TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL N° 1110039 Société ...

4 juil. 2013 - résultat après la dissolution de la société Cogecom ; qu'il est surprenant que la société requérante considère la provision pour dépréciation ...
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL N° 1110039

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Société FRANCE TELECOM SA AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. Barbillon Rapporteur Le Tribunal administratif de Montreuil Mme Restino Rapporteur public

(1ère chambre)

Audience du 20 juin 2013 Lecture du 4 juillet 2013 19-02-02 19-04-02-01-03-01 C+

Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2011, présentée pour la SOCIETE FRANCE TELECOM SA, dont le siège est 6 place d'Alleray à Paris (75015), par Me Austry ; la SOCIETE FRANCE TELECOM SA demande au tribunal : 1°) la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2005 et 2006 pour un montant, en droits et pénalités, de 1 952 322 455 euros ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 150 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que sa réclamation en ce qui concerne le profit sur le Trésor inhérent au rappel de taxe sur la valeur ajoutée sur les honoraires sur cession de titres ayant fait l’objet d’une autre requête n’est pas irrecevable ; que les conditions de la déduction de la provision en litige n’étaient pas réunies dès lors que la valorisation de Cogecom retenue par la DVNI ne pouvait permettre d’évaluer la dépréciation des titres Cogecom avec une approximation suffisante pour autoriser la déduction fiscale et que l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait en manifestant son opposition à la déduction des provisions fondées sur la méthode DCF à l’occasion de précédents contrôles sur la déductibilité des provisions en question et qu’elle peut ainsi se prévaloir de cette appréciation sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; qu’à supposer que ces conditions aient été satisfaites, la déduction fiscale d’une provision est une décision de gestion qui est opposable à l’administration et fait obstacle aux rehaussements contestés ; qu’à supposer

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que la déduction fiscale de cette provision ait été obligatoire, la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, en l’espèce l’exercice 2005, s’oppose à ce que cette provision soit inscrite au bilan d’ouverture de cet exercice dès lors que le principe d’intangibilité du bilan d’ouverture s’applique au bilan fiscal et non au bilan comptable, que le redressement effectué entre dans le champ d’application de l’article 38.4 bis du code général des impôts et que la théorie des erreurs comptables délibérées ne peut faire obstacle à l’application de cet article ; qu’à titre subsidiaire, au cas où le rehaussement relatif à la TUP Cogecom serait confirmé, la société demande à ce que la dotation de 308 millions d’euros réintégrée au titre de l’exercice 2005 puisse venir en déduction du rehaussement litigieux et que les rehaussements contestés au titre des exercices 2000 à 2004 ne viennent pas réduire les moins-values reportables sur l’exercice 2005 ; Vu la décision par laquelle l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales a statué sur la réclamation préalable ; Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2012, présenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales qui demande au tribunal de rejeter la requête ; Il soutient que le profit sur le Trésor contesté ne figurant pas dans les conséquences financières du litige, la demande de la société requérante sur ce point est devenue sans objet ; que la portée du litige est limitée à la somme de 1 907 934 273 euros dès lors que si l’on inclut les rehaussements de la période 200 à 2004 dans le présent litige, on risque d’aboutir à une double contestation des mêmes redressements, un relative à la période 2000-2004 et l’autre dans la présente requête, voire si le tribunal annulait les redressements effectués en 2005, à une double déduction des bases imposables des mêmes redressements ; que la société requérante n’a pas respecté les règles de l’intégration fiscale en ne réintégrant pas la provision fiscalement dans son résultat après la dissolution de la société Cogecom ; qu’il est surprenant que la société requérante considère la provision pour dépréciation des titres Cogecom qu’elle a constituée et qui font l’objet du présent litige n’est pas déductible alors que les dépréciations que Cogecom avait constatées et provisionnées sur ses propres filiales avaient été considérées comme déductibles par la société France Telecom, sachant que ces titres de participation étaient directement impactés et dans les mêmes proportions par les dépréciations des titres à la société Cogecom avec le même degré de probabilité et que le groupe dirigé par FTSA comprend une direction fiscale unique ; que la société requérante n’a pas fourni d’éléments de valorisation de la société Cogecom au cours de l’exercice 2004, malgré les demandes répétées de l’administration ; qu’elle se contente de critiquer l’analyse opérée par le service dans sa proposition de rectification ; que l’analyse du service est significative, certaine et cohérente en ce qui concerne les sociétés Wanadoo SA, Orange SA, TPSA et sur les écarts de valorisation ; que l’étude de valorisation de Cogecom qu’elle a effectuée au cours de l’exercice 2004 confirme le caractère déductible de la provision en litige ; que la société FTSA ne peut soutenir que les écarts de valorisation résultant de cette étude ne permettent pas de conférer un caractère probable à la perte en raison de l’utilisation de la méthode DCF qui est impropre à évaluer une dépréciation ; que cependant la méthode DCF est parfaitement acceptée, que l’étude de valorisation est pertinente et confère un caractère probable à la perte de valeur des titres ; qu’à titre subsidiaire, elle demande à titre de compensation que la déductibilité du mali de confusion soit rejetée au motif que la société n’a pas respecté les conditions fixées par l’instruction administrative sur laquelle elle s’est fondée pour le déduire extra-comptablement et que la constatation d’un mali n’est pas justifiée et qu’en tout état de cause le mali technique a été sous-estimé de 308 millions d’euros ; que la déduction fiscale d’une provision comptabilisée ne relève pas d’une décision de gestion dès lors que le traitement fiscal d’une provision est étroitement lié à son traitement comptable en vertu du

