la société de gaspillage. Au laisser-faire, ils préfèrent des formes souples et modernes de planification et de prospective partagée, l’inscription de l’économie et la définition d’objectifs dans le temps long.

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1. LIBÉRER L’ÉCONOMIE DE LA FINANCE L’économie contemporaine est écrasée par une financiarisation insupportable. Il est impératif d’inverser le cycle de dérégulation engagé dans les années  1980 et accompagné hélas par les gouvernements de droite comme de gauche. Appliquer de nouvelles règles et contraintes à la finance est donc une urgente priorité. Car, utile quand elle est au service de l’économie réelle, elle devient nuisible et prédatrice quand elle met l’économie réelle à son service. Les écologistes agissent d’abord dans ce domaine à l’échelle mondiale (voir page  178 «  Une nouvelle architecture internationale  »), en particulier par la taxation des transactions financières. Mais ils n’ignorent pas que notre pays doit aussi balayer devant sa propre porte. La rentabilité des deux principales banques françaises sur leurs activités de marché a atteint 50  % en 2009 et 2010  : leurs résultats sont totalement déconnectés de la réalité économique. Limiter l’ampleur de ces profits est une nécessité, y compris au niveau européen. Pour changer radicalement les règles de fonctionnement des banques et des marchés financiers, nos principaux objectifs de réformes sont les suivants : – réduire la taille des banques et séparer les activités de banque d’affaires et de banque de dépôt. L’argent du contribuable ne doit en aucun cas servir à sauver la partie « finance de marché » des banques ; – augmenter leurs fonds propres. Les banques doivent disposer de plus de fonds propres pour être moins 61

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vulnérables. Cette augmentation doit se faire en levant des capitaux supplémentaires et non en diminuant leurs prêts à l’économie réelle, et doit être contrôlée par la Commission européenne pour éviter que les banques, pour réduire leur exposition au risque, ne fassent que diminuer leurs prêts aux entreprises tout en gardant leurs activités de marchés, bien plus rentables ! – conditionner l’aide de la Banque centrale européenne (BCE). Les banques européennes sont aujourd’hui totalement dépendantes de la BCE. Mais celle-ci les aide sans conditions, alors que dans le même temps elle refuse d’aider les États. Il est normal, pour assurer la continuité du financement de l’économie, que la BCE soutienne les banques, comme elle devrait le faire pour les États, mais pas de façon inconditionnelle, en termes, par exemple, de présence dans les paradis fiscaux, d’augmentation des fonds propres, de respect des règles sur les bonus, etc. ; – interdire les versements de bonus et de dividendes pour les banques sous-capitalisées. Aujourd’hui, les banques doivent consacrer toutes leurs ressources à l’augmentation de leurs capitaux propres et donc arrêter de verser des bonus et des dividendes à leurs actionnaires tant qu’elles n’ont pas atteint leurs nouvelles obligations ; – revenir sur l’« innovation financière » nocive et interdire les CDS sur les dettes des États. Ces produits profondément pervers reposent sur la fiction selon laquelle les marchés peuvent s’auto-assurer, alors que les vrais « assureurs » des risques pris, ceux qui payent à la fin, sont les contribuables ou la BCE. Une telle interdiction ne peut se faire qu’au niveau européen ; – simplifier et mieux superviser la finance : l’existence de produits financiers trop complexes pour être compris et contrôlés est une des causes de la crise. Il convient donc d’interdire un certain nombre de ces produits et de ces pratiques dangereuses. Les subprimes ou les prêts exotiques commercialisés sans aucun contrôle préalable de la puissance publique auprès des collectivités locales sont par ailleurs reconnus comme « toxiques ». L’Autorité européenne des marchés financiers devrait obligatoirement 62

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donner son autorisation avant la commercialisation par des banques d’un nouveau produit. Cela l’obligerait à en comprendre tous les risques, ce que les clients ne sont pas souvent en mesure de faire ; – mettre fin à la fuite en avant des transactions ultra-courttermistes en instaurant un temps minimum pour chaque transaction. Une taxe sur les transactions financières sera un outil puissant contre ces transactions ; – limiter la capacité des fonds spéculatifs à s’endetter auprès des banques. Si ces fonds ne peuvent plus lever de l’argent auprès des banques et doivent compter sur leurs ressources propres, leur poids financier – et donc leur pouvoir – sera bien moindre ; – lutter contre les paradis fiscaux par l’adoption en France de l’équivalent de la loi FATCA, votée aux États-Unis en 2010, obligeant toutes les institutions financières qui ouvrent un compte à un citoyen français ou à une entreprise à capitaux majoritairement français de le déclarer au fisc. Cette loi américaine est un véritable coup de massue sur le secret bancaire ; la France peut, dès 2012, montrer l’exemple en en adoptant une semblable ; – développer un pôle bancaire public adossé a minima à la Banque postale et un pôle financier public à la Caisse des dépôts et à Oséo. Un dispositif spécifique sera mis en place en son sein pour le financement des besoins des collectivités territoriales. Toute aide publique aux banques privées en difficulté sera accompagnée d’une participation au capital et à la gestion des banques. Cette mesure pourra avoir pour conséquence la prise de contrôle par l’État d’une majorité du capital des banques. L’État s’engagera à développer une gouvernance assise sur la participation de l’ensemble des parties prenantes (État, collectivités, salariés, clients). Ce secteur, décentralisé et démocratisé, sera l’instrument de financement de la transformation écologique de la société ; – inciter fortement l’Europe à créer des agences de notation publiques ; – développer l’investissement socialement responsable (ISR), comportant les volets suivants : 63

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• étendre le reporting extra-financier à toutes les entreprises de plus de 500 salariés en France ainsi qu’aux entreprises cotées au sein de l’Union européenne ; • renforcer sa qualité et sa fiabilité : les rapports « sociaux et environnementaux » ou « développement durable » feront l’objet d’une certification confiée à des organismes indépendants autorisés par l’État. L’avis des partenaires sociaux ainsi que celui de parties prenantes externes seront obligatoirement sollicités et insérés dans les rapports de développement durable ; • définir l’ISR par la loi : pour être reconnu comme ISR, un fonds devra préciser et publier ses critères extra-financiers d’exclusion et d’inclusion, ses pondérations, sa politique d’exercice des droits de vote. La loi lui demandera de s’interdire le recours aux techniques les plus spéculatives et de définir la durée minimale de détention des titres, le taux maximal de rotation du portefeuille, le seuil de rentabilité à long terme compatible avec le respect des équilibres environnementaux et sociaux ; • étendre à tous les investisseurs institutionnels l’obligation des critères sociaux et environnementaux dans leurs stratégies de placement : sont concernés tous les fonds d’épargne salariale, les caisses de retraite complémentaire, les réserves des organismes de gestion des régimes de retraite obligatoire et des organismes des différents régimes de protection sociale, les réserves des compagnies d’assurance et de réassurance, et les fonds publics, quelle que soit leur forme juridique. La prise en compte de critères environnementaux et sociaux par ces investisseurs fera l’objet d’un reporting annuel ISR obligatoire ; • créer une agence publique de contrôle et de suivi : adossée aux autorités régulatrices, elle assurera le respect des conditions précitées, délivrera ou retirera un certificat de conformité, analysera et regroupera tous les rapports annuels de gestion, et rendra publiques ses conclusions. Elle réalisera un rapport général annuel ISR qui sera remis au Parlement et rendu public ; • développer l’engagement ou l’activisme actionnarial, en rendant obligatoire la définition d’une politique des droits 64

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de vote pour tout investisseur institutionnel et en généralisant les rapports annuels sur sa mise en œuvre ; • étendre l’épargne solidaire : les dispositions permettant de diriger une fraction de l’épargne salariale vers l’épargne solidaire seront généralisées à tous les types de supports de placement collectifs.

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2. RELOCALISER L’ÉCONOMIE POUR DES EMPLOIS DURABLES ET DE QUALITÉ I. Vers l’écologie industrielle, pour l’industrie écologique La réindustrialisation de nos territoires est une nécessité pour lutter à la fois contre le changement climatique, la mise en concurrence internationale de salarié-e-s aux conditions de vie très différentes et le dumping social et environnemental pratiqué par certains pays. Car la course effrénée de l’industrie vers la baisse des coûts de main-d’œuvre et le moins-­ disant environnemental s’explique aussi par la volonté de produire toujours en plus grandes séries des produits standardisés disponibles sur tous les marchés du monde au même moment. Inverser la tendance, c’est relocaliser et créer des emplois nouveaux et de qualité. L’industrie du xxie  siècle sera celle d’un éco-développement, elle dépassera le verdissement à la marge (greenwashing) des anciennes industries. Elle aura comme objectif une économie circulaire évitant les gaspillages, limitant la consommation d’énergie et les émissions de carbone, diminuant le prélèvement des ressources et l’impact environnemental des productions, assurant une vraie qualité de vie au travail. La relocalisation va de pair avec une économie dite de la « fonctionnalité », qui valorise autant l’usage d’un bien que sa possession et incite au partage, à l’invention de nouveaux rapports sociaux de coopération. 66

Pour cela, il faudra : – s’appuyer davantage sur une spécialisation au niveau territorial, sur le réseau d’entreprises intermédiaires, sur l’innovation et les circuits courts, ce qui permettra de revoir complètement le maillage industriel français ; – s’appuyer sur les salarié-e-s : leur participation active au recensement des compétences disponibles, à la définition des objectifs, des évolutions de l’appareil de production et des formations nécessaires. La conversion écologique de l’économie participera aussi à la redéfinition des rapports sociaux et des rapports de production ; – clarifier des compétences sur les territoires et renforcer le développement régional ; – soutenir la recherche et l’innovation.

Quels sont les grands secteurs stratégiques de la reconversion ? L’énergie. Le plan de transition énergétique et la sortie du nucléaire entraîneront une grande politique industrielle dans la production de matériaux et de matériels, et d’investissements dans les énergies renouvelables. La filière bois fournira une partie de la biomasse nécessaire. Elle est aujourd’hui déficitaire sur l’ensemble des postes de la balance commerciale alors que la forêt s’accroît. Les énergies renouvelables de haute technologie nécessitent une approche spécifique tant la France a pris du retard dans ce domaine. Le développement de l’éolien doit pouvoir s’appuyer sur un réseau de PMI ancrées dans les territoires. L’effort de recherche et développement devra également être mis au profit des PME. 67

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Le bâtiment. Il aura besoin d’être soutenu et accompagné pour faire face aux enjeux d’attractivité, de formation et d’innovation. Le plan de rénovation thermique constitue un des plus importants viviers de créations d’emplois, avec la coordination de milliers d’artisans sur tout le territoire. La filière, appelée à se renouveler fortement du fait de nombreux départs en retraite, est par ailleurs confrontée à des défis importants de mutation des savoir-faire, de nouvelles exigences en matière de santé dans l’habitat, d’émissions de gaz à effet de serre… La chimie verte et le recyclage. La sortie du nucléaire et des énergies fossiles doit nécessairement prendre appui sur la chimie verte et l’encouragement aux alternatives végétales des produits pétroliers. Il nous faut soutenir la production de matériaux bio-sourcés alternatifs. Pour remédier à l’obsolescence programmée des produits, et en cohérence avec les principes d’une fiscalité écologique, en agissant sur les coûts, il est nécessaire de faire émerger et de renforcer les métiers de la réparation, de la réutilisation et du recyclage. Le ferroviaire, le fluvial, le naval. Ces filières n’ont guère bénéficié du soutien public en continu, quand celles de l’automobile ou de l’aéronautique ont été massivement aidées. La commande publique jouera dans ce domaine particulièrement un rôle essentiel, et permettra de compenser le recul inévitable et progressif du secteur auto­ mobile. Le développement des NTIC permettra de développer de nouveaux services liés à la mobilité, à l’intermodalité (déplacements à la demande, location de véhicules légers, covoiturage, réseaux de cars ou de trains, bus à haut niveau de service), 68

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à la sécurité, à la prévention des catastrophes et des pollutions. II. Créer, maintenir ou développer l’activité en soutenant TPE, artisans et PME La droite prétend parler au nom des entre­prises. Elle favorise en fait certains grands groupes financiers et ignore très largement les petits entrepreneurs. De son côté, la gauche traditionnelle prend le plus souvent comme modèle d’insertion au travail le salariat des grandes entreprises ou de la fonction publique. La transformation écologique de l’économie et l’innovation peuvent être fortement mobilisatrices pour beaucoup d’entrepreneurs, à condition de mettre en place un « pacte pour les entreprises locales  », de développer le tissu de PME-TPE et artisanal et les entreprises qui défendent les métiers régionaux  ; à condition aussi de réduire les situations de rente, de rétablir les conditions d’une concurrence minimale dans des secteurs où certaines multinationales occupent de fait des positions de monopole ou d’oligopole. Les écologistes proposent : – une fiscalité soutenant les TPE-PME et les entreprises artisanales locales et écologiques : création d’un « bonus développement durable » pour celles dont le domaine d’activité contribue à la transition écologique ; – une progressivité réelle de l’impôt sur les sociétés en fonction du niveau des bénéfices et le rétablissement de l’imposition des plus-values de cession d’entreprises ; 69

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– des mesures de soutien à la recherche et à l’innovation pour les PME ; – la responsabilisation des administrations publiques vis-à-vis des TPE-PME : application stricte des délais de paiement, pourcentage d’achats, application des critères environnementaux dans les appels d’offres, etc. ; – l’extension des sociétés régionales de capital-risque, des fonds de couverture des aléas de trésorerie ; – l’aide à l’installation des artisans débutants par la création de locaux à loyers contenus ; – le rétablissement des aides à la création d’emplois d’utilité sociale par des chômeurs ; – la réforme des chambres de commerce et de métiers dans le sens d’une meilleure transparence et d’un renforcement des collèges de petits entrepreneurs ; – l’amélioration du dialogue social dans les TPE et PME, notamment au niveau territorial. Pour les TPE de moins de 50 salariés, la mise en place de représentations du personnel inter-entreprises sur le modèle des comités d’entreprises et des CHSCT.

3. TRAVAILLER TOU-TE-S ET TRAVAILLER MIEUX I. Travailler tou-te-s Pour travailler tou-te-s, nos propositions : – la création d’au moins 600 000 emplois sur la mandature par la transformation écologique de l’économie ; – la garantie du droit au départ à la retraite à 60 ans sans décote ni surcote. Les inégalités d’espérance de vie à la retraite constituent une des injustices majeures de notre société. Les salarié-e-s ayant exercé des métiers reconnus comme pénibles bénéficieront d’une durée de cotisation plus faible leur permettant de partir avant 60 ans. Il sera également possible de compenser des carrières féminines incomplètes par le maintien des trimestres gratuits et la mise en place d’une majoration par enfant à charge doublée d’une ouverture des droits aux cotisations retraites (sur prêt personnel éventuellement) aux étudiants à partir de 20 ans ; – une relance de la négociation sur la réduction du temps de travail : nous reviendrons sur les exonérations sur les heures supplémentaires. Nous lancerons dès 2012 la négociation sociale sur la réduction du temps de travail tout au long de la vie, avec comme objectif d’encourager les entreprises et les salariés à aller vers les 32 heures, de développer les congés sabbatiques, etc. Le soutien public sera conditionné aux créations d’emplois.

II. Travailler mieux Ces vingt dernières années, le travail a été attaqué, rationalisé, pressuré. « La France qui se lève tôt » ne se reconnaît plus dans son travail. 71

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Le nombre de travailleurs subissant des expositions fortes à des produits nocifs est passé de 14 à 17 %. Cette situation illustre un problème récurrent  : la réglementation et la législation du travail sont peu ou mal appliquées. Le phénomène marquant de ces deux décennies, c’est l’intensification du travail, liée à l’augmentation des contraintes de temps, à la pression du juste-à-temps et au développement du service au client appliqué à tous les secteurs, à la pression sur les coûts et sur les effectifs. Le pourcentage de salariés devant respecter des normes ou des délais de production inférieurs à l’heure est passé en une vingtaine d’années de 5 à 25 %. On a assisté à l’explosion des troubles musculo-squelettiques (TMS), devenus, avec plus de 40 000 cas reconnus par an, la première cause de maladies professionnelles indemnisées. Chasse aux effectifs, pressions pour diminuer la masse salariale en poussant à la démission, sur-individualisation des rémunérations et de l’évaluation des performances, multiplication des contraintes, suppression des temps « improductifs », organisation du travail en juste-à-temps, prescription de modes opératoires standardisés, tous ces facteurs sont à l’œuvre dans la plupart des secteurs de l’économie et des fonctions publiques. Ils concourent à isoler les salariés et à les priver d’un nécessaire soutien collectif. Nous devons donc avoir un plan d’amélioration forte de la qualité du travail, et pour cela : – faire appliquer le droit du travail. Cela passe par un renforcement des effectifs de l’Inspection du travail 72

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et du pouvoir de contrainte par décision administrative (décision d’arrêt immédiat des travaux dangereux, obligation pour l’employeur de faire disparaître les risques, avec amendes administratives en cas de non-exécution). Enfin, il est nécessaire d’établir une politique pénale du travail en développant une coopération entre la Chancellerie et le ministère du Travail, et de rétablir la hiérarchie des normes dans le droit du travail (abolition de la loi Fillon de 2004) ; – instaurer une véritable démocratie d’entreprise, en redonnant du pouvoir d’agir aux salariés. Cela passe par la restauration de la légitimité syndicale, dans les entreprises quelle que soit leur taille et auprès des travailleurs euxmêmes. Cela passe aussi par la réactivation du « droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail », défini à l’article L. 2281 du Code du travail. Il importe de renforcer le pouvoir des institutions représentatives du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), délégués du personnel. Les représentants des salariés, comme en Allemagne, doivent être associés à la décision avec 50 % de représentants au conseil d’administration. Enfin, les élections aux caisses de sécurité sociale devront être rétablies en visant la refonte et l’harmonisation du calendrier pour rapprocher les échéances des élections professionnelles afin d’inciter à la participation, accorder un espace médiatique suffisant aux syndicats pour mener campagne lors de ces élections ; – réformer le droit du licenciement par une interdiction des licenciements boursiers spéculatifs, l’obligation faite aux entreprises de rembourser dans ces situations les aides publiques reçues ou encore l’encadrement strict des licenciements économiques motivés par l’anticipation de pertes de compétitivité en prévoyant un volet de sauvegarde de l’emploi plus strict qu’actuellement ; – réduire les risques du travail dans la sous-traitance en rendant les donneurs d’ordre coresponsables des accidents du travail et des maladies professionnelles et en renforçant la coopération entre les CHSCT de l’entreprise donneuse d’ordre et de l’entreprise sous-traitante ; 73

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– créer un service public de santé au travail en réformant la loi de juillet 2011. Il s’agira d’une part de modifier la gouvernance des services de santé au travail pour évoluer vers une vraie gestion tripartite, État-employeurs-syndicats, et d’autre part de réviser les missions en distinguant ce qui relève de l’équipe médicale du travail, et qui doit être au service exclusif de la santé des salariés, et ce qui relève de la gestion des risques et du conseil aux entreprises ; – améliorer la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, en révisant la loi de 1898 pour passer à l’indemnisation intégrale des préjudices au lieu de la réparation forfaitaire actuelle ; – conditionner les exonérations de charges sociales pour les bas salaires à l’exigence d’un travail décent : les exonérations de cotisations pour les bas salaires seront réservées aux postes en CDI dont le temps de travail est supérieur à 30 heures (ou revenir à 120 heures par mois) ; – créer des plates-formes territoriales pour les salariée-s des TPE et PME leur donnant accès aux mêmes droits en matière de protection sociale, complémentaire santé, prévoyance collective, retraite supplémentaire, de logement social (1 %)… ; – augmenter le nombre d’inspecteurs d’installations classées et leur redonner leur capacité à intervenir et à donner des conseils, afin que la réduction des risques soit maîtrisée dans une démarche positive commune. Créer une gamme de sanctions intermédiaires avant la « mise en demeure ».

