Palmarès des créateurs nets d'emplois - Xerfi

7 juin 2014 - tirer l'ensemble d'une filière. L'exemple le plus emblématique est le succès de l'aéronautique. 2 Le solde diffère légèrement du chiffre de -126 ...
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Xerfi Synthèse n°7 – juin 2014

Palmarès des créateurs nets d’emplois : top 500 des entreprises et analyse des secteurs1 Olivier Passet Directeur des synthèses économiques, groupe Xerfi [email protected]

Idées clés Les entreprises qui créent de l’emploi en France ne sont pas celles que l’on croit. Sur la base du palmarès des entreprises créatrices nettes d’emploi en France établi par « les500.fr » sur la période 2008-2013, l’étude réalisée par Xerfi fait voler en éclats plusieurs idées reçues. Les 10 premiers du top 500 des créateurs nets d’emplois en France sur la période 2008-2013

Unité : nombre d’emplois salariés créés

Rang 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Créations nettes d'emplois 20082013 6 100 5 800 5 400 3 900 3 800 3 000 2 800 2 700 2 600 2 500

Groupe O2 Développement EDF Airbus Group Safran Auchan Lidl McDonald's A2Micile Amazon Iliad

Traitement Xerfi / Source : les500.fr (dernière mise à jour le 2 juin 2014)

Premièrement et c’est probablement le principal enseignement du Palmarès, parmi les 100 premiers créateurs nets d’emplois du top 500, 63% sont des ETI, parfois encore à l’état de PME ou de micro-entreprises en 2008. Elles sont fréquemment méconnues du grand public et volent souvent la vedette aux grands groupes. Par ailleurs, 15 groupes créés ou implantés depuis moins de 10 ans se hissent aussi dans le top 100. Contrairement aux idées reçues, le tissu français est capable de se régénérer. Deuxièmement, les grands groupes internationalisés peuvent encore créer de l’emploi en masse, quand ce sont des leaders technologiques mondiaux. Les stars de la cote brillent certes par leur absence. En effet, seuls 8 groupes du CAC 40 figurent dans les 100 premiers du palmarès. Mais, au total, 37 des 200 plus grandes entreprises françaises apparaissent dans les 100 premiers du palmarès et participent à près de deux tiers des créations nettes d’emplois. 1

Sur la base de l’étude Xerfi, « Palmarès des créateurs nets d’emplois : top 500 des entreprises et analyse des secteurs », réalisée par Pierre Paturel, Alberto Balboni, Alexandre Boulègue, Alexandre Mirlicourtois, Olivier Passet, Laurent Marty.

1

Troisièmement, 2 grands pôles d’entreprises s’affirment comme moteurs dans la création d’emplois en France : -

-

les activités BtoB de services ayant majoritairement recours à de l’emploi qualifié : 35 des 100 premières entreprises du palmarès opèrent dans les services informatiques, le conseil, l’ingénierie ou le facility management. les activités de service ou de soutien aux particuliers : 35 des 100 premières entreprises opèrent dans le commerce, l’hébergement, la restauration et les services à la personne. Elles consolident et organisent l’emploi émietté de leur secteur, qui relevait majoritairement d’une logique de gré à gré avec les ménages. Ils bénéficient aussi de l’accroissement des besoins liés au vieillissement.

Quatrièmement, même si elle détruit globalement de l’emploi, l’industrie française tient son rang : 17 groupes industriels se hissent dans le haut du palmarès, avec près de 25 000 emplois créés (plus du quart des 100 premiers du classement). A côté des industries menacées ou en déclin, du fait d’un médiocre positionnement de gamme ou technologique, il y a donc place pour des secteurs offensifs, même dans l’industrie. Et lorsque l’on agglomère les secteurs de l’industrie et ceux des services aux entreprises, dont les dynamiques sont liées, ils représentent à eux seuls 50% de l’emploi créé par les 100 premiers du palmarès. Enfin, le palmarès confirme qu’un profond processus de transformation du tissu productif est à l’œuvre. L’importance des enjeux liés à la mutation numérique, que nous évoquons à Xerfi sous le terme de transition Iconomique, est bien palpable dans ce classement : à travers la montée en puissance du e-commerce (3 parmi les 100 premiers) et le poids des entreprises qui offrent des services informatiques (11 dans le top 100) ; A travers l’hyper-représentation des entreprises qui innovent en matière d’usage et structurent leur offre autour de solutions plus que de produits ; des entreprises dont le modèle d’affaire et de valorisation des compétences est profondément lié à Internet ; A travers le poids des activités à forte intensité en hautes qualifications, mais aussi à travers la montée concomitante des activités porteuses d’emploi peu qualifié. Cette polarisation de l’emploi, qui se fait au détriment des qualifications intermédiaires est typique des phases de transition technologique. Dans le classement, l’intensité en R&D n’est pas ou plus le marqueur clé du potentiel de développement. Celui-ci résulte aussi de la combinaison de propositions de nouveaux usages à destination des ménages et des entreprises, d’augmentation des compétences, de renouvellement des modèles d’affaire en lien avec Internet. L'ensemble de ces constats suggère que la structure du système de soutien de l'Etat aux entreprises devient obsolète. Il souligne notamment les limites d’un abord trop cloisonné de l’innovation.

2

Palmarès des créateurs nets d’emplois : top 500 des entreprises et analyse des secteurs Les crises, lorsqu’elles sont longues et profondes et qu’elles sortent de la respiration normale du cycle des affaires, témoignent des transformations profondes du système productif. Elles rebattent les cartes des gagnants et des perdants, aussi bien au niveau des territoires que des entreprises. Elles déplacent notre spécialisation, par sélection et par déversement de l’emploi sur les activités à fort ancrage sur le territoire, plus protégées de la concurrence. L’analyse des créations nettes d'emplois, au niveau des secteurs et des entreprises, sur 2008-2013, période de crise prolongée, est riche d’enseignements sur ce processus de recomposition qui déplace les moteurs de la croissance.

