Vecteur Environnement • Septembre 2017 - Réseau Environnement

3 sept. 2017 - À la rigueur, un étang de golf, une ornière inondée ou un bassin décoratif pourraient être autant de milieux visés. Et la présence d'eau pouvant ...
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La revue des spécialistes de l’environnement au Québec Volume 50 • Numéro 3 Septembre 2017

DOSSIER

RÉHABILITER DANS LES RÈGLES DE L’ART PUBLIÉE PAR :

Réhabilitation environnementale du projet Turcot : vers de nouvelles méthodes de travail Réhabilitation du Parc d’entreprises de la Pointe-Saint-Charles : des solutions innovantes pour cesser la contamination au fleuve Traçabilité des sols : les expériences dans le monde et un nouveau modèle pour le Québec

SOMMAIRE

Dossier CHRONIQUES Menu législatif

34

Emploi vert

38

Tour d’horizon

48

Exploitant

51

SWANA

54

AWWA

56

WEF

58

Actualité internationale

60

À lire

61

À l’agenda

62

est publiée par Réseau Environnement 255, boul. Crémazie Est Bureau 750 Montréal (Québec) CANADA H2M 1L5 Téléphone : 514 270-7110 Ligne sans frais : 1 877 440-7110 Télécopieur : 514 874-1272 [email protected] www.reseau-environnement.com

Réhabiliter dans les règles de l’art

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RÉHABILITATION ENVIRONNEMENTALE DU PROJET TURCOT Vers de nouvelles méthodes de travail

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RÉHABILITATION DU PARC D’ENTREPRISES DE LA POINTE-SAINT-CHARLES Des solutions innovantes pour cesser la contamination au fleuve

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LA TRAÇABILITÉ DES SOLS  Les expériences dans le monde Un nouveau modèle pour le Québec

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ENTREVUE Chamard stratégies environnementales Un exemple de transfert d’entreprise réussi !

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MATIÈRES RÉSIDUELLES Produire et consommer autrement au Québec Pour réduire notre empreinte environnementale

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AIR ET CHANGEMENTS CLIMATIQUES Plessisville : leader de la lutte locale contre les changements climatiques

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BIODIVERSITÉ Conservation des milieux humides et hydriques Les grandes lignes de la nouvelle loi

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ARTICLE SCIENTIFIQUE Recherche sur l’irrigation de précision de la canneberge Vers une production accrue avec moins d’eau

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CONSEIL D’ADMINISTRATION DE RÉSEAU ENVIRONNEMENT

Éditrices Christine Bérubé Caroline Sanchez Valero Comité de direction Michel Beaulieu, secteur Sols et Eaux souterraines Pierre Benabidès, secteur Matières résiduelles Joëlle R. Chiasson Marie-Hélène Gravel, secteur Air et Changements climatiques Joëlle Roy Lefrançois, secteur Biodiversité Céline Vaneeckhaute, secteur Eau Collaborateurs Marion Audoin, Michel Beaulieu, Carole Boily, Jean Caron, Yves Comeau, Amélie Côté, Serge Cyr, Robert Daigneault, Geneviève David Watson, Dominique Dodier, Sarah Dorner, Marie-Claire Dumont, Yanick Fortier, Francis Fortin, Tiphaine Jabet, Alain Lalumière, David Maréchal, Claire Merckaert, Stéphanie Petit, Laurent Pilon, Nicolas Sbarrato, Émile Sylvestre, Monique Thomas, Christiane Viens.

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Photo de la couverture FOTOimage

Présidente Karine Boies Cain Lamarre

Réalisation graphique Passerelle bleue 514 278-6644

Président sortant Marc-André Desjardins Axor Experts-Conseils

Impression 100% Imprimerie Maska 1 800 361-3164 Révision linguistique Véronique Philibert, Révision Œil félin Dépôt légal Bibliothèques nationales du Québec et du Canada Revue trimestrielle ISSN 1200-670X Envois de publications canadiennes Contrat de vente no 40069038 Réseau Environnement Prix à l’unité : 15 $ au Québec

Abonnement annuel numérique + papier au Québec : 55 $. Les auteurs des articles publiés dans Vecteur Environnement sont libres de leurs opinions. La forme masculine est privilégiée sans intention discriminatoire et uniquement dans le but d’alléger les textes. Le contenu de Vecteur Environnement ne peut être reproduit, traduit ou adapté, en tout ou en partie, sans l’autorisation écrite des éditrices.

Secrétaire-trésorier Gaëtan Laflamme Petrie Raymond Vice-présidente, secteur Air et Changements climatiques Johanne Ouellet YHC Environnement Vice-président, secteur Biodiversité Hugo Thibaudeau Robitaille T2 Environnement Vice-président, secteur Eau Serge Cyr Ville de Victoriaville Vice-président, secteur Matières résiduelles Michel Laforest Développement durable KLM

Vice-président, secteur Sols et Eaux souterraines André Carange Signaterre

Présidente du comité régional Estrie Isabelle Audet Enviro-accès inc.

Administrateur Michel Lamontagne Magog Technopole

Président du comité régional Outaouais Robert A. Dubé TREBORA Conseil

Présidente du comité régional Abitibi-Témiscamingue Nathalie Touzin Ville de Malartic Présidente du comité régional Bas-Saint-Laurent / Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine Geneviève Pigeon Ville de Rivière-du-Loup Président du comité régional Capitale-Nationale / ChaudièreAppalaches Jean-Louis Chamard Chamard, stratégies environnementales Président du comité régional Côte-Nord Poste vacant

Présidente du comité régional Mauricie / Centre-du-Québec Coralie Lamaire Chad Bionest Présidente du comité régional Montréal Marie-Caroline Bourg EnviroRcube Présidente du comité régional Saguenay—Lac-Saint-Jean Julie É. Guérin Président-directeur général de Réseau Environnement Jean Lacroix

FSC position pour Maska

100% Vecteur Environnement • Septembre 2017

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DOSSIER

La fin de certaines activités industrielles ou commerciales ainsi que le changement de vocation d’un terrain sont des exemples d’occasions permettant de revitaliser et de mettre en valeur des sites urbains. Deux projets majeurs se déroulent actuellement à Montréal dans le domaine de la réhabilitation de terrains contaminés, avec le réaménagement de l’échangeur Turcot – plaque tournante du trafic routier montréalais – et du Parc d’entreprises de la PointeSaint-Charles, anciennement connu sous le nom de Technoparc Montréal

Réhabiliter dans les règles de l’art

métropolitain. Ces chantiers d’envergure, que ce soit par leur taille ou par la problématique de contamination à résoudre, sont porteurs d’innovations dans les techniques et pratiques de décontamination des sols et de l’eau. Par ailleurs, le troisième sujet de ce dossier porte sur un outil novateur de traçabilité des sols issus de ces grands chantiers urbains. Inspiré des mécanismes de traçabilité mis en place en Europe et au Canada, le modèle présenté pour le Québec permettra d’assurer un déplacement efficace et des pratiques environnementales optimales. Transformer des sites urbains en occasions de développement économique et social, tout en améliorant l’environnement et en contribuant à la lutte contre les changements climatiques ; voilà les défis abordés dans ce dossier.

DOSSIER Réhabiliter dans les règles de l’art

© KPH Turcot, un partenariat S.E.N.C.

Réhabilitation environnementale du projet Turcot

Vers de nouvelles méthodes de travail

Considéré comme l’un des chantiers les plus importants depuis la construction du métro de Montréal et des installations hydroélectriques de la Baie-James, le chantier de conceptionconstruction des infrastructures principales du projet Turcot pose plusieurs défis environnementaux majeurs. Afin de livrer un projet ambitieux et novateur respectant des exigences légales strictes, l’équipe Environnement de KPH Turcot et de WSP Canada innove quotidiennement pour réduire l’empreinte écologique des travaux. Pourquoi reconstruire ? PAR NICOLAS SBARRATO Ing., M. Sc., WSP Canada inc. [email protected]

ET PAR DAVID MARÉCHAL Ing., M. Env., KPH Turcot, un partenariat S.E.N.C. [email protected]

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Vecteur Environnement • Septembre 2017

Mis en service en 1967, l’échangeur Turcot, qui compte 13 bretelles, a été construit à une hauteur variant de 18 à 30 mètres afin d’enjamber la circulation maritime sur le canal de Lachine – alors utilisé comme voie navigable par les navires à mâts – et les structures de la gare de triage Turcot. Puisque ces structures de béton arrivent en fin de vie utile, celles-ci doivent être reconstruites. Le projet prévoit ainsi diminuer près de 70  % de la superficie des structures, et ce, par la construction de voies sur remblais. Située à l’ouest de l’échangeur Turcot, enclavée entre l’autoroute actuelle et la falaise Saint-Jacques, l’ancienne gare de triage Turcot représente un potentiel de développement de quelque

Pourquoi est-ce compliqué ? Empruntés par quelque 300 000 véhicules par jour, les quatre échangeurs du projet (Turcot, Angrignon, Montréal-Ouest et De La Vérendrye) relient notamment le centre-ville de Montréal, le pont Champlain et l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau. Cette contrainte majeure pose un défi quotidien aux ingénieurs en planification qui doivent construire les nouvelles voies en dessous ou à côté des infrastructures existantes afin de maintenir la mobilité sur le réseau. Ces dernières pourront être fermées à la circulation lorsque les nouvelles voies seront mises en service.

© MTMDET

Comment planifier une réhabilitation d’une telle ampleur ?

Anciennes installations ferroviaires de la cour Turcot.

400 000 mètres carrés. Afin de libérer ces terrains, les voies ferrées et autoroutières existantes doivent être déplacées vers le nord. Au total, près de 145 kilomètres (km) de voies autoroutières, de bretelles d’accès et de rues, ainsi que 6,7 km de sentiers multifonctionnels et de pistes cyclables verront le jour d’ici 2020. Ce chantier routier, sûrement l’un des plus complexes en Amérique du Nord, permettra de bonifier le système de transports de Montréal.

Pourquoi est-ce contaminé ? Près de 80  % de la superficie des deux millions de mètres carrés du projet sont situés à l’emplacement de l’ancien lac à la Loutre. Afin de pouvoir y bâtir des infrastructures dès la fin du XIXe siècle, ce lac postglaciaire a été drainé puis remblayé avec des matériaux hétérogènes d’origine inconnue et des matières résiduelles de type résidus de combustion (scories, mâchefers, cendres). Ces matériaux, présents sur des couches pouvant atteindre plusieurs mètres d’épaisseur, renferment de nombreux contaminants inorganiques en concentrations non réglementaires. Par ailleurs, une très grande partie du site du projet Turcot a abrité durant la seconde moitié du XXe siècle plusieurs activités industrielles à fort impact environnemental, en lien notamment avec le transport ferroviaire. Surnommé un temps « Smoking Valley », l’emplacement de l’actuel échangeur Turcot était le lieu d’entretien et de réparation de plus de 80 locomotives à vapeur par jour. La gare de triage Turcot, quant à elle, représentait un nœud intermodal de transport important de la ville de Montréal. Plusieurs contaminants organiques d’origine pétrolière sont encore présents dans les sols du secteur.

Depuis le début des années 2000, le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (MTMDET) a effectué plus d’une centaine de campagnes de caractérisation afin d’établir le profil environnemental du site. À l’aide de plus de 2  800  sondages, un modèle en trois dimensions a été créé : près de 35 000 blocs imbriqués les uns dans les autres, représentant les différentes couches de sols présents sur le site, ont été documentés et associés à une option de gestion (principalement basée sur la qualité environnementale) (voir image p. 8). L’utilisation d’un système d’information géographique, composé d’une base de données et d’un outil de cartographie informatique, permet à l’équipe Environnement du projet de fournir aux équipes de construction la prédiction la plus réaliste possible des sols à excaver. Chaque bloc de sol est ainsi localisé précisément, et son excavation est planifiée selon l’utilisation qui peut en être faite. Mise à jour sur une base continue, cette information est essentielle à l’optimisation des opérations et des travaux.

Une réhabilitation environnementale qui limite l’empreinte écologique Afin de respecter les exigences légales en vigueur pour la réhabilitation de terrains contaminés, le MTMDET et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) se sont entendus sur des principes de réhabilitation ayant pour objectif de limiter l’empreinte écologique du projet. D’une part, le maintien en place de contaminants couplé à leur confinement in situ, autorisé par la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec, a permis de réduire de plus de 85 % le volume de sols contaminés non réglementaires à retirer du site. Cette réduction a un impact direct sur la saturation potentielle des sites d’élimination de sols contaminés du Québec. D’autre part, la construction des nouvelles infrastructures nécessite l’utilisation de près de trois millions de mètres cubes de matériaux, soit l’équivalent de 300 000 camions. Ainsi, toujours afin de respecter la réglementation en vigueur, la réutilisation Vecteur Environnement • Septembre 2017

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© WSP Canada inc.

DOSSIER Réhabiliter dans les règles de l’art

Répartition géographique de la contamination théorique (polygones de Thiessen).

de sols faiblement contaminés comme matériaux de remblai aux fins de construction a diminué de façon importante le stress sur les sources commerciales de matériaux, comme les carrières et les sablières. Finalement, ces deux méthodes innovantes ont également pour avantage de minimiser quotidiennement le camionnage sur le site, diminuant ainsi les émissions de gaz à effet de serre et les nuisances pour les résidents de ce secteur densément urbanisé.