4. UN REVENU MAXIMUM, UN REVENU DÉCENT… VERS UN REVENU D’EXISTENCE Il n’y a pas de changement écologique possible dans une société minée par l’explosion des inégalités et par des écarts extravagants de revenus. Les écologistes militent pour la réduction de ces écarts. Dans ce cadre, l’augmentation des minima sociaux, du SMIC et des plus bas salaires, la lutte contre la précarité et le temps partiel subi visent à redistribuer du pouvoir d’achat et à récupérer la part de la richesse qui est allée vers le capital au détriment du travail depuis trente ans. Notre souci est aussi d’articuler réduction des dépenses contraintes et augmentation des salaires afin d’éviter que les revenus supplémentaires obtenus par les salarié-e-s n’aillent directement engraisser les rentes énergétiques et locatives. Les écologistes proposent : – la mise en place d’un Revenu maximum acceptable (RMA). La fixation d’un seuil pour les très hauts revenus sera fixée à trente fois le SMIC. Au-delà de ce seuil, le taux d’imposition sera d’au moins 80 % ; – le plafonnement de l’héritage à un niveau maximum ; – la réduction massive du travail précaire par l’introduction d’une prime salariale majorée pour toute heure travaillée dans le cadre d’un contrat inférieur à un mi-temps ; – la revalorisation des minima sociaux de 50 % durant la mandature post-2012 ; – la négociation salariale entre les syndicats, le patronat et l’État : • sur la revalorisation salariale, 75

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• sur la réduction de la hiérarchisation salariale, • sur la réduction des dépenses contraintes (transports, logement, etc.) ; – à terme, l’instauration d’un revenu universel inconditionnel individuel consistant à garantir à chaque citoyen-n-e un revenu décent à hauteur de 80 % du SMIC, les écologistes proposant qu’il fasse rapidement l’objet d’une expérimentation systématique par l’État en lien avec des collectivités territoriales volontaires.

5. DES FINANCES PUBLIQUES AU SERVICE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE Depuis le début de ce siècle, les réformes fiscales se sont faites au profit des catégories et des entre­prises les plus riches. Du fait de la réduction de la progressivité de l’impôt, les recettes de 2009 ont été inférieures de 100  milliards d’euros à ce qu’elles auraient été si la fiscalité de l’an 2000 était en vigueur. Quant à la promesse issue du Grenelle de l’environnement d’engager la France sur la voie de la fiscalité écologique, elle n’a pas été tenue. Il est urgent de refonder le système fiscal et de le mettre au service d’une plus grande justice sociale, de la transition écologique, de la réduction progressive de la dette publique. Les besoins de financement de la transition écologique sont estimés à environ 2,5  % de PIB par la Commission européenne chaque année pendant au moins une décennie, soit environ 50 milliards d’euros par an. Entre un tiers et la moitié de cette somme reposera sur de l’argent public (soit 15 à 20 milliards), le reste étant lié à des investissements privés réalisés par les entreprises et les ménages. Quant à la réduction progressive des déficits publics, elle passe inévitablement par une action résolue contre les paradis fiscaux et par l’abandon des cadeaux accordés aux plus riches et aux grandes entreprises.

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I. L’impôt : plus simple, plus juste, plus écologique Les écologistes proposent : – un impôt sur le revenu rénové, qui reposera sur le prélèvement de l’impôt à la source, la fusion CSG-IRPP sur base unique, individuelle et progressive, l’intégration des revenus du capital (dividendes, intérêts, plus-values mobilières et immobilières) dans le barème progressif de l’impôt sur le revenu, la création d’un crédit d’impôt par enfant à charge pour remplacer le quotient familial, un impôt sur le patrimoine et un élargissement de la base de l’ISF, notamment par la révision de l’exonération des biens professionnels ; – la suppression de l’ensemble des niches injustes socialement, coûteuses et inutiles : l’exonération des heures supplémentaires, la baisse de la TVA sur la restauration, la « niche Copé », l’investissement en Outre-Mer et la réforme du crédit impôt recherche ; – la lutte contre l’évasion et la fraude : les paradis fiscaux, principale niche, représentent chaque année un manque à gagner compris entre 20 et 30 milliards d’euros. Augmenter les moyens et mettre en place un arsenal juridique efficace augmentera les recettes de plusieurs milliards par an ; – des impôts locaux respectant l’égalité territoriale : renforcement des systèmes de péréquation entre territoires et révision des bases locatives de 1970 servant au calcul des impôts locaux ; – la réaffectation progressive de 10 milliards d’euros de dépenses publiques considérées comme néfastes pour l’environnement (exonération de TVA sur le kérosène, TVA à taux réduit sur les pesticides, etc.). Et pour ce qui est de la fiscalité écologique : – la mise en place d’une contribution climat énergie, de 36 euros la tonne de CO2 pour commencer. Elle rapportera la première année 9 milliards d’euros. Une partie sera redistribuée aux ménages les plus défavorisés pour 78

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neutraliser la hausse dans leur budget, mais la contribution des entreprises pourra venir financer la transformation écologique ; – l’application du principe pollueur-payeur par extension et l’augmentation des taxes sur les activités polluantes, par exemple les produits phytosanitaires ou les prospectus publicitaires ; – le fléchage de l’épargne individuelle des ménages et des entreprises vers les investissements écologiques, par la création d’un Livret vert.

II. Dette et déficits : les réduire fermement mais au bon rythme Pour les écologistes, la dette est aussi un transfert de la consommation privée des uns vers les déficits publics de tous, c’est-à-dire des plus pauvres vers les plus riches. À terme, elle représente une lourde charge léguée par les générations d’hier et de maintenant aux générations futures. Cependant, imposer une diminution brutale et simultanée de leurs déficits à tous les États par l’austérité et la réduction de leurs dépenses vitales n’est pas de bonne politique. Nous ne pensons pas possible ni souhaitable une réduction des déficits à 3 % dès 2013. D’autant que les incertitudes sur l’état de l’économie et de la finance mondiale rendent aléatoire tout objectif chiffré de réduction qui serait présenté comme irrévocable. Quant au retour aux « cercles vertueux » de la croissance traditionnelle, à supposer même qu’il soit possible rapidement, il ne réglera pas non plus à lui seul et mécaniquement la question du remboursement de la dette. 79

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Elle doit donc être inscrite dans une évaluation plus globale du patrimoine commun, de la richesse véritablement produite dans la société et de sa répartition présente et à venir. Pour cela, les écologistes proposent : – un audit de la dette publique française pour évaluer précisément la part qui relève des manques à gagner liés aux cadeaux fiscaux aux plus riches et des dépenses inutiles dans lesquelles il sera possible et juste de tailler ; – un examen particulier de la « dette de crise », qui sera isolée pour faire l’objet d’un traitement spécifique : rachat d’une partie des obligations par la Banque centrale européenne, remboursement prioritaire par le secteur financier – en partie responsable de cette crise économique et financière et des dettes publiques qui en découlent – par une taxe spécifique. Rééchelonnement du remboursement pour alléger le fardeau des États sans déstabiliser le capital des épargnants ; – un échange, pour contenir les taux et donc les intérêts, d’une partie de la dette nationale contre de la dette émise par un Trésor européen ; – le relèvement du taux d’inflation cible de la BCE.

III. La dette privée encadrée et sous contrôle Dans certains pays européens (Espagne, Portugal…), et dans une moindre mesure en France, le cœur de l’endettement est avant tout privé.

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Pour sortir progressivement de cette situation, les écologistes proposent : – la possibilité de faillite personnelle claire et pratique pour permettre aux ménages lourdement endettés de se sortir du cercle infernal dans lequel ils sont enfermés ; – des outils d’encadrement de la hausse de l’immobilier et des crédits à la surconsommation, qui sont au cœur de l’explosion de la dette des ménages ; – le renforcement, au niveau européen aussi, des outils de contrôle de la commission bancaire pour un meilleur encadrement par les États de la création de crédits par les banques.

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6. DES TERRITOIRES SOLIDAIRES Les nouvelles politiques publiques, et particulièrement la conversion de l’économie, n’ont de portée qu’accompagnées de processus décentralisés de négociations avec les territoires, les populations et les autorités locales. Les services publics ont été mis à mal par la politique de dérégulation et de privatisation. Leur maintien, leur relance, leur réforme et leur efficacité sont la condition pour une prise en compte fine des territoires, de leurs spécificités historiques, culturelles et écologiques. Villes et territoires ruraux, mer et littoral, Corse et Outre-Mer, nous ferons de la diversité de notre pays un atout majeur pour sa mutation écologique. I. Un service public efficace Le service public est l’outil de la communauté pour respecter les règles qu’elle s’est donnée, pour préparer son avenir collectif, pour assurer sa cohésion et sa solidarité. Il est l’outil de l’intérêt général. Les cinq millions de fonctionnaires sont responsables au quotidien de missions essentielles pour l’accès aux droits, pour le lien social et pour rendre effectives les valeurs de la République. C’est dire l’importance de leur rôle. C’est dire aussi combien un changement radical des orientations du gouvernement actuel est nécessaire. Dans cette perspective, cinq mesures semblent prioritaires : 1.  la remise en cause de la règle de non-­ remplacement aveugle d’un fonctionnaire sur deux, 82

qui a abouti à une dégradation sans précédent du service public de l’éducation et met l’hôpital au bord de l’implosion ; 2.  un bouclier services publics permettant d’assurer une égalité d’accès aux services publics essentiels (éducation, santé, justice…) ; 3. le réexamen de la politique d’externalisation sans discernement menée au nom de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) ; 4.  la résorption urgente de la précarité des emplois, en donnant la priorité à la santé et à l’éducation ; 5. le lancement d’une négociation globale sur les fonctions publiques pour qu’elles deviennent de meilleurs employeurs afin de mieux mobilier les salarié-e-s, d’entretenir mieux et en temps réel les compétences nécessaires à l’accomplissement de leur travail et à leur évolution, de renforcer les directions des ressources humaines avec une gestion prévisionnelle des emplois et compétences, une meilleure formation, une révision du contenu des concours. Il conviendra en outre d’ouvrir un certain nombre d’expérimentations permettant d’envisager : – le renforcement des capacités de contrôle des partenariats public-privé. Dans le cadre des délégations de service public, création d’un droit de regard sur la gestion de l’entreprise délégataire. Une « golden share » temporaire attribuée à la puissance publique délégatrice pour suivre la bonne conduite de la mission qu’elle a déléguée ou sous-traitée ; – l’ouverture du statut de fonctionnaire à des personnes de nationalité étrangère ; 83

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– l’avancée vers des services publics européens, en commençant par exemple par un corps de fonctionnaires des douanes et de garde-côtes. Pour cela, l’Union bénéficiera de ressources propres et autonomes.

II. Développer l’économie sociale et solidaire Les écologistes pensent en termes d’économie plurielle et de démocratie économique. Comme alternative à l’économie de capital et en complément des services publics, qui poursuivent des missions d’intérêt général, les mutuelles, les coopératives et les associations forment le tiers secteur de l’économie sociale et solidaire. Toutes ces organisations à but non lucratif et à forte implication des salarié-e-s sont aussi légitimes que les autres pour produire des biens et services marchands ou non-marchands. L’économie solidaire s’est d’abord développée en creux de l’économie traditionnelle dans les interstices laissés par les grandes entreprises ou sur la base d’innovations technologiques ou sociales souvent isolées. Puis, en se développant, elle a contribué à l’émergence d’activités à plus forte valeur écologique et sociale ajoutée, par exemple dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture biologique, des circuits courts ou du commerce équitable, et bien sûr dans le domaine des services relationnels ou à la personne, par exemple la garde des jeunes enfants. Au stade actuel, l’objectif des écologistes est de l’instituer comme secteur d’activité à part entière, riche en emplois et capable d’indiquer une direction à toute l’économie. 84

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Pour ce faire, les écologistes proposent un plan d’action pluriannuel construit avec les acteurs du secteur et ayant pour buts de : – aider à la création et à la reprise d’entreprises solidaires : création d’un nouveau droit de préemption sur les terrains en friche ou les locaux industriels désaffectés ; – développer les incitations fiscales spécifiques pour les entreprises qui respectent le principe « une personne, une voix », le partage des bénéfices avec les salarié-e-s et la limitation des salaires des dirigeants ; – reconnaître, soutenir et promouvoir les pôles territoriaux de coopération économique, véritable alternative aux pôles de compétitivité ; – faire évoluer le code des marchés publics vers plus de conditionnalité sociale et environnementale et vers un soutien plus affirmé aux activités sociales et solidaires ; – transformer les chambres consulaires en chambres de l’économie plurielle intégrant les CRESS actuelles et autres plates-formes ou regroupements régionaux ; – créer des fonds souverains régionaux dédiés aux projets d’économie sociale et solidaire sur les territoires ; – expérimenter les monnaies sociales ; – amplifier les outils de l’épargne solidaire (livret d’épargne, carte bleue solidaire, etc.) ; – soutenir la mise en œuvre d’une certification publique européenne reconnaissant les produits du commerce équitable ; – aider à la mise en place ou à la généralisation de programmes d’entrepreneuriat solidaire dans l’enseignement secondaire, professionnel et supérieur. Des discussions particulières seront entamées avec les acteurs de l’ESS pour trouver les meilleurs moyens de développer la mobilisation spécifique du secteur autour de grands enjeux comme les énergies renouvelables, la mutation agricole, les transports locaux, la garde d’enfants, la santé communautaire, la gestion de la dépendance. 85

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III. Des villes écologiques En France, comme partout, les villes ne cessent de s’étendre  : des dizaines de milliers d’hectares sont artificialisés chaque année. L’étalement constitue aujourd’hui une atteinte environnementale considérable, par la consommation et la modification du territoire lui-même. Il représente un risque sérieux pour la cohésion sociale et intergénérationnelle en entravant les logiques de mixité. Il génère des surcoûts économiques pour les politiques publiques, puisque les infrastructures de transport, d’assainissement et les services résidentiels doivent être multipliés. Voilà pourquoi notre projet favorise un urbanisme économe en ressources foncières et en énergies, qui s’appuie sur la tradition de la ville européenne plurielle, mixte et compacte. Il entend lutter contre les inégalités sociales et spatiales et s’attaquer aux spéculations foncières et immobilières. Les écologistes proposent : – une loi d’orientation d’affectation et d’usage des sols : elle visera à stopper l’étalement urbain, à maintenir la mixité sociale urbaine par le logement, les activités, les loisirs. Ses objectifs sont de donner aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale la capacité de mobiliser les ressources foncières pour faire face à la crise du logement et permettre un équilibre entre habitat, activités, espaces publics, espaces naturels. La propriété de terrains laissés à l’abandon depuis trois ans pourra être transférée à la puissance publique pour des usages sociaux et collectifs. Toute mutation des terres 86

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agricoles vers l’urbanisation ne sera possible que dans le cadre de schémas de cohérence territoriaux et de projets d’aménagement et de développement soutenables de territoires. Les autorités locales pourront, au moyen des documents d’urbanisme, poser des limites à l’extension urbaine. Les sols sont des biens collectifs dont la qualité doit être protégée. La loi soulignera la responsabilité de leurs propriétaires pour leur préservation et pour le maintien des grands équilibres environnementaux (eau, biodiversité…). Leur état devra être spécifié dans les contrats de vente des terrains. L’analyse sera réalisée par un organisme agréé et évalué. En cas de carence du responsable de la pollution, il sera poursuivi et le terrain transféré à la puissance publique ; – le renforcement de la protection de l’environnement en ville : il s’agit au total d’établir de véritables audits de pertinence écologique, accompagnant à partir d’un certain seuil toute construction, réhabilitation ou aménagement. Pour cela, un plan de préservation de la biodiversité devra figurer dans les schémas de cohérence territoriale, garantissant notamment la continuité des espaces naturels. Les plans locaux d’urbanisme définiront obligatoirement des coefficients de pleine terre permettant la recharge des nappes phréatiques ; – les compétences « urbanisme » et « logement » deviendront une compétence obligatoire des EPCI  et les permis de construire seront délivrés par ceux-ci dans les agglomérations ; – les Agendas 21 locaux renforcés devront répondre à des cahiers des charges bien plus précis, accompagnés d’indicateurs de suivi du « métabolisme urbain ». Les mesures de protection des paysages et des entrées de villes ainsi que la lutte contre l’invasion publicitaire et les pollutions lumineuses doivent être renforcées ; – la mise en place de « bureaux des temps », pour mettre en débat et harmoniser les horaires d’ouverture des services publics locaux et des commerces ; – l’encouragement des circuits courts et des modes de production locaux, notamment énergétiques ; 87

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– la mise en place d’une démocratie locale plus participative et ouverte à la diversité des populations : budgets participatifs, conférences de consensus ou de citoyens, référendums locaux, rénovation des conseils d’habitants.

IV. Une autre politique des quartiers populaires Six ans après les émeutes de 2005, peu de choses ont vraiment bougé. La situation s’est même parfois dégradée pour les habitant-e-s des quartiers. Un renouvellement urbain insuffisamment connecté au volet humain et social de la rénovation, avec des moyens de plus en plus instables, une baisse des aides aux associations  : les politiques publiques antérieures s’épuisent gravement ; les couches moyennes ne sont pas venues ou revenues dans les quartiers, et parfois les relations sociales préexistantes ont été cassées par les réhabilitations. La politique de la droite a stigmatisé la jeunesse des quartiers et plus particulièrement celle d’origine étrangère, rendue responsable de l’insécurité et de toutes les difficultés, objet d’une discrimination ethnique et d’une véritable chasse au faciès. Une nouvelle politique des quartiers doit s’inscrire dans une démarche globale de « refaire la ville  », qui désenclave, permette à toutes les populations de sortir des enfermements scolaires, culturels ou de loisirs, favorise les fluidités et les échanges, mixe vraiment les populations et les activités, organise les moments et les espaces festifs partagés. 88

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Les écologistes proposent : – la création d’emplois qualifiés dans les quartiers populaires et pour leurs populations : à l’opposé de la logique purement financière des zones franches, il faut inciter les activités à s’installer dans les quartiers populaires en modulant les aides en fonction de leur impact social, comme le fait l’Union européenne ; – l’aide à la création d’entreprises (associatives, coopératives, etc.) par les habitant-e-s ; – une diversification sociale et géographique, dans la fonction publique, des profils recrutés ; – un effort particulier sur la formation professionnelle par la mise en œuvre de dispositifs prioritaires en direction de ces quartiers (savoirs de base, français langue étrangère, pré-qualification, qualification, etc.) et la création de partenariats avec les entreprises dans le cadre de la formation en alternance et de l’apprentissage ; – une éducation vraiment prioritaire : afin de permettre un travail pédagogique adapté et de renforcer la mixité des établissements situés en ZEP, il faut accroître significativement leur taux d’encadrement, y renforcer l’offre d’enseignements particuliers de haut niveau (technologies, culture, sport, musique, arts plastiques), revenir à des établissements scolaires à taille humaine ; – une politique des mobilités et des transports pour désenclaver les quartiers : il faut notamment développer les navettes et taxis collectifs inter-quartiers, accroître l’offre des transports, qui doivent fonctionner à une fréquence plus élevée et mieux répartie sur toute la journée ; – un droit d’« objection » pour les habitant-e-s dans les opérations de démolition pilotées par l’ANRU : la politique de démolition doit être reconsidérée, s’adapter aux contextes locaux et s’inscrire dans une démarche de qualité urbaine globale et de relogement de tous. L’aide à l’ingénierie de projets alternatifs doit être accrue.

