Sois mignonne et tais-toi

12 mai 2016 - Gobin, auteur de La face cachée de l'empire Mulliez. La Société générale nie .... charte de bonne conduite est un premier pas. « Il y a déjà un ...
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I France I

Le Toulousain Jeudi 12 mai 2016

Sois mignonne et tais-toi

3 questions à Serban Iclanzan

Le sexisme en politique, un désamour qui perdure depuis longtemps. être une femme dans cette jungle quotidienne n’a jamais été aisé alors que le silence s’impose comme une arme de survie. L’affaire Baupin n’est qu’un cas comme un autre, mais désormais, les langues se délient.

Conseiller départemental

J

e ne pense pas qu’il y ait des femmes faibles par rapport à des femmes fortes  », affirme Marion Lalane de Laubadère, 4e adjointe au maire de Toulouse. Victime de propos sexistes en plein conseil départemental, en avril dernier, son cas n’a rien d’exceptionnel. Les femmes politiques sont sujettes au sexisme qui se juxtapose sans complexes aux principes républicains. Ni récent, ni indestructible, le sexisme touche des profils de femmes bien différents, portant la jupe, portant le pantalon. Le dernier scandale en date remet en cause l’omerta. Ce sont huit femmes qui accusent Denis Baupin «

de harcèlement sexuel. Isabelle Attard, Elen Debost, Sandrine Rousseau et Annie Lahmer ont témoigné, sans passer par la case anonymat, contre le dirigeant historique d’Europe écologie-Les Verts. Entre l’envoi de messages à caractère sexuel et les tentatives grossières d’attouchements, une question se pose : comment être une femme politique efficace et travailler dans ces conditions ?

La légitimité par le travail Dès lors, il s’agit d’outrepasser le secret du monde politique qui est d’une grande violence. Pour Marion Lalane De Laubadère, il était hors de question de se laisser faire, elle a tout de suite agi face à la condescendance de son agresseur verbal. Un acte normal que beaucoup de femmes victimes d’harcèlement n’osent pas exécuter. « En tant que femme on les emmerde, particulièrement parce qu’avec les mesures de parité, on bouscule leur monde

Marion Lalane de Laubadère, 4ème adjointe au maire de Toulouse et conseillère départementale, victime de sexisme. © Paul Thiry

pré-établi, rajoute-elle, c’est uniquement par notre travail qu’on gagne peu à peu notre légitimité. » Le lien de subordination et le souhait d’évoluer professionnellement

femme mais que de dos, ses fesses n’étaient pas terribles. C’est tout à fait inacceptable pour des personnes censées voter les lois. » Selon Catherine Lemorton, instaurer une

Le rêve de toutes ces femmes est qu’un jour enfin on n’entende plus « elle l’avait bien cherché ».

font peur aux victimes. Pour elles, ne rien dire signifie avoir une chance de gravir les échelons et c’est là le nœud du problème. Pour la députée de Haute-Garonne, Monique Iborra, qui fut la première femme à son arrivée au bureau fédéral, « les femmes ne sont pas tentées par les postes au cœur de l’appareil, car les rapports de force y sont extrêmement violents, or c’est justement là qu’elle pourraient agir pour améliorer leur condition. » « Une femme est l’égale d’un homme surtout dans le contexte républicain où le mandat n’est pas sexué », renchérit Catherine Lemorton, députée de Haute-Garonne qui n’a pas été épargnée à la tribune de l’Assemblée par le mauvais goût d’un de ses confrères. La hiérarchie ne protège pas contre les propos injurieux. Cette mentalité de jugement intempestif est profondément ancrée. « Je me rappelle que lorsque Rama Yade avait pris la parole, un socialiste avait dit que c’est une super

charte de bonne conduite est un premier pas. « Il y a déjà un lieu de médiation pour les femmes à l’Assemblée mais elles n’osent pas y mettre les pieds. »