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principe de connexité fiscalo-comptable, consacré par les textes et la jurisprudence ; que l’administration n’a pas pris position sur le fait que la déduction fiscale d’une provision relèverait d’une décision de gestion ; que la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit ne peut lui être opposée dès lors que le service n’pas corrigé le prix de revient des titres Cogecom au bilan d’ouverture de l’exercice 2005 mais a seulement taxé la reprise de provision en se fondant sur les articles 38.1 et 39-1-5° du code général des impôts, et non sur les articles 38-2 et 38-4 bis ; que si le tribunal trouvait que ces derniers articles étaient applicables, le principe ne pourrait s’appliquer en raison du caractère délibérée de l’erreur commise ; qu’en effet, la société avait parfaitement connaissance du caractère fiscalement déductible de la provision, a reconnu dans d’autres circonstances que les provisions pour dépréciations des titres ASB, Orange et TPSA étaient déductibles et qu’elle s’est opposée à l’examen de la déductibilité de la provision par le service vérificateur ; sur les conclusions subsidiaires, la société en peut demander la déduction du complément de dépréciation qu’elle a constituée dans la période intercalaire dès lors qu’à la date du 1er janvier 2005, date de l’effet juridique de la fusion, la société absorbée était censée ne plus exister et que ses titres ne pouvaient plus être dépréciés ; que s’agissant du stock de moins-values reportable, il convint d’attendre la solution apportée par le tribunal sur le litige n°11020120 ; Vu le mémoire, enregistré le 20 septembre 2012, présenté pour la SOCIETE FRANCE TELECOM SA, par Me Austry, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens mais renonce à ses conclusions relatives au profit sur le Trésor et à la prise en compte de provision de 308 millions d’euros en cas de maintien des rehaussements ; elle soutient en outre qu’il n’y a pas eu double déduction dans l’intégration ; que les règles de l’intégration fiscale n’interdisent pas la prise en compte de pertes à l’occasion de la dissolution / confusion d’une filiale intégrée ; que s’agissant de la déduction de la provision, l’addition de fourchettes de valorisation au niveau de Cogecom ne permet pas d’évaluer précisément les titres Cogecom au niveau de FTSA, comme le montre une décision du Conseil d’Etat ministre c/ Mallart du 20 juin 2012 ; qu’à l’époque de la constitution de la provision, l’administration s’opposait à la méthode DCF ; qu’elle a fourni tous les éléments d’évaluation en sa possession ; que le mali était déductible dès lors qu’il résulte d’une application correcte des dispositions législatives applicables , que l’instruction n’a pas établi de lien entre l’annulation de la provision et la déduction du mali, que le mali était justifié et qu’il n’y a eu aucune sous-estimation technique du mali à hauteur de 308 millions d’euros ; qu’en invoquant l’erreur délibérée au stade du rejet de la réclamation, l’administration a procédé à une substitution de motifs qui la prive d’une garantie fondamentale, celle du recours à la consultation de la commission nationale des impôts directs ; qu’en tout état de cause, l’erreur n’était pas délibérée ; Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2013, présenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales qui prend acte des désistements de la société requérante et conclut aux mêmes fins ; Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2013, présenté pour la SOCIETE FRANCE TELECOM SA, par Me Austry, qui conclut aux mêmes fins ; Vu l'ordonnance en date du 21 mai 2013 fixant la clôture d'instruction à cette même date, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

