Schwarzenegger Visionnaire ou imposteur AWS

gétique des bâtiments publics de 20 % d'ici à 2015,. Ocean Action Plan pour une meilleure gestion des ressources .... sa Volvo pour les transports publics et la marche à pied. Podomètre vissé à la cein- ture et panama sur ... de culottes sur les bancs de Berkeley. Ce champion des énergies renouvelables a ensuite dirigé le ...
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La capote verte

n’existe pas (encore)

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écofestivals pour bouger cet été EAU potable

Belgique, Luxembourg, Portugal « Cont. » : 5,90 e - Suisse : 9,80 FS - Canada : 10,25 $C

Bouteille ou robinet ?

Schwarzenegger

American ecolo Visionnaire ou imposteur ? Quel poisson au menu en 2100 ? / Les dérives du microcrédit

www.terraeco.net

CALIFORNIE L’Eldorado vert ? Ici, tout n’est que paradoxes. La Californie est une terre aux 1 000 facettes. Pile : une consommation électrique parmi les plus faibles des Etats-Unis. Face : la 12e place sur le podium des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Pile : des centres de recherche sur les technologies vertes, comme Berkeley ou la Silicon Valley, parmi les plus performants au monde. Face : un budget pantagruélique consacré aux transports individuels polluants. Dans cette arène déconcertante qui mélange désert et vergers gigantesques, studios de cinéma et siège de la tentaculaire Google, un homme tire les ficelles. L’ancien acteur Arnold Schwarzenegger, gouverneur de Californie, est l’inspirateur depuis 2003 de la politique verte de l’Etat. Il est lui aussi pétri de contradictions. Enquête au cœur d’un paradis vert autoproclamé. 42 juillet-août 2009 terra eco

ken james - www.kjamesimages.com

A la tête de la Californie, l’ex-star de cinéma s’est taillée un costume de héros de la lutte contre le changement climatique. Inspirateur de la politique environnementale d’Obama, cet amoureux de Hummer et de jets privés a tout appris au contact du clan Kennedy.

L

os Angeles, le 18 novembre 2008, dans un hôtel chic de Beverly Hills. L’ex-Mr Univers arbore une cravate verte. Devant un parterre de 800 dignitaires réunis pour le Governors’ Global Climate Summit, Arnold Schwarzenegger, gouverneur républicain de Californie, fait son cinéma. « En 2006, lorsque nous avons promulgué la loi AB 32 de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Etat, le gouvernement fédéral a montré autant d’enthousiasme que les spectateurs à la sortie de mon premier film Hercule à New York.

Schwarzenegger, à Sacramento, en janvier 2008, lors d’une présentation budgétaire.

Un bide monumental ! », lâche-t-il avant de laisser la parole à un invité surprise. Les lumières s’éteignent, Terminator se tait. Le démocrate Barack Obama, fraîchement élu à la tête du pays, apparaît sur un écran géant. Sous les ovations de l’auditoire, il promet que son Amérique, contrairement à celle de George W. Bush, suivra l’exemple californien. Le futur Président vient de voler la vedette à l’ex-acteur hollywoodien en s’imposant comme le chantre de la lutte contre le réchauffement climatique. Washington DC, le 19 mai 2009. Sur la pelouse de la roseraie de la Maison Blanche. Le Président Obama, au pouvoir depuis quatre mois, annonce que le gouvernement fédéral va imposer à l’industrie automobile des normes strictes en matière d’émissions de gaz carbonique et de consommation de carburant. Elles sont modelées sur celles de la Californie qui, dès 2002, avait voté une loi obligeant les constructeurs à réduire de 30 % les rejets polluants de leurs véhicules d’ici à 2016. Arnold Schwarzenegger s’affiche aux côtés du Président, tout sourire. Pourtant, terra eco juillet-août 2009 43

dans son Golden State, Monsieur Muscles est sur le point d’être mis KO par les électeurs. Ce même jour, les Californiens rejettent massivement par référendum les hausses d’impôts destinées à réduire le déficit budgétaire colossal – 17 milliards d’euros – de la septième économie au monde. Ingérable, l’Etat le plus peuplé du pays est au bord de la faillite. Les passions de Mr Hummer

Sur les routes de Malibu en 2004.

« Protéger l’environnement, c’est développer des technologies qui réduiront les émissions de gaz à effet de serre, mais pas la taille des voitures. » Interview au magazine allemand « Spiegel » en 2007 44 juillet-août 2009 terra eco

commercialiser ce véhicule tout-terrain surdimensionné, autrefois réservé à l’armée. Bien plus qu’un caprice de star, l’engin est le symbole d’une industrie automobile à l’appétit monstrueux. Pour se donner bonne conscience, le gouverneur a converti le sien à l’hydrogène, à grands renforts de publicité. L’influence des Kennedy

Pour Schwarzenegger, la révolution verte ne passe précisément pas par un changement de comportement des consommateurs. « Protéger l’environnement n’implique pas que tout le monde s’insurge contre les 4X4 ou les camions. Il s’agit au contraire de développer des technologies qui réduiront les émissions de gaz à effet de serre, mais pas la taille des voitures », déclarait-il au magazine allemand Spiegel, fin 2007. Pas question de forcer le Californien moyen à se débarrasser de son pick-up ou la ménagère de son mini-van. Cette philosophie lui vaut d’être critiqué par les défenseurs de l’environnement (lire aussi page 58). D’autant que cette confiance aveugle en la technologie montre ses limites. Alors qu’« Arnie » ambitionnait de développer une « autoroute à l’hydrogène » en Californie en construisant 200 stations-service d’ici à 2010, on en recense aujourd’hui moins d’une trentaine. Mais d’où lui vient cette conscience verte ? Il aime à évoquer son enfance passée dans la campagne autrichienne. D’autres font valoir que ce thème est à la mode dans le milieu hollywoodien. Pour John White, lobbyiste qui dirige le Center for Energy Efficiency and Renewable Technologies, l’ancien comédien a été incontestablement inspiré par l’entourage de