1- Les entreprises créatrices nettes d’emplois entre 2008 et 2013 Xerfi s’appuie notamment sur le classement les500.fr qui identifie les 500 premières entreprises créatrices nettes d’emplois sur la période 2008-2013 en France. Les références, tout au long de l’étude, aux « 50 premiers du top 500 » ou aux « 100 premiers du top 500 » se rapportent au palmarès les500.fr (Tableau 1). Tableau 1 : Les 50 premiers groupes créateurs nets d’emplois en France sur la période 2008-2013 Unité : nombre d’emplois salariés créés

Rang

Groupe

Création nette d'emplois 2008-2013

Rang

Groupe

Création nette d'emplois 2008-2013

1

O2 Développement

6 100

26

Orpea

1 300

2

EDF

5 800

27

DCNS

1 300 1 200

3

Airbus Group

5 400

28

Altran

4

Safran

3 900

29

L'Oréal

1 100

5

Auchan

3 800

30

Alten

1 100

6

Lidl

3 000

31

Vente-Privée.com

1 000

7

McDonald's

2 800

32

ERDF

1 000

8

A2Micile

2 700

33

Figeac Aero

800

9

Amazon

2 600

34

Sitel France (groupe Onex)

800 800

10

Iliad

2 500

35

Hermès

11

Onet

2 500

36

Lisi (groupe)

800

12

Vinci

2 300

37

Doctor's Associates (Subway)

700

13

H&M Hennes&Mauritz AB

2 200

38

IKEA

700

14

Sopra Group

2 000

39

Technip

700

15

Acticall

2 000

40

Yum! Brands

600

16

ID Logistics

1 900

41

Disneyland Paris

600

Zodiac Aerospace

600

Meilleur Contact

500

17

Armonia

1 900

42

18

Adeo

1 700

43

3

19

Bolloré (dont Havas)

1 600

44

Showroomprive.com

500

20

Vitalliance

1 500

45

Gifi

500

21

Deloitte

1 500

46

Econocom Osiatis

400

22

Neurones

1 500

47

Alstom

400

23

Apple

1 400

48

OVH

400

24

LVMH

1 400

49

SII - Société pour l'Informatique Industrielle

400

25

Webhelp

1 300

50

Kangourou Kids

400

Sources : les500.fr (dernière mise à jour le 2 juin 2014)

Ce palmarès a été établi selon la méthodologie suivante :

Les 500.fr : éléments méthodologiques Les500.fr a dressé un palmarès des 500 entreprises françaises créatrices nettes d’emplois en France, consultable en ligne. Il a été élaboré sur la base de 4 sources principales : 1/ un premier classement des sociétés créatrices nettes d’emploi, établi par la société Trendeo, par recensement sur Internet. 2/ Ce premier classement a été croisé et complété avec les bases Diane et Kompass (en s’appuyant soit sur les données d’emploi, lorsqu’elles sont renseignées, soit sur la masse salariale). 3/ Le palmarès a été croisé avec divers classements presse (Figaro, Challenge) sur les premiers recruteurs. 4/ Un mailing a ensuite été effectué auprès de 133 groupes pour obtenir la confirmation des estimations. Sur les groupes ayant créé plus de 1000 emplois nets (top 32), le taux de réponse est de 41%. Sur les 50 premiers du top 500, le taux de réponse est de 34%. Le classement a été établi sur la base de la variation sur 5 ans (entre fin 2008 et fin 2013) de l’effectif en France du groupe consolidé, à périmètre constant. Autrement dit, les accroissements d’effectifs liés à des opérations de croissance externe ne sont pas pris en compte : -

le nombre de salariés correspond à celui des personnes physiques, à l’exception des stagiaires, intérimaires et sous-traitants ;

-

le groupe correspond à sa définition financière, c'est-à-dire une entité économique formée par un ensemble de sociétés contrôlées par une même société. Les GIE sont exclus de cette définition. Pour les groupes qui sont à la tête d’un réseau de franchisés, seuls les lieux de vente et d’accueil détenus en propre sont comptabilisés.

-

le périmètre de consolidation, pour être constant, est retraité des opérations de croissance externe ou de modification du périmètre de consolidation ;

-

la méthode d’agrégation des effectifs est celle adoptée par le groupe.

Au total, 154 groupes ont fait l’objet d’une analyse approfondie et seuls 61 des groupes correspondants sont présents dans le palmarès des 500 premiers créateurs d’emploi. A partir de la 60ème place de ce palmarès, les estimations de Trendeo ont été conservées, à l’exception des groupes dont l’analyse financière a conduit à un reclassement. Le site les500.fr a été créé à l'initiative de Vincent Lorphelin, auteur du livre Le Rebond économique de la France (Pearson 2012) co-écrit avec 85 entrepreneurs, et membre de l'Institut de l'Iconomie, think tank de la IIIème révolution industrielle. Ce site indépendant, ouvert en juin 2014, présente le palmarès inédit des 500 véritables créateurs d'emploi pour la France.

4

Eléments de cadrage macro-sectoriel

2-

Entre 2008 et 2013, l’économie a détruit 126 000 emplois. L’ajustement peut sembler modéré en première analyse, dans un contexte de crise exceptionnellement longue et profonde. Et les comparaisons internationales montrent que l’économie française occupe plutôt une position médiane sur ce plan. Mais cette statistique donne cependant une vision tronquée de la réalité car elle recouvre une recomposition de la main-d’œuvre vers des statuts précaires et son fractionnement sur des durées plus courtes. Une première information, plus qualitative, est donnée par l’évolution de l’emploi en équivalent temps plein (qui permet de consolider les « petits emplois » de durée courte en un seul emploi). Ce simple glissement de définition fait passer les pertes d’emplois de 126 000 à 377 000, du simple au triple. Cette dégradation témoigne d’abord de la montée en puissance du temps partiel (selon les enquêtes emploi, l’économie française a détruit entre 2008 et 2013, 485 000 emplois à temps plein, pour créer 345 000 à temps partiel2). Cette tendance de fond est commune à la plupart des grandes économies d’Europe. La dégradation de l’emploi équivalent temps plein recouvre aussi un mouvement plus vaste de dualisation accrue du marché, avec un développement des emplois fractionnés, à très forte rotation, accompagné d’un allongement de la durée d’intermittence entre deux CDD. La proportion croissante d’embauches en CDD très courts de moins d’un mois, le poids de l’intérim et la montée plus récente de l’auto-entrepreneuriat, participent à la montée en puissance d’un emploi périphérique à forte volatilité. Lorsque l’on se penche ensuite sur la composition sectorielle des créations et des destructions nettes d’emplois (Tableau 2), un certain nombre de tendances fortes ressortent clairement : -

Les secteurs de services à la personne constituent un pôle majeur de créations d’emplois. Ces secteurs bénéficient de leur fort ancrage territorial et de la montée des besoins liés au vieillissement et à la dépendance.

-

Les activités BtoB à forte valeur ajoutée constituent un second puissant vecteur de créations d’emplois (activités juridiques, conseil, services informatiques). Ils bénéficient à la fois du besoin croissant des entreprises en prestations complexes à fort contenu intellectuel (dans la gestion des systèmes, la stratégie, la gestion etc.). Ils bénéficient aussi du lien de proximité nécessaire qui les lient à leur donneur d’ordre ;

-

A côté des industries en déclin ou menacées du fait d’un médiocre positionnement de gamme ou technologique, il y a place pour des secteurs « offensifs », même dans l’industrie. Ces secteurs combinent un cycle long de R&D, l’appui d’un Etat innovateur /développeur et la présence d’un leader de classe mondiale, capable de tirer l’ensemble d’une filière. L’exemple le plus emblématique est le succès de l’aéronautique.

2

Le solde diffère légèrement du chiffre de -126 000 précédemment mentionné, pour des raisons de sources et de méthodologies. Le premier chiffre est issu d’enquêtes auprès des établissements alors que le second provient d’enquêtes auprès des personnes et se conforme aux critères du BIT pour la définition de l’emploi et du chômage.

