Point de vue - LexisNexis

1 janv. 2009 - tranche marginale d'imposition est de 30 %. Il a cumulé 164 trimestres (taux plein) et a atteint l'âge légal. (60 ans et 9 mois). Il a cumulé 15 ans ...
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Point de vue 17

La stratégie de cumul emploi-retraite pour les chefs d’entreprise : une opportunité de mission pour l’expertcomptable Pascale Coin Consultante, Sté ADSTRAT Conseil & Courtage, Paris

Le cumul emploi-retraite, ouvert aux salariés comme aux travailleurs indépendants, peut constituer une solution idéale pour assurer à la fois la transition entre activité professionnelle et retraite et un revenu complémentaire. Toutefois, l’option pour ce dispositif doit être réfléchie et anticipée, non seulement au regard de l’articulation des règles des différents régimes de retraite, mais aussi des enjeux financiers qui en découlent. Pascale Coin, consultante au sein de la Société Adstrat, Conseil et Courtage, analyse l’impact des choix possibles du dirigeant d’entreprise face à la problématique de son départ à la retraite ainsi que ses enjeux, notamment sur le plan fiscal et social. Des enjeux stratégiques qui ouvrent un champ de missions complémentaires au conseil habituel du dirigeant, son expert-comptable.

1. La loi Fillon (n° 2003-775) du 21 août 2003 constitue le cadre général des régimes de retraite obligatoires. D’une part, parce qu’y ont été réaffirmés les principes de solidarité inter-générations et de répartition, et donc les facteurs qui sont au centre des décisions ultérieures. D’autre part, parce que les mesures successives qui ont été prises par la suite s’inscrivent dans ce cadre général sans le remettre en cause. Elles suivent juste deux mouvements contradictoires : une volonté politique de sauver les régimes d’une faillite annoncée et la nécessité de ne pas léguer aux générations futures une trop lourde charge. 2. Au cœur de cette volonté d’assurer une retraite décente à chacun, en pérennisant les régimes, le cumul emploiretraite semble une solution idéale. Depuis le 1er janvier 2009, les retraités du régime général peuvent reprendre une activité salariée après la liquidation de leur retraite et cumuler intégralement leurs pensions de base et complémentaires aux revenus de cette activité (CSS, art. L. 161-22 et D. 161-2-16 ; Accord ARRCO, Annexe A, art. 32 B et Convention AGIRC, Annexe I, art. 6). Cette possibilité a été par la suite étendue aux régimes de base non salariés (commerçants, artisans, professions libérales). Les régimes complémentaires non salariés ont suivi la voie, mais selon des modalités propres à chacun, de sorte qu’il convient à chaque fois de valider les conditions de ce cumul selon la profession. 3. On estime (selon un rapport de l’IGAS de juin 2012) à environ 500 000 personnes les « cumulards » dont 400 000 liquident leur retraite dans le même régime que celui dans lequel elles continuent d’exercer. Bien sûr, les

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situations sont très différentes selon l’âge de la retraite, selon le sexe (plus d’hommes que de femmes) et selon la situation au moment du départ ou bien la catégorie sociale. Le rapport de l’IGAS peut être consulté dans son intégralité à partir de la page d’accueil du site www.lexisnexis.fr, « Nos services », « Espace abonnés », « D.O documents utiles ».

Pour les indépendants, le cumul emploi/retraite répond à deux nécessités : – ne pas cesser brusquement l’activité pour pouvoir préparer la transmission, – maintenir son revenu, car la retraite professionnelle représente au mieux un tiers de leur dernier revenu d’activité. 4. Toutefois, les règles de fonctionnement des régimes de retraite sont complexes et, dans la pratique, l’optimisation du cumul est une opportunité pour ceux qui savent anticiper et estimer leurs droits. Ce qui ne saurait se faire sans l’aide d’un professionnel. Autour de la question du cumul emploi-retraite, on retrouve ainsi des questions auxquelles le conseil habituel de l’entreprise, son expert-comptable, n’est pas toujours le mieux armé : à combien se montera ma retraite ? Compte tenu de mes besoins, quel sera le manque à gagner quand je liquiderai mes droits ? Que dois-je faire pour améliorer le résultat ? Comment optimiser fiscalement mon revenu différé ? Que se passe-t-il si je décède ? Pour aider le dirigeant, l’expert-comptable et le conseil en protection sociale doivent dialoguer afin de mieux servir le client.