Sarah Khani

L’éducation contre le sexisme « Il faut sortir de ce drame culturel. Il y a certes des choses qui existent dans la loi pour l’égalité homme-femme mais il faut aller plus loin, avec des spots publicitaires, des campagnes d’information, mais surtout renforcer l’apprentissage à l’école quant à ces questions d’égalité et de respect », ajoute Catherine Lemorton. Michèle Horlaville, membre du groupe féministe La Barbe et du parti EELV, a décidé de signer la pétition lancée par Libération, « pour que l’impunité cesse » contre les harceleurs sexuels. « Je soutiens ces femmes qui ont eu le courage de parler, même en étant reliées à des combats politiques. La femme normale comme le président normal, pour se faire entendre doit avoir beaucoup de courage. »

« Culotte Gate » : Sapin s’excuse L’affaire Denis Baupin aurait-elle poussé Michel Sapin à prendre les devants ? Accusé « d’avoir fait claquer l’élastique de la culotte d’une journaliste » lors d’un déplacement à Davos en 2015, le ministre des Finances avait dans un premier temps dénoncé des « accusations totalement fausses » et même une « calomnie ». Mais hier matin, changement de stratégie. « Les circonstances actuelles m’obligent à apporter les précisions nécessaires », a expliqué le ministre. Dans un communiqué transmis à l’AFP, il s’est excusé pour ce « geste inapproprié  ». « Il n’y avait dans mon attitude aucune volonté agressive ou sexiste » a-t-il poursuivi. Suffisant pour s’épargner un tollé médiatique « à la Baupin » ? Léa Léostic

Fiscalité : une faille dans le clan Mulliez ? Auchan, Kiabi, Decathlon... les enseignes détenues par la famille Mulliez se comptent par dizaines. Le clan du Nord est depuis mardi la cible de perquisitions. La cause : une accusation de « fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale ». Coup de projecteur sur une famille d’entrepreneurs unique, avec Bertrand Gobin, auteur de La face cachée de l’empire Mulliez. Impossible de parler d’un membre de la famille Mulliez sans toucher au clan. C’est peut-être pour cela qu’ils ont choisi la discrétion. « Pour vivre heureux, vivons cachés », répètent souvent ces dirigeants d’entreprise. Pourtant, il semblerait que le silence ait été rompu. Mardi, des perquisitions ont eu lieu au siège d’Auchan

Decathlon, Saint-Maclou, Leroy Merlin, Flunch... Les Mulliez ont leur propre fonctionnement, écrit leur propre charte. Leur inspiration, l’encyclique du Pape Jean XXIII. C’est à partir du principe de partage familial que les Mulliez ont créé leur stratégie commerciale, unique. Le « Tous

à Roubaix, au Luxembourg, à Néchin (Belgique), terre des Mulliez. Intervenues dans le cadre d’une enquête ouverte il y a huit mois pour « fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale », elles auraient permis de récupérer « énormément de documents », selon une source de l’AFP. L’instruction aurait été ouverte suite à une plainte d’un membre du clan Mulliez. Une situation qui « étonne sans étonner » Bertrand Gobin, journaliste indépendant, auteur de La face cachée de l’empire Mulliez. « Il y a des tensions en ce moment, raconte le spécialiste qui enchaîne : C’est une famille très romanesque. »

dans tout ». « Ce qui fait la singularité de ce pacte, c’est qu’ils sont tous actionnaires de toutes les enseignes », explique Bertrand Gobin. Au total, ce sont donc près de 650 membres de la famille qui se partagent donc les 80 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

« Tous dans tout » Jusqu’à maintenant, le clan semblait pourtant soudé. à sa tête, Louis Mulliez, un vendeur de laine du Nord. Suit son fils, Gérard, fondateur d’Auchan en 1961. 65 ans plus tard, la famille possède une quarantaine d’entreprises : Kiabi, Pimkie,