5

Tableau 2 : Les macro-secteurs créateurs et destructeurs nets d’emplois sur la période 2008-2013 Unité : variation de l’emploi salarié sur la période

Rang

Top 10 des macrosecteurs créateurs d’emploi

Créations nettes d'emplois 20082013

Rang

Top 10 des macrosecteurs destructeurs d’emploi

Destructions nettes d'emplois 2008-2013

1

Action sociale, hébergement médico-social

126 102

1

Travaux de construction spécialisés

-98 647

2

Restauration

64 214

2

Métallurgie

-65 435

3

Activités juridiques, conseil, ingénierie

45 891

3

Commerce de gros

-56 366

4

Activités pour la santé humaine

28 348

4

Industrie automobile

-45 827

5

Activités informatiques

28 085

5

Industrie plastique

-45 594

6

Activités de soutien administratif

20 932

6

Bois et papier

-38 846

7

Commerce de détail

17 161

7

Transports et entreposage

-38 229

8

Arts, spectacles et activités récréatives

15 326

8

Autres industries manufacturières

-30 804

9

Fabrication d'autres matériels de transport

13 941

9

Habillement, textile, cuir

-26 609

10

Production distribution d'électricité, gaz, air conditionné

13 122

10

Télécommunications

-26 225

Traitement Xerfi / Source : Acoss

En définitive, l’hétérogénéité des situations sectorielles, que recouvre le quasi statu quo sur l’emploi entre 2008 et 2013, indique bien qu’un profond mouvement de recomposition sectoriel est engagé en France.

3- Les500.fr, un palmarès des gagnants de la crise qui projette vers le futur C’est dans cet environnement global de destruction nette d’emplois, de fractionnement et d’atomisation des statuts, qu’a été établi le palmarès les500.fr. Et ce contexte exceptionnellement long de contraction de la sphère privée confère une valeur particulière à ce palmarès. Il joue comme un tamis qui sélectionne les modèles d’affaires les plus robustes, les positionnements les plus porteurs. Il éprouve au sein d’un même secteur les entreprises qui ont mené des stratégies gagnantes. Il écrème le palmarès des entreprises portées purement et simplement par le versant ascendant du cycle. Autrement dit, il nous révèle une information capitale sur la composante positive du processus de destruction créatrice qui redessine le visage de notre positionnement productif. L’abord de l’emploi à travers le prisme des entreprises les plus dynamiques en termes de créations nettes d’emplois nous livre certes une information partielle de ce processus de destruction créatrice. Mais il contient en même temps une information beaucoup plus riche que celle que recèlent les nomenclatures sectorielles traditionnelles, même les plus fines.

6

D’abord parce que le secteur n’a pas de réalité organique. Les entreprises opèrent le plus souvent à la croisée de plusieurs activités. Ensuite, parce que l’identité des créateurs nous permet d’établir le lien entre la performance et toute une série de caractéristiques de l’entreprise, autres que sa spécialisation : son âge, la structure de son capital, sa localisation ou multi-localisation, son positionnement technologique, la qualité de ses ressources humaines, la structure de ses marchés etc…. Et cette vision manque aujourd’hui cruellement dans la statistique publique, notamment dans une période de transition technologique et organisationnelle que les nomenclatures traditionnelles et les mesures en moyenne ne parviennent pas à relater.

A. Cinq grands enseignements En première lecture, le classement dynamite beaucoup de préconçus… Il renvoie dos à dos ceux pour qui l’industrie ne se serait plus en mesure de créer des emplois de masse, ceux pour qui seuls les services aux particuliers (loisirs, dépendance, entretien etc.) seraient en mesure de se développer dans une économie sans usine (le spectre de la France « musée » ou « parc d’attraction »), ceux qui imaginent au contraire qu’il n’y pas de place pour des trajectoires de croissance forte en dehors du giron des grands groupes, ceux pour qui l’environnement économique français interdirait le développement d’ETI outsiders dans leur secteur, ceux pour qui les grands groupes matures seraient au contraire en incapacité de créer de l’emploi ou inaptes à créer de l’emploi sur le territoire hexagonal, ceux pour qui le tissu français serait figé sur quelques vieilles entreprises matures et stagnantes, dominant des marchés incapables de se régénérer par l’entrée de nouveaux acteurs… la liste de ces a priori pourrait être rallongée encore. Et la première lecture de ce classement livre d’emblée une information essentielle. La réalité est beaucoup plus balancée. Les profils des champions de l’emploi sont divers. Ils appartiennent rarement au club des fameux « grands champions » sur lesquels la fierté cède peu à peu la place à la nostalgie, ni à celui des stars de la cotation. Mais, ils ne sont pas pour autant leur antimatière. Ils sont pour beaucoup peu connus du grand public et l’on pressent dès la première lecture que les recettes de la croissance et du développement ne se résumeront pas à quelques principes simples. Le top 10 des créateurs nets est à lui seul éloquent : en tête, O2, une start-up dans le domaine des services à la personne, EDF, une vieille entreprise d’État dans une industrie de réseau, Airbus, un groupe aéronautique européen, Safran un champion technologique dans l’aéronautique, le militaire et le spatial, Auchan, un grand distributeur généraliste du commerce de détail, suivi d’un hard-discounter (Lidl), Mc Donald, géant de la restauration rapide, A2Micile, nouvel acteur dans les services à la personne, Amazon, champion de la vente en ligne, Iliad, un nouvel acteur clé de l’internet et des télécommunications…. La machine des créations d’emploi marche sur plusieurs jambes, et recouvre dès les premiers rangs du classement un spectre large de secteurs et de profils d’entreprises.

Le rôle moteur des ETI dans la création d’emplois C’est probablement le principal enseignement du palmarès. Les 100 premiers groupes créateurs nets d’emplois se composent à 63% d’ETI (moins de 5 000 salariés), parfois encore à l’état de PME ou de micro-entreprises en 2008, souvent d’entreprises récemment créées ou implantées en France et fréquemment méconnues du grand public (O2 Développement, Armonia, Acticall, ID Logistics, Neuronnes, Vitalliance, Figeac Aero, OVH, etc.). Ces entreprises volent souvent la vedette aux grands groupes qui sont minoritaires

7

dans le classement (37 groupes sur 100). Ces petites ou moyennes structures sont encore surreprésentées dans la première moitié du classement (26 contre 24 pour les grands groupes). Tableau 3 : ventilation des 50 premiers groupes du top 500 par taille et structure d’entreprise en 2008 Groupe mutinational étranger

Groupe mutinational français

Groupe national

Microentreprises

Apple, Doctor's Associates (Subway)

PME

Grandes entreprises

Total

Total

Vitalliance, Meilleurcontact, Showroomprive. com, Kangourou Kids

4

OVH

3

Iliad, Acticall, ID Logistics, Armonia, Amazon, Sitel Neurones, France (Onex), Webhelp, VenteYum Brands privée.com, Lisi, Technip, Gifi, Econom Osiatis, SII