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V. Des territoires ruraux vivants En même temps que les zones proches des villes sont victimes de mitage, d’installations dés­ordonnées et de perte de terres agricoles, les zones plus éloignées se vident, leurs populations vieillissent, les espaces et parfois le bâti tendent à dépérir. La fermeture d’établissements scolaires, hospitaliers, administratifs, postaux en France impacte durement le rural dit « profond ». Pénurie de médecins et d’équipements de santé, fermetures de classes et de bureaux de poste. Une commune sur deux n’a plus de commerce. Le nombre d’épiceries a chuté, conséquence de l’augmentation du nombre de supermarchés et d’hypermarchés en zone périurbaine. La part des déplacements en transports en commun ne représente qu’un vingtième du total en milieu rural, dont en réalité les trois quarts bénéficient aux scolaires et aux étudiants. Pourtant, de nombreuses tentatives de revitalisation, mêlant les populations et les générations, tentent d’inverser la tendance. Elles constituent autant de points d’appui pour un véritable renouveau de ces territoires. Les écologistes proposent : – une taxe sur l’urbanisation des terres agricoles à hauteur de 50 % du montant du prix de vente du foncier agricole à l’achat. La moitié de cette taxe sera affectée à un fonds régional pour la reconversion des friches industrielles et commerciales, l’autre moitié à un fonds régional pour des acquisitions foncières en faveur de l’installation d’agriculteurs biologiques ; – la définition, avec les collectivités, de seuils de densité de 90

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population en dessous desquels l’État s’engage à prendre des mesures particulières d’incitation au peuplement ; – l’achèvement de la mise en intercommunalité des communes rurales à des échelles humaines et cohérentes, la relance de la dynamique des pays, la couverture de l’ensemble des territoires ruraux par des SCOT souvent à l’échelle du pays, qui veilleront tout particulièrement à l’économie des terres agricoles. Les communes doivent cependant rester de véritables entités de démocratie de proximité, et le principe de subsidiarité doit être respecté ; – l’incitation fiscale à l’installation de médecins et autres professionnels de santé, le soutien à leur embauche comme salariés par les intercommunalités, le renforcement de l’appui aux maisons médicales et aux cabinets mobiles ; – la relance, dans les bourgs, des maisons de services publics polyvalents ; – un moratoire sur la création de nouvelles grandes surfaces et des incitations fiscales et financières au retour du commerce de proximité ; – le soutien aux petites unités de transformation pour l’approvisionnement en circuit court ainsi qu’aux dynamiques associatives locales visant à compléter l’offre de service : crèches et garderies parentales, services alternatifs de transport à la personne, commerces solidaires de proximité, notamment dans le cadre de l’économie sociale et solidaire et des coopératives d’activités. Le secteur culturel doit être particulièrement soutenu, notamment par une aide spécifique à l’emploi tout au long de l’année ; – la détaxation du carburant pour les transports en commun en zone rurale. L’aide aux transports innovants (taxis collectifs et covoiturage) et à l’équipement des collectivités en véhicules moins polluants, mieux adaptés aux besoins locaux et à une plus grande fréquence ; – une vraie politique du logement et de l’habitat en milieu rural : obligation d’entretien des biens inoccupés depuis longtemps et possibilité de leur réquisition temporaire, veille sur les logements insalubres mis à la location, pourcentage obligatoire de logements sociaux dans les nouvelles constructions à l’échelle des intercommunalités. 91

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VI. La mer et le littoral, objets d’un soin constant La France est insuffisamment tournée vers la mer, malgré la longueur de ses côtes et l’étendue de sa zone économique exclusive (la deuxième du monde). Pourtant, dans un contexte de pressions croissantes (densification des populations et des activités sur le littoral et la mer côtière) et de bouleversements climatiques (élévation du niveau de la mer), de nombreux enjeux s’y concentrent : milieux fragiles et à forte biodiversité, exploitation de ressources halieutiques en sursis, trafic maritime intense et parfois dangereux, pollutions marines ou côtières, tendance à la ségrégation sociale entre le littoral et l’arrière-pays… La mise en œuvre d’une politique de développement soutenable de la mer et du littoral est plus que jamais nécessaire, compte tenu des diverses atteintes que ce milieu subit de façon croissante depuis une cinquantaine d’années. Les écologistes proposent : – un transport maritime sécurisé. Les pollutions diffuses sont importantes et les risques se sont accrus en raison de la libéralisation anarchique des pavillons et de la dégradation des conditions d’emploi des équipages. Face à cela, il faut étendre la responsabilité juridique des affréteurs, notamment des compagnies pétrolières, poursuivre le renforcement des normes techniques de navigation et du contrôle des navires dans les ports, durcir l’action contre les pavillons de complaisance, créer des postes d’inspecteurs indépendants et un corps européen de garde-côtes. Une harmonisation des normes sociales 92

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internationales est cruciale pour mettre fin au dumping social du transport maritime ; – l’avènement d’une pêche soutenable. La politique actuelle ne répond pas aux besoins de préservation de la ressource et de maintien de l’activité à moyen terme. Une pêche durable, soucieuse des générations futures et réduisant le déséquilibre Nord-Sud, peut naître. Elle passe par l’amélioration de la sélectivité des engins de pêche. Le développement des circuits courts de commercialisation et le perfectionnement de la traçabilité et de l’étiquetage des produits de la pêche, tout comme l’éducation du public à une consommation halieutique plus responsable, sont à promouvoir. La diversification des revenus pour les pêcheurs est enfin indispensable afin de maintenir la pêche artisanale et la petite pêche côtière ; – une sortie rapide de la crise de l’ostréiculture, qui dure depuis trois ans, par l’application du principe de précaution, une plus grande transparence sur la production et la commercialisation, ainsi que sur les recherches menées, en dialogue permanent avec les professionnel-le-s ; – la préservation absolue du littoral en renforçant la loi littoral, y compris par la destruction de bâtiments illégalement construits. Les outils de planification territoriale doivent limiter l’urbanisation et l’artificialisation en préservant les espaces naturels et agricoles, en favorisant la densification des bourgs et en anticipant sur l’intensification à prévoir des risques d’érosion côtière et de submersion marine ; – la surveillance particulière des pollutions d’origine agricole dans les estuaires et les baies, passant par un plan de sortie définitive de la crise des algues vertes ; – le développement des énergies marines renouvelables. Un soutien important à la recherche et au développement est indispensable. Leur promotion mettra en avant la nécessaire intégration environnementale et paysagère de tels projets et le souci de la concertation avec les acteurs locaux.

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VII. Une ambition forte pour la montagne Les six massifs français représentent 20 % de la superficie nationale pour 6 % de la population. Un quart de siècle après la loi montagne, force est de constater que, malgré des avancées, elle s’est aujourd’hui essoufflée. Dans les Alpes, la Convention alpine n’a guère atteint ses objectifs, notamment en matière d’encadrement des transports internationaux. Enfin, ces dernières années, le retrait de l’État fait peser sur les habitant-e-s des contraintes supplémentaires quant à l’accès aux services publics, à la scolarisation des plus jeunes et à la fracture numérique. Les écologistes proposent : – de réviser la loi montagne. Elle devra garantir l’égalité et l’équité d’accès aux services publics et au haut débit. Elle permettra de développer ingénierie et accompagnement financier pour assurer progressivement la transformation des activités économiques autour des atouts réels de la montagne ; – de préserver l’agriculture de montagne et de promouvoir les produits de terroir ainsi que les activités d’accueil touristique paysan ; – de renforcer la filière forestière : qualité et diversité des plantations, entretien écologique, activités de transformation, bois de chauffage ; – de mieux accompagner les populations dans les situations de réapparition (loups) ou les politiques de réintroduction des animaux sauvages (lynx, ours, rapaces). L’État prendra mieux en charge la protection des troupeaux liée aux risques d’attaques ; – de relancer le classement du mont Blanc au patrimoine mondial de l’Unesco ; 94

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– de créer un Conservatoire de la montagne qui sera doté d’objectifs et de moyens similaires au Conservatoire du littoral ; – d’expérimenter des « zones de tranquillité », prévues dans l’article 10 du protocole tourisme de la Convention alpine, c’est-à-dire des territoires où l’on renonce aux aménagements et aux équipements qui risquent de nuire à l’environnement.

VIII. Outre-Mer : en finir avec la République coloniale, vers la responsabilité et le développement durable ! Les Outre-Mers français concentrent aujourd’hui les défis et les inégalités. Plus grande réserve de biodiversité au monde, c’est aussi là que les citoyennes et les citoyens sont confronté-e-s aux plus grandes inégalités : le chômage demeure très élevé, le nombre d’allocataires du RSA explose et les richesses demeurent concentrées aux mains de quelques-uns. Les conséquences cumulées de l’esclavage, du colonialisme, de l’économie de comptoir et du déséquilibre des échanges ont engendré une situation de dépendance transformant ces territoires en colonies de consommation. Les Outre-Mers recouvrent pourtant des réalités et des quotidiens bien différents. Les gouvernements successifs de gauche ou de droite n’ont depuis 1946 cessé d’osciller entre effets d’annonce et menace d’abandon par l’État de ces territoires. C’est pourquoi une alternative passe simultanément par un plan de rattrapage s’exprimant à travers des politiques spécifiques, par une 95

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­ éréquation permettant de promouvoir un dévep loppement soutenable et par une reconnaissance de la diversité de chaque territoire. Chacun doit ainsi réduire sa dépendance à la métropole en accédant à un modèle de développement autonome et centré sur sa zone géographique. Les écologistes proposent : Dans le domaine économique : – de rompre avec le modèle actuel par une politique d’investissement destinée à favoriser une économie tournée vers les marchés des territoires et des pays proches ; – de réorienter la défiscalisation vers les investissements en matière d’agro-transformation et d’énergies renouvelables, avec pour objectif de passer de 20 % de taux de couverture des besoins alimentaires des populations à 50 % en vingt ans, et de produire 90 % des besoins d’énergétiques en dix ans. Nous proposons pour cela une banque publique d’investissement des OutreMers régionalisée ; – de mettre l’octroi de mer au service du développement durable en pénalisant les produits dont l’empreinte écologique est élevée ; – d’encourager systématiquement les activités issues du développement local, la transformation des matériaux et des produits locaux, le cabotage maritime. En matière de politique agricole : – de passer du modèle agro-exportateur à celui d’une agriculture permettant la souveraineté alimentaire et une production de qualité ; – de lancer une réforme foncière permettant un accès équitable à la terre pour tous les usages, le contrôle du tourisme résidentiel, la diversification de l’agriculture ; – de reconnaître les responsabilités sanitaires et environnementales de l’État français, comme dans l’affaire du chlordécone ; 96

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En matière de service public et d’administration : – de garantir un égal accès à des services publics de proximité sur l’ensemble du territoire. En matière de mobilité avec l’Hexagone : – d’assurer la continuité territoriale du service public : tout citoyen a le droit d’aller et venir à des conditions de sécurité, de prix et de confort satisfaisantes entre la métropole et les collectivités d’outre-mer ; – d’ouvrir, pour les étudiants dans l’Hexagone, des « maisons des originaires des Outre-Mers » dans les grandes villes universitaires pour atténuer le déracinement et lutter contre l’échec universitaire. En matière de transport public : – de créer dans chaque Outre-Mer une autorité unique d’organisation des transports terrestres et maritimes des voyageurs, afin de lutter contre le tout-voiture et de se doter de véritables services publics de transport de voyageurs. En matière de réparation et de mémoire : – la parution des décrets d’application de la loi Taubira mettant en place la création d’un jour férié destiné au souvenir des victimes de la colonisation et de l’esclavage dans les Outre-Mers et en France hexagonale ; – la création d’un musée de la Traite transatlantique dans une ville esclavagiste française, sur le modèle de celui de Liverpool ; – s’agissant de la Polynésie, la révision des décrets d’application de la loi sur les conséquences des essais nucléaires dans le Pacifique. En matière de respect et de promotion de la diversité culturelle et linguistique, et des droits des peuples autochtones : – la reconnaissance de leur droit à la propriété foncière collective ; – la ratification de la Convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, invitant l’État à la concertation avec les populations indigènes avant la mise en œuvre de tout projet minier ou d’exploitation des ressources naturelles ; – une loi déterminant les conditions de la mise en place de la co-officialité des langues locales dans les Outre-Mers, 97

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en attendant la ratification de la charte sur les langues minoritaires. En matière sportive : – le développement des structures locales, par exemple la création de centres de coopération dans le bassin géographique ; – le maintien le plus longtemps possible des jeunes sur leur territoire par la formation d’éducateurs de haut niveau et la création sur place de sections de sport-études et de centres de formation ; – l’accompagnement des sportifs de haut niveau originaires des Outre-Mers pour qu’ils passent des diplômes leur permettant d’être les cadres du futur. En matière de service public et d’administration : – de garantir un égal accès à des services publics de proximité sur l’ensemble du territoire ; – de reterritorialiser le recrutement dans l’administration publique d’État, d’une part pour lutter contre la chasse hexagonale aux primes et aux bonus, et d’autre part pour avoir des fonctionnaires proches de leurs réalités ; – de mieux contrôler les fonds européens.

Une réforme institutionnelle profonde doit compléter et appuyer ces politiques de rupture radicale. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est, pour les écologistes, inaliénable. Dans le cadre du fédéralisme différencié, les Outre-Mers doivent pouvoir choisir eux-mêmes leur organisation administrative et chaque collectivité un statut adapté à ses réalités, adopté par référendum ou par consentement des populations. En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, le prochain mandat présidentiel sera celui de la consultation autodétermination sur la pleine souveraineté du territoire. Il rattrapera le retard pris ­volontairement 98

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par la droite sur l’application des accords de Nouméa, notamment sur le rééquilibrage du territoire et la reconnaissance de l’identité kanake. S’agissant de la Réunion, il conviendra de revenir sur la disposition constitutionnelle qui prive les Réunionnais de toute possibilité d’évolution dans la République. IX. Corse : une île exemplaire Si d’incontestables progrès ont été accomplis depuis quinze ans dans le sens de l’autonomie institutionnelle de la Corse, les maux traditionnels qui minent la cohésion et les spécificités de l’île continuent à faire sentir leurs effets délétères. Au plan politique, le clanisme et la violence. Au plan du mal-développement, un tourisme massif, l’accroissement de l’économie résidentielle, un déséquilibre démographique entre le littoral et la montagne, la bétonisation des côtes, une lente régression de l’agriculture, une certaine forme de délitement social. Au plan de l’urbanisme, une majorité de communes corses qui n’ont aucun document d’urbanisme, un État qui n’agit pas pour faire respecter le droit. Les écologistes agissent en Corse en faveur d’un modèle insulaire original qui serve de point de référence pour toutes les îles de la Méditerranée.

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Pour cela, les écologistes défendent : – la préservation des terres agricoles, pour aller vers l’autonomie alimentaire et réduire les importations ; – l’équilibre entre tourisme, préservation des paysages et des cultures, respect absolu des lois littoral et montagne ; – un mix énergétique fondé sur les énergies renouvelables et l’abandon des projets de centrales au fuel ou au gaz ; – la mise en place accélérée des établissements publics fonciers et d’aménagement prévus dans le Plan d’aménagement durable de la Corse ; – un plan de développement des villes corses, notamment en matière de logements sociaux ; – la poursuite des efforts en faveur de la culture et de la langue corses.

X. Un tourisme écologique équitable La France est le premier pays d’accueil touristique au monde. Ce secteur fortement créateur d’activités et d’emplois exerce néanmoins une pression sur les milieux naturels. Certaines collectivités se sont fortement endettées par une course dévastatrice au suréquipement, et les emplois créés dans le secteur sont souvent peu qualifiés et très précaires. Enfin, les touristes eux-mêmes sont désormais demandeurs d’activités moins standardisées, plus naturelles et permettant la découverte des populations et traditions locales.

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Une économie écologique au service des populations et des territoires

Une politique écologiste du tourisme se fixe donc plusieurs objectifs : – favoriser le tourisme en milieu rural ; – vérifier que les équipements touristiques ne dégradent pas l’environnement (eau, forêt, sols, paysages, gestion des déchets, bruit, etc.), en particulier à la montagne et sur le littoral ; – favoriser les modes d’accès doux et collectifs au détriment de l’automobile sur les sites les plus fréquentés ; – développer l’écotourisme, le tourisme social et solidaire ; – améliorer la qualité et la sécurité des emplois dans le secteur, favoriser la pluriactivité et la formation des personnes voulant s’engager dans les métiers du tourisme et de l’accueil. Les leviers d’une telle politique sont : – la fiscalité : les dotations aux collectivités vertueuses pourraient être bonifiées, les sites naturels doivent bénéficier de la même fiscalité que les monuments historiques, les gros bateaux plaisanciers et l’aviation légère de tourisme être taxés plus largement ; – le renforcement des règlements d’urbanisme, la fin des multiples dérogations aux lois mer et littoral ; – l’encouragement des bonnes pratiques : harmonisation des labels locaux de qualité, développement des chèques vacances Écotourisme.

LE MIEUX VIVRE POUR TOU-TE-S

Transfert des missions de solidarité vers l’assurance privée, constitution d’un marché ségrégatif des services à la personne, dévoiement des fonds de la protection sociale sur les marchés financiers, lent travail de sape contre le système mutualiste : toutes ces dérives sapent la cohésion sociale, isolent des pans entiers de la population, encouragent la solitude et le chacun pour soi. Attachés aux principes d’égalité et de solidarité inhérents aux systèmes de protection et de sécurité sociales issus du Conseil national de la Résistance, les écologistes appellent en même temps à leur renforcement et à leur adaptation aux grands défis de la période. Ils refusent l’idée selon laquelle les déficits n’auraient pas d’autres issues que la réduction des prestations sociales et le transfert d’une partie des activités de la Sécurité sociale vers le secteur lucratif. La protection sociale doit être ouverte à toutes et à tous, sans discrimination aucune. Cependant, intervenir en amont, agir sur les causes des problèmes plutôt que se limiter à tenter d’en amoindrir les conséquences sociales, environnementales et sanitaires constituent autant de façons nouvelles de concevoir la protection sociale et ses missions. Il ne s’agit plus seulement de réparer, mais aussi d’anticiper, de prévenir et de donner à chacun la possibilité d’augmenter ses capacités, pour mieux 105

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s’insérer dans le travail ou encore pour limiter les comportements à risques en termes sanitaires. C’est pourquoi, tout en nous engageant à pérenniser, voire à augmenter dans certains cas, les financements adaptés à la crise sociale actuelle, tout en investissant massivement dans la prévention et l’amélioration de la qualité de vie, nous agirons aussi pour une réduction des gaspillages et des dépenses liées aux situations de rente et aux lobbies, notamment dans le domaine de la santé. Dans le même sens, le mode de gestion actuel de la dette sociale de 140 milliards d’euros dans le cadre de la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale), financée par les marchés et remboursée par un abondement fiscal spécifique, ne constitue pas une solution satisfaisante. De même, la faible participation des usagers, des consommateurs, des malades, des personnes privées d’emploi aux instances de gestion appellent à une réforme profonde du paritarisme. Nous engagerons un processus de travail avec les partenaires sociaux visant à la réforme des modes de financement et de gestion de la Sécurité sociale. Nous souhaitons élargir les modes de financement à tous types de revenus. Nous organiserons des états généraux de la Sécurité sociale élargis aux représentants associatifs, pour mettre en place cette réforme, revoir ses modes de gouvernance, imaginer comment inclure à tous les niveaux de la chaîne de décision des représentants de syndicats (de salariés et du patronat) et aussi d’usagers, d’associatifs, d’élus et d’experts. Nous garderons à l’esprit ­l’exigence d’indépendance des décisionnaires vis-à-vis des acteurs économiques et de transparence des 106

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prises de décision, et la nécessité de mettre en œuvre de véritables contre-pouvoirs. Au-delà encore, les écologistes complètent traditionnellement le principe de solidarité par ceux d’autonomie et de responsabilité. Une société écologiste est une société de l’attention partagée, protectrice et respectueuse, émancipatrice et responsable. Être attentifs et «  prendre soin les uns des autres » sont leurs mots d’ordre. Le maintien et le développement de la qualité de la relation entre les personnes et les groupes sociaux, la capacité des populations à prendre en charge elles-mêmes directement cette relation en complément des services publics sont des axes forts de l’action des écologistes. Ainsi, l’appel à la mobilisation directe des groupements et acteurs de la société civile, et à la participation de tous aux missions éducatives, à la production et au partage de la culture, ainsi qu’aux liens entre les générations, est un marqueur fort des propositions écologistes.

