Travailler pour bâtir un avenir meilleur

En 1884, le militant socialiste William Morris avançait l'idée que l'usine du ... Il exige toutefois que les gouvernements jouent un rôle fort et actif, en acceptant la ...
245KB taille 1 téléchargements 90 vues
DOCUMENT DE TRAVAIL

Travailler pour bâtir un avenir meilleur Commentaires de l’ISP sur le rapport de la Commission mondiale de l’OIT sur l’avenir du travail Beaucoup se sont essayés à prédire l’avenir du travail... sans pour autant y parvenir avec une grande exactitude. En 1845, Karl Marx écrivait que dans une société [communiste], les travailleurs seraient libérés de la monotonie d’un emploi unique et pourraient « chasser le matin, pêcher l’aprèsmidi, [s]’occuper d’élevage le soir et [s]’adonner à la critique après le repas ». En 1884, le militant socialiste William Morris avançait 55 millions de travailleurs à travers le monde vivent l’idée que l’usine du futur serait entourée de jardins, pour se relaxer, encore avec moins d’un et que ses employés ne travailleraient pas plus de « quatre heures dollar par jour. Ces par jour ». En 1930, John Maynard Keynes prédisait que les progrès e « travailleurs pauvres » technologiques conduiraient, au début du XXI siècle, à un « âge de représentent 20 % du total l’abondance et de l’oisiveté », dans lequel on ne travaillerait que de l’emploi mondial (OIT, 15 heures par semaine. En 1980, alors que les robots commençaient 2004). à « peupler » les usines, André Gorz déclarait que « l’abolition du travail est un processus déjà en cours... La manière dont [il] sera Un quart des adultes traité [...] constitue l’enjeu politique central des décennies à venir. » employés aux Etats-Unis Mais ils n’étaient pas les seuls. touche un salaire inférieur au seuil de pauvreté (James Comme c’est aussi le cas aujourd’hui, des avancées technologiques Livingston, 2016). importantes avaient suscité ces prévisions et permis d’envisager un Au Royaume-Uni, alors que avenir meilleur. Toutefois, dans la réalité de notre monde le chômage est à son niveau contemporain, le travail est non seulement toujours dominant, de le plus bas depuis les années sorte qu’il est impossible d’imaginer une société qui s’en passerait, 1970, et bien qu’ils aient un mais il s’est en outre intensifié et précarisé, au point d’être moins emploi, 4 millions de une source de revenus et de moyens de subsistance qu’il ne l’a Britanniques vivent toujours jamais été. Il y a donc eu un problème quelque part, qui doit être dans la pauvreté (The réglé. Guardian, 2019). L’ISP salue le rapport de la Commission ainsi que les efforts qu’elle a fournis pour développer un document cohérent, complet et équilibré qui guidera les organes principaux de l’OIT lors de leurs discussions sur l’avenir du travail. L’ampleur de la tâche est immense et demande du courage. Les points de vue émis feront certainement l’objet d’éloges, mais aussi de critiques. L’ISP approuve un grand nombre des demandes exprimées dans le rapport : le droit à la protection sociale universelle de la naissance à la vieillesse, un nouveau contrat social, le besoin urgent de politiques fiscales équitables, le respect de l’égalité et de la diversité, et une croissance et un développement axés sur la durabilité (et non sur la durée) dans toutes les