ETI

Entreprise indépendante

O2, A2Micile

Figeac aero

19

EDF, Safran, Auchan, Onet, Airbus, Vinci, Sopra McDonalds, Lidl, Group, Adeo, H&M, Deloitte, Bolloré, LVMH, IKEA, Orpea, DCNS, Dysneyland Altran, L'oréal, Paris, Alten, ERDF, Hermès, Alstom 12

24

31

2

5

50

Tableau 4 : Ventilation des entreprises françaises en 2010 Unité : nombre d’entreprises et part en % dans l’emploi marchand

Microentreprises PME ETI Grandes entreprises Total

Groupe mutinational étranger 0 0% 6 387 2% 1 238 7% 62 4% 7 687 13%

Groupe mutinational français 0 0% 1 403 1% 1 060 7% 135 26% 2 598 34%

Groupe national

Entreprise indépendante

Total

0 0% 33 521 9% 1 834 7% 2 0% 35 357 16%

2 896 319 20% 92 979 16% 332 1% 1 0% 2 989 631 37%

2 896 319 20% 134 290 28% 4 464 22% 200 30% 3 035 273 100%

Sources : INSEE, calculs et estimations Xerfi

8

Très majoritairement, ces ETI de croissance sont des groupes ou entreprises de capital français (21 des entreprises de moins de 5 000 salariés sur les 26 du top 50). Elles sont pour l’essentiel implantées sur plusieurs territoires ou se sont déployées à l’international par la suite, lorsqu’elles n’étaient qu’en phase d’amorçage en 2008 (O2 ou A2micile en Belgique par exemple). Plus globalement, les plus fortes dynamiques d’emploi se situent parmi les grandes entreprises ou les ETI multinationales (cadran rouge du Tableau 3). Les 50 ou 100 premières entreprises du top 500 se concentrent donc à l’intérieur du club réduit, constitué de 2 500 entreprises, qui représentent plus des trois quarts des exportations, de la R&D et des IDE français (Tableau 4). L’internationalisation, qu’elle se fasse par les exportations ou l’investissement à l’étranger, est donc fréquemment consubstantielle du développement de ces entreprises. Les problématiques de croissance externe et de multinationalisation apparaissent ainsi de plus en plus précocement dans la vie des entreprises. Il faut enfin noter que le bilan en emploi des ETI est légèrement dopé par la présence de filiales de taille moyenne, émanations de grandes multinationales étrangères. Cinq PME ou ETI parmi les 50 premières entreprises du top 500 sont en fait de « pseudo-entreprises intermédiaires », puisqu’elles sont des filiales de grands groupes, voire de géants multinationaux (c’est le cas d’Amazon, d’Apple, notamment). Ces PME ou ETI, sous contrôle de grands groupes étrangers, restent néanmoins très sous-représentées par rapport à leur poids économique dans l’Hexagone (9% de l’emploi marchand et 1/3 de l’emploi des ETI). Ce résultat concorde avec ce que l’on sait de leur dynamique de moyen terme au plan national : très spécialisées dans l’industrie, les filiales étrangères de groupes étrangers tendent plutôt à détruire de l’emploi en France et à régresser en poids relatif depuis 10 ans3, à l’exception notamment du secteur du commerce.

Les grands groupes, lorsqu’ils sont sur des marchés porteurs restent d’importants gisements de création d’emplois Au palmarès des créateurs nets d’emplois, seuls 8 groupes du CAC 40 et seules 18 des 120 premières capitalisations se hissent dans les 100 premières entreprises du top 500. Au total, 37 des 200 plus grandes entreprises françaises (celles de plus de 5 000 salariés sur le territoire hexagonal) apparaissent dans le top 100. C’est peu par rapport à l’aura de ces groupes auprès des médias et des étudiants des grandes écoles. C’est beaucoup, en revanche, par rapport à la population de ces entreprises (18%) et à l’idée que les grandes structures internationalisées ne seraient plus en mesure de créer de l’emploi sur leur territoire d’origine. Il faut aussi nuancer cette sous-représentation apparente des grands groupes au regard de leur contribution au volume des créations nettes d’emplois. Près des deux tiers des créations nettes d’emplois parmi les 100 premières entreprises du top 500 sont le fait de groupes de plus de 5 000 salariés (Graphique 1) et sur les 37 grandes entreprises du top 100, deux tiers figurent dans le top 50. Ces grands groupes du top 100 créent le plus souvent de l’emploi lorsqu’ils sont positionnés sur un marché en croissance. On peut même considérer qu’ils jouent un rôle moteur dans le résultat positif de leur secteur. Un tiers des créations nettes d’emplois dans l’aéronautique sont par exemple le fait d’Airbus. Idem pour EDF dans la production d’électricité (44,2%), Safran dans l’aéronautique (28%) ou Auchan dans le commerce (22,1%). 3

INSEE, Les entreprises en France, Édition 2013

9

Graphique 1 : La répartition des emplois créés par les 100 premiers groupes du top 500 en fonction de leur nombre de salariés en France en 2013 Unité : part en %

Très grands groupes

26,0%

Grands groupes

37,0%

Grandes ETI

28,7%

Petites ETI

8,3% 0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

Traitement Xerfi / Sources : les500.fr (dernière mise à jour le 2 juin 2014) et opérateurs

Le bilan ambivalent des grands groupes est en ligne avec le fait que ces groupes dégagent aujourd’hui plus de 50 % de leur chiffre d’affaire hors du territoire, y engagent plus de la moitié de leurs effectifs et se déploient sur un périmètre géographique d’autant plus large et sur un nombre de pays d’autant plus important qu’ils sont grands. Même lorsqu’ils sont positionnés sur des filières porteuses au plan mondial, le cœur de leur stratégie de développement n’est pas nécessairement en France, et la croissance de leur emploi peut sembler en retrait par rapport à leur développement mondial. C’est le cas notamment des cosmétiques et du luxe. LVMH ou L’Oréal sont par exemple assez loin des avant-postes du classement (respectivement aux 24 et 29èmes places). Il n’est pas non plus surprenant que les potentiels de croissance soient moindres du côté des groupes qui ont déjà atteint une taille critique sur un marché national et européen mature. Ces très grands groupes français sont lancés dans une stratégie d’internationalisation rapide passant par la concentration des investissements sur les marchés étrangers en croissance et par des restructurations en Europe, notamment en France. C’est le cas par exemple des groupes du secteur automobile (PSA, Renault et Michelin).

