thèse - Université de Bordeaux

16 nov. 2011 - developed a simple and novel experimental design to examine object ...... and reliability of hippocampal CA1 neurons: effects of visual input.
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N° d’ordre :

THÈSE PRÉSENTÉE A

L’UNIVERSITÉ BORDEAUX 1 ÉCOLE DOCTORALE DES SCIENCES de la Vie et de la Santé

Par Aude Retailleau

POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR SPÉCIALITÉ : Neurosciences

Activités normales et pathologiques du réseau hippocampique chez le rat : implication des systèmes monoaminergiques

Soutenue le : 2 décembre 2011 Devant la commission d’examen formée de : M. Dominique Guehl

Professeur des Universités - Praticien Hospitalier Université Victor Segalen Bordeaux 2

Président

M. Stéphane Charpier

Professeur des Universités Université Pierre et Marie Curie Paris 6

Rapporteur

M. Michael Zugaro

Chargé de recherche Collège de France

Rapporteur

M. Xavier Leinekugel

Chargé de recherche Université Victor Segalen Bordeaux 2

Directeur de thèse

Université Bordeaux 1 Les Sciences et les Technologies au service de l’Homme et de l’environnement

" Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet" Georges Courteline

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Remerciements

L’ensemble de ces travaux a été réalisé au sein de l’Institut des Maladies Neurodégénératives (UMR 5293), anciennement Centre de Neurosciences Intégratives et Cognitives (UMR 5228) en collaboration avec l’ancien laboratoire Mouvements Adaptation Cognition (UMR 5227) de l’université Victor Segalen, Bordeaux 2. Je tiens tout d’abord à remercier mon Directeur de thèse, Xavier Leinekugel pour m’avoir permis de mener les choses comme je l'entendais durant ces 3 années. Je remercie également l’ensemble des membres de mon jury de thèse : Michael Zugaro et Stéphane Charpier de l’intérêt qu’ils ont bien voulu accorder à mon travail. Et un merci particulier à Dominique Guehl, qui a accepté de présider mon jury alors qu'il avait déjà subi l'exposé de mes travaux lors de ma mithèse. Je remercie successivement Georges di Scala et Erwan Bézard, pour m'avoir accueillie dans leur laboratoire. Et je tiens à témoigner tous mes regrets à Erwan Bézard pour ma jolie prose "mailistique". Mes remerciements s’adressent au Dr Abdelhamid Benazzouz qui m’a soutenu dans les moments difficiles et m’a permis de continuer ma thèse dans son équipe. Il a également su me donner le goût de la recherche et de la paillasse lors de ma première expérience en laboratoire. Je tiens à remercier le Dr Thomas Boraud pour avoir cru en moi (c'était bien le seul), pour sa patience à toute épreuve, ses pertinents conseils, ses réflexions intenses derrière l'imprimante aboutissant quelques fois aux équations du monde, sa diplomatie, ses diagnostics immanquables de TDAH et les bons moments passés aux « bières et journal club » qui, il faut bien le reconnaître, ont plus souvent abouti à des bières qu’à des « journal club ». Je souhaiterais remercier tous les membres passés et présents de la "BG team" : Christian Gross, André Garenne, Liliana Garcia, Anne Taupignon, Rachida Amari, François Gonon, Julien Dupuis, Martin Guthrie, Steeve Laquitaine, Cristina Miguelez. Un merci particulier pour Jérôme Baufreton pour sa qualité d'encadrement lors de mon Master 2 et pour m'avoir appris les joies de "l'aspiration" in vitro et pour PDD pour m'avoir enseigné les rudiments de l'HPLC. Je remercie tout particulièrement le Dr Claire Delaville, notre maman à tous, qui en plus de faire ses manip trouve le temps d'aider tout le monde ! Je n'oublierais jamais ton aide et tes conseils précieux lors de mon retour dans la rotule. Mes remerciements vont également à tous mes collègues de Bordeaux 1 : Oussama, Yves, Malorie, Delphine TTY, Laurent, Nadia, Fabien et Pascal. Sans oublier les gens du "no mans land" du 2ème étage : les M&M's et Rodolphe. Un merci aux gens de passage au labo qui m'ont fait passer de bons moments (à l'insu de leur plein gré pour certains) : Jonathan Zapata, Mark Janssen, Léa, Coralie, Pamphyle, Hanane, Safa, Sarah, Omar. Merci à Jérémy, le plus social et sympathique des geeks, pour ses délicieux cookies ! Un merci à Emilie Syed pour ses théories mystiques, sa joie de vivre, ses troubles de l'attention qui font tout son charme. Surtout ne change rien ! Merci pour les débats invraisemblables pendant les repas du midi avec Steeve, le plus japonais des guadeloupéens. 3

Je remercie Mélanie Lagière pour illuminer mes journées de son sourire et de ses expressions venues d'ailleurs, enfin des Landes. Et non Mélanie "quand toi" ça ne se dit pas. Un merci à Madame Bérangère et ses coups de gueules, Sylvia pour faire grimper mon taux de cortisol tous les matins et Stéphanie Morin pour sa joie de vivre communicative. Je remercie aussi Loïc pour être presque de la même taille que moi! mais surtout pour sa gentillesse et son soutien et un peu pour ses soirées pièges "on prend juste un dernier verre !". Azzedine pour sa politesse exagérée et ses plans foireux. Un grand merci à Cyril Déjean pour m'avoir enseigné l'implantation d'électrodes dans les règles de l'art et pour son subtil manque de tact parfois. T'inquiète pas, je ne t'en veux pas ! Un énorme merci à mes petits embryons, Emilie Faggiani et Benjamin Fourneaux pour m'avoir supporté durant les manips de comportement .... il en fallait du courage. Laura Cardoit et Sandra Dovero pour leur aide précieuse en histologie pour la cancre que je suis. Un merci à notre gestionnaire Ourida Gaucher qui m'a donné le statut de gestudiante. XLAB et Jefyco sont devenus mes meilleurs amis .... ou pas ! Merci aux Thomas' angels alias Camille Piron et Stéphanie Etienne. Merci Camille d'être "une fille formidable qui ira loin" et ça j'en suis persuadée. Merci pour tes cheveux roux qui sentent bons (phénomène assez étrange pour être souligné), ta passion pas du tout communicative pour les animaux (chien, cheval, singe et ... oiseaux chanteurs), un grand merci pour avoir parfait mes connaissances en montage de meubles IKEA et pour tes TIC verbaux (pardi, dia, woh e....é). Plus sérieusement, je te remercie pour ta franchise, ta bonne humeur et ton soutien durant ma dernière année de thèse. Un merci à Stéphanie pour son incroyable diplomatie, je vais prendre exemple sur toi. Merci pour des réparties improbables et pour gueuler presque aussi fort que moi de temps en temps ! Je n'oublierai pas les premières années où tout à commencé, un grand merci à Juan-Juan Frikeke et Hélène "petits pieds carrés" Sellier pour les bons moments passés en TP, le FACS, les Falcon, les vacances à St Brévin, le CSLA, le champagne dans les verres à moutarde, la pizza chorizo, les brownies .... Allez le SCO ! Et qui aurait imaginé un jour qu'on serait toutes docteurs (pas moi en tout cas) ! Un immense merci à Emilie Rouxel. Le road trip à la Thelma et Louise s'est terminé devant un appareil à raclette en novembre 2006 mais tu n'as rien perdu à arrêter et moi j'ai tout gagner. Entre les mojitos improbables de la Bodega et les queues de cerises, que demander de mieux ! En tout cas, ça fait plaisir d'avoir une personne qui vient du nord et qui comprend ce que veux dire pain au chocolat et crayon de bois !! Amandine Minni, ma copine de galère de thèse. Ces 3 années n'auraient pas eu la même saveur si tu n'avais pas été là. Merci pour avoir toujours répondu présente à chaque moment (les plus drôles et surtout les moins drôles, c'est à ça qu'on voit ses vrais amis). Je n'oublierais jamais notre rencontre fortuite aux partiels de M1 qui nous a conduit à cette belle amitié, nos innombrables soirées à la cale sèche (du temps où on était pas encore des mamies), la faille spatio-temporelle du 5 place Duburg qui nous fait très mal le lendemain. Et si on se refaisait 3 années de thèse ? Je remercie Till pour m'avoir soutenue jusqu'au bout et pour sa croyance exagérée en mes compétences, pour avoir supporter sans broncher mes "légers" et "occasionnels" accès de colère, gérer mes célèbres "j'ai la looooose, tout s'acharne contre moi" dans les moments où rien ne va plus. 4

Et le meilleur pour la fin : je remercie le Dr Jonathan Chetrit alias mon mentor. Tu as su me donner ton envie pour la recherche lors de mon stage de Master 1. Je n'oublierai jamais la grille de barbecue, la conspiration des rats lésés GP qui voulaient nous supprimés, ton petit canif à la Jon McChet et surtout tes problèmes digestifs légendaires qui ont émaillé nos journées dans la rotule. En tout cas, ta bonne humeur quotidienne a fait place à un grand vide après ton départ pour Sheffield. Pour te témoigner toute ma reconnaissance, je pars en post-doc dans le pays de tes ancêtres et moi aussi je pourrais dire que je fais Shabbat tous les vendredis soirs !! Et j'allais oublier, je remercie le Vach'et nous qui m'aura fait prendre 3kgs malgré les tisanes Ligne Svelte de Piron.

Comme disait Flaubert : "il faut de chaque malheur tirer une leçon et rebondir après les chutes". Vous avez contribué chacun à votre manière à mon rebondissement et je vous remercie sincèrement d'avoir rendu ces trois années de thèse remarquables aussi bien sur le plan scientifique qu'humain. Je ne vous laisserais peut être pas un souvenir impérissable (sûrement le souvenir d'une "grumpy" Aude que je revendique haut et fort) mais sachez que vous resterez toujours pour moi des gens inoubliables.

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Résumé

Les représentations mentales, en particulier les représentations spatiales, sont étroitement associées à l'activation coordonnée de groupes de cellules dans l'hippocampe. Nous avons entrepris l'étude des propriétés et activités spontanées du réseau hippocampique afin de mieux en comprendre le fonctionnement, dans les situations normales et pathologiques. En effet, certaines pathologies neurodégénératives telle que la maladie de Parkinson semblent également associées à des troubles cognitifs hippocampo-dépendants. Après avoir caractérisé la dynamique temporelle des signaux excitateurs et inhibiteurs spontanés, nous avons étudié les altérations fonctionnelles du circuit hippocampique dans un modèle de la maladie de Parkinson chez le rat. Pour cela, nous avons utilisé des approches comportementales et électrophysiologiques. Nous avons ainsi pu mettre en évidence des dysfonctionnements hippocampiques causés par des lésions contrôlées des différents systèmes monoaminergiques impliqués dans la maladie de Parkinson.

Abstract

Mental representations, especially spatial ones are closely related to correlated activity in cellular assembly in the hippocampus. In this work, we analyzed the properties and the spontaneous activity of the hippocampal network in order to unravel its functioning in normal and pathological conditions. Several neurodegenerative disorders such as Parkinson's disease seems to be also associated to cognitive disorder related to hippocampus dysfunction. We first characterized the temporal dynamic properties of spontaneous excitatory and inhibitory signal. We then studied the functional alteration of the hippocampal network in a rat model of Parkinson's disease using behavioral and electrophysiological investigations. Our work showed that controlled lesion of the various monoaminergic systems induced hippocampus dysfunction related to spatial disorientation.

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Productions scientifiques

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Publications dans des revues à comité de lecture Retailleau A., Etienne S., Guthrie M., Boraud T. Where is my reward and how do I get it? Interaction between the hippocampus and the basal ganglia during spatial learning. Journal of Physiology Paris, sous presse. Retailleau A., Delaville C., Faggiani E., De Deurwaedère P., Abrous N., Leinekugel X., Benazzouz A. Involvement of monoamines deficiency in spatial learning: behavioral, biochemical and electrophysiological studies in 6-hydroxydopamine rat model of parkinsonism. En préparation. Retailleau A., Dejean C., Leinekugel X., Boraud T. Why am I lost without dopamine? Effects of 6OHDA lesion on the encoding of reward and decision process in CA3. En préparation. Retailleau A.* & Beyeler A. *, Molter C., Mehidi A., Allanore A., Szabadics J., Leinnekugel X. GABAergic inhibition and the temporal organization of spike discharge in hippocampal CA3 recurrent network. En préparation. Baufreton J., Fan K.Y., Morin S., Retailleau A., Kirkham E., Quintana R.E., Savio Chan C., James Surmeier D., Bevan M. Proliferation of globus pallidus-subthalamic nucleus synaptic connections in a model of Parkinson’s disease. Soumis.

Communications affichées Retailleau A., Allanore A., Jean-Charles G., O’Neill J., Hirase H., Leinekugel X. GABAergic inhibition and temporal organization of spike discharge in the hippocampal CA3 recurrent network. Journée de l'école doctorale, 28 avril 2010, Arcachon, France. Retailleau A., Leinekugel X, Delaville C., De Deurwaerdère P., Abrous N and Benazzouz A. Involvement of dopamine deficiency in memory disorders: behavioral, biochemical and electrophysiological studies in 6th hydroxydopamine rat model of parkinsonism.International Basal Ganglia Society, 20-24 June 2010, Long Branch, NJ, USA. Retailleau A., Dejean C., Koulchitsky S., Leinekugel X., Boraud T. Effect of dopamine depletion on the building of cognitive maps : a pilot radiotelemetric approach in the rodent.40th annual meeting of the Society for Neurosciences, San Diego, CA, USA, 13-17th November 2010. Retailleau A., Dejean C., Leinekugel X., Boraud T. Effect of dopamine depletion on the building of cognitive maps : a pilot radiotelemetric approach in the rodent. Journée de l'école doctorale, 7 avril 2011, Arcachon, France. Retailleau A., Fourneaux B., Dejean C., Leinekugel X., Boraud T. Effect of dopamine depletion on the building of cognitive maps : a pilot radiotelemetric approach in the rodent. 10éme colloque de la société de neurosciences française des neurosciences, 25-27 Mai 2011, Marseille, France. Retailleau A., Fourneaux B., Leinekugel X., Dejean C., Boraud T. Is dopamine in the hippocampus a key factor in the building of cognitive maps? Pharmacological and electrophysiological approach in the rodent. 41st annual meeting of the Society for Neurosciences, Washington, DC, USA, 12-16th November 2011. Fan K., Baufreton J., Morin S., Retailleau A., Kirkham E., Bevan M.D. Chronic depletion of dopamine increases the functional connectivity of the globus pallidus-subthalamic nucleus pathway. 41st annual meeting of the Society for Neurosciences, Washington, DC, USA, 12-16th November 2011.

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Sommaire Liste des abréviations ........................................................................................................................... 12 Introduction......................................................................................................................................... 14 1. Apprentissage et mémoire spatiale ................................................................................................... 14 1.1. Perception de l'espace ......................................................................................................................... 14 1.2. Stratégies d'orientation........................................................................................................................ 14 1.3. Représentation de l'espace .................................................................................................................. 16 1.4. Importance de la géométrie de l'espace .............................................................................................. 17 1.5. La connectivité de l'espace .................................................................................................................. 17 1.6. Mesure de la mémoire spatiale .......................................................................................................... 18 1.6.1. Le labyrinthe en T ou Y ................................................................................................................. 18 1.6.2. Le labyrinthe radial ....................................................................................................................... 19 1.6.3. Le labyrinthe circulaire de Barnes ................................................................................................ 19 1.6.4. La piscine de Morris ...................................................................................................................... 20 2. Bases anatomiques de la mémoire spatiale ....................................................................................... 22 2.1. La région hippocampique ..................................................................................................................... 22 2.1.1. Définition ...................................................................................................................................... 22 2.1.2. La formation hippocampique ....................................................................................................... 24 2.1.3. Région CA3, codage et mémoire .................................................................................................. 33 2.2. La région parahippocampique ............................................................................................................. 34 2.2.1. Le cortex entorhinal ...................................................................................................................... 34 2.2.2. Les cortex perirhinal (PER) et postrhinal (POR) ............................................................................ 36 2.4. Autres régions corticales impliquées dans la mémoire spatiale .......................................................... 37 2.4.1. Le cortex pariétal .......................................................................................................................... 37 2.4.2. Le cortex préfrontal ...................................................................................................................... 38 2.5. Structure sous-corticale impliquée dans la mémoire spatiale : le striatum ........................................ 39 3. Bases électrophysiologiques de la mémoire spatiale ......................................................................... 40 3.1. Généralités ........................................................................................................................................... 40 3.2. Les cellules de lieux .............................................................................................................................. 42 3.2.1. Propriétés...................................................................................................................................... 42 3.2.2. Distribution et forme des champs d'activité ................................................................................ 45 3.2.3. Contrôles sensoriels des cellules de lieu ...................................................................................... 45 3.3. Activités rythmiques synchrones de l'hippocampe ............................................................................. 48 3.3.1. Le rythme thêta ............................................................................................................................ 48 3.3.2. Sharp waves et ripples .................................................................................................................. 50 9

3.3.3. Rythmes Béta et Gamma .............................................................................................................. 51 3.4. Les potentiels post-synaptiques inhibiteurs (IPSPs) dans l'hippocampe ............................................. 52 4. Mémoire spatiale et flexibilité des cellules de lieu ............................................................................. 52 4.1. La potentialisation à long terme (PLT) ................................................................................................. 52 4.2. La PLT, un modèle de plasticité impliqué dans les processus mnésiques ........................................... 53 4.3. Existe-il un lien entre PLT et mémoire spatiale ? ................................................................................. 54 4.3.1. PLT et mémoire spatiale ............................................................................................................... 54 4.3.2. PLT et cellules de lieu .................................................................................................................... 55 5. Systèmes monoaminergiques et mémoire spatiale ............................................................................ 56 5.1. Système dopaminergique .................................................................................................................... 56 5.1.1. Généralités .................................................................................................................................... 56 5.1.2. Rôle dans l’apprentissage spatial.................................................................................................. 58 5.2. Système noradrénergique .................................................................................................................... 58 5.2.1. Généralités .................................................................................................................................... 58 5.2.2. Rôle dans l’apprentissage spatial.................................................................................................. 59 5.3. Système sérotoninergique ................................................................................................................... 60 5.3.1. Généralités .................................................................................................................................... 60 5.3.2. Rôle dans l’apprentissage spatial.................................................................................................. 61 6. Exemple de pathologie monoaminergique : la maladie de Parkinson ................................................. 62 6.1. Généralités ........................................................................................................................................... 62 6.2. Organisation anatomo-fonctionnelle des ganglions de la base ........................................................... 63 6.3. Symptômes moteurs et non moteurs .................................................................................................. 64 6.3.1. Symptômes moteurs ..................................................................................................................... 64 6.3.2. Symptômes non-moteurs ............................................................................................................. 65 6.4. Monoamines et maladie de Parkinson................................................................................................. 65 6.4.1. Dopamine...................................................................................................................................... 65 6.4.2. Noradrénaline ............................................................................................................................... 66 6.4.3. Sérotonine .................................................................................................................................... 67 6.4.4. Interactions entre les trois systèmes monoaminergiques ........................................................... 68 Partie 1 ................................................................................................................................................ 72 Inhibition GABAergique et organisation temporelle de la décharge neuronale dans le circuit récurrent de CA3...................................................................................................................................................... 72 1. Résumé et résultats principaux ............................................................................................................... 72 2. Article 1 : GABAergic inhibition and the temporal organization of spike dischage in the hippocampal CA3 recurrent network. .............................................................................................................................. 73 3. Conclusion et perspectives de la partie 1 ............................................................................................... 94 Partie 2 ................................................................................................................................................ 96 10

1. Impact des déplétions monoaminergiques sur l'apprentissage et la mémoire spatiale ainsi que sur l'activité des neurones de la région CA1 dans le contexte de la maladie de Parkinson. ........................... 96 1.1. Résumé et résultats principaux ............................................................................................................ 96 1.2. Article 2: Involvement of monoamines deficiency in spatial learning: behavioral and electrophysiological studies in 6-hydroxydopamine rat model of parkinsonism (en préparation). .......... 98 2. Rôle de la dopamine dans l'apprentissage spatial et dans la construction des cartes cognitives dans CA3.................................................................................................................................................... 125 2.1. Résumé et résultats principaux .......................................................................................................... 125 2.2. Article 3: Why am I lost without dopamine? Effects of 6-OHDA lesion on the encoding of reward and decision process in CA3 (en préparation). ................................................................................................ 126 3. Conclusions et perspectives de la partie 2 ....................................................................................... 149 3.1. Discussion et perspectives générales................................................................................................. 149 3.2. Interactions entre l'hippocampe et les ganglions de la base lors de l'apprentissage spatial ............ 152 Article 4 : Where is my reward and how do I get it ? Interaction between the hippocampus and the basal ganglia during spatial learning (sous presse, Journal of Physiology Paris). .............................................. 152 Publication annexe............................................................................................................................. 178 Proliferation of globus pallidus-subthalamic nucleus synaptic connections in a model of Parkinson’s disease (soumis)................................................................................................................................. 178 Bibliographie ..................................................................................................................................... 193

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Liste des abréviations

5,7-DHT : 5,7-dihydroxytryptamine 5-HIAA : acide-5-hydroxyindolacétique 5-HT : sérotonine 5-HT1 à 5-HT7 : récepteurs sérotoninergiques 6-OHDA : 6-hydroxydopamine CB : calbindine CCK : cholécystoquinine COMT : catéchol-O-méthyl transférase CR : calrétinine D1 : récepteurs dopaminergiques de type 1 D2 : récepteurs dopaminergiques de type 2 DA : dopamine DBH : dopamine beta-hydroxylase DCAA : décarboxylase des acides aminés aromatiques DG : gyrus denté EC (=CE) : cortex entorhinal EEG : électroencéphalogramme GPe : Globus pallidus externe GPi : globus pallidus interne LC : locus coeruleus LEA (=LEC=CEL) : cortex entorhinal lateral LIA : large irregular amplitude activity MEA (=MEC=CEM): cortex entorhinal median MP : maladie de Parkinson MSN : medium spiny neurons NA : noradrénaline NMDA : N-méthyl-D-aspartate NR1 : sous unité 1 des récepteurs NMDA NR2 : sous unité 2 des récepteurs NMDA PA : potential d’action pCPA : para-chlorophenylalanine PER (=PR) : cortex périrhinal PLT : potentialisation à long terme POR : cortex postrhinal PV : parvalbumine RD : raphé dorsal SIA : small irregular amplitude activity SM : somatostatine SNc : substance noire pars compacta SNr : substance noire pars reticulata TEP : tomographie par émission de positron VIP : peptide vasoactif intestinal 12

Introduction

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Introduction 1. Apprentissage et mémoire spatiale 1.1. Perception de l'espace La cognition spatiale concerne l’ensemble des processus qui permettent aux animaux d’acquérir, de traiter, de mémoriser et d’utiliser des informations spatiales pour effectuer des déplacements orientés. Les animaux perçoivent l’espace et en extraient des informations pertinentes pour les comportements spatiaux en utilisant deux types d’informations sensorielles : les informations externes fournies par l’environnement (informations allothétiques) et les informations internes fournies par les déplacements propres de l’animal (informations idiothétiques). Les informations allothétiques sont principalement de nature visuelle, auditive, olfactive et tactile, tandis que les informations idiothétiques proviennent des systèmes vestibulaires (système sensoriel principal de la perception du mouvement et de l'orientation par rapport à la verticale), somatosensoriels (qui collecte toutes les informations sensorielles provenant du corps) et proprioceptifs (qui est un ensemble des capteurs, voies et centres nerveux concourant à informer le système nerveux central de la position réciproque des parties du corps) . La vision est une modalité fondamentale pour la perception des informations spatiales et la plupart des modèles comportementaux de l’orientation utilisés exploitent les capacités des animaux à discriminer des repères visuels présents dans l’environnement. Les informations olfactives et dans une moindre mesure les informations auditives peuvent jouer un rôle, mais ce rôle semble limité. En revanche, ces informations (en particulier olfactives) pourraient renforcer et corroborer les informations visuelles. L’animal serait ainsi capable de détecter des conflits entre les différentes sources d’information qui peuvent survenir lors de changements de l’environnement (pour revue voir Lavenex & Schenk, 1995).