Les nouvelles technologies en appui à l’environnement Les systèmes de localisation GPS

De par son envergure, le chantier du projet Turcot fait intervenir un nombre d’équipes et de pièces de machinerie

sans aucune mesure comparable aux chantiers classiques de construction d’infrastructures routières. Cette densité d’activités et la planification millimétrée des travaux prévus empêchent l’utilisation de méthodes classiques de repérage et de suivi. Alors que traditionnellement la surveillance des excavations est documentée par mesurage manuel et que les mouvements de camions sont enregistrés sur des documents papier, le chantier de conception-construction des infrastructures principales du projet Turcot met à profit, pour sa part, une flotte d’appareils GPS de haute précision. Certains GPS, couplés aux données de contamination, sont installés directement sur les godets des excavatrices, et fournissent un visuel inestimable aux opérateurs pour se repérer et connaître exactement dans quelle couche de sols ils sont en train d’opérer. Installés dans les camions, ces mêmes GPS permettent de valider les origines et destinations des transports

« Alors que traditionnellement la surveillance des excavations est documentée par mesurage manuel et que les mouvements de camions sont enregistrés sur des documents papier, le chantier de conception-construction des infrastructures principales du projet Turcot met à profit, pour sa part, une flotte d’appareils GPS de haute précision. » 8

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« De par sa nature particulière, son ampleur inégalée et ses objectifs novateurs, le projet de conception-construction des infrastructures principales de Turcot a permis l’ajustement de méthodes de travail et de technologies traditionnellement utilisées dans les opérations de réhabilitation environnementale. »

de sols, et d’établir un décompte quasi automatique des quantités manipulées. Finalement, des drones équipés de GPS effectuent des relevés aériens réguliers du site, fournissant ainsi aux équipes de travail et de surveillance des données en trois dimensions sur l’avancement du chantier.

Étant donné la complexité du projet – nombre d’intervenants et roulement sur le chantier, configuration du site et étapes de construction, profil environnemental du site –, les méthodes traditionnelles de suivi en chantier ont dû être fondamentalement repensées. Alors que dans des cas classiques, les données environnementales sont imprimées sur des plans présentant la localisation des polygones de contamination et sur des fiches présentant le détail en coupe, les surveillants de l’équipe Environnement profitent de cartes électroniques interactives pour leurs suivis et leurs relevés. Équipé de tablettes intelligentes reliées à un réseau de données mobiles et pourvues de GPS, le personnel peut trouver, n’importe où sur le chantier, l’information nécessaire concernant le profil environnemental ou les sources provenant d’autres disciplines dictant les besoins de construction : infrastructures à construire, contraintes d’utilités publiques existantes, limitations d’accès pour protéger les résidents du secteur ou les usagers de la route, localisation potentielle de vestiges archéologiques, etc. Ces données sont mises à jour régulièrement par une équipe de géomaticiens à la fine pointe de la technologie, au gré de l’information disponible. La mise à jour se fait en temps réel et le temps de traitement est généralement très court. D’un autre côté, ce système de tablettes connectées permet un partage d’informations à sens inverse : l’équipe de projet qui n’est

© FOTOimage

Innovations technologiques pour la gestion des sols contaminés

pas présente quotidiennement au chantier peut recevoir des relevés, des documents et des photos prises sur le site afin de suivre l’évolution des opérations. Cet échange s’effectue à partir de la même plateforme, sur une carte qui peut être partagée à plusieurs équipes situées dans des bureaux différents, et même au client.

Ouvrir la voie à de nouvelles méthodes de travail De par sa nature particulière, son ampleur inégalée et ses objectifs novateurs, le projet de conception-construction des infrastructures principales de Turcot a permis l’ajustement de méthodes de travail et de technologies traditionnellement utilisées dans les opérations de réhabilitation environnementale. Ces nouveautés ont amené des bénéfices indiscutables à l’avancement du projet, et ce, au prix d’ajustements mineurs, notamment la capacité d’adaptation du personnel et une formation qui ont permis de faciliter le changement. Bien qu’étant un des projets de construction routière parmi les plus complexes en Amérique du Nord, l’innovation et l’intelligence des équipes permettent de préserver continuellement les cibles ambitieuses de construction et de réhabilitation environnementale. ● Vecteur Environnement • Septembre 2017

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DOSSIER Réhabiliter dans les règles de l’art

© Ville de Montréal

Réhabilitation du Parc d’entreprises de la Pointe-Saint-Charles

Des solutions innovantes pour cesser la contamination du fleuve Dans le cadre de la réhabilitation environnementale du Parc d’entreprises de la Pointe-Saint-Charles (PEPSC) – anciennement connu sous le nom de Technoparc Montréal métropolitain – et du projet Solution Bonaventure, la Ville de Montréal mettra en place des mesures de réhabilitation majeures pour mettre fin au déversement d’eau contaminée et d’hydrocarbures vers le fleuve Saint-Laurent.

L’historique du site

un stationnement ainsi que l’autoroute Bonaventure construite sur des remblais provenant d’une carrière dans le fleuve. Au début des années 1970, pour relancer l’industrie aéronautique canadienne, le gouvernement fédéral propose un projet d’avions à décollage et atterrissage court (ADAC), son aéroport devant se situer sur le site du PEPSC. Cependant, l’instabilité du terrain et la présence de biogaz retardent l’ouverture de l’Adacport (piste fissurée, tassement, etc.). Finalement, cet aéroport ne sera utilisé que deux ans, soit de 1974 à 1976.

Situé entre les ponts Champlain et Victoria, le PEPSC est constitué de remblais à même le lit du fleuve. Utilisé comme dépotoir entre 1866 et 1966, il contient des sols contaminés et des déchets de toutes sortes sur des épaisseurs pouvant aller jusqu’à 16 mètres. La vocation du site a changé en 1966 alors que la Ville de Montréal se préparait à l’Expo 67. On y observe alors

En 1989, la Ville acquiert le PEPSC, représentant environ le tiers du terrain de l’ancien dépotoir. Peu de temps après, des compagnies de télécommunication y érigent les premiers bâtiments. Les autres secteurs de l’ancien dépotoir appartiennent au Canadien National (CN), à la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain inc.  (PJCCI) et au ministère du Développement durable, de

PAR CLAIRE MERCKAERT M. Env., ÉESA, ingénieure, Ville de Montréal [email protected]

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© Ville de Montréal

Avancée du remblayage depuis 1801.

l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC).

Interventions pour confiner et récupérer la contamination Dès 1990, on observe les résurgences d’hydrocarbures en amont du pont Victoria. De 1991 à 1997, la Ville et le CN déploient des mesures correctives temporaires, dont le maintien d’estacades flottantes en bordure du fleuve. Par la suite, la Ville maintient ces estacades jusqu’en décembre  2016. En 2005, la Ville construit un mur d’interception de 160 mètres de long en amont du pont Victoria, sur le terrain de PJCCI, pour limiter la migration des hydrocarbures. L’aménagement d’un puits de récupération permet de pomper à intervalle régulier Vue oblique du futur PEPSC en 1966. les hydrocarbures. En 2012, trois propriétaires (la Ville, le MDDELCC et PJCCI) s’entendent pour trouver une solution globale. En 2013, les trois partenaires retiennent un scénario de réhabilitation concerté

dès que l’étude de faisabilité conjointe est disponible. Dans le secteur ouest, PJCCI et le MDDELCC pilotent un projet en partenariat visant à confiner et à traiter les eaux souterraines. Le Vecteur Environnement • Septembre 2017

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DOSSIER Réhabiliter dans les règles de l’art

« L’amenée du coulis ciment bentonite, la gestion des sols et des matières résiduelles, l’interférence des infrastructures souterraines et l’évaluation des pertes de coulis sont autant d’éléments où l’innovation permettra de faire la différence. » projet comprend la conception, la construction, l’exploitation et l’entretien sur 15 ans d’un système de pompage et de traitement des eaux souterraines. Dans le secteur est, PJCCI finalise la construction d’un mur de confinement le long du fleuve afin de créer un écran flottant pour capter les hydrocarbures contaminés aux biphényles polychlorés (BPC) entre les ponts Victoria et Clément. Des stations de pompage aménagées à chaque extrémité du mur permettront de recueillir ces contaminants pour en disposer. En amont de l’autoroute Bonaventure, la Ville de Montréal va construire un écran d’étanchéité en cimentbentonite ancré au roc, ainsi qu’un système de captage et une usine de traitement. Aux fins des travaux de construction des ouvrages de réhabilitation par la Ville, celle-ci retient une firme d’ingénieurs par appel d’offres public, en avril 2015, pour l’ensemble des travaux d’ingénierie reliés à l’écran d’étanchéité, au système de captage et au procédé de traitement, depuis la réalisation de travaux d’investigation complémentaires jusqu’à la surveillance durant les travaux. Un second appel d’offres permet de retenir une firme d’architecture et d’ingénieurs en bâtiment, en octobre 2016, pour la préparation des plans et devis et la surveillance lors de la construction du bâtiment abritant le procédé de traitement. Dans un premier temps, afin de compléter l’information existante, des travaux d’investigation complémentaires débutent en 2015 et se poursuivent jusqu’à la fin de l’année 2016. Les données recherchées visent à déterminer les types de matériaux en place, leur perméabilité, la profondeur du roc ainsi que les niveaux de contamination des matériaux en place et de l’eau souterraine. Finalement, ces données visent aussi à prédire le comportement de l’eau souterraine dans un milieu hétérogène. Ainsi, après que l’aire de travail ait été préparée (abattage d’arbres, ponceaux temporaires, protection d’ouvrages existants, coordination avec les propriétaires privés, etc.), plusieurs études se sont succédé : relevé géophysique, caractérisation environnementale exhaustive et relevé des biogaz. À partir de ces informations, les ingénieurs ont établi la position optimale ainsi que la conception des puits de captage. À l’automne 2015, une première série de 16 puits de captage, des essais de pompage ainsi qu’une caractérisation exhaustive de l’eau souterraine sont complétés. Les données obtenues à la suite de cette première phase de travaux ainsi que la mise à jour de la modélisation hydrogéologique du secteur ont permis d’apporter quelques modifications à la conception des 14 puits de captage restant. À l’issue de ces travaux d’investigation préliminaires, basés sur 12

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les débits mesurés, 23 puits de captage sont retenus pour être connectés à l’usine de traitement. Les travaux d’investigation complémentaires ont permis de confirmer que les sols et les matières résiduelles étaient répartis aléatoirement sur le site, et d’établir que la contamination de l’eau souterraine variait également d’un secteur à l’autre. Bien que le positionnement du panache d’hydrocarbures en phase libre soit connu, sa répartition a pu être associée aux secteurs les plus perméables du site, qui sont entre autres situés dans l’axe de la rue Fernand-Séguin. La présence d’azote ammoniacal dans l’eau a été principalement mesurée dans les secteurs est et ouest du PEPSC. Il a aussi été observé que l’eau souterraine dans certains secteurs respectait les normes de rejet à l’égout (sans toutefois respecter les critères de résurgence au fleuve). Cette observation a conduit les ingénieurs à proposer non pas une chaîne de traitement pour l’ensemble de l’eau souterraine, mais deux chaînes distinctes et un dispositif de contournement alimentés par 18 conduites d’eau en provenance des puits de captage. La première chaîne de traitement cible la contamination en azote ammoniacal au moyen d’un traitement physico-chimique par précipitation d’un sel de struvite. La seconde chaîne cible la contamination en hydrocarbures et en BPC par adsorption sur des filtres au charbon actif après que l’eau a fait l’objet d’une décantation pour diminuer les concentrations de matières en suspension et de fer. Finalement, un dispositif de contournement a été ajouté pour l’eau qui respecte les normes de rejet à l’égout de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). L’ensemble de l’eau issue des deux chaînes et du dispositif de contournement est acheminé dans un bassin d’homogénéisation avant d’être rejeté à l’égout sanitaire sous pression. Cette approche permet de traiter uniquement les eaux souterraines présentant des concentrations en contaminants supérieures aux normes de rejet à l’égout. La phase de conception qui suit les travaux d’investigation complémentaires permet de valider les hypothèses posées et apporte les bases aux plans et devis. L’unicité du projet entraîne des enjeux de réalisation importants, aussi bien pour l’écran d’étanchéité que pour l’usine de traitement. Puisqu’il s’agit de disciplines différentes, deux appels d’offres distincts sont préparés afin de retenir un entrepreneur pour la construction de l’écran d’étanchéité et du système de captage, et un second entrepreneur pour la construction de l’usine. La période d’appel d’offres débutera à l’automne  2017 pour un octroi en début d’année 2018. Préalablement au début des travaux, la Ville devra obtenir plusieurs autorisations et permissions du MDDELCC en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, ainsi qu’auprès des autorités réglementaires de la Ville.