Point de vue Le cumul emploi-retraite : ce qui est simple n’appelle aucune assistance Les fondamentaux des régimes de retraite : conditions générales de liquidation des pensions 5. La retraite effraie le travailleur indépendant : c’est l’action de se retirer d’une activité professionnelle. Deux règles en découlent qu’il convient de mémoriser pour mieux comprendre ensuite l’articulation des régimes : – on ne revient jamais en arrière (la liquidation d’une retraite entraîne le gel des droits) ; – on perçoit un revenu d’une nature différente, c’est une pension, qui sera fiscalement traitée de manière spécifique. La retraite d’un dirigeant d’entreprise ou d’un indépendant se compose le plus souvent de « briques » (les divers régimes auxquels il a cotisés) dont le ciment résulte des règles fixées par le régime de base qui, historiquement, est le plus important.

Date de naissance

Réforme 2010

LFSS 2012

Nombre de trimestres

1953

61

61 et 2 mois

165

1954

61 et 4 mois

61 et 7 mois

165

1955

61 et 8 mois

62

166

1956

62

62

166

Il n’est plus pratiqué de décote (diminution du montant de la pension) du fait d’un nombre de trimestres inférieur au seuil du taux plein, au-delà d’un âge fixé à l’âge légal plus cinq ans (67 ans). 7. Le débat porte souvent sur l’âge de la retraite alors que le critère le plus important devient celui des trimestres. C’est cette variable qui va déterminer non seulement l’âge de départ optimum (le fameux taux plein), mais aussi le montant de la retraite. Les régimes complémentaires salariés se sont alignés sur cette règle des trimestres, puisqu’un accord entre les partenaires au sein de l’AGIRC-ARRCO a renouvelé le principe de nonabattement si le nombre de trimestres du taux plein est obtenu sur le régime de base.

6. Il faut, pour prendre sa retraite sans pénalités, cumuler deux conditions qui sont communes aux régimes de base (presque tous en pratique) et même, ont été étendues à plusieurs régimes complémentaires : avoir un âge minimum, qui a évolué depuis la réforme de 2010 (L. n° 2010-1330, 9 nov. 2010 ; L. n° 2011-1330, 21 déc. 2011, art. 88) pour passer à 62 ans pour les générations nées en 1955 et après (à l’exception du décret du 2 juillet 2012 qui a assoupli le dispositif de départ anticipé à la retraite en cas de carrière longue et qui n’est qu’une dérogation au régime général) ; cumuler tous régimes confondus un nombre de trimestres qui augmente avec l’âge et dont chaque génération connaîtra la somme l’année de ses 56 ans. Date de naissance