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Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2013 : - le rapport de M. Barbillon, rapporteur ; - les conclusions de Mme Restino, rapporteur public ; - et les observations de Me Austry pour la SOCIETE FRANCE TELECOM SA et de M. Moquay pour l’administration ; Et connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 28 juin 2013 et présentée pour la SOCIETE FRANCE TELECOM, par Me Austry ; 1. Considérant qu’au cours des années 2002 et 2003, la SOCIETE FRANCE TELECOM, mère d’un groupe fiscalement intégré, a constitué des provisions pour dépréciation des titres de participation qu’elle détenait dans sa filiale, la société Cogecom, membre de l’intégration, pour un montant cumulé, après une reprise partielle de ces provisions pour un montant de 996 millions d’euros, de 11, 519 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2004, qu’elle n’a pas déduites de son résultat fiscal ; qu’à la suite de la transmission universelle de patrimoine dont la société Cogecom a fait l’objet le 5 décembre 2005 au profit de sa société-mère avec effet rétroactif au 1er janvier 2005, qui a généré un mali de confusion que la société requérante a déduit extra-comptablement du résultat de l’exercice 2005, la SOCIETE FRANCE TELECOM a annulé la provision pour dépréciation résiduelle de 11, 519 milliards d’euros qui n’avait plus d’objet ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur l’exercice 2005, l’administration a estimé que cette provision était déductible du résultat fiscal au titre des exercices 2002 et 2003 et que la SOCIETE FRANCE TELECOM aurait dû, parallèlement à la déduction du mali de confusion, constater un profit à long terme équivalent de 11, 519 milliards d’euros correspondant à l’annulation de cette provision ; qu’en conséquence, elle a réintégré au résultat fiscal à long terme de l’exercice clos en 2005 le produit correspondant, après en avoir déduit une somme de 199, 115 millions d’euros, résultant de la remise en cause d’une provision pour dépréciation des titres de la société Orange détenus par la société Cogecom au titre de l’exercice 2004 ; que la SOCIETE FRANCE TELECOM a contesté ce rehaussement, qui a été maintenu , après saisine de la commission nationale des impôts directs, laquelle a rendu un avis favorable le 7 mai 2010 ; que ce rehaussement a d’une part été affecté par les rectifications opérées dans les résultats déficitaires de la société requérante au titre des exercices clos de 2000 à 2004, qui ont abouti, à une minoration du solde des moins-values imputables et a eu d’autre part pour effet de rehausser le résultat de l’exercice clos en 2006, compte tenu de la remise en cause par l’administration du report sur le résultat de ce dernier exercice de moins-values à long terme constatées au cours des exercices précédents, qui ont été imputées sur résultat rehaussé de l’exercice 2005 ; que par un avis du 9 mars 2011, portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006, les cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés résultant de ces rehaussements ont été mises en recouvrement pour des montants respectivement de 1 799 508 985 euros pour l’exercice 2005 et 156 307 437 euros pour l’exercice 2006, soit un montant total de 1 955 816 422 euros, dont la société requérante, qui a renoncé à ses conclusions subsidiaires portant sur la déduction d’une provision complémentaire de 308 millions d’euros, demande la réduction à hauteur de 1 952 322 455 euros ;