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1. ÉDUCATION : POUR UNE « SOCIÉTÉ ÉMANCIPATRICE » Le modèle de développement que défendent les écologistes s’appuie sur l’intelligence et la créativité humaines. L’éducation doit donc être au centre de la vie sociale et concerne autant l’école que la famille et les relations entre les générations, le tissu social et associatif, les médias et les écrans, qui entourent jeunes et adultes et conditionnent représentations et comportements. Nous souhaitons donc une véritable mobilisation de l’ensemble de la société pour promouvoir, tout au long de la vie, la coopération à la place de la compétition, la confiance et la sécurité plutôt que la sélection et l’exclusion. Les écologistes défendent le retour de l’éducation au rang des priorités nationales, mais pas pour revenir au statu quo. Leur projet s’appuie sur trois principes, qu’il faut faire vivre dans l’éducation de demain : l’autonomie, la solidarité et la responsabilité. Le programme des écologistes fixe sept priorités : I. Combattre les inégalités dès la petite enfance – Mettre en place un service public local de la petite enfance et promouvoir le secteur associatif et solidaire ; – engager un dispositif massif d’ouverture de 400 000 places d’accueil de jeunes enfants et de formation des personnels avec au moins le maintien du taux d’encadrement ; –  préférer un congé parental paritaire, plus court mais mieux rémunéré ; 108

–  ouvrir la possibilité de scolariser les enfants dès 2 ans de manière non systématique en fonction des besoins. II. Faire sa place à l’école fondamentale –  Mettre en cohérence le primaire et le secondaire pour scolariser les enfants de 6 à 16 ans sans sélection ni orientation. Les structures de cette école fondamentale et le service de ses enseignants seront définis au terme d’une consultation qui consistera à donner aux organisations représentatives, mouvements et associations, les moyens de mettre en débat leurs propositions dans l’ensemble de la société. Cette école fondamentale rompra avec la culture de la performance, du résultat et du contrôle généralisé, symbolisée par l’interconnexion des fichiers informatiques et les évaluations nationales visant à mettre les établissements en concurrence ; –  deux années après la fin de l’école fondamentale, instaurer un baccalauréat associant validation d’unités capitalisables, présentation de travaux et épreuves transdisciplinaires. Jusqu’à ce diplôme, les choix de formations devront se faire en fonction des choix des jeunes et des parents, dans une logique de construction d’un parcours personnel et non d’une orientation professionnelle ; – réinventer le rôle de l’éducation populaire à la faveur d’un forum qui parachèvera la mise en réseau de ses mouvements et permettra de définir leurs besoins financiers, humains et juridiques. III. Pas de jeune de 16 à 25 ans sans solution – Encourager chaque jeune de 16 à 25 ans, en liaison avec les mouvements d’éducation 109

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­ opulaire, à vivre une expérience personnelle p choisie ou un engagement personnel fort pouvant prendre la forme d’un service civique, avec la garantie de pouvoir reprendre ses études au niveau auquel il les a laissées ; – faire de l’apprentissage un véritable lieu de formation, respecté, mieux rémunéré, évalué et contrôlé. IV. La formation, c’est tout au long de la vie – Consolider le service public de la formation ; –  accorder après la scolarité obligatoire un congé de seize semestres de formation à suivre tout au long de la vie avec garantie de revenu ; –  développer la validation des acquis de l’expérience. V. Rendre l’école à celles et ceux qui la vivent –  Rendre leurs responsabilités aux enseignants en redéfinissant les programmes scolaires en termes d’objectifs transdisciplinaires de fin de cycle adossés à un référentiel de compétences ; –  créer, au niveau local, de nouvelles instances pour définir les projets éducatifs locaux et les moyens alloués à l’éducation prioritaire ; – refonder des lieux d’écoute, de parole et d’association des jeunes aux décisions qui les concernent. VI. Garantir aux enseignants la maîtrise de leur métier –  Arrêter les suppressions de postes dans l’Éducation nationale et organiser la titularisation des personnels précaires (en particulier dans l’enseignement supérieur) ; –  refonder la formation initiale et continue des enseignants de la maternelle à l’université, 110

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­ iversifier les concours de recrutement et réford mer leur contenu en les plaçant à l’entrée du master ; –  réformer de façon concertée le système d’affectation et de promotion pour sécuriser le parcours des débutants, encourager la formation d’équipes stables ainsi que la mobilité des professeurs chevronnés vers l’éducation prioritaire et la prise de responsabilités. VII. Pour un véritable service public de l’enseignement supérieur – Malgré une avalanche de réformes, les faiblesses historiques de l’enseignement supérieur français perdurent, quand elles ne se sont pas accrues : clivage entre écoles et universités, manque de moyens global et fortes inégalités entre filières et disciplines, insuffisance de la pédagogie et de l’orientation face au taux d’échec à l’université ; – de plus, la discrimination territoriale explose avec le plan Campus et les initiatives d’excellence, qui ne financent que de rares pôles de prestige. Et, avec la crise, la paupérisation des étudiants est là, qui conduit pour la première fois au recul du taux de poursuites d’études après le bac. En plus de revenir sur les réformes universitaires qui, au lieu d’assurer l’autonomie des universités, les ont mises en concurrence, les écologistes s’engagent à : – autonomiser les étudiants pour les rendre acteurs de leur parcours • en transformant en profondeur le système de bourses actuel par la mise en place d’une allocation d’autonomie jeunesse, 111

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• en diminuant les frais d’inscription avec l’objectif de la gratuité du service public de l’enseignement supérieur, • en installant des éco-campus : rénovation du bâti universitaire, amélioration de l’offre de transports en commun, 70 000 rénovations et 50 000 nouvelles chambres éco-conçues, alimentation bio et équitable, centres de santé, crèches… • en donnant aux étudiants l’opportunité de s’engager dans la vie citoyenne : maisons de vie étudiante, valorisation de l’engagement associatif, implication dans la politique universitaire, etc. ; – donner une véritable ambition à l’orientation et à la formation • en reconstruisant un service public de l’orientation qui accompagne chacun dans la construction de son projet, en garantissant 50 % des places en BTS et en IUT pour les bacheliers professionnels et technologiques, • en renforçant la lisibilité des diplômes, les passerelles entre filières et disciplines, en structurant réellement les masters sur deux années, en facilitant la validation des acquis et la reprise d’études, • en rapprochant fortement les grandes écoles et les universités au sein de pôles territoriaux, en substituant progressivement aux classes préparatoires des parcours renforcés de licence, en recrutant dans les écoles sur dossier et non plus sur concours, • en réformant la licence, dans une dynamique pluridiscipinaire avec un meilleur accompagnement (tutorat, créations de postes…) et une vraie cohérence pédagogique, • en développant l’alternance lorsqu’elle apporte une réelle valeur ajoutée aux formations, • en mettant un terme à la politique discriminante envers les étudiants étrangers, en améliorant leur accueil et en renforçant les échanges internationaux ; – garantir un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche de l’échelon régional jusqu’à l’Europe • en donnant au ministère la possibilité de couvrir enfin l’ensemble des formations post-bac, en lien étroit avec les régions, 112

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• en organisant dès la rentrée 2012 des états généraux de l’ESR, qui prépareront notamment le remplacement de la LRU par un texte remettant la démocratie au cœur de l’université, • en assurant un maillage universitaire régional qui associe les pôles d’enseignement supérieur et de recherche de rang international et un réseau de proximité, • en développant l’emploi scientifique et en résorbant progressivement la précarité par la création chaque année de 5 000 postes statutaires, • en créant un statut du doctorant et en reconnaissant le titre de docteur dans les grilles de la fonction publique et dans les conventions collectives, • en sortant de la logique néolibérale des processus de Bologne et de Lisbonne pour créer un service public européen de l’enseignement supérieur et de la recherche.

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2. SAVOIRS ET RECHERCHE : UNE POLLINISATION RÉCIPROQUE SCIENCE/SOCIÉTÉ Les savoirs constituent des biens communs dont le statut est à la croisée des chemins. D’un côté, les technologies numériques et Internet permettent de démultiplier les échanges d’information, donc d’accélérer la diffusion de la culture et l’avancée des connaissances, tout en expérimentant de nouvelles formes de coopération et de travail. Mais, dans le même temps, le capitalisme contemporain cherche à contrôler toujours plus étroitement la production et la circulation des savoirs, et à raccourcir au maximum le temps entre la découverte et la mise de produits sur le marché. Les politiques menées ces dernières années ont facilité cette prédation  : recherche publique lentement mais sûrement déstructurée sous le couvert fallacieux de l’« excellence », argent public destiné à l’innovation privée investi sans contrôle, renforcement des droits de propriété intellectuelle hors de tout débat public, progression de la surveillance et de la répression des individus… Les écologistes sont déterminés à rompre avec ces dérives, à mettre en place un nouveau partenariat entre science et société, et à agir en faveur de la liberté de circulation et d’accès à l’information. Le système de recherche public doit être renforcé pour faire avancer les frontières de la connaissance, répondre aux interrogations des citoyens, éclairer les décisions politiques et offrir un levier de transformation de la société. 114

Il y a urgence à réaffirmer le rôle central de la recherche fondamentale, son caractère ­public, et à faire émerger un véritable tiers-secteur scientifique. Il s’agit de passer d’un système fondé sur la constitution de monopoles et l’octroi de droits exclusifs transposant dans le domaine de l’immatériel une logique propriétaire à un système organisé sur le partage, l’échange, la gestion collective de biens communs, l’attribution de droits collectifs d’usage. Pour cela, les écologistes s’engagent à : – redonner à la recherche publique les moyens d’assurer sa mission de création et de diffusion des savoirs : loi de programmation budgétaire visant à atteindre 1 % du PIB pour la recherche publique civile à l’issue de la mandature (contre 0,8 % aujourd’hui), rééquilibrage au profit des crédits de base en lieu et place du système d’appels à projets sans fin porté par l’ANR et les « investissements d’avenir » du Grand Emprunt, évaluation démocratique, collégiale et qualitative – ce qui implique la suppression de l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement) –, encadrement strict des recours aux CDD et aux heures complémentaires ; – revaloriser la place des sciences humaines et sociales et des recherches pluridisciplinaires (notamment celles en lien avec l’environnement et les problématiques liées au genre) au sein des organismes publics de recherche, ceux-ci devant être préservés aux côtés d’universités de plus en plus directement engagées dans la recherche ; – cibler le financement de l’innovation vers les PME (« Small Business Act » français, crédit impôt recherche plafonné, conditionné à l’emploi et privilégiant les projets socialement et écologiquement pertinents), seul moyen de progresser 115

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concrètement vers l’objectif de 3 % du PIB pour la recherche et le développement ; – développer une coopération juste et équilibrée avec le Sud en soutenant par des moyens financiers et logistiques la recherche des pays du Sud, qui contribueront ainsi à l’édification d’une société des savoirs ; – faire émerger une démocratie scientifique par une politique de partage des connaissances et l’installation d’un Office national indépendant, financé sur fonds d’État, chargé de mettre en débat public les grands choix en matière scientifique ; – développer les recherches fondées sur une collaboration entre les laboratoires de recherche publics et les organisations de la société civile (comme les Picri en Île-de-France) ; – garantir une expertise publique autonome et contradictoire en créant une haute autorité de l’alerte et de l’expertise, mettre en place un statut véritablement protecteur des lanceurs d’alerte ; – promouvoir le partage des biens communs et la protection des droits des internautes, en abandonnant les politiques répressives et sécuritaires de type DADVSI, HADOPI ou ACTA et en encourageant l’utilisation des logiciels libres et l’emploi des formats ouverts, en inscrivant dans la loi la neutralité du Net. Il faut par ailleurs développer l’accès libre aux biens publics par la numérisation du patrimoine et la mise en place d’exceptions aux droits de propriété intellectuelle tenant compte de l’intérêt général.

3. VERS L’AUTONOMIE DE LA JEUNESSE Contrairement aux représentations portées par les médias, la jeunesse est pour beaucoup une période instable et inquiétante de la vie  : logement, emploi, santé… La liberté des jeunes de choisir leur chemin de vie paraît s’être réduite comme peau de chagrin. Les étapes de la vie paraissent largement brouillées. Les critères de passage à l’âge adulte ne sont plus la majorité à 18  ans ou l’obtention d’un diplôme, mais l’indépendance, elle-même devenue incertaine sous l’effet de l’accès tardif aux minima sociaux, de l’allongement des études, du développement de la précarité ou du recul de l’âge au premier enfant. L’autonomie de la jeunesse s’inscrit donc dans le cadre de la redéfinition d’une politique des âges et des temps de la vie. Outre une attention particulière apportée à l’orientation et à l’insertion des jeunes, les écologistes préconisent d’ouvrir une conférence nationale permanente de la jeunesse. Une conférence nationale permanente de la jeunesse pourrait se saisir des grandes propositions suivantes : – lever toute discrimination liée à l’âge, en particulier pour l’accès aux minima sociaux ; – réaffirmer l’impossibilité d’incarcérer les personnes mineures dans toute sorte de centre fermé – sauf cas extraordinaire –, en réaffirmant le caractère intangible de l’ordonnance de 1945, qui fait de l’éducation la priorité des politiques en direction des mineurs ; – intégrer les jeunes à la vie politique et à la discussion 117

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démocratique, en renforçant les attributions de coélaboration des politiques avec les conseils municipaux, régionaux et national de la jeunesse, en instaurant une obligation de représentation des élèves dans toutes les instances du milieu scolaire et en étudiant les modalités d’un abaissement de l’âge du droit de vote à 16 ans ; – expérimenter en vue de son extension le revenu d’autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans, fondé, pour les jeunes scolarisés, sur une allocation formation d’autonomie, et pour les autres (période d’orientation et d’exploration, stages engagement volontaire, modules d’accès à l’emploi, etc.) sur un complément de revenu, ce qui leur permettra d’être réellement autonomes quelles que soient leurs activités ; – donner la priorité à la lutte contre la précarité en prenant en compte les périodes de stage et d’emploi précaire dans le calcul des droits sociaux. Les stages devront être encadrés en abaissant le plafond de 10 % du nombre de stagiaires par entreprise ou administration et en rehaussant le montant des indemnités. Une harmonisation européenne sera proposée ; – accompagner l’accès au logement et au transport : encadrement des loyers et avant tout des petites surfaces par l’instauration d’un prix plafond, renforcement des sanctions contre les abus de listes par les agences immobilières et les propriétaires, extension de la garantie des risques locatifs gratuite, mutualiste et solidaire ; construction de 50 000 chambres universitaires et rénovation de 70 000 autres ; – améliorer la santé des jeunes en développant l’offre de « pass contraception » et en créant un « chèque santé » de 200 euros par an pour les 16-25 ans. La prise en charge des soins dentaires et optiques sera améliorée. À l’université, seront ouvertes des maisons de santé étudiantes avec un tiers payant systématique, ainsi que des bureaux d’aide psychologique universitaire ; – renforcer et étendre à tous les jeunes travailleurs, apprentis, stagiaires, volontaires, des programmes ERASMUS et ERASMONDE ; 118

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– appuyer les projets alternatifs portés par les jeunes (bio, coopératives solidaires sur les circuits courts ou la culture alternative, économie sociale et solidaire, etc.), via des aides d’État au développement de la microfinance.

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4. OUVRIR DES CHOIX À NOS AÎNÉ-E-S Aujourd’hui, près d’un quart de la population française a plus de 60 ans et l’espérance de vie augmente régulièrement. La situation des personnes âgées est marquée par de fortes disparités sociales, qui placent les uns dans l’opulence extrême, les autres dans une grande pauvreté aggravée par la stagnation et la réforme des pensions. Les aîné-e-s ne sont pas, comme l’instillent certains discours, une charge pour la société ; ils sont un maillon important de la transmission de l’expérience collective et de la cohésion. Ils méritent mieux, par ailleurs, que le paternalisme et le clientélisme des petits cadeaux de certaines municipalités, qui entretiennent leur séparation d’avec la société et in  fine leur solitude. Donner aux différents âges qui succèdent à la vie professionnelle la réponse adaptée et les possibilités de choix les plus ouvertes, afin aussi que toute la société fasse de cet âge de la vie une question de solidarité et d’attention à l’autre. Les écologistes proposent : – de favoriser l’activité bénévole et les lieux d’échanges intergénérationnels par : • la création d’agences intercommunales pour le travail bénévole et l’incitation fiscale par des réductions d’impôts, • le soutien aux clubs de seniors, aux universités et aux lieux de formation dits du troisième âge, • l’encouragement à la mixité des générations dans la construction des logements neufs ; 120

– de sécuriser les revenus et l’accès aux soins des plus fragiles par : • l’augmentation du minimum vieillesse selon les mêmes critères que les autres revenus sociaux, • la revalorisation des retraites à partir des salaires et non de l’indice des prix, • la garantie d’une visite médicale annuelle gratuite pour toutes les personnes de plus de 65 ans et la suppression des franchises médicales ; – d’ouvrir un choix quant au mode d’hébergement par : • la création de logements adaptés, l’hébergement en structure collective ou autogérée, le maintien à domicile, qui doivent devenir des choix réellement ouverts. • l’augmentation du nombre de places en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) public au moins égal au nombre de places dans le secteur privé, et l’adaptation des équipements ; – l’assistance aux travailleurs immigrés âgés et à leurs conjoints par un dispositif spécifique d’hébergement, d’écoute, d’amélioration et de suivi des droits à la pension ; – de soutenir et d’améliorer les emplois de services : la puissance publique doit contrôler le développement de ce secteur pour améliorer les conditions des emplois et améliorer la qualité du service en visant trois objectifs : • limiter la place du gré à gré et favoriser l’économie sociale et solidaire, • poursuivre la professionnalisation pour améliorer la qualité, • simplifier et assouplir les outils de paiement et de gestion ; – de financer la perte d’autonomie et la prise en charge de la dépendance. En plus des recettes fiscales ordinaires, les revenus des retraité-e-s les plus prospères doivent être mis à contribution par une taxation des patrimoines les plus élevés hors habitation principale, par l’alignement de leur CSG sur celle des actif-ve-s avec un taux progressif, et par la suppression de l’abattement de 10 % des frais professionnels pour le versement de l’impôt ; – d’organiser les soins palliatifs et la possibilité de mourir dans la dignité : chaque personne doit pouvoir mourir dans la dignité là et au moment où elle le souhaite. Cela implique 121

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l’installation dans chaque département d’une unité de soins palliatifs assurant aussi la logistique des réseaux à domicile et dans les résidences de personnes âgées.

5. DU SPORT BUSINESS AU SPORT POUR TOUTES ET TOUS Aujourd’hui, le sport représente moins de 1 % du budget de l’État. De larges pans de la politique ont été laissés de côté  : prévention, santé, lutte contre le dopage, démocratisation. Une nouvelle politique responsable et publique du sport doit s’appuyer sur une nouvelle organisation, redéfinissant la part de l’État, du mouvement sportif, des collectivités et des différents types d’acteurs du sport en France. L’État doit prioriser son action pour un véritable service public social du sport qui permette la pratique de tous et toutes, quel que soit son âge ou son état de santé. Par ailleurs, la pratique de la compétition à un haut niveau de performance n’est pas forcément contradictoire avec une ­vision humaniste et coopérative. Les écologistes proposent : – la garantie de l’accès au plus grand nombre à la pratique sportive en s’appuyant sur un schéma national sur l’ensemble du territoire et pour toutes les catégories de personnes. Une taxe prélevée sur les partenariats privés pourra permettre d’aider à le financer et à l’orienter vers la réhabilitation des stades, des gymnases et des équipements dans les quartiers populaires ; – la reconnaissance du sport comme un élément de santé publique, avec évidemment comme dimension forte la lutte contre le dopage ; – la mise en place d’un plan de reconnaissance du bénévolat sportif par l’organisation de formations, la reconnaissance des compétences et la professionnalisation des parcours ; – l’instauration d’une vision humaniste du sport de haut 123

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niveau, en limitant la spécialisation sportive précoce, en développant un statut de l’athlète, en reconnaissant et en valorisant les années d’entraînement et en révisant les calendriers de compétition pour en ralentir le rythme, en combattant la violence et le racisme dans les stades, grands ou petits ; – la limitation du nombre des grands équipements sportifs coûteux et de leurs impacts environnementaux. L’aide à l’éco-conception des grands événements et l’arrêt du subventionnement public aux compétitions mécaniques les plus polluantes comme la F1 ; – la révision de l’organisation mondiale du sport dans une optique moins mercantile, l’encadrement du financement et de la gestion des fédérations sportives, la séparation claire entre sport spectacle et sport amateur et de loisir.