Les défis d’une réhabilitation pérenne Lors des travaux, la planification intégrera plusieurs contraintes et particularités reliées au site. D’un point de vue technique, la construction d’un écran en ciment bentonite sur près de deux kilomètres de longueur dans les matières résiduelles sera un défi pour tout entrepreneur. L’amenée du coulis de ciment

© Ville de Montréal

Esquisse de la future usine de traitement.

bentonite, la gestion des sols et des matières résiduelles, l’interférence des infrastructures souterraines et l’évaluation des pertes de coulis sont autant d’éléments où l’innovation permettra de faire la différence. Du point de vue de la coordination, l’occupation du secteur par plusieurs chantiers majeurs, tels que le nouveau pont Champlain et le Réseau électrique métropolitain (REM), nécessitera une bonne communication entre les acteurs. L’impact de ces grands chantiers se répercutera à la fois sur la gestion de la circulation et la répartition des aires de travail disponibles, mais également sur la modification hydrogéologique potentielle que pourrait entraîner le tunnel conçu pour faire passer le REM à proximité. À l’issue des travaux, le système en place permettra d’assurer un contrôle hydraulique de la nappe, la récupération des phases libres d’hydrocarbures et le traitement des eaux souterraines contaminées. L’effluent respectera les normes de rejet de la CMM à la sortie de l’usine et sera rejeté à l’égout sanitaire. Le mode de conception du projet privilégie la flexibilité afin de pouvoir s’adapter aux changements dans la répartition géographique de la contamination. Cette flexibilité est possible grâce aux multiples conduites d’eau à l’arrivée de l’usine dont le mode de traitement sera déterminé individuellement en fonction de leurs contaminants. À moyen terme, le Service de l’eau de la Ville de Montréal sera responsable de l’usine de traitement. Cela assurera une intégration du bâtiment aux autres infrastructures de traitement appartenant à la Ville, et garantira une pérennité des mesures de réhabilitation du PEPSC instaurées.

« La préservation de la qualité de l’eau du fleuve Saint-Laurent et la protection de ses rives sont l’essence du projet. » Protéger l’avenir La construction de l’écran d’étanchéité et celle de l’usine de traitement mettront un terme à une situation qui perdure depuis plusieurs années. Par ailleurs, cette réalisation réduira le passif environnemental de la Ville de Montréal. En effet, depuis 2015, les municipalités ont l’obligation d’indiquer dans leurs rapports financiers les sommes d’argent planifiées pour l’assainissement des sites contaminés de son territoire. La préservation de la qualité de l’eau du fleuve Saint-Laurent et la protection de ses rives sont l’essence du projet. En récupérant les hydrocarbures, les partenaires de Solution Bonaventure réduiront les nuisances ainsi que les impacts sur l’environnement et le paysage. La Ville de Montréal a par ailleurs entamé une démarche de planification pour l’ensemble du secteur du Havre, compris entre le Vieux-Port et le pont Champlain, laquelle inclut la mise en valeur des berges du Saint-Laurent. ● Vecteur Environnement • Septembre 2017

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DOSSIER Réhabiliter dans les règles de l’art

Traçabilité des sols

Les expériences dans le monde Il y a une dizaine d’années, les premiers mécanismes institutionnalisant la traçabilité des sols excavés ont été mis en place en Europe. Voici un survol des mécanismes de traçabilité instaurés en Europe et au Canada, et les leçons tirées d’ailleurs qui pourraient s’appliquer au Québec. et devrait être géré comme tel si ce sol aboutit ailleurs que sur le site même de son excavation. PAR MICHEL BEAULIEU Spécialiste en réhabilitation des terrains contaminés

La traçabilité des sols en Europe Tous les pays membres de l’Union européenne doivent se soumettre aux directives du Parlement européen, dont l’une concerne le mouvement des sols excavés. Les terres excavées y sont définies de la sorte : « Le statut de déchet des sols non pollués et autres matériaux géologiques naturels excavés qui sont utilisés dans d’autres sites que celui de leur excavation devrait être apprécié conformément à la définition des déchets et aux dispositions concernant les sous-produits ou le statut de fin de la qualité de déchet au titre de la présente directive. » Cela signifie que tout sol excavé, même naturel (sauf s’il est utilisé directement sur le site), est considéré comme un déchet 14

Vecteur Environnement • Septembre 2017

À ce jour, trois pays de l’Union européenne, soit les Pays-Bas, la France et la Grande-Bretagne, de même que deux régions de la Belgique, la Flandre et Bruxelles-Capitale, ont mis en place des mécanismes de traçabilité des sols. En 2008, les Pays-Bas adoptaient le Décret sur la qualité des sols. Celui-ci donne notamment la possibilité de réutiliser des sols excavés dans des ouvrages de génie pour surélever les terrains de façon à en améliorer la qualité (hydrogéologique), ou de les étendre sur des terrains contaminés pour gérer le risque. Un mécanisme de gestion des sols excavés a été mis en place dans cette foulée. L’organisme paragouvernemental Sol+ est chargé par le gouvernement d’élaborer un système de traçabilité, obligatoire autant pour les sols propres que contaminés, à l’exception de ceux appartenant à des personnes privées ou à des personnes visées déplaçant moins de 50 m3 de sols propres. En Belgique, et particulièrement en Flandre (Décret relatif à la gestion durable de cycles de matériaux et de déchets, 2011), chaque matière ou chaque objet dont le propriétaire se défait, a l’intention de se défaire ou doit se défaire est considéré

« À ce jour, deux provinces canadiennes, soit l’Ontario et la Colombie-Britannique, ont mis en place des systèmes de traçabilité. »

comme un déchet. Cela peut inclure les sols. Toutefois, des terres excavées ne sont pas considérées comme étant un déchet si elles sont utilisées conformément aux conditions pour l’utilisation non solide de terres excavées, comme défini par la réglementation (Règlement flamand relatif à l’assainissement et à la protection du sol, 2007). L’Association des entrepreneurs réalise les risques encourus par ses membres à fonctionner sans encadrement. Elle demande alors à l’Agence flamande de gestion des déchets (OVAM) de mettre en place un système de traçabilité pour les sols excavés. L’OVAM, ne souhaitant pas gérer elle-même un tel système, mandate la Grondbank, un organisme sans but lucratif (OSBL). Selon le droit britannique, les matériaux excavés (y compris les sols) peuvent être, dépendamment de leur nature et de l’usage qu’on en fait, considérés comme des déchets et, en conséquence, soumis aux strictes exigences de la réglementation sur les déchets. Dans ce contexte, toute personne gérant ou recevant des sols contaminés excavés est confrontée à l’épineuse problématique de déterminer si ces sols peuvent être transportés, éliminés ou réutilisés sans contrevenir à la réglementation. L’OSBL Contaminated Land: Applications in Real Environments (CL:AIRE), en collaboration avec la Environment Agency et plusieurs autres intervenants du milieu, publie en 2008 le document The Definition of Waste: Development Industry Code of Practice, qui s’applique tant aux sols propres qu’aux sols contaminés excavés, de sources naturelles ou anthropiques. CL:AIRE gère en parallèle un Registre des matériaux, accessible gratuitement sur Internet, qui permet à ceux qui ont des sols excédentaires d’entrer en relation avec ceux qui pourraient en avoir besoin. Enfin, le droit français s’est étroitement collé au droit européen, faisant en sorte que tout sol excavé, même propre, est considéré comme un déchet dès qu’il est géré hors site, le générateur en demeurant responsable. Bien qu’il n’y ait pas d’obligation légale d’assurer la traçabilité des déchets non dangereux (c’està-dire les sols contaminés), les différents acteurs français de l’aménagement du territoire et du renouvellement urbain, qu’ils soient institutionnels ou privés, ont souhaité, pour des raisons de clarification de la responsabilité, que des lignes directrices et un système de traçabilité soient mis en place. En 2009, un groupe de travail (associations professionnelles, associations de protection de l’environnement, aménageurs, avocats, etc.) a été créé pour échanger sur cette thématique. En se basant sur ces travaux, le ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement a élaboré un guide méthodologique permettant la valorisation des terres excavées. Le système de traçabilité français est devenu opérationnel en 2013. L’adhésion à ce système est volontaire. Le guide (et l’application TERRASS qui en découle) s’applique aux terres excavées relevant de la méthodologie nationale des sites pollués, les sols venant de sites potentiellement contaminés. Traçabilité réglementée ou volontaire, et identité du gestionnaire du système de traçabilité ; les Européens ne sont pas unanimes. Ils se rejoignent cependant sur un point : éviter que le système ne soit géré par leur ministère de l’Environnement respectif. La

majorité a également tenu à intégrer dans le système le concept de bourse de sols. Géré sur une base de transaction ou de transport individuel, le mécanisme de traçabilité permet d’inclure facilement les bourses de sols, nécessitant seulement de rendre publiques la localisation et la nature des sols disponibles, de même que leur utilité possible.

La traçabilité des sols au Canada À ce jour, deux provinces canadiennes, soit l’Ontario et la ColombieBritannique, ont mis en place des systèmes de traçabilité. À la fin des années  80, en Colombie-Britannique, une vive opposition citoyenne s’est élevée contre le dépôt incontrôlé de sols excédentaires excavés dans le cadre de travaux de réhabilitation effectués sur d’anciens sites industriels de Vancouver et de Victoria. Certaines communautés adoptent alors des règlements pour s’y opposer. Le Règlement sur les sites contaminés de la Colombie-Britannique vient baliser le tout en 1993, établissant un processus de suivi du transport et du dépôt de sols excavés à partir de terrains contaminés. L’outil principal de ce régime est une Entente de relocalisation des sols, qui intervient entre le propriétaire du site d’origine (ou du sol) ou l’opérateur du lieu d’élimination et le directeur de la gestion des déchets pour la province. Ce système est toutefois jugé inefficace et est actuellement en révision. En Ontario, particulièrement dans les communautés ceinturant le Grand Toronto, de grands volumes de sols excavés ont été éliminés sur des terrains commerciaux, privés et municipaux, soulevant de fortes préoccupations de la part des citoyens. Sans politique appropriée, cela s’est traduit par un transfert en continu de sols excédentaires dans les lieux d’élimination de déchets, les générateurs de ces sols et transporteurs craignant les responsabilités légales découlant du régime du pollueur-payeur en cas de réutilisation de ces sols ailleurs. La Residential and Civil Construction Alliance of Ontario (RCCAO) a décidé de prendre le taureau par les cornes. S’inspirant de la procédure mise en place par l’OSBL CL:AIRE en Grande-Bretagne, RCCAO a publié le document Best Management Practices for Handling Excess Construction Soil in Ontario (Version  1) en novembre 2012. Elle a de plus lancé, en 2013, un site Web permettant le « jumelage de sols » appelé SOiiL (Supporting Ontario Infrastructure Investments and Lands), pour faciliter le mouvement environnementalement responsable, sécuritaire et rentable de sols excédentaires. À l’instar de l’Europe, les systèmes ontariens et britannocolombiens diffèrent quant à la nécessité d’imposer la traçabilité, et sur la nature du gestionnaire des mécanismes de traçabilité. Les systèmes étrangers nous permettent de dégager divers éléments pouvant alimenter la réflexion sur ce qui pourrait être fait au Québec. Force est de constater que la mise en place de ces mécanismes va souvent de pair avec une offre accrue d’options de valorisation. C’est bien là où le Québec en est rendu. ● Vecteur Environnement • Septembre 2017

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DOSSIER Réhabiliter dans les règles de l’art

Traçabilité des sols

Un nouveau modèle pour le Québec Inspiré des initiatives en vigueur en Europe, le modèle québécois de réhabilitation des sols contaminés a longtemps fait figure d’innovateur en Amérique. Mettant l’accent sur le traitement plutôt que l’excavation et ne considérant pas les sols comme des déchets, il s’est également démarqué de l’Europe en créant un modèle unique en son genre. Or, il n’existe pas de mécanisme en vigueur permettant d’assurer la traçabilité des sols contaminés du site émetteur au lieu d’élimination, garantissant que les sols vont bel et bien là où ils devraient aller. Cela est sur le point de changer.

PAR LAURENT PILON M. Sc., coordonnateur, secteur Sols et Eaux souterraines, Réseau Environnement

Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) a exprimé dans la nouvelle Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés (Politique) sa volonté de modifier sa réglementation de façon à offrir davantage d’options de valorisation pour les sols traités ou légèrement contaminés. 16

Vecteur Environnement • Septembre 2017

Comme le rappelle la Politique, pareille ouverture nécessitera un plus grand contrôle de la provenance, du mouvement et de la destination de ces sols, c’est-à-dire la mise sur pied d’un système de traçabilité des sols. Dans la mise à jour récente de la Politique, le ministère exprime non seulement sa volonté de voir s’installer un système de traçabilité au Québec, mais suggère également des pistes pour y arriver : « Cette avenue explorée actuellement par certains intervenants du milieu pourrait être un mécanisme de suivi volontaire, c’està-dire issu d’initiatives des intervenants du secteur ou s’appuyer éventuellement sur des exigences réglementaires. […] En plus

d’éléments réglementaires, cela pourrait aussi passer par des clauses dans les programmes d’aide financière ou dans les contrats publics ; notamment en collaboration avec les partenaires municipaux. » Souhaitant résoudre une problématique environnementale plusieurs fois soulevée par ses membres, Réseau Environnement a annoncé en décembre 2016 la création d’un système de traçabilité nommé Traces Québec. Ce dernier invitera tout propriétaire de sols contaminés à inscrire de manière volontaire tout sol contaminé extrait et envoyé vers un centre de traitement ou un lieu d’enfouissement autorisé par le MDDELCC. L’étude des systèmes de traçabilité ailleurs dans le monde a démontré que la traçabilité n’a pas besoin d’être obligatoire pour réussir. Néanmoins, l’appui gouvernemental, à travers la mise en place d’une législation adéquate, de guides et d’outils divers, est important. Le gouvernement peut également agir sur d’autres fronts que le cadre juridique. Il peut, par exemple, exiger l’usage d’un système de traçabilité dans les programmes d’aides financières, tels que ClimatSol-Plus, et faire preuve d’exemplarité en assurant sa participation à titre de donneur d’ouvrage.