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Sur l’étendue du litige : 2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales : « Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire… » ; 3. Considérant, ainsi qu’il a été rappelé, que les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés dont la société requérante demande la réduction dans la présente instance sont, pour partie, la conséquence de rectifications opérées dans les résultats de plusieurs sociétés du groupe intégré au titre des exercices clos de 2000 à 2004, qui avaient seulement abouti à une minoration des moins-values à long terme d’ensemble, les résultats du groupe étant déficitaires ; que l’administration, qui rappelle que la société requérante a contesté ces rectifications, sur le fondement du 2e alinéa de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans une autre instance enregistrée au tribunal de céans sous le n° 1102120, soutient qu’elle ne peut contester à nouveau ces rectifications, en se fondant cette fois sur le 1er alinéa de cet article, dans le cadre de la présente instance et qu’il convient dès lors d’exclure du présent litige la somme de 47 882 149 euros, correspondant aux impositions résultant de ces rectifications antérieures et de le limiter à la somme de 1 907 934 273 euros ; 4. Considérant cependant que ni les dispositions du 2e alinéa de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales, institué par l’article 86 de la loi de finances pour 2003, qui rendent recevables les réclamations des contribuables tendant à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’ont pour effet de priver le contribuable dont les résultats sont déficitaires de fonder sa réclamation sur le 1er alinéa de cet article, en critiquant la réduction de son déficit à l'occasion d'un litige portant sur l'imposition afférente au premier exercice bénéficiaire sur lequel le déficit était reportable ; que par suite, et sans que l’administration puisse se prévaloir d’un risque de double déduction des bases imposables, la SOCIETE FRANCE TELECOM, dont la contestation n’excède pas par ailleurs le montant de l’avis de mise en recouvrement qui lui a été notifié, est fondée à demander la réduction à hauteur de 1 952 322 455 euros des impositions qui figurent sur cet avis ; Sur la rectification opérée au titre provision de 11,519 milliards d’euros :

de l’exercice 2005, résultant de la reprise de la

Sur le terrain de la loi fiscale, 5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes d’une part de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours

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rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice…pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 1974, les titres de participation ne peuvent faire l'objet d'une provision que s'il est justifié d'une dépréciation réelle par rapport au prix de revient… » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire de ses bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition qu’elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l’exercice, qu’elles soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante et qu’enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise ; qu’aux termes de l’article 38 sexies de l’annexe III au même code : « La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'articles 39 du code général des impôts. » ; 6. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 223 B du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : « Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (…) / Il est majoré du montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe, à raison des créances qu'elle détient sur d'autres sociétés du groupe ou des risques qu'elle encourt du fait de telles sociétés. (…). » ; qu’aux termes de l’article 223 D du code précité dans sa rédaction applicable au litige : « (…) Le montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe à raison des participations détenues dans d'autres sociétés du groupe est ajouté à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou déduit de la moins-value nette à long terme d'ensemble. (…). » ; que l’article 38 quater de l’annexe III à ce code prévoit que : « Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. » ; 7. Considérant que l’administration, estimant que la provision en cause satisfaisait aux conditions requises par les dispositions précitées de l’article 39-1-5° du code général des impôts pour être déductibles, a procédé à la taxation du produit correspondant à la reprise de cette provision au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2005 qui ne pouvait selon elle être neutralisée en raison de la sortie de la société Cogecom du périmètre de l’intégration ; 8. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les titres de participation sur la société Cogecom détenues par la SOCIETE FRANCE TELECOM étaient inscrits à l’actif du bilan de cette dernière pour une valeur brute de 30,26 milliards d’euros à la clôture de l’exercice 2004 ; qu’ainsi qu’il a été rappelé, la société requérante a constitué une provision comptable de 11,519 milliards d’euros pour dépréciation de ces titres au cours des exercices 2002 et 2003 ; qu’il résulte de l’instruction que cette provision a été calculée par la société requérante, sur les années en cause, selon la méthode de l’actif net comptable corrigé des plus-values latentes, lequel a été pour sa part valorisé par la société requérante au 31 décembre 2004 sur la base d’une analyse de la valeur d’usage des participations détenues par Cogecom dans certaines de ses filiales à l’aide de trois méthodes, la situation nette, la situation nette retraitée et la méthode des flux de trésorerie actualisés, dite méthode DCF (« discounted cash flows ») ; qu’au vu de ces éléments, fournis par la société requérante, le service a procédé à l’analyse de seize des participations considérées comme significatives de la société Cogecom, représentant entre 92 et 96 % de la valeur brute de l’actif détenu par cette société et 94,8 % des provisions comptables pour dépréciation que la société Cogecom avait constituées et déduites de son résultat fiscal et en