Réforme 2010

LFSS 2012

Nombre de trimestres

Avant juillet 1951

60

60

163

60 et 4 mois

60 et 4 mois

163

60 et 8 mois

60 et 9 mois

164

Entre juillet déc. 1951 1952

et

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8. Mais dans le même temps, chaque régime a ses propres modes de calculs et le futur retraité doit donc non seulement s’adresser à plusieurs organismes, dont chacun a son propre discours, mais encore percevoir ses pensions de retraite de plusieurs caisses. Tout le monde s’accorde à reconnaître les bienfaits du cumul emploi-retraite, qui favorise l’activité après l’âge légal de la retraite et qui permet la transition activité/ retraite. Il est conforme au droit du travail et génère des recettes supplémentaires Mais dans la pratique, cette construction à plusieurs étages rend l’analyse complexe et les décisions peu claires. Bref, c’est compliqué, donc comment faire ? Coexistence de deux régimes de cumul emploiretraite Le régime « libéralisé » depuis janvier 2009 9. Pour toutes les pensions à effet au 1er janvier 2009, il est possible de cumuler librement une pension de retraite et le revenu issu d’une activité professionnelle. 10. Trois conditions sont requises : avoir atteint l’âge légal pour les assurés ayant le nombre de trimestres requis pour bénéficier de leur retraite à taux plein (en conséquence, une personne partant avant l’âge légal dans le cadre du dispositif de départ anticipé pour carrière longue peut ne pas pouvoir en profiter) ; rompre son contrat de travail avec son employeur (pour les salariés ou fonctionnaires) ; la cessation d’activité n’est plus exigée pour le travailleur non salarié ; liquider la totalité de ses pensions obligatoires, françaises, étrangères, de base et/ou complémentaires et les pensions internationales.

Point de vue Par exemple, pour un dirigeant qui a été salarié puis commerçant : Activité reprise salarié

Activité poursuivie commerçant

Activité poursuivie profession libérale

Salarié + commerçant

Aucune limite

Aucune limite

Aucune limite

Commerçant

Aucune limite

Limite

Aucune limite

Limite

Aucune limite

Aucune limite

Activité liquidée

Salarié

Faute de réunir ces trois conditions, ce sont les règles du cumul plafonné (« ancien régime Fillon 2004 ») qui s’appliquent et que nous verrons ci-dessous (V. § 13 et s.). 11. Attention au formalisme : l’assuré poursuivant son activité doit fournir au dernier organisme d’affiliation le nom de son employeur, la date de poursuite (comme non salarié) ou de reprise (comme salarié) et doit signer une déclaration sur l’honneur qu’il a bien liquidé toutes ses retraites obligatoires en indiquant les régimes dont il a relevé. Il doit le faire dans un délai d’un mois suivant la date d’entrée en jouissance de sa pension en cas de maintien de l’activité professionnelle ou dans le mois suivant la reprise d’une activité professionnelle. 12. Les règles des régimes complémentaires sont différentes. Ainsi, pour les professions libérales, l’obligation d’avoir liquidé tous ses droits ne règle pas le problème de la poursuite de l’activité au-delà de l’âge légal. Ces régimes étant autonomes, ils pratiquent une décote pour certains, entre 60 et 65 ans lors de la liquidation de la retraite complémentaire, sauf par exemple, la CIPAV (conseils) ou la CNBF (avocats). Ainsi, la CAVEC (experts comptables) applique une décote même si l’assuré est à taux plein sur le régime de base. De même, pour la tranche C du salaire pour un cadre supérieur, il aura une décote entre 62 et 67 ans s’il est né après 1955, malgré le fait qu’il soit à taux plein sur le régime de base. Il faut donc évaluer l’incidence du cumul emploi-retraite libéralisé tous régimes confondus et en tenant compte de ces décotes définitives. Le principal critère de choix reste le fait que le versement de cotisations dans le régime de retraite correspondant à l’activité exercée ne procure aucun droit supplémentaire (par exemple, le retraité commerçant du RSI qui reprend une activité commerciale verse des cotisations qui ne lui ouvrent pas de nouveaux droits), sauf s’il exerce une activité relevant d’un autre régime de retraite. Le cumul emploi-retraite plafonné 13. À défaut de réunir toutes les conditions précitées, ou bien si l’option est préférable compte tenu des pénalités (décotes) évoquées ci-dessus, ce sont les anciennes règles du cumul qui s’appliquent : pour les régimes de base, c’est l’âge légal qui commande (sous réserve du décret longues carrières déjà évoqué) ; pour les régimes complémentaires des salariés, la retraite peut être liquidée dès 55 ans à condition de cesser son activité ; pour les régimes des artisans et commerçants, on peut envisager 60 ans et, pour les professions libérales, c’est en fait 65 ans, du fait de leur début tardif d’activité. D.O Actualité ‰ N° 11 ‰ 2013 ‰ © LexisNexis SA

Pour résumer, il n’existe aucune restriction si le régime de l’activité poursuivie est différent de celui de la retraite, car la cessation, donc le gel des droits, ne vise que l’activité poursuivie dans le régime liquidé. Par conséquent, un commerçant peut prendre sa retraite salariée et continuer son activité non salariée ou bien une profession libérale peut liquider ses droits salariés tout en continuant d’exercer en libéral.