Des lignes directrices sur la traçabilité émises par le ministère auraient l’avantage d’encourager cette pratique. Le marché des terrains contaminés est un cas d’école d’un marché qui s’est régulé autour de ce que certains considèrent comme du « droit mou », soit la Politique. Malgré tout, cette dernière fait quasiment force de loi en vertu de l’adhésion unanime des acteurs de l’industrie. Il est donc possible de croire qu’il en serait de même pour la traçabilité des sols contaminés excavés, ainsi que pour la valorisation des sols contaminés. En effet, l’intention d’étendre les possibilités de valorisation des sols contaminés est contingente à ce que le gouvernement ait l’assurance que les sols ont été gérés adéquatement. Il est plutôt rare que des bons de pesées et des manifestes de transport soient émis à la valorisation de sols. La traçabilité joue donc le rôle de pierre angulaire dans la valorisation. Sans nécessairement l’exiger, la tenue d’un registre des déplacements de sols contaminés en vue d’être valorisés facilite grandement le travail des intervenants censés attester la gestion adéquate des sols contaminés. Ce registre fournit une assurance de la bonne gestion de ces sols au gouvernement et, conséquemment, permet de rassurer le public.

L’approche globale de Traces Québec Entre alors en scène Traces Québec, qui est né d’une confluence de volontés. D’une part, grâce à l’impulsion de l’industrie et, d’autre part, à une volonté gouvernementale de mieux contrôler les sols contaminés. Les expériences étrangères nous démontrent que ces systèmes peuvent avoir du succès sur une base volontaire, à condition de reposer sur la flexibilité, la facilité d’utilisation et une forte adhésion des acteurs du marché. Un système de traçabilité permet d’offrir aux propriétaires de sites contaminés l’assurance que leurs sols auront été correctement

« Les expériences étrangères nous démontrent que ces systèmes peuvent avoir du succès sur une base volontaire, à condition de reposer sur la flexibilité, la facilité d’utilisation et une forte adhésion des acteurs du marché. » transportés entre leur terrain et un site possédant les autorisations nécessaires à sa réception, en toute confidentialité. Il sert ainsi à rétablir la confiance du public dans la gestion des terrains contaminés, et à assurer une gestion responsable des sols conforme aux exigences gouvernementales en matière de protection de l’environnement. Avec un système comme Traces Québec, tous les acteurs du domaine au Québec bénéficieront d’une traçabilité accrue et d’une gestion responsable des sols contaminés, en particulier les centres de traitement qui verront ainsi augmenter le volume de sols expédié vers leurs sites. Les propriétaires de sols contaminés soucieux de la bonne gestion de leurs sols et d’une transparence accrue, notamment les municipalités et organismes parapublics, en sortiront également gagnants et pourront aisément témoigner de leur bonne gestion. Mais, au final, le grand gagnant d’une amélioration de la gestion des sols contaminés sera le public québécois. Celui-ci a vu trop souvent le gouvernement être forcé de reprendre à sa charge des passifs environnementaux plombés d’une lourde dette financière, sociale et écologique. Une gestion transparente dans le respect des lois et règlements en matière de protection de l’environnement ; voilà l’apport essentiel de Traces Québec.

Le mécanisme de traçabilité Il a été décidé lors du développement de privilégier l’innovation et la facilité d’utilisation. L’étude des mécanismes utilisés à travers le monde aura permis de dégager les forces et faiblesses de chaque système. Le constat le plus important aura été que certains systèmes, en apparence idéaux et taillés sur mesure pour réussir, ont toutefois suscité une faible adhésion de l’industrie, ou encore sont peu adaptés à la réalité du Québec pour être importés directement. Cette réalité a forcé une remise en question sur les fondements de Traces Québec. L’interface de Traces Québec a donc été conçue pour accélérer le travail de chantier et de suivi, tant au site générateur de sols contaminés qu’au lieu d’élimination. La formule Web développée permet un accueil simple où un usager est redirigé immédiatement vers l’inscription ou se connecte vers son tableau de bord. L’inscription, réalisée sur la base d’un compte par entreprise, offre des options taillées sur mesure selon le type d’utilisateur : propriétaire de sols contaminés, gestionnaire de projet de disposition de sols contaminés, ou lieu d’élimination de sols contaminés. Les différentes pages de Traces Québec accessibles par la suite seront générées pour répondre aux besoins de chaque type d’utilisateur. Vecteur Environnement • Septembre 2017

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DOSSIER Réhabiliter dans les règles de l’art

Figure 1

Illustration des étapes de suivi de Traces Québec.

Une fois tous les manifestes de transport d’un projet complétés, le gestionnaire ferme son projet et peut à ce moment demander un certificat de traçabilité. Ce certificat génère automatiquement un bilan du projet incluant les informations sur la propriété, la durée des travaux, le bilan des transports de sols, les manifestes inscrits au projet et les totaux de sols selon les plages de contamination. Le plus important : ce certificat de traçabilité atteste de la bonne gestion des sols contaminés lors d’un projet. Le mécanisme de traçabilité relève essentiellement de la gestion informatisée d’une base de données effectuant des « transactions » de sols entre deux utilisateurs, avec la gestion de permissions d’accès à l’information. Ce qui peut sembler dans un premier temps plutôt simple offre des possibilités d’innovation très nombreuses. Ce qui est clair, c’est que la traçabilité des sols contaminés n’est que le début de la mise en application d’un système qui a des implications qui dépassent le seul domaine des sols contaminés. Il est facile d’envisager que Traces Québec se penche sur d’autres matières disposées pour lesquelles il n’y a pas de traçabilité. Cet outil, dans une dynamique de l’« Internet des objets », a aussi le potentiel de changer durablement le transport de toutes matières, et même des marchandises.

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Vecteur Environnement • Septembre 2017

« Ce qui est clair, c’est que la traçabilité des sols contaminés n’est que le début de la mise en application d’un système qui a des implications qui dépassent le seul domaine des sols contaminés. » Économie circulaire, développement durable, optimisation des suivis ; Traces Québec a le potentiel de changer durablement l’environnement au Québec et ailleurs. Conçu de manière souple, pensé par et pour les utilisateurs, et avec comme objectif d’améliorer les pratiques, le système Traces Québec va bouleverser l’état des lieux et ainsi propulser le Québec dans le groupe des juridictions innovantes qui gèrent efficacement et de manière responsable le mouvement des sols contaminés sur leur territoire. ●

ENTREVUE

Chamard stratégies environnementales

Un exemple de transfert d’entreprise réussi ! PAR GENEVIÈVE DAVID WATSON Coordonnatrice, communication et programmes de sensibilisation, Réseau Environnement

Selon le Diagnostic industriel et de main-d’œuvre de la filière environnementale 2016-2017 d’EnviroCompétences, 60 % des entrepreneurs en environnement quitteront leur entreprise d’ici les dix prochaines années. La solution ? Le transfert d’entreprise. Coup d’œil sur le processus réussi de Chamard stratégies environnementales ! En plus d’être un enjeu pour l’industrie de l’environnement au Québec, le transfert d’entreprise est une aventure qui représente des défis pour les cédants et repreneurs ; c’est pourquoi Réseau Environnement s’est associé, en juillet dernier, avec le Centre de transfert d’entreprise du Québec pour offrir à ses membres un service de soutien en ce sens. Plusieurs entreprises québécoises ont déjà entrepris une telle démarche, dont Chamard stratégies environnementales, un cabinet d’expertise environnementale spécialisé en gestion des matières résiduelles, qui a célébré en juin dernier son 20e anniversaire. Nous avons rencontré messieurs Jean-Louis Chamard, cofondateur et conseiller principal de l’entreprise, et Francis Fortin, président-directeur général, afin qu’ils partagent l’histoire de Chamard stratégies environnementales, tout en abordant la question du transfert, processus qu’ils ont entrepris il y a quatre ans.

Entretien avec Jean-Louis Chamard, conseiller principal et fondateur de Chamard stratégies environnementales Aujourd’hui conseiller principal de l’entreprise, Jean-Louis Chamard a fondé Chamard et Associés – ancêtre de Chamard stratégies environnementales – en 1997. Fort de son expertise en gestion des matières résiduelles, notamment grâce à des postes occupés au ministère de l’Environnement ainsi que chez Serrener Consultation, Dessau Environnement et RECYC-QUÉBEC, cet entrepreneur dans l’âme a décidé, alors qu’il travaillait dans une firme de génie-conseil, de se lancer en affaires, entre autres grâce à ses clients de l’époque qui l’encourageaient à prendre ce virage. 20

Vecteur Environnement • Septembre 2017

Fonder une entreprise n’est pas une chose facile. Alors qu’il faisait ses premiers pas d’entrepreneur, avec tout ce que cela implique, monsieur  Chamard devient président de Réseau Environnement. Son implication dans l’Association lui a permis de décrocher son premier mandat dans le secteur de l’eau. Il a par la suite obtenu un contrat important avec la Ville de Montréal pour le suivi d’un projet pilote de collecte de matières compostables auprès de 10 000 foyers ; l’entreprise s’est alors vue projetée dans le domaine des matières résiduelles. Puis, une série de mandats – dont celui de la caractérisation des matières résiduelles à l’ensemble du Québec pour le compte de RECYC-QUÉBEC, et d’autres pour le gouvernement du Québec et certaines villes –, a fait connaître l’entreprise, en plus de l’époque des premiers plans de gestion des matières résiduelles pour laquelle elle a grandement contribué. En 2012, les actionnaires de Transfert Environnement et Société et Francis Fortin font l’acquisition de Chamard et Associés, au moment où monsieur Chamard souhaitait transférer l’entreprise à de jeunes entrepreneurs et s’investir davantage dans le rôle de conseiller que de dirigeant. Après un an, les actionnaires décident de vendre leurs actions, et c’est Francis Fortin qui a pris en charge la destinée de l’entreprise. Parlez-nous de l’arrivée de Francis à titre de président-directeur général de Chamard stratégies environnementales. Francis Fortin s’occupait de la gestion des matières résiduelles chez Transfert Environnement avant de devenir l’actionnaire unique de Chamard stratégies environnementales. Lorsqu’il a acheté mon entreprise, nous avons pris une entente afin que je continue d’agir en tant que conseiller principal. Cette entente de quatre ans s’est terminée au mois d’avril dernier, puis nous l’avons prolongée pour un peu plus de deux ans. Quels défis avez-vous rencontrés lors de la transition ? C’est une transition réussie, mais non sans défis, comme plusieurs autres. Ce n’est pas facile pour un entrepreneur qui a toujours décidé seul – avec les précieux conseils de ses employés – de travailler avec de nouveaux objectifs et de suivre les décisions prises par la nouvelle personne en poste. Les premiers mois ont représenté une période d’adaptation et d’ajustements. L’un des moments importants qui a permis de solidifier notre relation de confiance a été un voyage d’affaires en Afrique du Nord, où nous avons passé sept jours ensemble. Cela nous a permis de mieux nous comprendre et nous avons pris la décision de nous parler plus souvent. Une bonne communication est essentielle dans une transition d’entreprise. L’important pour le cédant est aussi de rester humble et d’apprendre à lâcher prise.

« Une bonne communication est essentielle dans une transition d’entreprise. »

Quelle est la particularité de Chamard stratégies environnementales ? C’est vraiment notre passion pour la gestion des matières résiduelles qui a motivé notre mission. L’entreprise a une base de clients provenant autant des secteurs public que privé, et avec lesquels nous travaillons depuis toujours. Chamard stratégies environnementales est membre de Réseau Environnement depuis ses débuts. Concrètement, qu’est-ce que cela vous apporte ? J’ai toujours prôné l’importance de l’implication des employés dans les comités, dans les conférences, dans les colloques et les événements de Réseau Environnement. Cela nous a permis d’être mieux connus par les gens du milieu et d’obtenir des mandats. Réseau Environnement est un bon endroit pour se faire connaître et pour développer son réseau. Pour moi, un bon réseau de contacts est la valeur principale d’un professionnel.