1.2. Stratégies d'orientation Il existe de nombreuses stratégies d'orientation. Parmi les plus simples, l'animal peut utiliser des repères directement associés au but ou la perception du but lui-même (stratégie de guidage visuel) pour se rendre d'un point à un autre. Il peut aussi parcourir des chemins fixes, déterminés par la mémorisation d’une séquence de réponses stéréotypées qui résultent de l’association d’un événement perceptif (l’apparition d'un repère) avec un événement moteur (tourner sur la droite). Ces différentes stratégies, qui reposent sur des règles simples, sont peu flexibles et confèrent à l’animal une capacité d’adaptation relativement limitée. Elles ne semblent utilisées de façon 14

prépondérante que dans certaines conditions, par exemple lorsque l'environnement est pauvre en repères spatiaux, ou encore lors de phases spécifiques de l'apprentissage. Une stratégie d'orientation différente permet à l'animal d'effectuer des trajectoires directes vers certains lieux importants de son environnement (par exemple son gîte) en l’absence d’information environnementale (pour revue voir Biegler et al., 2000). Ce comportement, dit d’intégration des trajets, repose sur l’utilisation des informations inhérentes aux mouvements propres de l’animal. Ainsi, l’intégration des signaux vestibulaires, résultant des accélérations angulaires et linéaires effectuées au cours du déplacement, permet à l’animal de connaître, à tout instant, la direction et la distance de son point de départ. Un vecteur pointant sur l'origine du déplacement est mis à jour de façon continue. L’animal est alors capable de retourner en ligne droite vers son gîte après avoir effectué un trajet aller sinueux. Ce système a plusieurs avantages. En particulier, il limite considérablement la quantité d'informations dont doit disposer l'animal pour un retour efficace à son gîte. Il présente cependant l'inconvénient majeur d'être très sensible aux erreurs de calcul. Ces erreurs sont cumulatives et aboutissent, lors de déplacements importants, à ce que les informations de distance et de direction soient inutilisables. De ce fait, ce système d'orientation n'est utilisé que dans des circonstances particulières, comme la toute première investigation d'un environnement nouveau ou lors des déplacements en l'absence de toute information visuelle (par exemple, dans l'obscurité). Tous ces comportements spatiaux peuvent être étudiés dans différents systèmes de coordonnées (Figure 1). Ces systèmes sont utilisés pour définir les positions des individus évoluant dans un espace donné. On distingue deux grands systèmes de coordonnées tridimensionnels, les référentiels égocentrique et allocentrique (Benhamou & Poucet, 1998). Dans un référentiel égocentrique, la position d’un objet de l’environnement (par exemple, un but à atteindre pour obtenir de la nourriture) est codée dans un système de coordonnées dont le centre est l’animal (axe corps-tête). Chez les primates, il y a plusieurs cadres de référence égocentriques en fonction de l’effecteur considéré (l’œil, la tête, la main, etc.) ce qui présuppose qu’il existe des mécanismes d’intégration entre ces multiples cadres de référence pour établir le référentiel global de l’organisme (Stein, 1989). Dans un référentiel allocentrique, un objet est codé dans un système de référence extérieur à l'animal, c'est-à-dire fourni par l’environnement.

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Figure 1. Référentiels égocentriques et allocentriques. Un rat est vu ici entouré de trois objets. Si l’on décrit la position des objets par rapport au rat, on utilise un référentiel égocentrique. En revanche, si l’on décrit la position des objets ou du rat par rapport aux autres, on utilise un référentiel allocentrique.

1.3. Représentation de l'espace L'observation du comportement dans certaines tâches suggère fortement qu’il existe une forme de représentation de l'espace chez l'animal. Par exemple, un rat est capable de localiser un lieu non directement perceptible en utilisant l’ensemble des repères disponibles dans la pièce d’expérience et ce, quel que soit son point de départ (Morris, 1981). L'animal ne pouvant utiliser un repère associé au but ou reproduire une trajectoire stéréotypée, il est difficile d’interpréter sa performance sans faire l’hypothèse de l'existence d'une représentation spatiale au sein de laquelle seraient codées la structure de l'environnement et les positions de certains lieux. Ce concept a été popularisé sous le terme de "carte cognitive". Historiquement, les cartes cognitives sont définies comme des représentations allocentriques (indépendantes de la position de l'animal) de l'environnement (Tolman, 1948). Ces cartes conserveraient les informations concernant les relations spatiales entre les différents lieux, ce qui suppose l'existence d'un système de coordonnées, ou référentiel, permettant la localisation de points particuliers dans l'environnement. Cette hypothèse a connu bien des difficultés avant d'être acceptée. Elle est le fruit d'une lente maturation et de nombreux affrontements théoriques entre les partisans des positions "behavioristes" qui considéraient l'organisme comme une machine à établir des relations stimulus-réponse (S-R), et les partisans de la position « cognitiviste » qui considéraient l'organisme comme capable d'établir une représentation de son environnement. Bien qu'il reste encore de nombreuses interrogations sur leur nature, les cartes cognitives permettraient à l’animal de se détacher des variations brusques de l’environnement (comme l’apparition d’obstacles imprévus) et de maintenir une certaine "homéostasie comportementale".

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1.4. Importance de la géométrie de l'espace La structure géométrique de l'espace semble jouer un rôle fondamental dans l'établissement du référentiel spatial nécessaire à la navigation. Par structure géométrique, on entend les aspects configuraux qui participent à l'anisotropie de l'espace, et qui fournissent donc des informations directionnelles directement extractibles de la structure asymétrique de l'espace. L’anisotropie est la propriété d’être dépendant de la direction. Par exemple, un environnement de forme rectangulaire est un espace géométrique anisotrope, au contraire, une arène circulaire constitue un espace isotrope. Une certaine anisotropie peut être cependant artificiellement créée par l'introduction d'objets qui brisent sa symétrie structurale. Le rôle de la géométrie de l'espace a tout d'abord été suggéré par Cheng (1986) ainsi que Margules et Gallistel (1986). Leurs expériences consistent à placer le rat dans une arène de forme rectangulaire dont chacun des coins est marqué par un indice visuel saillant et différent. En outre, l'un de ces coins contient une parcelle de nourriture cachée (enterrée dans la sciure du sol). Lors d’un essai de présentation, l’expérimentateur montre à l’animal où se trouve la nourriture. Le rat est alors retiré de l’arène et placé dans une boîte opaque que l'on fait lentement tourner afin de le désorienter. Il est enfin relâché au centre de l'arène pour un essai de choix, sa tâche étant de localiser le coin du dispositif dans lequel la parcelle de nourriture est enterrée. Le résultat généralement obtenu dans cette situation est que les choix effectués par les animaux sont majoritairement orientés vers le coin correct et son équivalent géométrique (le coin opposé), les fréquences de visites de ces deux lieux n'étant pas sensiblement différentes. Ce comportement est observé malgré la présence des indices caractérisant chacun des coins de l'arène qui, en principe, auraient dû permettre une discrimination aisée du coin correct et de son équivalent géométrique. La géométrie globale de l'environnement semble donc être l’un des paramètres fondamentaux du codage spatial effectué par l'animal (voir Hermer & Spelke, 1994).

1.5. La connectivité de l'espace Pour être opérationnelle, la représentation de l'espace construite par l'animal doit donner des informations sur la structure et les propriétés des trajets possibles dans l'environnement. Certaines expériences montrent que la connectivité spatiale est effectivement intégrée par l'animal. Dans des dispositifs de type labyrinthe, l'animal est capable d'effectuer des détours tenant compte de la longueur et de l'orientation des trajets possibles (Tolman & Honzick, 1930; Poucet et al., 1983) . Ces expériences correspondent à une mise à l'épreuve des plus élégantes de l'hypothèse des cartes cognitives. En effet, elles soulignent que le contenu spatial de telles représentations n'est pas limité à 17

des points particuliers de l'espace, mais comprend également certains aspects concernant la structure d'ensemble de l'environnement dans lequel se déplace le sujet. Cette conclusion est en contradiction non seulement avec les modèles qui proposent que l'intégration des informations spatiales s'effectue sélectivement dans les lieux importants pour l'animal (Collett et al., 1986), mais également avec ceux qui, dans une perspective connexionniste, proposent d'assimiler les cartes cognitives à des cartes matricielles codant, de manière rigide, les associations entre lieux et réponses motrices du sujet (Leonard & McNaughton, 1990).

1.6. Mesure de la mémoire spatiale Il existe une grande variété de tests permettant de mesurer la mémoire spatiale aussi bien chez les humains que chez les modèles animaux. Je ne présenterai ici que les tests comportementaux mis en œuvre pour étudier l'apprentissage et la mémoire spatiale chez le rongeur (rat, souris). Pour ces espèces, il existe de nombreux types de tests évaluant les capacités de mémoire spatiale. Ces tests peuvent être paramétrés de différentes façons afin d’évaluer la mémoire de référence et/ou la mémoire de travail. De plus, une analyse détaillée des performances des animaux dans ces tests permet d'identifier les différents types d’informations spatiales et la(es) stratégie(s) utilisée(s) par les animaux. Ces différents tests permettent aussi de mesurer les effets de drogues ou de lésions sur l'acquisition et/ou les performances de mémoire spatiale.

1.6.1. Le labyrinthe en T ou Y

Ces labyrinthes sont constitués de 3 bras identiques en forme de T ou de Y. Le principe de ces tests réside dans la particularité des rongeurs, de présenter un comportement exploratoire développé, qui pousse ces animaux à prendre un nouveau chemin chaque fois que cela est possible. De cette manière, dans le labyrinthe en T ou en Y, le rongeur alterne successivement son choix. Le labyrinthe en Y permet un apprentissage plus rapide de la tâche du à un tournant moins prononcé. Si l’alternance trouve son origine dans la force du comportement exploratoire, elle fait appel à la mémoire spatiale de l'animal (Gerlai, 1998; Lalonde & Chaudhuri, 2002). La mesure de l’alternance spontanée peut donc nous renseigner sur l’état de la mémoire spatiale. De plus, ces labyrinthes peuvent être utilisés pour mesurer l'apprentissage spatial des rongeurs en plaçant une récompense dans l'un des bras. Ainsi, pour mesurer les performances de l'animal, le nombre de fois où celui-ci choisit le bras récompensé est comptabilisé.

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1.6.2. Le labyrinthe radial

Le labyrinthe radial, développé par Olton en 1976, est également largement utilisé pour évaluer les performances de mémoire spatiale chez les rongeurs. Le dispositif est constitué le plus souvent de 8 à 12 branches radiaires, toutes reliées à une plate-forme centrale. La tâche du rat consiste à se déplacer dans le labyrinthe afin de consommer des renforcements alimentaires placés à l’extrémité de chacune des branches, en évitant de retourner, au cours d’un même essai, dans une branche déjà visitée (un tel comportement est inutile, puisque la branche n'est pas renforcée une nouvelle fois au cours d'un même essai). La motivation est donc appétitive et nécessite de placer le rat sous régime alimentaire restreint. La réalisation de la tâche peut se faire grâce à la mise en place de différents types de stratégies, qui peuvent être identifiés à partir d’une analyse de la séquence de visites des branches du labyrinthe au cours d'un essai. L’animal peut utiliser une stratégie allocentrique nécessitant l’intégration de la configuration des indices distaux ou une stratégie égocentrique privilégiant la prise en compte d’informations vestibulaires et/ou kinesthésiques, et éventuellement d’indices internes au labyrinthe (indices visuels, olfactifs ou tactiles). De plus, il existe différents types de protocoles, certains mesurant exclusivement des performances de mémoire de travail, d'autres permettant l’évaluation de l'intégrité d'une mémoire de référence et de celle d'une mémoire de travail au cours d'un même essai (Jarrard et al., 1984).

1.6.3. Le labyrinthe circulaire de Barnes

Carol Barnes a développé, en 1979, un test permettant de mesurer l'apprentissage et la mémoire spatiale (Barnes, 1979). Le labyrinthe de Barnes est une plateforme circulaire et éclairée, percée de petits orifices le long de sa circonférence. L'un de ces trous possède une cavité où peut se réfugier l'animal. Pour trouver ce trou, l'animal utilise des indices spatiaux situés dans la pièce (indices allocentriques). Les mesures utilisées ici sont le nombre de trous que le rongeur visite avant de trouver le bon trou, et le temps qu'il met pour s'échapper. Le test est surtout conçu pour évaluer la mémoire de référence mais peut être modifié pour mesurer la mémoire de travail. Ce test a l'avantage d'être moins stressant pour l'animal que la piscine de Morris et de ne necessiter de faire jeûner l'animal comme dans le labyrinthe radial.

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1.6.4. La piscine de Morris

Le test de la piscine, développé par Morris en 1981, est certainement l’un des tests de mémoire spatiale le plus couramment utilisé chez les rongeurs (Morris, 1981). Ce test se base sur leur aversion pour l'eau froide et leurs excellentes qualités de nageur. Le dispositif consiste en un bassin rempli d’eau opacifiée par l’ajout d'adjuvant de crème. Une plate-forme "refuge" est placée dans un endroit de la piscine. Le but pour le rat sera de nager le plus directement possible vers la plate-forme. On distingue deux grands types de protocoles dans le test de la piscine de Morris qui ne mettent pas forcément en jeu les mêmes processus de traitement des informations spatiales: un type de protocole est utilisé pour évaluer la mémoire de référence, l'autre pour évaluer la mémoire de travail. 

protocole de mémoire de référence : Dans le protocole de mémoire de référence (place learning), la plate-forme est immergée de

telle sorte qu’elle soit invisible pour l’animal. La position de la plate-forme reste constante d’un essai à l’autre, mais les points de départ du rat changent d’essai en essai. Un essai consiste à placer le rat dans l’eau, face contre la paroi, avant de le lâcher. L’essai s’arrête lorsque le rat a rejoint la plateforme ou au bout d’un certain temps (en général une minute) si il ne l’a pas trouvée. Dans ce dernier cas, l’animal est récupéré avant d’être déposé quelques secondes sur la plate-forme, puis on passe à l’essai suivant. Les essais peuvent être groupés sur une journée, mais ils sont souvent distribués sur plusieurs jours avec une séance quotidienne de plusieurs essais : c’est la phase d’acquisition. Au départ, le rat nage au hasard et peut éventuellement atteindre la plate-forme par chance avant d'y grimper. Au fur et à mesure des essais, le temps mis pour rejoindre la plate-forme diminue et les trajets sont de plus en plus directs, donc plus courts en temps comme en distance. Un animal chez qui l'acquisition se passe normalement retrouvera la position de la plate-forme quel que soit l'endroit de la piscine duquel il sera lâché : on dit alors que le rat utilise une stratégie de type allocentrique nécessitant l’intégration des relations entre les éléments distaux situés à l’extérieur de la piscine et la position de la plate-forme. Les indices distaux incluent la géométrie de la salle de test, de même que les différents objets de la pièce comme les cages des rats, les fenêtres, les posters au mur. Les indices doivent être suffisamment éloignés afin d’être visibles de n’importe quel endroit dans la piscine, mais suffisamment proches afin que la configuration des indices distaux, qui varie selon les déplacements du rat, puisse permettre à l’animal d’en déduire son trajet. Une autre stratégie consiste à utiliser les repères égocentriques liés au déplacement du corps de l’animal dans la piscine (stratégie égocentrique), mais l'efficacité de ce type de stratégie reste limitée du fait du changement de points de départ d’un essai à l’autre. 20

L’efficacité de l’apprentissage sera évaluée dans un test de rétention (probe trial) effectué 24h après la fin du dernier essai d’acquisition (mais ce délai est variable d'une étude à l'autre et peut atteindre plusieurs jours, voire semaines, selon le type de question posée). Lors de ce test de rétention, la plate-forme est retirée du bassin. Un rat ayant intégré les relations qui existent entre les indices distaux et la position de la plate-forme concentrera sa recherche sur la zone dans laquelle se trouvait la plate-forme au cours de l’acquisition. De ce fait, il y passera plus de temps que dans d'autres zones du bassin, de même qu'il passera plus souvent à l’endroit précis où se trouvait la plate-forme, soit comparativement à une autre zone de la piscine, soit comparativement à un rat qui n'aurait rien appris. Ce protocole évaluant la mémoire de référence nécessite donc l’apprentissage d’informations spatiales qui restent pertinentes d’un essai à l’autre et d'un jour à l'autre. Ces informations sont de différents types : certaines sont relatives aux règles générales de la tâche, comme le fait de savoir que la piscine contient une plate-forme et qu’il faut la rechercher, et d’autres sont relatives à l’emplacement de la plate-forme (informations allocentriques). Ces deux types de "connaissances" sont souvent dits "declarative-like" dans la littérature anglo-saxonne, et, dans une certaine mesure, considérés comme des équivalents de la mémoire déclarative humaine. 

le protocole de mémoire de travail

Dans le protocole de mémoire de travail, la plate-forme est également immergée de telle sorte qu’elle soit invisible pour l’animal. La position de la plate-forme reste fixe sur une séance journalière "d’acquisition", mais elle change d’un jour à l’autre de telle sorte qu’une nouvelle position de plateforme doive être retenue chaque jour, mais seulement entre un essai d'information (le rat recherche son emplacement) et un essai-test qui intervient à un délai relativement court (quelques secondes, le plus souvent) par rapport au premier. Lorsque le rat s'avère capable de garder en mémoire de travail l'information collectée pour s'en servir au second essai, on constate une diminution significative de la latence et de la distance parcourue pour trouver la plate-forme entre le premier et le second essai. Le premier essai est donc considéré comme un essai d’information permettant au rat d’établir les relations entre la configuration des indices distaux (sa carte cognitive, en quelque sorte) et la position de la plate-forme (l'information à mémoriser pour quelques temps). Lorsqu'on évalue la mémoire de travail dans ce type de tâche, il est important que le point de départ change d’un essai à l’autre afin de favoriser l’utilisation d’une stratégie allocentrique. Dans cette tâche, les informations relatives à la position de la plate-forme ne sont pertinentes qu’au cours d’une séance d’acquisition. A la séance suivante, ces informations ne sont plus utiles (même si on dispose de quelques indications qui tendent à montrer que le rat peut s'en servir malgré tout au cours de l'exploration du bassin (Jeltsch et coll., 2004). 21

La richesse des représentations spatiales construites par l'animal conduit naturellement à s'interroger sur la nature de leur support neuronal. Bien que l'on sache aujourd'hui que de nombreuses aires cérébrales sont impliquées dans la genèse et l'utilisation des représentations spatiales, l'hippocampe occupe toujours une place privilégiée dans ce domaine de recherche.