La régénérescence du tissu productif est en marche Les groupes fondés ou implantés en France avant 1990 ont certes été à l’origine de 56% des créations nettes d’emplois au sein des 100 premières entreprises du top 500. Il semble même y avoir une prime aux groupes les plus anciens (avant 1960) qui représentent 38,4% des emplois créés. Il s’agit de grands groupes français intervenant dans divers secteurs (Auchan, Onet, Technip, etc.) mais avec une forte présence de groupes industriels (Airbus, LVMH, Safran, L’Oréal, Alstom, etc.). Cependant, 15 groupes créés ou implantés depuis moins de 10 ans se hissent aussi dans le top 100 au sein du classement les500.fr. Aux premières places, on trouve notamment A2Micile et Amazon qui interviennent sur les marchés dynamiques des services à la personne et du e-commerce. On peut également citer Apple (à travers ses boutiques), Vente-privee.com et Showroomprivé.com. A l’intérieur des 50 premières entreprises, 7 entreprises disposaient de moins de 100 emplois en début de période (Kangourou Kids,

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Vitalliance, OVH par exemple), 2 émanant certes de l’extension internationale de groupes étrangers et 5 étant de véritables nouveaux entrants français. Il faut aussi évoquer tout le vivier des start-up technologiques à forte croissance, qui échappe en grande partie à ce palmarès. Le cabinet Deloitte en dénombre 90 en 2013 en France, au classement des 500 premières pépites européennes4, loin devant le RoyaumeUni. Le champion européen Critéo de 2012 est bien présent au 54ème rang du top 100. Mais le champion hexagonal Ymagis de 2013, dans le cinéma numérique, n’y apparaît pas en dépit de l’explosion de son chiffre d’affaire. L’absence de ces leaders de niche dans le numérique, même lorsqu’ils ont déjà une assise mondiale, est révélatrice des caractéristiques de ce type d’activité : à chiffre d’affaire équivalent, leur taille n’a plus rien à voir avec celle des champions de l’industrie5. Les rendements croissants, la capacité à mobiliser la valeur produite en dehors du champ de l’entreprise, modifient la relation à la taille. L’internationalisation très précoce et le développement par croissance externe de ces entreprises, limitent aussi les créations d’emploi (à périmètre constant) au sein du territoire. Ce vivier est pourtant particulièrement bourgeonnant en France et la prolifération des startup technologiques est perceptible dans le renouvellement des entreprises qui figurent dans le palmarès Deloitte entre deux années consécutives. Les caractéristiques du numérique expliquent aussi pourquoi, au-delà des start-up, des leaders technologiques comme Gemalto, STMicrolectronics, Cap Gemini, Atos ou Dassault Systems, ne figurent pas dans les 100 premiers créateurs au sein du classement les500.fr. Enfin, symptomatique encore de la profondeur du processus de destruction créatrice qui régénère le tissu productif hexagonal, 1 groupe sur 5 (21) a créé des emplois alors qu’il intervient sur un secteur qui en a détruit, à l’image d’Iliad ou de ID Logistics. Autrement dit, leurs créations d’emplois se sont faites en gagnant des parts de marchés sur d’autres acteurs qui, eux, en ont probablement détruits. Plusieurs cas de figure peuvent être distingués. Dans le cas d’Iliad (+2 300 emplois alors que le secteur des télécoms en a détruit 26 000), on peut considérer que la création nette d’emplois s’est faite à travers l’innovation, au détriment d’autres grands acteurs (SFR, Bouygues, etc.) qui, eux, en ont détruits. Dans le cas de Vinci ou de plusieurs grands groupes de transport-logistique (FM Logistic, ID Logistics, Bolloré, etc.), la création nette d’emplois s’explique aussi par les gains de parts de marché sur de petits acteurs qui ont beaucoup plus difficilement résisté à la crise depuis 2008. Enfin, dans le cas d’Hermès ou de L’Oréal, c’est à la fois le positionnement haut de gamme et sur des segments de résistance dans des macrosecteurs déclinants (maroquinerie dans le macro-secteur du cuir-habillement-textile, parfums et cosmétiques dans le macro-secteur de la chimie) qui justifient leur succès. D’autres groupes au sein des 100 premiers du top 500, enfin, ont profité des mutations de l’économie, à l’image des call-centers ou des acteurs du facility management dont les créations d’emplois sont liées aux politiques d’externalisation (et donc de réduction des effectifs) de leurs clients. Toujours symptomatique de la vigueur du jeu de la destruction créatrice, certains bastions « traditionnels » de notre économie ne figurent pas dans le classement. Si l’absence d’acteurs de la filière automobile était attendue, c’est en effet moins le cas de l’industrie 4 5

Technology Fast 500 EMEA 2013 Ranking, www.deloitte.com/fast500emea Nicolas Colin et Henri Verdier (2013), L’âge de la multitude, Armand Colin.

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agroalimentaire ou des secteurs de la pharmacie ou de la banque. Les explications diffèrent en fonction des secteurs, mais la concurrence internationale, la maturité des marchés couverts et l’exposition à la crise de 2008-2009 peuvent tout de même être mis en avant.

Deux pôles portent les créations d’emplois en France Deux grands pôles d’entreprises s’affirment comme moteurs dans la création d’emplois en France, les activités BtoB de services à forte valeur ajoutée et les activités de soutien aux particuliers : -

35 des 100 premières entreprises du palmarès opèrent sur des marchés de service BtoB à forte valeur ajoutée (services informatiques, de conseil, d’ingénierie ou de facility management) et elles contribuent à près du quart des créations d’emplois du top 100, des proportions très supérieures à leur poids dans la moyenne nationale. Ces groupes à fort contenu technologique ou immatériel emploient et embauchent des salariés à haut niveau de qualification ; un constat qui s’explique notamment par la présence de nombreux groupes intervenant dans les activités informatiques (11 groupes dont Sopra, Neuronnes, Econocom, etc.) et les activités juridiques, de conseil, ingénierie (16 groupes dont Deloitte, Altran, Alten, Accenture, etc.). Une forte proportion qui illustre aussi le virage pris globalement par l’économie française depuis quelques années, dans les activités amont à forte valeur ajoutée.

-

35 des 100 premières entreprises du palmarès opèrent dans le commerce, l’hébergement, la restauration et des services à la personne. Ce second groupe d’entreprises a majoritairement recours à de la main-d’œuvre peu ou pas qualifiée, et représente 39% des créations d’emplois du top 100. Ces groupes consolident et organisent l’emploi émietté de leur secteur. Ils structurent progressivement ce qui relevait majoritairement d’une logique de gré à gré entre ménages employeurs et personnel à domicile. L’organisation en réseau, la puissance de la marque jouent notamment un rôle clé dans le développement du commerce, de la restauration, portée par l’expansion des groupes de restauration rapide, ou des services à la personne. La distribution, doit aussi son dynamisme à la montée des nouveaux acteurs du e-commerce. Les services à la personne bénéficient enfin de l’accroissement des besoins d’aide à domicile et d’hébergement médico-social liés au vieillissement.