Entretien avec Francis Fortin, président-directeur général de Chamard stratégies environnementales Francis Fortin, natif de l’Estrie et descendant d’une famille d’entrepreneurs, a fait ses études en administration avec le profil développement durable au Québec et en Europe, avant de se lancer en affaires dès sa sortie de l’université. Sa première expérience de travail, qui lui a permis de découvrir sa fibre entrepreneuriale, a été de gérer une petite entreprise étudiante spécialisée en travaux de peinture. Il a ensuite occupé le poste de conseiller en développement durable à l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec (APCHQ) en Estrie, où il a pu travailler sur le terrain avec beaucoup d’entrepreneurs, notamment en gestion des résidus de chantier. Il s’est rapidement spécialisé dans ce secteur. Son attrait naturel pour l’entrepreneuriat l’a incité, en 2009, à tout quitter pour fonder le cabinet-conseil en gestion des matières résiduelles Graviterra, à Montréal, avec un collègue de maîtrise. Travaillant de près avec Transfert Environnement, les deux entreprises se sont associées en 2011 avant d’acquérir Chamard et Associés en 2012. Trois des plus importantes entreprises du secteur ont ainsi été fusionnées, ce qui représentait une expertise concentrée dans un marché de moins en moins concurrentiel. Après quelque temps à fonctionner à six actionnaires, Francis Fortin se porta acquéreur de toutes les actions. Intégrer une organisation qui a sa propre histoire à titre de président-directeur général représente un défi. Comment avez-vous fait votre place au sein de l’entreprise, et quelle dynamique avez-vous développée pour assurer une bonne transition ? Il a fallu que je prenne ma place, bien entendu, et que nous établissions nos forces pour le meilleur de l’entreprise. JeanLouis et moi sommes très complémentaires, et nous ne faisons pas le même type de projets. Sa force est sans aucun doute ses aptitudes relationnelles avec les clients ; le lien de confiance qu’il entretient avec eux est remarquable. De mon côté, mes

Jean-Louis Chamard (à gauche) et Francis Fortin (à droite).

forces sont plutôt la créativité, la gestion et le développement stratégique. Autant que possible, et même si le temps manque parfois, nous essayons de nous rencontrer régulièrement pour discuter de l’entreprise et de ses activités. À votre avis, sachant qu’entre 2015 et 2020, 60 000 entreprises québécoises seront à céder par des propriétaires-dirigeants approchant l’âge de la retraite, quelle est la meilleure recette pour le transfert d’entreprise ? Pour réussir un transfert, il faut mettre beaucoup d’eau dans son vin. Il n’est pas surprenant de constater que certaines difficultés surviennent lorsque deux visions différentes se rencontrent, et spécialement quand cela modifie des façons de travailler qui sont ancrées depuis des décennies. Je crois qu’il faut respecter le passé, tout en ayant une vision claire de ce qui fera évoluer l’entreprise. En service-conseil, on réagit plus qu’on ne peut prévoir, puisque nous sommes constamment sujets à de nouvelles politiques. Il est également important d’avoir une bonne écoute et une bonne communication entre les partis, puis de souligner l’importance de l’ancien propriétaire-dirigeant et de ses connaissances lors du transfert. Où voyez-vous Chamard stratégies environnementales dans 20 ans ? Je suis fier de mon équipe de 15 experts-conseils. Nous nous démarquons très bien dans le domaine. Dans les années à venir, je souhaite développer des stratégies de croissance et faire connaître notre expertise à l’extérieur de la province, entre autres en Ontario. ● Vecteur Environnement • Septembre 2017

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MATIÈRES RÉSIDUELLES

Produire et consommer autrement au Québec

Pour réduire notre empreinte environnementale

La réduction à la source par le partage, la réparation et l’adoption d’un mode de vie zéro déchet sont des tendances qui gagnent en popularité. Avez-vous entendu parler des ateliers collectifs ou encore de l’ouverture de nombreuses épiceries en vrac ? Une proportion grandissante de Québécoises et de Québécois adoptent de nouveaux modes de consommation visant à limiter leur impact environnemental. Portrait d’une nouvelle tendance !

Consommation 2.0 Selon le Baromètre de la consommation responsable 2016, publié par l’Observatoire de la consommation responsable  (OCR), 80 % de la population québécoise considère que les modes de consommation doivent être revus (OCR, 2016). La même proportion est d’accord avec le fait que l’usage d’un produit est plus important que le fait de le posséder.

la multiplication des frigos communautaires pour partager les surplus alimentaires ne sont que quelques-unes des initiatives de partage qui foisonnent sur le territoire.

Les consommateurs qui ont participé à cette enquête affirment également être à la recherche de produits ayant un impact moindre sur l’environnement, que ce soit par leur composition ou leur mode de fabrication. Ce constat se maintient au fil des années et laisse entrevoir une tendance pérenne quant à l’adoption de pratiques de consommation responsable. L’achat de produits locaux et durables ainsi que la consommation collaborative figurent parmi les comportements de consommation les plus pratiqués au Québec. À titre d’exemple, toujours selon le Baromètre de la consommation responsable (OCR, 2016), la majorité des répondants – 51,3 % – affirme consacrer au moins 30 % de leur budget alimentaire hebdomadaire à l’achat de produits locaux.

Selon le World Wildlife Fund, une perceuse est utilisée en moyenne 1,5 minute par année (WWF, 2013). Pourquoi s’encombrer de nombreux outils alors que nous les utilisons si peu souvent ? La fréquence et la durée limitée de l’utilisation des outils, ainsi que l’importance de renouer avec le savoir-faire pour accroître la durabilité des objets sont à la base du modèle d’affaires des ateliers coopératifs tels que la Patente (Québec), la Remise (Montréal) et la Fabrique (Sherbrooke). On y propose un service de location d’outils et des espaces de travail pour permettre aux personnes souhaitant y travailler de bénéficier d’un lieu sécuritaire et du soutien de leurs pairs.

Ces nouvelles habitudes touchent également la question du partage des ressources et des objets. La popularité de groupes Facebook de dons d’objets, les activités de troc mises sur pied par les plateformes en ligne telles que Troc-tes-Trucs, ou encore 22

© Prescillia Pilon

PAR AMÉLIE CÔTÉ Coordonnatrice, Semaine québécoise de réduction des déchets [email protected]

Vecteur Environnement • Septembre 2017

De la possession à l’usage : l’exemple des ateliers coopératifs

Dans le champ d’action de ces ateliers collectifs, il y a également le partage de connaissances de fabrication et de réparation. La Patente propose des initiations à l’ébénisterie, au soudage, à la fabrication d’un couteau ou d’un luminaire. La Remise organise fréquemment des ateliers de réparation de vélos, et la Fabrique offre des formations dans divers domaines, notamment

l’impression 3D. Des pièces faites sur mesure pour remplacer l’élément brisé ou dysfonctionnel d’un bien : voilà une solution concrète pour la réduction à la source ! Le principe de l’économie collaborative est simple : il s’agit d’optimiser l’utilisation des ressources. Le groupe OuiShare la définit comme « un ensemble de pratiques et de modèles économiques fondés sur des réseaux horizontaux et la participation d’une communauté, et transformant les styles de vie et les modes de travail, de création, de fabrication et de gouvernance  ». En 2015, la durée de vie de 1,9 milliard d’objets a été prolongée au Canada grâce aux dons, aux échanges, à l’achat et à la vente d’objets d’occasion, à l’emprunt et à la location.

« À titre d’exemple, toujours selon le Baromètre de la consommation responsable, la majorité des répondants – 51,3 % – affirme consacrer au moins 30 % de leur budget alimentaire hebdomadaire à l’achat de produits locaux. »

« R » pour réparer La prolongation de la durée de vie des objets passe notamment par le partage de connaissances et d’expertises en réparation. Les ateliers coopératifs sont des modèles d’entreprises innovantes dont l’activité économique est principalement basée sur la réparation et le partage d’équipements et de savoir-faire. L’approche des 3R – réduire, réutiliser et recycler – est au cœur de la démarche de nombreux individus adoptant de nouveaux modes de consommation et de production. Un quatrième « R » s’ajoute d’ailleurs au portrait entre réutiliser et recycler : réparer. Parce que l’ordre des 4R est important : avant de penser à recycler, on doit tout d’abord penser à réduire notre consommation de biens.

Le zéro déchet se déploie sur le territoire québécois

Réduire la quantité de contenants et d’emballages consommés : voilà la mission

© Mélissa de La Fontaine

En 2013, l’enfouissement et l’incinération des déchets représentaient 7  % des émissions de gaz à effet de serre au Québec (MDDELCC, 2016). De plus, une proportion importante des emballages se retrouve à l’élimination. Le cas des contenants et emballages de plastique consommés à domicile en est un exemple flagrant  : seuls 32  % étaient récupérés en 2012-2013 (Éco Entreprises Québec et RECYC-QUÉBEC, 2015). La réduction à la source est donc encore un sujet bien d’actualité et contribue à réduire notre empreinte environnementale.

Légumes en vrac à l’épicerie zéro déchet Loco. Vecteur Environnement • Septembre 2017

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Matières résiduelles

« En plus d’être le fruit du travail d’entrepreneurs visionnaires, les entreprises zéro déchet et les bibliothèques d’outils répondent à une demande de plus en plus présente chez les consommateurs et consommatrices : celle de réduire leur empreinte environnementale et d’opter pour des produits écologiques, éthiques et locaux. » que se donnent les adhérents du mode de vie zéro déchet. Ce dernier suscite la réflexion sur l’omniprésence d’emballages et propose des solutions concrètes de réduction à la source. Par exemple, il est possible d’apporter ses propres contenants lorsqu’on fait l’épicerie, d’apprendre à fabriquer soi-même ses produits nettoyants, et de cuisiner plutôt que d’acheter des plats transformés. Le cumul des actions entreprises permet de réduire significativement la quantité d’emballages achetés.

© Cindy Trottier

Le Circuit Zéro Déchet, initiative de la blogueuse Cindy Trottier, répertorie les commerces acceptant de vendre leurs produits à même les contenants réutilisables apportés par leurs clients. Plus d’une cinquantaine y ont adhéré et affichent l’autocollant permettant d’identifier clairement leurs couleurs.

Autocollant identifiant les commerces participants au Circuit Zéro Déchet.

Ce qui était à l’origine un mouvement marginal prend de plus en plus de place dans l’espace médiatique et compte de nombreux adhérents. Preuve à l’appui : les commerces zéro déchet sont en pleine expansion. On retrouve, entre autres, des épiceries offrant presque exclusivement des produits en vrac à Québec, Sherbrooke, Mont-Laurier, La Tuque et dans l’agglomération de Montréal. Plusieurs de ces épiceries offrent également une sélection de produits biologiques et locaux, afin de répondre à la demande de leur clientèle. La bannière Bulk Barn a même commencé à accepter les contenants réutilisables en raison de la demande accrue de ses clients. En plus d’être le fruit du travail d’entrepreneurs visionnaires, les entreprises zéro déchet et les bibliothèques d’outils répondent à une demande de plus en plus présente chez les consommateurs et consommatrices : celle de réduire leur empreinte environnementale et d’opter pour des produits écologiques, éthiques et locaux. Les ateliers collectifs et les commerces zéro déchet répondent aux besoins de ce nouveau type de consommation. Les changements d’habitudes individuelles constituent une occasion d’affaires pour développer de nouveaux créneaux entrepreneuriaux. ● 24

Vecteur Environnement • Septembre 2017

CONSOMMER AUTREMENT AVEC LA SEMAINE QUÉBÉCOISE DE RÉDUCTION DES DÉCHETS Du 21 au 29 octobre prochain, la 17e édition de la Semaine québécoise de réduction des déchets aura lieu sur le thème « Consommer autrement ». Les citoyens et citoyennes seront invités à adopter de nouvelles habitudes de consommation afin de réduire leur empreinte environnementale. Cette année, Zéro Déchet Québec met un calendrier des activités à la disposition des entreprises, des municipalités et des citoyens. Les entreprises sont conviées à relever le défi en organisant des activités en lien avec la réduction des déchets. Pourquoi ne pas inviter les représentants d’un atelier collectif ou d’un commerce en vrac pour présenter leur projet d’entreprise ? Inscrivez-vous au Défi entreprise à l’adresse sqrd.org/defientreprise et courez la chance de gagner de nombreux prix !

Références Éco Entreprises Québec et RECYC-QUÉBEC. (2015). Rapport synthèse – Caractérisation des matières résiduelles du secteur résidentiel 20122013, 48 p. En ligne : www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/ documents/carac-2012-2013-rapport-synthese.pdf. Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques  (MDDELCC). (2016). Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2013 et leur évolution depuis 1990, 23 p. En ligne : www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/ ges/2013/Inventaire1990-2013.pdf. Observatoire de la consommation responsable (OCR). (2016). Baromètre de la consommation responsable – Édition Québec 2016, 36 p. En ligne : https://ocresponsable.com/wp-content/uploads/2017/05/BCR_2016_ Final-web.pdf. World Wildlife Fund (WWF). (2013). Rien qu’1,5  minute d’utilisation. En ligne : www.wwf.ch/fr/actualites/medias/?uNewsID=1759.