6. POUR UNE ÉCOLOGIE DE L’ART ET DE LA CULTURE Alors que, trop souvent, la mondialisation attise les crispations identitaires et encourage la consommation effrénée de biens standardisés, la culture est un élément consubstantiel du projet écologiste et aussi la condition sine qua non pour « faire et faire changer la société ». La culture s’aliène en se subordonnant aux seules lois du marché ou en acceptant d’être instrumentalisée au service d’un certain mode de développement économique des territoires. Notre projet s’appuie au contraire sur la démocratie, la diversité, l’éducation populaire et l’économie sociale et solidaire. La Déclaration universelle pour la diversité culturelle de l’UNESCO, l’Agenda 21 de la culture adopté par Cités et Gouvernements locaux unis, et la défense de la liberté d’expression et de création contre la censure et le « fait du prince » en sont des références fortes. Les fondements d’une action publique des écologistes en faveur de la ou des cultures sont les suivants : – la promotion de la diversité, l’accès du plus grand nombre à la culture : • répartition équitable des financements entre grandes et petites institutions, villes centres et territoires périphériques, amateurs et professionnels, artistes reconnus et artistes en devenir, • soutien à la création qui vise les publics les plus larges, crée des passerelles et favorise la rencontre et la mixité, • encouragement au dialogue décloisonné entre les arts, entre les arts et la science, aux pratiques participatives avec des artistes engagés, 125

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• consolidation et développement de l’offre légale sur Internet, suppression des lois qui criminalisent les utilisateurs, comme DAVDSI et HADOPI, et instauration de dispositifs mieux à même d’assurer le financement de la production artistique et culturelle ; – une économie plurielle de la culture : • maintien d’une véritable offre publique. L’objectif reste le 1 % du budget de l’État, la consolidation des services publics locaux de la lecture, de l’éducation artistique et musicale, l’inscription de la culture comme clause de compétence obligatoire dans les intercommunalités, • réforme de la fiscalité de l’art favorisant l’acquisition d’œuvres d’artistes vivants, tout en taxant la spéculation dans le circuit national et international, • évaluation et contrôle renforcé des dispositions d’exonération fiscale liées au mécénat des grands groupes industriels et de services, cogestion d’une partie de ces fonds par des dispositifs partenariaux, • création d’un fonds de développement du tiers secteur culturel et de fonds mutualisés pour l’accès des artistes et des artisans d’art aux locaux et aux terrains vacants, et à des services partagés ; – la sécurité, l’autonomie des acteurs culturels : • réexamen des circuits de financement de l’intermittence du spectacle, installation d’un statut du « pluriactif culturel » combinant revenu de transfert, revenu d’activité en vue de la garantie du revenu, • relance des expérimentations sur les groupements d’employeurs, les coopératives d’artistes en production, en exposition, en diffusion, • création de mutuelles pour la protection sociale, le logement et la retraite complémentaire des intervenants culturels.

7. LA PUBLICITÉ REMISE À SA PLACE Le rôle de la publicité a de tout temps été critiqué par les écologistes. Le plus souvent, elle prône la surconsommation, l’individualisme, l’immédiateté, l’apparence ou le gaspillage. Sur la forme, elle s’impose à nous, s’incruste dans tous les aspects de la vie collective et pervertit le fonctionnement démocratique. Bien audelà des enjeux environnementaux liés au modèle productiviste, la publicité a façonné des pans entiers de notre société, de la femme objet au culte de la vitesse et de l’apparence en passant par un déséquilibre entre l’intérêt général et les lobbies. Les écologistes proposent : – la diminution drastique des formats et densités de l’affichage publicitaire (révision complète du Code de l’environnement sur ce sujet) ; – l’obligation de recueillir le consentement explicite préalable des individus pour la distribution de prospectus (autocollant sur la boîte aux lettres), pour la création de cookies lors de la navigation sur Internet, pour le démarchage téléphonique et pour l’envoi de messages sur les téléphones portables ou par courrier électronique ; – l’indépendance et la neutralité des services publics : le financement de services publics par la publicité est une aberration. Sous couvert de gratuité, elle abuse les élus pour proposer toujours plus de services en échange d’espaces de diffusion. Notre position : suppression totale de la publicité sur le service public de l’audiovisuel. Interdiction de la publicité dans et autour des établissements scolaires et du bâchage par des marques privées des bâtiments publics ou des monuments. Interdiction aux acteurs privés, notamment alcooliers et marques de tabac, actions de prévention 127

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santé, notamment auprès des publics jeunes et des femmes enceintes. Réduction drastique de l’affichage publicitaire dans les transports en commun. Interdiction de la publicité télévisée destinée aux enfants et suppression des publicités lors des programmes jeunesse ; – l’encadrement des procédés publicitaires (écoblanchiment, stéréotypes sexistes, marchandisation du corps…) et la création d’une autorité indépendante chargée de la régulation pour tous les supports composée de représentants de l’État, des ONG, des associations de consommateurs, des professionnels du secteur ; – la prévention des internautes lorsqu’il y a collecte et conservation de données personnelles. Traçabilité de l’utilisation qui est faite des données ; – l’abandon des facilités sur la publicité pour l’alcool accordées ces dernières années, notamment sur Internet.

UNE SOCIÉTÉ OUVERTE, D’ÉGALITÉ, DE DROITS ET D’ÉMANCIPATION

1. POUR UN STRICT RESPECT DE L’ÉGALITÉ I. L’égalité femmes-hommes au cœur de la transformation de la société Il y a loin pour les femmes entre l’égalité proclamée et la réalité. Les inégalités demeurent fortes, les violences et le sexisme perdurent, la division des rôles reste la norme. Dans les faits, la France est au 46e rang mondial du classement des inégalités femmes-hommes. Dans le contexte actuel de crise, celles-ci s’accroissent. 80 % des salarié-e-s qui vivent avec 750 euros par mois ou moins sont des femmes. Les femmes occupent 18,5  % des sièges à l’Assemblée nationale. La violence représente la forme la plus brutale et invisible de la domination masculine. Tous les deux jours, une femme décède sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Pour les écologistes, un monde solidaire ne peut se construire que si les rapports sociaux entre les femmes et les hommes changent considérablement. Cela exige une réponse politique pour garantir une véritable égalité, ainsi que sa prise en compte au sein de toutes les politiques. De l’école au travail, c’est toute la société qui doit être transformée pour permettre le respect par une approche féministe. Les écologistes proposent : – la création d’un ministère d’État de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce ministère aura pour mission 131

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de défendre et de faire appliquer les droits acquis. Il permettra aussi de sexuer systématiquement les statistiques et les politiques publiques, et de prendre en compte le genre dans tous les domaines ; – un congé de parentalité. Le congé de maternité doit être réformé au profit d’un congé pré et postnatal pour la mère, complété d’un congé d’accueil de l’enfant réparti entre chaque parent. Le congé parental serait transformé en un crédit temps de trois ans indemnisé à 80 %, à utiliser jusqu’à la majorité de l’enfant et réparti à part égale entre les deux parents. Ces congés doivent être comptabilisés dans le calcul des retraites de manière rétroactive ; – l’égalité des salaires entre femmes et hommes. La loi sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes de 2006 doit être appliquée et s’accompagner d’audits obligatoires pour imposer aux entreprises une réelle politique d’égalité et d’accès aux postes à responsabilité. Les femmes étant majoritairement concernées par les temps partiels subis et les petits revenus, une attention particulière sera portée à l’augmentation du SMIC, à la lutte contre les temps partiels subis et à la mise en place de plans de formations initiales et continues ; – une politique éducative et de prévention ambitieuse passe par la formation initiale et continue aux inégalités de genre des acteurs et actrices de l’éducation, de la petite enfance à l’université, ainsi que par la garantie de matériel pédagogique et de manuels scolaires non sexistes ; – le développement de l’éducation à la sexualité dans les programmes scolaires, y compris le plaisir et le respect, en intégrant des structures extérieures et compétentes aux projets pédagogiques ; – une action ferme pour éliminer la violence faite aux femmes. L’accompagnement des victimes doit être amélioré à chaque étape : campagnes de sensibilisation pour favoriser le soutien et la déclaration ; augmentation du nombre de places en hébergement d’urgence, avec choix pour les victimes de pouvoir rester chez elles ; formations sur la prise en charge des victimes ; ouverture de centres d’accueil pour les personnes violentes sur l’ensemble du territoire 132

Une société ouverte, d’égalité, de droits et d’émancipation

avec une obligation de suivi. Mise en œuvre d’une loi-cadre accompagnée de campagnes sur la violence conjugale ; – les prostitué-e-s doivent ne plus être stigmatisé-e-s et réprimé-e-s, mais accéder au droit commun, comme tout-e citoyen-n-e. Les réseaux de proxénètes doivent être très durement sanctionnés et les clients sensibilisés. Il s’agit donc de garantir aux prostitué-e-s l’accès à tous les droits sociaux, de supprimer toutes les mesures de répression, d’éloignement et de stigmatisation les concernant, de favoriser leur formation/reconversion quand ils/elles le désirent, par une formation professionnelle et l’arrêt de poursuites du fisc, de donner des cartes de séjour et une possibilité de formation professionnelle pour les victimes de la traite sans dénonciation du proxénète, de lancer des campagnes de sensibilisation en direction des clients, de mettre les moyens nécessaires pour lutter efficacement contre l’exploitation et la violence subies par les prostitué-e-s.

II. Lesbiennes, gays, bi, trans et hétéros : mêmes droits, mêmes lois En France aujourd’hui, 3  millions de personnes sont discriminées et ne bénéficient pas des mêmes droits que leurs concitoyen-ne-s en raison de leur orientation sexuelle. Plusieurs milliers de personnes voient leurs droits au respect de la vie privée et à la maîtrise de leur parcours sanitaire bafoués, du seul fait de leur transidentité. Des plus hauts sommets de l’État à l’école, l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie persistent sous des formes diverses et plus ou moins violentes. Réussir l’égalité des droits n’est donc pas seulement un impératif juridique, mais 133

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une nécessité pour vivre ensemble dans une société respectueuse de chacun-e. Les écologistes défendent donc : – l’ouverture du mariage et de tous les droits attenants aux couples de même sexe, et un alignement des droits liés au PACS sur ceux liés au mariage ; – la lutte contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie dans toute la vie scolaire, le monde sportif et le monde du travail, par la sensibilisation de tous les acteurs et toutes les actrices ; – l’accès égalitaire pour toutes et tous à l’adoption et aux techniques d’assistance à la procréation, et la reconnaissance légale de l’autorité des parents sociaux sur les enfants de couples homoparentaux ; – la dépsychiatrisation complète de la transidentité, le renforcement des droits des personnes trans à choisir les modalités de leur parcours de réassignation de genre et la simplification des démarches du changement d’état civil ; – l’alignement au même niveau de protection de toutes les dispositions légales de lutte contre tous les motifs de discrimination reconnus par le droit européen ; – la lutte contre la pénalisation de l’homosexualité et de la transidentité dans le monde.

III. Une pleine citoyenneté pour les personnes en situation de handicap Selon les critères retenus, entre 7 et 42  % de la population française sont concernés par le handicap, avec de grandes différences territoriales de prise en charge et d’importantes inégalités. 134

Une société ouverte, d’égalité, de droits et d’émancipation

Une politique écologiste du handicap est fondée sur la solidarité, et notamment sur la solidarité nationale, sur l’autonomie des personnes. Elle vise l’inclusion des personnes en situation de handicap par une application pleine et entière de la loi de 2005 dite loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté, et par l’application de la Convention internationale des droits des personnes handicapées, ratifiée récemment par la France, qui prévoit notamment le droit à la santé, à des revenus suffisants, à la compensation intégrale du handicap, à l’accessibilité, à la non-discrimination… Notre société doit ainsi garantir aux personnes en situation de handicap les conditions de l’exercice plein et entier de la citoyenneté. Les écologistes proposent : – de donner les moyens aux personnes en situation de handicap de s’intégrer dans la société par la mise à niveau de l’allocation d’adulte handicapé, l’amélioration de l’insertion professionnelle par renforcement des moyens de l’AGEFIPH et du FIPHFP, un nouveau statut des travailleurs des établissements et services d’aide par le travail, et un soutien des collectivités aux structures accueillant des travailleurs handicapés. Parallèlement, une politique de désinstitutionnalisation progressive devra être menée afin de permettre une meilleure intégration sociale pour un plus grand nombre de personnes en situation de handicap dont le placement en institution spécialisée n’est pas indispensable et dont le maintien ou le retour à domicile est possible. Cette politique devra s’accompagner du droit à un revenu d’existence permettant à chacun de vivre dignement ; – d’assurer une réelle compensation du handicap en améliorant le fonctionnement des MDPH, en soutenant 135

vivre mieux. vers une société écologique

les services d’aide à domicile, avec une revalorisation des tarifs et de la qualification du personnel, en soutenant la formation du personnel. Un service public à l’attention des sourds et malentendants sera créé. Par ailleurs, le matériel médical et paramédical doit être pris en charge ; – de garantir un plein accès des élèves handicapés à l’école, en augmentant significativement le nombre d’AVS (auxiliaires de vie scolaire), en les intégrant à l’Éducation nationale et en leur garantissant une professionnalisation. Les enseignants doivent recevoir une formation au handicap ainsi que le matériel adapté. Pour les enfants ne pouvant être accueillis en milieu scolaire ordinaire, il est nécessaire d’augmenter la capacité d’accueil et le maillage des territoires par de petites structures spécialisées ; – de permettre un égal accès aux soins en augmentant le seuil d’accès à la CMU complémentaire et en rattrapant le retard d’adaptation des structures hospitalières et médicales ; – d’engager toutes les collectivités territoriales dans la mise en place de l’Agenda 22. L’aménagement des logements particuliers sera soutenu, et un soutien financier sera apporté au logement adapté et accompagné (ULS, maisons-relais…), et surtout répondant à la demande d’autonomisation des personnes handicapées. Des lieux d’hébergement intermédiaires seront créés pour les personnes souffrant d’un handicap psychique. Enfin, l’accessibilité au transport, mais aussi à la culture et au sport, sera garantie pour toutes et tous.

IV. Une politique décloisonnée et globale de lutte contre les discriminations Les discriminations constituent un fléau dont les conséquences sont dramatiques pour celles et ceux qui les subissent et aussi pour la démocratie. Elles mettent en danger la cohésion sociale. 136

Une société ouverte, d’égalité, de droits et d’émancipation

La lutte contre les discriminations ne relève ni d’une politique sectorielle ni d’un aménagement à la marge. Une véritable égalité des droits nécessite une politique transversale. Les écologistes proposent : – la création d’un secrétariat d’État à la lutte contre les discriminations. Ce secrétariat d’État mobilisera tous les secteurs de la société (services publics, syndicats, patronat, associations, recherche, société civile, etc.) ; – la suppression des emplois fermés, qui interdisent encore des millions d’emplois dans les secteurs public et privé aux étrangers. Assurer l’égalité des droits entre ressortissants nationaux, communautaires et non communautaires concernant l’accès à l’emploi et aux diplômes, et entre les anciens combattants. Appliquer la règle européenne et permettre l’accès aux allocations familiales des familles régularisées pour leurs enfants arrivés avant la régularisation. Faire respecter l’obligation scolaire pour tous les enfants, quelle que soit leur situation administrative ; – la création d’un outil statistique pour mesurer les discriminations et l’avancée de la politique antidiscriminatoire. Il permettra de qualifier, de quantifier, de rendre visible l’invisible, de comprendre le processus systémique, de faire pression et d’établir des modes d’action efficaces et justes ; – le rétablissement d’une autorité nationale indépendante de lutte contre les discriminations ; – la reconnaissance, pour les gens du voyage, de leur pleine appartenance à la société française en leur octroyant de vraies cartes d’identité (avec abandon total des carnets de circulation) assorties du droit de vote automatique dans les communes dans lesquelles ils sont enregistrés. Parallèlement, développer dans toutes les communes et communautés des aires d’accueil et permettre aux enfants 137

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l’accès à l’école et aux cantines scolaires. Enfin, investir massivement dans le logement pour les familles qui le souhaitent, reconnaître leur habitat alternatif et leurs droits sur le terrain qu’ils occupent lorsqu’ils y ont développé une activité.

2. UNE POLITIQUE DES MIGRATIONS RESPECTUEUSE DES DROITS Depuis trente ans, le discours faisant de l’immigré le bouc émissaire de la crise de l’emploi, de la crise sociale, de la « crise des banlieues », des déficits des budgets sociaux ou des comptes de l’État est passé subrepticement de l’extrême droite jusqu’au sommet de l’État. Depuis 2002, nous assistons à une avalanche de textes répressifs et de pratiques attentatoires aux droits humains  : objectifs chiffrés d’expulsions, accroissement du contrôle social et politique, développement et croisement des fichiers, y compris biométriques… Le discours politique reflète l’hypocrisie du système, qui profite largement d’une maind’œuvre «  illégale  » et reconnaît en avoir besoin dans des secteurs entiers. Le projet écologiste réaffirme une vision mondiale de la question –  liée aux déséquilibres économiques mondiaux et déjà aux changements climatiques  – et prône une politique d’immigration ouverte et humaniste permettant une autre approche des rapports Nord-Sud que la guerre aux migrants que mène actuellement l’Union européenne. Le «  droit à la mobilité  », qui figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (article 13), est un élément fondamental de la liberté de chaque être humain. Il sera précédé d’une mesure d’apurement des situations créées ces dix dernières années.

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Les écologistes proposent : – un processus en continu de régularisation : il convient de réaffirmer la nécessité de procéder en continu à la régularisation de la situation administrative des étranger-es présent-e-s sur notre territoire, de ne pas accepter l’arbitraire et les disparités de pratiques entre les préfectures ; – le respect des droits fondamentaux des étranger-es comme des nationaux, avec l’encadrement des contrôles d’identité et la fin de la mainmise du ministère de l’Intérieur sur les directions ministérielles les concernant (travail, visas, nationalité…). La dépénalisation du séjour irrégulier. Le caractère suspensif des recours pour toute décision relative au séjour. La fermeture des prisons administratives que sont les centres de rétention et zones d’attente. L’abrogation du délit de solidarité. La lutte contre les filières mafieuses et toutes les formes d’exploitation de la précarité, en particulier des immigré-e-s. L’abrogation de la conditionnalité du versement des retraites des anciens travailleurs migrants ; – une réécriture du CESEDA, qui prévoit le rétablissement du droit de circulation avec l’unification des visas. Uniquement la délivrance de titres de résident de longue durée (trois ans, dix ans, puis permanent) renouvelables de plein droit. La suppression des restrictions au droit à vivre en famille, à la vie privée et aux soins. La protection sur le long terme des mineurs isolés doit être garantie ; – l’accès à une citoyenneté de résidence et la facilitation de l’accès à la nationalité française, en particulier pour les personnes nées ou éduquées en France, par une politique adaptée d’accueil et d’intégration (éducation, santé, apprentissage de la langue, logement, formation, etc.). La promotion de l’éducation à la citoyenneté et à la laïcité afin de combattre la xénophobie et le racisme ; – la relance d’un vaste programme de formation continue pour les professionnels déjà en poste, les élus, les acteurs associatifs, les syndicats, les entreprises, pour inscrire systématiquement ce sujet et l’éthique des services publics 140

Une société ouverte, d’égalité, de droits et d’émancipation

dans les formations initiales en direction des trois fonctions publiques ; – l’application des conventions internationales signées par la France : convention de Genève sur le droit d’asile, Convention européenne des droits de l’homme, Convention des droits de l’enfant… La ratification par la France de la convention de l’ONU sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. La mise en œuvre d’une politique d’accueil des réfugiés qui respecte leurs droits et leur dignité. Retirer les clauses migratoires des accords bilatéraux ; – la solidarité avec les Roms. Persécutés dans leurs pays d’origine et soumis à des réglementations discriminatoires bien qu’ils-elles soient citoyen-ne-s européen-ne-s, les Roms ont en outre fait l’objet d’attaques particulièrement odieuses de la part du gouvernement français. L’expérience montre pourtant que des politiques organisées d’insertion et de fraternisation peuvent casser la spirale infernale de la misère, du logement désastreux et de l’exclusion de l’activité et de l’emploi. Face à cela, mise en place d’une politique nationale d’accueil des Roms avec cinq volets : hébergement, scolarisation des enfants, apprentissage du français, santé et accès au travail.