monica almeida / new york times

Pour Greg Lucas, ancien journaliste politique au San Francisco Chronicle et auteur de l’influent blog California’s Capitol, la protection de l’environnement est la seule matière dans laquelle Arnold Schwarzenegger, au pouvoir depuis six ans, mérite une note décente. « Quel que soit son bilan politique, il a été un promoteur efficace de la lutte contre le changement climatique. Il a utilisé tout son poids politique, sa célébrité et son charme pour rallier les gens et convaincre, notamment les républicains, qu’écologie et économie n’étaient pas antinomiques. » Schwarzenegger a compris qu’épouser la cause verte était politiquement correct – bien pour la planète, bon pour la croissance – et constituait une stratégie à moindre risque. « Pour un politique, le changement climatique est un sujet idéal. Lorsqu’on fait un discours sur la nécessité de purifier l’air, de sauvegarder les ressources de la planète, tout en promettant de donner naissance à de nouvelles industries et de créer de nouveaux métiers, le désaccord est presque impossible », résume Greg Lucas. Les discours actuels d’Obama sur l’environnement sont, pour l’essentiel, calqués sur ceux de Schwarzenegger. Mais Schwarzy est-il vert dans l’âme ou opportuniste politique ? Impossible de ne pas relever les contradictions entre son style de vie et son engagement pour la cause environnementale. Tous les soirs, « Governator » fait la navette en avion privé entre Sacramento (son lieu de travail) et Santa Monica (son domicile), rejetant ainsi des milliers de tonnes de CO2 dans les cieux californiens ; sa passion pour les Hummer est connue de tous. Il se vante même d’avoir convaincu General Motors de

un second mandat en 2006, une occasion rêvée de briller. La cérémonie de signature est d’ailleurs l’objet d’une fête somptueuse sur Treasure Island, au large de San Francisco. « Pourtant, la loi a été l’objet d’une lutte d’influence entre le gouverneur républicain et les démocrates qui s’est soldée par un compromis de la part de Schwarzenegger », confie John White. Alors que le gouverneur souhaitait instaurer un système cap and trade permettant aux entreprises d’acheter des permis de polluer, les démocrates ont conditionné leur accord à l’instauration de règles très strictes pour les pollueurs. « Plus grand que nature »

son épouse, la démocrate Maria Shriver, nièce de John F. Kennedy. Or le clan Kennedy a la fibre écolo. Robert F. Kennedy junior, cousin germain de Maria et avocat spécialisé en droit de l’environnement, a exercé une influence indéniable sur son parent par alliance. C’est lui qui l’a mis en contact avec Terry Tamminen, un expert en environnement respecté, qui a bâti le programme de Schwarzenegger. En partant de zéro, car Arnold ne connaît pas grand-chose au sujet. « Lorsqu’il a pris le pouvoir en 2003, les associations pour la défense de l’environnement se sont montrées très sceptiques. Mais quand Terry Tamminen nous a réunis autour d’une table pour nous exposer les ambitions du gouverneur, nous avons été sidérés par l’ampleur des réformes envisagées», admet John White. De longue haleine

Et Conan le Barbare a frappé fort : Green Building Initiative visant à réduire la consommation énergétique des bâtiments publics de 20 % d’ici à 2015, Ocean Action Plan pour une meilleure gestion des ressources du Pacifique ou Million Solar Roofs ambitionnant un million de toits solaires dans la décennie. La pièce maîtresse de son programme vert ? La ratification de la loi AB 32 qui veut ramener les émissions de l’Etat en 2020 à leur niveau de 1990 (et les réduire de 80 % d’ici à 2050). Fruit du travail de longue haleine de groupes environnementalistes et de parlementaires démocrates, cette réglementation fait de la Californie le premier Etat à s’engager sur des objectifs chiffrés, conformément au protocole de Kyoto. Et donne à Schwarzenegger, qui vise

Schwarzy en 12 dates 1947 : naissance en Autriche 1967 : élu Mr Univers 1968 : déménage aux Etats-Unis 1970 : premier film, Hercule à New York 1977 : Arnold le Magnifique, docu sur le culturisme 1982 : Conan le Barbare 1984 : Terminator 1986 : Mariage avec Maria Shriver, nièce de JFK 1991 : Terminator II 2003 : Terminator III Octobre 2003 : devient gouverneur de Californie, suite à la révocation de Gray Davis Novembre 2006 : est réélu gouverneur pour quatre ans

Mais entre le gouverneur et les écolos, la lune de miel touche à sa fin. « Médiocre », tel est le verdict de la California League of Conservation Voters, un lobby vert appelé à évaluer l’action du gouverneur en matière environnementale au moment des élections de 2006. Inébranlable, Schwarzy affiche cependant ses couleurs. Il fait campagne dans un bus vert vif et est facilement réélu (avec 57 % des voix). L’été suivant, scandale : Schwarzenegger décide de renvoyer, sous un prétexte obscur, Robert Sawyer, le très respecté président de l’Air Resources Board, l’agence californienne de contrôle de la pollution de l’air et architecte de la loi AB 32. Sawyer dénonce alors, dans la presse, l’ingérence du gouverneur dans les travaux d’une organisation censée être indépendante. L’image d’Arnold allié des écolos en prend un coup. Et pourtant, la même année, Schwarzenegger part en guerre contre l’administration Bush. Il dépose plainte contre l’Agence de protection de l’environnement (EPA) qui refuse d’octroyer à la Californie, ainsi qu’à 16 autres Etats, le droit de mettre en œuvre un programme de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus contraignant que ce qui est imposé par le gouvernement fédéral. Crise prétexte

