Pierre-Luc Vogel, un président au caractère bien trempé pour ...

charge des affaires européennes et des rela- tions avec l'Association congrès des notaires de. France (ACNF) Il fût président du 101e Congrès des notaires à ...
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Profession Conseil supérieur du notariat

Pierre-Luc Vogel, un président au caractère bien trempé pour défendre les valeurs de la profession ©Romuald Meigneux

Notaire à Saint-Malo depuis bientôt 30 ans, Pierre-Luc Vogel a été élu président du CSN. Il succède à Jean Tarrade et poursuivra avec la même énergie et une détermination tout aussi affirmée la lutte menée pour la défense du notariat. Si certains points sont d’ores et déjà réglés, d’autres suscitent encore de vives inquiétudes. 262 « Notariat de France, je te salue ! C’est exceptionnel ! Vous êtes exceptionnels ! » C’est par cette proclamation que Pierre-Luc Vogel a entamé avec force et conviction son discours le 17 septembre 2014 à Paris lors du rassemblement des notaires (Sol. Not. 10/14 inf. 218).

Une ovation place de la République Premier moment fort et mémorable entrée en matière ! Un exposé digne d’une cérémonie d’investiture avant l’heure pourrait-on dire. C’est en leader capable de galvaniser la foule des milliers de notaires rassemblés qu’il est apparu aux côtés de Jean Tarrade. Avec son énergie, sa pugnacité et un indéniable sens de la formule (« Après le hamburger, voilà le lawyer. Après la malbouffe, le maldroit. »), celui qui était encore ce jour-là 1er viceprésident du Conseil supérieur du notariat (CSN) a d’emblée conquis les notaires et collaborateurs de toutes régions réunis place de la République. Une fois leurs discours prononcés, PierreJean Tarrade et Luc Vogel, bras levés et main dans la main, ont été sans surprise acclamés.

sident s’est volontiers prêté à l’exercice. L’occasion de livrer, comme le veut la tradition, quelques éléments de son CV, de présenter son bureau et son programme pour les deux années du mandat, non renouvelable, même si ce programme est temporairement occulté par le contexte exceptionnel lié au projet de réforme des professions réglementées porté par Bercy.

Un notaire breton et endurant à la barre Marié et père de trois enfants, Pierre-Luc Vogel, 59 ans, est un « notaire de région ». Il exerce depuis 1985 à Saint-Malo dans une étude qui comporte trois associés et quinze collaborateurs. Sur le plan institutionnel, il qualifie son parcours de « classique » : président de la chambre départementale d’Ille-et-Vilaine de 2000 à 2002 puis président du conseil régional de Rennes de 2005 à 2007, et membre du groupe de pilotage de la démarche qualité notariale (DQN). Directeur de l’école de notariat de Rennes, il a enseigné plusieurs années. « Dans le contexte actuel, cette relation de proximité avec les étudiants sera utile », met-il d’ailleurs en avant. Enfin, passionné de voile et de canoë (il a participé au marathon à la rame sur la lagune de Venise), il saura manœuvrer sur des eaux agitées. L’homme, affable et souriant, est avant tout un travailleur acharné, combatif et déterminé.

L’actualité brûlante va accaparer le bureau en début de mandat Un mois plus tard, les 21 et 22 octobre 2014, l’Assemblée générale a élu PierreLuc Vogel président. A chaque renouvellement du bureau du CSN, l’usage est de rassembler les journalistes pour une conférence de presse de début de mandat. Dès le lendemain, le nouveau pré-

Très étroitement associé à Jean Tarrade depuis trois mois, Pierre-Luc Vogel l’exprime sans détour : son début de mandat sera « intégralement consacré à la gestion de la réforme des professions réglementées. Ma conviction est que nous devons rester fortement mobilisés », insiste-t-il. C’est la priorité du nouveau bureau qui met certains sujets momentanément entre parenthèses pour

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se concerter avec les responsables politiques et communiquer avec les notaires. Tandis que les auditions s’enchaînent à l’Assemblée nationale jusqu’à fin novembre dans le cadre des travaux de la commission réunie autour des députés Cécile Untermaier et Philippe Houillon (voir le fil d’info Actualités Notaires), Pierre-Luc Vogel a des arguments à faire valoir auprès des parlementaires qui seront invités à légiférer début 2015.