Cette configuration des créations d’emploi participe fortement à la polarisation croissante de l’emploi entre emplois stables et emplois fragmentés d’une part, entre métiers qualifiés et peu qualifiés, d’autre part, au détriment des qualifications intermédiaires, tendance générale que l’on observe dans la plupart des économies développées. Les enquêtes emploi de l’INSEE montrent notamment, que le contenu des accroissements nets de l’emploi, de 2008 à 2013, diffère profondément en termes de qualité entre le premier moteur BtoB de création et le second, BtoC (Graphique 2). Les deux tiers de l’accroissement net de l’emploi dans les secteurs BtoB à forte valeur ajoutée (information et communication, activités spécialisées, scientifiques et techniques), sont des emplois à temps plein. Trois quarts de l’accroissement net dans les secteurs BtoC (commerce, hôtellerie & restauration, services à la personne)

12

sont des emplois à temps partiel6. Les premiers secteurs contribuent très largement à la montée en gamme de l’emploi et à l’affaiblissement concomitant des qualifications intermédiaires. Les seconds concentrent les créations nettes d’emploi sur les métiers de faible qualification, au détriment à nouveau des emplois de qualifications intermédiaires. Si du strict point de vue numérique, le bilan des deux catégories de secteurs peut sembler similaire, il ne l’est plus si l’on raisonne en emploi équivalent temps plein et en externalités liées à l’accumulation de capital humain. Graphique 2 : Décomposition des créations nettes d’emplois, 2008-2013 180

Milliers

800

Temps plein

160

Peu qualifiés 600

Temps partiel

140

Milliers

Qualifications intermédiaires

400

Hautes qualifications

120 200

100

80

0

66 %

-200

60

75 % 40

-400

-600

20 0

-800 Services BtoB à forte valeur ajoutée

Services BtoB à haute Services BtoC à faible valeur ajoutée valeur ajoutée

Services BtoC à faible valeur ajoutée

Note : Hautes qualifications : directeurs, cadres, professions intellectuelles et scientifiques ; Peu qualifiés : personnels des services directs aux particuliers, vendeurs, professions élémentaires ; Qualifications intermédiaires : professions intermédiaires, employés administratifs et ouvriers qualifiés (nomenclature ISCO).

Sources : INSEE, Eurostat, LFS

La France peut encore compter sur l’industrie pour embaucher Pour créer de l’emploi, la France peut encore compter sur l’industrie. En parcourant les 100 premiers du top 500, un premier constat s’impose : l’industrie française n’a pas encore disparu et 17 groupes industriels, dont un tiers dans l’aéronautique, se hissent dans le classement. Avec près de 25 000 emplois créés (25,4% du top 100), l’industrie constitue même le macro-secteur le plus représenté du palmarès. Derrière ces groupes, plusieurs dénominateurs communs peuvent être mis en lumière : ils sont souvent implantés en France 6

Les salariés des entreprises opérant dans les services à la personne été employés pour 950 heures annuelles en moyenne par ces organismes, soit de l’ordre de 50 % d’un temps plein calculé sur la base de la convention du secteur, INSEE Première N° 1461 – Juillet 2013)

13

depuis longtemps, ils emploient majoritairement des salariés qualifiés, ils sont fortement tournés vers l’export et ils investissent de manière conséquente en R&D sur le territoire. L’absence de représentants de certains bastions de notre économie (ceux de la filière automobile, de l’industrie agroalimentaire, des secteurs de la pharmacie) montrent néanmoins que de très fortes pressions concurrentielles pèsent sur des pans entiers de notre industrie. Il faut aussi tenir compte du fait que la tendance de désindustrialisation qui caractérise l’économie française est très largement lié au mouvement d’externalisation de tout ou partie des fonctions supports par les entreprises. La montée en puissance de l’emploi dans les activités BtoB est ainsi intimement liée au recentrage de l’industrie sur son cœur de métier. Mais ces emplois étaient précédemment inclus dans l’industrie et restent fortement intégrés à ses chaînes de valeur. C’est bien à travers ce contour élargi qu’il faut aujourd’hui aborder l’industrie en France, un périmètre qui intègre l’ensemble des fonctions peu à peu externalisées par l’industrie. Ce périmètre permet de relativiser le phénomène de désindustrialisation, aussi bien au niveau du top 100 qu’au niveau de l’ensemble de l’économie, où sa part dans la valeur ajoutée croît tendanciellement sur longue période (Graphique 3). Les secteurs de l’industrie, consolidés à ceux des services aux entreprises, représentent alors 52 entreprises et 50% de l’emploi créé par les 100 premiers groupes du palmarès. Ils sont très nettement surreprésentés dans le top 100 puisque ces 2 sous-ensembles d’activité représentent seulement 37% des effectifs salariés marchands en France. Graphique 3 : Part de l’industrie, au sens large et étroit dans le PIB 35

30

25 Secteur manufacturier Industrie + services aux entreprises

20

15

Sources : INSEE, base STAN OCDE

14

2011

2009

2007

2005

2003

2001

1999

1997

1995

1993

1991

1989

1987

1985

1983

1981

1979

1977

1975

10

4- Les500.fr, à l’avant-garde de la mutation de notre tissu productif Le classement les500.fr est à l’avant-garde de la mutation numérique. Certes, en première approche, si l’on en juge par le poids des acteurs de l’informatique et du numérique ou plus généralement par la part des secteurs à fort capital immatériel, la France pourrait paraître en retrait de la transition numérique qui remodèle la structure productive des pays les plus avancés. Cette apparence est trompeuse, car la transition numérique que Michel Volle qualifie de « transition Iconomique »7, est bien plus qu’un enjeu sectoriel. L’arrivée à maturité des technologies liées à la micro-électronique, au logiciel et à l’Internet, provoque en effet une accélération fantastique de grappes d’innovations qui impacte tous les secteurs de l’économie et toutes les entreprises : non seulement les produits, mais aussi les process de production des biens et des services, tout comme les modes d’organisation, les fonctionnalités proposées aux consommateurs. C’est notamment à travers les usages, les organisations et les modèles d’affaire qu’il faut tenter d’appréhender la profondeur de la transformation qui redessine notre paysage productif.

Les faux-semblants du classement Le palmarès est marqué certes par la présence de « vieux » groupes industriels et de nombreux acteurs au contenu technologique limité (restauration, services à la personne, etc.). Les quelques groupes emblématiques de la transition numérique de l’économie peuvent paraître sous-représentés en première lecture : -

11 groupes opèrent notamment dans les activités informatiques. C’est notamment le cas d’OVH (hébergement Internet, cloud, etc.) ou de Neuronnes (conseil en système d’information).