« A chaque cause son champion. » Pour Derek Walker, de l’Environmental Defense Fund, association qui a parrainé le projet de loi AB 32, Schwarzy constitue bien celui du changement climatique. Même si « au cours des derniers mois, nous constatons qu’il recule sur certains points en utilisant le prétexte de la crise économique pour relâcher la pression sur les pollueurs », juge-t-il. Reste que Schwarzy continue de mettre la cause verte au cœur de ses discours. Il a récemment annoncé la création du California Green Corps, la version écolo du Peace Corps, une armada d’un millier de jeunes issus de milieux défavorisés. Leur combat ? Prendre d’assaut les métiers de la révolution verte. Une bataille comme Terminator les aime. — terra eco juillet-août 2009 45

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Sur la route du paradis vert Par Anne Sengès Photos : gilles Mingasson

Six jours, 2 896 km, 5 pleins d’essence, 666 kg de CO2 dégagés, 6 litres de café équitable avalés : il fallait bien ça pour plonger dans la révolution verte californienne. Avec ses petits soldats – start-up, agriculteurs, businessmen, ONG, chercheurs ou majors du cinéma –, ses belles idées, ses immenses ambitions, mais aussi sa démesure et ses innombrables contradictions.

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Berkeley l’INTELLO BIO BOBO

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Green Motors, « la maison des voitures préférées de la planète », qui a bouté il y a dix-huit mois un concessionnaire Cadillac. Marc Korchin, bonhomme replet vêtu d’une chemise verte hawaïenne, n’y vend que des voitures « propres » (électriques ou hybrides). Ex-informaticien, il est devenu garagiste histoire de sauver la planète des gaz nocifs. Ou tout du moins sa ville natale. Plus royaliste que le roi, son voisin Paul Guzyk, cofondateur de 3prongpower, pousse le vice jusqu’à convertir les Prius en modèle électrique, Plug in (moyennant 4 700 euros). Pour les rendre encore plus propres. Podomètre à la ceinture

Pour les 100 000 habitants de Berkeley, la vie est un compte à rebours. L’idée, validée par référendum en 2006, est de réduire de 80 % l’empreinte carbone de la ville d’ici à 2050. La municipalité organise des ateliers gratuits encourageant les participants à se délester de plus de 2 tonnes de carbone en trente jours. Weight Watchers en pâlirait d’envie. Tom Bates, le maire, montre l’exemple. A 71 ans, il a troqué sa Volvo pour les transports publics et la marche à pied. Podomètre vissé à la ceinture et panama sur le crâne, il déambule à nos côtés dans les rues de la ville. La

promenade tourne au catalogue de bons points avec Berkeley en pointe à tous les postes : de la filière de recyclage, créée dès les années 1970, jusqu’aux incitations à s’équiper en panneaux photovoltaïques. « Nous sommes les premiers à avoir adopté un programme de prêts garantis par la municipalité pour encourager nos résidents à s’équiper de panneaux solaires »,

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ux heures de pointe, le Bay Bridge, qui relie San Francisco à Berkeley, dégouline de files de voitures. Ce pont suspendu ébranlé par le tremblement de terre de 1989 est en travaux depuis deux décennies. Six milliards de dollars ont depuis été engloutis pour financer le lifting de cet ouvrage symbolique qui ouvre sur Berkeley, la cité verte par excellence. Autrefois berceau des hippies et du mouvement contestataire, la ville s’est depuis assagie. Jonathan Youtt, organisateur du Sustainable Living Road Show, beaucoup moins. Le chef d’orchestre de ce spectacle ambulant prêche les vertus du développement durable aux quatre coins du pays. On le retrouve un beau matin au cœur d’un quartier industriel de Berkeley. La quarantaine et le cheveu en pétard, ce New-Yorkais sort la tête de son bus tapissé de panneaux solaires. C’est une pièce de musée à bord duquel il sillonne le pays. Avant lui, il appartenait à une célébrité du coin – Julia Butterfly Hill – devenue icône des environnementalistes après avoir vécu deux ans perchée dans un séquoia en signe de protestation. La démarche a fait des émules. En septembre 2008, quatre tree sitters ont été délogés de leur perchoir sur le campus de la fac après vingt et un mois de campement. Leurs chênes ont fini par être sciés et ont fait place à une salle de sport. Conscience verte oblige, la ville s’est engagée à planter trois arbres pour chaque tronc coupé. Ici, la Toyota Prius hybride est reine. « Signe extérieur de “ green ”, elle représente 2,7 % du nombre total de véhicules que compte la ville, un chiffre quatre fois plus élevé que la moyenne californienne », confirme Matthew Kahn, professeur d’économie à UCLA. Sur San Pablo avenue, l’artère commerciale de Berkeley, il n’y a pas grand-chose à voir. Si ce n’est

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3 1 Tom Bates, maire de Berkeley, a troqué sa Volvo pour le transport public et la marche. 2 Chez Grateful Body, magasin de produits de beauté 100 % naturels. 3 A Urban Ore Ecopark, grand centre de recyclage. 4 Chris Somerville, expert en biologie synthétique. 5 Elèves de la Martin Luther King School qui est passée au 100 % bio. 6 Chez Amanda’s, fast-food vert et bio. 7 Système pour convertir les Prius en modèle 100 % électrique. 8 En Californie, les 4X4 passent aux agrocarburants. Et juste en dessous, la station ACE propose, elle, du biofuel. 6

raconte Tom Bates, tandis que des chants d’oiseaux nous signalent qu’il est temps de traverser. Soudainement inspiré par une pancarte « interdiction de fumer » placardée sur un bâtiment, le maire saisit l’occasion pour brandir une statistique de plus. La ville recense 90 % de nonfumeurs. « Nos habitants vivent cinq ans de plus que l’Américain moyen », affirme-

t-il, vantard. Ville des superlatifs, Berkeley peut s’enorgueillir d’une population sur-éduquée : 85 % de ses résidents ont un diplôme universitaire. « L’université est en passe de s’imposer comme le centre de recherche le plus avancé au monde en matière de biocarburants », rappelle, non sans emphase, Michael Caplan, responsable du développement

