Utiliser les mathéma-TIC pour enseigner les probabilités (PDF ...

de ce simulateur en l'utilisant adéquatement. Éléments à considérer pour. enseigner les probabilités. Après avoir réalisé mon mémoire de mai-. trise (Thibault ...
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À l’aide de l’outil Wordle (disponible

gratuitement en ligne à l’adresse suivante : http://www.wordle.net/), la figure 1 a été générée selon la fréquence d’apparition des mots contenus dans ce texte pour vous donner un aperçu de ce qui sera discuté.

Mathieu Thibault Étudiant au doctorat en éducation chargé de cours et membre du GRUTEAM, UQAM, Enseignant de mathématiques au secondaire, Collège St-Jean-Vianney [email protected] @ThibaultMat

Quoi… un article sur l’enseignement des probabilités?!? Mais on n’a pas le temps d’enseigner les probabilités… D’ailleurs, on n’a jamais été formés pour cela. Avec des outils technologiques en plus? Ouf! Tant pis, les élèves récupèreront les notions avec leur enseignant de l’an prochain. C’est un discours que j’ai entendu trop souvent ces dernières années comme enseignant, comme formateur et comme apprenti-chercheur. Pourtant, le hasard et les probabilités sont utilisés dans de nombreux domaines, car ils apparaissent chaque fois que nous ne savons pas avec certitude ce qui se passera. De plus, en prenant conscience de l’ampleur du problème du jeu excessif auprès des adolescents, on peut se demander quel doit être le rôle de l’école. Je pense que l’école, en particulier par le biais des cours de mathématiques, doit assumer sa part de responsabilité pour contrer ce fléau social en sensibilisant les élèves aux probabilités de gagner dans les jeux de hasard et d’argent. Aussi, l’école doit permettre le développement de compétences mathématiques et de compétences citoyennes comme la pensée critique et la prise de décision (Savard, 2008). On entend aussi que les mathématiques doivent s’enseigner de façon plus traditionnelle que d’autres disciplines scolaires et qu’il est plus difficile d’y utiliser des outils technologiques. Il est pourtant possible de réaliser de belles activités avec des élèves de différents niveaux en utilisant les TIC pour enseigner différemment… mais il faut sortir de sa zone de confort et accepter qu’on ne pourra pas prédire avec certitude ce que le hasard nous réserve dans les cours! Pour enseigner les probabilités, on peut utiliser des logiciels de simulation pour générer presque instantanément des milliers de résultats d’expériences aléatoires. Cependant, pour faire la transition vers des mathéma-TIC où il faut simuler pour stimuler les élèves, quelques conseils peuvent s’avérer utiles afin d’utiliser le plein potentiel de ces outils technologiques en probabilités. Par exemple, pour aborder le concept de fréquence, pourquoi ne pas utiliser l’outil Wordle? Il suffit de copier et coller un texte (à l’adresse suivante : http://www.wordle.net/) pour qu’instantanément les mots les plus fréquents

Figure 1. Wordle des mots de ce texte. apparaissent en plus gros. C’est une belle façon de faire découvrir ce que peut être la fréquence auprès des élèves.

Contexte de l’article À l’automne 2014, j’ai présenté un atelier sur ce sujet à la séance de perfectionnement du GRMS et l’intérêt général des participants m’a encouragé à diffuser dans cet article certaines des idées évoquées. Pour apprécier la lecture de cet article, il vous est suggéré de parcourir les ressources disponibles à cette adresse :

Par ce texte, je vous propose d’essayer une approche d’enseignement des probabilités différente de l’approche « classique » qui consiste à présenter les notions théoriques et à proposer des exercices. Je propose plutôt une approche expérimentale pour stimuler les élèves et leur faire vivre des expériences aléatoires. Il faut toutefois au préalable se question-

http://monurl.ca/probs.