2. Bases anatomiques de la mémoire spatiale En 1978, O’Keefe et Nadel ont émis l’hypothèse que l’hippocampe constitue le substrat neuroanatomique des représentations spatiales allocentriques (O'Keefe & Nadel, 1978)). Cette hypothèse s’appuyait sur des données lésionnelles et fut surtout étayée par la découverte de "cellules de lieu" dans l’hippocampe. Trente années plus tard, l’hippocampe occupe toujours une place centrale dans l’étude des structures impliquées dans la cognition spatiale. Si les théories étudiant les relations structure/fonction accordent à la formation hippocampique une importance apparemment démesurée, il semble alors de plus en plus évident que les comportements spatiaux ne sont pas uniquement pris en charge par cette structure mais par un ensemble de structures aux rôles complémentaires. Au cours de ces dernières années, l’intérêt porté à la fonction du néocortex dans le traitement des informations spatiales et à ses interactions avec l’hippocampe a considérablement grandi. Des données lésionnelles et électrophysiologiques montrent que de nombreuses régions sous corticales (subiculum, striatum) et corticales (cortex pariétal, cortex post et périrhinal, cortex entorhinal, cortex préfrontal…) contribuent, elles aussi, au traitement de l’espace. Compte tenu de la connectivité de ces régions entre elles et avec la formation hippocampique, l’hypothèse d’un vaste réseau fonctionnel est tout à fait fondée. Le but principal de ce chapitre est de faire le point sur les données neuroanatomiques (Lopes da Silva et al., 1990; Witter & Amaral, 2004) mettant en relief la région hippocampique ainsi que les régions fonctionnellement interconnectées. Je décrirai aussi les structures dans lesquelles on trouve des neurones avec des corrélats spatiaux.

2.1. La région hippocampique 2.1.1. Définition

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L’hippocampe, et plus largement la formation hippocampique, représente une composante majeure du système nerveux du rat. Swanson et al. (1987)ont estimé que, chez le rat, la surface combinée de toutes les parties de la formation hippocampique représenterait 1,2 cm², alors que la surface

du néocortex atteindrait 1,5

cm². L'hippocampe est

une structure corticale

phylogénétiquement ancienne (archicortex), appartenant au système limbique. Il est bilatéral, symétrique et en forme de C. Chaque C débute rostro-dorsalement au niveau des noyaux septaux et finit caudo-ventralement à la naissance du lobe temporal (Fig.2). En outre, plus on le suit sur l'axe dorso-ventral, plus la formation hippocampique s’écarte de la ligne médiane vers le lobe temporal. Cependant, pour simplifier, on dira que l’axe septo-temporal représente l’axe de l’hippocampe. On dissocie ainsi l’hippocampe septal de l’hippocampe temporal (plus souvent rencontré sous la dénomination « hippocampe dorsal/ hippocampe ventral »). Le terme de région hippocampique englobe à la fois la formation hippocampique et la région parahippocampique. Ces deux ensembles se distinguent avant tout par leur nombre de couches cellulaires et leur connectivité générale.

Figure 2. Représentation schématique de l’organisation tridimensionnelle de la région hippocampique dans le cerveau de rat. A. La forme en C de l’hippocampe est représentée en transparence dans le cerveau de rat. L’axe septo-temporal est représenté par une flèche. B. Reconstruction en vue latérale de la localisation des cortex périrhinal (PER), postrhinal (POR), et entorhinal (EC). C. Vue tridimensionnelle de la formation hippocampique seule D. Les trois sections frontales (numérotées de 1’ à 3’) à différents niveaux rostrocaudaux. Abréviations : CA1, CA2 et CA3, champs hippocampiques ; DG, gyrus denté ; f, fornix ; S, subiculum; rs, sulcus rhinal. D’après Witter et Amaral (2004).

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- La formation hippocampique est constituée de trois régions cytoarchitectoniquement distinctes: le gyrus denté (DG), l’hippocampe, proprement dit, divisé en sous-régions Cornes d'Ammon 1 (CA1), 2 (CA2) et 3 (CA3) et le subiculum. Les trois régions de la formation hippocampique possèdent trois couches cellulaires, ce qui est propre à l’allocortex, (le néocortex est constitué de 6 couches). - La région parahippocampique comprend le cortex entorhinal (EC), les cortex périrhinal (PER) et postrhinal (POR) ainsi que le présubiculum et le parasubiculum.

2.1.2. La formation hippocampique a)Principaux types cellulaires de la formation hippocampique

Chez le rat, animal modèle que nous avons choisi pour nos travaux, l’hippocampe est replié sur lui-même, et présente une partie dorsale en plus de la partie ventrale observée chez l’homme. On distingue grossièrement deux principaux types cellulaires dans la formation hippocampique : les neurones et les cellules gliales. Les neurones de l’hippocampe se répartissent en deux populations : les cellules principales (cellules pyramidales et cellules granulaires) qui sont excitatrices et qui représentent 90% des neurones de la formation hippocampique et les interneurones qui sont inhibiteurs et représentent 10% des neurones de la formation hippocampique. Les interneurones, sont situés dans des couches majoritairement occupées par des fibres nerveuses (stratus oriens). Ces interneurones encore peu connus sont essentiellement GABAergiques (Ribak et al., 1978; Seress & Ribak, 1983) et auraient une fonction dans des circuits locaux. Un troisième type de cellules, les cellules de Cajal-Retzius sont présentes transitoirement au cours du développement et participeraient à la migration des neurones ainsi qu’à la formation correcte des premières synapses (pour revue voir Frotscher, 1998). Le flux d'informations à travers l'hippocampe est unidirectionnel, ce qui le distingue encore une fois des zones néocorticales pour lesquelles la réciprocité des connexions constitue la norme. Le circuit le plus simple et le plus souvent décrit est constitué d'une voie principale excitatrice trisynaptique mettant en jeu 4 groupes de neurones : les cellules de la couche II (superficielle) du cortex entorhinal projettent leurs axones, formant la voie perforante, vers le gyrus denté pour contacter les dendrites des cellules granulaires. Les axones des cellules granulaires, les fibres moussues, contactent les cellules pyramidales du CA3 qui, à leur tour, envoient des axones, appelés collatérales de Schaffer, vers l'aire du CA1 (Fig.3). Le champ CA1 et le subiculum sont directement interconnectés avec le cortex entorhinal, ce qui permet une réentrée des informations dans l’hippocampe, formant ainsi une boucle anatomique (Naber et al., 2001a). En réalité, la connectivité 24

intrinsèque est beaucoup plus complexe que cela et combine une connectivité "sérielle" (circuit trisynaptique) avec une connectivité "parallèle". Ainsi, les couches II et III du cortex entorhinal projettent directement des axones aux régions CA3 (par la voie perforante) et CA1 (par la voie temporo-ammonique) respectivement. Par ailleurs, il existe, à plusieurs niveaux (en particulier pour CA3), un réseau de connexions intrinsèques qui élargissent la transmission de l’information. Ainsi, les cellules pyramidales de CA3 sont interconnectées entre elles du côté ipsilatéral grâce aux collatérales récurrentes, mais également avec le CA3 controlatéral.

Figure 3. Coupe de l’hippocampe de rat montrant l’organisation architectonique et la connectivité intrinsèque. Circuit tri-synaptique : 1 représente la voie perforante (PP), 2 représente les fibres moussues, 3 représente les collatérales de Schaffer. (d’aprés Amaral et Witter, 1989).

b) Organisation cytologique des cellules principales de la formation hippocampique

La description morphologique des principaux types de cellules principales dans la formation hippocampique ainsi que leur connectivité reposent en grande partie sur les travaux de Camillo Golgi (Golgi et al., 2001) Ramon y Cajal (1911) et de Lorente de No (1934). Sur une coupe coronale, on peut macroscopiquement observer que les cellules principales se répartissent en deux fines couches repliées l’une sur l’autre. L’une de ces couches, où se répartissent les cellules granulaires, est nommée le gyrus denté (Fascia Dentata en rapport à son aspect denté), l’autre est la corne d’Ammon (l’hippocampe proprement dit) formée par les cellules pyramidales. La corne d’Ammon a 25

elle-même été subdivisée en différentes régions: Les régions CA1, CA2 et CA3 (Lorente de No, 1934). Nous nous intéresserons plus particulièrement ci-après aux cellules de la corne d'Ammon.



La région CA1

La région CA1 représente le dernier maillon du circuit tri-synaptique hippocampique et est une des cibles principales des axones des cellules pyramidales de CA3, les collatérales de Schaffer. Les cellules pyramidales de cette région ont des corps cellulaires plus fins que les cellules pyramidales de la région CA3. Ces cellules émettent une dendrite unique, orientée radialement, qui se divise dans le stratum radiatum. Ces dendrites se terminent en général par une touffe de fines branches dans le stratum lacunosum moleculare et atteignent souvent la fissure hippocampique. Les dendrites basilaires abondent dans le stratum oriens en atteignant souvent l’alveus. L’arbre dendritique est couvert d’épines mais ne présente pas les excroissances épineuses observées sur les cellules pyramidales de CA3 et les cellules moussues du hilus. A leur place, on observe de petits dendrites fins plus ou moins transversaux. L’axone émerge de la partie apicale du corps cellulaire ou de temps en temps du dendrite basale, et se dirige vers l’alveus. Les axones des pyramidales de CA1 arborisent assez peu localement chez l’adulte (Aniksztejn et al., 2001)(Aniksztejn et al., 2001) et les collatérales restent confinées dans le stratum oriens de CA1 (Ramon Y Cajal, 1911; Lorente de No, 1934; Tamamaki & Nojyo, 1990). Les cellules principales de la région CA1 projettent principalement au niveau du subiculum et du cortex entorhinal, mais également vers d’autres structures corticales du système limbique ainsi que le septum latéral, le noyau accumbens et le bulbe olfactif. La région CA1, avec le subiculum, peut donc être considérée comme la voie de sortie principale de l’hippocampe vers le cortex entorhinal et indirectement vers la plupart des aires corticales associatives. En plus des collatérales de Schaffer, les cellules pyramidales de CA1 sont contactées par les cellules pyramidales de la couche III du cortex entorhinal. Celles situées dans la partie médiane du cortex entorhinal contactent les cellules pyramidales de CA1 les plus proximales (plus proches de la région CA2) et celles situées dans la partie latérale contactent les cellules pyramidales de CA1 situées dans la partie distale (plus proche du subiculum). Un autre type de cellules principales a récemment été décrit dans la région CA1 au niveau du stratum radiatum. Ces cellules ont deux dendrites apicaux primaires qui traversent toutes les couches et un axone qui envoie plusieurs collatérales au niveau du stratum oriens de la région CA1 avant de se diriger vers la fimbrilla où il devient myélinisé. Ces cellules sont vraisemblablement excitatrices car elles forment des synapses asymétriques au niveau du stratum oriens (Gulyas et al., 1998).

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la région CA3

La région CA3 constitue le second maillon du circuit tri-synaptique hippocampique. Les cellules pyramidales de cette région sont la cible principale des fibres moussues issues des cellules granulaires du gyrus denté. Selon Lorente de No (1934), on peut subdiviser cette région en trois sous régions : la région CA3c qui pénètre le hilus, la région CA3a qui est la portion courbe contiguë avec la région CA2 et la région CA3b qui se trouve entre les deux autres régions. Les cellules pyramidales de CA3 sont caractérisées par un corps cellulaire large duquel partent un ou deux gros dendrites apicaux primaires, orientés radialement, qui se ramifient rapidement dans le stratum radiatum et le lacunosum moleculare. A ce niveaux ils donnent naissance à des dendrites de plus en plus fins jusqu’à atteindre la fissure hippocampique pour les cellules des régions CA3a et CA3b ou la limite du hilus pour les cellules de la région CA3c (Ramon Y Cajal, 1911). Les dendrites basilaires sont plus nombreux que les dendrites apicaux et arborisent dans le stratum oriens en direction de l’alveus. Les larges dendrites apicaux primaires des cellules pyramidales de CA3 présentent les mêmes excroissances épineuses que celles observées au niveau des cellules moussues du hilus (Ramon Y Cajal, 1911; Lorente de No, 1934; Blackstad & Kjaerheim, 1961). Ces excroissances s’associent avec les larges boutons moussus en passant dans le stratum lucidum pour former le complexe synaptique moussu (Soriano & Frotscher, 1994). L’arbre dendritique des cellules pyramidales de la région CA3c est plus symétrique que celui des cellules pyramidales des régions CA3a et CA3b. Les dendrites basilaires et apicaux ont la même taille, sont relativement courts et sont tous les deux couverts par de nombreuses excroissances épineuses. Ces dernières sont en revanche rares au niveau des dendrites basilaires des cellules pyramidales des régions CA3a et CA3b. Comme au niveau du gyrus denté, les afférences excitatrices ont une organisation laminaire précise au niveau de la région CA3. En plus des afférences moussues au niveau du stratum lucidum, les cellules pyramidales de CA3 sont contactées au niveau des strata radiatum et oriens par des afférences dites associatives et commissurales en provenance des autres cellules pyramidales de CA3 des hippocampes respectivement ipsi- et contralatéraux. Les cellules pyramidales de CA3 reçoivent enfin au niveau du stratum lacunosum moleculare des afférences directes en provenance des cellules étoilées de la couche II du cortex entorhinal. L’axone des cellules pyramidales de CA3 part soit directement du corps cellulaire au niveau du pôle basal soit d’un épais dendrite apical primaire (Ramon Y Cajal, 1911) (Ramon y Cajal, 1911). Il descend ensuite plus ou moins obliquement pour rejoindre l’alveus. Auparavant, dans le stratum oriens, il émet des collatérales qui arborisent au niveau des strata oriens et radiatum de la région CA3 et se projettent également au niveau des strata oriens et radiatum de la région CA1 (Schaffer, 1892). Globalement l’arborisation axonale des cellules pyramidales de la région CA3 est très importante et très divergente. Une cellule pyramidale de CA3 fait rarement plus d’une synapse 27

au niveau d’une cellule cible et l’on estime qu’une seule de ces cellules pourrait ainsi contacter entre 30 000 et 60 000 cellules cibles dans l’hippocampe (Sik et al., 1993; Li et al., 1994). Le marquage de cellules pyramidales de CA3 in vivo montre que l’axone de ces cellules diverge fortement selon l’axe temporo-septal de l’hippocampe (Li et al., 1994). En fait, la densité axonale dans le plan transversal contenant le corps cellulaire est assez faible et augmente progressivement lorsque l’on considère des coupes plus septales ou plus temporales. Globalement la divergence ainsi que la longueur axonale est plus importante dans la région CA1 que dans la région CA3.



Différences CA1/CA3

Parmi les trois types d’afférences excitatrices que reçoivent les neurones de la région CA3, les fibres provenant des collatérales récurrentes sont les plus nombreuses, représentant chez le rat, 12.000 fibres par cellule pyramidale. La voie perforante directe provenant du CE représente quant à elle 4.000 fibres (soit 3 fois moins que les récurrentes) et la voie perforante indirecte acheminée par les fibres moussues ne représente que 50 fibres (soit 250 fois moins que les récurrentes). En raison de ces collatérales récurrentes, la connectivité entre cellules pyramidales de CA3 est très robuste ; ainsi, une cellule donnée est directement connectée avec au moins 2% des autres cellules de CA3 (MacVicar & Dudek, 1980; Miles & Wong, 1986). Contrairement à CA3, CA1 ne possède pas de collatérales récurrentes directes (il existe uniquement quelques collatérales d’axones de CA1 à destination des cellules du subiculum qui projettent à leur tour sur les dendrites d’autres cellules CA1). Un autre aspect de la connectivité de CA1 qui contraste avec celle de CA3 est la faible projection controlatérale à travers les fibres commissurales. L’ensemble de ces différences de connectivité entre CA3 et CA1 permet d’envisager que ces deux types de régions présentent des caractéristiques fonctionnelles complètement différentes. On peut toutefois d’ores et déjà formuler une des conséquences fonctionnelles de la récurrence (et de la connectivité "parallèle" en général) : chaque région hippocampique ne serait donc pas entièrement tributaire de la région qui la précède, comme le laisse supposer la connectivité de type sériel. Chaque région pourrait donc aussi bien agir indépendamment des autres régions, que de concert avec elles. 

Les interneurones de la formation hippocampique

Les interneurones ont, dans un premier temps, été définis comme des cellules dont l’axone ne quittait pas la formation hippocampique. Aujourd’hui, le terme d’interneurone s’applique aux cellules non principales de l’hippocampe qui utilisent le GABA comme neurotransmetteur (Freund & Buzsaki, 1996). Contrairement aux cellules principales qui forment une population plutôt homogène, 28

les interneurones inhibiteurs sont beaucoup plus hétérogènes en termes de localisation de leur corps cellulaire, de leur zone de projection axonale, de la morphologie de leurs dendrites et de leur contenu neurochimique. On distingue notamment les interneurones selon l’expression de protéines chélatrices du calcium comme la parvalbumine (PV), la calrétinine (CR) ou la calbindine (CB) et de neuropeptides comme la cholécystoquinine (CCK), la somatostatine (SM) ou le peptide vasoactif intestinal (VIP; Freund & Buzsaki, 1996; Somogyi & Klausberger, 2005). Le profil d’expression de ces protéines ainsi que la spécificité de leurs zones d’arborisations dendritiques et de projections axonales permet de définir différentes « classes » d’interneurones (Freund & Buzsaki, 1996; Parra et al., 1998; Somogyi & Klausberger, 2005).

Les cellules en chandelier ou axo-axoniques Ces cellules doivent leur nom de cellules en chandelier à la forme particulière de leur collatérales axonales qui montent régulièrement dans le stratum pyramidale parallèlement aux segments initiaux des axones des cellules principales (Szentagothai & Arbib, 1974). Le nom plus fonctionnel de cellule axo-axonique provient du fait qu’elles contactent exclusivement le segment initial de l’axone des cellules principales (Somogyi, 1977). Ces cellules ont un corps cellulaire de forme pyramidale situé principalement dans ou immédiatement adjacent à la couche des cellules principales ainsi qu’un arbre dendritique lisse (sans épine) transversal qui traverse toutes les couches de la formation hippocampique (Li et al., 1992; Gulyas et al., 1993a; Buhl et al., 1994b; Pawelzik et al., 2002). Le nombre de terminaisons axonales correspond au nombre de cellules principales innervées. Ce nombre a été estimé à 1200 pour une cellule axo-axonique reconstruite in vivo dans la région CA1 (Li et al., 1992). Le nombre de synapses inhibitrices au niveau du segment initial de l’axone, estimé en microscopie électronique, permet d’établir une convergence d’environ 4 à 10 cellules axo-axoniques sur une cellule principale (Li et al., 1992). Dans la région CA1 de l’hippocampe, les synapses formées par ces cellules contiennent des récepteurs GABAA enrichis en sous-unité α2 (Nusser et al., 1996). Certaines cellules axo-axoniques ont un corps cellulaire dans le stratum oriens et des dendrites horizontaux restreints à cette zone (Ganter et al., 2004). Les cellules en panier Ces cellules contactent le corps cellulaire et les dendrites proximaux des cellules principales. Elles contactent également d’autres cellules en panier (formant parfois des autapses, synapses formées par l'axone d'un neurone sur sa propre dentrite) et d’autres interneurones non identifiés. Les cellules en panier contenant une protéine chélatrice du calcium, la parvalbumine (PV+), sont de plus couplées entre elles électriquement (Venance et al., 2000; Hormuzdi et al., 2001). Leur corps cellulaire, généralement de forme pyramidale, peut se trouver dans toutes les couches de la 29

formation hippocampique (Ramon Y Cajal, 1911; Lorente de No, 1934). Leurs dendrites sont généralement orientés radialement et traversent toutes les couches de l’hippocampe. Ces cellules pourraient ainsi recevoir des messages en provenance des principales afférences excitatrices : les fibres moussues dans la région CA3, les collatérales de Schaffer dans la région CA1, les afférences commissurales et associatives dans les strata oriens et radiatum de CA3 et dans le stratum oriens de CA1 ainsi que les afférences entorhinales. Certaines cellules en panier ayant leur corps cellulaire dans l’oriens de CA1 et des dendrites horizontaux dans cette couche ont également été décrites. L’étendue de l’axone des cellules en panier est de 900 à 1300 μm dans une tranche de 450 μm d’épaisseur. L’axone est le plus dense proche du corps cellulaire puis se raréfie en s’en écartant. Des reconstructions de cellules en panier in vivo rapportent entre 9000 et 12000 boutons synaptiques. Etant donné qu’une cellule en panier établit entre 2 et 10 contacts synaptiques, elle pourrait innerver entre 1500 à 2500 cellules principales. Inversement, les cellules principales ne forment qu’un seul contact synaptique au niveau des cellules en panier. Ainsi les 2000 synapses asymétriques sur les dendrites des cellules en panier proviendraient de 2000 cellules principales différentes. En fonction de leur contenu en parvalbumine (PV), une protéine chélatant le calcium et en cholecystoquinine (CCK), un neuropeptide, on distingue deux sous classes de cellules en panier : les cellules en panier contenant la parvalbumine et pas la cholecystokinine (PV+, CCK-) et les cellules en panier (PV-, CCK+). On estime qu’au niveau du corps cellulaire d’une cellule pyramidale de CA1, 68% des synapses inhibitrices formées sont PV+ et 32% PV- (Nyiri et al., 2001). Les O-LM (oriens lacunosum moleculare interneurons) Ces cellules se caractérisent principalement par leur arborisation axonale très dense au niveau du stratum lacunosum moleculare, où se terminent les afférences en provenance du cortex entorhinal. Elles contactent les dendrites apicales des cellules pyramidales où elles forment des synapses GABAergiques (Ali & Thomson, 1998; Maccaferri et al., 2000) ainsi que d’autres interneurones (Katona et al., 1999). Le corps cellulaire de ces cellules se trouve dans le stratum oriens et leur arbre dendritique est confiné dans les régions où arborisent les récurrentes collatérales des cellules principales (McBain et al., 1994). Ainsi dans la région CA1 de l’hippocampe, les dendrites des O-LM sont horizontaux et confinés au niveau du stratum oriens où arborisent les récurrentes des cellules pyramidales de CA1 alors que dans la région CA3 les dendrites des O-LM arborisent à la fois dans les strata oriens et radiatum, là où se situent les récurrentes collatérales des cellules pyramidales de CA3 (Gulyas et al., 1993b). En utilisant un modèle d’ischémie qui entraîne la mort sélective des cellules pyramidales de CA1 tout en préservant les cellules pyramidales de CA3, il a été montré que 70% des synapses excitatrices qui contactent les O-LM dans la région CA1 proviennent des collatérales des cellules pyramidales de CA1 (Blasco-Ibanez & Freund, 1995). Les O-LM expriment 30