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économique de la ville. La région ambitionne même de concurrencer la Silicon Valley où les start-up du secteur de la clean tech poussent comme des fleurs. L’homme dévoile son plan d’attaque. Nom de code : Green Corridor. Pour Berkeley et les communautés voisines de la East Bay, il s’agit de créer un centre exclusivement dédié à l’éco-innovation. Et de retenir les entrepreneurs tentés par l’appel du large en facilitant leur implantation via toutes sortes d’incitations. Steven Chu, le secrétaire d’Etat à l’Energie de l’administration Obama, a d’ailleurs usé ses fonds de culottes sur les bancs de Berkeley. Ce champion des énergies renouvelables a ensuite dirigé le Laboratoire national Lawrence Berkeley avant d’être bombardé à la Maison Blanche. Direction la troisième meilleure université au monde. L’ambiance est paisible. Presque endormie. Les étudiants viennent de boucler leurs examens de fin d’année. Chris Somerville, éminent expert en biologie synthétique, nous ouvre les portes de

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8 Paul Freedman, fondateur de Rock The Bike, qui fabrique de l’électricité en pédalant. 9 Chez Clif Bar, fabricant de barres de céréales pour athlètes. 10 Jonathan Youth, artiste, vit dans un bus tapissé de panneaux solaires. 11 Marc korchin, concessionnaire Green Motors. 12 Sur l’autoroute 5 qui relie San Francisco à San Diego.

production. Multidisciplinaire, l’institut cherche également à mesurer les impacts économiques, géographiques et environnementaux de cette production de biocarburants», précise-t-il. Dont acte. Un parfum d’« oil embargo »

son labo qui jouxte la Business School. Ce temple de la science a-t-il vendu son âme au secteur privé en acceptant 350 millions d’euros sur dix ans du géant pétrolier British Petroleum ? Pour cet homme posé, la polémique n’a pas lieu d’être. « Le rôle d’une université comme Berkeley est d’être ouverte sur le monde. Nous cherchons à résoudre un problème sociétal majeur. Pour cela, nous avons besoin de la science, mais nous devons également communiquer le résultat de nos recherches à des entreprises qui produisent de l’énergie. Nous ne cherchons pas à fabriquer des biocarburants pour le compte de BP mais à développer des plantes et des micro-organismes génétiquement modifiés afin de maximiser la

Retour dans le centre. Berkeley est également le berceau de l’alimentation bio popularisée par Alice Waters, papesse du mouvement Slow Food et chef du restaurant Chez Panisse. Sous son emprise, les écoles publiques de la ville ont désormais leur potager. La cantine de la Martin Luther King School sert ainsi des mets 100 % bio à ses élèves, issus pour l’essentiel de couches sociales défavorisées. « La bouffe à la cantine, y’a pas mieux », nous jure un groupe de jeunes basketteurs. C’est Marissa LaMagna, fondatrice de l’agence de voyages Green Tours, qui nous trimballe, dithyrambique, dans les rues de sa ville. « Nous sommes sur l’épicentre de la révolution verte », témoigne celle qui défilait en tenue sexy dans les rues de San Francisco pour dénoncer les dangers de l’atome dans les années 1970. Un coup d’œil sur le David Brower Center, immeuble flambant neuf et certifié vert, dédié à la mémoire du fondateur du Sierra Club et des Amis de la Terre, deux grandes associations écolos, et le pèlerinage peut se poursuivre.

Ici, tout transpire le vert. C’en est presque irritant. De Grateful Body, dont les produits de beauté 100 % naturels fleurent bon la poésie comme « oil embargo » et « aphrodisiac feast », à l’enseigne Urban Ore, royaume de la récup. Pause déjeuner chez Amanda’s, un fast-food vert et bio créé par une militante anti-malbouffe, suivie d’une visite chez Clif Bar, le fabricant de barres de céréales pour athlètes et champion du développement durable. Ses employés arborent tous des looks de marathoniens. Berkeley recense pas moins de 142 business certifiés verts, selon les chiffres de la mairie. Et même un « transcendentiste », cabinet destiné à ceux qui souhaitent visionner des films sur l’environnement et se faire masser les pieds tout en se faisant arracher une dent. Berkeley s’enfonce dans l’obscurité. Nous passons saluer Paul Freedman, fondateur de Rock The Bike. A 29 ans, cet artiste, diplômé de Harvard, se produit dans les écoles de la région pour démontrer qu’on peut fabriquer de l’électricité en pédalant. « Effrayer les jeunes en leur parlant des dangers du changement climatique ne sert strictement à rien », assure-t-il. L’homme défie même le symbole sacré de Berkeley. « Pourquoi ne pas les convaincre de faire du vélo parce que c’est fun plutôt que de leur faire des grands discours sur les avantages de la Prius ? », avance-t-il tout en rechargeant son iPod. A coup de pédales évidemment. Chez les écocitoyens de Berkeley, il est l’unique voix dissidente.

San Joaquin Valley LA DEMESURE AGRICOLE

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verdose de vert. Nous quittons Berkeley pour emprunter la Highway 5, gigantesque artère qui relie les principales villes californiennes et traverse la vallée agricole. Trucks et 4X4 écrasent désormais les Prius. L’empreinte carbone de notre Ford Fusion s’en trouve soudain ridicule. Le paysage, constitué pour l’essentiel de chaînes de fast-food et de stations-service est monotone. L’herbe est jaunie par la sécheresse. Une croix, gravée sur la montagne, indique que nous pénétrons dans Jesus Land, symbole d’une autre Californie. Conservatrice. Au loin, sur le col de l’Altamont, s’accroche une forêt d’éoliennes. Construite en 1983, c’est l’une des plus grosses fermes au monde avec quelque 5 000 turbines. Elle est aussi très prisée des rapaces et des oiseaux migrateurs, ce qui lui vaut une image désastreuse. Elle tue chaque année des milliers de volatiles dont une centaine d’aigles royaux, espèce sacrée. Eau rationnée