Salarié

Commerçant

Profession libérale

Limite

Aucune limite

Aucune limite

Commerçant

Aucune limite

Limite

Aucune limite

Profession libérale

Aucune limite

Aucune limite

Limite

Salarié

14. Quelle stratégie en déduire : prendre tout de suite, ou bien continuer ? Il faut ici nous rappeler la surcote instaurée dans le régime salarié, également applicable aux indépendants. En effet, elle consiste en une majoration de la retraite de base dont bénéficient les assurés qui continuent de travailler au-delà de l’âge légal dès lors qu’ils ont le taux plein. Pour chaque trimestre de prolongation depuis janvier 2009, la retraite augmente de 1,25 % soit 5 % pour une année : c’est mieux qu’un fonds en euros sur un contrat d’assurance vie... il y a donc objectivement une alternative entre « je prends tout de suite ce qui m’est dû sur un régime et je continue sur l’autre », ou bien « j’augmente mes droits en retardant la retraite salariée ». En simplifiant le propos au maximum, on pourra appeler le cumul emploi-retraite ancienne formule « la diagonale du fou ». Reste pour compléter les données de la question à estimer la retraite dans chaque régime et donc à choisir pour optimiser son revenu global. Le changement de régime est en l’état actuel de la législation, et bien que le dernier rapport de l’IGAS le regrette, une solution intéressante dans bien des cas (Rapport IGAS juin 2012 – RM 0212067 P).

Point de vue Les opportunités de missions pour l’expert-comptable

Un exemple pour mesurer l’enjeu 15. Prenons l’exemple d’un dirigeant non salarié né en janvier 1952. Sa société est constituée sous la forme d’une SARL (régime commerçant) et il a une rémunération nette de 45 K €. Il est marié sous le régime de la communauté de biens. Sa tranche marginale d’imposition est de 30 %. Il a cumulé 164 trimestres (taux plein) et a atteint l’âge légal (60 ans et 9 mois). Il a cumulé 15 ans au régime salarié et le reste en régime commerçant.

Pension

Hypothèse 1 : il poursuit l’exploitation et augmente sa retraite par la surcote. Hypothèse 2 : il liquide sa retraite et continue son activité. Hypothèse 3 : il vend ses parts, s’associe et réduit son activité de 50 %. Hypothèse 4 : il vend la totalité, profite du cumul et reprend une activité libérale.

60 ans 9 mois

65 ans

65 ans

65 ans

65 ans

Taux plein

Surcote

Cumul + poursuite

Vente 50 % et mi-temps

Vente 100 % et activité libérale

26 520 €

33 602 €

27 120 €

33 432 €

28 787 €

Il en ressort que : – la surcote procure le revenu différé le plus élevé, mais le retour sur investissement est de plus de 18 ans par rapport au cumul libéralisé (il n’a pas eu de retraite pendant 5 ans) ; – avec le cumul version 2009, il perçoit les prestations des régimes de retraite 5 ans avant ; – l’option de vente progressive avec une activité réduite peut être intéressante pour le repreneur/vendeur ; – avec l’option de vente totale, il perçoit un capital et en continuant sur le régime des professions libérales, il augmente ses droits futurs ; – dans tous les cas, reprendre une activité dans un autre régime permet d’augmenter ses droits. Les critères de choix du cumul emploi/retraite La prévoyance associée au régime liquidé peut avoir son importance 16. En matière de prévoyance, il convient de rappeler que le statut de salarié est souvent plus protecteur. Le dirigeant salarié bénéficie, en même temps que son revenu et tant qu’il demeure dans l’entreprise, d’un régime de prévoyance conventionnel ou collectif qu’il ne pourra pas