la PV, mais plus faiblement que les cellules en panier PV+, et expriment également un neuropeptide : la somatostatine (Somogyi & Klausberger, 2005). Les interneurones bi-stratifiés Ces cellules doivent leur nom à leur arborisation axonale qui se distribue au niveau des strata oriens et radiatum de part et d’autre du stratum pyramidale (Buhl et al., 1994a). Il occupe toute la largeur du stratum oriens et la partie la plus proximale du stratum radiatum. Le corps cellulaire des cellules bi-stratifiées se situe dans ou à proximité de la couche des cellules principales (Thomson et al., 2000). L’arbre dendritique de ces cellules est orienté radialement et traverse toutes les couches sauf le stratum lacunosum moleculare (Buhl et al., 1994a; Sik et al., 1995). Des études en microscopie électronique ont confirmé que ces cellules formaient principalement des contacts avec les dendrites des cellules principales (79%) mais assez peu au niveau du corps cellulaire (4%) (4%; Halasy et al., 1996). Avec 6.7 contacts formés en moyenne au niveau des cellules principales, un neurone bistratifié pourrait contacter 2500 cellules pyramidales (Sik et al., 1995)(Sik et al., 1995). Les interneurones tri-laminaires On distingue deux types de cellules tri-laminaires, les cellules tri-laminaires ayant une arborisation dendritique horizontale (Sik et al., 1995) et celles ayant une arborisation dendritique verticale (Pawelzik et al., 2002). Le corps cellulaire des cellules tri-laminaires horizontales se situe à la limite entre le stratum oriens et l’alveus (OA interneurones). Les dendrites sont horizontaux et confinés dans cette zone (Sik et al., 1995) . Les cellules trilaminaires verticales sont plus semblables aux cellules bi-stratifiées. Leur corps cellulaire se situe dans ou à proximité de la couche des cellules pyramidales. Leur dendrite est orienté radialement mais, à la différence des cellules bi-stratifiées, il pénètre le stratum lacunosum moleculare suggérant une possible activation de ces cellules par les afférences du cortex entorhinal. L’axone de cellules arborise dans les strata pyramidale, oriens et radiatum d’où leur nom.

c) Afférences et efférences  les afférences

La formation hippocampique reçoit principalement des afférences en provenance de l’hippocampe contra-latéral et du cortex entorhinal ainsi que de plusieurs grands systèmes neuromodulateurs : - des afférences cholinergiques en provenance du septum médian. Ces afférences contactent principalement des cellules principales au niveau du gyrus denté et de l’hippocampe. Seules 5 à 10 % 31

des cibles seraient des interneurones. Ces afférences joueraient un rôle dans la genèse des rythmes théta au sein de la formation hippocampique (activités synchrones ayant une fréquence moyenne autour de 8-10 Hz). - des afférences sérotoninergiques qui proviennent principalement du noyau médian du raphé mais également du noyau dorsal (Lidov et al., 1980; Kosofsky & Molliver, 1987; Tork, 1990). Ces afférences projettent principalement dans la région sous-granulaire du gyrus denté et au niveau du stratum lucidum de la région CA1. - des afférences noradrénergiques en provenance du locus coeruleus, particulièrement dense dans les régions contactées par les fibres moussues : le hilus du gyrus denté et le stratum lucidum de la région CA3 ainsi qu’au niveau du stratum lacunosum moleculare de la région CA1 (Morrison et al., 1979; Loy et al., 1980; Oleskevich et al., 1989; Moudy et al., 1993). D’autres afférences proviennent des corps supramammillaires qui forment une bande dense au niveau de la couche moléculaire interne du gyrus denté et le stratum oriens des régions CA3a et CA2 (Stanfield & Cowan, 1984; Vertes, 1992; Magloczky et al., 1994). Ces afférences contactent principalement le corps cellulaire et les dendrites des cellules granulaires. - des afférences histaminergiques en provenance des noyaux tuberomamillaires (Panula et al., 1989). - des afférences dopaminergiques en provenance de l’aire tegmentale ventrale (Verney et al., 1985; Luo et al., 2011) et de la substance noire pars compacta (Scatton et al., 1980). 

les efférences

Le subiculum (avec la fimbria/fornix) est l’une des sorties majeures de l’hippocampe vers des structures corticales et sous-corticales. Les régions corticales les plus innervées par le subiculum sont le cortex préfrontal médian, le cortex rétrosplénial, le cortex périrhinal et les pré- et parasubiculum. Dans une moindre proportion, le subiculum envoie des projections à destination des cortex entorhinal et postrhinal. Les principales cibles sous-corticales sont le septum et les noyaux mamillaires. On trouve également des projections vers le thalamus, le striatum (noyau accumbens) et l’amygdale (Witter et al., 1990; Witter & Amaral, 2004). Il faut souligner qu’il n’existe aucune interaction entre le subiculum et le gyrus denté ou encore entre le subiculum et la région CA3 de l’hippocampe. En revanche, comme nous l’avons vu plus haut, le subiculum envoie de faibles projections vers le champ CA1. Les neurones du subiculum n’ont pas été étudiés autant que les cellules de CA1 et CA3 (Sharp & Green, 1994; Deadwyler & Hampson, 2004). Ils montrent cependant une sélectivité spatiale assez claire, même si elle n’est pas aussi précise que celle des neurones de CA1 et CA3.

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Le présubiculum et le parasubiculum recevant des fibres du subiculum ont été longtemps considérés comme des structures de sortie de l’hippocampe. Cependant Witter et Amaral (2004) soulignent que, étant donné leurs connexions anatomiques, ces structures devraient plutôt être considérées comme des structures d’entrée de l’hippocampe. En effet, le parasubiculum projette sur la couche II du cortex entorhinal, (qui elle-même projette sur le gyrus denté et le CA3 hippocampique), et le présubiculum projette sur la couche III superficielle (qui elle-même projette sur CA1 et le Subiculum) et la couche V profonde de l’entorhinal. Le présubiculum dorsal (ou postsubiculum) est la région dans laquelle on a découvert pour la première fois les cellules de direction de la tête (Ranck, 1984; Taube et al., 1990). De même, dans le post et parasubiculum, des expériences ont révélé des neurones dont l’activité dépend du lieu de l’animal, avec des modulations en fonction de la direction de la tête (Taube, 1995; Sharp et al., 1996; Cacucci et al., 2004; Hargreaves et al., 2005). D’autres cellules sont modulées par la vitesse de l’animal, ou par la vitesse angulaire de la tête (Sharp et al., 1996). Il est intéressant de noter qu’il semble y avoir une augmentation du nombre de cibles extrahippocampiques quand on va du gyrus denté vers le subiculum. En effet, le gyrus denté ne possède aucune projection extrahippocampique, la région CA3 ne possédant quant à elle qu’une seule projection vers le septum latéral. En revanche, le champ CA1 projette aussi bien vers le septum latéral que vers le cortex entorhinal et le subiculum mais encore vers diverses autres structures corticales et sous-corticales. En ce qui concerne le subiculum, il distribue des fibres aux mêmes cibles que CA1, et possède en plus d’autres cibles cérébrales (cortex préfrontal, cortex rétrosplénial, cortex périrhinal, septum, thalamus...).

2.1.3. Région CA3, codage et mémoire Selon la théorie de Hebb, l'activation simultanée des neurones interconnectés est indispensable à la création d'assemblées cellulaires qui seraient le substrat physiologique des représentations mentales (Harris et al., 2003; Lansner, 2009). De plus, la réactivation de ces assemblées cellulaires semble être à la base des phénomènes de mémoire, associatives en général et spatial en particulier (Klausberger & Somogyi, 2008; Glickfeld et al., 2009). Cette activation synchrone nécessite un substrat anatomique constitué de neurones interconnectés qui déchargent ensemble dans une fenêtre temporelle compatible avec les contraintes de la plasticité synaptique Hebbienne. Par sa structure anatomique riche en connexions collatérales récurrentes et la présence d'interneurones inhibiteurs, la région CA3 de l'hippocampe est un candidat naturel pour la genèse de ces mécanismes (Marr, 1971; McNaughton & Morris, 1987; Nakazawa et al., 2002). Cependant des résultats contradictoires (Cohen & Miles, 2000; Csicsvari et al., 2000) n'ont pas permis de mettre en 33

évidence de façon définitive la capacité intrinsèque de CA3 à générer de telles assemblées neuronales. L'architecture spécifique de cette structure nécessite un équilibre contrôlé entre excitation et inhibition afin d'éviter l'hypersynchronie voir les crises d'épilepsie (Marr, 1971; Miles & Wong, 1983, 1987; Cossart et al., 2005). Dans CA3, ce rôle de contrôle serait joué par les cellules en panier et les cellules en chandelier (Li et al., 1992; Buhl et al., 1994b; Pawelzik et al., 2002). La question d'un rôle fonctionnel de ce contrôle peut donc être légitiment posée (voir § 3.4 et Résultats-partie 1).

2.2. La région parahippocampique 2.2.1. Le cortex entorhinal

Au cours des dernières années, un événement marquant pour la communauté des neurosciences fut la découverte des "cellules grille" du cortex entorhinal (Fyhn et al., 2004; Hafting et al., 2005). Cette découverte, une des plus importantes après celle des cellules de lieu il y a une trentaine d’années, corrobore l’hypothèse d’une représentation spatiale en amont de l’hippocampe. Cet événement a soulevé un intérêt accru pour cette structure et une meilleure compréhension de son anatomie.

Figure 4. Anatomie du cortex entorhinal du cerveau de rat. A. Vue latérale : POR, cortex postrhinal ; PR (=PER) le cortex périrhinal inclut les aires de Brodmann 35 et 36 ; rs, scissure rhinale ; MEA, cortex entorhinal médian ;

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LEA, cortex entorhinal latéral ; B. Vue dépliée de la carte de la surface corticale montrant le POR, le PR, MEA et LEA. C, caudal ; d, dorsal ; r, rostral ; v, ventral (d’après Burwell et Amaral, 1998). C. Vue ventro-caudale. MEC, cortex entorhinal médian ; LEC, cortex entorhinal. dr, droite ; ga, gauche (d’après McNaughton et al.2006).

Le cortex entorhinal se trouve à l’interface de l’hippocampe et du cortex parahippocampique (Burwell, 2000; Lavenex & Amaral, 2000). Les vues latérale et ventro-caudale du cerveau de rat nous montrent que le cortex entorhinal est situé plutôt ventro-médialement par rapport à la scissure rhinale, et sous les cortex postrhinal et périrhinal. Sur le plan de son organisation, le cortex entorhinal peut être décrit selon trois grands schémas d’organisation: un premier qui fait la distinction entre les couches superficielles et profondes, un second qui fait la distinction entre le cortex entorhinal médian (CEM) et le cortex entorhinal latéral (CEL) et un troisième qui fait la distinction entre les bandes dorsolatérales et les ventromédianes (Fig.4). - Les couches superficielles du cortex entorhinal envoient des axones en direction de chaque sousrégion de l’hippocampe. Il reçoit en retour dans ses couches profondes des projections du CA1 et du subiculum. - Selon des critères de connectivité et cytoarchitectoniques, le cortex entorhinal est subdivisé en deux sous-régions, à savoir une région latérale (CEL) et une région médiane (CEM). En effet, les afférences de ces deux sous-structures sont différentes. Le CEM reçoit 3 à 4 fois plus d’axones des cortex occipital, rétrosplénial, et pariétal (informations visuo-spatiales) que le CEL. Ces projections sont soit directes, soit indirectes par l’intermédiaire du cortex postrhinal (POR). De son côté, le CEL a des connexions plus importantes avec le cortex périrhinal (PER) et directement ou indirectement avec les cortex frontal, piriforme, insulaire, olfactif, et temporal (Burwell & Amaral, 1998b; Burwell, 2000; Witter & Amaral, 2004). Sur le plan fonctionnel, Fyhn, Molden, Witter, Moser et Moser ont montré (2004), que les couches superficielles (celles qui innervent l’hippocampe) du CEM contiennent des cellules qui déchargent à certains endroits de l’espace. Ces cellules ont été ensuite aussi découvertes dans les couches profondes du CEM (Sargolini et al., 2006). Ces cellules sont présentes dans le cortex entorhinal médian mais pas dans le cortex entorhinal latéral.

- De façon parallèle à la dichotomie Médial/Latéral, le cortex entorhinal présente des différences de connectivité extrinsèques et intrinsèques selon un gradient allant de la bande dorso-latérale jusqu’à la bande ventro-médiane (Witter et al., 1989; Dolorfo & Amaral, 1998a, b; Burwell, 2000). La bande dorsolatérale, qui jouxte les cortex postrhinaux et périrhinaux, est celle qui reçoit le plus d’entrées visuospatiales. A mesure que l’on s’éloigne de la scissure rhinale (quand le rouge devient bleu), le cortex entorhinal reçoit progressivement de moins en moins d’entrées des cortex associatifs sensoriels (dont les cortex POR et PER), mais de plus en plus de différentes aires sous-corticales, 35

telles que l’hypothalamus et l’amygdale. Ce gradient anatomique a des conséquences fonctionnelles pour l’hippocampe : la bande la plus dorsolatérale est la région qui fournit le plus d’entrées à la partie dorsale de l’hippocampe (Witter et al., 1989; Dolorfo & Amaral, 1998a) dans laquelle on trouve les champs d’activité les plus précis et les plus riches en informations spatiales (Jung et al., 1994; Poucet & Buhot, 1994). Les bandes intermédiaires et ventromédianes du cortex entorhinal ont de fortes connexions réciproques avec les régions intermédiaire et ventrale de l’hippocampe, qui ont des champs d’activité plus pauvres en information spatiale. L’hippocampe dorsal est donc mieux "armé" que l’hippocampe ventral pour traiter les informations spatiales. Si la représentation spatiale de l’animal est déjà présente au niveau du cortex entorhinal, on peut alors se demander quel peut être le rôle à jouer par l’hippocampe.

2.2.2. Les cortex perirhinal (PER) et postrhinal (POR)

Les PER et POR sont, comme leur nom l’indique, situés à proximité de la scissure rhinale. A l’origine, ces deux aires corticales étaient vues comme appartenant à la même structure. La frontière entre ces deux structures, longtemps sujette à controverse, ne fut clairement définie que très récemment (Burwell et al., 1995; Burwell & Amaral, 1998b; Burwell, 2000). Il est clairement établi aujourd’hui que, ni le PER, ni le POR ne projettent vers CA3 ou le gyrus denté (Canning & Leung, 1997; Witter et al., 1999). En revanche, ces deux structures donnent naissance à des projections à destination de la région CA1 et du subiculum (Naber et al., 2001a; Naber et al., 2001b), et réciproquement (Kloosterman et al., 2003). Le cortex entorhinal médian (MEC) reçoit en majorité des projections du POR, alors que le cortex entorhinal latéral (LEC) en reçoit plutôt du PER. Les PER et POR sont également connectés entre eux. A noter aussi, les connexions entre le PER et le cortex entorhinal sont beaucoup plus importantes que les connexions entre le POR et le cortex entorhinal (Burwell & Amaral, 1998b). Les entrées corticales des PER et POR n’ont été étudiées de manière systématique que très récemment (Burwell & Amaral, 1998b) . Le PER est divisé en deux car les aires 35 et 36 reçoivent des informations corticales de nature complètement différente. L’aire 36 reçoit surtout des informations en provenance du cortex temporal, alors que l’aire 35 reçoit surtout des connexions en provenance des cortex piriforme, entorhinal latéral et insulaire. Concernant le POR, les principales entrées, par ordre décroissant d’importance, proviennent des cortex visuel occipital, temporal, pariétal, rétrosplénial. De même que pour le PER, les connexions du POR sont très largement réciproques. Les connexions sous-corticales des PER et POR sont moins bien documentées que les connexions corticales. Néanmoins, on sait que ces deux structures possèdent des connexions réciproques avec l’amygdale ainsi qu’avec les structures thalamiques. 36

De façon assez schématique, le POR envoie principalement des informations vers le MEC. Le POR reçoit lui-même des projections provenant des cortex pariétal et rétrosplénial traitant les informations visuospatiales. L’axe POR-MEC s’intègre donc à la voie "dorsale" appelée aussi voie pariétale (voie du "où" chez les primates) (voie du "où" chez les primates; Mishkin, 1982)(Mishkin et Ungerleider, 1982). Le PER, quant à lui, envoie principalement des informations au LEC. Le PER reçoit lui-même des informations provenant du cortex temporal qui serait plutôt impliqué dans l’identification des objets ou des scènes visuelles (Barker et al., 2007; Devlin & Price, 2007). L’axe PER-LEC s’intègre donc à la voie "ventrale" ou voie temporale(voie du "quoi" chez les primates; Mishkin, 1982). Le MEC et le LEC, qui font partie de ces deux voies relativement indépendantes vont ensuite acheminer les deux types d’informations jusqu’à l’hippocampe, structure d’intégration (Burwell, 2000; Witter et al., 2000). Existe-t-il déjà une représentation spatiale au niveau des PER et POR? Jusqu’à maintenant quelques neurones avec des activités corrélées à la position de l’animal ont été mis en évidence dans ces régions, surtout dans le POR. Ces corrélats spatiaux ne seraient pas stables au cours de sessions successives d’enregistrement (Burwell & Hafeman, 2003). En revanche, d’autres expériences contredisent ces résultats et ne fournissent pas de preuve en faveur de l’existence de corrélats spatiaux dans le postrhinal (Fyhn et al., 2004).

2.4. Autres régions corticales impliquées dans la mémoire spatiale Les tâches "hippocampo-dépendantes" requièrent d’autres régions corticales que l’hippocampe pour mener à bien l’apprentissage spatial. J’ai choisi de décrire deux d’entre elles : le cortex pariétal impliqué dans la perception de l’espace et dont le syndrome le plus connu qui lui est associé est l’héminégligence (dissociation entre la perception spatiale et la représentation de l’espace) et le cortex préfrontal qui est le siège de différentes fonctions cognitives dites supérieures (notamment le langage, la mémoire de travail, le raisonnement, et plus généralement les fonctions exécutives).

2.4.1. Le cortex pariétal

Assez peu d’études ont été réalisées sur la neuroanatomie des aires corticales chez le rat, mais leurs résultats sont relativement homogènes et il y a désormais un consensus sur l'existence 37

d'une aire pariétale associative qui serait analogue, à l’aire 7 des primates. Le cortex pariétal reçoit des projections directes des aires visuelles primaires (Zilles et al., 1985) et secondaires, des aires somatosensorielles primaires et secondaires, ainsi que des aires auditives, faisant de lui une structure intégratrice multimodalitaire. Par ailleurs, il y a un important faisceau de connexions entre le cortex pariétal et les aires frontales et orbitales (Miller & Vogt, 1984). Le cortex pariétal envoie des projections vers le cortex postrhinal et un peu moins vers le périrhinal (Burwell & Amaral, 1998a). Ce schéma de connexions suggère que le cortex pariétal 1) a une fonction d’association entre les diverses modalités sensorielles, 2) a des relations avec le réseau orbito-frontal impliqué dans les processus de l’attention spatiale, et 3) envoie des informations vers l’hippocampe via le cortex entorhinal et le cortex postrhinal. Dans le cortex pariétal, connu pour jouer un rôle important dans les comportements spatiaux car appartenant à la voie dorsale dite du ‘où’, des activités corrélées à l’endroit de l’animal dans l’environnement ont été mises en évidence (Chen et al., 1994a; Chen et al., 1994b; McNaughton et al., 1994; Chen & Nakamura, 1998; Cho & Sharp, 2001).