La température grimpe encore. Nous entrons dans le grenier à fruits du monde : la moitié des fruits et légumes du pays poussent ici. Ainsi que 80 % des amandes de la planète. L’aride vallée est devenue verte et fertile grâce au Central

Valley Project, un gigantesque investissement qui remonte à l’époque du New Deal. Ses 20 barrages et réservoirs et 800 km de canaux font circuler l’eau du nord au sud. Une merveille d’ingénierie. La San Joaquin Valley héberge des exploitations agricoles à l’échelle industrielle et des élevages bovins qui génèrent des millions de tonnes de fumier. Ici, transpirent des milliers de travailleurs saisonniers originaires du Mexique. La grosse majorité d’entre eux – de 50 % à 90 % – sont sans papiers. Cette région, immortalisée par John Steinbeck dans Les Raisins de la colère, est aussi la plus pauvre de l’Etat. Le taux de chômage flirte avec la barre des 40 % dans certaines communautés. « C’est également, à cause de son agriculture extensive, le lieu où la qualité de l’air est la plus mauvaise en Californie », explique Kathryn Philipps, spécialiste de la question à l’Environmnental Defense Fund. La vallée a pris de plein fouet la sécheresse qui sévit dans l’Etat depuis trois ans. La zone est rationnée. Cette anomalie climatique contraint les agriculteurs à mettre leurs terres en jachère et licencier leurs employés : 95 000 emplois sont aujourd’hui dans la balance.

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13 John Diener, propriétaire de 2 428 hectares, dans la San Joaquin Valley. 14 A la Kramer Junction, étape bénie des chauffeurs de camions.

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On estime à 2 milliards d’euros le manque à gagner potentiel d’ici la fin de l’année. En Californie, 80 % de l’eau consommée est destinée à l’agriculture. Or cette année, les fermiers n’ont eu droit qu’à 10 % des réserves qui leur sont habituellement allouées. Ici, l’incidence du changement climatique risque de modifier bien des comportements dans les prochaines années. La carotte et le bâton

Plus loin. Le vent tournoie et soulève la poussière avec une force incroyable. Bienvenue à Five Points, localité sans âme au sud-ouest de Fresno. Ici, John Diener est un personnage incontournable. C’est le propriétaire de Red Rock Ranch, une exploitation agricole de 2 428 hectares. Le fermier affiche l’optimisme légendaire des self-made men. La crise ? Il passera au-dessus. On l’imaginait en jean et chapeau de cow-boy, le gaillard fait irruption dans la pièce en chemise rayée et pantalon beige. La tenue des représentants de commerce ou des missionnaires, au choix. « J’ai failli être prêtre, mais j’ai 52 juillet-août 2009 terra eco

finalement opté pour la ferme comme mon père », raconte l’homme affable et gesticulant, tandis que nous nous juchons sur les banquettes de son pick-up GMC Sierra pour faire le tour du domaine. Pas de roche rouge sur cette étendue vaste et plate. Normal. « Red Rock Ranch, ça sonnait mieux que Diener Ranch », éclatet-il de rire. Et d’ajouter un brin vantard : « Si je n’étais ni persistant ni créatif, je ne ferais pas ce métier. » « John Diener est un early adopter, c’està-dire qu’il teste toutes les nouvelles technologies », abonde Kathryn Philipps, de l’Environmental Defense Fund. Il n’hésite pas à prendre des risques pour rendre son exploitation plus productive et moins polluante. Cette année, par exemple, il a renoncé à planter melons, oignons, ail et coton. Sur ses terres, il cultive aujourd’hui de la luzerne, des tomates, des amandes, du maïs, du blé et des raisins. Pour faire face à la salinisation des sols, il teste actuellement un système utilisant les eaux de drainage de sols salés afin d’arroser des cultures qui tolèrent un niveau de sel élevé. John n’est jamais à court

d’idées. Bonnes ou mauvaises d’ailleurs. Depuis 2006, il irrigue ses champs grâce à des pivots gigantesques. Automatisés, ils sont contrôlables à distance. C’est José Lopez, fidèle employé au visage buriné, qui s’y colle au quotidien. Un brin paternaliste, John Diener assure n’avoir sous sa responsabilité aucun travailleur illégal. Son exploitation compte 30 salariés à plein temps, dont la plupart travaillent au ranch depuis plusieurs années. Pour lui, le développement durable se conjugue selon les principes de la carotte et du bâton : « Au bout de cinq ans, j’accorde une prime de 3 500 euros à mes salariés, afin qu’ils puissent disposer d’un apport pour leur emprunt immobilier. » John Diener est aussi l’un des premiers fermiers industriels de la région

Désert de Mojave

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à s’être laissé séduire par l’agriculture biologique. Les tomates bio s’achètent 100 euros la tonne contre 60 euros pour leurs congénères conventionnelles. En deux ans, il a réussi à supprimer les engrais et les pesticides de synthèse de 20 % de ses terres. « Nous avons gagné beaucoup d’argent. Mais nous avons commis l’erreur de vouloir devenir trop gros, trop vite et avons fini par dilapider une petite fortune », confesse-til. Aujourd’hui, il ne consacre plus que 56 hectares de ses terres à la bio. Histoire de rester dans le vent. Avec 202 342 hectares de terres cultivées, la Californie reste le premier producteur bio du pays. John Diener a trouvé une autre marotte : les énergies renouvelables. L’homme a déboursé 30 000 euros pour se payer la gigantesque éolienne qui trône au milieu de ses terres. La moitié lui sera remboursée en subventions. Alors que le soleil se couche sur la vallée, l’intarissable fermier nous emmène dans sa villa cossue pour nous servir un verre de vin blanc. Et partager sa dernière lubie : transformer la betterave en carburant.