AIR ET CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Plessisville

Leader de la lutte locale contre les changements climatiques PAR MARIE-CLAIRE DUMONT M. Sc., coordonnatrice du secteur Air et Changements climatiques et conseillère Partenaires dans la protection du climat au Québec, consortium AQME et Réseau Environnement

Les municipalités jouent un rôle clé dans la lutte contre les changements climatiques, exerçant une influence sur près de la moitié des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) (FCM, 2016). La Ville de Plessisville, ayant comme priorité la protection de l’environnement, l’a bien compris. Tour d’horizon sur les initiatives mises en place par la Ville pour réduire ses émissions de GES ! En investissant de façon responsable dans les infrastructures et en élaborant des politiques axées sur le développement durable, les municipalités interviennent sur de nombreux plans pour réduire les émissions de GES : planification de l’aménagement du territoire, améliorations écoénergétiques des bâtiments, infrastructures de transport actif, de transport collectif électrique et de recharge des véhicules électriques, gestion efficace des réseaux d’eau potable et d’eaux usées, gestion des déchets, etc. En plus de réduire les émissions de GES, ces mesures soutiennent le développement de collectivités viables, augmentent leur résilience et réduisent leur vulnérabilité aux impacts des changements climatiques. Ce rôle de premier plan qu’exercent les municipalités dans la lutte aux changements climatiques, la Ville de Plessisville l’a bien compris. En 2016, seulement un an après son adhésion au programme Partenaires dans la protection du climat (PPC) de la Fédération canadienne des municipalités (FCM) et de l’ICLEI – Les Gouvernements locaux pour le développement durable, elle est devenue la première municipalité au Québec à franchir les cinq étapes du programme.

Partenaires dans la protection du climat Le programme PPC soutient les municipalités canadiennes en renforçant leur capacité à intégrer les enjeux liés aux changements climatiques à leurs processus décisionnels. Depuis sa création, en 1994, plus de 300 gouvernements municipaux ont adhéré au programme et se sont ainsi engagés publiquement à réduire leurs émissions de GES. Le programme PPC donne aux municipalités les moyens de lutter contre les changements climatiques à l’aide d’un processus 26

Vecteur Environnement • Septembre 2017

en cinq étapes. Les participants sont guidés dans la création d’inventaires de GES, dans l’établissement de cibles de réduction de GES réalistes et atteignables, ainsi que dans l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’action locaux s’appuyant sur des initiatives particulières et mesurables pour réduire les émissions.

Plessisville, une ville soucieuse de son environnement Plessisville est une municipalité de petite taille, où 6 719 habitants vivent sur un territoire de 4,45 km2. La ville est entourée par la Paroisse de Plessisville qui a une population de 2 680 habitants vivant sur un territoire de 141,40 km2 à forte vocation agricole. Les actions de la Ville obtiennent ainsi un rayonnement auprès de 10 000 habitants. La notion de protection de l’environnement est depuis longtemps une priorité à Plessisville. En décembre 2005, la Ville adopte un énoncé de mission reposant sur les notions du développement durable. En 2015, elle se dote d’un Plan stratégique 2015-2025 ambitieux, comprenant 124 actions, où l’environnement et la notion de ville intelligente font partie des principales cibles. La lutte aux changements climatiques étant une préoccupation grandissante, le conseil décide la même année d’adhérer au programme PPC. Pour le maire et les élus, ce programme représente l’outil idéal pour les aider à atteindre leurs objectifs, grâce aux ressources et au financement disponibles. Ils élaborent donc un inventaire de leurs émissions de GES ainsi qu’un Plan d’action de réduction des GES, qui vient s’ajouter au Plan de mobilité active, à la Politique d’utilisation de l’eau potable et à la Politique de plantation d’arbres déjà en place. Ce nouveau plan permet à l’administration municipale de consolider son rôle dans la lutte aux changements climatiques et d’impliquer la collectivité dans sa démarche.

Les élus de Plessisville. De gauche à droite (haut) : Gaétan Blier, conseiller district Érable, Richard Rheault, conseiller district Bourassa, Jean-Félipe Nadeau, conseiller district Centreville, Sylvain Beaudoin, conseiller district Saint-Famille. De gauche à droite (en bas) : Martine Allard, conseillère district Jean-Rivard, Mario Fortin, maire, Yolande St-Amant, conseillère district Parc industriel.

Des défis à relever En plus de devoir composer avec le fait d’être une petite municipalité, Plessisville a dû faire face à un certain nombre de défis dans l’atteinte des objectifs fixés dans le cadre du programme PPC. Le plus grand  : convaincre la population d’entreprendre le virage vert. Collaborer avec différentes générations de citoyens, chacune ayant un niveau de connaissances et une perception des enjeux environnementaux différents, a représenté un défi pour l’administration municipale. C’est grâce à un service de communication très proactif que la Ville a pu sensibiliser les citoyens à la nécessité de réduire leur empreinte carbone et a réussi à mener à bien ses projets. Selon le maire de Plessisville, monsieur  Mario Fortin, communiquer efficacement avec les citoyens est déterminant pour la réussite des projets, mais communiquer efficacement avec les employés municipaux peut l’être encore davantage. « La communication à l’interne est l’une des clés de notre réussite. Tous nos employés et nos cadres comprennent la raison de nos actions », souligne monsieur Fortin.

Quelques notions de réussite

remplacement du chauffage au pétrole par le gaz naturel à la bibliothèque et à l’hôtel de ville (et bientôt dans tous ses autres bâtiments). L’administration municipale est particulièrement fière de participer au projet pilote SAUVéR, développé par YHC Environnement, car il permettra véritablement d’engager le citoyen dans la démarche de la Ville. Il s’agit d’un projet intégrateur qui contribue non seulement à diminuer les émissions de GES de la municipalité, mais qui implique également plus activement la population en leur permettant de louer à très peu de frais les deux voitures électriques appartenant à la flotte municipale à travers un système d’autopartage.

Il n’aura fallu qu’un an à la Ville de Plessisville pour compléter les cinq étapes du programme PPC, et ainsi prendre les mesures nécessaires pour réduire ses émissions de GES et améliorer son efficacité énergétique. L’élément clé de cette réussite : des employés motivés, avec une profonde conviction que la lutte aux changements climatiques est nécessaire pour assurer la pérennité de la collectivité.

Grâce à ces projets, la Ville est en voie d’atteindre ses objectifs de réduction de GES d’ici 2020. Au niveau corporatif, la Ville a déjà atteint une réduction de 13,3 % sur un objectif de 20 %, et de 5,1 % sur un objectif de 10 % au niveau collectif (Ville de Plessisville, 2016).

L’embauche, en 2013, du directeur général Alain Desjardins, l’un des premiers fonctionnaires municipaux du Québec à détenir le titre de « Directeur du développement durable », la mise sur pied d’une jeune équipe de cadres sensibilisés aux questions environnementales, dont un chargé de projet dédié spécifiquement au programme PPC, et une structure organisationnelle circulaire, où tous les cadres travaillent ensemble pour diminuer l’impact de leurs opérations sur l’environnement, ont contribué fortement à la performance de Plessisville. Cette synergie entre la direction générale et le personnel cadre a certainement permis à la Ville de se positionner comme leader en matière de réduction des émissions de GES. « Le travail d’équipe a été un atout considérable pour la réussite de nos projets. Prioriser l’environnement est important, mais il faut une volonté politique et administrative pour y arriver », affirme Mario Fortin.

Pour l’année à venir, la priorité de Plessisville est de transformer les projets pilotes en cours en projets permanents. De plus, la Ville veut s’attaquer aux rejets industriels, améliorer le transport en commun et procéder à la transformation de sa flotte de camions pour les travaux publics en flotte de camions électriques. « L’avenir de notre ville réside dans la compréhension des impacts des changements climatiques sur nos infrastructures et nos investissements », conclut monsieur Fortin.

Des projets innovants et intégrateurs Voici les initiatives mises en place par la Ville pour lui permettre de réduire ses émissions de GES  : Système d’autopartage avec véhicule électrique en région  (SAUVéR), Financement innovateur pour des municipalités efficaces (FIME), Programme de leadership en gestion des actifs de la FCM, installation de quatre bornes de recharge électrique, Plan de mobilité active, conversion de l’éclairage public aux DEL, élimination du diésel,

De nouveaux projets pour 2018

Plessisville est la preuve qu’une petite municipalité peut réussir à réduire ses émissions de GES. Selon le maire Fortin, en mettant en place des initiatives réalistes et adaptées, chaque municipalité peut contribuer, à sa façon, à la lutte aux changements climatiques. La réduction des émissions de GES constitue une occasion de croissance économique, ainsi qu’une possibilité de revoir les priorités et les pratiques pour assurer un avenir collectif durable et prospère. ● Références Fédération canadienne des municipalités (FCM). (2016). Rapport national sur les mesures 2015 – Lutte locale contre les changements climatiques au Canada, p. 4. Ville de Plessisville. (2016). Bilan des réalisations 2016, 25 p. En ligne : http://plessisville.quebec/s_data/doc/bilan_des_ralisation_2016__ rapport_20170531.pdf. Vecteur Environnement • Septembre 2017

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BIODIVERSITÉ

Conservation des milieux humides et hydriques

Les grandes lignes de la nouvelle loi PAR ROBERT DAIGNEAULT Ad. E., biologiste et Fellow administrateur agréé, Daigneault, avocats inc. [email protected]

Le 16 juin dernier était sanctionné le projet de loi no 132, Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques (Loi 132). La quasi-totalité de ses dispositions entrait dès ce moment en vigueur (art. 67 de la Loi 132). Paradoxalement, seules celles relatives aux « milieux humides et hydriques » introduites dans la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) ne sont pas encore en vigueur ; elles le seront le 23 mars 2018. Voici les grandes lignes de cette nouvelle loi tant attendue !

Sont notamment des milieux humides et hydriques :

Une définition

1° un lac, un cours d’eau, y compris l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent et les mers qui entourent le Québec ;

Le législateur introduit l’expression « milieux associés » dans toute la section IV sur la « gouvernance de l’eau » de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection (ci-après la « Loi sur les ressources en eau  »). Ces «  milieux associés s’entendent des milieux humides et hydriques visés à l’article  46.0.2 de la Loi sur la qualité de l’environnement  (chapitre Q-2)  » (article  12 de la Loi sur les ressources en eau). Quant à l’expression « milieux humides et hydriques » de cet article 46.0.2, qui sera en vigueur le 23 mars 2018, elle se lit comme suit : 46.0.2. Pour l’application de la présente section, l’expression « milieux humides et hydriques » fait référence à des lieux d’origine naturelle ou anthropique qui se distinguent par la présence d’eau de façon permanente ou temporaire, laquelle peut être diffuse, occuper un lit ou encore saturer le sol et dont l’état est stagnant ou en mouvement. Lorsque l’eau est en mouvement, elle peut s’écouler avec un débit régulier ou intermittent. Un milieu humide est également caractérisé par des sols hydromorphes ou une végétation dominée par des espèces hygrophiles.

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2° les rives, le littoral et les plaines inondables des milieux visés au paragraphe 1°, tels que définis par règlement du gouvernement ; 3° un étang, un marais, un marécage et une tourbière. Les fossés de voies publiques ou privées, les fossés mitoyens et les fossés de drainage, tels que définis aux paragraphes 2° à 4º du premier alinéa de l’article  103 de la Loi sur les compétences municipales (chapitre C-47.1), ne constituent pas des milieux humides et hydriques.

La portée de la définition en quatre segments L’énoncé général

L’énoncé général vise à peu près tout lieu où il y a – ou a pu y avoir – une présence d’eau, que le lieu soit naturel ou anthropique. La définition sera dans la LQE, mais d’autres lois y renvoient, dont la Loi sur les ressources en eau comme on l’a vu précédemment, mais aussi la Loi sur la conservation du patrimoine naturel et la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Elles s’appuieront donc notamment sur cet énoncé général. Et

le 23 mars 2018, les mêmes milieux si largement définis seront assujettis sans distinction – à moins d’exclusions réglementaires – au nouveau régime d’autorisation de la LQE. Le lecteur est à même de constater l’extrême généralité de l’énoncé. À la rigueur, un étang de golf, une ornière inondée ou un bassin décoratif pourraient être autant de milieux visés. Et la présence d’eau pouvant être diffuse sans indiquer si elle doit être en surface ou non ; le lieu où se trouve un aquifère sera-t-il visé ? Voilà matière à futurs débats !

L’énoncé propre aux milieux humides

L’énoncé propre aux milieux humides de la définition semble restreindre l’énoncé général, mais uniquement quant aux milieux humides. Ils se caractérisent par des sols hydromorphes ou une végétation dominée par des espèces hygrophiles. L’eau ne suffirait alors pas à caractériser ces milieux. Elle serait essentielle, mais les sols hydromorphes ou les espèces hygrophiles le seraient aussi.

Les exemples

Le troisième segment donne des exemples de milieux visés, entre autres ceux énumérés au deuxième alinéa de l’article 22 LQE : cours d’eau, lac, étang, marais, marécage et tourbière. S’y ajoutent cependant la rive, le littoral (ce qui va de soi) et les plaines inondables des lacs et cours d’eau, ce qui est nouveau. L’article  42 de la Loi  132 précise que ces derniers termes s’entendent provisoirement au sens de la Politique de protection

« Un troisième axe, innovateur et en lien avec le régime de compensation venant remplacer les règles actuelles, est l’élaboration de programmes de restauration ou de création de milieux humides et hydriques. »

des rives, du littoral et des plaines inondables (Politique de protection). Mais une plaine de récurrence de 100 ans est-elle un milieu humide et hydrique ? Si c’est le cas, on élargirait considérablement le concept actuel.

