Paris - Berlin

Lors de la première étape de Paris à Reims, un caillou fissure notre pare-brise sur l'autoroute. Nous finissons l'étape à 30 km/h sur la bande d'arrêt d'urgence,.
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Paris - Berlin Faire un rallye auto de Paris à Berlin sans savoir conduire une boîte manuelle, et avec un copilote dans la même situation, n’est sans doute pas la chose la plus intelligente que j’ai faite de ma vie, mais c’est sans doute la plus drôle. Mon copilote, c’était Claus, mon ami autrichien, mon coup de foudre d’amitié de mes premières années de globe-trotteuse, rencontré alors que nous étions tous les deux étudiants à Paris. Claus est le compagnon de voyage idéal. Il parle 4 langues, est d’une bonne humeur contagieuse, et croque la vie à pleines dents. Il m’a confié qu’à l’adolescence, il avait vu un enfant de 3 ans mourir dans les bras de sa mère après un accident de tram à Vienne, et qu’il avait décidé de vivre réellement comme si chaque jour était le dernier. J’aurais aimé être comme ça, mais je n’ai pas l’énergie. Cependant, je suis parfois bonne suiveuse, et toujours enthousiaste. Enthousiaste, je le suis certainement lorsque Claus, au printemps 2008, me demande si je souhaite prendre part à un rallye Paris-Berlin, tous frais payés par l’office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ). 8 jours de rallye, et un arrêt dans une ville différente chaque soir. Il suffit de former un tandem bilingue, et de trouver un sponsor. J'accepte la proposition sur le champs, bien que l’idée m'effleure que la tradition familiale - dont je fais partie - de ne conduire que des voitures automatiques risque de compliquer les choses, mais je me dis que Claus conduira. A quelques jours du départ, nous nous retrouvons dans un café pour finaliser les derniers préparatifs. C’est là que Claus me dit en souriant qu’il aurait besoin que je lui rappelle comment utiliser une boîte manuelle, n’ayant presque jamais conduit que des automatiques. Un ange passe. Puis deux, le temps que l’information ne remonte à nos cerveaux respectifs. Statistiquement, nous sommes très malchanceux, les voitures automatiques n’étant courantes dans aucun de nos deux pays. Claus et moi expliquons la situation à l’OFAJ, qui nous réserve une voiture automatique au garage parisien d’où aura lieu le départ. Mais nous découvrons ce jour-là que la seule voiture automatique disponible est une Smart. Nous hésitons mais la prenons. Claus est confiant : les voitures allemandes, même minuscules, sont à toute épreuve. L’euphorie est de courte durée. Nos valises, trop grosses, ne rentrent pas dans le coffre. Nous devons demander à une autre équipe de les prendre, puis découper les stickers de notre sponsor, qui dépassent du capot et des portières. Sur la ligne de départ, nous sommes déjà la mascotte du rallye. Nous avons fière allure, mais pas pour longtemps. Lors de la première étape de Paris à Reims, un caillou fissure notre pare-brise sur l’autoroute. Nous finissons l’étape à 30 km/h sur la bande d’arrêt d’urgence, le pare-brise gondolant comme un drapeau au vent, et changeons de voiture à Reims. Ils n’ont pas d’automatique, nous repartons donc dans une Golf à boîte manuelle flambant neuve. Claus et moi nous relayons, tant bien que mal, pendant toute la durée du rallye, et finissons miraculeusement par passer la ligne d’arrivée sur l’Alexander Platz, avant-derniers, mais la tête haute. Aujourd’hui, Claus et moi vivons dans des pays différents, et nous voyons moins. La dernière fois était il y a deux ans, dans un pub de Carnaby Street, lors d’un de ses passages à Londres.

Je lui confie alors que nos voyages représentent certains des meilleurs souvenirs de ma vie. A ma grande surprise, il me répond que lui aussi. J’avais toujours imaginé que ces moments n’étaient hors du commun que pour moi, qui le suivait dans ses aventures. Il s’avère que je faisais partie intégrante du voyage, sans doute par le simple fait d’être partante pour ses périples un peu fous. Notre amitié voyageuse a été si belle que j’aurais voulu qu’elle dure toujours. Mais j’ai appris depuis que certaines amitiés, même exceptionnelles, ne sont qu’éphèmères. Elles remplissent leur mission de nous accompagner pour un temps seulement, et nous servent de point de repère pour l’avenir. Grâce à elles, nous savons qu’elles peuvent avoir le goût de ce rallye Paris-Berlin : simples et lumineuses, comme un phare au milieu de notre chemin de vie. -Texte par Gabrielle Narcy. ©Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.