tortues contre panneaux solaireS

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vant de rouler vers le désert, nous faisons halte au Harris Ranch. Gigantesque usine à vaches, cet établissement produit chaque année 90 millions de kilos de viande de bœuf. C’est stipulé sur la brochure : les bêtes ne sont pas nourries aux hormones de croissance. Le restaurant du Harris Ranch est le point de rencontre des carnivores de l’Highway 5. Le parquet est trop ciré et les peaux de bêtes tomberaient presque dans l’assiette. Ici, les steaks affolent les balances. Pour qui souhaiterait nager enveloppé des vapeurs de fumier, le Harris Ranch offre sa piscine et fait office d’hôtel. Nous déclinons l’invitation. Départ ­pour la route 58 qui nous mène aux portes du désert de Mojave, autrefois convoité par les chercheurs d’or. C’est dans ce paysage qu’a été tourné Bagdad Café. A la nuit noire, impossible de distinguer la centrale solaire posée au bord de l’autoroute et objet de notre visite. Nous voici à la Kramer Junction, une étape bénie des chauffeurs de camions. Notre motel

16 15 Le désert de Mojave était autrefois convoité par les chercheurs d’or. 16 Centrale solaire construite dans les années 1980.

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17 Aux portes du désert de Mojave. 18 Le plus grand thermomètre du monde, à Baker. 19 April Sall, porte-parole du Widlands Conservancy, luttant contre l’installation de centrales solaires dans le désert.

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s’appelle le Relax Inn. Mais notre nuit sera bercée par le vacarme interminable des trains et des camions qui s’engouffrent dans le désert. A l’aube, la centrale thermique solaire et ses capteurs cylindro-paraboliques nous claquent au visage. Construit dans les années 1980, ce complexe est capable de produire 150 MW d’électricité. Les centrales d’énergies renouvelables de ce type sont aujourd’hui l’objet de généreuses subventions. Le désert et son climat torride représentent en effet une mine d’or. Le Bureau of Land Management

(BLM), chargé d’attribuer les permis de construction dans les terres fédérales du désert, est inondé de demandes : 165 projets attendent son aval. April Sall, jeune femme blonde au look de surfeuse, porte-parole du Wildlands Conservancy, n’est pas du même avis. Créée en 1995, cette association d’écologistes a fait de la sauvegarde du désert de Mojave sa raison d’être. Allant jusqu’à racheter 240 000 hectares de terres aux sociétés de chemin de fer pour les léguer au BLM, l’agence fédérale censée protéger le désert des spéculateurs en tout genre. La diva du désert

Née et élevée dans le désert, April nous guide jusqu’au pied de Sleeping Beauty Moutain dont la silhouette évoque vaguement celle d’une Belle au bois dormant. L’endroit n’a pas la beauté du Joshua Tree National Park, joyau du désert de Mojave. Mais pour April, il dégage le charme d’un conte de fées. Le désert doit rester désert, martèle-t-elle. Son objectif ? Faire pression sur le BLM pour qu’il encourage les nouveaux chercheurs d’or solaire à installer leurs centrales thermiques le long des artères fréquentées. Le plus loin 54 juillet-août 2009 terra eco

20 Los Angeles est la ville la plus polluée des Etats-Unis. 21 Shelley Billik, directrice des programmes environnementaux des studios Warner Bros. 22 2 700 panneaux solaires couvrent le bâtiment 62 des studios.

possible de Sleeping Beauty. « Je n’ai rien contre l’industrie solaire. Je m’inquiète juste de voir le désert défiguré par des installations et des technologies qui n’ont, de surcroît, pas encore fait leurs preuves », juge-t-elle, une pointe d’ironie dans la voix. April a trouvé une alliée de rêve en la personne de Diane Feinstein, sénatrice influente surnommée par certains la diva du désert. Au grand dam d’Arnold Schwarzenegger, qui considère le désert comme le terrain idéal pour une industrie solaire à grande échelle. Sur la route qui mène à Sin City, des panneaux géants exhortent les conducteurs à ne pas vénérer les idoles ou commettre l’adultère. Puritanisme ou libertinage ? Le débat n’est pas pour nous. Nous mettons le cap sur Hollywood, à la poursuite du diamant vert.

Hollywood Warner Bros ECRANS DE FUMEE

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os Angeles détient le titre de la ville la plus polluée des Etats-Unis. Lorsque l’université de Californie (Ucla) a étudié, en 2006, l’impact d’Hollywood sur l’environnement, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. L’industrie du cinéma et de la télévision rejette chaque année 140 000 tonnes d’ozone et de particules de diesel dans l’atmosphère. Hollywood est ainsi le deuxième pollueur de la région après l’industrie pétrochimique. C’est aussi le royaume du gâchis et de la surconsommation. Et les beaux discours de Leonardo DiCaprio ne sont que des écrans de fumée. Nous quittons Melrose Avenue, notre refuge pour la nuit, pour Burbank, siège des studios Warner Bros. Fondé par quatre frères dans les années 1920, Warner Brothers règne sur Hollywood depuis presque un siècle. Nous ne sommes pas venus pour Leonardo mais pour Shelley Billik, directrice des programmes environnementaux des studios. Ce jour-là, le lieu sonne creux. La saison des tournages des séries TV est bouclée. Les acteurs sont à la plage. « Vous avez soif  ? », nous demande-t-elle. Joignant le geste à la parole, elle nous glisse dans les mains une gourde réutilisable en acier inoxydable. Ecologiquement correcte. Sa mission ? Nous guider pour

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un éco-tour des studios à bord de sa voiture de fonction : un étrange véhicule de golf équipé de panneaux solaires. Premier arrêt : le bâtiment 62, datant des années 1930. Shelley nous fait grimper sur le toit pour faire admirer l’installation de 2 700 panneaux solaires. C’est ballot, les équipements sont couverts de poussière. Imperturbable, Shelley nous explique qu’ils produisent 60 % de l’électricité du bâtiment. Une goutte d’eau dans l’océan d’énergie consommée par les studios de Warner, qui s’étalent sur une cinquantaine d’hectares. « Pourtant grâce à eux, nous économisons environ 700 000 euros par an », assure-t-elle. Nouvelle série médicale

