Un blogue, quossa donne? Une nouvelle alliance?

Ce qui montre que tout travail d'écriture exige une discipline rigoureuse et qu'à l'inverse, le blogue ne débouche neuf fois sur dix que sur des textes médiocres ...
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F RANÇAIS 2 e année du 2 e cycle du secondaire

Situation d’évaluation D OSSIER 1 Textes

Un blogue, quossa donne ? et

Une nouvelle alliance ? C ONSIGNES © ERPI Reproduction et modifications autorisées uniquement dans les classes où le manuel Expressions est utilisé.

1. Lisez attentivement les textes Un blogue, quossa donne ? et Une nouvelle alliance ? en utilisant les stratégies de lecture adéquates pour lire et apprécier ces textes : planifier sa lecture (genre et type de texte, contraintes de la tâche), comprendre et interpréter les textes (cerner le contenu et l’organisation de ces textes d’opinion, cerner le point de vue adopté) et réagir aux textes.

2. Tout au long de cette situation d’évaluation, consultez les outils de référence pertinents.

Nom de l’enseignant ou de l’enseignante

Nom de l’élève

Date

Groupe

Expressions / Guide 12405

UN BLOGUE, QUOSSA DONNE ? Je ne comprends pas le trip du blogue. L’exercice lui-même – la liberté de publication, la liberté éditoriale, l’échange avec un lectorat – ça va. Je saisis. Je ne suis pas con à ce point.

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Enfin, je peux saisir, même si je ne suis pas tout à fait convaincu que tout cela existe vraiment. Ce que je comprends mal, toutefois, c’est l’engouement, la folie autour du phénomène, l’incontournable urgence de bloguer. Sérieusement, quossa donne, comme disait Deschamps 1 dans son monologue sur « les unions ». Alors, le blogue quossa donne ? Le patron m’a demandé si, éventuellement, cela pouvait m’intéresser de bloguer ? Euh… Réponse peu édifiante, j’en conviens, mais sur le coup je n’en avais pas d’autres. En fait, je n’y avais jamais pensé. Suis-je donc à ce point dépassé ? Je n’ai pas de blogue et je n’ai pas pensé à m’en créer un. Hon ! Un dinosaure ! Voilà ce que je suis, un dinosaure dans un monde où, paraît-il, il se crée plus d’un blogue par seconde.

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En fait, la chose ne m’a jamais vraiment intéressé. J’ai bien jeté un œil à la prose de l’un ou de l’autre à l’occasion, mais ça me laisse plutôt froid. Je trouve les blogues – ceux de certains collègues, ceux du blogueur ordinaire en général – plutôt banals, souvent sans rigueur, et rédigés dans la plupart des cas, même ceux de certains écrivains, dans une langue un peu paresseuse.

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Et puis, exception faite de quelques blogues qui visent juste, parce qu’ils servent d’outil social ou politique, quelquefois même d’arme, qu’est-ce qu’on raconte dans tous ces blogues ? Le temps qu’il fait ? Qu’on pète au lit avec elle comme le chante si librement Jamil ?

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Le nombre, ici, n’est certes pas synonyme de qualité. Qui s’en sert vraiment et à qui donc est-ce que ça s’adresse ? On en dit des choses à propos des blogues. Le premier lieu commun, c’est qu’il s’agit d’un journal intime. Or, y a-tu quelque chose de plus plate que de lire le journal intime d’un autre ? Va encore pour celui qui, égocentriquement, l’écrit dans l’intérêt, croit-il, de la collectivité. Mais pour les autres ? N’est-ce pas sans intérêt de savoir qu’hier, tel auteur est allé à un lancement de livre pour y manger des canapés et boire un coup de rouge ?

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L’auteur réfère ici au monologue sur le thème des syndicats créé et présenté par l’humoriste québécois Yvon Deschamps, en 1969.

DOSSIER 1 – Lecture

Textes

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Éric, un des garçons du restaurant L’Express, à qui je demandais son avis sur la chose a eu cette très belle phrase : « T’as pas de vie, mais il faut que tu la cries. » P a s m a l , n o n ? S a n s p a r l e r d u n a r c i s s i s m e n é c e s s a i r e à l ’ e x e r c i c e rédactionnel lui-même.

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La démocratisation de la parole ? Quoi ? Faites-moi rire. Tirer dans tous les sens, ce n’est pas la démocratie et encore moins le renouveau du débat démocratique. O.K., disons que l’accessibilité à la parole est une excellente chose, mais comment appelle-t-on le résultat quand même ceux qui n’ont rien à dire la prennent ? L’insignifiance ? Je sais, je sais, le blogue est un véhicule de communication qui se veut anticonformiste. Il a été un outil percutant lors des émeutes dans les banlieues parisiennes. Il peut aussi servir d’opposition politique comme ce Daily kos.com aux États-Unis. Mais il ne s’agit que d’une goutte dans un océan de médiocrité.