2.4.2. Le cortex préfrontal

La manière exacte dont l’hippocampe et le cortex préfrontal interagissent pour traiter des informations mnésiques reste encore à élucider, mais il a été montré que ces deux structures sont fortement interconnectées, grâce en partie, au nucleus reuniens du thalamus médian. Plusieurs études ont montré l’existence d’une projection directe de la formation hippocampique (région CA1 de l’hippocampe ventral) vers le cortex préfrontal médian (Swanson, 1981; Ferino et al., 1987; Jay & Witter, 1991). Il n’existe en revanche, aucune étude montrant l’existence d’une connexion réciproque directe (Laroche, 2000). Selon des sources récentes, il apparaît que le nucleus reuniens constitue la voie la plus directe de transmission d’informations entre le cortex préfrontal médian et l’hippocampe, et jouerait potentiellement un rôle d’interface majeur entre ces deux structures. Ainsi, le cortex préfrontal est particulièrement associé à l’hippocampe ventral. Il serait donc plausible d’y trouver des cellules avec des corrélats spatiaux. Effectivement, il a récemment été mis en évidence que les neurones du cortex préfrontal présentent des corrélats spatiaux, lorsque l’animal est engagé dans une tâche de navigation (Hok et al., 2005). Il est important de souligner que l’activité spatiale apparaît uniquement lorsque l’animal est en train de réaliser une tâche impliquant la recherche d’un but et non pas dans une simple tâche d’exploration spontanée. La modulation spatiale de l’activité de ces neurones pourrait donc être la traduction cellulaire d’un codage des buts de l’animal. S’il est indiscutable que l’hippocampe est impliqué de manière importante dans le traitement spatial, de nombreuses autres régions participent, de manière spécifique, à ce traitement complexe. Ainsi, comme nous l’avons vu, parmi les structures connectées directement à l’hippocampe ou 38

indirectement par l’intermédiaire d’autres structures, nombre d’entre elles possèdent des neurones avec des activités modulées spatialement et sont donc à ce titre, elles aussi, impliquées dans le circuit de la mémoire spatiale. Bien sûr, il existe des différences importantes dans la nature précise de la décharge spatiale entre ces régions et l’hippocampe, mais il est désormais sûr que le traitement de l’espace n’est pas exclusif à l’hippocampe.

2.5. Structure sous-corticale impliquée dans la mémoire spatiale : le striatum Le striatum est une structure formée par le noyau caudé et le putamen. Le noyau accumbens, les parties ventromédiales du noyau caudé et du putamen sont désignés collectivement par le terme de striatum ventral (Heimer et al., 1997; de Olmos & Heimer, 1999; Haber & McFarland, 1999; Haber, 2003). Selon une conception classique, le striatum ventral est tout particulièrement impliqué dans la régulation des comportements motivés comme les processus naturels liés à l’obtention d’une récompense ou les processus pathologiques de l’addiction (Koob & Bloom, 1988; Robbins et al., 1989; Koob, 1992; Robledo et al., 1992; Robledo & Koob, 1993; Salamone, 1994; Ikemoto et al., 1996). Le rôle du striatum ventral dépasse cependant le concept de récompense (Zink et al., 2003). En effet, le système dopaminergique striatal répond à une large variété de stimuli "pertinents" en termes de comportement motivé incluant des signaux de récompense (Mirenowicz & Schultz, 1994; Schultz et al., 1997; Schultz, 1998; Delgado et al., 2000; Knutson et al., 2000; Berns et al., 2001) mais également des signaux sans connotation de récompense. Ceux-ci peuvent traduire la survenue brutale d'un nouveau signal dans l'environnement (Schultz & Romo, 1990; Legault & Wise, 2001; Zink et al., 2003)(Legault and Wise, 2001; Schultz and Romo, 1990; Zink et al., 2006), être des signaux aversifs (Becerra et al., 2001; Jensen et al., 2003; Young, 2004) ou des signaux sensoriels (visuels ou auditifs par exemple) dotés d'un potentiel de mise en alerte de l'organisme. De plus, il est suggéré que le striatum assiste la mémoire spatiale en aidant le système de navigation à définir les futures actions appropriées au contexte. Des lésions du striatum induisent des déficits spatiaux sélectifs, spécialement pendant les nouvelles acquisitions d’un apprentissage reflétant une spécialisation dans le traitement des informations spatiales par le striatum ventral et le striatum dorso-médian. La ségrégation anatomique qui reflète différentes fonctions d’apprentissage du striatum est probablement liée aux différentes connections afférentes et efférentes trouver dans ces deux parties distinctes du striatum. En effet, les striatum ventral et dorso-médian reçoivent des 39

inputs sensoriels et associatifs du néocortex et du système limbique. En revanche, le striatum latéral montre des connexions avec les aires motrices et sensorielles du neocortex. Enfin, il a été mis en évidence, chez l’animal éveillé en mouvement, que les neurones du striatum ventral et dorsal changeaient leur fréquence de décharge en relation avec des mouvements spécifiques egocentriques, l’acquisition d’une récompense mais aussi avec la position de l’animal. On retrouve donc des cellules de lieu dans le striatum. En revanche, les champs de décharge de ces cellules sont plus larges que ceux trouvées chez les cellules de lieu de l’hippocampe. De la même manière que les cellules pyramidales, les neurones striataux présentent une réorganisation de leur champ après un changement de l’environnement (voir revues Mizumori et al., 2009; Retailleau et al., in press).

3. Bases électrophysiologiques de la mémoire spatiale Ce chapitre aborde une question centrale dans l’étude de l’hippocampe : quelle information est représentée dans l’activité neuronale hippocampique ? Il existe deux niveaux de codage de l’information au niveau de l’hippocampe. D’une part, le système nerveux peut être perçu comme un large ensemble de neurones individuels, qui interagissent par leurs axones. Le codage de l’information à l’échelle de la cellule est reflété par le codage de lieux spécifiques par les cellules pyramidales hippocampiques (cellules de lieu). D’autre part, le système peut être envisagé comme une entité organisée selon des principes plus holistiques, dans lequel un nombre important de neurones agissent de concert. Le codage de l’information par des assemblées de cellules est reflété par l’émergence d’une activité synchrone pouvant être visualisée sous la forme de potentiels de champs locaux (LFP, rythme thêta…).

3.1. Généralités L’hypothèse des représentations spatiales a rapidement été étayée par des découvertes concernant leur support neuronal. Bien que l’on sache aujourd’hui que de nombreuses aires cérébrales sont impliquées dans la genèse et l’utilisation de ces représentations, l’hippocampe occupait et occupe toujours malgré tout une place privilégiée dans ce domaine de recherche. Les raisons de l’importance accordée à cette structure proviennent d’un faisceau d’arguments convergents. Une littérature pléthorique montre d’abord que des lésions hippocampiques chez le rat 40

induisent des déficits massifs dans les tâches mettant en jeu l’utilisation des informations spatiales (O'Keefe et al., 1975; Barnes, 1979; Morris et al., 1982; Sutherland et al., 1989; Poucet & Buhot, 1994). Cependant, l’argument essentiel en faveur de la fonction spatiale de l’hippocampe s’appuie sur l’existence de "cellules de lieu". Dans les années 70, O'Keefe et Dostrovsky ont alors l'idée d'implanter une électrode dans l'hippocampe dorsal chez le rat. Leur approche technique est révolutionnaire pour l'époque car elle permet l'enregistrement en chronique de l'activité extracellulaire d'un seul neurone alors que l'animal se déplace normalement dans son environnement (O'Keefe & Dostrovsky, 1971). Non seulement les problèmes de stabilité des signaux ont été résolus mais, qui plus est, le système d'électrodes peut être déplacé verticalement par l'expérimentateur, de manière à ce que la pointe des fils d'enregistrement traverse progressivement l'hippocampe dans toute son épaisseur dorso-ventrale. Ces auteurs recherchent une activité neuronale qui serait en rapport avec des processus mnésiques mais trouvent, en fait, que la décharge de certaines cellules est corrélée à la position de l'animal dans l'environnement. Ces neurones, appelés cellules de lieu émettent des potentiels d'action lorsque la tête de l'animal se trouve dans certaines régions restreintes du dispositif expérimental (champ d’activité de la cellule), mais restent silencieux quand la tête se trouve en dehors de cette zone. En outre, l’activité de ces cellules est indépendante de la direction de la tête de l’animal. Cette propriété fonctionnelle sera confirmée peu après par d’autres équipes (Ranck, 1973). Pour O’Keefe et Dostrovsky, dès 1971, l’activité de ces cellules reflète l’existence d’une représentation allocentriquee de l’environnement, appelée carte cognitive, telle que l’avait proposée Tolman en 1946. O’Keefe et Nadel en 1978, dans l’ouvrage devenu référence dans le domaine, « Hippocampus as a cognitive map », développeront l’hypothèse que l’hippocampe code pour une représentation interne ou une carte de l’espace définie dans un référentiel allocentrique (O'Keefe & Nadel, 1978). Malgré, les réticences de la communauté scientifique à accepter la réalité du phénomène des cellules de lieu, cette découverte a constitué l’amorce d’un développement extraordinaire des études sur le rôle de l’hippocampe. Ainsi, les données électrophysiologiques associées aux données lésionnelles (Olton & Werz, 1978; Morris et al., 1982; Nadel, 1991) étayent considérablement l’idée que, chez le rat, l’hippocampe serait la structure-clé responsable du traitement des informations spatiales. Treize ans après la première étude sur les cellules de lieu, James B. Ranck Jr. (Ranck, 1984) découvre la seconde grande classe de cellules dont l’activité est spatialement modulée : les cellules de direction de la tête. Ces cellules de direction ont été initialement découvertes dans les couches profondes du présubiculum dorsal (postsubiculum), et possèdent la particularité d’être actives quand l’animal oriente sa tête dans une direction particulière du plan horizontal de l’espace, quel que soit son propre emplacement dans l’environnement.

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Trente trois ans après la découverte des cellules de lieu et vingt ans après celle des cellules de direction de la tête, Fyhn, Molden, Witter, Moser et Moser découvrent en 2004 dans le cortex entorhinal médian (plus précisément dans la couche superficielle de la partie dorso-caudale de la bande dorso-latérale), des cellules qui présentent une activité spatio-sélective importante, qui se distingue des autres activités déjà décrites dans la littérature. Quelques mois plus tard, l’équipe les baptisera les "cellules grille" (Hafting et al., 2005). Ainsi, la structure d’entrée de l’hippocampe contiendrait déjà une carte de l’environnement. Cette grande découverte est bien évidemment en train de bousculer le dogme qui faisait de l’hippocampe la structure centrale de la représentation de l’espace.

Ces trois réseaux véhiculent des informations complémentaires dont la combinaison permet d’assurer le traitement global des informations spatiales. Toutefois, je ne passerai en revue ici que les principales propriétés de décharge des cellules de lieu ainsi que les déterminants sensoriels de leur activité.

3.2. Les cellules de lieux 3.2.1. Propriétés

Après 40 ans de recherche et des centaines d’études sur le modèle des cellules de lieu, il est possible d’établir certaines de leurs caractéristiques essentielles. Les cellules de lieu sont des neurones pyramidaux. Elles se trouvent dans les champs CA1 et CA3 de l’hippocampe dorsal (O'Keefe & Dostrovsky, 1971) et de l’hippocampe ventral (Jung et al., 1994; Poucet et al., 1994). Néanmoins, au niveau ventral, la spécificité spatiale de l’activité est plus faible que celle enregistrée au niveau dorsal. On trouve aussi des neurones avec une décharge corrélée à l’emplacement de l’animal dans d’autres parties de la formation hippocampique (Gyrus denté : Jung & McNaughton, 1993; complexe subiculaire : Sharp & Green, 1994; Deadwyler & Hampson, 2004), mais le terme de cellules de lieu est consacré aux cellules principales de CA1 et CA3. Les cellules de lieu présentent un faible taux de décharge (de l’ordre de 0 à 1 Potentiel d’Action/s), lorsque l’animal se déplace dans la plus grande partie de l’environnement, mais ce taux de décharge s’accroît considérablement (jusqu’à 20 ou plus PA/s) lorsque l’animal se trouve dans le champ d’activité. Elles déchargent par bouffées de deux à sept potentiels d’action avec des intervalles ‘interspike’ variant de 1.5 à 6 ms, durant lesquelles l’amplitude des potentiels émis décroît (Ranck, 1973). Les premiers à avoir enregistré un nombre conséquent de cellules hippocampiques simultanément sont Wilson et McNaughton en 1993. Ils sont donc les premiers à s’être penchés sur l’activité spatiale hippocampique à l’échelle de la population. L'enregistrement simultané de plusieurs cellules montre que l'environnement est "couvert" par des 42

champs d'activité (Wilson & McNaughton, 1993). L'échantillon de cellules enregistrées simultanément dans cette étude ne correspond cependant pas à l’intégralité des cellules de lieu réellement actives dans un environnement. Il existe environ 106 de cellules pyramidales (Muller et al., 2001). La proportion des cellules pyramidales de CA1 dotées de sélectivité spatiale dans un environnement donné est de l’ordre de 30 à 50% (Wilson & McNaughton, 1993) , soit environ 300 000 cellules actives pour coder un même environnement. Les champs ont donc des zones de recouvrement plus ou moins larges entre eux (Hampson & Deadwyler, 1996). Cette redondance apparente est en fait une caractéristique fondamentale du système des cellules de lieu car cela signifie que chaque lieu de l'espace correspond à l'activation non d'une seule cellule mais d'une population spécifique de cellules (réseau de neurones). Lorsque l'animal se déplace, la configuration de l'activation se modifie de manière continue (dynamique), certaines cellules s'arrêtant de décharger, d'autres maintenant leur activité et de nouvelles cellules se mettant à décharger. Le passage entre deux lieux se traduit au niveau des assemblées de neurones par une transition entre deux configurations d'activation distinctes. Ainsi, le codage de population permet non seulement de spécifier l'endroit où se trouve l'animal (activation d'une population à un moment donné) mais également de spécifier les déplacements entre des lieux particuliers de l'environnement (transitions entre des configurations d'activation différentes, Fig.5). A l’échelle de la population neuronale, l’activité des cellules de lieu serait la traduction électrophysiologique de la représentation des positions de l’animal. Les champs proches ne proviennent pas forcément de la décharge de cellules anatomiquement proches. Une autre propriété fondamentale des cellules de lieu est l’absence de modulation de l’activité en fonction de la direction de la tête, autrement dit le neurone décharge de la même manière quelle que soit la direction dans laquelle l’animal traverse le champ d’activité. La question de l'absence ou de l'existence d'une composante directionnelle a fait cependant l'objet d'une discussion vive car dans les espaces fortement structurés, comme le labyrinthe radial (McNaughton et al., 1983; Muller et al., 1994; Markus et al., 1995), le labyrinthe en Y (Lenck-Santini et al., 2001) ou l’allée rectiligne (O'Keefe & Recce, 1993; Gothard et al., 1996), une directionnalité de l'activité apparaît. Dans la situation d’un environnement ouvert, chaque cellule décrirait un endroit de l’espace, tandis qu’en environnement structuré, la cellule désignerait plutôt un ordre sur le chemin linéaire.

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Figure 5. Cellule de lieu et représentation du champ d’activité. a. Cette figure représente schématiquement les propriétés de sélectivité spatiale des cellules pyramidales de l’hippocampe alors que l’animal se déplace librement dans une allée rectiligne. A gauche, chaque cellule enregistrée a une signature électrophysiologique unique et reproductible comme le montrent les formes des potentiels d’action des cellules 1, 2, 3, 4. Au centre, chaque cellule décharge à un endroit bien spécifique de l’allée rectiligne. A droite, chaque champ d’activité est représenté par une carte de fréquence d’activité. Chaque carte représente une vue de dessus de l’environnement avec des zones de haute fréquence de décharge (de rouge à jaune) et des zones de non activité (bleu). b. Cette figure représente les 80 cartes de fréquence d’activité représentant les 80 cellules enregistrées simultanément dans la région CA1 de l’hippocampe dorsal, lorsque le rat explore une arène carrée (40x40cm). La plupart des cellules sont ‘silencieuses’, avec 40% de cellules pyramidales actives dans cet environnement. Les 6 cellules qui déchargent sur l’ensemble de l’arène sont des interneurones. La figure de droite montre un agrandissement de l’activité d’une cellule particulière : à droite de cette figure,le champ d’activité de la cellule et à gauche, la trajectoire (en noir) avec les potentiels d’action superposés (points rouges). Modifiée d’après Wilson et McNaughton, 1993.

Les interneurones de l'hippocampe ne présentent pas les mêmes caractéristiques électrophysiologiques que les cellules pyramidales. La forme et la durée de leur potentiels d’action diffèrent des cellules de lieu et le taux moyen de décharge est nettement plus élevé pour les interneurones que pour les cellules de lieu, allant parfois jusqu’à 50 PA/s. L’activité de ces interneurones n’est pas corrélée de façon prépondérante à la position de l’animal. En revanche, elle est modulée nettement par le rythme thêta, qui est lui même modulé par le comportement locomoteur de l’animal (McFarland et al., 1975; Slawinska & Kasicki, 1998). De ce fait, on les appelle les cellules thêta (Ranck, 1973).

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3.2.2. Distribution et forme des champs d'activité

Une cellule de lieu présente généralement un seul champ de lieu dans un environnement ouvert et relativement simple, comme une arène circulaire ou carré, mais dans des dispositifs plus complexes, comme les labyrinthes radiaux, il n’est pas rare de trouver des cellules possédant plusieurs champs d’activité (Muller et al., 1994). Les champs peuvent être de forme et de taille extrêmement variées, ces deux aspects étant directement dépendants de la structure du dispositif et de la position du champ à l’intérieur de ce même dispositif (Muller & Kubie, 1987; O'Keefe & Burgess, 1996). De même, la proximité d’objets influe sur la fréquence de décharge des cellules de lieu : les cellules dont les champs sont proches des objets ont une fréquence de décharge plus élevée que les cellules dont le champ est éloigné (Olypher et al., 2002). Lorsqu’on enregistre plusieurs cellules, les champs d’activité semblent se répartir de façon homogène dans un environnement donné (Muller et al., 1987), mais les champs semblent être plus nombreux à proximité des parois du dispositif et des indices présents (Hetherington & Shapiro, 1997).

3.2.3. Contrôles sensoriels des cellules de lieu

L'une des premières questions qui a alimenté les recherches sur les cellules de lieu a été de connaître quelles sont les informations qui permettent à la cellule d’identifier un lieu particulier et qui, par conséquent, contrôlent son activité. Il est encore difficile aujourd’hui d’expliquer "why they [place cells] fire where they fire" (O'Keefe & Nadel, 1978) et d’isoler le stimulus nécessaire et suffisant capable de contrôler une réponse des cellules de lieu. Néanmoins, nous tenterons ici de passer en revue les entrées sensorielles les plus pertinentes à la construction et au maintien de l’activité des cellules de lieu. 

Rôle de la vision Le premier travail visant à explorer de manière spécifique le contrôle sensoriel de l’activité

des cellules de lieu est celui de O’Keefe et Conway (1978). Ces auteurs ont enregistré l’activité des cellules de lieu alors que l’animal devait se rendre dans un bras particulier d’un labyrinthe en forme de T. Les indices disponibles pour guider l’animal vers le but étaient un ensemble d’objets et d’indices de nature différente placés autour du dispositif. Ce travail montre pour la première fois qu’une rotation complète des indices (en l’absence de l’animal) entraîne une rotation équivalente des champs d’activité. Ceci étant, la multiplicité et la diversité des indices sont un obstacle à une étude rigoureuse du contrôle de l’activité des cellules de lieu. C’est pour cela que Muller et Kubie (1987), ont développé une tâche expérimentale beaucoup plus simple, qui est aujourd’hui 45

communément utilisée pour l’enregistrement unitaire d’un animal libre de ses mouvements. Dans cette tâche, l’animal se déplace dans une arène circulaire (76 cm de diamètre) qui se trouve isolée visuellement du reste du laboratoire par un rideau circulaire opaque. Il s’agit donc d’un environnement contrôlé. Le seul repère mis à la disposition des rats est une grande carte blanche (couvrant 100° d’angle) fixée sur la paroi du cylindre. Pour contraindre l’animal à se déplacer en permanence dans le cylindre, ce qui est essentiel pour arriver à un échantillonnage correct de tous les lieux de l’environnement, on l'entraîne à rechercher des granulés de nourriture qui tombent au hasard dans l’arène depuis un distributeur fixé au plafond. Dans cette expérience, les auteurs montrent que si on déplace l’indice de 90° sur la paroi de l’arène (et en absence de l’animal), on observe la rotation du champ d’activité équivalente à celle de l’indice une fois l’animal réintroduit dans l’arène. Les relations spatiales entre le champ d’activité et l’indice sont donc conservées. La différence entre ces deux protocoles permet de mettre en évidence un aspect important d’une des propriétés des cellules de lieu : le contrôle des champs de lieu par les indices environnementaux ne dépend pas des aspects motivationnels ou attentionnels de la tâche. De la même manière, la rotation de trois objets tridimensionnels placés contre la paroi va systématiquement être accompagnée par une rotation correspondante de la position des champs d’activité. En revanche, lorsque les objets occupent une position plus centrale dans le dispositif, ce contrôle disparaît : la position des champs d’activité devient indépendante de la position des objets, comme si ceux-ci n’étaient pas utilisés par le système hippocampique pour l’ancrage positionnel de l’activité unitaire (Cressant et al., 1997). Une autre étude de Cressant et al. (1999) a permis de préciser que la configuration géométrique des objets dans l’arène avait aussi une importance notable sur le contrôle des champs d’activité : les champs sont mieux contrôlés par une configuration d’objets définissant un triangle isocèle plutôt qu’un triangle équilatéral. En effet, la configuration équilatérale est caractérisée par la présence de plusieurs axes de symétrie rendant ambiguë la discrimination spatiale si les caractéristiques intrinsèques des objets ne sont pas prises en compte. La distribution asymétrique dans l’espace des repères formant un triangle isocèle, au contraire, permettrait un meilleur ancrage de la décharge positionnelle des cellules de lieu. Le résultat qui émerge de ce travail et de nombreux autres travaux conduits dans cette optique est que les indices de l’environnement les plus efficaces sont ceux qui « polarisent » l’espace. La polarisation de l’espace, qu’elle soit créée par la disposition asymétrique des repères ou par leur éloignement, génère une anisotropie qui permet d’extraire des informations directionnelles. 