Embauchée chez Warner Bros, il y a dixsept ans, pour prêcher les vertus du recyclage, elle explique que le plus gros défi consiste à inciter les équipes de tournage à bouleverser leurs habitudes de travail. Tourner un film, c’est construire des décors et les démonter au plus vite, jeter des tonnes de déchets et consommer une quantité d’énergie colossale en électricité

et transport. Le tout en un minimum de temps. Deuxième arrêt : Stage 23, un studio nouvellement construit selon les normes LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), garant d’une haute qualité environnementale. Au programme : matériaux de provenance régionale, efficacité énergétique maximale, aciers et métaux recyclés, bois provenant de forêts durablement gérées… On vient d’y boucler le tournage de Miami Trauma. L’une de ces innombrables séries médicales dont raffolent les téléspectateurs. Clap de fin. Lorsqu’on demande à notre guide de juger l’action d’Hollywood en matière environnementale, elle n’hésite pas une seconde : « Des grands discours et peu d’actions. » Silence, on tourne.

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Encinitas Les billets VERTs

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es habitants de Los Angeles, dit-on, passent en cumulé, chaque année, quatre jours complets dans leur voiture, coincés dans les embouteillages. Pour parcourir les 150 km qui séparent Los Angeles d’Encinitas, il nous faudra trois heures effectivement. Nous avons rendez-vous avec Rob et Diana Wilder, un couple millionnaire qui a fait fortune dans le vert. Rob est un ancien professeur de politique environnementale. Bon vivant de 49 ans, il a touché le jackpot en créant des fonds en Bourse calqués sur une série d’indices verts… qu’il a lui-même mis au point. « Mon idée à l’époque était de contredire George W. Bush qui prétendait qu’écologie et économie étaient des valeurs opposées », affirme en souriant ce fan d’Obama. Pour lui, « la révolution verte, c’est la revanche des hippies ». Originaire de Baltimore, ville grise de la côte Est, il s’est pris de passion pour la Californie qu’il a rejoint en 1978. Pour ses belles femmes – la sienne en tête –, ses vagues et ses rayons de soleil, car Rob ne craint pas les clichés. En 2003, il se découvre un faible pour l’hydrogène, technologie de rupture et star de son premier indice boursier : le Wilder Hill Index. C’est l’époque où Arnold Schwarzenegger, fraîchement élu, promet de bâtir une autoroute de l’hydro-

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gène. Rob voit large et ose briser quelques tabous. Il crée un second indice baptisé Progressive, qui inclut nucléaire et gaz naturel, des énergies controversées. Aux puristes qui jurent que le nucléaire ne peut être propre, il rétorque que la révolution avance à petits pas. Et que l’atome est une solution bien plus propre que le charbon. Rob enchaîne sur la création de NEX, un troisième fonds incluant des entreprises étrangères. Flamber « proprement »

Il dit garder les pieds sur terre. Malgré la déroute boursière de 2008, qui a aussi emporté les valeurs vertes, ce pionnier vient de créer un quatrième fonds consacré aux modes de transport doux, géré par son épouse. « Je n’ai jamais cherché à gagner de l’argent mais aujourd’hui je profite des 25

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moyens à ma disposition pour tenter d’éduquer les gens », prétend-il. En témoigne son dernier joujou : une Tesla orange vif. Un roadster tout électrique fabriqué par une start-up de la Silicon Valley, modelé sur la Lotus Elise. Coût : 70 000 euros l’unité. C’est au volant de ce bolide, à la couleur si peu discrète, que Rob évangélise les foules. Diana l’utilise pour amener Sophia, leur fille de 11 ans, à l’école. Pour la gamine c’est un signe extérieur de richesse. Pour ses parents, un panneau publicitaire ambulant. « Carbure à l’énergie solaire », revendique la plaque d’immatriculation personnalisée par Rob. Leur maison, à l’architecture des années 1970, est équipée de panneaux solaires grâce auxquels ils peuvent recharger la Tesla. Et flamber tout en prêchant un mode de vie propre et vert. Sur la table, les légumes viennent

23 La maison des Wilder, à l’architecture des années 1970, est équipée de panneaux solaires. 24 Le businessman s’est offert une Tesla orange vif. Ce roadster tout électrique est fabriqué par une start-up de la Silicon Valley. 25 Rob et Diana Wilder, couple millionnaire qui a touché le jackpot en créant des fonds en Bourse calqués sur des indices verts.

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du potager bio cultivé par Diana. Les œufs de l’omelette du petit-déjeuner sont pondus par les trois poules du jardin. L’un des chiens vient de s’offrir la quatrième en guise de snack. Ils limitent leurs transports au trajet maison-école. Mais Rob collectionne les véhicules, même s’il travaille de chez lui. Il vient de s’offrir une Karma, la première hybride rechargeable de luxe fabriquée par Henri Fisker, un ancien designer d’Aston Martin. Pas en reste, Diana a flashé sur l’Aptera, une voiture électrique à trois roues au look d’avion sans ailes. Les Wilder devront cependant patienter avant de garer leurs nouveaux véhicules futuristes. Chez les constructeurs de voitures propres, les délais de livraison sont longs. Reste, pour Rob et Diana, à convaincre l’Américain moyen que la vie en vert n’est pas qu’un truc de nouveaux riches. Et là, c’est plutôt compliqué. En les quittant, un peu déboussolés, nous croisons, à mi-chemin entre San Diego et Los Angeles, deux énormes tétons posés en bordure d’autoroute. Il s’agit des deux réacteurs de la centrale nucléaire de San Onofre. L’Etat de Californie en abrite deux de la sorte. Depuis 1976, tous les projets liés à l’atome ont reçu une fin de non-recevoir.