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a conclu à la probabilité de ces dépréciations ; qu’il a pu estimer à juste titre que la dépréciation de 94,8 % de ces titres impactait directement la valeur des titres de participation que la SOCIETE FRANCE TELECOM détenait dans la société Cogecom au 31 décembre 2004, qui est un holding pur, d’autant que le groupe intégré dont la société requérante est la mère comprend une direction fiscale unique ; que c’est d’ailleurs en se fondant sur la valeur d’usage des participations détenues par Cogecom que la SOCIETE FRANCE TELECOM avait évalué l’actif net de Cogecom dans son bilan de clôture 2004 à partir de laquelle la provision en litige avait été calculée et constituée ; que l’administration a pu dès lors en déduire que la dépréciation des titres détenus dans la société Cogecom par la société requérante à la clôture des exercices 2002 et 2003 était probable, ce qui justifiait la déduction de la provision du résultat fiscal de la société ; 9. Considérant ainsi que le montant de 11,519 milliards d’euros que le service a déduit du résultat fiscal de la société requérante au titre de l’exercice 2005 est celui qui a été déterminé par la SOCIETE FRANCE TELECOM lorsqu’elle a constitué la provision comptable pour dépréciation des titres de la société Cogecom sur les exercices en cause, et que l’administration a repris ; que la société requérante ne peut dans ces conditions utilement soutenir que le service n’a pas évalué la dépréciation des titres Cogecom avec une approximation suffisante, au motif que l’addition des fourchettes de valorisation des filiales de la société Cogecom ne permettrait pas d’apprécier avec suffisamment de précision le montant de la dépréciation de ces titres et que la méthode DCF qu’aurait utilisé l’administration ne pouvait permettre d’évaluer la dépréciation des titres Cogecom avec une approximation suffisante ; qu’elle ne remet pas en cause par ailleurs la probabilité de cette dépréciation en soulignant les incertitudes dont aurait fait preuve l’administration sur la valorisation des titres de la société Wanadoo SA qui n’étaient plus détenus par la société Cogecom au 31 décembre 2004 et sur celle des titres de la société Orange auxquelles elle a procédé, qui portent sur une reprise de provision qui n’est pas concerné par le présent litige, ni en se prévalant de écarts de valorisation résultant de la méthode d’'analyse qu’elle a proposée dans ses observations en réponse à la proposition de rectification, fondée sur une approche par les multiples, qui ne porte que sur 83 % des titres de participation de la société Cogecom, et se limite à l’année 2004 ; Sur le terrain de la doctrine, 10. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L.80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration… » ; que la société requérante se prévaut, sur le fondement du 1er alinéa de ces dispositions, de divers documents dans lesquels l’administration se serait expressément opposée à la déduction de provisions fondées sur la méthode DCF ; que cependant, l’instruction 4 A -13-05 du 20 décembre 2005 n° 145 se borne à commenter les dispositions des articles 237 septies du code général des impôts, les articles 15 bis de l’annexe II et 38 quinquies et nonies de l’annexe III au même code, qui ne portent pas sur les titres de participation ; que le guide de l’évaluation des entreprises, quant à lui, ne comporte que des recommandations et ne constitue pas une interprétation formelle du texte fiscal dont les contribuables peuvent se prévaloir sur le fondement de cet article, de même que le contenu du Mémento comptable Lefebvre, ou les commentaires et notes de l’association française des entreprises privées en date de mois de mai et octobre 2006, qui n’émanent pas d’une autorité fiscale ou d’un agent compétent de l’administration ;