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ner sur la façon d’utiliser avec les élèves un logiciel de simulation d’expériences aléatoires. En ce sens, je ne pense pas que les TIC soient une finalité en soi pour l’apprentissage et l’enseignement… mais plutôt un coffre à outils permettant à l’élève d’aller plus loin et d’apprendre différemment à partir de l’intention pédagogique et didactique de l’enseignant. Dans ce cas, un outil technologique comme un logiciel de simulation est utile s’il permet d’approfondir des notions probabilistes en classe et de réaliser des tâches qui seraient bonifiées par l’apport des TIC. Selon le modèle SAMR illustré à la figure 2 (Substitution – Amélioration – Modification – Redéfinition), je pense qu’un logiciel de simulation a le potentiel d’apporter une valeur ajoutée à l’enseignement des probabilités plutôt que de faire exactement comme dans l’approche « classique ». En probabilités, il existe des logiciels de simulation sur Internet, mais ils sont souvent en anglais et ne répondent pas toujours à nos besoins. La plupart des simulateurs accessibles sur Internet permettent de générer sans délai un grand nombre d’expériences aléatoires, ce qui constitue un maillon important du développement de la pensée probabiliste (Maheux et Thibault, 2012; Theis et Savard, 2010a, 2010b). En fait, ces outils peuvent jouer différents rôles : générer des résultats, représenter des résultats, jouer de façon dynamique un résultat à la fois ou modéliser des situations mathématiques à partir d’un grand nombre de résultats. Comme nous le verrons dans la prochaine section, le simulateur utilisé dans mon mémoire de maitrise (Thibault, 2011) est un exemple d’outil technologique qui peut remplir tous ces rôles s’il est utilisé à son plein potentiel à travers des activités riches.

Figure 2. Modèle SAMR de Ruben Puentedura, traduit par Jacques Cool

Idées d’activités pour enseigner les probabilités Dans les ressources que je vous partage en ligne (http://monurl.ca/probs) concernant l’enseignement des probabilités par une approche expérimentale, vous trouverez plusieurs idées d’activités. D’abord, on retrouve une série d’articles de presse pour nous informer sur le fonctionnement de certains jeux de hasard et d’argent («La roulette anglaise», par exemple) ou pour susciter une réflexion critique par rapport à ceux-ci («Comment faire fortune avec le prix d’un billet de loterie», par exemple). Il peut s’agir de l’élément déclencheur pour la suite de l’activité.

Ensuite, plusieurs activités ont été créées par des enseignants, un conseiller pédagogique et des chercheurs en didactique des mathématiques (sous la supervision de François Larose, professeur à l’Université de Sherbrooke). Ces 10 activités destinées au premier et second cycle du secondaire sont disponibles en format Word et peuvent donc être réutilisées et modifiées au besoin. Toutes ces activités exploitent une approche expérimentale des probabilités et elles impliquent un ou plusieurs des 8 jeux de hasard et d’argent à l’aide d’un simulateur en ligne gratuit (http://anniesavard.com/simulateur/), tel qu’illustré dans la figure 3.

Figure 3. Simulateur développé par Netmaths pour un projet de recherche avec Annie Savard, professeure à l’Université McGill, accessible à l’adresse suivante : http://anniesavard.com/simulateur

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f) À nouveau, demander aux élèves de reprendre leur conjecture et la modifier au besoin; g) Tous ensemble, expliquer la situation aléatoire et tenter de trouver la probabilité théorique à partir des probabilités fréquentielles, soit les fréquences observées lors de la simulation d’expériences aléatoires. Pour enseigner les probabilités selon une telle approche expérimentale, je propose 10 recommandations (et non pas 10 commandements!) qui se sont avérées prometteuses lors du déroulement des activités, du moins dans mon cas :

Figure 4. Exemple de 1000 résultats simulés dans le jeu Pile ou face Voici un exemple du simulateur dans le jeu de Pile ou face, illustré dans la figure 4. Comme on peut le voir, les paramètres peuvent facilement être modifiés, un grand nombre de simulations s’effectuent instantanément, puis les résultats sont représentés sous différentes formes.

Éléments à considérer pour enseigner les probabilités

À partir de la situation simple de lancers d’une pièce de monnaie, il est possible de travailler sur les notions mathématiques de plusieurs niveaux scolaires : probabilités fréquentielles en pourcentages, calcul de moyenne, loi des grands nombres, variabilité, espérance mathématique, interprétation de résultats dans un tableau, un diagramme à bandes et un diagramme à ligne brisée, etc. Cependant, même si un tel simulateur est potentiellement riche pour enseigner les probabilités, cet outil technologique ne peut pas remplacer l’enseignant qui a la charge d’orienter la réflexion et de faire ressortir le potentiel de ce simulateur en l’utilisant adéquatement.

a) Énoncer la situation aléatoire et la question à laquelle les élèves doivent répondre;

Après avoir réalisé mon mémoire de maitrise (Thibault, 2011), j’ai pu mettre en évidence certaines étapes cruciales pour que l’enseignant anime une activité par une approche expérimentale :

b) Faire énoncer une conjecture intuitive des élèves; c) Proposer aux élèves de simuler quelques fois l’expérience aléatoire à partir de matériel concret et noter les résultats; d) Demander aux élèves de reprendre leur conjecture et la modifier au besoin; e) Amener les élèves à ressentir le besoin de simuler un grand nombre de fois l’expérience aléatoire à partir d’un outil technologique, puis interpréter ces résultats;