Puente Hills La montagne de dEchets

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anlieue de Los Angeles. Nous débarquons un matin à Garbage Mountain : une décharge gigantesque. Au total, 152 m d’immondices ensevelies sous 682 hectares de terrain pentu et verdoyant. « C’est l’équivalent d’un immeuble de 50 étages rempli d’ordures », illustre Basil Hewitt, l’ingénieur qui fait office de guide. Chaque jour, la décharge accueille les déchets de 5 millions de personnes. Rien ne permet de déceler que nous piétinons le plus gros dépotoir au monde. Nulle odeur nauséabonde. Des routes boisées et fleuries. Au sommet de la colline, des sentiers sont même réservés aux cavaliers et randonneurs. Seul indice : la valse de camions qui grimpent vers le sommet. Entre 1200 et 1 300 bennes transitent quotidiennement. Le prix de la mise en décharge plafonne à 23 euros la tonne. Un business peu rentable pour le comté de Los Angeles. Puente Hills n’accepte que les déchets non toxiques, donc moins lucratifs. Au sommet de la colline, changement brutal de paysage. Des bulldozers tassent les ordures fraîchement déversées par les camions. Elles vont être compactées puis enfouies, rats compris, avant d’être isolées de la nappe phréatique par une série de barrières. Le méthane, gaz particulièrement toxique généré par la dégradation des détritus, est transporté via un réseau de captage dans une usine de biogaz au pied des collines. En quantité suffisante pour éclairer entre 150 000 et 170 000 foyers. « Sur une période d’un siècle, l’impact du méthane sur le

26 La décharge de Puente Hills, qui accueille les ordures de 5 millions de personnes, voit défiler 1200 camions-bennes par jour. 27 Basil Hewitt, ingénieur du site qui sera fermé en 2013.

réchauffement climatique est 23 fois plus important que celui du CO2 », rappelle notre guide, friand de statistiques. Des trains de 1,5 km de long

En 2013, la décharge de Puente Hills fermera pourtant ses portes. C’est ce que stipule son contrat d’exploitation. La nature va reprendre le dessus. Les ordures des résidents du comté de Los Angeles seront à cette date transportées par train, 320 km plus loin. Au fin fond du désert, à la frontière de l’Arizona. De quoi faire pâlir April. Les objets recyclables, eux, continueront d’être triés à la Materials Recovery Facility. Cette usine de recyclage de déchets ultramoderne, inaugurée en 2005, a coûté la bagatelle de 33 millions d’euros au district sanitaire du comté. Et lorsqu’on lui demande si envoyer des tonnes de déchets dans le désert, à raison de quatre trains longs, chacun, de 1,5 km est bon pour l’environnement, Basil fait la grimace. Mais il insiste : le transport en train est plus économique et moins polluant que le transport en camion. Notre périple s’achève. Sous nos pieds la terre tremble. Un séisme de 5 degrés sur l’échelle de Richter nous secoue l’espace de quelques secondes. Pas de victimes, ni de dégâts. La Californie plonge dans la nuit et ses mille contradictions. — terra eco juillet-août 2009 57

« Côté

transport, la lueur d’espoir, c’est le TGV » Bill Magavern dirige le Sierra Club de Californie. Ce lobby vert est l’un des plus puissants et des plus anciens du pays.

La Californie est un Etat à la fois pionnier en matière de sauvegarde de l’environnement mais aussi parmi les plus pollueurs au monde. Comment résoudre ce paradoxe ? Et quel bilan tirez-vous des actions du gouverneur ?

La Californie n’a pas attendu l’élection d’Arnold Schwarzenegger pour s’illustrer en matière de défense de l’environnement. Dès les années 1970, l’Etat a mis le combat contre la pollution de l’air au cœur de ses préoccupations. Trente ans plus tard, la Californie est devenue le chantre de la lutte contre le changement climatique, alors que Gray Davis – le prédécesseur de Schwarzenegger – était à la tête de l’Etat. En revanche, le gouverneur actuel a été un excellent porte-parole sur le sujet du climat. Il a non seulement reconnu la 58 juillet-août 2009 terra eco

nécessité pour la Californie de s’atteler au problème des émissions de gaz à effet de serre mais a également réussi à convaincre un bon nombre d’Etats de s’engager sur cette voie alors même que l’administration Bush lui mettait des bâtons dans les roues. Aujourd’hui, la Californie est devenue un Etat modèle pour le reste du pays, gouvernement fédéral compris. Son discours n’est cependant pas toujours cohérent…

Effectivement, notamment sur les Hummer. Il est totalement illusoire de croire que ces 4X4 deviennent des véhicules propres même s’ils marchent au biocarburant, à l’hydrogène ou à l’électricité. Une bonne fois pour toutes, il faut comprendre que les ressources en énergie ne sont pas inépuisables. Et ce, quelles qu’elles soient ! Pour moi, il est essentiel que la Californie consacre son énergie à repenser son urbanisme. Permettre aux citoyens de vivre à proximité de leur lieu de travail devrait constituer une priorité. Or la seule lueur d’espoir en matière de transport est le projet de TGV.

Aujourd’hui, les énergies renouvelables ne représentent que 13,5 % de l’énergie produite en Californie, loin des objectifs de 20 % en 2010. Dans le désert de Mojave, les constructeurs de centrales solaires se heurtent aux revendications des écolos. La Californie va-t-elle parvenir à atteindre son objectif de 33 % en 2020 ?

Nous sommes frustrés par la lenteur du processus bureaucratique, notamment dans le désert de Mojave (lire aussi page 53). Il est impératif de trouver un équilibre entre les revendications des groupes environnementaux et les constructeurs de centrales solaires. Le Sierra Club s’efforce de jouer un rôle de médiateur. Il est essentiel d’identifier des lieux sur lesquels l’impact d’une installation sera minimal et d’agir vite afin de permettre l’avènement d’une industrie solaire à grande échelle. Afin de verdir notre électricité, il faut à la fois des systèmes photovoltaïques décentralisés sur les toits californiens et de grosses centrales thermiques reliées au réseau. — www.sierraclub.org/CA