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11. Considérant d’autre part qu’aux termes de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal… » ; que la société requérante se prévaut sur ce fondement, de l’appréciation que l’administration aurait porté sur la déductibilité « des provisions en question » à l’occasion de précédents contrôles ; que la critique du service des paramètres pris en compte dans la méthode DCF, qui ne constitue pas en tout état de cause une remise en cause de cette méthode, provient d’une pièce de procédure faisant suite à la vérification de comptabilité de la société Orange au titre des exercices clos en 2002 et 2003 et portant sur une redevance de marque et non sur provision constituée par la SOCIETE FRANCE TELECOM sur les titres COGECOM ; que la circonstance que lors des contrôles des sociétés COGECOM et FRANCE TELECOM effectués au titre des exercices clos de 2000 à 2004, le service n’a pas remis en cause l’absence de déduction des dotations aux provisions sur les titres COGECOM en 2002 et 2003, ne constitue pas une appréciation d’une situation de fait par l’administration dont elle peut se prévaloir dès lors qu’une absence de rectification lors d’un précédent contrôle ne constitue pas une prise de position formelle au sens de cet article ; qu’il en est de même des questions écrites que les vérificateurs lui auraient adressées le 25 avril 2006, le 20 juillet 2006 et le 21 septembre 2006, dont les deux dernières sont d’ailleurs postérieures au dépôt, en mai 2006, de la déclaration d’impôt sur les sociétés du présent litige, ne contiennent aucune indication qui tendrait à démontrer, comme l’affirme la société requérante, que le service n’aurait pas remis en cause l’absence de déductibilité des provisions ; 12. Considérant ainsi qu’en l’absence d’éléments probants fournis par la société requérante de la différence de traitement fiscal et comptable qu’elle a réservée à la provision en cause, qui aurait pu justifier de l’absence de déductibilité du résultat fiscal de la provision comptable qu’elle avait constituée, et alors que les provisions constituées par la société Cogecom avaient été traitées comme déductibles au sein du groupe fiscal, l’administration apporte la preuve qui lui incombe qu’en raison de la probabilité de dépréciation des titres Cogecom détenus par la SOCIETE FRANCE TELECOM au 31 décembre 2004, que la commission nationale des impôts avait d’ailleurs reconnue dans son avis du 7 mai 2010, que la provision comptable que cette dernière avait dotée au cours des exercices 2002 et 2003 était déductible à cette date du résultat fiscal, en application de l’article 39-1-5° du code général des impôts ; 13. Considérant, en troisième lieu, qu’ainsi qu’il a été rappelé, la provision en litige respectait les conditions posées par les dispositions de l’article 39-1-5° du code général des impôts pour être fiscalement déductibles ; que la SOCIETE FRANCE TELECOM était dès lors tenue de prendre en compte ces provisions pour la détermination de ses résultats imposables propres ; 14. Considérant cependant que la SOCIETE FRANCE TELECOM se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, des positions que selon elle l’administration aurait prises lors de précédents contrôles fiscaux la concernant s’agissant du caractère de décision de gestion de la déduction fiscale des provisions ; que d’une part, l’extrait de la proposition de rectification qu’elle invoque, par lequel l’administration indique que « la décision de ne pas déduire du résultat imposable une provision qui remplit les conditions de déduction de l’article 39, 1, 5° du CGI relèverait d’une décision de gestion opposable à la société », ne constitue pas une prise de position sur une situation de fait que la société requérante peut opposer à l’administration sur le fondement de cet article dès lors que cet extrait figure dans une proposition de rectification adressée à un tiers, en l’espèce la société Cogecom, le 18 juillet 2002 et relative à l’exercice clos en 1999 et que l’administration indique que la décision de gestion est opposable à la société mais non à l’administration ; que