3. UNE AUTRE POLITIQUE POUR LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

4. UNE JUSTICE ÉQUITABLE, ACCESSIBLE ET EFFICACE

La population des Français de l’étranger représente près de 2,5 millions de personnes, dont plus de 40 % de binationaux. Ils sont représentatifs de toutes les couches sociales et affrontent, comme sur le territoire national, les crises quelles qu’elles soient. Ils sont les acteurs et les témoins des réponses locales et internationales à ces crises.

Outre la garantie de son indépendance, il est nécessaire d’améliorer l’efficacité de la justice, de la rendre plus accessible et plus respectueuse des droits de toutes et tous.

Les écologistes proposent : – de mener des politiques sociales progressistes dans les domaines de l’éducation, les retraites, la fiscalité, la santé : politique des bourses ambitieuse, restructuration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ; réforme des conventions fiscales avec les pays de résidence ; taxation harmonisée des retraites complémentaires au sein de l’Union ; prise en compte des années hors de France dans le calcul de la retraite ; amélioration de la couverture médicale, etc. ; – de valoriser les parcours étudiants et professionnels à l’étranger : renforcement de l’appui à la mobilité notamment dans le cadre scolaire et universitaire ; mise en place d’un guichet pour l’aide au retour ; – de consolider les droits des Français de l’étranger : respect des libertés civiques et des droits des citoyens, notamment vis-à-vis des binationaux, consolidation des services consulaires en lien avec les pays de l’Union, aide sociale en faveur des plus démunis ; – de soutenir l’action culturelle extérieure : moyens de fonctionnement et gouvernance démocratique des établissements culturels français ; carrières des travailleurs culturels et des enseignants de français langue étrangère.

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Les écologistes proposent : – d’augmenter le budget de la justice. La France est l’un des pays occidentaux qui consacre la plus faible part de son budget à la justice. Une loi d’orientation et de programmation sera discutée au Parlement. Elle évaluera les besoins matériels et humains de la politique judiciaire, ainsi que ses objectifs sur cinq années ; – une justice équitable. Un véritable habeas corpus à la française sera proposé. La Cour de justice de la République sera supprimée. La comparution immédiate sera mieux encadrée, son utilisation restreinte et la durée des audiences limitée. La justice antiterroriste, aux dérives nombreuses, sera réformée. Les peines planchers et la rétention de sûreté seront abrogées. Afin de désengorger les tribunaux, certains délits seront dépénalisés ; – une justice accessible. Le budget de l’aide juridictionnelle sera augmenté et un dispositif innovant de pro bono sera expérimenté. En concertation avec les professionnels du droit, une nouvelle carte judiciaire sera élaborée afin que toute personne puisse bénéficier d’une juridiction accessible à proximité ; – de mieux lutter contre les délits environnementaux. Un pôle environnemental sera créé et des magistrat-e-s spécialisé-e-s lui seront affectés. Le Code de l’environnement sera revu et les recours seront simplifiés. Les catastrophes industrielles pourront relever de la faute inexcusable. La France fera reconnaître les grands crimes environnementaux comme incrimination à la Cour pénale internationale ; 143

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– le développement de la justice réparatrice. Associant victime et délinquant, elle a donné des résultats probants à l’étranger. En marge des tribunaux seront mises en place des conférences de justice réparatrice ; – de défendre les principes de la justice des enfants. Instaurée au lendemain de la Libération, l’ordonnance de 1945 a posé un principe essentiel : celui de la primauté de l’éducatif sur le répressif. Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas la menace de notre société, mais bien leur avenir. Ce principe a été totalement démantelé par dix années de sarkozysme. Le statut et les droits des enfants seront réaffirmés, en conformité avec les grands textes internationaux (Convention internationale des droits de l’enfant). Nous reviendrons sur l’empilement des lois répressives de la dernière décennie. Nous réhabiliterons la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et ses missions, à la fois au civil (attribution de mesures d’assistance éducative) et au pénal (favoriser les mesures alternatives à l’enfermement et les mesures de médiation-réparation). L’enfermement des mineurs et la privation de liberté doivent être réservés à des affaires particulièrement graves. Nous réaffecterons les moyens au profit des services de milieu ouvert et de foyers éducatifs en recrutant massivement des éducateurs. La brigade des mineurs, avec des agents spécifiquement formés, permettra de prendre en charge au mieux les enfants, qu’ils soient victimes ou suspects. Le Défenseur des enfants sera remis en place.

5. METTRE L’HUMAIN AU CŒUR DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ Pour sortir du tout-répressif, il faut une politique équilibrée reposant sur la prévention, la dissuasion, la sanction, la réinsertion et la médiation. Les écologistes proposent : – de réhabiliter les politiques de prévention. Nous développerons les actions de prévention sociale et créerons un service de la médiation, qui sera le moyen privilégié de résolution des conflits ; – de déconcentrer l’action de la police et de la gendarmerie. Nous mettrons en place une police territorialisée s’appuyant sur la connaissance de son terrain. Nous mettrons fin à la politique absurde du chiffre, et les politiques de sécurité seront définies localement en lien avec les forces de l’ordre, les élus et le parquet. Les polices municipales seront encadrées, leurs missions réorientées vers la prévention et la dissuasion, et seront désarmées (4e catégorie) ; – d’améliorer l’efficacité des forces de police. Nous recruterons du personnel pour améliorer la prise en charge dans les commissariats et répartirons mieux les effectifs sur le territoire. Nous réformerons la formation (initiale et continue) des policiers et gendarmes. Pour que les conditions de garde à vue, d’accueil et de travail soient dignes, un grand plan d’investissement (locaux et matériels) sera lancé. Les gendarmes disposeront du droit d’expression collective ; – une répression de toutes les délinquances. La brigade financière sera renforcée et nous créerons une police environnementale adossée à un pôle environnemental. La police judiciaire sera placée sous l’autorité d’un procureur général de l’État ; – de garantir absolument les droits des citoyen-ne-s. Les contrôles d’identité seront restreints et des récépissés 145

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seront obligatoires. Le contrôle des armes sera renforcé, les armes seront reclassifiées et les saisies facilitées. Les Flash-Ball seront interdits et l’usage de l’ensemble des armes par les forces de sécurité sera revu. Nous procéderons à un encadrement strict des drones, qu’ils soient civils ou militaires. Les soixante-dix fichiers de police seront remis à plat. Nous imposerons un moratoire national sur la vidéosurveillance de voie publique et doterons la CNIL de pouvoirs accrus. Une autorité indépendante de la sécurité privée sera chargée du contrôle des entreprises du secteur. Les citoyens pourront faire appel à une autorité administrative indépendante concernant l’action des forces de sécurité, sur le modèle du contrôleur général des lieux de privation de liberté ; – la simplification de l’administration. Le rapprochement gendarmerie-police sera poursuivi. Le ministère de l’Intérieur sera réformé et le Secrétariat général à l’immigration supprimé. Le corps préfectoral sera rattaché aux services du Premier ministre et la préfecture de police de Paris sera supprimée pour faire revenir la métropole parisienne dans le droit commun.

6. PRISON ET PEINES : LA RÉINSERTION, SEULE SOLUTION JUSTE ET RÉALISTE En trente ans, la population carcérale et la longueur des peines de prison ont doublé. La sur­ population aboutit à la multiplication des centres pénitentiaires, construits sur des normes de plus en plus sécuritaires, sans que les conditions de détention soient pour autant améliorées. La chasse aux sans-papiers et aux usagers de drogues, la criminalisation des malades mentaux et l’enfermement de mineurs engorgent les prisons, aggravent les conditions de détention et empêchent tout travail sur la réinsertion. Les écologistes proposent : – l’amélioration des conditions de détention pour enfin respecter les normes internationales. Un numerus clausus sera établi par établissement pénitentiaire. Le droit à l’encellulement individuel sera respecté ; – un moratoire sur la construction de nouvelles places de prison. Les nouvelles constructions se limiteront au remplacement d’établissements vétustes et indignes. L’architecture des nouveaux établissements prendra en compte les impératifs de réinsertion. Il sera mis fin aux partenariats public-privé dans l’administration pénitentiaire ; – la garantie des droits des personnes détenues. Des bureaux de vote seront installés lors des élections dans les lieux de détention. Des parloirs intimes devront être construits dans chaque établissement pénitentiaire. Il sera possible pour les détenus de porter des revendications collectives. Un contrat de travail sera mis en place et précisera les droits des travailleurs détenus. Les personnes souffrant de maladies graves, notamment psychiques, ou trop âgées pour être maintenues en détention verront leurs peines aménagées ; 147

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– la réinsertion comme objectif principal de la peine. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation seront renforcés. Concernant la délinquance sexuelle, il est nécessaire de développer des dispositifs de prise en charge adaptés en détention et après ; – le développement des sanctions alternatives à l’incarcération, notamment concernant l’ajournement avec mise à l’épreuve. Les collectivités prendront part à la réinsertion locale en proposant des travaux d’intérêt général. La libération conditionnelle, garante d’une meilleure réinsertion, doit être privilégiée. Obligatoirement, toute peine de prison devra se faire en partie en milieu ouvert.

UNE VIe RÉPUBLIQUE DANS UNE EUROPE FÉDÉRALE

1. LA VIe RÉPUBLIQUE POUR LA TRANSFORMATION ÉCOLOGIQUE DE LA SOCIÉTÉ Face aux crises, la tentation d’un gouvernement autoritaire voire liberticide est forte. Certains sont prêts à passer la démocratie par pertes et profits pour essayer de préserver le mode de vie des sociétés occidentales. La réponse des écologistes est différente. Elle consiste à refonder profondément nos institutions, à tous les niveaux, pour affronter démocratiquement les temps qui viennent et bâtir ensemble une nouvelle société. La VIe  République ne vise donc pas seulement à « réparer » la Ve, régime de concentration et de confusion des pouvoirs, favorisant l’irresponsabilité et l’immunité des dirigeants, mettant à distance les citoyens et leurs représentants. La VIe République est d’abord un instrument essentiel de la transformation écologique de l’économie et de la société, un outil d’élaboration collectif des principes et des moyens d’un gouvernement enfin attentif au long terme et au bien commun. Il ne sera pas possible de faire face avec une classe politique repliée sur elle-même et recrutée dans des cercles restreints, avec un Présidentmonarque irresponsable mais concentrant l’essentiel des pouvoirs, avec un système de prise de décision cadenassé et hostile à la délibération. Le mode autocratique ou solitaire de gouvernement est impuissant face à la complexité des enjeux écologiques et sociaux. Pour répondre à ceux-ci de façon juste, responsable et efficace, il faut l’interaction d’une 151

vivre mieux. vers une société écologique

pluralité d’acteurs, non la domination d’un seul ou même de quelques-uns. Le cercle des gouvernants doit se diversifier, se « pluraliser », se responsabiliser, faire une place réelle à la discussion. Il faut permettre à une pluralité de points de vue de s’exprimer et de peser, permettre aux personnes issues des couches populaires ou des groupes discriminés de la société de participer pleinement à la définition des problèmes et à leur résolution. Il faut que le gouvernement soit véritablement comptable de ses actions. Enfin, il faut prendre le temps de la discussion, de l’élaboration collective des politiques publiques, parce que les défis et les risques que nous affrontons n’ont pas de solution dans la précipitation. C’est au prix d’une telle transformation de nos institutions et du système politique que la pression aujourd’hui sans contrepoids des marchés et des grands groupes économiques pourra être contrebalancée. C’est en se transformant et en restaurant la confiance qu’il inspire aux citoyens que le système représentatif pourra contribuer à imaginer et à favoriser un autre mode de vie, plus économe en ressources, plus égal socialement, tourné vers le futur et non pas seulement vers le profit à court terme ou la consommation débridée. Nos objectifs sont clairs : I. Revivifier la représentation politique La VIe République des écologistes restaurera la confiance en assurant une véritable représen152

Une VIe République dans une Europe fédérale

tativité des élus du peuple. Comment l’Assemblée nationale et le Sénat pourraient-ils légitimement élaborer demain les réformes profondes de la société si le Parlement reste pour l’essentiel un club d’hommes blancs et bourgeois d’un âge certain ? Les écologistes proposent : – la généralisation de la proportionnelle à tous les scrutins afin de tenir le meilleur compte possible du poids politique réel des différentes forces et d’assurer une parité effective des élu-e-s. Pour les élections locales, l’élection sera à deux tours avec une prime majoritaire de 25 % pour la liste arrivée en tête au second tour ; – pour l’élection des député-e-s, une moitié élue dans des circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours et la moitié restante sur une liste nationale compensatoire permettant de rétablir la proportionnelle sur la base des résultats du premier tour de la liste nationale ; – les représentant-e-s au Sénat élu-e-s au suffrage universel direct par les citoyens lors des élections régionales sur une liste régionale complémentaire sur un seul tour, gage encore une fois de parité et de diversité ; – la fin du cumul des mandats. Les parlementaires nationaux et européens ainsi que les présidents d’exécutifs locaux (sauf les maires des communes de moins de 3 500 habitants) ne pourront détenir qu’un seul mandat. Par ailleurs, il ne sera plus possible pour les adjoint-e-s au maire et les vice-président-e-s d’exécutifs locaux de siéger dans deux exécutifs différents. Enfin, les membres du gouvernement devront abandonner le cas échéant leur mandat local durant l’exercice de leurs fonctions ministérielles. Elle sera complétée par la limitation dans le temps de l’occupation d’un mandat afin d’obliger à une véritable rotation des responsabilités. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le-la président-e de la République « ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » ; 153

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il en sera de même pour les parlementaires et les membres des exécutifs locaux. – la parité de candidatures et de résultat : tout parti qui ne présentera pas 50 % de candidates aux élections verra son financement public entièrement suspendu, y compris pour les têtes de listes pour les élections proportionnelles. Pour aller vers une parité de résultat, tout parti qui n’aura pas a minima 40 % de femmes parmi ses représentant-e-s élu-e-s verra son financement public diminué. De plus, ces pénalités seront proportionnelles au manquement à l’obligation légale ; – un véritable statut de l’élu-e pour mieux concilier activité professionnelle et exercice d’un mandat, assurant les élu-e-s de retrouver un emploi et définissant des niveaux d’indemnités permettant le cas échéant des investissements à temps plein dans le mandat, favorisant aussi la formation des nouveaux-elles élu-e-s ; – la reconnaissance et la comptabilisation du vote blanc ; – le droit de vote pour l’ensemble des résident-e-s étranger-es présents depuis cinq ans sur le territoire national pour toutes les élections locales et nationales.

II. Restaurer la responsabilité politique et protéger les droits fondamentaux : une République parlementaire Pouvoir et responsabilité vont de pair en démocratie. Ce n’est pas le cas en France, où le président de la République accapare entièrement le pouvoir gouvernant, déjà surdimensionné par la Constitution de 1958, sans contre-pouvoir parlementaire. Il existe une solution simple, partagée par tous nos voisins de l’Union européenne  : le régime parlementaire. La VIe  République des écologistes sera une République parlementaire où le Premier ministre, 154

Une VIe République dans une Europe fédérale

leader du parti ou de la coalition ayant gagné les élections législatives, élu par l’Assemblée nationale, doit répondre entièrement et à tout moment, devant un Parlement renforcé, de l’ensemble des décisions de gouvernement (nominations, textes normatifs, choix budgétaires), s’agissant aussi bien de la politique intérieure, européenne et inter­nationale, des politiques civiles ou militaires. Les écologistes proposent : – un Parlement aux pouvoirs revalorisés, en lui permettant notamment de mieux maîtriser son ordre du jour et en développant sa capacité d’initiative législative, en supprimant la procédure d’adoption d’un texte sans vote (article 49 al. 3), en développant ses moyens d’évaluation des politiques publiques, en renforçant son contrôle sur la législation d’origine européenne (en limitant l’usage de la procédure des ordonnances pour transposer en droit interne les directives européennes). L’opposition parlementaire sera parallèlement renforcée dans sa fonction d’interpellation du pouvoir exécutif, dans sa capacité à mobiliser des instruments de contrôle et d’investigation (création de commissions d’enquête, saisine de la Cour des comptes, nomination de contre-rapporteurs), dans la maîtrise du temps du travail parlementaire (en interdisant par exemple au gouvernement d’utiliser des procédures d’urgence sans l’accord d’une majorité qualifiée des parlementaires) ; – un président de la République arbitre et garant du bien commun. Ce ne sera plus un président/chef du gouvernement, agissant selon son bon plaisir. Le président de la VIe République ne participera pas directement aux tâches de gouvernement, il ne soumettra aucun texte à référendum, il ne nommera aucun fonctionnaire civil et militaire, il n’assurera aucun arbitrage budgétaire, il ne participera pas à la négociation des traités internationaux, il ne représentera pas la France dans les instances 155

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internationales ou européennes – toutes choses qui, dans les démocraties parlementaires de l’Union européenne, relèvent du Premier ministre, même lorsque le président de la République est élu au suffrage universel direct. Il sera en revanche investi de missions essentielles : être le garant du bien commun et, en particulier, de la prise en compte par le gouvernement et le Parlement des exigences du long terme, et être un protecteur de l’indépendance de la justice et des droits fondamentaux définis par la Constitution et les traités internationaux. Ce président – élu sur des valeurs et une vision de l’avenir – aura le pouvoir de solliciter tous les autres pouvoirs constitués (gouvernement, Parlement, Cour constitutionnelle, Conseil supérieur de la magistrature, procureur général de la Nation) et jouera un rôle d’arbitre en conservant le droit de dissolution en cas de crise entre l’Assemblée nationale et le gouvernement. L’article 16, qui lui donne les pleins pouvoirs en cas de crise grave, sera supprimé. Il sera mis fin à son immunité civile et pénale : le Président redeviendra un justiciable ordinaire (tout comme les membres du gouvernement : la Cour de justice de la République, censée juger les ministres pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, sera supprimée) ; – une Cour constitutionnelle garante des droits fondamentaux, n’incluant pas les anciens présidents de la République, et dont les membres seront élus par une majorité qualifiée de parlementaires sur proposition des présidents des assemblées. Compte tenu de l’ampleur de leur nouvelle tâche et de la variété des questions rencontrées, les membres de la Cour constitutionnelle disposeront, comme les juges de la Cour de justice de l’Union européenne, d’assistants spécialisés, des référendaires, attachés à leur personne. Les juges constitutionnels auront le droit de produire des « opinions dissidentes » annexées à chacune des décisions : celles-ci y gagneront en qualité et en légitimité. Le mécanisme au terme duquel une question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil sera revu ; 156

Une VIe République dans une Europe fédérale

– une charte des biens communs et du long terme contraignante afin de disposer d’un socle plus ambitieux, plus complet et plus contraignant de droits fondamentaux relatifs à l’environnement que ceux prévus actuellement par la Charte de l’environnement.