Les exclusions

Le dernier segment des exclusions, qui vise certains fossés, rejoint une règle ajoutée en 2014 à la Politique de protection. Notons que le nouvel article  46.0.12 de la LQE, en vigueur, permet au gouvernement de définir par règlement tout terme ou expression utilisé dans la nouvelle section V.1.

Les nouveaux axes d’intervention Hormis cette future définition, la Loi 132 prévoit, pour l’essentiel, plusieurs grands axes d’intervention pour assurer la conservation de ces milieux. Les axes suivants étaient déjà prévus dans la Loi sur les ressources en eau, mais sont désormais étendus aux « milieux associés » : • Les orientations gouvernementales ; • Les plans directeurs de l’eau et les plans de gestion intégrée du Saint-Laurent. Un troisième axe, innovateur et en lien avec le régime de compensation venant remplacer les règles actuelles, est l’élaboration de programmes de restauration ou de création de milieux humides et hydriques, financés par le Fonds de protection de l’environnement et du domaine hydrique de l’État (auparavant le Fonds vert, ci-après le «  Fonds  »), où seront versées les compensations financières. Le quatrième axe est la planification municipale régionale des milieux humides et hydriques, relevant essentiellement des municipalités régionales de comté (MRC). Cette planification

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Biodiversité

« La Loi 132 apporte un encadrement et une certaine prévisibilité dans la manière dont seront autorisées ou non les interventions dans ces « milieux humides et hydriques », notamment par les plans régionaux des milieux humides et hydriques qu’élaboreront les MRC, et par les barèmes régissant les compensations financières. » s’imposera aux schémas d’aménagement et de développement, et les MRC devront aussi prendre en considération les plans directeurs de l’eau ou de gestion intégrée du Saint-Laurent. Le cinquième axe concerne les aires protégées. Par des modifications à la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, certains milieux humides et hydriques pourront être protégés par cette loi, avec des règles particulières. Notamment, les milieux ayant fait l’objet de mesures de compensation pourront devenir des aires protégées. Enfin, le dernier axe est une refonte du régime d’autorisation actuel dans la LQE.

Un nouveau régime d’autorisation Avec le régime entrant en vigueur le 23 mars 2018, les demandes relatives aux milieux humides et hydriques feront l’objet de règles spéciales, notamment quant à leur contenu obligatoire qui devra comprendre une caractérisation. Des motifs particuliers de refus s’ajouteront aux autres motifs que pourra invoquer généralement le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Le régime de compensation est entièrement repensé. Il s’agira de compensations financières versées au Fonds. On s’écarte de ce qui prévalait jusqu’ici. Les promoteurs, par exemple, n’auront plus à désigner des superficies à protéger. Il leur sera

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cependant possible, à la discrétion du ministre, de substituer des travaux de restauration ou de création de milieux humides et hydriques à la compensation financière. Par exception, l’extraction de tourbe et les cannebergières ne seront pas assujetties à la compensation financière, du moins dans les mesures transitoires, mais plutôt à des travaux de remise en état en fin d’exploitation. Dans les cas sujets à compensation financière, une annexe dans la Loi 132 fixe un barème précis servant à l’évaluer, ce qui met fin à une approche antérieure arbitraire et imprévisible.

En résumé La Loi 132 vient élargir considérablement l’éventail de milieux qui seront assujettis au futur régime d’autorisation de la LQE, un éventail qui sera difficile à circonscrire vu l’extrême généralité de la définition. De surcroît, le gouvernement ayant le pouvoir de définir tout terme ou expression de la définition, il devient impossible à l’heure actuelle de décrire avec précision ce qui sera visé par la loi. En contrepartie, la Loi  132 apporte un encadrement et une certaine prévisibilité dans la manière dont seront autorisées ou non les interventions dans ces « milieux humides et hydriques », notamment par les plans régionaux des milieux humides et hydriques qu’élaboreront les MRC, et par les barèmes régissant les compensations financières. ●

MENU LÉGISLATIF

Protection des sources d’eau potable de surface

Quel est le cadre juridique québécois en place ? PAR ÉMILE SYLVESTRE École Polytechnique de Montréal [email protected]

ET PAR SARAH DORNER École Polytechnique de Montréal [email protected]

La protection des sources d’eau potable a récemment été mise de l’avant au Québec afin de protéger la santé publique. Après avoir présenté, dans l’édition précédente, les principaux risques sanitaires et les outils réglementaires existants, voyons maintenant comment les instruments légaux s’intègrent dans le cadre juridique québécois de protection des sources d’eau potable.

Mesures générales en aire de protection immédiate Une mesure de protection générale de la prise d’eau potable est incluse dans le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) (R.R.Q., c. Q-2, r. 35.2). Le responsable du prélèvement doit délimiter une aire de protection immédiate englobant une bande de terre de dix mètres sur une distance fixée selon le type de cours d’eau (art. 70). À l’intérieur de cette zone, le pâturage, l’épandage de matières fertilisantes et leur stockage, ainsi que les rejets d’effluent sont interdits (art. 71). Un rejet peut seulement être autorisé s’il est réalisé dans un cours d’eau dont la largeur est supérieure à 30 mètres en période d’étiage, et si une attestation d’un professionnel précise que le rejet n’affectera pas le site de prélèvement d’eau.

Contrôle du risque microbiologique Selon le Règlement sur la qualité des eaux potables (RQEP) (R.R.Q., c. Q-2, r. 40), les usines de production d’eau potable sont conçues pour traiter les charges moyennes de contamination microbiologique (art.  5.1). Certaines usines québécoises en 34

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milieux urbain et agricole sont vulnérables à de fortes variations à court terme de la qualité microbiologique lors de pluies intenses ou de la fonte des neiges (Jalliffier-Verne et al., 2016 ; Madoux-Humery et al., 2016). La mise en place de mesures de protection à la source est donc recommandée pour contrôler le risque microbiologique dû à ces pointes de contamination.

Eaux usées sanitaires

Les eaux usées sanitaires se composent des eaux d’évacuation des toilettes et des eaux ménagères d’évacuation des cuisines et salles de bains. Les réseaux d’eaux usées aboutissent à des stations d’épuration où les eaux sont traitées. Celles-ci peuvent également être traitées par des installations septiques de résidences ou de bâtiments non desservis par un réseau d’égout. Le ROMAE Le Règlement sur les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées (ROMAE) (R.R.Q., c. Q-2, r. 34.1) oblige l’exploitant d’une station d’épuration à respecter les normes fixes suivantes : • Normes de rejet à l’effluent de la station d’épuration : Des normes de contrôle de la qualité des eaux usées à l’effluent de stations d’épuration sont fixées à l’article 6, mais celles-ci n’incluent pas de critère de qualité microbiologique. Dans le cas où l’effluent d’une station d’épuration pourrait avoir un impact sur le risque microbiologique à une prise d’eau potable, la démarche par objectifs environnementaux de rejet  (OER) pourrait être demandée par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques  (MDDELCC) pour l’autorisation d’un nouveau rejet.

• Normes de débordement  : Les rejets d’eaux usées non traitées aux ouvrages de surverse, communément appelés débordement (en réseau) et dérivation (à la station), sont interdits en temps sec (art.  8). Il est à noter que même si les débordements en temps de pluie et en période de fonte des neiges sont permis, ceux-ci peuvent augmenter significativement le niveau de contamination aux prises d’eau potable (Jalliffier-Verne et al., 2016 ; Madoux-Humery et al., 2016). Le ROMAE oblige l’exploitant à répertorier tous les débordements se produisant à ses ouvrages de surverse à l’aide d’un appareil enregistreur (art. 9). Ces enregistrements sont particulièrement utiles en protection des sources d’eau potable afin d’établir les priorités d’action. Les travaux d’égout destinés à la gestion des eaux pluviales sont assujettis à une autorisation en vertu de l’article 32 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), et les exigences du MDDELCC sont à l’effet de ne pas augmenter la fréquence, le volume et les temps de débordements pour les projets localisés dans un bassin de drainage de type unitaire. La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) confère aussi aux organes municipaux des pouvoirs de réglementation du territoire à l’égard des égouts. En conjonction avec l’article  19 de la Loi sur les compétences municipales  (LCM), une municipalité locale peut donc réglementer l’organisation du territoire pour réduire les surfaces de ruissellement dans le but de minimiser les débordements. Par ailleurs, aucun outil réglementaire permettant de contrôler le risque microbiologique aux prises d’eau potable des rejets à l’effluent des stations d’épuration existantes et des débordements n’a été identifié.

les pesticides, certains traitements spécifiques doivent être appliqués. Les outils réglementaires pour le contrôle du risque chimique sont très nombreux. Chaque catégorie d’activités et chaque substance ou groupe de substances qui génère un risque fait l’objet de normes spécifiques. Comme la réglementation du risque chimique est sectorielle, le droit à cet égard est extrêmement fragmenté. Pour cette raison, l’exhaustivité est impossible et n’est pas l’objet de ce travail. Les principaux secteurs de risque chimique sont donc présentés en reprenant l’organisation du cadre juridique applicable.

Pesticides

La présence de pesticides dans l’eau potable est une source de préoccupation en raison de leurs effets cumulatifs ou synergiques potentiels sur la santé humaine. Par ailleurs, des pesticides ont été détectés à des prises d’eau potable situées en aval de rivières agricoles québécoises. Pour la période 2005 à 2007, des pesticides ont été mesurés en faibles concentrations dans l’eau potable traitée dans 26 % des 202 réseaux ayant fourni des données. Dans tous les cas, les normes relatives à l’eau potable étaient respectées (MDDEP, 2010). Les pesticides peuvent s’introduire dans les eaux de surface par ruissellement lorsqu’ils sont appliqués sur les terres agricoles, les jardins et les gazons. Le Code de gestion des pesticides (R.R.Q., c. P-9.3, r. 1) contient des normes qui interdisent certains pesticides et encadrent le processus de manipulation et d’étiquetage, l’entreposage et l’usage des pesticides. L’épandage de pesticides est interdit à l’intérieur des bandes riveraines délimitées par le Règlement sur les exploitations agricoles (REA) (R.R.Q., c. Q-2, r. 26) ou par un règlement municipal.

Stockage et transport de matières dangereuses

Eaux usées des résidences isolées Selon le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (R.R.Q., c. Q-2, r. 22), les rejets d’eaux usées sanitaires non traitées dans l’environnement sont prohibés (art. 3). Cette prohibition ne s’applique cependant pas lorsque les eaux sont préalablement traitées ou rejetées dans l’environnement selon des normes fixées par le règlement, ou lorsque les eaux sont préalablement épurées par un autre dispositif de traitement autorisé en vertu de l’article 32 de la LQE. Le règlement contient également des normes de localisation des systèmes de traitement afin d’éviter l’écoulement d’eaux usées sanitaires non traitées vers une source d’eau (art. 7.1 et 7.2).

Selon la LQE, une matière dangereuse est définie comme «  une matière qui, en raison de ses propriétés, présente un danger pour la santé ou l’environnement et qui est […] explosive, gazeuse, inflammable, toxique, radioactive, corrosive, comburante ou lixiviable  ». Le Règlement sur les matières dangereuses (R.R.Q., Q-2, r. 32) interdit de rejeter une matière dangereuse dans l’environnement (art. 8) et indique les mesures à prendre en cas de déversements accidentels (art. 9), comme en cas de cessation d’activités ou de démantèlement de bâtiments (art. 13). Aucune norme de localisation n’y est indiquée afin de protéger les sources d’eau, mais une municipalité locale peut réglementer à ce niveau.

Déjections animales et épandage en milieu agricole

En ce qui concerne le transport, le Règlement sur le transport des matières dangereuses  (R.R.Q., C-24.2, r.  43) s’applique notamment au transport des matières dangereuses sur les chemins publics à la manutention et à l’offre de ces matières pour le transport. Le règlement indique entre autres des exigences quant à la manutention et le transport, le contenu des plans d’intervention d’urgence et les mesures à prendre en cas de rejets accidentels. D’autre part, cette note de synthèse ne traite pas des critères d’évaluation des projets assujettis à la procédure d’évaluation et de l’examen des impacts sur l’environnement du Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement (R.R.Q., Q-2, r.  23) et de la

Comme le contrôle du risque microbiologique et du risque lié à l’eutrophisation en milieu agricole peut être fait conjointement, les outils réglementaires permettant de contrôler les déjections animales et l’épandage en milieu agricole seront présentés dans la section « Activités agricoles » du présent article.

Contrôle du risque chimique Les chaînes traditionnelles de traitement des eaux potables ne suffisent pas à traiter plusieurs contaminants chimiques. Compte tenu des quantités croissantes de certains polluants, comme

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Menu législatif

Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (L.C. 1992, chap. 37) vu leurs aspects particuliers pour chaque projet.