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Franco NUOVO, « Un blogue, quossa donne ?», Le journal de Montréal, 1er mars 2006.

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Et puis, patron, à vrai dire, je crains un peu. Vous allez comprendre. Dans une analyse coiffée du titre très amusant de « Bloghorrée saisonnière », un journaliste européen, Philippe Baraud, a écrit ceci : « Le blogue a même des effets pervers chez les professionnels. On voit des chroniqueurs de talent négliger ce qu’ils faisaient bien avant pour se consacrer à l’alimentation d’un blogue de peu d’intérêt fait de petites choses qui remplissent nos vies et ennuient les autres. Ce qui montre que tout travail d’écriture exige une discipline rigoureuse et qu’à l’inverse, le blogue ne débouche neuf fois sur dix que sur des textes médiocres, bâclés et non indispensables. » Je ne sais pas si j’ai du talent, patron, mais, blogue ou pas, peut-être vaut-il mieux ne pas négliger ce que j’essaie de bien faire.

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UNE NOUVELLE ALLIANCE ? Pour les journalistes traditionnels, qui gagnent leur croûte dans de grandes entreprises de communication ou dans un service public quelconque, nombreux sont ceux qui doutent que le nouveau journalisme citoyen puisse avoir quoi que ce soit à voir avec le véritable métier de journaliste. Et encore plus nombreux

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sont ceux qui pensent que ce sont deux mondes qui ne pourront jamais se mélanger. Et pourtant. Doc Searls, Dan Gillmor et J.D. Lasica pensent tout à fait le contraire. Pour eux, les gardiens du Temple de la sacro-sainte information auraient tout à gagner d’une « alliance » journalisme traditionnel et journalisme citoyen.

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Selon Gillmor : « Les deux mondes, malgré leurs grandes différences, peuvent apprendre l’un de l’autre. Les journalistes citoyens peuvent apprendre des professionnels, leur sens rigoureux de la nouvelle et les principes journalistiques les guidant, tandis que le journaliste traditionnel peut apprendre plus de

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ses lecteurs sur un sujet X. » Toujours ce principe que l’ensemble des lecteurs en

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connaît plus qu’une seule personne. D’ailleurs, plusieurs journalistes traditionnels ne se gênent pas pour suivre les écrits de multiples carnets Web et reprendre à leur profit une bonne histoire qu’ils auraient peut-être négligé de couvrir auparavant. Pour Lasica, « les journalistes traditionnels peuvent aussi redécouvrir le

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plaisir de l’écriture plus personnalisée en tenant blogue sur Toile, le journalisme institutionnel édulcorant souvent les écrits de bons chroniqueurs ». De plus, pour avoir communiqué par courriel avec quelques-uns de ces professionnels qui ont décidé de publier aussi sur le Web, l’interactivité avec le lecteur se modifie. Ceux-ci apprennent à respecter les écrits de certains

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blogueurs, échangent avec eux et, souvent, reçoivent de l’information privilégiée.

DOSSIER 1 – Lecture

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Et que dire de la transparence. Pour que les lecteurs comprennent tout le cheminement derrière une réflexion, les éditorialistes du Dallas Morning News publient chaque jour sur la Toile, dans un carnet Web, l’ensemble des arguments qui ont mené à la publication d’un éditorial. Inutile de dire que cela mène à des

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échanges particulièrement fructueux entre l’équipe éditoriale et les lecteurs. Bref, ce ne sont là que quelques exemples de cette nouvelle synergie qui se développe entre journalisme institutionnel et journalisme citoyen, une synergie où les deux mondes ont tout à gagner à collaborer. Pour Dan Gillmor, « c’est le journalisme de demain qui se met en place,

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alors que les professionnels auront comme associés, le journaliste citoyen. Il était plus que temps que les lecteurs aient enfin la possibilité de s’impliquer dans le processus éditorial ». Tel que promis la semaine dernière, vous trouverez sur mon carnet Web, et ce, dès aujourd’hui en fin de journée, l’intégralité des entrevues et du matériel

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que j’ai utilisés pour réaliser ces articles sur le journalisme citoyen. Vous verrez que nombreux sont les sujets qui n’ont pas été abordés, faute de place.

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Cependant, pour les journalistes interviewés, et pour l’auteur de ces lignes, il était important que toutes ces questions et ces réponses soient publiées. M i c h e l D U M A I S , « R e g a r d s u r l e j o u r n a l i s m e c i t o ye n , 2 e p a r t i e » , Le devoir, 18 août 2003 [extrait].

DOSSIER 1 – Lecture

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