1. Il semble bénéfique que la situation soit concrète, simple et nécessite la simulation d’expériences aléatoires. Pour que cette simulation soit signifiante, il est préférable que le besoin ait été créé chez l’élève. Certains d’entre eux peuvent être déjà prêts à passer aux probabilités théoriques sans passer par les probabilités fréquentielles. Dans une recherche de Konold et al., (2011), il est suggéré de faire d’abord travailler les élèves autour de situations aléatoires dont on ne peut pas connaitre les probabilités théoriques. Par exemple, en lançant une guimauve et en notant les fréquences où elle tombe sur sa face latérale ou sur une de ses bases, on peut estimer la probabilité théorique à partir de probabilités fréquentielles, sans toutefois déterminer précisément une probabilité théorique exacte. Par la suite, il est proposé de travailler avec des élèves autour de situations comme le lancer de dés ou de pièces de monnaie, où les probabilités fréquentielles pourront être « vérifiées » en quelque sorte par les probabilités théoriques. Cette approche pourrait permettre d’expliciter des liens entre la probabilité théorique et la probabilité fréquentielle et ainsi favoriser l’utilisation du simulateur. 2. Pour que les élèves s’impliquent activement, il semble important de leur proposer des activités motivantes et parfois déstabilisantes. Dans ce sens, le choix de la situation est primordial et il apparait intéressant d’avoir recours à des situations contre-intuitives (par exemple, le jeu Les trois portes, soit le problème de Monty Hall qui est reconnu pour son caractère contre-intuitif) à l’occasion pour créer un conflit cognitif et susciter une réflexion plus profonde.

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6. Il faut comprendre quel est l’apport 3. Il est préférable de diversifier les du simulateur dans l’activité afin types d’expériences aléatoires de l’exploiter adéquatement. Que ce (lancer de dés, roulette, tirage de soit un simulateur en ligne, un logiciel, boules, tirage de cartes, etc.). Si on une macro sur Excel ou un programme utilise toujours des situations comme sur une calculatrice, un avantage le lancer d’un dé ou d’une pièce de indéniable est la rapidité de générer monnaie, on renforcera la conception un grand nombre de résultats et de que toutes les situations sont équiproles représenter afin d’en faire ressortir bables, c’est-à-dire que chaque résulune tendance générale. Il faut ensuite tat a la même probabilité. Il est donc se servir de ses résultats pour prendre préférable de parfois avoir recours une décision, soit de participer ou non à des situations non équiprobables à ce jeu par exemple. comme de s’intéresser à la somme lors du lancer de deux dés, étant donné 7. La loi des grands nombres est l’élément que la probabilité d’obtenir une somme central du développement de la pensée de 7 n’est pas égale à la probabiliprobabiliste. En effet, plus la taille de té d’obtenir une somme de 10, par l’échantillon augmente, plus les caracexemple. téristiques d’un échantillon aléatoire se rapprochent des caractéristiques de 4. Même si on utilise un outil technolola population. Donc, plus le nombre de gique pour simuler les résultats d’une simulations est élevé, plus la probabilité expérience aléatoire, il apparait imporfréquentielle devrait se rapprocher tant d’utiliser d’abord du matériel de la probabilité théorique. Encore concret. La manipulation du matériel ici, l’enseignant peut questionner les (dés, pièces de monnaie, cartes, élèves, par exemple sur le nombre de etc.) permet de bien comprendre la simulations nécessaires pour considérer situation et s’avère primordiale dans que les résultats sont suffisamment le développement de la pensée profiables. Il est aussi intéressant de babiliste avant de simuler. En d’autres faire remarquer que la variabilité des mots, il est souhaitable de bien doser résultats diminue au fur et à mesure les moments d’utilisation du matériel que le nombre de résultats augmente, concret, puis des outils technologiques. comme l’illustre le graphique dans la 5. Le rôle de l’enseignant est fondafigure 4 précédente. mental pour orienter le questionnement et les discussions avec les élèves. De plus, en encourageant des discussions en grand groupe et l’opposition des différentes conjectures, les conceptions des élèves pourraient potentiellement se confronter et être ébranlées. L’enseignant, en remettant en doute les conjectures des élèves, fait ressortir le besoin d’aller simuler l’expérience aléatoire afin de confirmer ou d’infirmer leur conjecture. Cela peut ensuite amener les élèves à se questionner et à établir des conjectures qu’ils pourraient ensuite tester à l’aide de la simulation. Par exemple, il serait possible de tester la conjecture qu’il faut additionner les probabilités d’obtenir un évènement OU un autre évènement indépendant alors qu’il faut multiplier la probabilité d’avoir un évènement ET un autre évènement indépendant ensuite.