Secteurs industriels

En secteurs industriels, les mesures de contrôle sont nombreuses. Les rejets d’eaux usées sont en majeure partie réglementés selon le secteur par des normes fixes, des normes de localisation ou par une approche de détermination d’OER. Les principaux secteurs réglementés sont : la gestion des déchets (site d’enfouissement et d’incinération des matières résiduelles, lieu d’élimination des neiges), les terrains contaminés (protection et réhabilitation des terrains, enfouissement et stockage des sols contaminés), et les industries spécifiques (pâtes et papiers, carrières et sablières, usine de béton bitumineux, exploitation minière).

Contrôle du risque lié à l’eutrophisation

La prolifération de cyanobactéries liée à l’eutrophisation des sources d’eau, accélérée par l’activité humaine, a de nombreuses conséquences, dont la production de toxines pouvant conduire à un risque sanitaire à l’eau potable. La présence de cyanobactéries à l’eau brute peut être critique à l’usine de production d’eau potable, car les toxines peuvent s’accumuler dans la filière de traitement, particulièrement à la décantation et à la filtration, ce qui peut mener à une percée des toxines à l’eau potable (Zamyadi et al., 2012). La lutte contre l’eutrophisation des sources d’eau passe avant tout par des méthodes préventives en limitant l’apport de matières fertilisantes (ex. : phosphore, azote) vers la source d’eau de surface. Cette pollution est principalement liée à l’utilisation de fertilisants domestiques et agricoles. Activités domestiques En milieu urbain, le déboisement des rives et le pavage des rues et des stationnements accroissent les surfaces imperméables, ce qui augmente le lessivage des sols lors de fortes pluies. Ce phénomène peut entraîner une grande quantité de phosphore dans les sources d’eau. Aussi, l’épandage d’engrais à des fins domestiques peut augmenter les charges de matières fertilisantes qui ruissellent vers les sources d’eau. Les pouvoirs municipaux de réglementation de l’organisation du territoire peuvent dans ce cas être utilisés pour limiter l’étendue des surfaces imperméables et délimiter des bandes riveraines adéquates. Par ailleurs, le phosphore contenu dans les eaux domestiques n’est pas entièrement éliminé dans les fosses septiques ou aux usines d’épuration, et se retrouve éventuellement dans les eaux de ruissellement ou dans l’effluent des usines d’épuration. Pour réduire la quantité de phosphate émis, le Règlement portant interdiction à la mise en marché de certains

détergents à vaisselle (R.R.Q., Q-2, r. 23) interdit de mettre en vente, vendre, distribuer ou mettre autrement à la disposition des consommateurs un détergent à vaisselle contenant 0,5 % ou plus de phosphore. Activités agricoles La fertilisation des cultures agricoles est réalisée à l’aide de fumier, de lisiers et d’engrais chimiques. Elle est régie au Québec par des normes fixes maximisant la production tout en visant l’atteinte d’un équilibre entre les besoins des cultures et les quantités de fertilisants appliqués. Le REA (R.R.Q., c. Q-2, r. 26) a pour objet d’assurer la protection de l’environnement, particulièrement de l’eau et des sols, contre la pollution causée par certaines activités agricoles. Pour contrôler le risque microbiologique et l’eutrophisation, le REA contient des normes de localisation pour les installations d’élevage d’animaux et pour les ouvrages de stockage des déjections animales (art.  6). Le REA exige également la délimitation de bandes riveraines à l’intérieur desquelles le pâturage (art.  4) et l’épandage de déjections animales ou d’autres matières fertilisantes (art. 30) sont prohibés. La largeur de bande riveraine minimale exigée est de trois mètres à partir de la « ligne des hautes eaux », c’est-à-dire le plus haut niveau atteint par les eaux sans débordement ni inondation. La largeur des bandes riveraines peut être augmentée par la réglementation municipale. Bien que le ruissellement en surface puisse être contrôlé par l’ajout de bandes riveraines adaptées à la topographie du site et au type de culture, aucune norme permettant de contrôler l’écoulement des drains agricoles souterrains – qui sont utilisés pour favoriser artificiellement l’évacuation de l’eau gravitaire présente dans la porosité du sol à la suite de précipitations – n’est spécifiée dans le REA. L’annexe I du REA prévoit des dépôts maximums annuels de phosphore par hectare pour l’ensemble des matières fertilisantes utilisées sur une parcelle de sol selon la culture. De plus, l’épandage de matières fertilisantes doit être fait en conformité avec un plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) (art. 22). Un PAEF détermine, pour chaque parcelle d’une exploitation agricole et pour chaque campagne annuelle de culture, la culture pratiquée et la limitation de l’épandage des matières fertilisantes. Ce plan doit inclure le calcul de l’évolution prévisible de la teneur et du pourcentage de saturation du sol en phosphore, le suivi régulier de cette teneur et de ce pourcentage, ainsi que la détermination de la capacité de réception ou du surplus de phosphore d’une exploitation agricole. Le PAEF n’a pas à tenir

« À la suite du dépôt des analyses de vulnérabilité des sources d’eau potable prévues par le RPEP, les municipalités devront mettre en action des mesures de protection pour préserver leurs prises d’eau potable. »

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Références

« Il a été montré que les municipalités ont un large pouvoir réglementaire pour contrôler la pollution diffuse sur leur territoire. »  compte de la capacité du milieu ni de l’effet cumulé des PAEF autorisés dans un bassin versant donné.

Vers une mise en action des mesures de protection À la suite du dépôt des analyses de vulnérabilité des sources d’eau potable prévues par le RPEP, les municipalités devront mettre en action des mesures de protection pour préserver leurs prises d’eau potable. Le cadre juridique applicable à la protection des sources d’eau potable au Québec est fragmenté, mais plusieurs outils réglementaires sont déjà en place pour contrôler les risques microbiologiques, chimiques et ceux liés à l’eutrophisation. L’approche par détermination des OER pour le contrôle de la pollution ponctuelle est adaptée pour tenir compte de la localisation des sources de pollution, de leurs effets cumulatifs et du processus de transport des contaminants.

Jalliffier-Verne, I., Heniche, M., Madoux-Humery, A.-S., Galarneau, M., Servais, P., Prévost, M., Dorner, S. (2016). « Cumulative effects of fecal contamination from combined sewer overflows: Management for source water protection  ». Journal of Environmental Management, vol.  174, p. 62-70 (doi : 10.1016/j.jenvman.2016.03.002). Madoux-Humery, A.-S., Dorner, S., Sauvé, S., Aboulfadl, K., Galarneau, M., Servais, P., Prévost, M. (2016). « The effects of combined sewer overflow events on riverine sources of drinking water ». Water Research, vol. 92, p. 218-227 (doi : 10.1016/j.watres.2015.12.033). Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec (MDDEP). (2010). Présence de pesticides dans l’eau au Québec – Bilan dans quatre cours d’eau de zones en culture de maïs et de soya en 2005, 2006 et 2007 et dans des réseaux de distribution d’eau potable, 84 p. Zamyadi, A., MacLeod, S.L., Fan, Y., McQuaid, N., Dorner, S., Sauvé, S., Prévost, M. (2012). « Toxic cyanobacterial breakthrough and accumulation in a drinking water plant: A monitoring and treatment challenge ». Water Research, vol. 46, no 5, p. 1511-1523 (doi : 10.1016/j.watres.2011.11.012).

Ensuite, il a été montré que les municipalités ont un large pouvoir réglementaire pour contrôler la pollution diffuse sur leur territoire. En milieu agricole, les municipalités ont le pouvoir de délimiter des bandes riveraines, mais les PAEF ne tiennent pas compte de la localisation des prises d’eau potable pour contrôler l’épandage des matières fertilisantes. Finalement, bien que les outils réglementaires permettent de contrôler les activités polluantes, la résolution des conflits en gestion de l’eau par négociation ou médiation peut, dans certains cas, être bénéfique pour chacune des parties prenantes.

Remerciements Ce travail a été financé par la Chaire industrielle CRSNG en eau potable et la Chaire de recherche du Canada sur la dynamique des contaminants microbiens dans les sources d’approvisionnement en eau. Les auteurs remercient Hugo Tremblay, professeur adjoint à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, pour son soutien durant ce projet. ●

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EMPLOI VERT

Absentéisme au travail

Causes, impacts et actions à entreprendre PAR DOMINIQUE DODIER B.A. CRIA, directrice générale, EnviroCompétences

Dans un contexte de croissance et de compétitivité d’une entreprise, avoir une main-d’œuvre de qualité et en quantité suffisante est devenu un enjeu important, voire stratégique. Du défi de recruter, il y a le défi de retenir et, dans le même esprit, le défi de gérer. L’un des problèmes majeurs : l’absentéisme au travail. Comment remédier à cette situation ? Selon une étude du Conference Board du Canada  (CBOC, 2013), le coût direct de l’absentéisme dans les entreprises canadiennes était de 16,6 milliards de dollars en 2011. En moyenne, les Canadiens s’étaient absentés du travail pendant presque deux semaines. Toujours dans la même étude menée auprès de 401 entreprises, à peine 46 % des participants disent connaître le taux d’absentéisme de leur organisation, et seulement 15 % disent en connaître les coûts, qui eux sont de plus en plus élevés. Il reste donc beaucoup de travail à faire afin d’améliorer et de régulariser ces éléments de la gestion.

Quelles sont les causes et les conséquences ? Les raisons des absences au travail peuvent être personnelles, médicales ou organisationnelles, et les absences causées par les troubles de santé mentale viennent en tête de liste. Après les médicaments, l’invalidité (courte ou longue durée) occupe le deuxième rang quant à l’augmentation de coûts

« Selon une étude du Conference Board du Canada, le coût direct de l’absentéisme dans les entreprises canadiennes était de 16,6 milliards de dollars en 2011. » 38

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d’assurances collectives. En plus d’avoir un impact sur les coûts, l’absentéisme en entreprise a également des effets sur la charge et sur l’organisation du travail, de même que sur la productivité et les revenus.

Analyser pour trouver des solutions La gestion des absences doit être faite dans le cadre d’un processus global et non au cas par cas. Afin de s’améliorer, il faut tout d’abord faire une analyse de la situation : quel est le nombre d’absences annuellement ; peut-on colliger les raisons de ces absences ; de quelles natures sont les absences ? S’il est difficile d’obtenir ces informations, voici quelques solutions qui pourraient être mises en place. Si les absences sont majoritairement causées par : • Des accidents au travail : il faut, par exemple, établir un plan de prévention et d’intervention relié aux accidents et à la sécurité au travail ; • Des raisons familiales : vous pourriez implanter un régime d’horaire flexible ou bonifier votre politique d’absence. Ainsi, il faut préalablement faire une analyse afin de déterminer la ou les causes, pour ensuite trouver les solutions et les actions à entreprendre. Les employeurs devraient mettre en place des processus qui permettent de gérer les absences – qu’elles soient occasionnelles, fréquentes ou récurrentes –, de mieux intervenir auprès des employés concernés et d’identifier ceux qui sont à risque.

« La prévention et la promotion de la santé demeurent les meilleurs moyens afin de prévenir l’absentéisme au travail, et de diminuer du même coup les conséquences humaines, financières et organisationnelles. » L’importance de la prévention La prévention et la promotion de la santé demeurent les meilleurs moyens afin de prévenir l’absentéisme au travail, et de diminuer du même coup les conséquences humaines, financières et organisationnelles. Une gestion des absences rigoureuse avec une procédure équitable et humaine donne de très bons résultats. Enfin, un processus de suivi et de réintégration au travail complète bien la boucle pour les employeurs qui font face à un taux d’absentéisme important. ● Référence Conference Board of Canada  (CBOC). (2013). Quand les employés manquent à l’appel : l’absentéisme dans les organisations canadiennes. En ligne : www.conferenceboard.ca/e-library/abstract.aspx?did=5781.

DES QUESTIONS ? Voici quelques références qui pourront vous aider dans la gestion des absences : • Loi sur l’assurance automobile (saaq.gouv.qc.ca) ; • Lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (www.cnesst.gouv.qc.ca) ; • Loi sur le régime de rentes du Québec (legisquebec. gouv.qc.ca) ; • Règlement de votre assureur collectif (voir votre assureur) ; • Loi sur l’assurance-emploi (www.canada.ca/fr/emploideveloppement-social/programmes/assurance-emploi) ; • Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (www.cavac.qc.ca).

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ARTICLE SCIENTIFIQUE

Recherche sur l’irrigation de précision de la canneberge

Vers une production accrue avec moins d’eau Résumé

Summary

Des découvertes scientifiques importantes sur l’irrigation et le drainage de la canneberge ont eu un impact significatif sur le rendement de la culture et sur l’utilisation de l’eau. Cet article compare les pratiques antérieures, énonce les découvertes récentes et propose de nouvelles lignes directrices pour guider l’irrigation et la gestion du drainage en production de canneberges. Dans un premier temps, il apparaît clair que le rendement de la canneberge est très sensible à l’humidité du sol (évaluée d’après la tension), et les conditions d’humidité favorisant l’asphyxie (potentiel matriciel > -4 kPa) ou la faible capillarité ( -4  kPa) or low capillarity (