III. Une justice indépendante Le Conseil supérieur de la magistrature sera réformé pour évoluer vers un Conseil supérieur de la justice, institution indépendante du pouvoir politique chargée du contrôle des nominations et affectations des magistrats avec un véritable pouvoir de veto sur les décisions du pouvoir exécutif : la gestion des carrières et des mutations sortira de la tutelle du politique. L’indépendance des magistrats du parquet et du siège doit être assurée. Pour rétablir une indépendance pourtant constitutionnellement garantie, il convient de rompre tout lien organique entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Un procureur général de l’État, élu par le Parlement à une majorité qualifiée, sera créé et se substituera au garde des Sceaux au sommet de la hiérarchie du parquet. Il aura en charge la mise en œuvre de la politique pénale et judiciaire, élaborée conjointement par le Parlement et le ministre de la Justice. Le parquet sera profondément réformé et son indépendance assurée. Seules les instructions générales de politique pénale devant être considérées comme acceptables, les instructions individuelles, écrites comme orales, deviendront illégales. Les procédures informelles de 157

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« signalisation » des dossiers seront interdites et sanctionnées. L’indépendance des magistrats du siège sera renforcée, et le juge d’instruction aura son rôle réaffirmé et garanti par la Constitution. IV. Une troisième étape de la décentralisation : vers le fédéralisme différencié La VIe  République mettra en œuvre une ­nouvelle organisation de l’État sur un mode fédéral, avec un pouvoir fort aux Régions, à qui seront données des compétences normatives importantes, couplées au rétablissement d’une véritable autonomie fiscale, l’État garantissant de son côté une péréquation fiscale entre Régions pauvres et riches. Ce fédéralisme sera différencié dans le sens où la distribution des compétences et des formes d’organisation territoriale pourra varier d’une Région à l’autre et qu’il sera accordé une large place à l’expérimentation régionale (normative, fiscale, politique). La réforme territoriale de la majorité sortante est un coup d’arrêt au mouvement de décentralisation, elle fait reculer la parité avec la création du conseiller territorial, elle rend illisible pour le citoyen le fonctionnement des pouvoirs locaux. Elle étouffe fiscalement les collectivités dont les ressources dépendent de l’État. Elle sera abrogée. Les écologistes proposent : – Le Sénat, transformé en chambre des Régions, sera le gardien du principe de subsidiarité dans l’État fédéral. Il disposera de pouvoirs législatifs et de contrôle spécifiques 158

Une VIe République dans une Europe fédérale

relatifs à l’organisation territoriale de la République, s’agissant tout à la fois des règles régissant les compétences des collectivités territoriales, des conditions de leur autonomie normative et financière et de l’organisation de la solidarité financière entre territoires ; – les Régions seront redéfinies, avec pouvoirs renforcés. Les fusions et redécoupages de Régions seront facilités. Les moyens et compétences des Régions seront augmentés pour qu’ils deviennent comparables à ceux de nos voisins européens ; – le conseil général sera supprimé. Ses compétences, notamment sociales, seront redistribuées entre la Région, l’intercommunalité et les communes dans le cadre d’une conférence des pouvoirs locaux qui se tiendra dans chaque Région. Le département pourra rester un périmètre d’action des services de l’État comme ceux de la Région ; – les intercommunalités seront transformées en collectivités de plein exercice, et l’élection de leurs membres sera assurée par les citoyens au suffrage universel direct par scrutins de listes proportionnelles. Ces nouvelles collectivités fusionneront avec les « pays » et couvriront l’ensemble du pays. Elles deviendront l’échelon politique intermédiaire unique entre la commune et la région. Les compétences de celles-ci seront définies au sein de la conférence des pouvoirs locaux avec les représentants de la Région et des communes. Les conseils de développement, issus de la loi Voynet, et les CESR (conseils économiques et sociaux régionaux) verront leurs prérogatives renforcées, notamment en matière de budget participatif ; – dans le cadre d’une rénovation démocratique, une réflexion sera menée sur le fonctionnement interne des différentes collectivités territoriales, afin de repenser et de limiter le pouvoir des président-e-s d’exécutifs, de diminuer la prime majoritaire et de redéfinir les droits des élu-e-s minoritaires. Pour ce faire, une séparation totale des fonctions exécutives et délibératives sera instaurée. Il s’agit d’une évolution essentielle pour sortir du pouvoir quasi absolu conféré aux maires et aux président-e-s, et de la répartition ambiguë des responsabilités qui l’alimente ; 159

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– les langues régionales seront défendues. Alors que la plupart des langues « régionales » de France sont en sérieux danger d’extinction selon l’UNESCO, la passivité de l’État visà-vis de sa diversité linguistique est condamnable. Depuis 2008, l’article 75-1 de la Constitution reconnaît certes l’existence des langues régionales, mais seulement en tant que « patrimoine », et n’a débouché sur aucune modification législative. L’ambition des écologistes, c’est d’une part de parvenir à une « récupération » linguistique, c’est-à-dire la possibilité du bilinguisme dans tous les secteurs de la vie publique et privée dans les régions historiquement concernées, et d’autre part de permettre aux langues minoritaires parlées par les populations issues de l’immigration et des diasporas d’être transmises en toute dignité à leurs descendants. Pour cela, nous prônons une réforme constitutionnelle permettant la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires de même que de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la possibilité pour toute Région de définir sa ou ses langue(s) régionale(s) comme co-officielle(s) avec le français. Une loi sera également votée, établissant un statut stable et ambitieux en termes de moyens mis en œuvre. Les priorités sont le développement des langues régionales dans l’enseignement, les médias et les relations publiques.

V. Une démocratie réelle associant les citoyens et garantissant les contre-pouvoirs La participation du plus grand nombre est la condition d’une réponse aux défis écologiques. Comme l’énonce l’article  6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les citoyens « ont droit de concourir personnellement » à la formation de la loi. 160

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La VIe  République s’attachera donc à re­définir les processus décisionnels à tous les échelons dans une logique d’inclusion systématique de la population. Des outils participatifs et délibératifs (budgets participatifs, jurys citoyens, conférences de consensus) seront largement diffusés. La démocratie directe sera enrichie (en articulant le cas échéant l’initiative référendaire populaire et des procédures de débat public)  ; surtout, elle deviendra décisionnelle et pas seulement consultative. 1 % des citoyens pourront réclamer un référendum. Après vérification de la constitutionnalité de la demande (pour veiller au respect des droits humains et environnementaux) et de sa cohérence par rapport aux compétences de l’échelon territorial concerné, s’ouvrira une deuxième étape. Au cours de celle-ci, 5 % des citoyens devront se joindre à l’initiative dans un délai de quelques mois. Les assemblées concernées auront alors la possibilité de faire des contre-­projets ou de modifier la loi. En l’absence d’un accord avec les organisateurs de l’initiative, dans la ­troisième étape, cette dernière sera soumise au vote. Pour ­s’imposer légalement, la proposition devra recueillir en sa faveur une majorité des votants et au moins 25 % des électeurs inscrits, la votation étant ouverte aux résidents étrangers. Parallèlement, sera instauré un droit d’interpellation populaire qui ouvrira la possibilité à une fraction de la population de faire inscrire par pétition une question à l’ordre du jour des assemblées délibératives (du conseil municipal à l’Assemblée nationale), comme cela existe déjà au niveau de l’Union européenne. 161

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Les actuelles Commissions du débat public seront réformées et transformées en collèges de la participation citoyenne, autorité indépendante. Ils joueront un rôle transversal de garant de la participation du public aux processus décisionnels à toutes les échelles territoriales. Le pluralisme des médias sera garanti. Il faut abroger la loi du 5 mars 2009 et redonner au CSA ses prérogatives. Le mode de nomination et de désignation du CSA permettra d’assurer la représentativité de l’ensemble de la société, il sera ainsi au service du pluralisme. Une Haute Autorité citoyenne sera chargée de coordonner les missions des différentes autorités administratives indépendantes (AAI). Le défenseur des droits sera supprimé et les AAI qu’il remplaçait seront rétablies, en réformant leur mode de fonctionnement, notamment en associant les grandes associations. Le droit de saisine direct et gratuit de ces AAI par toute personne physique ou morale ou leur ayant droit sera garanti et systématisé. Ces institutions auront le droit (comme dans d’autres pays européens) de procéder à des injonctions à l’égard de l’administration et, dans certains cas, à l’égard des personnes morales de droit privé. Ces institutions verront leur financement garanti et pérennisé par une taxe spécifique. VI. Assurer l’indépendance des médias, défendre la liberté d’informer et soutenir la création audiovisuelle Jamais depuis l’ORTF l’audiovisuel public n’a été aussi dépendant. La loi sur la protection des sources est bafouée au plus haut niveau. Des 162

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pressions politiques sont exercées sur les journalistes et les éditeurs de presse. Les dirigeant-e-s de l’audiovisuel public sont nommés par le président de la République. La télévision publique redevient la télévision d’État et, en même temps, ses ressources sont bridées (redevance bloquée, suppression de la publicité, développement de partenariats privés parfois exigeants sur les contenus) au profit du privé. Les médias privés, qu’ils soient audiovisuels ou écrits, voient leur capital se concentrer entre les mains d’un nombre de plus en plus réduit d’actionnaires, ou entrent sous la coupe de puissants groupes financiers ou industriels qui ont obtenu que leurs cahiers des charges soient moins contraignants vis-à-vis de la production d’œuvres originales. Le métier de journaliste est de plus en plus difficile à exercer. Des pressions par l’éditeur ou des lobbies sont exercées sur les rédactions. Dans le même temps, la profession de journaliste se précarise et les conditions de travail se dégradent. Il y a urgence à rétablir l’indépendance des médias et à permettre l’exercice du métier de journaliste en toute liberté. Les écologistes sont favorables à une réforme du financement de l’audiovisuel public et de sa gouvernance. Toute société détenant au-delà d’un certain seuil du capital d’une entreprise de presse pourrait être exclue du droit de répondre à un marché public. Il convient de redéfinir le rôle et les missions du CSA pour assurer son indépendance réelle et de revenir sur la nomination des dirigeant-e-s de l’audiovisuel public. 163

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La position des écologistes : Il faut garantir un soutien à l’audiovisuel public, renforcer ses collaborations avec d’autres services publics (éducation, emploi, santé, etc.), définir une charte de déontologie en cas de conflit d’intérêt pour les animateurs-producteurs dans le service public : aide à l’investissement dans les nouvelles technologies pour diversifier les accès aux contenus et aux écrans, éducation des jeunes publics aux usages d’Internet et à la lecture de l’information. Des états généraux de la profession (syndicats de journalistes et éditeurs de presse, audiovisuel et Internet) se tiendront pour formuler des propositions relatives aux évolutions du métier, au statut et à la rémunération des journalistes. Dans chaque entreprise de presse, une association de journalistes et/ou une société des rédacteurs doit être constituée selon des modalités qui seront à préciser par la loi (élections sur le modèle des élections professionnelles). Il conviendra de préserver l’Agence France Presse dans son indépendance à l’égard des pouvoirs politiques et économiques en garantissant son statut tel que défini dans la loi de 1957.

2. RELANCER LE RÊVE EUROPÉEN La crise de l’Eurozone n’est pas seulement une terrible secousse financière et économique. C’est une crise profonde de l’esprit européen, qui a souligné les faiblesses et les limites actuelles de la construction européenne  : marchandages intergouvernementaux entre égoïsmes nationaux, solidarité formelle et subie plutôt qu’active et réelle, manque criant de légitimité démocratique… La question du gouvernement économique de l’Europe est une question hautement démocratique. En l’état, les institutions européennes ont échoué à tracer la voie d’une sortie de crise à l’échelle continentale et ont abandonné l’initiative à des gouvernements dépassés. Trop peu, trop tard, toutes les solutions adoptées ne sont que demi-mesures arrachées à l’urgence et ne font que reculer l’échéance. Seule une nouvelle formulation du projet européen nous permettra d’être à la hauteur des enjeux. Les écologistes veulent construire une Europe fédérale qui associe les citoyens et permette une véritable solidarité. L’Europe est notre réponse à la mondialisation. I. Une Europe engagée sur la voie de la transformation écologique et sociale L’Union européenne doit permettre d’engager notre continent sur la voie d’un nouveau modèle de développement. Il ne s’agit pas de définir les contours a minima d’une stabilité monétaire et 165

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financière, mais de mettre en place des politiques communes aptes à faire face aux crises. C’est pourquoi les écologistes proposent de mettre en place : – un Pacte écologique et solidaire, qui remplacera le pacte de stabilité et de croissance et les critères de Maastricht qui encadrent aujourd’hui l’économie européenne. Ce PACES engagera l’Union sur l’objectif de la conversion écologique de notre économie et sa transformation sociale. Il se traduira par l’adoption de nouveaux objectifs financiers complétés par des critères sociaux et environnementaux : réduction de l’empreinte écologique, emploi pour tous, lutte contre le réchauffement climatique, taux de pauvreté, indicateur de développement humain, aide publique au développement, etc. ; – une Communauté européenne des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, chargée de préparer un futur 100 % sobre, efficace et renouvelable, notamment en améliorant l’organisation institutionnelle et le suivi des politiques énergétiques. Cette Communauté remplacera le traité Euratom. Le financement de la recherche sur le nucléaire sera réorienté ; – une PAC écologique révisée en 2013, qui s’appuiera sur deux principes : la régulation des marchés par une gestion de l’offre et de la demande, et la mise en place de critères environnementaux et sociaux forts pour accéder aux aides. La réorientation des aides favorisera les pratiques agroécologiques et l’accompagnement de la conversion vers l’agriculture biologique. Les aides devront être équitablement réparties et devront corriger les différences de soutien entre les zones les plus fertiles et les régions où la pratique agricole est plus difficile. La PAC sera redéfinie pour soutenir la création d’emplois plutôt que la surproduction. Elle devra permettre un rééquilibrage des relations Nord-Sud, notamment en s’appuyant sur le principe de marchés agricoles protégés à l’échelle de grandes régions ; 166

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– un bouclier social européen incluant la mise en place d’un revenu minimum européen et d’un revenu maximum, un socle commun de droits sociaux, un moratoire sur toute nouvelle libéralisation des services publics ou d’intérêt général ainsi qu’une clause de non-régression sociale permettant une harmonisation sociale par le haut ; – une politique commune de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et le renforcement par la loi de la vérification du respect des engagements pris par les entreprises européennes. La consolidation progressive par la loi des avancées en matière sociale et environnementale de ces entreprises est également un gage d’amélioration des pratiques, d’éthique et de transformation des processus de production ; – sauf accords particuliers, une préférence sociale et environnementale aux frontières de l’Europe sera instaurée. Les produits entrants seront taxés à hauteur de ce qu’ils auraient coûté s’ils avaient respecté les clauses environnementales des Accords multilatéraux sur l’environnement et les accords de l’Organisation internationale du travail. Par ailleurs, une TVA à 0 % sera mise en place sur les produits alimentaires de première nécessité et élaborés dans la proximité.

II. Une Europe fédérale, démocratique et citoyenne L’Union européenne, cinquante ans après la constitution du Marché commun, doit franchir un nouveau cap, celui d’une co-souveraineté partagée entre peuples, États et citoyens. Le traité de Lisbonne est aujourd’hui dépassé et les institutions européennes, dans leur forme actuelle, ne permettent ni le sursaut fédéral pour faire face aux marchés, ni une véritable appropriation démocratique par les citoyens. 167

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Afin de renouer avec le projet fondateur d’une Europe qui dépasse les frontières et de donner forme à une nouvelle étape du progrès européen, l’Union doit se doter de nouvelles institutions. Les écologistes proposent : – un nouveau processus constituant. Une Assemblée constituante sera élue en 2014 au suffrage universel – en même temps que le Parlement européen – et disposera d’une année pour rédiger une Constitution, validée par un référendum européen, le même jour dans toute l’Union, avec un résultat à la double majorité qualifiée des citoyens et des États membres ; – elle devra doter le Parlement européen d’un droit de codécision généralisé, d’un droit d’initiative législative ainsi que de l’élection de la Commission européenne et du pouvoir de la renverser à la majorité simple – permettant ainsi un véritable contrôle de l’exécutif par le niveau législatif ; – le « Conseil de l’Union européenne » (dit des ministres) sera redéfini comme une véritable seconde chambre représentant les États, ses membres devant être des personnes identifiables par les citoyen-ne-s, dédiées exclusivement à cette mission et siégeant à temps plein. En outre, la réunion des chefs d’État et de gouvernement, dont les décisions sont bridées par la règle de l’unanimité, doit revenir à son rôle d’instance de débat, d’analyse et de prospective de haut niveau ; – le pouvoir exécutif européen devra être confié, sans ambiguïté, à la Commission, rebaptisée Gouvernement européen, élue par le Parlement européen sur une majorité politique claire et respectant le principe de la parité femmeshommes, les commissaires étant proposés sur la seule base de leurs compétences, sans considération de leur origine nationale. Elle devra aussi être dotée d’une véritable administration de terrain, agissant dans les régions et pas uniquement au niveau fédéral ; 168

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– les deux comités consultatifs européens verront leur légitimité renforcée : les membres du Comité des régions (CDR) seront désignés au sein des associations nationales d’élus régionaux, tandis que les membres du Comité économique et social européen (CESE) seront désignés par les grandes fédérations européennes syndicales, professionnelles et associatives ; – une élection transparente et européenne, afin de permettre une meilleure lisibilité des institutions européennes et une « transnationalité électorale ». Nous proposons qu’à partir de 2014 un tiers des député-e-s européen-ne-s soient élu-e-s sur la base de listes transnationales, dont les têtes de listes correspondraient aux candidat-e-s des partis européens à la présidence de la Commission. Dans l’attente d’un accord européen sur cette réforme, la France devra supprimer le système d’élection par eurorégions et revenir à un mode de scrutin national ; – une justice qui protège les droits et libertés des citoyen-ne-s en élargissant leur possibilité de saisine directe. Un procureur européen sera mis en place pour lutter prioritairement contre la fraude et agir en coopération avec l’OLAF (Office européen de lutte antifraude). Il visera à faire respecter sur l’ensemble du territoire de l’Union les droits et libertés garantis au niveau européen. Ce pôle de justice sera doté de moyens opérationnels conséquents pour apporter des réponses rapides aux citoyens. Cela s’accompagnera d’un contrôle démocratique et citoyen de l’ensemble des organes de coopération de police et de justice afin de vérifier que ceux-ci respectent bien les libertés publiques et ne contribuent pas à construire une Europe forteresse ; – un véritable budget et la levée d’un grand emprunt. Le budget de l’UE deviendra un instrument crédible pour la stabilisation des finances et la transformation écologique de l’économie européenne. Cela suppose une réforme radicale du cadre financier pluriannuel. Nous voulons la mise en place d’un système de ressources propres de l’Union pour remplacer les contributions nationales des États membres. Ces ressources propres seraient : une TVA européenne, une taxe européenne 169

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aux frontières sur le carbone et un impôt sur les transactions financières. Le budget, actuellement inférieur à 1 % du RNB continental (et plafonné à 1,24 % de ce RNB), verra son montant apprécié au regard des seules nécessités stratégiques du moment, avec pour objectif à court terme d’être porté à 5 % du RNB ; – un impôt afin de financer la solidarité fédérale et accompagné par une harmonisation européenne fiscale, rendue possible par l’application du mécanisme de codécision en remplacement de l’unanimité actuellement requise en la matière. Il viendra en substitution de l’essentiel des contributions nationales et aura pour assiette les bénéfices des sociétés multinationales, les revenus financiers, les transactions financières et les activités polluantes (taxe carbone, taxe sur les déchets, y compris nucléaires, etc.). Le processus budgétaire devra être rendu transparent et démocratique, associant pleinement le Parlement, notamment en lui donnant le pouvoir de codécider des recettes. Par ailleurs, un grand emprunt européen devra être levé pour financer directement la conversion écologique, et garantir la stabilité sociale et la solidarité face à la crise. Nous agissons aussi pour l’introduction d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés pour réduire la concurrence fiscale entre les États membres. Il s’agit, pour chaque entreprise présente dans plusieurs États membres, de se conformer à un seul régime fiscal au sein de l’UE pour calculer son résultat imposable, plutôt qu’aux différents régimes propres à chacun des États membres dans lesquels l’activité est exercée ; – une remise à plat du statut de la Banque centrale dans le souci de renforcer son contrôle démocratique et la cohérence de ses interventions. Elle pourra, en cas de tension ou pour financer uniquement des investissements nécessaires à la conversion écologique de l’économie, prêter directement aux États et racheter des bons du Trésor national ; – une solidarité entre États et une garantie de la dette. 170

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Comme c’est le cas dans toute fédération politique, la gestion de la monnaie sera revue en étant garantie par un meilleur contrôle du Parlement et avec l’obligation de respecter l’ensemble des objectifs du PACES, et pas seulement des objectifs financiers. L’évolution des règles internes de la Banque sera fixée par la loi européenne et ne demandera pas une révision des traités. Une agence publique de notation européenne sera créée pour évaluer les dettes souveraines. C’est pourquoi nous voulons en outre une mutualisation des dettes par un marché obligataire européen des Eurobonds, et la création d’une Réserve fédérale européenne pour les gérer et superviser la convergence fiscale des États membres ainsi que la réorganisation de la Commission européenne. Un ministre européen des Finances présidera l’Eurogroupe et sera à la tête d’un groupe de commissaires responsables de la mise en œuvre de la gouvernance économique au moins pour l’Eurozone. La désindustrialisation européenne n’est pas une fatalité. Nous proposons la création de pôles industriels européens. Ces pôles seront les premiers projets financés par les « Project bonds » – c’est-à-dire avec un financement européen mutuellement garanti et un pilotage supranational.