Sexisme, harcèlement, la sphère politique semble gangrénée… Elle n’est pas la seule. Je pense que la société dans son ensemble est misogyne. Les femmes doivent essuyer de multiples réflexions sexistes, qu’elles préfèrent souvent taire. Il y a la peur du jugement des pairs et de la minimisation des actes. Pour autant, je ne pense pas qu’il y a de loi d’omerta. Je constate une certaine schizophrénie sociale. On revendique la parité, comme cheval de bataille contre le sexisme, mais on tolère des comportements inacceptables. Cela ne suffit pas. Peut-on espérer une amélioration de cette situation ? Je crois que la société se cherche encore en terme de rapports homme-femme. Aujourd’hui, de nombreuses femmes occupent des postes clés. La branche juridique est investie à 60 % de femmes. L’ancienne présidente du MEDEF était d’ailleurs une femme. Les mœurs évoluent. Je suis convaincu qu’il faut lutter contre notre héritage latin grégaire. Il faut transformer le rapport de domination actuel en un rapport de respect et de raffinement. Il faut rééduquer la société dans son ensemble. Surtout, il est impératif de restaurer la compétence comme seul critère d’évaluation de l’individu. Le sexe ne devrait pas être pris en compte. Victoria Pollastri

En bref

Contourner le système fiscal Mais il y a un principe qu’ils semblent moins enclins à respecter : la fiscalité juste et équitable. « Ils sont très doués pour l’optimisation fiscale », affirme le spécialiste. Pour échapper aux taxes françaises, le clan a mis en œuvre un montage complexe. Chacun a sa société civile, détenue par différentes holdings, elles mêmes dirigées par l’AFM (Association de la famille Mulliez). « Un montage souvent opaque, avec des holdings parfois domiciliées au Bénelux. » Ce qui leur permet de ne payer que 1 % de taxe sur les dividendes, quand elle devrait en

Le mois dernier, votre binôme Mme Lalane de Laubadère a interrompu une session du conseil départemental à la suite d’une remarque qu’elle a jugé désobligeante. Que © Twitter s’est-il passé ? Le 12 avril, pendant une intervention de la présidente du groupe de droite, le socialiste Jean-Jacques Mirassou s’est permis un : « Elle est mignonne ! » sur un ton condescendant. Une réflexion méprisante qui est malheureusement très fréquente. Personne n’a réagi. J’ai exigé que des excuses lui soient présentées. C’est finalement, Sébastien Vincini qui les a faites au nom du groupe socialiste, radical et progressiste (SRP). M. Mirassou a lui continué de nier la nature sexiste de ses propos. Je pense que cet épisode explique la difficulté des anciens à s’accommoder de l’arrivée croissante des femmes en politique.

Gérard Mulliez (droite) et son fils Arnaud (gauche) sont membres du discret clan Mulliez. © AFP

payer 35 %. Pour autant, Bertrand Gobin affirme que la famille et son armée de fiscalistes « ont toujours fait attention à ne pas franchir la ligne jaune, à rester dans la légalité ». Autre moyen de contourner le système fiscal, l’exil. Soixante Mulliez ont quitté la France pour la Belgique et son village de Néchin, dont Patrick Mulliez. Le fondateur de Kiabi, à la tête d’une fortune

de 1,1 million d’euros, n’aurait ainsi payé que 135 euros d’impôts en 2014 selon le journaliste Nicolas Vescovacci. Une attitude désapprouvée par la famille, lors de leur réunion annuelle à Marcq-en-Barœul (Nord-Pas-de-Calais). C’est d’ailleurs chez lui qu’ont eu lieu les perquisitions de Néchin. Natacha Zimmermann

La Société générale nie toute évasion fiscale Frédéric Oudéa, le patron de la Société générale a réaffirmé devant le Sénat que « laisser penser que le groupe serait au coeur de l’évasion fiscale est une information erronée et injustifiée ». En avril dernier, la banque avait été citée dans les révélations des Panama Papers. Pas de censure des frondeurs Seules 56 signatures ont été réunies sur les 58 demandées pour le dépôt d’une motion de censure de gauche contre le recours au 49-3 pour le projet de loi travail. Celle de droite sera examinée dans l’après-midi.