Un baptême du feu pour le nouveau président Interrogé sur l’état d’esprit des troupes, il constate « l’exaspération et la colère évidente des confrères. Nous voulons mener des discussions avec Bercy sous l’égide de la Chancellerie et nous devons donc garder notre sang-froid pour mener la concertation dans de bonnes conditions. » Le monopole est préservé. Deux questions sont d’ores et déjà réglées. Celle du périmètre d’activité puisque le projet de loi pour la croissance ne touchera pas au monopole réservé du notariat et l’ouverture du capital dans la mesure où elle sera limitée aux professions du droit. « Nous préférons que l’ouverture soit restreinte à la famille des professions juridiques », avoue Pierre-Luc Vogel. Position qui exclut de facto les experts-comptables, professionnels du chiffre.

Quelques annonces et un plan d’actions dévoilés Deux sujets restent en suspens : l’augmentation du nombre de notaires et le spectre de la libre installation, d’une part, le maintien d’un tarif proportionnel et surtout redistributif, d’autre part.

Profession La liberté d’installation reste exclue. Si elle devait être instaurée, la ligne rouge serait franchie. La profession n’a jusqu’ici pas tenu ses engagements en matière d’augmentation du nombre de notaires, l’objectif de 10 000 notaires en 2000 n’étant toujours pas atteint près de 15 ans plus tard. « La critique est fondée », admet Pierre-Luc Vogel avant de tempérer : « les outils dont nous disposons ne sont pas obligatoires. »

Pour augmenter leur nombre, les notaires contraints d’accueillir de nouveaux confrères Lors de l’audition d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie, « nous avons cru comprendre que sa position en matière de liberté d’installation avait évolué. Si le projet devait aboutir à une totale liberté, nous y serions opposés, déclare Pierre-Luc Vogel. Nous proposons une alternative avec deux volets : la création de 300 nouveaux offices dans les deux années à venir et l’accueil de notaires dans les offices existants. » Aujourd’hui, le rythme est de 20 créations d’offices annuelles. L’accueil de 1 000 notaires supplémentaires serait un objectif réalisable à l’horizon 2017 dans le cadre « d’un plan triennal renouvelable à mettre en place avec la Chancellerie pour cadencer le rythme des augmentations à venir. » L’effort envisagé est donc soutenu. Actuellement, les schémas régionaux d’adaptation structurelle (SRAS) sont des contrats basés sur le volontariat. « Il faut passer à un système coercitif et faire en sorte que les critères actuels deviennent obligatoires afin que, une fois un nombre d’actes et un montant de chiffre d’affaires atteints, les notaires soient obligés d’accueillir de nouveaux confrères », préconise Pierre-Luc Vogel. Une piste d’amélioration constituerait en premier lieu à revoir l’outil existant pour distinguer entre les notaires salariés et les notaires associés afin de privilégier la voie de l’association. Deux cas sont envisagés : transformer les notaires salariés en associés ou intégrer de nouveaux associés. « Souvent le salariat est la période qui précède l’association, observe le président. Si on rendait ces accueils obligatoires, on peut penser que nombreux seraient les notaires salariés qui envisageraient de s’associer. » Simplifier la procédure de nomination pour améliorer la fluidité des dossiers est

une autre proposition. La concertation sur l’ensemble est en cours.