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toujours obtenir en cas de sortie de ce statut, par exemple en fonction de son état de santé. Exemple : Un dirigeant salarié ayant un salaire de 120 K € qui est assuré par son entreprise en décès pour 720K € (500 % salaire brut) pour une cotisation globale de 3 900 € aura à payer 4 900 € en tant que non salarié pour une assurance de seulement 500 K € à 62 ans. Sans présager du questionnaire médical à compléter qui peut conduire à une majoration importante selon la compagnie. La mutuelle et la structure familiale 17. Si le dirigeant salarié profite d’une mutuelle collective en tant que cadre à un taux « famille » (tarif collectif), il devra peut être payer le double pour avoir les mêmes garanties en tant que non salarié. En changeant de régime au moment de la liquidation de la retraite, il faut toujours calculer l’impact de la protection sociale et raisonner « à protection sociale maintenue » car sinon, la comparaison n’est pas efficace. Les droits acquis et la retraite constituée 18. Avant de décider, il faut évaluer les droits dans les différents régimes auxquels l’assuré a cotisés. Prenons un exemple :

Point de vue

De cet exemple, il se déduit les droits suivants : – droits acquis par les cotisations en tant que salarié avant la retraite = 3 125 € nets/an ; – droits acquis en cas de liquidation de la retraite sans activité = aucun ; – droits acquis après la retraite dans l’hypothèse d’un cumul emploi/retraite salarié = aucun ; – droits acquis après la retraite dans l’hypothèse d’un cumul emploi/retraite CIPAV = 1 185 € nets/an. Le dirigeant salarié ayant fait toute sa carrière dans le régime général avec un salaire de 250 K € veut continuer son activité tout en réduisant la charge pour son entreprise. Compte tenu des droits qu’ils a évalués à 110 K € pour les divers régimes de retraite auxquels il a cotisés, s’il liquide sa retraite salariée pour continuer en tant que salarié (régime libéralisé), il perd 3 125 €/an de droits. S’il continue en devenant gérant majoritaire à la CIPAV, il acquiert 1 185 €/an de droits nouveaux. Sur 10 ans de poursuite d’activité, l’enjeu est important : plus ou moins 1 000 €/mois de plus en retraite. En revanche, prenons l’exemple d’une profession libérale dont la retraite salariée se monte à 4 000 € par mois et la retraite acquise à la CIPAV à 2 000 €/mois. Il réalisait un BNC de 70 K € et souhaite diminuer son activité tout en maintenant son revenu global. Le montant de droits acquis pour son futur revenu d’activité de 30K € n’est que de 345 €/année de cotisation, soit 300 € environ de plus par mois, alors qu’il devra acquitter 40 % de charges sociales sur son BNC, soit 12 K €. S’il plaçait ces 12 K € à 3 % sur un contrat en euros, il obtiendrait autant de revenu complémentaire. Le seul avantage sera en l’occurrence la déduction des charges de son activité qu’il pourra continuer à pratiquer.