-

3 spécialistes du e-commerce (Amazon, Vente-privée.com, Showroomprivé.com) figurent dans la première moitié du top 100 ;

Leur présence est significative, mais elle ne permet pas de caractériser la profondeur de la mue numérique de l’économie française. D’abord parce que la prolifération des start-up technologiques à fort potentiel n’est pas captée par ce classement, comme on l’a vu : pour des effets de taille évidents, car les jeunes pousses, même lorsqu’elles sont en forte croissance, sont trop petites pour apparaître dans le radar du classement les500.fr. Compte tenu aussi du faible contenu en emploi de ces secteurs et des stratégies très précoces d’internationalisation et de croissance rapide par croissance externe. Et même les fleurons français les plus en pointe sur le plan technologique (STMicroelectronics, Capgemini, Atos ou Dassault Systems, etc.) ne figurent pas dans le top 100. A cette absence, s’ajoutent plusieurs autres signaux qui pourraient aussi nous mettre en alerte sur la qualité du positionnement technologique des leaders français en matière de création d’emplois. -

7

Seuls 12% des groupes du top 100 réalisent un important effort de R&D en France. Ces derniers n’ont contribué qu’à 17% des créations d’emplois du classement. Il s’agit exclusivement d’acteurs industriels (aéronautique en tête) et de quelques

Michel Volle (2014), Iconomie, Economica, 2014

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groupes de l’ingénierie et du conseil en technologies comme Technip. Pour la majorité des acteurs du top 100, opérant dans les services (services à la personne, restauration, commerce, call-centers, conseil, etc.), la part de la R&D reste très limitée. -

Le faible contenu en exportation des emplois créés peut aussi paraître comme un symptôme supplémentaire d’un mauvais positionnement français dans les chaînes de valeur mondiales : plus de la moitié des créations d’emplois des groupes du top 100 ont en effet été réalisés par des opérateurs pas ou très peu tournés vers l’exportation (restauration, services à la personne, etc.). Il ne s’agit pas réellement d’une surprise étant donné que les groupes industriels, c’est-à-dire ceux qui ont une forte capacité à exporter, sont au nombre de 17 dans le classement.

Mais il faut rééquilibrer l’appréciation : -

L’innovation, dans le cadre de la transition numérique, concerne tout autant la technologie que les modèles d’affaire, l’organisation, la créativité en matière d’usages. Le degré de qualification des emplois est ainsi un meilleur indicateur de ce potentiel d’innovation au sens large. Selon ce point de vue, 45% des emplois créés l’ont été dans des entreprises intenses en main d’œuvre qualifiée (dans l’industrie et les services BtoB notamment). Et la bipolarisation des créations d’emplois entre emplois qualifiés et non qualifiés est bien une des caractéristiques des économies en proue de la transition « Iconomique », États-Unis en tête. Le top 500 confirme ainsi que les créations d’emplois n’ont pas vocation à se concentrer exclusivement dans les services de faible qualification, dans une économie postindustrielle qui aurait épuisé les ressorts de l’industrie.

-

La proportion des entreprises fortement exportatrices est certes faible dans le top 100. Mais dans la cadre des activités de service, l’internationalisation se joue à travers la localisation. Et de ce point de vue, une majorité d’entreprises du top 100 joue bien la carte de l’internationalisation. Les entreprises opérant sur plusieurs pays sont très largement dominantes, même au sein des ETI et des PME.

Le classement confirme l’essor d’une « industrie servicielle » en France Cette évolution transparaît à travers trois caractéristiques dominantes du top 100 : -

La prédominance de l’ensemble constitué par l’industrie à forte intensité technologique et les services BtoB à fort contenu intellectuel ;

-

Le dynamisme de l’ensemble des secteurs qui conçoivent et produisent des solutions, innovent en matière d’usages que ce soit à destination des entreprises ou des particuliers : l’évolution est conforme à ce que prévoient les tenants de l’économie de la fonctionnalité. Il faut désormais savoir penser le couple bienservices de façon indissociable. La création de valeur vient de ces nouveaux alliages rendus possibles par Internet, qui permettent de réinventer les usages dans des domaines aussi variés que les loisirs, la dépendance, la santé, la mobilité, bref de démultiplier les effets utiles. Ces alliages bien-services permettent d’enrichir la qualité sur de multiples aspects : l’information utilisateur, la logistique, la traçabilité, le recyclage. Ils permettent de révolutionner l’accès en cassant la nécessité d’un lien interpersonnel de proximité.

16

-

La montée en puissance d’une offre structurée et organisée dans les activités de services à la personne : le travail tend à être consolidé et intermédié au sein de nouvelles plateformes (O2 Développement, A2micile et.) dont le modèle d’affaire est rendu viable par le potentiel qu’offre Internet. Dans le domaine de la restauration rapide, notamment avec McDonald’s, Subway, KFC, Domino’s Pizza, Planet Sushi, etc., la montée en puissance des réseaux de franchise marque la transition vers une industrialisation de l’offre. Dans ces deux cas, l’innovation organisationnelle ouvre la voie à des gains de productivité par des effets de réseau, d’échelle ou d’envergure, identiques à ceux que l’on observe dans l’industrie.

L’industrialisation des services demeure néanmoins une forme faible de la transition Iconomique. L’automatisation des services peut être vu au fond comme le parachèvement de la logique taylorienne qui sous-tend la seconde révolution industrielle depuis son origine. La transition Iconomique désigne plutôt son dépassement, avec notamment : -

un déplacement du champ de l’innovation vers les usages, la création de nouvelles fonctionnalités,

-

avec l’avènement de l’Internet des objets, qui rompt totalement la frontière entre biens et services : grâce à l’électronique embarquée, les objets deviennent capables d’interagir avec leur environnement, avec d’autres objets comme avec les individus ; susceptibles également d’enrichir cette interaction d’effets d’apprentissage, de prendre en charge les tâches répétitives, mais aussi d’intégrer des schémas de comportement ;

-

avec l’irruption des grandes plateformes numériques BtoB ou BtoC, qui deviennent le système nerveux central de la relation entre les différents agents économiques, qui les intègrent en devenant de véritables « sur-traitants » au sein du système productif ;

-

avec de nouvelles possibilités, non pas d’enrichir, mais d’augmenter les compétences via les nouvelles formes de collaboration que recèle l’usage des technologies de l’information : capacité augmentée de coopération de ses pairs, avec ses partenaires, avec ses fournisseurs, avec ses clients etc.

Nous proposons ci-dessous un premier repérage de la transition Iconomique au sein des 50 premières entreprises du top 500. Ce marquage des groupes n’est qu’indicatif et comporte les incertitudes de toute classification qualitative. Il met en avant trois marqueurs stratégiques de la transition Iconomique : 1. L’importance de l’innovation en matière d’usage et de solutions-clients dans le développement de l’entreprise. Nous n’y intégrons pas la maintenance, qui est une caractéristique trop peu sélective de la tertiarisation de l’industrie ; 2. L’importance des plateformes numériques BtoC dans le modèle d’affaire et comme composante vitale de la chaine de valeur de l’entreprise ; Nous excluons notamment la dimension amont « supply chain », qui constitue aujourd’hui un incontournable de l’organisation de tout grand groupe (dans l’industrie et le commerce notamment). 3. Le rôle clé des outils d’information dans « l’augmentation » des compétences et la capacité des salariés à entrer dans des stratégies collaboratives au sein et en dehors de l’entreprise.