DOCUMENT DE TRAVAIL

sociétés. Cependant, nous devons également mettre en relief et aborder certains sujets nécessitant une réflexion plus approfondie. Tout d’abord, tout en reconnaissant l’impact positif des technologies et de la science en général sur nos vies, nous souhaitons également souligner le rôle essentiel joué par le secteur public (universités, hôpitaux et autres institutions publiques) dans de nombreux développements innovants de l’histoire récente de l’humanité, tels qu’Internet, les GPS, les smartphones, la reconnaissance vocale, ou même Google, pour ne citer que ces exemples. La plupart du temps, les mérites de la créativité, de l’innovation, des avancées et du progrès reviennent, à tort, au secteur privé, et à lui seul. Ensuite, nous avons besoin de plus de transparence, de responsabilité et de régulation. A l’ère des machines, les algorithmes, par exemple (contrairement à la législation ou à la comptabilité), demeurent incompréhensibles et inintelligibles pour la plupart des êtres humains. Nous ne savons tout simplement pas comment les données sont traitées et converties en résultats, classements, calculs des risques ou listes de surveillance. En outre, les algorithmes propriétaires qui permettent ces conversions sont tenus secrets et échappent aux examens, sauf à de rares occasions, lorsqu’un lanceur d’alerte laisse fuiter des informations. Les puissantes entreprises et institutions financières cachent leurs actions au moyen d’accords de non-divulgation, de méthodes protégées et de règles du bâillon. Parallèlement, nos vies ressemblent de plus en plus à des livres ouverts. Ces questions revêtent une importance cruciale, non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour l’ensemble de nos communautés et pour l’avenir de nos démocraties. Le scénario d’un avenir empreint de chômage décidé par une poignée d’entreprises de technologies n’est ni souhaitable, ni inévitable. Il exige toutefois que les gouvernements jouent un rôle fort et actif, en acceptant la pleine responsabilité du processus d’automatisation, en régulant la fonction des sociétés informatiques et en maintenant une gouvernance solide et démocratique. Enfin, les changements ne se produisent pas au même rythme dans toutes les couches de la

société, ou dans toutes les cultures et les régions. Il est important de garder cet aspect à l’esprit lorsque l’on envisage l’avenir. Par exemple, ce que l’on appelle la « formalisation », la « marchandisation » et la « mondialisation » de l’économie – bien que les récits dominants soient largement acceptés comme des « faits » – ne se produisent pas, comme on le présente, de manière linéaire et universelle ; de nombreux endroits n’en sont même pas touchés du tout. Par conséquent, bien qu’il soit bon d’évaluer et de planifier l'avenir en tenant compte des transformations que les nouvelles technologies nous apportent, nous ne devons pas oublier les problèmes en attente qui demeurent irrésolus depuis longtemps. Pour de nombreuses personnes, le passé, le présent et l’avenir résident dans l’agriculture. L’étude d’ensemble réalisée en 2015 par la Commission d’experts de l’OIT nous rappelle en effet les faits suivants :

Le discours de la mondialisation laisse entendre que les pays n’ont pas d’autre choix que de se plier à l’avènement d’une économie mondiale ouverte et dérèglementée. [...] En examinant les tendances, on s’est rendu compte que la mondialisation était en grande partie le produit d’une vision particulière (néolibérale) du monde, et le résultat d’un regard porté en particulier sur des espaces étroits et confinés (Colin C. Williams, 2007).

DOCUMENT DE TRAVAIL

• • • •

3 milliards de personnes (près de la moitié de la population mondiale) vivent dans des zones rurales. Environ 32 pour cent de la population mondiale travaillent dans le secteur de l’agriculture. Une majorité des travailleuses dans le monde exerce des activités liées à l’agriculture dans des zones rurales. Une grande partie de la population des pays à faible revenu reste dépendante de l’économie rurale en ce qui concerne l’emploi et les moyens de subsistance.

Parmi ces personnes, nombreuses sont celles pour qui les générations se sont succédées sans avoir accès aux droits syndicaux fondamentaux ou à des conditions de travail décentes. La plupart a même fait le chemin inverse, de la pauvreté à l’exclusion, au cours des dernières années, et ce ne sont pas la technologie ou le manque d’investissement qui sont en cause, mais l’idéologie et les politiques menées. Ainsi, comme par le passé, l’avenir du travail se composera d’une multitude de scénarios différents partageant le même espace-temps, de l’âge de pierre à la dynamique du travail virtuel. En outre, il ne s’agit pas simplement de modifier ou d’améliorer les politiques, mais également de mettre en œuvre et de financer les bonnes politiques que nous avons déjà. En effet, si elles s’accompagnent de systèmes d’inspection du travail et d’un Etat de droit faibles, les nouvelles politiques échoueront elles aussi. Le rapport de la Commission montre un certain optimisme vis-à-vis de l’avenir, mais hésite à attirer davantage l’attention sur certains des problèmes les plus inquiétants qui mettent en danger le bien-être des populations, tels que la corruption ou les mesures d’austérité. Les discussions actuelles relatives à l’avenir du travail tournent principalement autour de la robotique, de l’intelligence artificielle (IA) et de leurs implications, dont la solution semble résider dans un programme d’action centré sur l’humain ou dans une approche consistant à garder la technologie sous contrôle humain. Toutefois, tant que le profit reste l’objectif de l’action économique, le discours prônant un retour de l’humain au centre n’est que pure rhétorique. De la même manière, si la Commission reconnaît et loue l’importance des services publics de qualité au niveau de l’accomplissement du travail décent, il manque à son rapport une référence plus explicite au rôle fondamental joué « La privatisation de la par les services publics dans la création de la plateforme sur laquelle justice pénale, de la le monde du travail actuel s’est développé, ainsi que toute allusion à protection sociale, des la pression exercée par les institutions financières internationales prisons, de l’éducation, des pour abaisser les normes du travail, réduire les dépenses publiques soins de santé de base et et privatiser les services publics. Concernant ce dernier point, le d’autres biens publics Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et l’extrême essentiels ne peut se faire au pauvreté a critiqué la manière dont la Banque mondiale, le FMI et détriment de la protection même les Nations Unies avaient vigoureusement fait la promotion de des droits » (Rapporteur spécial de l’ONU, 2019). la privatisation à grande échelle des services de base, sans se soucier des conséquences en termes de droits humains ou des retombées