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8. Les activités devraient mener à une modélisation mathématique. En effet, les élèves sont amenés à interpréter les résultats du simulateur de probabilités, ce qui peut être difficile s’ils n’ont pas bien saisi l’étape de la modélisation. Pour ce faire, on peut d’abord utiliser le mode « pas à pas » du simulateur pour comprendre comment les résultats sont générés et représentés, puis il faut ensuite se dégager de chacun des résultats pris individuellement pour en faire ressortir une tendance générale à partir du mode « turbo ». Il faut donc s’appuyer sur de nombreux résultats observés pour faire ressortir une tendance mathématique afin de modéliser la situation aléatoire dans son ensemble. 9. L’enseignant qui utilise diverses représentations des résultats (tableau à double entrée, diagramme en arbre, diagramme à bandes, graphique, etc.), en élaborant des liens entre elles pour permettre le passage des probabilités théoriques aux probabilités fréquentielles, favorise la compréhension globale de la situation aléatoire.

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10. Il faut faire attention au vocabulaire à employer dans l’enseignement des probabilités. Par exemple, pour ne pas confondre la chance (au sens d’une personne chanceuse) avec les chances mathématiques, Savard (2008) affirme qu’il serait préférable d’employer les termes « possibilités » et « probabilités ».

Créer des activités interactives Pour compléter les activités réalisées en classe, il peut être intéressant de créer des activités interactives pour les élèves sur le site web Learning Apps. Voici un lien vers une activité qui permet de vérifier les connaissances des élèves sous forme d’évaluation formative : http://monurl.ca/ exerciceprobs. Il est possible de la réutiliser et de la soumettre directement à vos élèves en leur partageant ce lien ou de la modifier en vous créant un compte gratuitement.

Conclusion J’espère que ces idées vous inciteront à mettre à l’essai une approche expérimentale pour enseigner les probabilités à vos élèves. N’hésitez pas à utiliser les ressources partagées en ligne (http:// monurl.ca/probs), à les modifier au besoin et à me donner votre rétroaction si vous le souhaitez. D’ici là, bonnes expérimentations mathématiques et que la chance soit avec vous!

Remerciements Je tiens à remercier Caroline Lajoie et Andréanne Parcel pour leur aide dans la révision de ce texte.

Références bibliographiques Konold, C., Madden, S., Pollatsek, A., Pfannkuch, M., Wild, C., Ziedins, I., … Kazak, S. (2011). Conceptual challenges in coordinating theoretical and data-centered estimates of probability. Mathematical Thinking and Learning, 13(1), 68–86. Récupéré de http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10986065.2011.538299 Maheux, J.-F. et Thibault, M. (2012). Maheux et Thibault, 2012 - Le rôle de l’évidence- une expérience en probabilité avec la technologie. Dans Rencontre Interuniversitaire Recherche en Enseignement des Mathématiques. Guadarajara (Mexique). Savard, A. (2008). Le développement d’une pensée critique envers les jeux de hasard et d’argent par l’enseignement des probabilités à l’école primaire : vers une prise de décision. (thèse de doctorat non publiée). Université Laval. Theis et Savard, A. (2010a). Linking probability to real-world situations: How do teachers make use of the mathematical potential of simulation programs? Dans C. Reading (dir.), Data and context in statistics education: Towards an evidence-based society (Actes de colloque du «Eigth International Conference on Teaching Statistics» : ICOTS8) (vol. 8). Ljubljana (Slovénie). Theis et Savard, A. (2010b). Recours à un simulateur pour enseigner les probabilités: quels défis et occasions pour des enseignants du début du secondaire? Dans L’enseignement des mathématiques dans et à travers des contextes particuliers : quel support didactique privilégier ? (Actes de colloque annuel du Groupe des Didacticiens des Mathématiques du Québec : GDM). Moncton. Thibault, M. (2011). Apprentissage des probabilités chez des élèves du secondaire dans une séquence d’enseignement basée sur la simulation de jeux de hasard et d’argent : émergence de conceptions. (mémoire de maitrise non publié, Université du Québec à Montréal). Récupéré de http://www.archipel.uqam.ca/4374/

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