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En revanche, s’il a besoin des 4 000 € mensuels pour assurer son train de vie en remplacement des 70 K € de sa seule activité antérieure, le montage va lui permettre d’avoir un revenu global (retraite + activité libérale) suffisant. Le régime de l’activité poursuivie et le niveau de revenu escompté 19. Ce critère est très important : – plus le revenu escompté sera élevé et moins j’ai avantage à cotiser sans droits, donc à continuer dans le même régime que celui qui me verse ma retraite ; – sauf si, pour des raisons autres (pouvoir dans l’entreprise, ISF, charges à déduire...), j’ai avantage à maintenir le même statut ; – et je peux ne pas avoir le choix si le montant de ma retraite liquidée ne m’assure pas, conjointement à l’activité poursuivie, le train de vie souhaité. A contrario, une décision rapide de liquidation de retraite alors que le délai pour bénéficier de l’exonération de la taxe sur les plus-values au titre de la retraite est seulement de 2 ans, peut s’avérer délicate, quand on sait que les services des divers régimes de retraite sont parfois assez longs à répondre compte tenu du nombre plus important de dossiers à traiter depuis juillet 2012 (décret retraite anticipée carrière longue à 60 ans). La protection du conjoint 20. Depuis la loi Fillon, la réversion des pensions, c’est-àdire le droit du conjoint survivant de percevoir une partie des droits du décédé, n’est plus un droit, mais une mesure de solidarité nationale. Elle répond donc à des conditions : – de ressources pour les régimes de base et le régime complémentaire des commerçants/artisans (devenu récemment le RCI par fusion des régimes) ;

Point de vue – d’âge et de non-remariage pour les régimes complémentaires autres. Nouvelles conditions d'âge

Nouvelles conditions de ressources

= 55 ans

= 2 080 SMIC horaire, soit 19 = plus de condition de non re- 614 €/an mariage = en couple (marié/pacsé), 1,6 = plus de condition de durée de fois (le montant précédent), soit 31 383 €/an mariage

Le montant de la réversion au titre des régimes de base alignés est de 54 % de la retraite. En pratique, cela conduit à ne pas en bénéficier la plupart du temps pour un indépendant. Exemple :

En effet, dans les ressources à prendre en compte, sont inclus : les salaires, gains assimilés, revenus professionnels non salariaux (avec un abattement de 30 % si le conjoint a plus de 55 ans), les revenus de remplacement (chômage, par exemple), la réversion des régimes de base, les pensions, retraites et rentes personnelles, les autres revenus, les biens immobiliers et mobiliers en propres pour 3 % de leur valeur vénale. 21. L’enjeu sera de fait différent selon le régime initial : pour un cadre, la retraite de base ne représente pas 30 % de sa retraite globale s’il a un salaire élevé, pour un commerçant, la retraite de base pèse pour 70 % du total. Enfin, pour les régimes complémentaires, le pourcentage de réversion peut être variable, mais tous appliquent la règle du partage entre les ex-conjoints vivants non remariés et cessent la réversion en cas de remariage du conjoint bénéficiaire de la rente.

Par conséquent, l’analyse de la protection du conjoint est un préalable aux décisions. Il faudra en l’occurrence prendre en compte ce point car, lorsque le dirigeant liquide sa retraite, il perd là encore ses régimes de prévoyance, comme nous l’avons déjà évoqué ci-dessus. 22. En conclusion, ces questions étant complexes, qui peut aider le dirigeant, mieux que son expert-comptable, associé à son conseil en protection sociale ?

De nouvelles missions pour l’expert-comptable 23. La décision de liquider sa retraite et, éventuellement, de profiter du cumul emploi-retraite pour un dirigeant s’avère complexe et comporte d’autres questions pour lesquelles l’assistance de son conseil est fondamentale :

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– quel régime fiscal pour la cession de l’activité ? Lors du départ à la retraite, rappelons que le dirigeant peut bénéficier d’un régime dérogatoire sur la taxation des plusvalues, sous certaines conditions ;

Point de vue – quelle incidence a la cessation de l’activité sur le mandat social ? La liquidation de la retraite d’un président de SAS vaut cessation de son contrat et, par suite de son mandat social, comment traiter le transfert dans un cumul emploi/ retraite libéralisé ;

– quelle conséquence sur l’ISF pour le dirigeant ? La cessation d’activité salariée-mandat a une incidence sur le régime des biens « professionnels ».