DOCUMENT DE TRAVAIL

pour les pauvres. Si nous n’abordons pas ces problèmes dès à présent, il n’y aura aucun avenir meilleur, ni aucun avenir tout court. Et pourtant, selon l’OCDE, les services publics universels apportent aux plus pauvres un supplément équivalant à 76 % de leurs revenus après impôts, ce qui est très progressiste. Dans le même temps, l’Organisation mondiale de la Santé et l’OIT annoncent toutes deux une pénurie de 12,9 millions de professionnel-le-s de la santé d’ici 2035 (les femmes représentent 70 % de la main-d’œuvre dans le secteur de la santé et des services sociaux). Il est donc essentiel de s’attaquer à la sous-évaluation du travail dans ce secteur ainsi qu’aux autres dynamiques liées au genre associées afin de réduire l’écart entre l’offre et la demande. En outre, bâtir des communautés résilientes signifie créer des millions d’emplois verts pour réparer les dégradations causées à l’environnement et empêcher les catastrophes naturelles. Le secteur privé ne pouvant pas se charger à lui seul de la création de ces emplois, le secteur public doit par conséquent jouer un rôle important. Le rapport préconise des investissements dans un large éventail de domaines tels que la protection sociale, la transition juste, les infrastructures et la formation, mais ne donne la priorité qu’aux incitations à l’investissement dans les entreprises. Il ne se préoccupe nullement des preuves largement répandues démontrant que la qualité et l’efficacité des services dépendent profondément de la manière dont ils sont fournis. Certains services, tels que les soins de santé, les retraites et l’assurance chômage, sont simplement meilleurs et moins coûteux lorsqu’ils sont fournis par le secteur public. Il est donc tout bonnement illogique de demander davantage d’incitations pour les entreprises. Le rapport souligne également les avantages considérables que procurerait à ces dernières un éventail plus large d’investissements, tout en ignorant totalement l’obligation de contribution des employeurs, dans l’esprit du dialogue social et du tripartisme. En revanche, il demande à maintes reprises que les gouvernements se chargent de trouver les fonds pour subvenir aux besoins de base des travailleurs, au lieu d’adapter leurs salaires, et qu’ils encouragent financièrement les entreprises à investir. De telles exigences nécessitent que les gouvernements génèrent des recettes. Les entreprises devraient être tenues de contribuer à ces demandes en s’acquittant d’un niveau équitable d’impôt sur leurs activités mondiales afin que le fardeau ne retombe pas une fois de plus sur les épaules des travailleurs et des consommateurs qui peuvent le moins se le permettre. Le rapport ne mentionne pas non plus la forme de financement la plus évidente, à savoir l’impôt sur la fortune, demandée par l’OCDE, entre autres. Il est obscène que les gouvernements doivent accorder, sous forme d’« incitations », davantage de fonds aux sociétés et individus les plus riches afin que ceux-ci participent, à hauteur d’une fraction de leur immense et croissante richesse, à un système économique et social qui facilite l’accumulation de cette richesse. Il est regrettable que la Commission cherche à normaliser cette pratique. La demande de « neutralité du Web »1 brille également par son absence. Plus d’1,2 million d’utilisateurs et utilisatrices d’Internet vivent en effet dans des pays où cette neutralité n’est 1

Il s'agit du principe selon lequel les prestataires de service Internet doivent traiter l’ensemble des communications Internet de manière égale et ne pas discriminer ou facturer différemment en fonction de l’utilisateur ou de l’utilisatrice, du contenu, du site Web, de la plateforme, de l’application, du type d’équipement ou de la méthode de communication.