Un Tour de France en 10 étapes pour écouter tous les notaires

Renforcer le maillage territorial. Emmanuel Macron a évoqué des déserts juridiques en prenant pour exemple la SeineSaint-Denis où le nombre de notaires est insuffisant. Effectivement, « il existe, dans les périphéries des grandes métropoles, des possibilités de création d’offices, reconnaît le président. Nous devons avant tout croiser nos cartographies avec celles de Bercy pour définir les départements ou les régions cibles dans lesquelles concentrer les créations. »

Pour faire un tour d’horizon complet, l’ensemble du bureau a donné rendez-vous aux notaires de France en région entre le 10 et le 28 novembre 2014 sur le thème « L’avenir et la défense de la profession ». Les villes-étapes sont successivement Toulouse, Bordeaux, Paris, Mandelieu, Amiens, Brest, Avignon, Lyon, Metz et Le Mans. Son but : que tous les notaires puissent s’exprimer et saisir l’occasion d’approcher les parlementaires sur le terrain. « C’est la 1e fois qu’un bureau rencontrera l’ensemble des notaires ce qui démontre notre volonté de mobiliser. Nous souhaitons recueillir des propositions. On évoque parfois les confrères de la base. Les membres du bureau sont toujours des notaires en exercice », rappelle le président.

Négociation sur les tarifs. Pour entamer toute discussion, Bercy souhaitait attendre que le Conseil de la concurrence se soit prononcé. Le rapport d’étape n’a pas été dévoilé, alors qu’il est en possession du ministère, et les signaux reçus sont contradictoires. « Emmanuel Macron montre une volonté d’ouverture mais nous avons du mal à décrypter les messages du ministère », souligne le président. Sa proposition de désengagement de la Chancellerie n’est pas satisfaisante. « Nous tenons au maintien de la tutelle du ministère de la justice. Si elle devait être remise en cause, ce serait le premier pas vers le système de common law. »

Bâtir une réforme tarifaire bénéfique Le tarif de 1978 peut être modernisé et simplifié. La péréquation par le biais des cotisations mérite d’être renforcée. Il est également essentiel de parvenir à une meilleure transparence sur ces frais. « Il faut établir une distinction claire entre ce qui relève de la fiscalité et la fraction qui rémunère le travail du notaire et mettre en place des mesures d’accompagnement auprès des confrères pour améliorer la pédagogie. Nous pourrions parvenir à une forme de forfaitisation. Pour les ventes immobilières, un taux plus faible au-delà de certains seuils et des tranches supplémentaires pourraient être créés. Nous ne sommes pas favorables au corridor tarifaire évoqué par le ministre, sans fermer totalement la porte non plus », glisse Pierre-Luc Vogel. En l’absence de documents sur la base desquels échanger, il est impossible d’engager un dialogue. Le notariat ne demande pas la suppression pure et simple de la loi. « Sans être arcboutés, nous voulons que ce soit une bonne réforme pour tous. »

Un programme orienté sur la relation du notaire avec ses clients Très heureux d’accueillir une femme au sein du bureau, Marie-Hélène KraftFaugère (voir encadré p.24), Pierre-Luc Vogel se réjouit de cette « représentation féminine » et lance un appel aux régions et aux conseils régionaux : « la représentation des jeunes générations n’est pas assez importante ! » Plus largement, une fois sorti de l’actualité liée au projet de réforme, l’objectif de son mandat est justement de « tracer des perspectives de long terme, permettant aux nouvelles générations un exercice serein du métier qu’elles ont choisi. » Face à ces jeunes qui ont des difficultés à intégrer la profession, « il faut faire notre mea culpa. Les associations de jeunes sont en phase avec nos propositions et pensent que la liberté d’installation est une mauvaise idée, relève le notaire. Je souhaite être le représentant de tous les notaires quels que soient leur lieu d’exercice, leur statut et leur génération. Notre profession a besoin de cette unité. » Les chantiers envisagés rappelleront les fondations et les valeurs du notariat afin de sortir de la spirale des agressions à répétition.