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Le marqueur « rond noir », indique que cette dimension est consubstantielle au modèle d’affaire de l’entreprise. Le marqueur « carré clair », indique que cette dimension joue un rôle clé dans le développement actuel de l’entreprise. Ce marquage montre que pour quatre cinquièmes des entreprises leader en matière de créations nettes d’emplois, la problématique de la transition Iconomique est décisive. Cela ne signifie pas qu’elle soit absente parmi les autres entreprises, mais elle paraît moins prépondérante en première analyse. Tableau 4 : Repérage de la transition Iconomique au sein des 50 premières entreprises du top 500 Innovations d’usage

Plateformes numériques

Compétences augmentées

1

O2 Développement







2

EDF







3

Airbus Group

4

Safran

5

Auchan







6

Lidl

7

McDonald's

8

A2Micile







9

Amazon







10

Iliad







11

Onet







12

Vinci

13

H&M - Hennes & Mauritz AB

14

Sopra Group







15

Acticall







16

ID Logistics







17

Armonia (ex Phone Régie)







18

Adeo







19

Bolloré (dont Havas)







20

Vitalliance







21

Deloitte







22

Neurones







23

Apple







24

LVMH

25

Webhelp







26

Orpea









18

27

DCNS





28

Altran





29

L'Oréal

30

Alten





31

Vente-Privée.com







32

ERDF







33

Figeac Aero







34

Sitel France* (groupe Onex)







35

Hermès

36

Lisi (Groupe)







37

Doctor's Associates (Subway)

38

IKEA







39

Technip



40

Yum! Brands

41

Disneyland Paris





42

Zodiac Aerospace







43

Meilleur Contact







44

Showroomprive.com







45

Gifi

46

Econocom Osiatis

47

Alstom

48



□ •





OVH







49

SII - Société pour l'Informatique Industrielle







50

Kangourou Kids







Source : Xerfi

Au final, il est frappant de constater que l’emploi se développe en France, entre 2008 et 2012, dans le creux de ses déficits d’emplois les plus marqués par rapport aux économies développées performantes en matière d’emploi. Les comparaisons avec ces pays (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark, Finlande, Suède ou ÉtatsUnis)8 montrent que c’est dans l’industrie, les services BtoB à l’entreprise, l’action sociale et le secteur de l’hébergement et de la restauration que la France a ses plus importants « déficits » d’emploi. C’est précisément dans ces quatre domaines, que les défis de la révolution des usages et de la transition Iconomique sont les plus prégnants.

8

Olivier Passet (2014), « Politiques de baisse des charges : attention aux fausses certitudes sur le déficit français en emplois peu qualifiés », Xerfi Synthèse N°6, mai.

19

Les implications en matière de politique économique La bipolarisation des créations d’emplois au sein du classement les500.fr (services BtoB à forte valeur ajoutée et services BtoC à la personne) entre en forte résonance avec la bipolarisation de la politique de soutien à l’offre, telle qu’elle se dessine en France depuis plus de 20 ans : -

Le premier axe du soutien français à l’offre est conforme à la stratégie de Lisbonne : il place le soutien à la R&D technologique au cœur de ses objectifs et cible les entreprises, les activités ou parfois les filières, à forte intensité technologique, avec une vision assez formatée des « secteurs porteurs » ou des « secteurs d’avenir ». Le recoupement des secteurs qualifiés de « porteurs » par différents travaux menés au sein de l’administration (Commission Attali, Commission Européenne, Comités stratégiques de la Conférence Nationale de l’Industrie (CNI), Programme d’Investissements d’Avenir ou la Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS)), donnent une idée des secteurs dont le développement est considéré comme stratégique dans les années à venir. Les secteurs liés à l’utilisation des TIC et à l’économie verte, occupent une place de premier plan dans les différentes classifications. Ils ont pour dénominateur commun : l’économie numérique, la santé et les biotechnologies, l’énergie et les éco-industries, le transport (voiture du futur, aéronautique, spatial). A l’appui de cette stratégie les gouvernements successifs ont mis en place un certain nombre de dispositifs dont les plus emblématiques sont le CIR, les pôles de compétitivité, le programme d’investissement d’avenir, la BPI, les 34 plans de reconquête industrielle.

-

Le second axe dérive de la politique de soutien à l’emploi, avec une très forte concentration des aides (notamment à travers les baisses de cotisation employeur à proximité du SMIC), destinée à « solvabiliser » la demande, concernant les services à la personne et à renforcer la profitabilité des activités intenses en emplois peu qualifiés au contact direct de la clientèle.

Le bilan des créations d’emplois en France porte bien la marque de cette ambivalence. On peut y voir la trace d’une certaine efficacité des politiques mises en œuvre, avec une constance qui traverse les alternances politiques. Mais il souligne aussi les limites d’un abord trop cloisonné de l’innovation. Le premier axe de la politique en faveur de l’innovation est souvent critiqué pour concentrer excessivement son soutien sur les grandes entreprises déjà bien établies, matures et dont le poids relatif tend inexorablement à diminuer. Le second axe est critiqué pour mettre excessivement l’accent sur le soutien à la demande et sousestimer le potentiel d’innovation que recèlent ces secteurs en termes d’organisation de l’offre. Les secteurs de services, au contact direct de l’utilisateur, ne sont abordés que comme des déversoirs de l’emploi délaissés par l’industrie. Or, ils sont bien plus que cela. Ce que montre l’identité des entreprises classées dans les500.fr, c’est que le dualisme du système de soutien aux entreprises devient obsolète et sous-estime notamment le gisement de structuration de l’offre, d’augmentation des compétences, de renouvellement des modèles d’affaire, de montée en gamme, de proposition de nouveaux usages que recèlent les activités de services. L’intensité en R&D n’est pas ou plus le marqueur clé du potentiel de développement d’une activité. Les acteurs qui performent en termes de croissance et d’emplois au sein du classement fragilise au final le dogme de la R&D qui est au cœur de la

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stratégie de Lisbonne, selon lequel « R&D = innovation=croissance=emploi ». Ce constat plaide en faveur d’une vision élargie de l’innovation, conforme à l’esprit du rapport Morand9 de 2009.

Directeur de la rédaction : Laurent Faibis, Président de Xerfi Responsable de Xerfi-Synthèse : Olivier Passet, Directeur des synthèses économiques Responsable de la diffusion : Solène Etienne Comité de rédaction : Jean-Baptiste Bellon, Conseiller de Xerfi, Alexandre Boulègue, Directeur d’études Xerfi France, Damien Festor, Directeur de Xerfi France, Aurélien Duthoit, Manager Xerfi Global, Laurent Marty, Directeur général de Xerfi, Pascale Mollo, Chef de projet, Alexandre Mirlicourtois, Directeur de la conjoncture et de la prévision. Société éditrice : Xerfi.com, 13 rue de Calais, 75009 Paris. 01 53 21 81 51, ISSN 17608473 Achevé de rédiger le 16 juin 2014

Relations presse : Sophie

Barrois / Contact : [email protected]

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Pascal Morand et Delphine Manceau (2009), Pour une nouvelle vision de l’innovation, La documentation Française.

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