DOCUMENT DE TRAVAIL

pas protégée, et plus d’1,5 milliard de personnes vivent dans des pays n'ayant pas mis en place de loi exhaustive relative à la protection des données personnelles. Internet étant l’infrastructure sur laquelle s’opère la nouvelle révolution technologique, un accès équitable revêt une importance cruciale. La Commission a également laissé de côté l’analyse de l’impact futur de la technologie sur les droits syndicaux, et notamment sur le droit de grève. La diminution des interactions en face à face mettra d’abord à l’épreuve la capacité des travailleurs à se syndicaliser et rendra plus difficile (voire impossible) la perturbation Lorsqu’on leur demandait quels de la fourniture et de la prestation de services. Par conséquent, la étaient les facteurs qu’ils percevaient comme question de savoir quel sera l’impact de cet avenir automatisé sur ces désavantageux pour les droits doit être abordée dès à présent, car il ne s’agit pas de candidats et candidates à un déterminer si la mise en place de ces technologies affectera ou non emploi, plus de la moitié des les droits syndicaux, mais à quel point elle les bouleversera. répondants et répondantes estimaient que l’âge d’un

D’autres points de vue nécessitent une analyse plus approfondie. Par candidat ou d’une candidate (s’il était supérieur à 55 ans) exemple, un accent particulier est mis sur l’« apprentissage tout au constituait un inconvénient, long de la vie », que la Commission considère comme la « pierre suivi par son allure, sa manière angulaire d’un contrat social revitalisé ». D’autres éléments ne sont de s’habiller ou sa présentation, toutefois pas considérés avec soin, comme les stéréotypes courants par sa couleur de peau ou son qui entourent l’éducation tardive ou les changements de profession, origine ethnique, par la présence d’un handicap, par les problèmes relatifs à la « certification » (l’« université YouTube » son apparence physique ne suffit généralement pas), ou les travailleurs surqualifiés qui générale (taille, poids, visage), n’obtiennent pas d’emploi de toute façon. Et, surtout, qui en par sa manière de parler, par supportera le coût en l’absence d’un système de taxation approprié ? son genre, par son nom, par Il est possible que les compétences telles que nous les connaissons son âge si le candidat ou la ne remplissent plus leur fonction à l’avenir. Il nous faut une nouvelle candidate avait moins de 30 ans, et par son adresse approche qui permette aux personnes (i) d’évoluer au même rythme (Eurobaromètre, 2015). que le marché du travail et (ii) de continuer à en tirer un revenu adéquat. Si l’on considère que, d’ici 2030, les pays devront engager 69 millions d’enseignants et enseignantes, il est essentiel d’avoir une éducation publique de qualité afin de garantir que les travailleurs de demain acquièrent les connaissances, les compétences et les talents dont ils-elles auront besoin pour travailler dans les secteurs public et privé du XXIe siècle. La « maîtrise du temps » est un concept intéressant mais semble contraster fortement, voire contredire, l’éthique « moderne » du travail, ou la notion prédominante actuelle selon laquelle travailler plus dur permettrait de résoudre tous les problèmes. Plutôt que de rechercher du temps libre, les personnes à très faible revenu cherchent souvent à travailler davantage, à trouver un emploi différent ou un travail supplémentaire. Voici donc quelques points de discussion généraux : •

Et si l’on parlait des « droits des personnes » et non (uniquement) des « droits des travailleurs » ? Cette dernière tournure conforte en effet un modèle de protection sociale à deux vitesses qui offre une certaine protection de base aux travailleurs, mais une moindre (voire aucune) protection aux populations plus marginalisées. Il nous faut plutôt

DOCUMENT DE TRAVAIL

de nouveaux moyens de garantir que les protections et avantages sociaux universels soient publics et accessibles à tous. Pour ce faire, ne faudrait-il pas envisager de dissocier la protection sociale de l’emploi ? •

Pour de nombreuses personnes, avoir un travail ne constitue plus une source de revenus suffisante. Pour d’autres, également nombreuses, il est impossible de gagner sa vie sans exercer une activité. Nous devons redynamiser le rôle du travail au sein de la société en tant que fondement d’une vie décente et durable pour tous et toutes, et en tant que moyen de sortir de la pauvreté.