Dessiner un notariat d’avenir Le programme consiste « à revisiter la relation avec nos clients, déclare le nouveau président. Il faut que ces derniers soient au cœur de nos réflexions. Les services que

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Profession nous rendons doivent avoir un caractère pratique et immédiatement opérationnel. » Les réalisations du bureau auront pour objectif concret de faciliter la vie des offices et des citoyens autour de deux axes principaux : développer une approche marketing et créer de nouveaux produits. Toiletter les actes notariés. L’acte de vente immobilier doit devenir plus clair. Il faut à cette fin revoir sa forme, le rendre plus attrayant, compréhensible et facile d’accès pour les clients. « Les évolutions techniques le permettent désormais grâce à l’extraction des données », explique PierreLuc Vogel. A l’époque du papier, les actes étaient conçus avec des éléments synthétiques, regroupés en tête, suivis par des compléments. « Pour faciliter les relations avec l’administration en raison d’un impératif de transmission des données, nous étions prisonniers de cette structure sans som-

maire. » S’affranchir de cette contrainte pour se tourner plutôt vers les clients est devenu possible.

Internet, nouvelle porte d’entrée des offices Accentuer encore les avancées technologiques. Pierre-Luc Vogel s’attachera également à maintenir le cap de la modernité et à poursuivre le développement numérique : « la prospective et l’innovation doivent rester au cœur de nos actions. » Plus de la moitié des offices utilisent l’acte authentique électronique (AAE). Il faut poursuivre la dématérialisation avec les services de

l’Etat, notamment en matière d’état civil. « Les mairies consacrent beaucoup de temps pour établir les actes d’état civil. » Il évoque la mise en place actuelle d’un « nouveau réseau informatique pour utiliser la visio-conférence. Nous voulons équiper à brève échéance un grand nombre d’études. » Avant d’ajouter : « Internet doit devenir la nouvelle porte d’entrée de nos offices. » Les clients pourront par ce biais découvrir un certain nombre de démarches et de nouveaux services disponibles en ligne tels un outil d’anticipation successorale et un nouvel instrument de mesure de l’évolution des prix de l’immobilier en cours d’élaboration. « Nous sommes des pionniers et des experts en matière de gestion des fichiers, celui des testaments en est le plus bel exemple », avait rappelé Pierre-Luc Vogel le 17 septembre 2014 à la tribune. Avant de conclure, exalté : «  Vive le notariat de France ! » n

2014-2016 : LA COMPOSITION DU NOUVEAU BUREAU Pierre-Luc Vogel, président Notaire associé à Saint-Malo (îlle-et-Vilaine), il était en charge du développement, de la qualité, du PNF et de la localisation des offices de 2010 à 2012 avant de devenir 1er vice-président du CSN en octobre 2012 en charge du projet des notaires de France (PNF) et de la prospective au sein du Bureau constitué par son prédécesseur. Didier Coiffard, 1er vice-président Notaire à Oyonnax (Ain), 56  ans, il est en charge des affaires internationales, du développement et des affaires juridiques. Il fût président de commission du 100e Congrès des notaires de Paris et rapporteur général au 105e Congrès de Lille. Il a également fait partie de la commission Image et technologies de l’information et de la communication (TIC) du CSN de 2010 à 2012. Christian Lefebvre, vice-président Notaire à Paris, 66 ans, il est en charge des relations sociales et du comité Mixte. Il a été président du 103e Congrès de Lyon sur « la division de l’immeuble ». Il est co-fondateur du Syndicat des notaires de France (1982), membre du bureau de la CRPCEN et membre de la commission mixte paritaire de la convention collective.

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Edmond Jacoby, secrétaire Notaire à Forbach (Moselle), 60 ans, il est en charge des affaires européennes et des relations avec l’Association congrès des notaires de France (ACNF). Il fût président du 101e Congrès des notaires à Nantes sur les « Familles sans frontières » en 2005. Thierry Lairé, trésorier Notaire à Herblay (Val d’Oise), 60 ans, il est en charge des affaires économiques et budgétaires ainsi que de la formation.

Philippe Durand, membre Notaire à Gardanne (Bouches-du-Rhône), 55 ans, il est en charge du PNF, de la qualité, de la localisation, des affaires immobilières et des relations avec l’ANC.

Marie-Hélène Kraft-Faugère, membre Notaire à Cahors (Lot), 57 ans, elle est en charge de la communication, de la déontologie, de la discipline et des relations avec l’Assemblée de Liaison. Photos : Romuald Meigneux