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17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer une prise de position formelle au sens de l’article L. 80 B ; 15. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes du 2 de l’article 38 du code général des impôts : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.. » ; et qu’aux termes du 4 bis de ce même article, dans sa rédaction issue de la loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004 : « 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celuici… » ; que la société requérante soutient, sur le fondement de ces dispositions, que le redressement en litige est illégal dès lors que l’administration ne pouvait procéder à l’inscription de la provision au bilan d’ouverture de l’exercice 2005 que lui imposait la reprise qu’elle avait effectuée, en raison de l’intangibilité de ce bilan; que cependant, ainsi qu’il a été rappelé, l’administration, qui a constaté qu’une reprise de provision déductible est imposable, a établi le redressement sur le fondement des articles 38-1 et 39-1-5 ° du code général des impôts et n’a procédé à aucune correction d’une écriture du bilan ; que la SOCIETE FRANCE TELECOM ne peut dès lors se prévaloir utilement des dispositions de l’article 38-4 bis de ce même code qui, quelque soient les correspondances qui peuvent être établies entre le résultat et la variation d’actif constatés à la clôture d’un exercice, constituent un fondement distinct de celui de l’article 39-1 pour le calcul du bénéfice imposable ; que par voie de conséquence, elle n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas commis d’erreur délibérée qui s’opposerait à ce qu’elle puisse bénéficier des dispositions de l’article 38-4 bis ni à fortiori et en tout état de cause, que l’administration aurait procédé à une substitution de motifs irrégulière ; Sur les rectifications portant sur les résultats déficitaires des sociétés du groupe au titre des années 2000-2004 : 16. Considérant que les rectifications apportées aux résultats propres de la société requérante ainsi qu’aux résultats propres de plusieurs de ses filiales intégrées au titre des exercices clos de 2000 à 2004 ont abouti à la minoration du stock de moins-values à long terme d’ensemble reportables sur l’exercice clos en 2005 et, par voie de conséquence, à une fraction des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au taux réduit mises à sa charge au titre de l’exercice clos en 2005 ; que le stock de moins-values à long terme reportable d’ensemble sur l’exercice 2005 s’élevait à 1, 91 milliards d’euros ramené, après rectification, à 1, 43 milliards d’euros ; qu’au soutien des conclusions susvisées, la SOCIETE FRANCE TELECOM reprend l’ensemble de ses moyens relatifs au résultat à long terme d’ensemble des exercices clos de 2000 à 2004 qu’elle avait invoqués dans une précédente requête, enregistrée sous le n° 1102120 ; que par un jugement en date du 6 juin 2013, le tribunal de céans a rejeté cette requête, à l’exception d’une réduction du rehaussement du résultat à court terme d’ensemble de la SOCIETE FRANCE TELECOM de la somme de 4 960 599 euros et corrélativement d’une majoration du résultat à long terme d’ensemble de la somme de 5 180 144 euros, qui est donc sans effet sur le présent litige ; que pour les mêmes motifs que ceux contenus dans ce jugement, il y a lieu de rejeter ces conclusions ;

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17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande de compensation présentée par l’administration, que la SOCIETE FRANCE TELECOM n’est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2005 et 2006 pour un montant, en droits et pénalités, de 1 952 322 455 euros et par voie de conséquence, à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat la somme de 150 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; DECIDE: Article 1er : La requête de la SOCIETE FRANCE TELECOM est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE FRANCE TELECOM et à la direction des vérifications nationales et internationales. Délibéré après l'audience du 20 juin 2013, à laquelle siégeaient : M. Barbillon, président, M. Ouillon, premier conseiller, M. Lavigne, premier conseiller, Lu en audience publique le 4 juillet 2013. Le président-rapporteur,

L’assesseur le plus ancien,

Signé

Signé

J-Y. Barbillon

S. Ouillon Le greffier, Signé H. Herber

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieur, chargé du budget en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.