La soi-disant « économie des plateformes » ou des « plateformes numériques de mise en relation avec la main-d’œuvre » a créé, entre autres, une situation dans laquelle l’incapacité des travailleurs à se reconnaître et à communiquer entre eux entrave réellement la réalisation de leurs droits, tels que la liberté syndicale ou la négociation collective. Le fait que ces plateformes reposent sur des logiciels et algorithmes propriétaires, ou sur l’absence d’un lieu physique de travail, ne devrait pas servir d’excuse à la suppression ou à la réduction des droits des travailleurs. Les solutions qui exigent des employeurs qu’ils fournissent les moyens et les informations permettant aux travailleurs d’exercer effectivement ces droits doivent constituer une priorité absolue pour les organes principaux de l’OIT. Se contenter de moins reviendrait à bafouer les normes de l’Organisation. Par exemple, les droits garantis par la Convention n° 135 de l’OIT devraient être interprétés de manière à permettre la reconnaissance d’un espace virtuel où les travailleurs peuvent communiquer et se syndicaliser au sein des plateformes, et où leurs représentants et représentantes peuvent exercer leurs fonctions et activités.



Les données devraient être traitées comme un bien public. Il nous faut garder à l’esprit qu’une grande partie des données utilisées par les plateformes et les algorithmes ont été créées par nous tous et toutes, tout comme l’infrastructure sous-jacente sur laquelle reposent toutes ces entreprises (par l’intermédiaire des taxes qui ont rendu Internet possible).

Certaines questions existentielles se posent également en ce qui concerne l’avenir de l’OIT et sa capacité à mettre en œuvre les recommandations ambitieuses formulées par la Commission. On peut se demander par exemple : •

Si l’OIT est en mesure de mettre en application les Conventions et Recommandations actuelles en vue de garantir le respect des normes du travail dans les emplois créés par le biais des « plateformes numériques de mise en relation avec la main-d’œuvre ».



Si les mécanismes de contrôle de l’OIT joueront un rôle prépondérant dans le contrôle, la clarification et la mise en application des règles régissant la révolution industrielle numérique, à l'heure où les gouvernements et les employeurs font pression pour modifier ces mécanismes (en allongeant la fréquence des contrôles de normes, en diminuant le champ d’application/d’interprétation des normes – en leur faisant perdre du terrain, en somme –, alors que nous avons réellement besoin de règles contraignantes qui garantissent le respect des normes internationales du travail) ;

DOCUMENT DE TRAVAIL



Si l’OIT aura la capacité d’agir tout en préservant son indépendance et son intégrité, alors que les financements octroyés par des donneurs traditionnels (les Etats membres de l’OIT) sont réduits et que des acteurs du secteur privé et des multinationales y ont vu une opportunité de s’immiscer et d’occuper un nouvel espace. Comment l’OIT pourra-t-elle éviter que de tels partenariats ne servent pas à blanchir la réputation de certaines sociétés au bilan médiocre en matière de respect des droits humains et des droits des travailleurs ? Et comment éviter que le rôle de l’OIT ne soit relégué à celui de simple spectatrice d’un système bilatéral ?



Si l’OIT serait en mesure de promouvoir le rôle du travail en coordination avec le système de l’ONU et des autres organisations intergouvernementales, et au sein de ce dernier, tout en s’imposant en tant que seule institution d’autorité dans le domaine du travail. Pour que l’OIT réussisse à jouer un rôle pertinent dans le façonnement de l’avenir du travail, il est essentiel de trouver des mécanismes qui empêcheront des institutions telles que la Banque mondiale, l’OMC, le FMI ou l’OCDE de dicter les politiques du travail et de ravir à l’OIT sa fonction légitime.

L’OIT a joué un rôle fondamental au cours du XXe siècle et amélioré la vie des travailleurs, mais aussi des personnes en général. Si elle souhaite poursuivre sur cette voie au XXI e siècle, il lui faudra renforcer et améliorer son mandat et ne pas avoir peur d’aborder les problèmes qui comptent vraiment. Comme elle l’affirmait il y a 100 ans, « la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays ». Travailler à atteindre cet objectif et à bâtir un avenir du travail qui assure la dignité et la décence pour tous et toutes en vaut encore la peine.