Rôle des modalités non visuelles et idiothétiques

La propriété fondamentale de ces cellules étant d’être purement directionnelles, cela pourrait suggérer un mode de fonctionnement de type compas comme chez les pigeons voyageurs ou chez 46

les espèces migratrices. Ainsi, ces cellules pourraient être sensibles au champ géomagnétique global. Cependant, aucune étude n’a pu étayer cette hypothèse. En effet, lors de la rotation d’une carte indice dans l’arène, les cellules de direction maintiennent une relation constante avec les indices de l’environnement au lieu de rester stables par rapport aux indices magnétiques locaux (Taube et al., 1990; Knierim et al., 1998). Selon eux, ce résultat suggère que le magnétisme n’est pas un élément utilisé par les cellules de direction. Il semblerait néanmoins plus prudent de conclure que les indices visuels sont utilisés de façon privilégiée. Les indices auditifs n’exercent pas de contrôle significatif sur la décharge des cellules de direction (Goodridge et al., 1998). En revanche, un indice olfactif exerce un contrôle qui est cependant moins efficace que celui exercé par un indice visuel (Goodridge et al., 1998) . Les informations idiothétiques ont également une influence sur les cellules de direction. Une des propriétés fondamentales qui rapproche une fois de plus le système des cellules de direction de la tête avec celui des cellules de lieu, est que l’activité des cellules de direction est maintenue même lorsque les indices environnementaux sont retirés (Taube et al., 1990; Goodridge & Taube, 1995), ou encore lorsque les animaux sont plongés dans l’obscurité (Mizumori & Williams, 1993; Chen et al., 1994a). Dans une expérience très élégante, Blair et Sharp (1996) ont examiné l’importance des informations idiothétiques. Dans leur dispositif, les seuls indices visuels disponibles sont 4 bandes noires verticales réparties de façon homogène sur les parois du cylindre expérimental. L’environnement visuel est donc ambigu car il ne possède pas d’indice visuel directionnel permettant d’orienter l’environnement. De cette façon, l’animal reçoit exactement les mêmes entrées visuelles qu’il soit placé vers le nord, vers l’est, vers le sud ou vers l’ouest. Pendant la session standard, le rat est toujours placé à côté de la bande noire ‘est’, faisant face au nord. La cellule enregistrée décharge toujours pour une seule direction malgré l’ambiguïté dans la polarité de l’environnement. En désorientant l’animal puis en l’introduisant dans l’arène par un nouveau point d’entrée décalé de 90° (face à l’est par exemple), la direction préférentielle de la cellule subit aussi un décalage de 90°. Le décalage angulaire dans la direction préférentielle suit systématiquement le point d’entrée de l’animal dans le dispositif. Ce résultat suggère que la direction du système s’initialise en fonction de la position de départ dans l’environnement puisque le système se « cale » sur les seuls indices disponibles de l’arène. Seulement, si les cellules déchargeaient uniquement sur la base des indices sensoriels visuels disponibles dans l’arène, on s’attendrait à ce que chaque cellule ait 4 pics d’activité correspondant à 4 directions préférentielles. Or, pendant une session d’enregistrement, chaque cellule n’a qu’une direction préférentielle, ce qui suggère que les cellules de direction utilisent les informations du mouvement de la tête de l’animal (vestibulaires et proprioceptives) au cours de la session pour lever les ambiguïtés sur l’environnement. En résumé, les cellules de direction, comme les cellules de lieu, ne sont pas de simples cellules sensorielles. Le « sens de la direction » de l’animal est en permanence actualisé grâce aux informations idiothétiques reposant sur les indices inertiels 47

(vestibulaires) et proprioceptifs. Stackman et Taube (1997) trouvent des résultats qui vont aussi dans ce sens, puisqu’en réalisant des lésions du système vestibulaire, les cellules perdent leur direction préférentielle.

3.3. Activités rythmiques synchrones de l'hippocampe Les cellules pyramidales individuelles peuvent coder spécifiquement une localisation dans l'espace en augmentant leur fréquence de décharge mais ce codage de l'environnement nécessite un timing de la décharge de ces cellules. Ce timing est permis grâce à l'activité rythmique encephalographique (EEG) permettant ainsi aux cellules de lieu d'agir en coopération. De ce point de vue, chaque cellule pyramidale peut agir comme un oscillateur. Ces oscillations individuelles sont stabilisées et synchronisées par un ensemble de circuits feedback inhibiteurs mettant en jeu les interneurones. Les neurones du septum fournissent les principaux inputs neuromodulateurs nécessaires aux cellules pyramidales d'entrer dans un état oscillatoire. Plusieurs types d'activité électrique ont été mis en évidence dans l'hippocampe chez le rat éveillé en comportement : 4 activités rythmiques et 2 activités non-rythmiques. Les patterns rythmiques comprennent le rythme thêta (6-12 Hz), le rythme beta (12-30 Hz), le rythme gamma (30-100 Hz) et les ripples (100-200 Hz). Les activités non-rythmiques sont représentées par les LIA (large irregular amplitude activity) et les SIA (small irregular amplitude activity).

3.3.1. Le rythme thêta a) Généralités Le rythme thêta consiste en des oscillations sinusoïdales de fréquence comprise classiquement entre 6 et 12 Hz chez le rat mais pouvant présentée des fréquences plus basses (4 Hz) chez le lapin ou le chat. Ces oscillations sont observées aussi bien quand l'animal est en mouvement que dans le sommeil paradoxal. Il a été mis en évidence deux types de rythmes thêta se différenciant par leurs corrélats comportementaux et leurs sensibilités pharmacologiques : le a-theta (pour attention theta) sensible aux drogues cholinergiques et corrélé aux états attentionnels et le t-theta (pour translation theta) non affecté par les drogues cholinergiques et corrélé à l'activité locomotrice de l'animal.

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b) Rôles du thêta Les études menées chez le rat ont mis en évidence trois rôles possibles pour le rythme thêta. - Il agit comme un mécanisme global de synchronisation et permettrait l'organisation de l'activité de chaque région de l'hippocampe. Ainsi, des enregistrements simultanés de l'EEG dans différents points de l'hippocampe ont montré que l'activité thêta dans des localisations comparables (par exemple dans la couche pyramidale de CA1) est en synchronie mais aussi à travers la formation hippocampique (Mitchell & Ranck, 1980; Bullock et al., 1990). Cela suggère donc que si deux cellules présentent un patron de décharge relié au cycle thêta local alors elles ont des relations temporelles même si elles sont très éloignées dans l'hippocampe. - Les oscillations thêta ont le rôle d'une horloge utile pour le timing des potentiels d'action des cellules de l'hippocampe. Il a été montré que la relation de phase de chaque cellule pyramidale comparée à l'activité thêta n'est pas constante mais peut varier d'un cycle à un autre (O'Keefe, 1993; O'Keefe & Recce, 1993; Skaggs et al., 1996). Ainsi, à mesure qu'un rat traverse le champ d’activité d’une cellule de lieu, les potentiels d’action émis par cette cellule se produisent de plus en plus tôt par rapport au rythme thêta, c’est ce qu'on appelle la précession de phase (Fig.6). Au bout des 5 à 7 cycles thêta qui composent le champ d'activité normale d'une cellule de lieu, la phase de l'EEG dans laquelle la cellule décharge a "avancé" de 360°. De plus, la phase de décharge est corrélée à la position de l'animal dans le champ de décharge. Les variations dans la décharge des potentiels d'action transmettent des informations sur la position de l'animal. L'analyse de ce phénomène par Jensen et Lisman (2000) montre que les informations temporelles fournies par la précession de phase peuvent améliorer la localisation de l'animal de plus de 40% par rapport à l'utilisation seule de la fréquence de décharge des cellules de lieu.

PA Thêta

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Figure 6. Précession de phase des réponses hippocampiques. A mesure que le rat traverse le champ d’activité d’une cellule de lieu (en haut), les potentiels d’action (PA) émis par cette cellule se produisent de plus en plus tôt (disques noirs) par rapport au rythme thêta. Pour quantifier cet effet, on mesure pour chaque cycle thêta la phase moyenne des potentiels d’action. La phase diminue à mesure que le rat avance : c’est la précession de phase (d'après M. Zugaro, 2009).

- Le rythme thêta fournit un contrôle temporal de la potentialisation à long terme (PLT) et par conséquence permet le stockage et le rappel des informations. Des stimulations électriques reproduisant le rythme thêta sur les afférences hippocampiques permet d'induire des phénomènes de PLT. De plus, il a été montré que les stimulations produisent des effets différents sur la plasticité synaptique suivant la phase de thêta à laquelle elles arrivent (Pavlides et al., 1988; Huerta & Lisman, 1995; Hyman et al., 2003). Les inputs arrivant sur la phase positive du thêta dans CA1 induisent une PLT alors que ceux arrivant sur la phase négative du thêta entraînent une dépression ou une dépotentialisation. Hasselmo (2005) propose que le pic de thêta corresponde à la période où les nouvelles informations provenant du cortex entorhinal sont encodées dans l'hippocampe et que le creux représente, quant à lui, la période durant laquelle le rappel des informations se fait entre l'hippocampe et le cortex entorhinal.

3.3.2. Sharp waves et ripples

Dans CA1, les sharp waves apparaissent le plus fréquemment durant le sommeil à ondes lentes, moins fréquemment pendant la prise de boisson ou de nourriture. Chaque sharp wave dure entre 50 et 100 ms et a une amplitude maximale dans le radiatum. Elles apparaissent de façon plus ou moins synchrones dans de larges parties de CA1 de l’hippocampe dorsal : l’enregistrement à différents points le long de l’axe septo-temporal montre qu’elles sont en phase (Buzsaki et al., 1992; Chrobak & Buzsaki, 1996). Leur polarité s’inverse dans la couche des cellules pyramidales et elles atteignent leur amplitude maximale dans le radiatum. Fonctionnellement, les sharp waves participeraient à la consolidation de la mémoire. Dans le creux des sharp waves, il existe des oscillations à très haute fréquence (120 à 200 Hz, O'Keefe & Conway, 1978; Buzsaki et al., 1992). Pendant ces « ripples » il y a des bursts dans presque tous les neurones thêta. En 1989, Bussaki a proposé un modèle de consolidation mnésique en deux étapes. Pendant l'apprentissage, le rat encode les informations, période durant laquelle des oscillations à 5-10 à Hz sont observées dans l'hippocampe. Ces informations seront rejouées pendant le sommeil durant les ripples, aboutissant à leur consolidation puis leur transfert vers des structures corticales. Girardeau et ses collègues (Girardeau et al., 2009) ont étudié l'influence de la suppression 50

des ripples sur l'apprentissage par l'utilisation de stimulations de la voie commissurale hippocampique. Les rats devaient résoudre une tâche de mémoire spatiale dans un labyrinthe radial, et la stimulation des fibres commissurales étaient déclenchée chaque jour, pendant l'heure de sommeil qui suivait l'apprentissage. La suppression des ripples entraîne une diminution de la performance des rats, comparable à celle observée par des lésions de l'hippocampe. Ceci démontre que les ripples participent activement à l'apprentissage.

3.3.3. Rythmes Béta et Gamma

En plus des rythmes thêta, des sharp waves et des ripples, il existe des fréquences intermédiaires de 10 à 100 Hz. Cette bande de fréquence se divise en activité beta (10-20 Hz) et en activité gamma (20-100 Hz). Le rythme gamma a été décrit pour la première fois dans l’amygdale chez le chat et est retrouvé dans de nombreuses régions du cerveau aussi bien chez l’animal que chez l’humain (Singer & Gray, 1995). Il a été suggéré que la synchronie du gamma dans les différentes régions du cortex serait générée par les interneurones des ces différentes régions (Whittington et al., 1995; Vida et al., 2006; Bartos et al., 2007). En revanche, l'importance du rythme gamma reste débatue. Il a été suggérée que les bursts de gamma constitueraient un mécanisme fondamental par lequel les informations seraient segmentées et filtrées dans une structure afin de coordonner les informations à travers différentes structures. Récemment, il a été suggéré que le rythme gamma pouvait sélectionner les informations salientes et ainsi participer dans les décisions ou l'apprentissage car les oscillations gamma sont souvent corrélées à des évenment dépendant d'une tâche (Berke, 2009; van der Meer et al., 2009; Kalenscher et al., 2010). Dans la formation hippocampique, le gamma apparait dans le cortex entorhinal et le gyrus denté mais est aussi retrouvé dans les champs CA (Csicsvari et al., 2003). Le rythme gamma peut être rapproché des oscillations à 40 Hz retrouvées dans les systèmes visuels et olfactifs (Singer & Gray, 1995). Dans l’hippocampe, les rythmes beta et gamma apparaissent préférentiellement pendant l’olfaction (Vanderwolf, 2001). En général, les oscillations thêta et gamma apparaissent indépendamment mais dans certaines circonstances (non définies) elles deviennent synchronisées, avec le gamma préférentiellement sur le pic positif du thêta. Les oscillations gamma dans le gyrus denté, mais pas dans la région CA1, sont dépendantes de la voie perforante (la lésion du CE abolissant le gamma dans le DG mais augmentant le gamma dans les régions CA1/CA3, Bragin et al., 1995). Le rythme beta quant à lui a un corrélât olfactif plus restrictif que le rythme gamma. Il apparait dans le DG en réponse à des stimuli signalant la présence d’un prédateur (Vanderwolf, 2001) .

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3.4. Les potentiels post-synaptiques inhibiteurs (IPSPs) dans l'hippocampe Dans les structures telles que l'hippocampe ou le cortex, les potentiels de champ sont le reflet des potentiels post-synaptiques excitateurs (Lomo, 1971) résultant de la libération synchrone de neurotransmetteurs. Ces EPSPs sont largement utilisés pour étudier les fonctions synaptiques ou la plasticité. Plus récemment, il a été montré que les événements post-synaptiques inhibiteurs pouvaient aussi contribuer au codage des informations (Glickfeld et al., 2009; Bazelot et al., 2010). Ces évènements sont des potentiels synaptiques évoqués par la libération synchrone de GABA provenant des terminaisons des interneurones de projection. Ces courants mettent en jeu les récepteurs GABAergiques de type A.

L'étude des mécanismes liant les IPSPs à la décharges des cellules pyramidales de CA3 a fait l'objet de la première partie de ma thèse. Ce travail expérimental in vitro et in vivo est rapporté dans la partie 1 des résultats.

4. Mémoire spatiale et flexibilité des cellules de lieu 4.1. La potentialisation à long terme (PLT) Le neuroanatomiste Santiago Ramon y Cajal propose en 1894 une hypothèse révolutionnaire : l’apprentissage faciliterait l’expansion et la croissance de protubérances (nommées plus tard les synapses) qui connectent les neurones entre eux (Ramon Y Cajal, 1894). Cette première formulation du concept de plasticité neuronale est, à l’époque, d’autant plus frappante que les études anatomiques du cerveau et de son développement révèlent la précision et la stabilité des assemblages neuronaux. Sans arguments expérimentaux directs, les positions théoriques s’affrontent, jusqu’en 1949, quand un psychologue canadien Donald Hebb énonce une hypothèse forte qui permet de concilier les deux points de vue : " Lorsqu’un axone d’une cellule A […] excite une cellule B et joue un rôle dans sa décharge de façon répétée ou persistante, certains processus de développement ou certaines modifications métaboliques surviennent dans une ou dans les deux cellules de telle façon que l’aptitude de A à exciter B est augmentée " (Hebb, 1949). Hebb propose donc que l’activité électrique que l’on observe dans des assemblées de neurones lors d’un apprentissage persiste pendant un certain temps, comme pour frayer un chemin, et que cela entraîne des modifications cellulaires ou biochimiques des neurones activés, de sorte que la force synaptique entre eux augmente. En 1970, Eric Kandel et ses collaborateurs mettent en évidence des changements fonctionnels des synapses de l’aplysie, corrélativement à cet apprentissage (Castellucci 52

et al., 1970). Ces résultats trouvent leur pendant chez les mammifères quelques années plus tard lorsque Timothy Bliss et Terje Lomo (1973) démontrent chez le lapin, la capacité de plasticité des synapses de l’hippocampe. Cette plasticité est désormais connue sous le nom de potentialisation à long terme, ou PLT (Bliss & Lomo, 1973) . Dans leur découverte initiale, les auteurs montrent qu’une brève stimulation à haute fréquence appliquée artificiellement au niveau de la voie perforante reliant le cortex entorhinal au gyrus denté, induit une augmentation importante et durable de l’efficacité de la transmission synaptique : les neurones cibles de l’hippocampe acquièrent une plus grande sensibilité à toute stimulation ultérieure. Le plus remarquable dans cette forme de plasticité, induite en quelques dizaines de millisecondes, est sa persistance : les synapses restent modifiées, potentialisées pour des semaines, voire des mois.

4.2. La PLT, un modèle de plasticité impliqué dans les processus mnésiques De très nombreux travaux suggèrent que la PLT pourrait refléter l'existence d'un mécanisme physiologique impliqué dans l'apprentissage. Même si la PLT est induite par une stimulation artificielle, plusieurs de ses caractéristiques en font un mécanisme de stockage approprié. Tout d’abord, elle se produit dans les trois principales voies dans lesquelles l’information circule dans l’hippocampe : la voie perforante, la voie des fibres moussues, et la voie collatérale de Schaffer. Ensuite, elle est rapidement déclenchée : une seule salve de stimuli électriques à haute fréquence peut doubler la force d’une connexion synaptique. Pour finir, une fois déclenchée, elle est stable pendant une ou plusieurs heures, et même pendant des jours suivant le nombre de répétitions de la stimulation. Le phénomène de PLT a été ensuite mis en évidence in vitro dans d’autres régions de l’hippocampe (dans CA3 : Alger & Teyler, 1976; dans CA1 : Andersen, 1977; Yamamoto & Chujo, 1978) et dans plusieurs autres régions du cerveau (cortex entorhinal, subiculum, cortex visuel, l’amygdale, septum, cortex piriforme, le cortex préfrontal)(cortex entorhinal, subiculum, cortex visuel, l’amygdale, septum, cortex piriforme, le cortex préfrontal; pour revue : Bennett, 2000). Le fait que la PLT ait les caractéristiques d’un processus mnésique idéal ne prouve pas pour autant qu’elle intervienne dans le stockage mnésique lors d’un apprentissage. Cependant, l’activité neuronale qui contribue à un souvenir dans des circonstances normales d’apprentissage est très difficile à étudier. Donc, la PLT est produite en laboratoire, dans des conditions contrôlées où il est plus facile de mettre en évidence les mécanismes moléculaires de la mémoire.

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4.3. Existe-il un lien entre PLT et mémoire spatiale ? 4.3.1. PLT et mémoire spatiale

De très nombreux travaux suggèrent que la PLT est une forme de plasticité nécessaire à l’apprentissage et au maintien de la trace mnésique en général. Dans cette partie, je me concentrerai en particulier sur les résultats montrant que des perturbations de la PLT ont des répercussions sur les capacités d’apprentissage spatial. Certaines études ont testé l’implication des récepteurs NMDA (Nméthyl-D-aspartate), dont on connaît l’importance dans l’induction de la PLT, dans l’apprentissage. L’injection d’antagonistes NMDA spécifiques bloque à la fois l’induction de la PLT (sans abolir la conduction synaptique : Collingridge et al., 1983; Zalutsky & Nicoll, 1990; Hanse & Gustafsson, 1992) et provoque un déficit dans une tâche de navigation dans la piscine de Morris (Morris et al., 1986; Bannerman et al., 1995; Saucier & Cain, 1995). Des données récentes se basant sur l’utilisation de souris knock-out pour des sous-unités des récepteurs NMDA, ont permis de montrer le rôle de ces récepteurs dans l’apprentissage. Par exemple, des souris K.O. chez lesquelles la sous-unité NR1 du récepteur NMDA est spécifiquement absente de la région CA1 présentent des déficits de PLT dans CA1 et des déficits d’apprentissage spécifiquement spatial (Tonegawa et al., 1996; Tsien et al., 1996). Chez des souris mutantes surexprimant la sous-unité NR2 des récepteurs NMDA, on observe une facilitation de la PLT ainsi qu’un meilleur apprentissage dans diverses tâches, incluant la tâche de navigation spatiale dans la piscine de Morris (Tang & Cassel, 1998).