III. Une Europe solidaire L’approche nationaliste et sécuritaire des gouvernements conservateurs a enfermé le projet européen dans une vision répressive et repliée sur les frontières. Le cœur du rêve européen doit au contraire dépasser l’étroitesse du cadre national pour donner du souffle à une mondialisation humaine et solidaire. Fidèle à sa vocation initiale, l’Union doit faire naître une Europe de la paix agissant de manière exemplaire pour une organisation 171

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mondiale qui respecte les valeurs et principes humanistes. La fin de l’Europe forteresse, en sortant de l’ornière du traité de Schengen, doit permettre une révision complète de la politique de contrôle des frontières. La directive Retour doit être abrogée et l’interdiction de réadmission supprimée. Il faut fermer les camps de rétention installés aux portes de l’Europe et ouvrir au niveau européen une agence d’accueil aux frontières qui garantisse au contraire l’exercice des droits des migrants. De la même manière, un Office européen du droit d’asile devra être créé, indépendant administrativement et financièrement, pour veiller à l’application des conventions européennes et internationales relatives à la reconnaissance des réfugiés. La France ne doit plus participer au dispositif Frontex et doit impulser une renégociation des accords européens dits « Dublin II » afin de permettre aux réfugiés de choisir leur pays d’accueil. L’Union sera un moteur pour faire respecter au niveau mondial les textes et conventions de l’ONU, de l’OIT et de la DUDH, et agira pour un monde de paix, pour faire respecter les droits humains en exigeant l’application des clauses dans l’ensemble des accords qu’elle passe avec les pays tiers. Un dispositif européen crédible luttera contre les paradis fiscaux pour mettre fin au secret bancaire et à l’évasion fiscale. Il gèlera les actifs placés dans les paradis fiscaux par les ressortissants de tous les États membres dont le budget est menacé par les fraudes massives, comme la Grèce. Une clause «  paradis fiscaux  » sera introduite dans les marchés publics. 172

Une VIe République dans une Europe fédérale

Une politique extérieure et de défense autonome doit prendre corps avec la construction d’une force de défense européenne militaire comprenant un service civil. Le système d’espionnage électronique Échelon sera fermé.

VERS UN MONDE DE PAIX ET DE JUSTICE

Aujourd’hui, un infime pourcentage de la population mondiale accapare la majorité des richesses de notre planète tandis que l’immense majorité s’en partage les miettes. Quand les mouvements des Indignés, de Tel  Aviv à New  York en passant par Madrid ou Santiago, scandent « Nous sommes les 99 % », ils en ont parfaitement conscience. 99  % des citoyens du globe subissent les conséquences de la crise actuelle, tandis que 1 % de la population mondiale profite des délices de plus en plus amères d’un système qui nous conduit dans le mur. Face à la «  quadruple crise  » (écologique, économique, sociale et démocratique), la maxime des écologistes, « penser global, agir local », est plus que jamais d’actualité pour avancer vers un autre modèle de civilisation. Notre conception d’une autre politique inter­ nationale, d’une autre diplomatie, d’une autre défense de la France et de l’Europe s’inscrit dans cette vision des interdépendances et des solidarités nécessaires pour l’avenir commun des peuples et des nations.

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Vers un monde de paix et de justice

1. UNE NOUVELLE ARCHITECTURE INTERNATIONALE Le monde, devenu multipolaire, n’a plus rien à voir avec ce qu’il était au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Sur le plan économique et financier, la France et l’Union européenne doivent promouvoir une gouvernance mondiale régulée et une gestion internationale de la dette incluant la responsabilisation des parties prenantes dans des ensembles régionaux économiques et monétaires plus homogènes. Pour les écologistes, cela passe par : – une fiscalité mondiale : la taxation des transactions sur les marchés des changes, financiers et boursiers, mais aussi des profits des multinationales, les déchets nucléaires, les transports aériens : 775 milliards de dollars hors taxe carbone peuvent ainsi être levés, soit deux à trois fois les sommes nécessaires à l’accès de tous aux droits fondamentaux et à la résilience climatique. Il s’agit d’amorcer une fiscalité globale pour la proposer progressivement à l’ensemble de la planète ; – la réduction de la taille et des risques des banques, le contrôle prudentiel des marchés, des transactions financières et des autorités de contrôle économique et financier ; – la lutte contre les spéculations hors économie réelle, notamment par un encadrement strict des marchés des matières premières, en particulier agricoles, et des produits dérivés ; – la suppression des paradis fiscaux et judiciaires et la levée du secret bancaire : création de registres nationaux des comptes bancaires mis à disposition des autorités. Extension de la directive UE Épargne, renforcement de la coopération judiciaire contre la fuite fiscale et la corruption ; 178

– l’annulation des dettes illégitimes des pays les plus pauvres et la responsabilité mutuelle des créanciers et débiteurs publics et privés ; – pour une meilleure répartition des ressources vers une démocratie globale, il convient d’engager la dissolution à terme du G8 et du G20. Ces organisations à très faible légitimité démocratique décident aujourd’hui de la guerre et de la paix mondiale, des modèles de société, des politiques économiques. L’ONU doit reprendre une place centrale dans la gouvernance mondiale, notamment par une réforme de son Conseil de sécurité, pour une meilleure représentativité des pays du Sud et émergents, par sa capacité à faire appliquer ses propres résolutions et le droit international ; – les décisions de la gouvernance économique mondiale doivent ainsi être compatibles avec les règles de l’Organisation internationale du travail, de l’Organisation mondiale de la santé et de l’UNESCO ; – une Organisation mondiale de l’environnement (OME) doit être créée. Il faut ainsi soumettre la passation de marchés à l’international ou l’assurance à l’exportation (par exemple en France la COFACE) au respect des normes sociales et environnementales les plus protectrices ; – nous portons dans ce cadre l’idée d’une agence internationale pour la régulation du commerce des minerais précieux, avec un label d’origine, une véritable certification, une traçabilité parfaite des transactions jusqu’au consommateur final.

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2. UN MONDE SOLIDAIRE ET RESPONSABLE Près de 1 milliard d’êtres humains ont faim dans le monde. Paradoxalement, les trois quarts des affamés sont des paysans. Pourtant – paradoxe et scandale permanent –, l’offre alimentaire mondiale est suffisante et le monde actuel n’a jamais eu autant de moyens pour l’accès de tou-te-s aux droits fondamentaux. Nos objectifs pour le monde répondent aux mêmes principes que ceux qui guident notre ambition de changement à l’intérieur de l’Hexagone. Les écologistes proposent : – de garantir le droit à la souveraineté alimentaire. La France, et avec elle l’Union européenne, doit renoncer aux subventions, aux exportations à prix bradés des denrées agricoles et au pillage des zones halieutiques. Elle doit aider financièrement les paysanneries à passer à des techniques adaptées et promouvoir un accord international sur la pêche préservant les droits de la pêche artisanale ; – de respecter les engagements pris en faveur de la lutte contre le changement climatique et l’adaptation des pays les plus vulnérables : abondement du Fonds vert bilatéral et multilatéral, en priorisant les pays les plus pauvres et les États insulaires, à hauteur de leurs besoins de résistance climatique, financement des forêts, dont la destruction génère actuellement 20 % des émissions de gaz à effet de serre, soutien aux populations locales pour le nondéboisement et l’entretien des forêts tropicales ; – d’agir en faveur d’une politique ambitieuse en matière d’environnement, passant par la mise en place d’une Banque mondiale de partage des savoirs communs (semences, gènes, technologies vertes) ; un dispositif mondial de lutte contre la biopiraterie avec la mise en place d’offices 180

nationaux de vérification des brevets et de protection des savoirs ancestraux ; le renforcement du droit international en matière de pollutions, notamment la reconnaissance des crimes environnementaux ; – de contribuer à garantir les droits fondamentaux des citoyens du monde par un « contrat social mondial », de mettre en œuvre les Objectifs du Millénaire pour le développement, aujourd’hui en panne, à travers l’appui aux services sociaux de base, avec priorité aux zones rurales et aux femmes, et la définition d’un nouvel objectif de gestion démocratique et participative ; – de renforcer le droit dans la lutte contre les délits économiques et financiers, et contre l’impunité en cas de délits commis par les chefs d’État ou les élites internationales. Il faut mettre un terme définitif à la Françafrique financière et militaire, aux valises de billets et aux trafics d’influence, prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts des responsables politiques et des hauts fonctionnaires par une réelle coopération judiciaire et fiscale, et assurer la restitution rapide des avoirs détournés aux pays spoliés (les « biens mal acquis ») ; – de garantir l’accès à la justice aux victimes des multinationales en leur permettant d’ester en justice dans n’importe quel pays d’activité d’une multinationale, avec notamment la création d’un fonds d’appui aux ONG ; – de pratiquer une diplomatie active de lutte contre les dictatures et les régimes autoritaires, comme la Chine ou la Russie, et de solidarité avec les mouvements d’émancipation, qu’ils soient nationaux, comme au Tibet, ou d’aspiration démocratique, comme en Syrie ou dans les pétromonarchies. Pour atteindre ces objectifs, plusieurs leviers d’action sont possibles dans notre propre pays : • la vigilance des collectivités territoriale, qui peuvent refuser de travailler avec des banques utilisant des paradis fiscaux ou des multinationales opaques, comme l’ont déjà décidé douze régions françaises, l’insertion de clauses dans les appels d’offres des marchés publics et le soutien aux démarches de labellisation et de commercialisation « éthiques » et 181

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écologiques (la sensibilisation des citoyen-ne-s à ces démarches) ; • la mobilisation des consommateurs, avec l’obligation d’étiquetage du contenu social et environnemental des biens et services, et du contenu « fiscal » des produits financiers et bancaires ; • l’éducation à la responsabilité, à la justice et à la solidarité internationale, sociale et écologique ; • l’appui aux réseaux militants de la société civile : éducation, plaidoyer, expertise, alerte, mutualisation.

3. UNE RÉFORME RADICALE DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT La première obligation concerne les moyens et la hausse immédiate de l’aide publique au développement à 0,7  % du PIB, en privilégiant les dons réels, déliés des objectifs géostratégiques et fléchés vers les PMA. Dès la mandature 2012-2017, une loi sur la coopération solidaire sera portée par Europe Écologie-Les  Verts, avec un contrôle parlementaire et citoyen sur les finalités, le contenu et l’efficacité de l’aide. Elle portera une réforme des appels d’offres et des missions, et une gestion locale, paritaire et démocratique des programmes, en s’appuyant sur trois principes  : égalité entre partenaires de différents pays  ; transparence de la politique de coopération ; principe de participation citoyenne et démocratique permettant une coopération de société à société. Au-delà, il s’agit, au sein de la communauté internationale, que la « voix de la France » se dégage de sa gangue d’ex-puissance coloniale. À cet effet, tous les accords de coopération et d’assistance militaire seront revus sous le contrôle parlementaire qu’exige une vraie pratique démocratique. L’Agence française de développement sera réorganisée en profondeur.

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4. UNE POLITIQUE DE DÉFENSE EN ACCORD AVEC L’ÉCOLOGIE POLITIQUE La non-violence comme mode de résolution des crises internationales représente une valeur constitutive de l’écologie politique. Cette posture se conjugue avec une parfaite lucidité sur la montée des crises qui menacent la sécurité internationale et les Français  : raréfaction des matières premières et des énergies non renouvelables, crise alimentaire, diminution des ressources en eau potable, dérèglements climatiques entraînant l’élévation du niveau de la mer et générant des mouvements massifs de populations, inégalités économiques entre les peuples. Dans ce cadre, la politique étrangère de la France en matière de sécurité collective vise à contribuer à la mise en place d’un nouvel ordre mondial, organisé dans le cadre des Nations unies. Sur un plan régional, la communauté d’intérêts avec nos partenaires européens constitue naturellement la base du développement in­ contournable d’une politique commune de défense indépendante de l’OTAN. La France n’a plus à cette heure d’ennemis à ses frontières qui menaceraient son indépendance et son existence. Ce contexte permet la suppression progressive de notre force de dissuasion dans la mesure où l’action de notre diplomatie obtiendrait des progrès tangibles de la part des autres puissances atomiques en faveur du désarmement nucléaire mondial.

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Les écologistes proposent : – de remettre en cause les intangibles de la politique française en s’inscrivant résolument dans le processus de désarmement nucléaire mondial : la dissuasion nucléaire actuelle de la France est constituée de la composante « océanique », avec quatre SNLE, et de la Force aéroportée, limitée à deux escadrons plus la force aéronavale. Il faut démanteler une partie de notre force de dissuasion pour montrer notre volonté de soutien au projet de Convention d’élimination proposé par les Nations unies. Au niveau régional, ce processus pourrait inciter les Britanniques à une démarche identique et convaincre les Américains de retirer d’Europe leurs armes nucléaires déployées dans le cadre de l’OTAN. À court terme, la France doit respecter les dispositions du Traité de non-prolifération et refuser l’accord de Lisbonne signé en décembre 2010 sur le dispositif antimissile. Une zone exempte d’armes nucléaires en Europe ouvrirait un espace de négociation avec les Russes pour l’élimination de leurs propres armes tactiques. La première mesure de réduction concernera la suppression de la force aéroportée. D’autres mesures sont envisageables par l’annulation de programmes de modernisation (production du missile M51, finalisation de la nouvelle tête nucléaire océanique, nouvel outil d’expérimentation avec les Britanniques, super-AIRIX à Valduc, en Côte-d’Or). Ces mesures pourraient permettre par ailleurs une économie de plus de 1 milliard d’euros. – de décider des opérations extérieures sous mandat international et sous le contrôle démocratique du Parlement. La présence des forces armées hors du territoire national est fondée soit sur un mandat international, soit sur des accords bilatéraux. Le principe de l’engagement des forces ne pourra se faire que dans le cadre d’un mandat international de l’ONU. 185

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Par conséquent, la France se retirera du commandement intégré de l’OTAN. Enfin, le contrôle de la représentation nationale sera renforcé par l’obligation d’un vote du Parlement dans un délai rapide pour tout engagement extérieur et de la publication de tous les traités (ratification explicite). – de prioriser la dimension européenne de notre défense. Le projet d’Europe fédérale passe par l’élaboration d’une véritable Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) dotée d’une réelle capacité d’intervention civile et militaire. L’objectif est de mutualiser les moyens militaires pour plus d’efficacité et d’économie, et de promouvoir une politique dans la ligne des missions dites de Petersberg : actions humanitaires, évacuations d’urgence de ressortissants européens, gestion de crises et actions civiles ou militaires de maintien de la paix et de protection des populations civiles. L’action combinée entre un futur Conseil européen de défense et de sécurité, élaborant un projet de la PESD, et son vote par le Parlement donnera toute sa légitimité et sa dimension opérationnelle à une politique européenne de sécurité et de défense. Le document permettra de définir d’abord les priorités stratégiques indépendamment de celles définies par l’OTAN, de mettre ensuite en place les moyens de coordination entre les forces armées des États membres, et enfin d’établir les bases industrielles et technologiques de défense nécessaires pour l’inter-opérabilité des matériels et le développement d’une coopération industrielle effective. L’Agence européenne de défense trouvera toute sa place dans ce nouveau contexte en termes d’impulsion, de régulation et de contrôle. Créer un service civil européen pour porter un message de paix par des actions internationales de terrain. Inscrire la condition militaire dans une nouvelle approche privilégiant les droits civiques du soldat et la sécurité du combattant. Le droit d’adhérer à un syndicat et la liberté d’expression seront accordés aux militaires en tenant compte de la spécificité de leur métier après une large 186

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concertation réunissant les intéressés, les syndicats de salariés et le Parlement. Par ailleurs, la sécurité et les conditions de vie des soldats en opération feront l’objet d’une approche transversale de manière à privilégier des équipements adaptés aux nouvelles menaces sur les théâtres d’opérations. Économiser 10 % du budget de la défense hors pensions (3 milliards d’euros). La réorientation de la dissuasion, la diminution des OPEX diminueront le budget de la défense de 1,5 milliard d’euros. D’autres économies sont possibles, notamment en redéfinissant les missions de la Marine vers la protection des zones économiques exclusives ou en renégociant les contrats de l’A400M couplés avec les avions ravitailleurs.

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5. UNE PLANÈTE PACIFIÉE Comme les réformes défendues par les écologistes ne peuvent se faire sur une planète en guerre, une de leurs principales priorités reste bien entendu la paix. En plus de son action pour le désarmement nucléaire, la France doit montrer la voie pour la ratification et l’application de la Convention sur les armes chimiques et bactériologiques. Son action au sein des Nations unies doit œuvrer à la disparition de ce type d’armes visant les populations civiles. La France, troisième exportateur d’armes dans le monde, agira pour une réduction et une reconversion des secteurs spécifiques de l’industrie d’armement. Le secteur de l’armement est, à l’exception de NEXTER, entièrement privatisé. Bien que dominé par des entreprises multinationales (THALES, SAFRAN, EADS), s’appuyant néanmoins sur un tissu local et dense de PME, il reste étroitement lié à l’État pour le financement des programmes et la négociation des contrats d’exportation via la Direction générale de l’armement. L’ébauche d’une politique européenne, marquée par un code de bonne conduite en matière d’exportation d’armes et une incitation à mutualiser les bases industrielles et technologiques de défense au niveau de l’Union, a renforcé les dérives libérales. L’UE doit au contraire réguler et moraliser le secteur de l’armement. Il s’agirait de renforcer le contrôle des ventes d’armes par la représentation nationale et de rendre l’information plus transparente. 188

En accord avec les travailleuses et travailleurs du secteur et les institutions de la défense, elle pourra proposer de créer une organisation mondiale de réduction de l’armement et ­commencer par rendre effectif le contrôle national du marché des armes. Une politique internationale et de sécurité devra également encadrer strictement le secretdéfense d’État, notamment pour connaître l’implication de la France au Rwanda entre 1990 et 1994. Le contrôle démocratique de cette politique doit s’exercer au sein des Parlements, avec des consultations ouvertes aux ONG spécialisées. Cela implique le démantèlement de la cellule Afrique, l’instauration d’un contrôle parlementaire des décisions militaires de l’Élysée, l’encadrement strict des missions des services secrets français. Cela passe également par la fermeture et le démantèlement des bases militaires françaises à l’extérieur. La France pourra alors demander à ses alliés d’en faire de même de façon légitime afin de créer un mouvement vertueux de démilitarisation à l’échelon international. La présence à Djibouti, qui se justifierait par l’instabilité régionale (Éthiopie, Érythrée, Somalie), et la protection du détroit de Bab El Mandeb seront renégociées dans le cadre d’un mandat international. Nous fermerons la base d’Abou  Dhabi, qui s’inscrit dans un objectif de ventes d’armes au pays du Golfe, politique belliciste et mercantile. Dans la recherche d’un monde de paix et de solidarité, deux initiatives nous paraissent ­devoir être portées par la France en Europe et aux Nations unies : 189

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– le retrait rapide des troupes d’Afghanistan, avec un plan de reconstruction et de réparation de guerre conséquent ; –  le nécessaire règlement du conflit israélopalestinien, conflit qui discrédite la politique occidentale par la non-application du droit international et favorise la ­montée des replis identitaires et religieux.

Les petits matins ont également publié : Manifeste pour une société écologique, Europe ÉcologieLes Verts L’Économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas, Pascal Canfin Le Contrat écologique pour l’Europe, Pascal Canfin Ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire, Pascal Canfin Apartés, Cécile Duflot, entretiens avec Guy Sitbon Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire, Jean Gadrey Qu’est-ce que l’écologie politique ? La grande transformation du xxie siècle (nouvelle édition, à paraître), Alain Lipietz Les Sciences, un enjeu citoyen. Une politique écologiste de la recherche et de l’innovation, Marc Lipinski Le Nucléaire, une névrose française. Après Fukushima, à quand la sortie ? Patrick Piro Oui, l’écologie, c’est social ! (à paraître), Sandrine Rousseau Philosophie de l’écologie politique. De 68 à nos jours, Eva Sas Petit Bréviaire écolo, Wilfrid Séjeau et Erwan Lecœur Retrouvez l’intégralité de notre catalogue sur www.lespetitsmatins.fr