24. Il ne peut y avoir de décision, quant à la liquidation des droits, sans concertation des conseils du dirigeant : d’un côté, l’expert-comptable et de l’autre, le conseil en protection sociale, qui doivent dialoguer et croiser leurs points de vue : – la complexité des règles des régimes de retraite, qui représentent des enjeux fiscaux et sociaux importants, peut rebuter le client et l’expert-comptable doit le rassurer en anticipant ; – l’expert-comptable est en face de lui de manière naturelle pour toutes les questions fiscales et vise l’optimisation de l’impôt tant au niveau professionnel, que personnel : c’est lui qui pourra optimiser entre revenus immédiats (prime/dividende) et différés (cumul emploi/ retraite) ; – le conseil en protection sociale peut l’aider à auditer les droits acquis dans les différents régimes, à estimer les droits à venir selon les alternatives retenues, à évaluer la retraite future et donc à évaluer l’impact des options fiscales et sociales sur ces droits ; – il peut également être consulté sur les choix en matière de prévoyance/santé/retraite supplémentaire selon les options de cumul emploi/retraite. Cette mission commune permettra de fidéliser le client tant avant la cession de l’activité que, par la suite, lors de la cessation totale. Elle peut s’articuler autour de plusieurs chapitres : audit des droits à la retraite dans les régimes auxquels a adhéré le dirigeant, optimisation du revenu différé, anticipation de la cessation d’activité, optimisation du cumul emploi/retraite, assistance pour la liquidation des droits.

25. Mais, pour proposer une telle mission, il est nécessaire de bien connaître sa clientèle et construire une offre cohérente selon : – un classement par âge car on ne peut avoir le même discours auprès d’un dirigeant de 40 ans ou de 60 ans sur ce thème ; l’envoi du relevé de situation individuelle prévu par le législateur peut constituer une grille de départ (il est prévu par périodes de cinq ans) ; – un classement selon le statut (salarié/non salarié) ; – un classement en fonction du niveau de rémunération (en dessous du plafond de sécurité sociale, au-delà puis au dessus de la TB pour les salariés ou 5 PASS pour les professions libérales ou 3 PASS pour les commerçants puisque les cotisations aux régimes obligatoires suivent ces seuils) ; – un classement selon l’ancienneté de la création de l’activité (phase de création 5 ans – plus de 5 ans par exemple) ; – certains régimes, qui sont plus « fragiles » que d’autres (par exemple : commerçants/artisans/professions libérales). Cet audit de la clientèle ne vise pas tant à formater l’offre car la retraite, c’est une question très personnelle pour chacun, qu’à avoir un discours cohérent et donc plus efficace dans l’intérêt du client, ainsi qu’à organiser de fait la formation au sein du cabinet sur ces sujets complexes.

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26. La sensibilisation des clients à l’offre de mission sera plus pertinente si l’on a pris le soin de vérifier certains points, comme par exemple ceux qui peuvent être repris dans une fiche spécifique qui serait en permanence dans le dossier client.

Point de vue

27. En conclusion, le cumul emploi/retraite, c’est le verre à moitié vide ou bien à moitié plein, selon l’angle sous lequel on l’analyse. Tout le monde s’accorde à reconnaître ses bienfaits : il favorise l’activité après 60 ans, il permet la transition activité/retraite, il est conforme au droit du travail et ce sont des recettes supplémentaires. Les rapporteurs de l’IGAS en juin 2012 ont d’ailleurs souligné que la révision du système actuel, par la généralisation du cumul sans acquisition de nouveaux droits, représenterait des millions d’euros de recettes bien utiles au régime général. En pratique, seul l’indépendant qui aura pris le soin d’auditer sa situation et d’anticiper sur sa future retraite,

pourra pallier les limites des régimes obligatoires et poursuivre son activité en optimisant son futur revenu. Il sera ainsi en mesure de limiter l’effet de la transition entre activité et retraite. Aussi, la proposition de mission de ses conseils, tant expert-comptable qu’expert en protection sociale, est-elle importante, voire essentielle. Pour eux, la construction d’une telle mission est un vecteur essentiel de fidélisation du client et participe à terme au développement du cabinet par l’alliance des compétences.ê

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