Il est important de noter que

malgré une cohorte d’arguments en faveur du lien entre la plasticité synaptique et la mémoire spatiale, il existe tout de même quelques travaux montrant une dissociation entre la PLT et l’apprentissage spatial (Abeliovich et al., 1993; Huang & Kandel, 1995; Nosten-Bertrand et al., 1996; Migaud et al., 1998; Richter-Levin et al., 1998; Zamanillo et al., 1999). Migaud et collaborateurs (1998) (1998) ont par exemple montré que malgré l’augmentation de la PLT, les animaux ont des performances détériorées dans une tâche de navigation spatiale dans la piscine de Morris. Zamanillo et al. (1999) ont montré que même si l’induction de la PLT est affectée chez des souris K.O., ils ne trouvent pas de déficit de l’apprentissage spatial. Il semble que l’approche de départ de Tim Bliss et Terje Lomo (1973), qui consistait à appliquer artificiellement une stimulation tétanique sur une voie hippocampique et à en observer les conséquences au niveau de la transmission synaptique, ait été trop directe en déduisant une analogie simple entre PLT et mémoire. En effet, les protocoles d’induction de la PLT se basent sur des stimulations artificielles par définition et non physiologiques. Cette forme de plasticité ne peut donc pas être comparée à une plasticité naturelle. Les approches plus récentes, basées sur des techniques moléculaires et génétiques plus fines, permettent d’analyser les modifications observées après l’induction de la PLT et de les comparer avec les modifications survenant suite à un apprentissage. Même si une grande partie des expérimentations 54

démontre une corrélation assez nette entre la PLT et la mémoire spatiale, il serait imprudent de tracer un lien direct et définitif entre PLT et mémoire spatiale et mémoire en général. Jusqu’à maintenant, une seule étude (Whitlock et al., 2006) a réussi à montrer qu’une stimulation naturelle induite par un apprentissage produisait une PLT similaire à celle induite par les stimulations haute fréquence dans CA1. La PLT représente néanmoins, pour le moment, le meilleur modèle de plasticité permettant d’expliquer l’apprentissage et le maintien de la mémoire. A l’instar de la PLT, la formation des représentations par les cellules de lieu comporte une phase précoce et une phase tardive.

4.3.2. PLT et cellules de lieu

Les champs de lieu sont formés en quelques minutes (Hill, 1978; Bostock et al., 1991; Wilson & McNaughton, 1993) et une fois formés, la carte à laquelle ils contribuent peut rester stable pendant des semaines (Muller et al., 1987; Thompson & Best, 1989; Bostock et al., 1991). Ces faits posent plusieurs questions intéressantes : la PLT est-elle nécessaire pour l’activation des cellules de lieu ? La PLT est-elle nécessaire pour la modulation précise de leurs propriétés et en particulier pour la stabilité du champ de réponse au cours du temps ? L’instabilité de la carte se traduit-elle dans le comportement sous la forme d’une mémoire spatiale instable ? En dépit de l’importance que semble revêtir la PLT dans les processus d’apprentissage et les cellules de lieu dans l’élaboration des représentations spatiales, ce n’est que récemment que des travaux se sont attachés à étudier le lien entre les deux phénomènes. Deux stratégies expérimentales ont été utilisées : d’une part une stratégie classique consistant à tester les effets d’injections d’antagonistes du récepteur NMDA sur l’activité des cellules de lieu et d’autre part, une stratégie reposant sur la création de souris K.O. pour le récepteur NMDA, c’est-à-dire ne possédant plus le gène codant pour ce récepteur. Kentros et ses collaborateurs ont montré que l’injection de CPP [(+)-3-(2- carboxypiperazin-4-yl) propyl-1phosphonic acid], un antagoniste du récepteur NMDA, n’altère pas une représentation déjà formée (Kentros et al., 1998). Par ailleurs, le blocage de ces récepteurs n’empêche pas la formation d’une nouvelle représentation (remapping) quand l’animal est placé dans un environnement nouveau. En revanche, la stabilité à long terme de cette nouvelle représentation est affectée. Alors que chez l’animal contrôle, chaque ré-exposition ultérieure (les jours suivants) à l’environnement "nouveau" induit le rétablissement de la même représentation, chez les rats ayant reçus l’injection de CPP, c’est une nouvelle représentation qui apparaît. Ces résultats indiquent que la plasticité NMDAdépendante est très spécifique et ne concerne que le maintien à long terme d’une représentation. De plus, cela suggère que d’autres processus impliquant également une plasticité synaptique 55

(élaboration d’une représentation, remapping, stabilité à court terme) ne dépendent pas des récepteurs NMDA. L’enregistrement de cellules de lieu chez des souris mutantes, « knock-out » pour les récepteurs NMDA présents dans le champ CA1 montre que leur activation est toujours corrélée à la position de l’animal (Tsien et al., 1996; Yan et al., 2002). Cependant, les champs de réponse apparaissent beaucoup plus étendus que chez les animaux contrôles, ce qui suggère que l’absence de récepteurs NMDA altère la spécificité spatiale de la représentation. Les champs de réponse présentent aussi une instabilité lorsque l’animal est placé de façon répétée dans le même environnement. Ces déficits observés sont cohérents avec les faibles performances spatiales observées dans le test de la piscine de Morris (Gerlai, 1998). Bien qu’encore trop peu nombreux, ces résultats suggèrent pourtant qu’il existe un lien entre la PLT et l’élaboration des représentations spatiales au niveau des cellules de lieu. Un point est à retenir : l’altération de la PLT par des méthodes pharmacologiques ou génétiques ne perturbe généralement pas l’acquisition des représentations mais plutôt la stabilité de représentations déjà élaborées. Cela suggère que le phénomène de PLT NMDA-dépendante joue un rôle à un niveau très spécifique de la dynamique des représentations spatiales, peut-être dans les processus de stockage. En revanche, l’élaboration des représentations, c’est-à-dire l’acquisition de novo d’une mémoire spatiale, reposerait sur des processus NMDA-indépendants.

5. Systèmes monoaminergiques et mémoire spatiale Comme nous venons de le voir dans les chapitres précédents, la mémoire spatiale est soustendue par différents réseaux de structures, comprenant, entre autres, les aires corticales et l’hippocampe, au sein desquelles l’activité des neurones glutamatergiques et GABAergiques joue un rôle non négligeable, voire crucial. Cependant, les systèmes de neurotransmission ascendants, notamment monoaninergique (DA, NA, 5-HT), innervent ces structures et en modulent l'activité. Le terme de neuromodulation implique donc que d'un point de vue fonctionnel ces systèmes neurochimiques sont capables d’augmenter, de diminuer, de prolonger ou de réduire l'efficacité avec laquelle se fera l'entrée en jeu des systèmes impliqués dans le traitement à long terme d'informations appelées à être mémorisées (McGaugh & Cahill, 1997).

5.1. Système dopaminergique 5.1.1. Généralités 56

La DA est largement distribuée dans le système nerveux central des vertébrés, bien que les neurones capables de la produire ne représentent pas plus de 0,3% des cellules cérébrales. Les techniques permettant d’identifier les circuits utilisant la DA ont permis de distinguer 8 voies DAergiques dans le cerveau. Les quatre principales prennent naissance dans le mésencéphale. Il s’agit d’abord du faisceau DAergique associé au circuit de la récompense. Il est constitué par la voie méso-limbique qui a pour origine les neurones de l’aire tegmentale ventrale qui innervent plusieurs structures du système limbique. Cette voie est importante pour la mémoire et la motivation de nos comportements. La voie méso-corticale met aussi en jeu les neurones de l’aire tegmentale ventrale qui innervent le cortex frontal et les structures avoisinantes. Certaines évidences montrent qu’un dysfonctionnement de cette voie pourrait être à l’origine des symptômes de la schizophrénie (hallucinations, désordre de la pensée…). La voie tubéro-infundibulaire, qui projette de l’hypothalamus à l’hypophyse influence la sécrétion de certaines hormones comme la prolactine. Enfin, la voie nigro-striée projette de la substance noire vers le striatum (noyau caudé et putamen) mais aussi vers les autres structures des ganglions de la base, cette région est impliquée dans le contrôle moteur. La dégénérescence de ces neurones est associée aux symptômes moteurs de la maladie de Parkinson (Hornykiewicz, 1973; Smith & Kieval, 2000; Smith & Villalba, 2008; Fig. 7).

Figure 7. Représentation schématique des quatre voies dopaminergiques centrales. Les voies méso-corticale et méso-limbique proviennent de l’Aire tegmentale ventrale et innervent respectivement le cortex préfrontal et le noyau accumbens. La voie nigro-striée nait dans la SNc et innerve le striatum alors que la voie tubéroinfundibulaire relie l’hypothalamus à l’éminence médiale.

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5.1.2. Rôle dans l’apprentissage spatial

Bien que la DA soit largement considérée comme un composant central du système de récompense, plusieurs indices nous indiquent que la DA est aussi importante pour détecter la présence de nouvelles informations spatiales ou le changement d'informations (Lisman, 2005). L'exposition à un nouveau contexte entraîne une augmentation de la libération de dopamine dans l'hippocampe qui en retour facilite la plasticité synaptique (Ihalainen et al., 1999; Li et al., 2003; Lemon & Manahan-Vaughan, 2006). De plus, l'injection intra-hippocampique d'agonistes D1 ou d'antagonistes D2 améliore la mémoire (Packard & White, 1989, 1991; Wilkerson & Levin, 1999) alors que la lésion à la 6-hydroxydopamine (6-OHDA) des afférences dopaminergiques de l'hippocampe entraîne des déficits de mémoire spatiale (Gasbarri et al., 1996). Toutefois, cette étude a montré des effets opposés à ceux décrits précedemment . Cette contradiction peut être expliquée par le fait que certaines de ces études se sont focalisées sur la fonction de l'hippocampe dorsal alors que d'autres se sont intéressées exclusivement à l'hippocampe ventral (Jung et al., 1994; Moser et al., 1995).

5.2. Système noradrénergique 5.2.1. Généralités

Deux systèmes noradrénergiques principaux peuvent être distingués : l’un composé de neurones appartenant à la medulla oblongata (noyaux A1/C1) et l’autre plus rostral, composé de neurones localisés dans le pont, les noyaux A2/C2 (Gaspar, 1994). Le système noradrénergique caudal est représenté par des groupes de cellules dispersées dans le tronc cérébral et innerve majoritairement les structures descendantes et la moelle épinière. Le système le plus rostral est principalement représenté par le locus coeruleus (LC, A6) et innerve majoritairement les structures ascendantes du cerveau (Grenhoff et al., 1993). Le LC est présent dans toutes les espèces de mammifères et est la principale source de NA du système nerveux central (Mann et al., 1983; Grenhoff et al., 1993). Son activité est influencée par de nombreuses afférences synaptiques. En raison de sa petite taille, les études biochimiques ne peuvent pas différencier le LC des structures avoisinantes. Cependant les études de traçage antérograde et rétrograde ont permis de déterminer les nombreuses afférences et éfférences de cette structure (Grenhoff et al., 1993). Ainsi, le gyrus denté reçoit de nombreux inputs noradrénergiques du noyau pont du LC (Swanson & Hartman, 1975; Loughlin et al., 1986a; Loughlin et al., 1986b). Les fibres noradrénergiques se terminent principalement dans la couche polymorphique du gyrus denté et s’étendent jusqu’au stratum lucidum de CA3, principalement dans les zones occupées par les fibres moussues (Fig. 8). Les fibres 58

noradrénergiques sont toniquement inhibées par la libération de NA provenant des collatérales récurrentes. La libération de NA dans l'hippocampe est contrôlée par les récepteurs pré-synaptiques α2.

Figure 8. Représentation schématique des voies noradrénergiques centrales. Le système noradrénergique caudal est représenté par des groupes de cellules dispersées dans le tronc cérébral est innerve majoritairement les structures descendantes et la moelle épinière. Le système le plus rostral est principalement représenté par le locus coeruleus et innerve majoritairement les structures ascendantes du cerveau.

5.2.2. Rôle dans l’apprentissage spatial

Peu d'études suggèrent que la NA joue un rôle dans l'apprentissage et la mémoire spatiale. Les études comportementales réalisées en piscine de Morris ou grâce au labyrinthe radial conduisent à des résultats controversés. Par exemple, l'injection systémique de prazosine (antagoniste des récepeteurs Alpha1) entraîne une perturbation des performances spatiales (Riekkinen et al., 1996) ou ne perturbe en aucun cas l'acquisition de la tâche ou la mémoire spatiale dans la piscine de Morris (Puumala et al., 1998). Il en va de même pour les antagonistes beta (propanolol) injectés de façon systémique qui ne perturbent pas les performances dans le labyrinthe radial (Harrell et al., 1990; Ohta et al., 1993) ou au contraire entraînent des déficits de mémoire (Przybyslawski et al., 1999). Ainsi, les données bibliographiques ne sont pas claires et ne permettent pas d'attribuer un rôle spécifique à la NA dans l'apprentissage et la mémoire spatiale.

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5.3. Système sérotoninergique 5.3.1. Généralités

Le système sérotoninergique central, de par ses projections diffuses sur l’ensemble du système nerveux central et sa grande variété de récepteurs, joue un rôle dans de nombreuses fonctions cognitives et comportementales, notamment dans l’apprentissage et la mémoire (Cassel & Jeltsch, 1995; Steckler & Sahgal, 1995; Lehmann et al., 2000a; Lehmann et al., 2002a; Lehmann et al., 2002b). Les corps cellulaires des neurones sérotoninergiques sont localisés dans une petite région du tronc cérébral, le raphé, mais leurs projections sont très vastes et diffuses sur l’ensemble du système nerveux central. La nomenclature originale des noyaux du raphé est fondée sur la désignation de regroupement de corps cellulaires sérotoninergiques mis en évidence par fluorescence (Dahlstrom & Fuxe, 1964). Selon cette nomenclature, le système sérotoninergique est formé de neufs noyaux situés dans le plan rostro-caudal, dénommés B1 pour le plus postérieur jusqu’à B9 pour le plus rostral. Les quatre premiers noyaux (B1 à B4) forment le groupe postérieur et sont à l’origine des projections descendantes vers la moelle épinière. Les cinq autres constituent le groupe antérieur (B5 à B9) dont les noyaux B7 et B8 assurent l’essentiel des projections ascendantes vers l’encéphale. Le système sérotoninergique ascendant est composé des fibres issues du raphé dorsal (B6, B7) et du raphé médian (B8, B9). Elles empruntent dans un premier temps le faisceau médian du télencéphale avant de se répartir en différents faisceaux, faisceau dorsal pour le raphé dorsal et faisceau central pour le raphé médian, pour innerver de façon diffuse tout l’encéphale (Azmitia & Segal, 1978; Vertes, 1988, 1991; Jacobs & Azmitia, 1992; Vertes et al., 1999). Le raphé dorsal est la source de la principale innervation sérotoninergique du cortex (cingulaire, piriforme, frontal, temporal, pariétal, occipital et entorhinal) et du striatum (noyaux accumbens et caudé-putamen). Ces neurones innervent également le pallidum, l’amygdale, la partie ventrale de l’hippocampe, le noyau cholinergique Ch4 (noyau basal magnocellulaire, substance innominée, noyau préoptique magnocellulaire), le septum latéral, la pars compacta de la substance noire, les colliculi supérieurs et inférieurs, ainsi que des noyaux du tronc cérébral, dont le raphé médian. Les neurones du raphé médian sont la source principale de l’innervation sérotoninergique des composantes de la formation hippocampique (corne d’Ammon, gyrus denté et subiculum). Ces neurones innervent également le thalamus et l’hypothalamus, l’habénula latéral, les corps mamillaires médians, le noyau interpédonculé, le septum médian et la bande diagonale de Broca, le noyau du tegmentum pédonculopontin ainsi que le noyau raphé dorsal. Les neurones sérotoninergiques ne projettent que peu sur les cortex périrhinal, entorhinal et frontal, et de façon très éparse sur les autres aires corticales. Ainsi, les projections du noyau raphé dorsal et médian se font sur des régions cérébrales distinctes et ne se rejoignent que rarement sur une même cible : le raphé médian projette sur l’hippocampe et d’autres 60

structures limbiques et le raphé dorsal innerve le cortex et le striatum. Ces projections différentielles reflètent d’importantes différences fonctionnelles entre ces deux systèmes (Vertes & Fass, 1988; Vertes, 1991; Vertes et al., 1999; Fig. 9).

Figure 9.Représentation schématique des voies 5-HTergiques centrales. Les noyaux rostraux sont constitués entre autres du raphé dorsal et médian alors que les noyaux caudaux sont constitués du raphé caudal. Les noyaux rostraux innervent tout le système nerveux central alors que les noyaux caudaux innervent la moelle épinière.

5.3.2. Rôle dans l’apprentissage spatial

De manière générale, une déplétion sérotoninergique centrale induite par la parachlorophenylalanine (pCPA), qui inhibe la synthèse de sérotonine pendant plusieurs jours à quelques semaines, ou la 5,7-dihydroxytryptamine (5,7-DHT), qui détruit de manière sélective et durable les neurones sérotoninergiques, n’induit pas de déficit de mémoire spatiale évaluée avec le test de la piscine de Morris (Nilsson et al., 1988; Murtha & Pappas, 1994; Harder et al., 1996) ou le labyrinthe radial (Murtha & Pappas, 1994; Lehmann et al., 2000b; Lehmann et al., 2002a; Lehmann et al., 2002b). En revanche, plusieurs études psychopharmacologiques, ont apporté des arguments en faveur d'une implication de plusieurs types ou sous-types de récepteurs sérotoninergiques dans les fonctions mnésiques : parmi ceux-ci, les récepteurs 5-HT1A, 5-HT1B, 5-HT3 et 5-HT4 (Buhot, 1997; Meneses & Hong, 1999; Buhot et al., 2000; Meneses, 2007) et, comme le montrent des études plus 61

récentes, les récepteurs 5-HT6 (Mitchell et Neumaier, 2005) et 5-HT7 (Hedlund et al., 2004; Meneses, 2004). Par exemple, différentes études ont montré qu’une administration systémique d’un agoniste des récepteurs 5-HT1A, comme la buspirone ou la 8-OH-DPAT, effectuée avant l’acquisition dans un protocole évaluant la mémoire de référence dans la piscine de Morris, perturbe les performances d’apprentissage et de rétention dans ce test (Carli et al., 1992; McNaughton & Morris, 1992; Riekkinen et al., 1995; Kant et al., 1996; Luttgen et al., 2005). La 8-OH-DPAT injectée par voie systémique avant l’apprentissage perturbe également les performances de rats dans un test de discrimination spatiale dans la piscine de Morris (Carli et al., 1995), et dans un test de mémoire de travail dans le labyrinthe radial (Winter & Petti, 1987; Warburton et al., 1997).

En résumé, les trois systèmes monoaminergiques semblent donc être impliqués dans l'apprentissage et la mémoire. En revanche, leur contribution respective reste encore à élucider. Une des pathologies monoaminergiques mettant en jeu une déplétion de ces trois systèmes est la maladie de Parkinson (MP). Bien que la MP soit considérée comme une pathologie DAergique caractérisée par la manifestation de troubles moteurs, de nombreux travaux ont mis en évidence que la déplétion des deux autres monoamines (NA et 5-HT) dans la maladie seraient à l’origine des troubles cognitifs (dont une forme de désorientation spatiale) et émotionnels.

6. Exemple de pathologie monoaminergique : la maladie de Parkinson 6.1. Généralités La maladie de Parkinson figure parmi les maladies neurologiques les plus fréquentes avec une prévalence de 1% parmi les plus de 55 ans (Hoehn & Yahr, 1967). Cette affection a été décrite pour la première fois en 1817 par le médecin anglais James Parkinson comme "paralysie agitante". C’est une pathologie neurodégénérative considérée par la communauté scientifique comme principalement due à la dégénérescence des neurones DAergiques de la substance noire pars compacta (SNc). Cependant, toutes les voies DAergiques cérébrales sont atteintes. La plus touchée est la voie nigro-striée, mais le déficit concerne également les voies méso-limbique et méso-corticale qui peuvent jouer un rôle important dans la genèse des troubles cognitifs et certains aspects de l’akinésie (Javoy-Agid & Agid, 1980; Scatton et al., 1982). Bien que l’atteinte du système DAergique soit considérée comme la cause principale de la maladie de Parkinson, de nombreux travaux neuroanatomiques ont démontrés la dégénérescence des neurones noradrénergiques du locus 62

coeruleus (Greenfield & Bosanquet, 1953; Ehringer & Hornykiewicz, 1960; Chan-Palay & Asan, 1989) et des neurones 5-HTergiques du raphé dorsal (Fahn et al., 1971; Scatton et al., 1983; Shannak et al., 1994). D’après la théorie de Braak et collaborateurs (Braak & Del Tredici, 2008), les centres monoaminergiques dégénéreraient de façon caudo-rostral dans la maladie de Parkinson. Ainsi, à un stade avancé de la maladie, on note une perte d’environ 75 % des corps cellulaires DAergiques de la SNc (Ehringer & Hornykiewicz, 1960), 80% des voies noradrénergiques du LC (Cash et al., 1987), et d’environ 60% des voies 5-HTergiques du RD (Halliday et al., 1990; Kish, 2003). La dégénérescence cellulaire n’est jamais totale mais diverses études laissent à penser que le processus dégénératif est continu. Par exemple, dans, la maladie de Parkinson la perte des neurones DAergiques de la SNc est d’environ 1% par an, alors que chez le sujet sain, la dégénérescence est deux fois moins rapide (Riederer & Wuketich, 1976; Scherman et al., 1989).

6.2. Organisation anatomo-fonctionnelle des ganglions de la base La motricité volontaire est essentiellement un phénomène d’origine corticale. Elle fait intervenir le cortex moteur primaire, l’aire prémotrice, l’aire motrice supplémentaire, ainsi que les cortex associatifs préfrontaux et pariétaux. L’activité de ces aires corticales est régulée par un ensemble de boucles cortico-sous-corticales où interviennent les ganglions de la base (Gerfen et al., 1990). D’après le modèle anatomo-fonctionnel classiquement admis des ganglions de la base (Albin et al., 1989; Alexander & Crutcher, 1990; Alexander et al., 1990), le striatum représente la structure d’entrée principale de l’information en provenance de plusieurs régions corticales. La substance noire réticulée (SNr) et le globus pallidus interne (GPi, équivalent du noyau entopédonculaire chez le rongeur) sont les structures de sortie, projetant principalement sur les noyaux moteurs du thalamus. Les structures d’entrée et de sortie du réseau sont liées soit par une voie directe monosynaptique, soit par une voie indirecte polysynaptique faisant relai au niveau du globus pallidus externe (GPe, équivalent du GP chez le rongeur) et du noyau sous-thalamique (Burkhardt et al., 2007). La voie directe a pour origine les neurones épineux de taille moyenne (MSN, medium spiny neuron) du striatum projetant sur la SNr et le GPi et exprimant la substance P (Bolam & Smith, 1990). Les MSN projetant sur le GPe expriment quant à eux l’enképhaline (Gerfen et al., 1990). L’activation de la voie directe faciliterait le mouvement en désinhibant les neurones thalamo-corticaux, alors que l’activation de la voie indirecte inhiberait le mouvement en renforçant l’inhibition de cette même voie (Garcia-Cairasco et al., 1997). L’équilibre entre ces deux voies est assuré par l’innervation DAergique striatale issue de la SNc (Fig. 10).

63

Figure 10. Représentation schématique de la boucle cortico-sous-corticale du circuit moteur faisant intervenir les ganglions de la base (d’après Graybiel et al., 1990).

6.3. Symptômes moteurs et non moteurs 6.3.1. Symptômes moteurs

Les troubles moteurs associés à la maladie de Parkinson sont souvent qualifiés de symptômes cardinaux. Ils regroupent les quatre manifestions les plus courantes décrites chez les patients parkinsoniens. Il s’agit tout d’abord de l’akinésie ou bradykinésie, qui correspondent respectivement à la raréfaction voir la privation du mouvement et à la lenteur de son exécution. En d’autres termes, les mouvements volontaires se caractérisent par un défaut d’initiation avec apparition d’un délai significatif entre la volonté de réaliser le mouvement et l’exécution de ce mouvement. Les activités de routines sont donc grandement perturbées.

64

La rigidité est assimilée à une hypertonie musculaire généralisée. Elle est continue et homogène et concerne la quasi-totalité des muscles avec une prédominance du versant fléchisseur sur le versant extenseur (Delwaide et al., 1986). Les tremblements de repos constituent sans aucun doute le symptôme le plus caractéristique de la maladie de Parkinson. Il s'agit d'un tremblement qui commence généralement de façon unilatérale, il prédomine au niveau des extrémités des membres supérieurs. L'instabilité posturale est une manifestation tardive de la maladie, qui survient après de nombreuses années d'évolution. Elle se manifeste par des troubles de l'équilibre qui provoquent des chutes de plus en plus fréquentes. Il s'agit probablement du symptôme le plus incommodant, puisque la mobilité est alors réduite et que la sécurité lors des déplacements est compromise. Si l'instabilité posturale apparaît très tôt, il y a une forte possibilité qu'elle soit symptomatique d'une autre maladie que la maladie de Parkinson classique, dite idiopathique.

6.3.2. Symptômes non-moteurs

La majorité des symptômes décrits chez le patient parkinsonien correspond à des symptômes moteurs. Cependant, les complications non motrices ont une place non négligeable au sein de cette pathologie et sont généralement les plus handicapantes pour le patient. Ces complications regroupent des désordres cognitifs, psychiatriques, ainsi que des troubles du système autonome, de la mémoire, de l'odorat et du sommeil. La complication non motrice considérée comme la plus commune est sans nul doute la dépression (Burn, 2002). Les traitements utilisés pour les dépressions sont ceux couramment utilisés chez les dépressifs non parkinsoniens, tels que les inhibiteurs de la recapture de la 5-HT ou de la NA ou les antidépresseurs tricyclique (Richard et al., 1997; Burn, 2002). Dans la maladie de Parkinson, il a aussi été montré que la modulation de l’interaction des systèmes NAergique et DAergique était impliquée dans les troubles dépressifs (Remy et al., 2005). Enfin, il a été montré que les patients parkinsoniens présentaient des troubles de l’apprentissage spatial ainsi que de mémoire lors qu’ils étaient confrontés à de nouveaux environnements .

6.4. Monoamines et maladie de Parkinson 6.4.1. Dopamine

65

La dégénérescence des neurones DAergiques de la SNc est communément admise comme la cause principale de la maladie de Parkinson. Les symptômes moteurs apparaissent après 70% à 80% de dégénérescence DAergique (McNamara & Durso, 2006). Les neurones DAergiques de la voie nigro-striée qui projettent sur les parties "motrices" (dorso-latérales) du striatum sont davantage affectés que ceux qui projettent sur les zones plus "cognitives" (ventrales) (Agid, 1991), mais les autres structures des ganglions de la base sont aussi affectées (Hornykiewicz, 1973). Les traitements pharmacologiques de la maladie de Parkinson visent surtout à rétablir cette transmission DAergique altérée. En effet, des traitements médicamenteux de la classe des agonistes DAergiques ont été utilisés. Ces substances agissent directement sur les récepteurs DAergiques mais peuvent entraîner des effets secondaires indésirables. Elles sont moins efficaces sur les symptômes moteurs que le traitement de référence : la L-Dopa qui est le précurseur de la synthèse de DA. La L-Dopa, couplée à un inhibiteur de la décarboxylase périphérique ou de la catéchol-O-méthyl transférase (COMT) permet de compenser la diminution de la libération DAergique. Cependant, la L-Dopa est aussi le précurseur de la NA et peut donc être métabolisée en NA par les neurones issus du locus coeruleus.

6.4.2. Noradrénaline

Le LC est souvent sévèrement affecté dans les maladies neurodégénératives et un nombre croissant d’études anatomiques et biochimiques ont prouvé la dégénérescence de ses neurones dans la maladie de Parkinson. En plus d’une perte drastique des corps cellulaires NAergiques du LC (ChanPalay & Asan, 1989), une diminution sévère des taux de NA (>80%) a été montrée dans les cerveaux de patients parkinsoniens (Greenfield & Bosanquet, 1953; Ehringer & Hornykiewicz, 1960; Taquet et al., 1982; Jenner et al., 1983; German et al., 1992; Gaspar, 1994; Bertrand et al., 1997; Tohgi et al., 1997). Cette forte déplétion NAergique serait en accord avec la théorie de Braak (Braak & Del Tredici, 2008) qui postule une altération caudo-rostrale des centres monoaminergiques dans la maladie de Parkinson avec une dégénérescence des neurones du LC avant la dégénérescence des neurones DAergiques de la SNc. De plus, des études de tomographie par émission de positron (TEP) ont mis en évidence que le [11C]RTI-32, un marqueur in vivo des transporteurs DAergique et NAergique, est réduit dans plusieurs régions cérébrales des patients parkinsoniens y compris des structures pauvrement innervées en DA mais riche en NA (Marie et al., 1995; Remy et al., 2005). Il a aussi été montré un changement dans la forme et la taille des synapses noradrénergiques, aussi bien au niveau pré-synaptique que post-synaptique. Ainsi, un polymorphisme des vésicules synaptiques et une altération des mitochondries ont pu être mis en évidence (Chan-Palay & Asan, 1989; Baloyannis et al., 2006). De plus, Cash et al. (Cash et al., 1984; 1986) ont montré une augmentation des 66

récepteurs de type α1 et β1 dans les fractions synaptosomales et microsomales du cortex préfrontal aussi bien dans le modèle du rat 6- OHDA que chez le patient parkinsonien. Enfin, la biochimie des neurones NAergiques est un point important à considérer dans le cas de la maladie de Parkinson. En effet, la L-Dopa exogène donnée aux patients parkinsoniens est le précurseur de la synthèse des catécholamines. Elle augmente donc la synthèse DAergique grâce à la décarboxylase des acides aminés aromatiques (DCAA) présente dans les neurones catécholaminergiques. Cependant, dans les neurones NAergiques, la DA est ensuite prise en charge par la DA beta-hydroxylase (DBH) et est transformée en NA. Ainsi, la L-Dopa va être métabolisée en DA et en NA et il est possible que les neurones NAergiques co-libérent la DA et la NA. Au vu de ces données, il semble donc évident que la dégénérescence des neurones NAergiques du LC joue un rôle important dans la physiopathologie de la maladie de Parkinson et pourrait être impliquée aussi bien dans la manifestation des symptômes moteurs et non-moteurs (pour revue, Delaville et al., 2011)(pour Revue Delaville, 2011).

6.4.3. Sérotonine

L’implication de la 5-HT dans la maladie de Parkinson a été évoquée depuis longtemps (Jenner et al., 1983; Scatton et al., 1983; Miyawaki et al., 1997), mais la littérature existante n’offre pas une idée claire sur le devenir des neurones 5-HTergiques du raphé dans cette pathologie. En effet, certains auteurs ont rapporté des faibles baisses ou aucune modification dans le nombre des neurones 5-HTergiques du RD (Sawada et al., 1985; Jellinger, 1987; Halliday et al., 1990; Jellinger, 1991). Des auteurs ont toutefois montré qu’il existait des altérations des fibres ascendantes limitées aux terminaisons 5- HTergiques dans différentes régions cérébrales de patients parkinsoniens (Chase & Ng, 1972; Chase et al., 1972; Chinaglia et al., 1993) pouvant se traduire par 60% de baisse tissulaire en 5-HT au niveau du cortex et dans les ganglions de la base (Scatton et al., 1983; Birkmayer & Riederer, 1986; Birkmayer & Birkmayer, 1987). Contrairement à la baisse marquée des taux de DA dans le putamen, c’est le noyau caudé qui présente la plus forte baisse des marqueurs 5-HTergiques : 5-HT (-66%), 5-HIAA, le métabolite principal de la 5-HT (-42%), le transporteur 5-HT (-56%) et la tryptophane hydroxylase (-59%) (Kish et al., 2008). Beaucoup d’études se sont focalisées sur le striatum, mais il semble que la baisse puisse être plus diffuse, comme le suggère des données obtenues par imagerie cérébrale décrivant des baisses du transporteur 5-HTergique non seulement dans le noyau caudé et le putamen mais également dans le thalamus et les aires corticales frontales (Haapaniemi et al., 2001; Kerenyi et al., 2003). Ainsi, l’altération des neurones 5-HTergiques serait présente dans la maladie de Parkinson et pourrait dépendre de l’état d’évolution de la maladie 67

(Scholtissen et al., 2006). Cette altération serait à prendre en compte toutefois pour ajuster une approche thérapeutique efficace, non seulement pour la pathologie motrice, mais aussi pour les pathologies associées telles que la dépression.

6.4.4. Interactions entre les trois systèmes monoaminergiques

Plusieurs études anatomiques ont montré des projections réciproques entre les neurones 5HTergiques, DAergiques et NAergiques (Grenhoff et al., 1993; Kaehler et al., 1999). D’un point de vue fonctionnel, il a été mis en évidence que, lorsque les neurones 5-HT du RD étaient lésés, la fréquence de décharge des neurones NAergique du LC augmentait d’environ 70% (Reader et al., 1986; Haddjeri et al., 1997; Dremencov et al., 2007). De la même façon, la lésion des neurones NAergiques du LC induit une décharge irrégulière des neurones du RD (Swanson & Hartman, 1975). Le LC et le RD reçoivent une forte innervation DAergique (Beckstead et al., 1979; Kalen et al., 1988). L’administration d’agonistes DAergiques augmente la fréquence de décharge des neurones du RD (Haj-Dahmane, 2001; Aman et al., 2007) et inhibe les neurones du LC (Elam et al., 1986). A l’inverse, les neurones du LC et du RD modulent l’activité des neurones DAergiques (Grenhoff et al., 1993; Grenhoff & Svensson, 1993; Di Mascio et al., 1998; Linner et al., 2001). Au niveau des ganglions de la base, tant les inhibiteurs de la recapture de la 5-HT que la stimulation électrique du RD augmente la libération striatale de DA in vivo ou le métabolisme DAergique ex vivo induit par l’halopéridol, un antagoniste non sélectif des récepteurs DAergiques (Waldmeier, 1979; Waldmeier & Delini-Stula, 1979; De Simoni et al., 1987; Lucas et al., 2000; Lucas & Spampinato, 2000; Bubar et al., 2003). De la même façon, la stimulation du LC excite l’activité des neurones DAergiques innervant le striatum (Jonsson et al., 1981). Ainsi, les trois systèmes monoaminergiques sont en interaction constante et modulent réciproquement leurs activités.

68

La maladie de Parkinson semble donc être une pathologie dont les trois systèmes monoaminergiques sont affectés et non une pathologie pûrement dopamino-dépendante. De plus, cette maladie est une pathologie qui ne se caractérise pas seulement par des symptômes moteurs mais aussi par des troubles cognitifs telle qu'une forme de désorientation spatiale à laquelle nous nous sommes particulièrement intéressés dans ce projet. Cependant, l’impact de chaque déplétion monoaminergique sur l'apprentissage et la mémoire spatiale ainsi que sur l’activité des neurones de l'hippocampe reste à élucider. L’objectif de ce travail de thèse s’inscrit dans un champ de recherche visant à mieux comprendre la physiopathologie de la maladie de Parkinson permettant de développer de nouvelles approches dans le domaine des troubles non moteurs. Dans un premier temps, nous nous sommes donc intéressés au rôle respectif des trois monoamines (DA, NA et 5-HT) dans la physiopathologie de la maladie. Pour cela, nous avons étudié les effets des déplétions monoaminergiques une à une ou combinées sur l'apprentissage et la mémoire spatiale chez le rat grâce à la piscine de Morris. Ensuite, nous avons étudié l’impact des différentes déplétions monoaminergiques sur l’activité électrique des neurones de CA1 de l'hippocampe, structure majeure de la mémoire, chez l'animal anesthésié. Dans un second temps, nous avons évalué plus précisément l’impact de la déplétion dopaminergique sur l'apprentissage spatiale en combinant une étude comportementale chez le rat éveillé à l'enregistrement électrophysiologique des neurones de la région CA3 de l'hippocampe. Ces résultats sont reportés dans les parties 2 et 3 des résultats.

69

Résultats

70

Partie 1

71

Partie 1 Inhibition GABAergique et organisation temporelle de la décharge neuronale dans le circuit récurrent de CA3. 1. Résumé et résultats principaux Selon la théorie de Hebb, il est considéré que l'activation simultanée de neurones interconnectés (les assemblées cellulaires) est la base physiologique des représentations mentales et de la mémoire associative. L'organisation temporelle et spatiale des potentiels d'action qui soustend le codage et le stockage des informations dépend des propriétés des circuits neuronaux sousjacents. Ainsi, le réseau de la région CA3 de l'hippocampe, constitué de collatérales excitatrices et inhibitrices récurrentes pourrait supporter la réactivation des assemblées cellulaires et être à la base des phénomènes de mémoire associative. En revanche, les paramètres de base tels que l'intégration de l'excitation et l'inhibition pendant l'activité spontanée des neurones n'est pas encore connue ou l'interaction entre l'excitation récurrente et l'inhibition feedback. Grâce à des enregistrements électrophysiologiques de l'activité spontanée in vitro mais aussi in vivo nous permettant de détecter des événements synaptiques inhibiteurs (IPSPs), nous avons pu étudier l'interaction entre les cellules pyramidales et les interneurones dans le circuit CA3. Nous avons identifié des signaux extracellulaires spontanés passant par les récepteurs GABAA capables d'inhiber totalement la décharge des neurones in vitro. Nous avons aussi montré qu'avant cette inhibition totale de la décharge, les cellules pyramidales étaient recrutées dans une échelle de temps de 10 ms. Ces mêmes événements ont été mis en évidence chez l'animal anesthésié.

72

2. Article 1 : GABAergic inhibition and the temporal organization of spike dischage in the hippocampal CA3 recurrent network.

GABAergic inhibition and the temporal organization of spike discharge in the hippocampal CA3 recurrent network Aude Retailleau1* & Anna Beyeler1*, Colin Molter1, Amine Mehidi1, Antoine Allanore1, Janos Szabadics2, Xavier Leinekugel1 1. IMN, UMR 5293, CNRS & Université Bordeaux 1&2, France 2. Institute of Experimental Medicine, Hungarian Academy of Sciences, Budapest, Hungary * equally contributing authors Correspondence should be addressed to : Xavier Leinekugel Institut des Maladies Neurodégénératives (IMN) UMR 5293, CNRS & Université Bordeaux 1 & 2 Avenue des Facultés 33405 Talence France tel : +33 5 40 00 25 66 / +33 6 09 55 53 39 fax : +33 3 59 03 90 06 email : [email protected]

Keywords : hippocampus, CA3, neuronal networks, inhibition, rat, electrophysiology Acknowledgements : This worked was performed thanks to the following funding sources : INSERM (XL), FRM (XL), CNRS (XL), Région Aquitaine (XL), ENI-Net (XL), French Ministry of Research and Education (AR), ANR (XL, AB, AA, CM), Wellcome Trust #087497 (JS), Lendulet initiative of the Hungarian Academy of Sciences (JS), Gedeon Richter (JS). We also wish to thank Norbert Ankri for Detectivent software, Darrell Henze and Derek Buhl for DASH software, Richard Miles and Ivan Cohen for their help in setting up the experimental preparation, Gyorgy Buzsaki, Jozsef Csicsvari, Pierre Meyrand, Tiaza Bem, Thibault Maviel, Cyril Dejean and Michele Pignatelli for useful comments and discussion.

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ABSTRACT In auto-associative networks that support higher cognitive functions, feedback inhibition is supposed to fulfill two essential roles : to keep global firing rate below pathological level, and to organize the timing of the pyramidal population discharge. In this respect, the integration time of inhibitory signals by pyramidal cells and of excitatory signals by interneurons are critical factors, which have not been yet estimated experimentally during spontaneous activity in the hippocampal circuit, although they directly affect both efficacy and precision of neuronal interactions. Using electrophysiological recording of neuronal discharge and extracellular inhibitory synaptic events (eIPSPs), we investigated the precise dynamics of recruitment and interplay between recurrent excitation and feedback inhibition in the CA3 circuit during spontaneous activity in vitro and in vivo. We found that an excitatory/inhibitory loop operates on a 10-20 ms time scale, within which pyramidal cells recruit each other through recurrent collaterals and trigger powerful feedback inhibition and network reset. This precisely timed feedback loop, which can also be recruited at gamma frequency, provides the generation of small (95%). Instantaneous firing rate windows of various durations (between 5 and 30 ms) were tested. Across individual animals and conditions, the overall strongest recruitment occurred on a time scale of 15 ms for e-IPSPs and 20 ms for action potentials (data not shown). In most experiments, we found statistically significant (p0.05). In sham-lesioned rats, NA depletion alone significantly increased the firing rate of CA1 neurons (one-way ANOVA, F=11.22, p0.05, fig. 7B). In 6-OHDA-lesioned rats, depletions of NA and/or 5-HT did not induce changes in the firing rate of hippocampal neurons (Neuwman-Keuls test, p>0.05, fig. 7C).

112

A

D 150

*

15

% of cells

10

60 % (n=31)

80 % (n=33)

50

5 0 sham

40 % (n=20)

20 % (n=8)

0

6-OHDA

B

sham

6-OHDA

E 20

150

**

*

15

% of cells

10

100 80 % (n=33)

77 % (n=39)

68 % (n=54)

78 % (n=35)

20 % (n=8)

23 % (n=9)

32 % (n=25)

18 % (n=10)

50

5

SP 4

SP 4 D

C

pC

PA

/D

m sh a

SP 4 pC

PA

/D

pC

D

sh a

SP 4

PA

0

m

0

PA

Firing rate (spikes/s)

irrégulier bouffés

100

pC

Firing rate (spikes/s)

20

F 150

* 15

% of cells

10

100 60 % (n=31)

57 % (n=24)

55 % (n=42)

40 % (n=20)

43 % (n=18)

45 % (n=34)

82 % (n=37)

50

5

H

D

A /p

C PA /D SP 4

D 6O H

A /p D H 6O

A /D SP 4

C PA

A D H

18 % (n=8)

6O

6O

H

D

A /p

C PA /D SP -4

D H 6O

6O H

D

A /p

A /D SP 4

D H 6O

C PA

0

A

0

6O

Firing rate (spikes/s)

20

Figure 7: effect of monoamine depletions on the spontaneous firing rate and discharge patterns of CA1 hippocampal neurons. A-C: firing rate histograms. D-F: firing pattern histograms showing the proportion (in percent) of CA1 neurons discharging irregularly (black portion) or with bursts (white portion). Values are the mean±SEM in sham and 6-OHDA rats (A and D); in sham-lesioned groups (B and E) and in 6-OHDA-lesioned groups (C and F). *: p0.05 for 6-OHDA/pCPA group). However, combined depletions of NA and 5-HT decreased the proportion of irregular CA1 neurons observed in 6-OHDA lesioned rats (X²=9.73, df=2, p